Language of document : ECLI:EU:C:2015:45

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. PEDRO CRUZ VILLALÓN

présentées le 29 janvier 2015 (1)

Affaire C‑1/14

Base Company NV, anciennement KPN Group Belgium NV,

et

Mobistar NV

contre

Ministerraad

[demande de décision préjudicielle formée par le Grondwettelijk Hof (Belgique)]

«Directive 2002/22/CE – Articles 9 et 32 – Communications électroniques – Réseaux et services – Service universel et droits des utilisateurs – Obligations de service social – Services obligatoires additionnels»





1.        Le législateur belge, à la suite des arrêts rendus par la Cour de justice dans les affaires Commission/Belgique (2) et Base e.a. (3), a adopté une législation dont la compatibilité avec la directive 2002/22/CE (4) est mise en doute. C’est dans ce contexte que le Grondwettelijk Hof (Belgique) demande à la Cour de justice de lui indiquer si le législateur national peut inclure les services de téléphonie mobile et les communications électroniques (Internet) dans la catégorie «service universel» de cette directive. Cette juridiction s’interroge, en outre, sur la validité de la directive «service universel» du fait d’une possible violation de l’article 20 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la «Charte»). J’indique d’ores et déjà que cette mise en cause de la validité de la directive est, à mon sens, clairement irrecevable.

I –    Le cadre juridique

A –    Le droit de l’Union

1.      La directive «service universel»

2.        L’article 3 de la directive, intitulé «Disponibilité du service universel», ouvre le chapitre II, intitulé «Obligations de service universel, y compris les obligations de service social», et dispose ce qui suit:

«1.      Les États membres veillent à ce que les services énumérés dans le présent chapitre soient mis à la disposition de tous les utilisateurs finals sur leur territoire, indépendamment de leur position géographique, au niveau de qualité spécifié et, compte tenu de circonstances nationales particulières, à un prix abordable.

2.      Les États membres déterminent l’approche la plus efficace et la plus adaptée pour assurer la mise en œuvre du service universel, dans le respect des principes d’objectivité, de transparence, de non-discrimination et de proportionnalité. Ils s’efforcent de réduire au minimum les distorsions sur le marché, en particulier lorsqu’elles prennent la forme de fournitures de services à des tarifs ou des conditions qui diffèrent des conditions normales d’exploitation commerciale, tout en sauvegardant l’intérêt public.»

3.        L’article 4 de la directive, intitulé «Fourniture d’accès en position déterminée et fourniture de services téléphoniques», dispose:

«1.      Les États membres veillent à ce que toutes les demandes raisonnables de raccordement en position déterminée à un réseau de communications public soient satisfaites par une entreprise au moins.

2.      Le raccordement réalisé permet de prendre en charge les communications vocales, les communications par télécopie et les communications de données, à des débits de données suffisants pour permettre un accès fonctionnel à Internet, compte tenu des technologies les plus couramment utilisées par la majorité des abonnés et de la faisabilité du point de vue technique.

3.      Les États membres veillent à ce que toutes les demandes raisonnables de fourniture d’un service téléphonique accessible au public, via le raccordement au réseau visé au paragraphe 1, qui permette de donner et de recevoir des appels nationaux et internationaux, soient satisfaites par une entreprise au moins.»

4.        L’article 9 de la directive, intitulé «Caractère abordable des tarifs», prévoit:

«1.      Les autorités réglementaires nationales surveillent l’évolution et le niveau des tarifs de détail applicables aux services définis, aux articles 4 à 7, comme relevant de l’obligation de service universel et qui sont soit fournis par des entreprises désignées, soit disponibles sur le marché, si aucune entreprise n’est désignée pour la fourniture desdits services, notamment par rapport au niveau des prix à la consommation et des revenus nationaux.

2.      Les États membres peuvent, au vu des circonstances nationales, exiger que les entreprises désignées proposent aux consommateurs des options ou des formules tarifaires qui diffèrent de celles offertes dans des conditions normales d’exploitation commerciale, dans le but notamment de garantir que les personnes ayant de faibles revenus ou des besoins sociaux spécifiques ne sont pas empêchées d’accéder au réseau visé à l’article 4, paragraphe 1, ou de faire usage des services définis, à l’article 4, paragraphe 3, et aux articles 5, 6 et 7, comme relevant de l’obligation de service universel et fournis par des entreprises désignées.

3.      En plus des dispositions éventuelles prévoyant que les entreprises désignées appliquent des options tarifaires spéciales ou respectent un encadrement des tarifs ou une péréquation géographique, ou encore d’autres mécanismes similaires, les États membres peuvent veiller à ce qu’une aide soit apportée aux consommateurs recensés comme ayant de faibles revenus ou des besoins sociaux spécifiques.

