Language of document : ECLI:EU:C:2013:543

ARRÊT DE LA COUR (cinquième chambre)

12 septembre 2013 (*)

«Marchés publics – Directive 2004/18/CE – Article 1er, paragraphe 9, deuxième alinéa, sous c) – Notion d’‘organisme de droit public’ – Condition portant soit sur le financement de l’activité, soit sur le contrôle de la gestion, soit sur le contrôle de l’activité par l’État, par des collectivités territoriales ou par d’autres organismes de droit public – Ordre professionnel de médecins – Financement prévu par la loi au moyen de cotisations payées par les membres de cet ordre – Montant des cotisations fixé par l’assemblée dudit ordre – Autonomie du même ordre quant à la détermination de l’étendue et des modalités d’exécution de ses missions légales»

Dans l’affaire C‑526/11,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par l’Oberlandesgericht Düsseldorf (Allemagne), par décision du 5 octobre 2011, parvenue à la Cour le 18 octobre 2011, dans la procédure

IVD GmbH & Co. KG

contre

Ärztekammer Westfalen-Lippe,

en présence de:

WWF Druck + Medien GmbH,

LA COUR (cinquième chambre),

composée de M. T. von Danwitz, président de chambre, MM. A. Rosas, E. Juhász, D. Šváby (rapporteur) et C. Vajda, juges,

avocat général: M. P. Mengozzi,

greffier: Mme A. Impellizzeri, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 8 novembre 2012,

considérant les observations présentées:

–        pour IVD GmbH & Co. KG, par Me J. Eggers, Rechtsanwalt,

–        pour l’Ärztekammer Westfalen-Lippe, par Mes S. Gesterkamp et T. Schneider-Lasogga, Rechtsanwälte,

–        pour le gouvernement tchèque, par MM. M. Smolek et T. Müller, en qualité d’agents,

–        pour la Commission européenne, par MM. M. Noll-Ehlers, A. Tokár et C. Zadra, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 30 janvier 2013,

rend le présent

Arrêt

1        La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 1er, paragraphe 9, deuxième alinéa, sous c), de la directive 2004/18/CE du Parlement européen et du Conseil, du 31 mars 2004, relative à la coordination des procédures de passation des marchés publics de travaux, de fournitures et de services (JO L 134, p. 114).

2        Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant IVD GmbH & Co. KG (ci-après «IVD») à l’Ärztekammer Wesfalen-Lippe (Ordre professionnel des médecins de Westphalie-Lippe, ci-après l’«Ärztekammer»), au sujet de la décision de celui-ci d’attribuer un marché à une autre entreprise à la suite d’un appel d’offres.

 Le cadre juridique

 Le droit de l’Union

3        Aux termes de l’article 1er, paragraphe 9, deuxième et troisième alinéas, de la directive 2004/18:

«Par ‘organisme de droit public’, on entend tout organisme:

a)      créé pour satisfaire spécifiquement des besoins d’intérêt général ayant un caractère autre qu’industriel ou commercial;

b)      doté de la personnalité juridique, et

c)      dont soit l’activité est financée majoritairement par l’État, les collectivités territoriales ou d’autres organismes de droit public, soit la gestion est soumise à un contrôle par ces derniers, soit l’organe d’administration, de direction ou de surveillance est composé de membres dont plus de la moitié sont désignés par l’État, les collectivités territoriales ou d’autres organismes de droit public.

Les listes, non exhaustives, des organismes et des catégories d’organismes de droit public qui remplissent les critères énumérés au deuxième alinéa, points a), b) et c), figurent à l’annexe III. [...]»

4        S’agissant de la République fédérale d’Allemagne, ladite annexe mentionne les associations professionnelles, et notamment les ordres des médecins, parmi les collectivités créées par l’État, les Länder ou les autorités locales (partie III, 1.1, deuxième tiret).

 Le droit allemand

5        Aux termes de l’article 6, paragraphe 1, points 1 à 5, de la loi du Land de Rhénanie du Nord-Westphalie relative aux professions de santé (Heilberufsgesetz des Landes Nordrhein-Westfalen, ci-après le «HeilBerG NRW»), l’Ärztekammer a notamment pour mission:

«1.      de soutenir le service public de santé et le service public vétérinaire dans l’accomplissement de leurs tâches, en particulier de formuler des propositions pour toutes les questions concernant les professions de santé et la médecine;

2.      de rendre des avis à la demande de l’autorité de tutelle, ainsi que de produire des expertises et de nommer des experts à la demande des autorités compétentes;

3.      d’assurer un service d’urgence médical et dentaire en dehors des horaires de consultation, d’en assurer la publicité et d’en définir les modalités d’organisation;

4.      d’assurer et de promouvoir la formation professionnelle continue des membres de l’ordre afin de contribuer à ce que les connaissances, aptitudes et compétences nécessaires à l’exercice de leur métier correspondent au dernier état de la pratique et de la science durant toute leur vie professionnelle, de réglementer la formation continue conformément à [cette] loi et de délivrer des attestations relatives aux spécialités; [...]

