Language of document : ECLI:EU:C:2015:24

ARRÊT DE LA COUR (troisième chambre)

22 janvier 2015 (*)

«Renvoi préjudiciel – Réseaux et services de communications électroniques – Directive 2002/20/CE – Article 5, paragraphe 6 – Droits d’utilisation de radiofréquences et de numéros – Directive 2002/21/CE – Article 4, paragraphe 1 – Droit de recours contre une décision d’une autorité réglementaire nationale – Notion d’ʻentreprise affectée par une décision prise par une autorité réglementaire nationaleʼ – Article 9 ter – Cession des droits individuels d’utilisation de radiofréquences – Réattribution des droits d’utilisation de radiofréquences à la suite de la fusion de deux entreprises»

Dans l’affaire C‑282/13,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Verwaltungsgerichtshof (Autriche), par décision du 24 avril 2013, parvenue à la Cour le 24 mai 2013, dans la procédure

T‑Mobile Austria GmbH

contre

Telekom-Control-Kommission,

en présence de:

Hutchison Drei Austria Holdings GmbH, anciennement Hutchison 3G Austria Holdings GmbH,

Hutchison Drei Austria GmbH, anciennement Hutchison 3G Austria GmbH et Orange Austria Telecommunication GmbH,

Stubai SCA,

Orange Belgium SA,

A1 Telekom Austria AG,

Bundesministerin für Verkehr, Innovation und Technologie,

LA COUR (troisième chambre),

composée de M. Ilešič, président de chambre, M. A. Ó Caoimh, Mme C. Toader, MM. E. Jarašiūnas (rapporteur) et C. G. Fernlund, juges,

avocat général: M. M. Szpunar,

greffier: M. I. Illéssy, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 15 mai 2014,

considérant les observations présentées:

–        pour T‑Mobile Austria GmbH, par Me E. Lichtenberger, Rechtsanwalt,

–        pour la Telekom-Control-Kommission, par Me W. Feiel, Rechtsanwalt,

–        pour Hutchison Drei Austria Holdings GmbH et Hutchison Drei Austria GmbH, par Me B. Burtscher, Rechtsanwalt,

–        pour A1 Telekom Austria AG, par Mes H. Kristoferitsch et S. Huber, Rechtsanwälte,

–        pour le gouvernement autrichien, par M. A. Posch, en qualité d’agent,

–        pour la Commission européenne, par M. G. Braun et Mme L. Nicolae, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 9 septembre 2014,

rend le présent

Arrêt

1        La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation des articles 4 et 9 ter de la directive 2002/21/CE du Parlement européen et du Conseil, du 7 mars 2002, relative à un cadre réglementaire commun pour les réseaux et services de communications électroniques (directive «cadre») (JO L 108, p. 33), telle que modifiée par la directive 2009/140/CE du Parlement européen et du Conseil, du 25 novembre 2009 (JO L 337, p. 37, ci-après la «directive-cadre»), et de l’article 5, paragraphe 6, de la directive 2002/20/CE du Parlement européen et du Conseil, du 7 mars 2002, relative à l’autorisation de réseaux et de services de communications électroniques (directive «autorisation») (JO L 108, p. 21), telle que modifiée par la directive 2009/140 (ci-après la «directive ‘autorisation’»).

2        Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant T‑Mobile Austria GmbH (ci-après «T‑Mobile Austria») à la Telekom-Control-Kommission (commission de contrôle des télécommunications, ci-après la «TCK») au sujet du refus de cette dernière de lui reconnaître la qualité de partie dans le cadre d’une procédure d’autorisation de la modification de la structure de l’actionnariat résultant du rachat d’Orange Austria Telecommunication GmbH (ci-après «Orange») par Hutchison 3G Austria GmbH, devenue Hutchison Drei Austria GmbH (ci-après «Hutchison Drei Austria»), ainsi que la possibilité de former un recours contre la décision de la TCK prise à l’issue de cette procédure.