[…]»

5.        Aux termes de l’article 13, paragraphes 1 et 2, de la directive, intitulé «Financement des obligations de service universel»:

«1.      Lorsque, sur la base du calcul du coût net visé à l’article 12, les autorités réglementaires nationales constatent qu’une entreprise est soumise à une charge injustifiée, les États membres décident, à la demande d’une entreprise désignée:

a)      d’instaurer un mécanisme pour indemniser ladite entreprise pour les coûts nets tels qu’ils ont été calculés, dans des conditions de transparence et à partir de fonds publics, et/ou

b)      de répartir le coût net des obligations de service universel entre les fournisseurs de réseaux et de services de communications électroniques.

2.      En cas de répartition du coût comme prévu au paragraphe 1, point b), les États membres instaurent un mécanisme de répartition géré par l’autorité réglementaire nationale ou un organisme indépendant de ses bénéficiaires, sous la surveillance de l’autorité réglementaire nationale. Seul le coût net des obligations définies dans les articles 3 à 10, calculé conformément à l’article 12, peut faire l’objet d’un financement.»

6.        L’article 32 de la directive, intitulé «Services obligatoires additionnels», ouvre le chapitre V de la directive (intitulé «Dispositions générales et finales») et prévoit que «[l]es États membres peuvent décider de rendre accessibles au public, sur le territoire national, des services additionnels, à l’exception des services qui relèvent des obligations du service universel définies dans le chapitre II, mais, dans ce cas, aucun mécanisme de compensation impliquant la participation d’entreprises spécifiques ne peut être imposé».

7.        L’annexe IV de la directive a pour objet, ainsi que l’indique son intitulé, le «calcul, le cas échéant, du coût net des obligations de service universel et [de la] mise en place d’un mécanisme de couverture ou de répartition des coûts conformément aux articles 12 et 13» de cette directive. Aux termes de la partie A de cette annexe («Calcul du coût net»), «[l’o]n entend par ‘obligations de service universel’: les obligations qu’un État membre a imposées à une entreprise pour qu’elle fournisse un réseau et un service dans une zone géographique donnée en y appliquant, le cas échéant, des tarifs par péréquation en échange de la fourniture de ce service ou en offrant des tarifs spéciaux aux consommateurs ayant de faibles revenus ou des besoins sociaux spécifiques».

2.      La directive 2002/21/CE (5)

8.        Aux termes de l’article 2 de la directive 2002/21, l’on entend par:

«[…]

c)      ‘service de communications électroniques’: le service fourni normalement contre rémunération qui consiste entièrement ou principalement en la transmission de signaux sur des réseaux de communications électroniques, y compris les services de télécommunications et les services de transmission sur les réseaux utilisés pour la radiodiffusion, mais qui exclut les services consistant à fournir des contenus à l’aide de réseaux et de services de communications électroniques ou à exercer une responsabilité éditoriale sur ces contenus; il ne comprend pas les services de la société de l’information tels que définis à l’article 1er de la directive 98/34/CE qui ne consistent pas entièrement ou principalement en la transmission de signaux sur des réseaux de communications électroniques;

d)      ‘réseau de communications public’: un réseau de communications électroniques utilisé entièrement ou principalement pour la fourniture de services de communications électroniques accessibles au public permettant la transmission d’informations entre les points de terminaison du réseau;

[…]

j)      ‘service universel’: un ensemble de services minimal, défini dans la directive 2002/22/CE (directive ‘service universel’), de qualité déterminée, disponible pour tous les utilisateurs, quelle que soit leur situation géographique et, compte tenu des conditions nationales spécifiques, d’un prix abordable;

[…]»

B –    Le droit belge

9.        L’article 74 de la loi relative aux communications électroniques (wet van betreffende de elektronische communicatie), du 13 juin 2005 (ci-après la «loi relative aux communications électroniques»), telle que modifiée par l’article 50 de la loi du 10 juillet 2012, prévoit:

«1.      La composante sociale du service universel consiste en la fourniture, par les opérateurs mentionnés aux paragraphes 2 et 3 offrant un service de communications électroniques accessible au public aux consommateurs, de conditions tarifaires particulières à certaines catégories de bénéficiaires.

[…]

2.      Tout opérateur offrant un service de communications électroniques accessible au public aux consommateurs dont le chiffre d’affaires portant sur les services de communications électroniques accessibles au public est supérieur à cinquante millions d’euros fournit la composante sociale du service universel mentionnée au paragraphe 1er.

[…]

3.      Tout opérateur offrant aux consommateurs un service de communications électroniques accessible au public dont le chiffre d’affaires portant sur les services de communications électroniques accessibles au public est inférieur ou égal à cinquante millions d’euros et qui a déclaré son intention au Belgisch BIPT voor Postdiensten en Telecommunicatie [Institut belge des services postaux et des télécommunications (ci-après l’‘Institut’)] de fournir la composante sociale du service universel mentionnée au paragraphe 1er sur un réseau terrestre fixe ou mobile ou sur les deux, fournit cette composante pour une durée de cinq années.