5.      d’assurer et de promouvoir la qualité des services de santé et vétérinaire, en particulier d’établir des certifications, en concertation avec les intéressés.»

6        Il résulte de la décision de renvoi et du dossier dont dispose la Cour que la même loi:

–        charge également l’Ärztekammer, entre autres, d’œuvrer au maintien d’un niveau élevé de la profession, de défendre les intérêts professionnels de ses membres, de veiller aux bons rapports entre ceux-ci, d’établir en faveur de ses membres et de leurs familles des institutions d’assistance ou encore de renseigner le public au sujet de ses activités et de thèmes liés à la profession (article 6, paragraphe 1, points 6 à 8, 10 et 12);

–        confère la qualité de membre de cet ordre à tous les médecins qui exercent leur profession dans le Land de Rhénanie du Nord‑Westphalie ou qui y disposent d’un lieu de résidence permanent (article 2);

–        confère en principe le droit de vote au sein de l’assemblée dudit ordre à tous les membres de celui-ci (article 12, paragraphe 1);

–        établit le droit, pour l’Ärztekammer, de percevoir des cotisations auprès de ses membres en vue de l’accomplissement de ses missions (article 6, paragraphe 4, première phrase);

–        prévoit que le montant de ces cotisations doit être fixé par un règlement adopté par l’assemblée de cet ordre (article 23, paragraphe 1);

–        soumet ce règlement à l’approbation d’une autorité de tutelle (article 23, paragraphe 2), cette approbation visant uniquement à assurer l’équilibre du budget dudit ordre, et

–        prévoit que l’autorité de tutelle exerce, a posteriori, un contrôle d’ordre général portant sur la conformité avec la législation de la manière dont l’Ärztekammer accomplit ses missions (article 28, paragraphe 1).

 Le litige au principal et la question préjudicielle

7        L’Ärztekammer a lancé un appel d’offres pour l’impression et l’envoi de sa lettre d’information ainsi que le placement d’annonces et la vente d’abonnements, un avis de marché ayant été publié au Journal officiel de l’Union européenne le 5 novembre 2010. Après que deux autres soumissionnaires eurent été écartés, le choix s’est opéré entre IVD et WWF Druck + Medien GmbH, et l’offre de cette dernière a finalement été retenue.

8        IVD a contesté cette attribution dans le cadre d’une réclamation, puis d’un recours devant la Vergabekammer, instance administrative compétente pour connaître des contestations en matière de marchés publics, en faisant valoir que l’adjudicataire n’avait pas présenté certaines références requises par l’Ärztekammer. Elle a été déboutée par cette instance, ses prétentions ayant été déclarées non fondées.

9        Saisi d’un recours contre la décision de ladite instance, l’Oberlandesgericht Düsseldorf (tribunal régional supérieur de Düsseldorf) a décidé d’examiner d’office la question de la qualité de pouvoir adjudicateur de l’Ärztekammer, question dont dépend la recevabilité du recours introduit par IVD.

10      La juridiction de renvoi considère que les missions dont cet ordre est investi par l’article 6, paragraphe 1, points 1 à 5, du HeilBerG NRW sont des missions d’intérêt général ayant un caractère autre qu’industriel ou commercial. Par ailleurs, il ressort du dossier dont la Cour dispose que ledit ordre est doté de la personnalité juridique. Partant, il satisferait aux critères fixés à l’article 1er, paragraphe 9, deuxième alinéa, sous a) et b), de la directive 2004/18.

11      En revanche, cette juridiction s’interroge quant au point de savoir si le droit de percevoir des cotisations de ses membres, dont dispose l’Ärztekammer, constitue un financement étatique indirect satisfaisant à la première condition figurant à l’article 1er, paragraphe 9, deuxième alinéa, sous c), de cette directive.

12      Selon la juridiction de renvoi, il résulte des arrêts du 13 décembre 2007, Bayerischer Rundfunk e.a. (C‑337/06, Rec. p. I‑11173), ainsi que du 11 juin 2009, Hans & Christophorus Oymanns (C‑300/07, Rec. p. I‑4779), qu’un tel financement étatique indirect existe lorsque l’État soit fixe lui‑même la base et le montant des cotisations, soit exerce une influence telle, par des dispositions qui décrivent précisément les prestations que doit fournir la personne morale concernée et qui encadrent la détermination du montant des cotisations, que cette personne morale ne dispose plus que d’une faible marge d’appréciation pour fixer ce montant.