 Le cadre juridique

 Le droit de l’Union

3        L’article 4 de la directive-cadre, intitulé «Droit de recours», dispose à son paragraphe 1:

«Les États membres veillent à ce que des mécanismes efficaces permettent, au niveau national, à tout utilisateur ou à toute entreprise qui fournit des réseaux et/ou des services de communications électroniques, et qui est affecté par une décision prise par une autorité réglementaire nationale [ci-après les ‘ARN’], d’introduire un recours auprès d’un organisme indépendant des parties intéressées. Cet organisme, qui peut être un tribunal, dispose des compétences appropriées pour être à même d’exercer ses fonctions efficacement. Les États membres veillent à ce que le fond de l’affaire soit dûment pris en considération et à ce qu’il existe un mécanisme de recours efficace.

[...]»

4        L’article 8 de la directive-cadre, intitulé «Objectifs généraux et principes réglementaires», énonce à son paragraphe 2:

«Les [ARN] promeuvent la concurrence dans la fourniture des réseaux de communications électroniques, des services de communications électroniques et des ressources et services associés, notamment:

[...]

b)      en veillant à ce que la concurrence ne soit pas faussée ni entravée dans le secteur des communications électroniques, y compris pour la transmission de contenu;

[...]

d)      en encourageant l’utilisation et la gestion efficaces des radiofréquences et des ressources de numérotation.»

5        Aux termes de l’article 9 ter de la directive-cadre, intitulé «Cession ou location des droits individuels d’utilisation de radiofréquences»:

«1.      Les États membres veillent à ce que les entreprises puissent céder ou louer à d’autres entreprises conformément aux conditions relatives aux droits d’utilisation des radiofréquences et conformément aux procédures nationales leurs droits individuels d’utilisation de radiofréquences dans les bandes pour lesquelles ce cas de figure est prévu dans les mesures d’application adoptées conformément au paragraphe 3.

Dans les autres bandes, les États membres peuvent aussi prévoir la possibilité, pour les entreprises, de céder ou de louer leurs droits individuels d’utilisation de radiofréquences à d’autres entreprises conformément aux procédures nationales.

[...]

2.      Les États membres veillent à ce que l’intention d’une entreprise de céder des droits d’utilisation de radiofréquences, ainsi que la cession effective desdits droits, soient notifiées, conformément aux procédures nationales, à l’autorité nationale compétente responsable de l’octroi des droits individuels d’utilisation, et soient rendues publiques. [...]

[...]»

6        L’article 5 de la directive «autorisation», intitulé «Droits d’utilisation de radiofréquences et de numéros», dispose à ses paragraphes 2 et 6:

«2.      [...]

Sans préjudice des critères et procédures particuliers adoptés par les États membres pour octroyer le droit d’utilisation des radiofréquences à des fournisseurs de services de contenus de radio ou de télédiffusion en vue de poursuivre des objectifs d’intérêt général conformément à la législation communautaire, les droits d’utilisation de radiofréquences et de numéros sont octroyés par le biais de procédures ouvertes, objectives, transparentes, non discriminatoires et proportionnées et, dans le cas des radiofréquences, conformément aux dispositions de l’article 9 de la [directive-cadre]. Les procédures peuvent, exceptionnellement, ne pas être ouvertes lorsque l’octroi de droits individuels d’utilisation de radiofréquences aux fournisseurs de services de contenus de radio ou de télédiffusion est nécessaire à la réalisation d’un objectif d’intérêt général défini par les États membres conformément à la législation communautaire.

Lorsqu’ils octroient des droits d’utilisation, les États membres précisent si ces droits peuvent être cédés par leur titulaire, et à quelles conditions. Dans le cas des radiofréquences, cette disposition est conforme aux articles 9 et 9 ter de la [directive-cadre].

[...]

6.      Les autorités nationales compétentes veillent à ce que les radiofréquences soient effectivement et efficacement utilisées conformément à l’article 8, paragraphe 2, et à l’article 9, paragraphe 2, de la [directive-cadre]. Elles veillent aussi à ce que la concurrence ne soit pas faussée du fait d’une cession ou de l’accumulation de droits d’utilisation de radiofréquences. À cet effet, les États membres peuvent prendre des mesures appropriées comme l’obligation de vente ou de location des droits d’utilisation de radiofréquences.»