[…]»

10.      L’article 74/1 de la loi relative aux communications électroniques, tel qu’il a été inséré par l’article 51 de la loi du 10 juillet 2012, dispose:

«1.      Lorsque l’Institut estime que la fourniture de la composante sociale peut représenter une charge injustifiée pour un prestataire, il demande à chaque prestataire des tarifs sociaux de lui fournir les informations visées au paragraphe 2 et établit le calcul du coût net.

2.      Chaque prestataire des tarifs sociaux communique à l’Institut, selon les modalités fixées conformément à l’article 137, paragraphe 2, au plus tard le 1er août de l’année civile suivant l’année considérée, le montant indexé de l’estimation du coût relatif à l’année considérée, calculé en application de la méthodologie de calcul définie en annexe.

[…]

3.      L’Institut établit l’existence d’une charge injustifiée pour chaque prestataire concerné, lorsque la fourniture de la composante sociale du service universel représente un caractère excessif au regard de sa capacité à la supporter compte tenu de l’ensemble de ses caractéristiques propres, notamment du niveau de ses équipements, de sa situation économique et financière ainsi que de sa part de marché sur le marché des services de communications électroniques accessibles au public.

4.      Il est créé un fonds pour le service universel en matière de tarifs sociaux chargé d’indemniser chaque prestataire de tarifs sociaux pour qui la fourniture de la composante sociale du service universel représente une charge injustifiée et qui a introduit une demande à cet effet auprès de l’Institut. L’indemnité correspond au coût net supporté par l’opérateur pour qui la fourniture de la composante sociale du service universel représente une charge injustifiée. Ce fonds est doté de la personnalité juridique et géré par l’Institut.

Le fonds est alimenté par des contributions versées par les opérateurs offrant la composante sociale du service universel.

Les contributions sont établies au prorata de leur chiffre d’affaires portant sur les services de communications électroniques accessibles au public.

Le chiffre d’affaires pris en considération correspond au chiffre d’affaires avant impôts réalisé sur la fourniture de services de communications électroniques accessibles au public sur le territoire national conformément à l’article 95, paragraphe 2.

Les frais de gestion du fonds sont composés de l’ensemble des frais liés au fonctionnement du fonds, dont les frais inhérents à la définition d’un modèle de coûts basé sur un opérateur théorique efficace selon le type de réseau de communications électroniques par lequel la composante sociale du service universel est fournie. Le Roi fixe, par arrêté délibéré en Conseil des ministres, le montant maximum des frais de gestion du fonds.

Les frais de gestion du fonds sont financés par les opérateurs visés à l’alinéa 2, au prorata de leur chiffre d’affaires visé à l’alinéa 3.

5.      Le Roi détermine, par arrêté délibéré en Conseil des ministres, après avis de l’Institut, les modalités de fonctionnement de ce mécanisme.»

11.      En vertu de l’article 146, paragraphe 2, de la loi du 10 juillet 2012, l’article 51 de ladite loi produit ses effets «à partir du 30 juin 2005».

II – Les faits

12.      Le renvoi préjudiciel a pour origine un recours introduit devant le Grondwettelijk Hof par Base Company NV, anciennement KPN Group Belgium NV (ci-après «KPN»), et Mobistar NV (ci-après «Mobistar») tendant à l’annulation des articles 50, 51 et 146 de la loi relative aux communications électroniques telle que modifiée après que la Cour a rendu les arrêts dans les affaires Commission/Belgique (EU:C:2010:583) ainsi que Base e.a. (EU:C:2010:584).

13.      Les dispositions attaquées établissent un mécanisme de financement sectoriel du coût net afférent à l’offre de communications électroniques au moyen de services de communications mobiles («téléphonie mobile») et/ou d’abonnements à Internet, basé sur des contributions des opérateurs fournissant des réseaux ou des services de communications électroniques accessibles aux consommateurs, y compris des services de téléphonie mobile et/ou d’abonnement à Internet.

14.      Les parties au principal considèrent que les dispositions attaquées sont inconstitutionnelles et, pour ce qui nous concerne en l’espèce, contraires aux articles 9 et 32 de la directive «service universel».