13      Or, cette juridiction relève que la législation applicable ne fixe pas le montant des cotisations perçues par l’Ärztekammer et ne détermine pas l’étendue et les modalités d’exécution des missions assignées à celle-ci d’une manière telle qu’elle ne pourrait fixer le montant des cotisations que dans un cadre étroit. Au contraire, jouissant d’une large marge d’appréciation quant à l’accomplissement de ses missions, cet ordre bénéficie d’une marge d’appréciation semblable quant à la détermination de ses besoins de financement, et donc quant à la fixation du montant des cotisations dues par ses membres. Ladite juridiction relève par ailleurs que, s’il existe un système d’approbation du règlement fixant ce montant par l’autorité de tutelle, cette approbation vise uniquement à s’assurer de l’équilibre du budget dudit ordre.

14      Eu égard à ces éléments spécifiques, la juridiction de renvoi considère que l’Ärztekammer ne remplit pas les caractéristiques relevées par la Cour dans les arrêts mentionnés au point 12 du présent arrêt et se demande si celles-ci sont nécessaires dans tous les cas pour qu’il soit satisfait à la condition relative à l’existence d’un financement public.

15      Dans ce contexte, l’Oberlandesgericht Düsseldorf a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante:

«Un organisme [...] (ici: un ordre professionnel) [...] est-il ‘financ[é] majoritairement par l’État’ ou sa ‘gestion’ est-elle ‘soumise à un contrôle par’ l’État[, au sens de l’article 1er, paragraphe 9, deuxième alinéa, sous c), de la directive 2004/18]:

–        lorsque la loi habilite cet organisme à percevoir une cotisation de ses membres, mais n’en fixe pas le montant ni ne précise l’étendue des prestations que celle-ci est destinée à financer,

–        mais que le barème des taxes et des droits doit être approuvé par l’État?»

 Sur la question préjudicielle

16      Par sa question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 1er, paragraphe 9, deuxième alinéa, sous c), de la directive 2004/18 doit être interprété en ce sens qu’un organisme, tel un ordre professionnel de droit public, remplit soit le critère relatif au financement majoritaire par les pouvoirs publics dès lors que cet organisme est financé majoritairement par les cotisations payées par ses membres, dont la loi applicable l’habilite à fixer et à percevoir le montant, dans l’hypothèse où cette loi ne détermine pas l’étendue et les modalités des actions que ledit organisme entreprend dans le cadre de l’accomplissement de ses missions légales, que ces cotisations sont destinées à financer, soit le critère relatif au contrôle de la gestion par les pouvoirs publics dès lors que la décision par laquelle le même organisme fixe le montant desdites cotisations doit être approuvée par une autorité de tutelle.

17      Il y a lieu de relever d’emblée, à l’instar de la juridiction de renvoi, que l’Ärztekammer est visée à l’annexe III de la directive 2004/18, dans laquelle sont identifiés, pour chaque État membre, les organismes de droit public et catégories d’organismes de droit public visés audit article 1er, paragraphe 9, deuxième alinéa. En effet, dans la partie III de cette annexe, consacrée à la République fédérale d’Allemagne, la catégorie 1.1, qui a trait aux «collectivités de droit public créées par l’État ou les Länder ou les autorités locales», mentionne à son deuxième tiret, relatif à la sous-catégorie «associations professionnelles», notamment «les ordres ou chambres des [...] médecins».

18      Toutefois, comme l’a rappelé M. l’avocat général aux points 20 et 21 de ses conclusions, l’inscription d’un organisme donné à cette annexe ne constitue que la mise en œuvre de la règle de fond énoncée à l’article 1er, paragraphe 9, deuxième alinéa, de la directive 2004/18, sans qu’il en découle une présomption irréfragable que cet organisme constitue un «organisme de droit public» au sens de cette disposition. Partant, il incombe au juge de l’Union, lorsqu’il est saisi d’une demande motivée en ce sens par une juridiction nationale, de s’assurer de la cohérence interne de cette directive en vérifiant si l’inscription d’un organisme à ladite annexe constitue une application correcte de cette règle de fond (voir, en ce sens, arrêt Hans & Christophorus Oymanns, précité, points 42, 43 et 45).