 Le droit autrichien

7        L’article 8 de la loi générale sur la procédure administrative (Allgemeines Verwaltungsverfahrensgesetz) énonce:

«Les personnes qui ont recours à une activité de l’autorité ou auxquelles cette activité se rapporte sont des intéressés; dans la mesure où elles disposent, à l’égard de l’objet de cette activité, d’un droit ou d’un intérêt juridique, elles sont des parties.»

8        L’article 54 de la loi sur les télécommunications de 2003 (Telekommunikationsgesetz 2003, BGBl. I, 70/2003, ci-après le «TKG 2003»), intitulé «Attribution de fréquences», dispose à son paragraphe 1:

«L’attribution de fréquences se fait selon le plan d’utilisation et d’attribution des fréquences en fonction de critères objectifs, transparents, non discriminatoires et proportionnés, sur la base de procédures transparentes et objectives et dans le respect de la neutralité du point de vue technologique et à l’égard des services.»

9        L’article 55 du TKG 2003, intitulé «Attribution de fréquences par l’autorité réglementaire», est libellé comme suit:

«1)      L’[ARN] doit attribuer les fréquences qui lui ont été cédées au candidat remplissant les conditions générales visées au paragraphe 2, deuxième ligne, et garantissant l’utilisation la plus efficace des fréquences. [...]

2)      L’[ARN] doit effectuer l’attribution des fréquences conformément aux principes d’une procédure ouverte, équitable et non discriminatoire et de l’efficacité économique. L’attribution envisagée doit reposer sur un appel d’offres public

1.      si un besoin a été constaté d’office ou

2.      sur demande et si l’[ARN] considère que le candidat est en mesure de remplir les conditions liées au droit d’utilisation des fréquences. [...]

[...]

8)      Les candidats forment une communauté dans la procédure d’attribution. [...]

[...]»

10      L’article 56 du TKG 2003, intitulé «Cession de fréquences, modification de l’actionnariat», prévoit:

«1)      La cession de droits d’utilisation de fréquences qui ont été attribués par l’[ARN] requiert l’autorisation préalable de cette dernière. L’[ARN] doit publier la demande d’autorisation relative à la cession des droits d’utilisation de fréquences ainsi que la décision y afférente. L’[ARN] doit prendre sa décision en évaluant au cas par cas l’impact, notamment technique, d’une cession sur la concurrence. L’autorisation peut être assortie d’obligations, dans la mesure où celles-ci sont nécessaires pour éviter toute atteinte à la concurrence. Il convient en tout cas de refuser l’autorisation lorsque, malgré l’imposition d’obligations, la cession risque de porter atteinte à la concurrence.

1a)      S’il s’avère, dans le cadre de la cession de droits d’utilisation de fréquences, qu’une modification de la nature et de l’étendue de l’utilisation des fréquences s’impose pour éviter toute répercussion technique négative sur la concurrence, cette modification doit être effectuée conformément aux dispositions de l’article 57.

2)      Les modifications essentielles de l’actionnariat des entreprises, auxquelles les droits d’utilisation de fréquences ont été attribués dans le cadre d’une procédure au titre de l’article 55, requièrent l’autorisation préalable de l’[ARN]. Le paragraphe 1, de la troisième à la dernière phrase, est applicable mutatis mutandis.

[...]»

11      L’article 57 du TKG 2003, intitulé «Modification de l’attribution des fréquences», dispose à son paragraphe 4:

«À la demande du titulaire des droits, l’[ARN] peut (article 54, paragraphe 3) modifier l’utilisation des fréquences prescrite. [...]»

 Le litige au principal et la question préjudicielle

12      Il ressort du dossier dont dispose la Cour que le litige au principal intervient dans le cadre de l’opération de rachat d’Orange, appartenant à Stubai SCA et à Orange Belgium SA, par Hutchison Drei Austria. A1 Telekom Austria AG (ci-après «A1 Telekom Austria») était impliquée dans cette opération en tant que cessionnaire de certains droits d’utilisation de radiofréquences détenus par la nouvelle entité qui résulte de ce rachat.