III – Les questions préjudicielles

15.      Les questions préjudicielles dont a été saisie la Cour de justice le 2 janvier 2014 sont libellées comme suit:

«1)      La directive 2002/22/CE du Parlement européen et du Conseil, du 7 mars 2002, concernant le service universel et les droits des utilisateurs au regard des réseaux et services de communications électroniques (directive ‘service universel’), et en particulier en ses articles 9 et 32, doit-elle être interprétée en ce sens que le tarif social pour les services universels ainsi que le mécanisme de compensation prévu à l’article 13, paragraphe 1, point b), de la directive ‘service universel’ sont applicables non seulement aux communications électroniques au moyen d’un raccordement téléphonique en position déterminée à un réseau de communications public, mais aussi aux communications électroniques au moyen de services de communications mobiles et/ou d’abonnements internet?

2)      L’article 9, paragraphe 3, de la directive ‘service universel’ doit-il être interprété en ce sens qu’il autorise les États membres à ajouter au service universel des options tarifaires spéciales pour d’autres services que ceux définis à l’article 9, paragraphe 2, de la directive précitée?

3)      En cas de réponse négative à la première et à la deuxième question, les dispositions en cause de la directive ‘service universel’ sont-elles compatibles avec le principe d’égalité, tel qu’il est contenu, entre autres, dans l’article 20 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne?»

IV – La procédure devant la Cour de justice

16.      KPN et Mobistar, le gouvernement belge, le Parlement européen, le Conseil de l’Union européenne et la Commission européenne sont intervenus à la procédure et ont déposé des observations écrites. Chacun des intervenants a comparu lors de l’audience publique qui s’est tenue le 12 novembre 2014, audience au cours de laquelle les parties ont été invitées par la Cour à concentrer leur argumentation sur la première et la deuxième question.

V –    Les arguments des parties

A –    Sur la première question

17.      KPN et Mobistar proposent à la Cour de répondre à la première question de manière négative, considérant que la directive «service universel», ainsi qu’il ressort de ses articles 4 à 7, fixe une liste exhaustive des services pour lesquels des tarifs sociaux peuvent être imposés, parmi lesquels ne figurent pas les services de téléphonie mobile et les abonnements à Internet, de sorte que, selon elles, ces services seraient exclus des obligations de service universel et du mécanisme de financement prévu à l’article 13, paragraphe 1, sous b), de ladite directive.

18.      Le gouvernement belge, pour sa part, considère qu’il convient de répondre de manière affirmative à la première question. Il relève en effet que l’article 9, paragraphe 3, de la directive «service universel» a un caractère plus général que le paragraphe 2 de ce même article, et autorise les États membres à fournir une aide à des consommateurs donnés, de sorte que cette aide peut concerner d’autres services que ceux énumérés dans ladite directive. Le gouvernement belge estime par ailleurs que l’article 32 de la directive «service universel» permet que les coûts résultant des services imposés sur la base de l’article 9, paragraphe 3, de cette directive soient indemnisés au moyen de mécanismes qui impliquent la participation des opérateurs.

B –    Sur la deuxième question

19.      La Commission propose de répondre conjointement aux première et deuxième questions que la directive «service universel», et en particulier ses articles 3, 4, 9 et 13, doivent être interprétés en ce sens que les règles relatives aux tarifs et au financement des obligations de service universel visées, respectivement, à l’article 9 et à l’article 13 s’appliquent non pas aux services de téléphonie mobile, mais aux services d’abonnements à Internet caractérisés par des débits de données suffisants pour permettre un accès fonctionnel à l’internet en position déterminée.

20.      Par ailleurs, la Commission soutient que l’article 32 de la directive doit être interprété en ce sens que les services de téléphonie mobile pourraient, en principe, être considérés comme des services additionnels au sens dudit article. Toutefois, elle rappelle que cet article interdit l’application des règles relatives aux tarifs et au financement des obligations de service universel visées, respectivement, à l’article 9 et à l’article 13 de ladite directive, ainsi que la mise en place d’un mécanisme de compensation impliquant la participation d’entreprises spécifiques. À cet égard, la Commission fait observer que, bien qu’il ressorte de l’article 4 de la directive «service universel» que la notion de «réseau de communications public» recouvre les services téléphoniques, cette disposition précise que cet article porte exclusivement sur l’accès et le raccordement en position déterminée, ce qui exclurait donc les services de téléphonie mobile.

21.      En ce qui concerne les règles tarifaires prévues à l’article 9 de la directive, la Commission relève, d’une part, que cette disposition ne fait référence qu’aux tarifs des services définis aux articles 4 à 7 de cette directive et, d’autre part, que les articles 5, 6 et 7 de ladite directive ne semblent pas pertinents pour la suite de l’analyse en l’espèce. Par conséquent, selon elle, les règles de l’article 9 de la directive ne s’appliquent pas aux services de téléphonie mobile.