19      À cet égard, conformément à l’article 1er, paragraphe 9, deuxième alinéa, de la directive 2004/18, une entité constitue un «organisme de droit public» au sens de cette disposition et est soumise, à ce titre, aux dispositions de cette directive lorsque trois conditions cumulatives sont remplies, à savoir que cette entité ait été créée pour satisfaire spécifiquement des besoins d’intérêt général ayant un caractère autre qu’industriel ou commercial [point a)], qu’elle soit dotée de la personnalité juridique [point b)] et que son activité soit financée majoritairement par les pouvoirs publics ou que sa gestion soit contrôlée par ces derniers ou que plus de la moitié des membres de son organe d’administration, de direction ou de surveillance soient désignés par les pouvoirs publics [point c)].

20      Les trois critères alternatifs énoncés à l’article 1er, paragraphe 9, deuxième alinéa, sous c), de ladite directive traduisent tous une dépendance étroite à l’égard des pouvoirs publics. En effet, une telle dépendance est susceptible de permettre à ces derniers d’influencer les décisions de l’organisme concerné en matière de marchés publics, ce qui engendre la possibilité que des considérations autres qu’économiques guident ces décisions, et en particulier le risque qu’une préférence soit donnée aux soumissionnaires ou aux candidats nationaux, ce qui créerait des entraves à la libre circulation des services et des marchandises, que l’application des directives relatives aux marchés publics vise précisément à empêcher (voir, s’agissant des dispositions analogues antérieures à la directive 2004/18, arrêt du 1er février 2001, Commission/France, C‑237/99, Rec. p. I‑939, points 39, 41, 42, 44 et 48 ainsi que jurisprudence citée).

21      À la lumière de ces objectifs, chacun de ces critères doit recevoir une interprétation fonctionnelle (voir, s’agissant des dispositions analogues antérieures à la directive 2004/18, arrêts précités Commission/France, point 43 et jurisprudence citée, ainsi que Bayerischer Rundfunk e.a., point 40), c’est-à-dire indépendante des modalités formelles de sa mise en œuvre (voir, par analogie, arrêt du 10 novembre 1998, BFI Holding, C‑360/96, Rec. p. I‑6821, points 62 et 63), et doit être compris comme créant une dépendance étroite à l’égard des pouvoirs publics.

22      S’agissant, tout d’abord, du premier critère énoncé à l’article 1er, paragraphe 9, deuxième alinéa, sous c), de la directive 2004/18, relatif au financement majoritaire par les pouvoirs publics, la notion de financement vise un transfert de moyens financiers opéré sans contrepartie spécifique, dans le but de soutenir les activités de l’entité concernée (voir, quant aux dispositions analogues antérieures à la directive 2004/18, arrêt du 3 octobre 2000, University of Cambridge, C‑380/98, Rec. p. I‑8035, point 21).

23      Cette notion devant recevoir une interprétation fonctionnelle, la Cour a jugé que le critère relatif au financement majoritaire par les pouvoirs publics englobe un mode de financement indirect.

24      Un tel financement peut être opéré au moyen d’une redevance prévue et imposée par la loi quant à son principe et quant à son montant, et qui ne constitue pas la contrepartie de la jouissance effective des services fournis par l’organisme concerné par les personnes qui en sont redevables, et dont les modalités de perception procèdent de prérogatives de puissance publique (voir, en ce sens, arrêt Bayerischer Rundfunk e.a., précité, points 41, 42, 44, 45 et 47 à 49).

25      La circonstance que, formellement, un organisme fixe lui-même le montant des contributions qui assurent son financement majoritaire n’exclut pas qu’il puisse y avoir un financement indirect satisfaisant audit critère. Ainsi en est-il lorsque des organismes tels que des caisses publiques d’assurance sociale sont financées au moyen des cotisations payées par ou pour leurs affiliés, sans contrepartie spécifique, lorsque l’affiliation à une telle caisse ainsi que le paiement de ces cotisations sont rendus obligatoires par la loi, que le taux de ces dernières, bien que formellement fixé par ces caisses elles-mêmes, est, d’une part, juridiquement imposé, la loi déterminant les prestations servies par lesdites caisses de même que les dépenses corrélatives et leur faisant interdiction d’exercer leurs fonctions dans un but lucratif, et doit, d’autre part, être autorisé par l’autorité de tutelle, et que le recouvrement est effectué de manière contraignante sur la base de dispositions de droit public (voir, en ce sens, arrêt Hans & Christophorus Oymanns, précité, points 53 à 56).

26      Il y a lieu, toutefois, de constater que la situation d’un organisme tel que l’Ärztekammer ne peut pas être assimilée à celle décrite au point précédent du présent arrêt.