13      Le 7 mai 2012, ladite opération entre Hutchison Drei Austria et Orange, qui constituait une concentration au sens de l’article 3, paragraphe 1, sous b), du règlement (CE) nº 139/2004 du Conseil, du 20 janvier 2004, relatif au contrôle des concentrations entre entreprises («le règlement CE sur les concentrations») (JO L 24, p. 1), a été notifiée à la Commission européenne.

14      Le 23 mai 2012, conformément à l’article 56, paragraphe 2, du TKG 2003, Hutchison Drei Austria et Orange ont saisi la TCK d’une demande d’autorisation de modification de la structure de leur actionnariat qui résultera de cette concentration.

15      Le 9 juillet 2012, A1 Telekom Austria, Hutchison Drei Austria et Orange ont saisi la TCK d’une demande d’autorisation de la cession de certaines fréquences conformément à l’article 56, paragraphe 1, du TKG 2003.

16      Le 10 juillet 2012, dans le cadre de la procédure introduite le 23 mai 2012 par Hutchison Drei Austria et Orange, T‑Mobile Austria a présenté des observations à la TCK dans lesquelles elle a exprimé ses doutes concernant le rachat d’Orange par Hutchison Drei Austria et la modification de la structure de leur actionnariat. Elle a demandé que des obligations soient imposées à ces sociétés afin d’éviter toute atteinte à la concurrence.

17      Le 10 décembre 2012, T‑Mobile Austria a demandé à la TCK de reconnaître sa qualité de partie dans cette procédure, au sens de l’article 8 de la loi générale sur la procédure administrative. À cet égard, elle a sollicité, d’une part, le droit d’être entendue de façon formelle dans le cadre de ladite procédure, de recevoir notification des mémoires des demandeurs, des expertises, des procès-verbaux d’audience et de la décision finale et, d’autre part, d’avoir la possibilité de former un recours contre cette décision.

18      Par une décision du 12 décembre 2012, la Commission a autorisé la concentration envisagée par lesdites entreprises et a assorti cette autorisation de certains engagements. Dans le cadre de cette procédure, T‑Mobile Austria a été autorisée à assister à l’audition en tant que tiers intéressé et a participé à la consultation des acteurs du marché qui a eu lieu au sujet des engagements d’Hutchison Drei Austria.

19      Le 13 décembre 2012, la TCK a également autorisé la modification de la structure de l’actionnariat demandée par Hutchison Drei Austria et Orange, à condition, notamment, que les conditions fixées par la décision de la Commission soient satisfaites et que ces entreprises cèdent certains droits d’utilisation de radiofréquences à A1 Telekom Austria. La TCK a ainsi autorisé la cession de droits d’utilisation de radiofréquences d’Hutchison Drei Austria et d’Orange à A1 Telekom Austria. De plus, elle a rejeté la demande de T‑Mobile Austria de se voir reconnaître la qualité de partie dans la procédure d’autorisation de modification de la structure de l’actionnariat d’Hutchison Drei Austria et d’Orange.

20      Dans sa décision rejetant cette dernière demande de T‑Mobile Austria, la TCK a considéré que ni la législation nationale ni le droit de l’Union n’imposent qu’une entreprise fournissant des réseaux ou des services de communications électroniques et craignant que la modification de la structure de l’actionnariat d’entreprises concurrentes porte atteinte à sa situation économique ait la qualité de partie à la procédure visant à l’autorisation de cette modification.

21      T‑Mobile Austria a formé un recours contre cette décision de la TCK devant le Verwaltungsgerichtshof (Cour administrative). À l’appui de ce recours, elle fait valoir que, dans le cadre d’une procédure d’autorisation, par l’ARN, de la modification de la structure de l’actionnariat d’entreprises ou de la cession de droits d’utilisation de radiofréquences par l’ARN, un concurrent disposant lui-même de droits d’utilisation de radiofréquences doit être considéré comme affecté au sens de l’article 4, paragraphe 1, de la directive-cadre. Elle invoque, à cet égard, l’arrêt Tele2 Telecommunication (C‑426/05, EU:C:2008:103).