22.      Selon la Commission, l’article 9, paragraphe 3, de la directive «service universel» ne contient aucune indication qui permettrait d’étendre la portée du service universel telle qu’elle découle des articles 4 à 7. Elle estime en outre qu’aucune autre disposition de la directive «service universel» ne peut être interprétée en ce sens que les règles définies au chapitre II de cette directive en matière de tarifs et de financement du service universel s’appliquent aux services de téléphonie mobile. Au contraire, selon l’article 4 de la directive, les services Internet peuvent être considérés comme relevant du service universel au sens du chapitre II de la directive en ce qui concerne les raccordements permettant un accès fonctionnel à Internet, d’où il découlerait, selon la Commission, que les autres dispositions du chapitre II de la directive ainsi que ses articles 9 et 13 s’appliquent aussi aux services Internet.

23.      Enfin la Commission estime que les services de téléphonie mobile ne pouvant être considérés comme relevant du service universel au sens du chapitre II de la directive, il conviendrait de vérifier si ces services peuvent en revanche être qualifiés de «services additionnels» au sens de l’article 32 de cette directive. La Commission relève à cet égard que, étant donné que la directive ne contient aucune disposition à ce sujet, les États membres sont en principe libres de les qualifier comme tels.

24.      KPN et Mobistar, de leur côté, soutiennent que l’article 9, paragraphe 3, de la directive «service universel» n’autorise pas les États membres à ajouter des options tarifaires spéciales pour d’autres services que ceux décrits à l’article 9, paragraphe 2, de cette directive.

25.      Le gouvernement belge estime que l’article 9, paragraphe 3, de la directive «service universel» doit être interprété en ce sens qu’il autorise les États membres à ajouter au service universel des options tarifaires spéciales pour d’autres services que ceux définis à l’article 9, paragraphe 2, de cette directive.

C –    Sur la troisième question

26.      KPN et Mobistar proposent à la Cour de justice de répondre à la troisième question que la directive «service universel» et, en particulier ses articles 9, 13 et 32 sont compatibles avec l’article 20 de la Charte, faisant valoir à cet égard que la différence entre le traitement de la fourniture des services de téléphonie fixe et des services de téléphonie mobile réside dans le fait que les charges injustifiées qui peuvent résulter de la fourniture obligatoire au public de services de téléphonie fixe peuvent être indemnisées par la fiscalité générale ou un mécanisme de financement sectoriel, tandis que les charges pour les services de téléphonie mobile et/ou les services d’abonnements à Internet ne peuvent être indemnisées qu’à partir de fonds publics. Compte tenu de cette différence de traitement limitée desdits services, KPN et Mobistar s’interrogent sur le point de savoir s’il existe effectivement une différence de traitement au sens de l’article 20 de la Charte. Elles concluent en soulignant que, contrairement aux services de téléphonie fixe, il n’est pas possible de parler d’exclusion sociale en matière d’accès aux services de téléphonie mobile et qu’il n’y a, par conséquent, pas de nécessité d’une obligation de service universel. Pour le reste, KPN et Mobistar font valoir que le mécanisme du financement sectoriel des tarifs sociaux pour la fourniture des services d’abonnements à Internet constitue une lourde charge pour les opérateurs et a une influence négative sur le fonctionnement du marché intérieur ainsi que sur les consommateurs desdits services.

27.      Le gouvernement belge considère pour sa part que, dans le cas de réponses négatives aux première et deuxième questions (ce qui aurait pour effet, selon lui, de mettre en danger le système de financement des coûts liés aux tarifs sociaux et priverait les consommateurs, au profit desquels la composante sociale du service universel a été étendue à la téléphonie mobile et/ou aux abonnements à Internet, du bénéfice des tarifs sociaux pour ces services), il conviendrait de répondre à la troisième question que les dispositions de la directive «service universel» en cause au principal violent l’article 20 de la Charte. À cet égard, le gouvernement belge fait valoir que, selon l’article 3 et le considérant 25 de la directive «service universel», cette dernière doit être interprétée en ce sens qu’elle autorise les États membres à déterminer, en fonction des circonstances nationales et en respectant la neutralité technologique, les services devant être fournis à des tarifs sociaux avec un mécanisme de financement du coût net, tel que prévu par l’article 13, paragraphe 1, sous b), de la directive «service universel».

28.      La Commission s’interroge sur la recevabilité de la troisième question, considérant que la juridiction de renvoi ne précise pas quelles dispositions de la directive «service universel» seraient susceptibles de ne pas être compatibles avec le principe d’égalité, ni les raisons pour lesquelles la compatibilité de ces dispositions serait mise en cause. Elle estime qu’il ne ressortirait pas non plus de l’arrêt de renvoi que la violation éventuelle du principe d’égalité pourrait concerner les parties en cause au principal.