27      En effet, si les missions de cet organisme sont énumérées par le HeilBerG NRW, il résulte cependant de la décision de renvoi que sa situation est caractérisée par l’importante autonomie que lui laisse cette loi pour déterminer la nature, l’étendue et les modalités d’exécution des actions qu’il entreprend en vue de l’accomplissement de ses missions, partant, pour fixer le budget nécessaire à cette fin et, par voie de conséquence, le montant des cotisations qu’il réclamera à ses membres. La circonstance que le règlement qui fixe ce montant doive être approuvé par une autorité publique de tutelle n’est pas déterminante dès lors que cette autorité se limite à vérifier que le budget de l’organisme concerné est à l’équilibre, c’est-à-dire que ce dernier s’assure, au moyen des cotisations de ses membres et de ses autres ressources, des recettes suffisantes pour couvrir l’ensemble des coûts liés à son fonctionnement selon les modalités qu’il a lui-même arrêtées.

28      Par ailleurs, ainsi que l’a relevé M. l’avocat général aux points 65 et 66 de ses conclusions, cette autonomie par rapport aux pouvoirs publics est encore renforcée en l’occurrence par le fait que ledit règlement est adopté par une assemblée constituée des cotisants eux-mêmes.

29      S’agissant, ensuite, du deuxième critère énoncé à l’article 1er, paragraphe 9, deuxième alinéa, sous c), de la directive 2004/18, relatif au contrôle de la gestion par les pouvoirs publics, il y a lieu de rappeler que, en principe, un contrôle a posteriori ne remplit pas ce critère, dès lors qu’un tel contrôle ne permet pas aux pouvoirs publics d’influencer les décisions de l’organisme concerné en matière de marchés publics (voir, en ce sens, arrêt du 27 février 2003, Adolf Truley, C‑373/00, Rec. p. I‑1931, point 70). Tel est donc le cas, en principe, d’un contrôle général de légalité opéré a posteriori par une autorité de tutelle et, a fortiori, d’une intervention de cette autorité sous la forme d’une approbation de la décision de cet organisme fixant le montant des cotisations qui assurent l’essentiel de son financement, qui se limite à vérifier que le budget dudit organisme est à l’équilibre.

30      Il apparaît dès lors que, bien que la loi détermine ses missions ainsi que la manière dont son financement majoritaire doit être organisé, d’une part, et prévoie que la décision par laquelle il fixe le montant des cotisations dues par ses membres doit être approuvée par une autorité de tutelle, d’autre part, un organisme tel que l’Ärztekammer dispose concrètement d’une autonomie organisationnelle et budgétaire qui s’oppose à ce qu’il soit considéré comme se trouvant dans un état de dépendance étroite vis-à-vis des pouvoirs publics. Partant, les modalités de financement d’un tel organisme ne constituent pas un financement majoritaire par les pouvoirs publics et ne permettent pas un contrôle de la gestion de cet organisme par ceux-ci.

31      Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de répondre à la question posée que l’article 1er, paragraphe 9, deuxième alinéa, sous c), de la directive 2004/18 doit être interprété en ce sens qu’un organisme, tel un ordre professionnel de droit public, ne remplit ni le critère relatif au financement majoritaire par les pouvoirs publics lorsque cet organisme est financé majoritairement par les cotisations payées par ses membres, dont la loi l’habilite à fixer et à percevoir le montant, dans le cas où cette loi ne détermine pas l’étendue et les modalités des actions que ledit organisme entreprend dans le cadre de l’accomplissement de ses missions légales, que ces cotisations sont destinées à financer, ni le critère relatif au contrôle de la gestion par les pouvoirs publics du seul fait que la décision par laquelle le même organisme fixe le montant desdites cotisations doit être approuvée par une autorité de tutelle.

 Sur les dépens

32      La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (cinquième chambre) dit pour droit:

L’article 1er, paragraphe 9, deuxième alinéa, sous c), de la directive 2004/18/CE du Parlement européen et du Conseil, du 31 mars 2004, relative à la coordination des procédures de passation des marchés publics de travaux, de fournitures et de services, doit être interprété en ce sens qu’un organisme, tel un ordre professionnel de droit public, ne remplit ni le critère relatif au financement majoritaire par les pouvoirs publics lorsque cet organisme est financé majoritairement par les cotisations payées par ses membres, dont la loi l’habilite à fixer et à percevoir le montant, dans le cas où cette loi ne détermine pas l’étendue et les modalités des actions que ledit organisme entreprend dans le cadre de l’accomplissement de ses missions légales, que ces cotisations sont destinées à financer, ni le critère relatif au contrôle de la gestion par les pouvoirs publics du seul fait que la décision par laquelle le même organisme fixe le montant desdites cotisations doit être approuvée par une autorité de tutelle.

Signatures


* Langue de procédure: l’allemand.