22      La juridiction de renvoi se demande si T‑Mobile Austria, titulaire de droits d’utilisation de radiofréquences, doit être considérée comme affectée, au sens de l’article 4, paragraphe 1, de la directive-cadre, par une décision adoptée dans le cadre d’une procédure d’autorisation de modification de la structure de l’actionnariat résultant de la fusion-acquisition d’autres entreprises fournissant des réseaux ou des services de communications électroniques. Elle expose que, conformément à son arrêt prononcé le 26 mars 2008, la qualité de partie à cette procédure, au sens de l’article 8 de la loi générale sur la procédure administrative, devrait être reconnue à T‑Mobile Austria si celle-ci devait être considérée comme affectée au sens de cette disposition.

23      La juridiction de renvoi relève que, à première vue, ladite procédure ne confère pas directement de droits à une entreprise tierce dont la situation juridique reste inchangée dans la mesure où celle-ci peut continuer à utiliser de la même manière les radiofréquences qui lui ont déjà été attribuées. Cependant, il ne saurait être exclu, selon elle, que la requérante doive, en tant que titulaire de droits d’utilisation de radiofréquences, être considérée comme affectée au sens de l’article 4, paragraphe 1, de la directive-cadre.

24      En effet, la juridiction de renvoi observe que, dans une procédure visant à modifier la structure de l’actionnariat d’entreprises titulaires de droits d’utilisation de radiofréquences, des mesures appropriées d’accompagnement peuvent s’imposer pour éviter toute distorsion de concurrence due à l’attribution de ces droits, l’article 5, paragraphe 6, dernière phrase, de la directive «autorisation» citant expressément la «vente [...] des droits d’utilisation de radiofréquences». C’est précisément ce qui s’est produit, observe-t-elle, en l’espèce, puisque, le rachat d’Orange par Hutchison Drei Austria faisant craindre une telle distorsion de concurrence, la TCK a estimé nécessaire que cette dernière cède une partie de ses droits d’utilisation de radiofréquences à une autre entreprise. Or, selon la juridiction de renvoi, une telle obligation affecte non seulement la position juridique de l’entreprise titulaire des droits d’utilisation qui doivent être cédés et celle de l’acquéreur de ces droits, mais aussi celle des autres entreprises disposant déjà de droits d’utilisation de radiofréquences, telles que T‑Mobile Austria, qui sont des acquéreurs potentiels ou qui voient leur quote-part respective de radiofréquences modifiée du fait de la fusion ainsi que de la cession partielle des droits d’utilisation de radiofréquences à une autre entreprise imposée pour atténuer l’impact négatif de cette fusion sur la concurrence.

25      La juridiction de renvoi ajoute que, dans le cadre de la première attribution des radiofréquences par l’ARN, les candidats forment une communauté dans la procédure et cette attribution des radiofréquences doit être effectuée dans le respect des principes d’une procédure ouverte, équitable et non discriminatoire énoncés à l’article 5, paragraphe 2, de la directive «autorisation». Toute cession ultérieure des droits d’utilisation de radiofréquences, qu’elle soit contractuelle ou ordonnée par l’ARN en vertu de l’article 5, paragraphe 6, de cette directive, venant modifier cette attribution devrait dès lors également obéir à ces principes.

26      C’est dans ces conditions que le Verwaltungsgerichtshof a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante:

«Les articles 4 et 9 ter de la directive-cadre et l’article 5, paragraphe 6, de la directive ‘autorisation’ doivent-ils être interprétés en ce sens qu’ils reconnaissent à un concurrent dans une procédure nationale prévue à l’article 5, paragraphe 6, de la directive ‘autorisation’ la qualité de partie ‘affectée’ au sens de l’article 4, paragraphe 1, de la directive-cadre?»

27      Par ordonnance du président de la Cour du 30 septembre 2013, la demande de la juridiction de renvoi visant à soumettre le présent renvoi préjudiciel à la procédure accélérée prévue à l’article 23 bis du statut de la Cour de justice de l’Union européenne et à l’article 105 du règlement de procédure de la Cour a été rejetée.