29.      Le Parlement a limité ses observations à la troisième question, s’interrogeant sur sa recevabilité pour les mêmes raisons que celles invoquées par la Commission. Quant au fond, le Parlement fait observer que les opérateurs qui sont tenus de fournir un tarif social pour les services de téléphonie mobile et/ou d’abonnements à Internet ne sont pas mis dans une situation défavorable par rapport à ceux qui sont tenus de fournir un tarif social pour les services téléphoniques en position déterminée. Selon lui, la seule différence opérée par la directive «service universel» concernant le traitement de la fourniture desdits services concerne la manière dont le coût net généré par ces services peut être compensé.

30.      Par ailleurs, le Parlement considère que les coûts nets liés aux services additionnels obligatoires au sens de l’article 32 de la directive peuvent être uniquement financés à partir de fonds publics et non au moyen de compensations supportées par des opérateurs spécifiques.

31.      À titre subsidiaire, le Parlement relève que les opérateurs de services de téléphonie fixe et les opérateurs de services de téléphonie mobile ne se trouvent pas dans une situation comparable, étant donné que seule la première catégorie d’opérateurs est tenue de fournir un tarif social pour un service qui satisfait aux critères fixés pour le service universel. En tout état de cause, le traitement différencié des deux catégories de services est objectivement justifié, le choix de ne pas inclure les services de téléphonie mobile et/ou d’abonnements à Internet dans le service universel étant fondé sur l’application de critères objectifs qui découlent directement de la nécessité de mettre en balance deux objectifs, d’une part, celui de protéger les consommateurs notamment contre l’exclusion sociale et, d’autre part, celui d’éviter la distorsion de la concurrence entre les opérateurs.

32.      Le Conseil fait valoir enfin, comme la Commission et le Parlement, et pour les mêmes raisons, que la troisième question est irrecevable, et limite également ses observations à cette question.

33.      Pour le Conseil, la directive «service universel» prévoit une interdiction explicite relative au financement de la fourniture des services obligatoires additionnels visés à l’article 32, lequel dispose qu’aucun financement impliquant la participation des opérateurs ne peut être imposé. Selon lui, les États membres peuvent décider que des services obligatoires additionnels doivent être proposés à des tarifs sociaux pour autant qu’ils respectent les exigences spécifiques énoncées dans cette directive et le principe d’égalité. Il estime qu’il n’est pas possible de comparer le traitement des entreprises assumant des obligations de service universel financées au moyen du mécanisme prévu à l’article 13, paragraphe 1, sous b), et celui des entreprises assumant des obligations liées aux services obligatoires additionnels pour lesquels un tel mécanisme est proscrit.

34.      Pour le reste, le Conseil observe que les opérateurs doivent payer leur contribution au fonds prévu par la réglementation belge à titre d’indemnisation pour la charge injustifiée liée à la fourniture de services de téléphonie mobile et/ou d’abonnements à Internet, bien qu’il ressorte de la réglementation belge que ces services relèvent de la catégorie des «services obligatoires additionnels» au sens de la directive «service universel». Le Conseil rappelle toutefois qu’une telle répartition des coûts n’est applicable qu’au seul service universel, à savoir à l’ensemble minimal de services défini au chapitre II de la directive, lequel ne comprend ni les services de téléphonie mobile ni les services d’abonnements à Internet, à l’exception de ceux qui concernent l’accès fonctionnel à Internet en position déterminée.

VI – Appréciation en droit

35.      La juridiction de renvoi demande, en résumé, si la législation belge adoptée après que la Cour de justice a rendu les arrêts dans les affaires Commission/Belgique (EU:C:2010:583) ainsi que Base e.a. (EU:C:2010:584) est compatible avec la directive «service universel» dans la mesure où elle comprend dans la catégorie «service universel» les services de téléphonie mobile et les communications électroniques (Internet).

36.      Les questions soulevées par le Grondwettelijk Hof visent à savoir, en définitive, 1) si le tarif social du service universel – et le mécanisme de compensation qui lui correspond – est applicable aux communications par la téléphonie mobile et par abonnement à Internet; 2) si les États membres peuvent appliquer le régime des options tarifaires spéciales à ce type de communications; et 3) si, en cas de réponse négative aux questions précédentes, la directive «service universel» est invalide pour violation de l’article 20 de la Charte.

A –    Considérations préliminaires sur le système de la directive «service universel»

37.      La directive «service universel» impose aux États membres l’obligation de veiller à ce que tous les utilisateurs finals aient accès, à un prix raisonnable, au réseau de communications public en position déterminée et à la fourniture de services téléphoniques (article 3, paragraphe 1). À cette fin, les États membres veillent à ce que toutes les demandes raisonnables de raccordement au réseau téléphonique public et d’accès aux services téléphoniques soient satisfaites par une entreprise au moins (article 4, paragraphe 1).