 Sur la question préjudicielle

28      Par sa question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si les articles 4, paragraphe 1, et 9 ter de la directive-cadre ainsi que l’article 5, paragraphe 6, de la directive «autorisation» doivent être interprétés en ce sens qu’une entreprise titulaire de droits d’utilisation de radiofréquences et concurrente des parties à une procédure d’autorisation de cession de droits d’utilisation de radiofréquences prévue à cet article 5, paragraphe 6, peut être qualifiée de personne affectée par une décision prise par une ARN dans le cadre de cette procédure, au sens de l’article 4, paragraphe 1, de la directive-cadre et, en conséquence, se voir reconnaître le droit de participer à ladite procédure.

29      T‑Mobile Austria et la Commission font valoir que cette question appelle une réponse affirmative. Hutchison Drei Austria, Hutchison Drei Austria Holdings GmbH, A1 Telekom Austria et le gouvernement autrichien, en revanche, soutiennent qu’elle appelle une réponse négative, en précisant notamment que l’article 5, paragraphe 6, de la directive «autorisation» ne crée à l’adresse d’une entreprise qui n’est pas partie à la procédure de cession de droits d’utilisation de radiofréquences prévue à cette disposition aucun droit à participer à cette procédure.

30      L’article 4, paragraphe 1, de la directive-cadre dispose que les «États membres doivent veiller à ce que des mécanismes efficaces permettent, au niveau national, à tout utilisateur, ou à toute entreprise qui fournit des réseaux et/ou des services de communications électroniques, et qui est affecté par une décision prise par une [ARN], d’introduire un recours auprès d’un organisme indépendant des parties intéressées».

31      La notion d’utilisateur ou d’entreprise affecté par une décision prise par une ARN n’est toutefois pas définie dans la directive-cadre.

32      Conformément à une jurisprudence constante, il y a lieu, pour l’interprétation d’une disposition du droit de l’Union, de tenir compte non seulement des termes de cette disposition, mais également de son contexte et des objectifs poursuivis par la réglementation dont elle fait partie [voir, en ce sens, arrêts Tele2 Telecommunication, EU:C:2008:103, point 27, ainsi que The Number (UK) et Conduit Enterprises, C‑16/10, EU:C:2011:92, point 28 et jurisprudence citée].

33      À cet égard, il y a lieu de rappeler que la Cour a déjà jugé que l’article 4 de la directive-cadre constitue une émanation du principe de protection juridictionnelle effective en vertu duquel il incombe aux juridictions des États membres d’assurer la protection juridictionnelle des droits que les justiciables tirent du droit de l’Union (voir, en ce sens, arrêt Tele2 Telecommunication, EU:C:2008:103, point 30 et jurisprudence citée).

34      Dans l’hypothèse visée à l’article 4 de la directive-cadre, les États membres sont donc obligés de prévoir un recours devant un organisme juridictionnel afin de protéger les droits que les utilisateurs et les entreprises tirent de l’ordre juridique de l’Union. Il s’ensuit que l’impératif de conférer une protection juridictionnelle effective, dont procède l’article 4 de la directive-cadre, doit s’appliquer également aux utilisateurs et aux entreprises qui peuvent tirer des droits de l’ordre juridique de l’Union, notamment des directives sur les communications électroniques, et qui sont atteints dans ces droits par une décision d’une ARN (arrêt Tele2 Telecommunication, EU:C:2008:103, points 31 et 32).

35      Au vu de ces éléments, la Cour a jugé, dans le cadre d’une affaire relative à la procédure d’analyse de marché prévue à l’article 16 de la directive-cadre, que les entreprises concurrentes d’une entreprise puissante sur le marché pertinent, en tant que bénéficiaires potentiels des droits correspondant aux obligations réglementaires spécifiques imposées par une ARN à cette entreprise puissante, peuvent être considérées comme étant affectées, au sens de l’article 4, paragraphe 1, de la directive-cadre, par les décisions de cette autorité qui modifient ou suppriment lesdites obligations (voir, en ce sens, arrêt Tele2 Telecommunication, EU:C:2008:103, point 36).