38.      La directive prévoit également l’obligation pour les États membres d’assurer d’autres services, à savoir: un service de renseignements téléphoniques et des annuaires (article 5), des postes téléphoniques payants publics (article 6) et des mesures particulières en faveur des utilisateurs handicapés (article 7).

39.      Tous ces services composent ledit «service universel». Conformément à la directive, les États membres peuvent désigner une ou plusieurs entreprises afin de garantir la fourniture du «service universel» (article 8) et exiger que les entreprises désignées proposent à des consommateurs déterminés des tarifs spéciaux pour des raisons sociales («tarif social») (article 9).

40.      Dans le cas où la fourniture du «service universel» représenterait une charge injustifiée pour les entreprises désignées comme fournisseurs de service universel, la directive impose aux États membres l’obligation ou bien d’instaurer un mécanisme de compensation à partir de fonds publics, ou bien de répartir le coût net des obligations de service universel entre les fournisseurs de réseaux et de services de communications électroniques (article 13).

41.      Conjointement au «service universel» proprement dit, les États membres peuvent imposer la fourniture de «services obligatoires additionnels», mais, dans ce cas, aucun mécanisme de compensation impliquant la participation d’entreprises spécifiques ne peut être imposé (article 32). À l’exception de ce cas, la directive ne prévoit rien en ce qui concerne la compensation au titre de ces services additionnels; il paraît cependant clair que ces services pourront faire l’objet d’une compensation, la directive ne l’interdisant pas, mais se bornant à exclure une formule spécifique de compensation.

42.      La question qui se pose dans la présente affaire est celle de savoir si le tarif social (et le mécanisme de compensation correspondant) est applicable aux communications par téléphonie mobile et au moyen d’un abonnement à Internet soit parce que la directive l’impose (première question), soit parce que les États membres peuvent en décider ainsi (deuxième question). Dans l’hypothèse où la réponse à ces deux questions serait négative, la juridiction de renvoi demande si la directive elle-même est contraire à l’article 20 de la Charte (troisième question).

B –    Sur la première et la deuxième question

43.      Le Grondwettelijk Hof demande, d’abord, si les articles 9 et 32 de la directive «service universel» doivent être interprétés au sens où le tarif social ainsi que le mécanisme de compensation prévu à l’article 13, paragraphe 1, sous b), de la directive sont applicables non seulement aux communications électroniques au moyen d’un raccordement téléphonique en position déterminée à un réseau de communications public, mais également aux communications électroniques au moyen de services de téléphonie mobile et/ou d’abonnements à Internet.

44.      Le problème soulevé par la juridiction de renvoi peut être formulé, à mon sens, d’une manière très simple, étant donné qu’il trouve son origine dans une question de principe: celle consistant à savoir si la téléphonie mobile et l’abonnement à Internet constituent, ou non, des prestations comprises dans le «service universel» auquel se réfère la directive. De la réponse apportée à cette question dépendra que ces deux systèmes de communication puissent faire l’objet du «tarif social» et donner lieu, par conséquent, à la compensation dont la directive prévoit le mécanisme.

45.      Aux fins de déterminer si la téléphonie mobile et l’abonnement à Internet sont compris dans la notion de «service universel», il est nécessaire de traiter séparément chacun des deux systèmes de communication, compte tenu de leurs différences techniques.

1.      La téléphonie mobile

46.      En ce qui concerne la téléphonie mobile, il apparaît clairement que la directive ne l’inclut pas dans la notion de «service universel». Parmi les services qui figurent dans cette notion, la directive se réfère uniquement au «raccordement en position déterminée à un réseau de communications public» (article 4, paragraphe 1) (6), qui, par définition, exclut la téléphonie mobile (7).

47.      Si la directive ne considère pas la téléphonie mobile comme faisant partie intégrante du «service universel», il convient de se demander si les États membres peuvent l’inclure dans cette notion. Les partisans de cette possibilité s’appuient sur les termes de l’article 9 de la directive. En vertu du paragraphe 2 de cette disposition, «[l]es États membres peuvent […] exiger que les entreprises désignées proposent aux consommateurs des options ou des formules tarifaires qui diffèrent de celles offertes dans des conditions normales d’exploitation commerciale, dans le but notamment de garantir que les personnes ayant de faibles revenus ou des besoins sociaux spécifiques ne sont pas empêchées d’accéder au réseau visé à l’article 4, paragraphe 1, ou de faire usage des services définis, à l’article 4, paragraphe 3, et aux articles 5, 6 et 7, comme relevant de l’obligation de service universel et fournis par des entreprises désignées».

48.      L’article 9, paragraphe 3, de la directive prévoit pour sa part qu’«[e]n plus des dispositions éventuelles prévoyant que les entreprises désignées appliquent des options tarifaires spéciales ou respectent un encadrement des tarifs ou une péréquation géographique, ou encore d’autres mécanismes similaires, les États membres peuvent veiller à ce qu’une aide soit apportée aux consommateurs recensés comme ayant de faibles revenus ou des besoins sociaux spécifiques».