36      Par ailleurs, la Cour a relevé que, les ARN ayant l’obligation, conformément à l’article 8, paragraphe 2, de la directive-cadre, de promouvoir la concurrence dans la fourniture des réseaux de communications électroniques, des services de communications électroniques ainsi que des ressources et des services associés, notamment en veillant à ce que la concurrence ne soit pas faussée ni entravée dans le secteur des communications électroniques, une interprétation stricte de l’article 4, paragraphe 1, de la directive-cadre, selon laquelle cette disposition ne conférerait pas un droit de recours à des personnes autres que les destinataires des décisions des ARN, serait difficilement compatible avec les objectifs généraux et les principes réglementaires découlant, pour les ARN, de l’article 8 de ladite directive, et, en particulier, avec l’objectif de promotion de la concurrence (voir, en ce sens, arrêt Tele2 Telecommunication, EU:C:2008:103, points 37 et 38).

37      Ainsi que M. l’avocat général l’a relevé au point 74 de ses conclusions, l’article 4, paragraphe 1, de la directive-cadre vise notamment toute entreprise qui fournit des réseaux ou des services de communications électroniques. Il y a donc lieu de considérer que cette disposition vise tant le destinataire de la décision en cause que les autres entreprises qui fournissent des réseaux ou des services de communications électroniques et qui peuvent être des concurrents de ce destinataire, pour autant que la décision en cause est susceptible d’avoir une incidence sur leur position sur le marché.

38      Il convient également de relever que l’article 8, paragraphe 2, de la directive-cadre assigne aux États membres l’obligation d’assurer que les ARN prennent toutes les mesures raisonnables visant à promouvoir la concurrence dans la fourniture des services de communications électroniques, en veillant à ce que la concurrence ne soit pas faussée ni entravée dans le secteur des communications électroniques et en supprimant les derniers obstacles à la fourniture desdits services (voir, en ce sens, arrêts Centro Europa 7, C‑380/05, EU:C:2008:59, point 81, ainsi que Commission/Pologne, C‑227/07, EU:C:2008:620, points 62 et 63).

39      Il y a lieu, dès lors, de considérer qu’une entreprise, telle que T‑Mobile Austria, peut être considérée comme étant affectée, au sens de l’article 4, paragraphe 1, de la directive-cadre, par une décision d’une ARN adoptée dans le cadre d’une procédure prévue par les directives sur les communications électroniques lorsqu’une telle entreprise, qui fournit des réseaux ou des services de communications électroniques, est un concurrent de l’entreprise ou des entreprises destinataires de la décision de l’ARN, que l’ARN se prononce dans le cadre d’une procédure qui vise à sauvegarder la concurrence et que la décision en cause est susceptible d’avoir une incidence sur la position de cette première entreprise sur le marché.

40      En l’occurrence, la question posée par la juridiction de renvoi concerne les droits d’un concurrent dans le cadre d’une procédure d’autorisation de modification de la structure de l’actionnariat d’entreprises concurrentes, laquelle entraîne une cession de radiofréquences des entreprises y participant et, par conséquent, une modification de la répartition des radiofréquences entre les entreprises actives sur le marché. Il est constant qu’il s’agit d’une procédure menée par la TCK en vertu de l’article 56, paragraphe 2, du TKG 2003, qui transpose en droit autrichien l’article 5, paragraphe 6, de la directive «autorisation», portant sur la cession de droits d’utilisation de radiofréquences.

41      Il convient dès lors de déterminer si les décisions qu’une ARN est amenée à prendre en vertu de l’article 5, paragraphe 6, de la directive «autorisation» visent à sauvegarder la concurrence et si de telles décisions sont susceptibles d’avoir une incidence sur la position sur le marché d’une entreprise qui fournit des réseaux ou des services de communications électroniques et est concurrente du ou des destinataires de ces décisions.

42      S’agissant des procédures relatives à la cession de droits d’utilisation de radiofréquences, l’article 9 ter, paragraphe 1, de la directive-cadre impose aux États membres de veiller à ce que les entreprises puissent céder à d’autres entreprises, conformément aux conditions relatives aux droits d’utilisation des radiofréquences et conformément aux procédures nationales, leurs droits individuels d’utilisation de radiofréquences.

43      Selon l’article 5, paragraphe 2, deuxième alinéa, de la directive «autorisation», lors de la première attribution des droits d’utilisation de radiofréquences, les États membres doivent assurer que ces droits soient octroyés au moyen de procédures ouvertes, objectives, transparentes, non discriminatoires et proportionnées ainsi que conformément aux dispositions de l’article 9 de la directive-cadre.

44      En outre, l’article 5, paragraphe 6, de la directive «autorisation» impose aux ARN, notamment, une obligation de veiller à ce que la concurrence ne soit pas faussée du fait d’une cession ou de l’accumulation de droits d’utilisation de radiofréquences.

45      En particulier, ainsi qu’il a été rappelé au point 38 du présent arrêt, l’article 8, paragraphe 2, de la directive-cadre assigne aux États membres l’obligation d’assurer que les ARN prennent toutes les mesures raisonnables visant à promouvoir la concurrence dans la fourniture des services de communications électroniques, en veillant à ce que la concurrence ne soit pas faussée ni entravée dans le secteur des communications électroniques et en supprimant les derniers obstacles à la fourniture desdits services.

46      Il s’ensuit que la procédure de cession de droits d’utilisation de radiofréquences relevant notamment de l’article 5, paragraphe 6, de la directive «autorisation», et donc la procédure devant la TCK qui fait l’objet du litige au principal, vise à sauvegarder la concurrence.

47      Par ailleurs, ainsi qu’il ressort de la décision de renvoi, la requérante au principal, à savoir T‑Mobile Austria, est en concurrence directe avec les parties à l’opération de cession des fréquences, à savoir Orange, Hutchison Drei Austria et A1 Telekom Austria, sur le marché des services de communications électroniques. Elle doit donc être considérée comme étant affectée par une décision d’une ARN, telle que celle en cause au principal, dès lors que la cession des droits d’utilisation de radiofréquences d’Orange et de Hutchison Drei Austria à A1 Telekom Austria modifie les quotes-parts respectives de la dotation en radiofréquences de ces entreprises et a, par conséquent, une incidence sur la position de T‑Mobile Austria sur ledit marché.

48      Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de répondre à la question posée que les articles 4, paragraphe 1, et 9 ter de la directive-cadre ainsi que l’article 5, paragraphe 6, de la directive «autorisation» doivent être interprétés en ce sens qu’une entreprise, dans des circonstances telles que celles en cause au principal, peut être qualifiée de personne affectée, au sens de l’article 4, paragraphe 1, de la directive-cadre, dès lors que cette entreprise, qui fournit des réseaux ou des services de communications électroniques, est un concurrent de l’entreprise ou des entreprises parties à une procédure d’autorisation de cession de droits d’utilisation de radiofréquences prévue à cet article 5, paragraphe 6, et destinataires de la décision de l’ARN, et que cette décision est susceptible d’avoir une incidence sur la position de cette première entreprise sur le marché.

 Sur les dépens

49      La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (troisième chambre) dit pour droit:

Les articles 4, paragraphe 1, et 9 ter de la directive 2002/21/CE du Parlement européen et du Conseil, du 7 mars 2002, relative à un cadre réglementaire commun pour les réseaux et services de communications électroniques (directive «cadre»), telle que modifiée par la directive 2009/140/CE du Parlement européen et du Conseil, du 25 novembre 2009, ainsi que l’article 5, paragraphe 6, de la directive 2002/20/CE du Parlement européen et du Conseil, du 7 mars 2002, relative à l’autorisation de réseaux et de services de communications électroniques (directive «autorisation»), telle que modifiée par la directive 2009/140, doivent être interprétés en ce sens qu’une entreprise, dans des circonstances telles que celles en cause au principal, peut être qualifiée de personne affectée, au sens de l’article 4, paragraphe 1, de la directive 2002/21, telle que modifiée par la directive 2009/140, dès lors que cette entreprise, qui fournit des réseaux ou des services de communications électroniques, est un concurrent de l’entreprise ou des entreprises parties à une procédure d’autorisation de cession de droits d’utilisation de radiofréquences prévue à cet article 5, paragraphe 6, et destinataires de la décision de l’autorité réglementaire nationale, et que cette décision est susceptible d’avoir une incidence sur la position de cette première entreprise sur le marché.

Signatures


* Langue de procédure: l’allemand.