49.      Il découle de ces deux dispositions que la directive permet seulement d’imposer des tarifs réduits afin de garantir la fourniture de certains services, à savoir, précisément, ceux qui constituent le «service universel» défini par la directive elle-même et dont, pour les raisons déjà exposées, la téléphonie mobile ne fait pas partie.

50.      En réalité, la directive permet aux États membres d’ajouter des «services obligatoires additionnels» (article 32), mais ne les autorise pas à augmenter (ou à réduire) la liste des services que la directive impose comme faisant partie du «service universel».

51.      Dans ces conditions, le Royaume de Belgique pourra imposer des «services obligatoires additionnels» aux fournisseurs de services de téléphonie mobile, mais ne pourra pas inclure leurs services dans la catégorie du «service universel». De plus, en tant que fournisseurs d’un «service obligatoire additionnel», ces derniers auraient droit, le cas échéant, à une compensation, non pas à celle prévue par l’article 13 de la directive (qui envisage la possibilité d’un financement à la charge de tous les fournisseurs de services de communication), mais à celle déterminée en application de mécanismes n’impliquant pas la participation d’entreprises spécifiques (8).

2.      L’abonnement à Internet

52.      En ce qui concerne l’abonnement à Internet, les choses apparaissent, à mon sens, relativement différentes.

53.      Parmi les services faisant partie du «service universel», l’article 4 de la directive fait référence au «raccordement en position déterminée à un réseau de communications public» (paragraphe 1), en précisant que ce raccordement «permet de prendre en charge les communications vocales, les communications par télécopie et les communications de données, à des débits de données suffisants pour permettre un accès fonctionnel à l’internet» (paragraphe 2).

54.      Par conséquent, l’abonnement à Internet serait compris dans la notion de «service universel» instauré par la directive et pourrait donc se voir appliquer le «tarif social» (article 9), susceptible de faire l’objet d’une compensation en application du mécanisme prévu par l’article 13 de la directive. Cependant, cela ne devrait de toute évidence être le cas qu’en ce qui concerne les abonnements à Internet au moyen d’un raccordement téléphonique en position déterminée, les abonnements à Internet au moyen de la téléphonie mobile étant exclus. Ces derniers, comme c’est le cas pour la téléphonie mobile en général, pourront être imposés par les États membres comme des «services obligatoires additionnels», mais ne pourront pas être intégrés dans la catégorie du «service universel». La compensation dont ils seraient susceptibles de faire l’objet, enfin, ne pourra intervenir en application du mécanisme prévu par la directive pour les services composant le «service universel».

55.      Ma première conclusion intermédiaire sera donc de proposer à la Cour de répondre aux deux premières questions que la directive «service universel» doit être interprétée au sens où les services de téléphonie mobile ne font pas partie du «service universel» et que, par conséquent, le tarif social pour les services universels ainsi que le mécanisme de compensation prévu à l’article 13, paragraphe 1, sous b), de la directive ne leur sont pas applicables. Seul l’abonnement à Internet au moyen d’un raccordement téléphonique en position déterminée fait partie du «service universel» au sens de la directive «service universel», l’abonnement à Internet au moyen de la téléphonie mobile demeurant exclu de cette notion. Compte tenu de ce qui précède, les États membres ne peuvent ajouter de nouveaux services à la liste de ceux qui composent le «service universel», mais peuvent décider d’imposer en tant que «services obligatoires additionnels» les services de téléphonie mobile et l’abonnement à Internet au moyen de la téléphonie mobile. Dans ce cas, la compensation au titre de ces services devra être calculée au moyen d’un mécanisme autre que celui prévu par la directive pour les services composant le «service universel» et qui, en particulier, ne pourra impliquer la participation d’entreprises spécifiques.

C –    Sur la troisième question

56.      Je considère, notamment pour les raisons avancées par le Parlement, le Conseil et la Commission, que la troisième question est irrecevable.

57.      La juridiction de renvoi demande, concrètement, si «les dispositions en cause de la directive ‘service universel’ [sont] compatibles avec le principe d’égalité, tel qu’il est contenu entre autres dans l’article 20 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne».

58.      La juridiction de renvoi n’avançant aucune argumentation pour justifier cette question, il serait très périlleux de se risquer à examiner la question du point de vue du principe d’égalité. La Commission a tenté de le faire, en partant de l’hypothèse selon laquelle les parties requérantes au principal se considèrent victimes d’une discrimination au motif que la législation belge les soumet à une charge qui serait contraire à la directive «service universel». S’il en était ainsi, cette approche serait absurde, ainsi que le souligne la Commission, puisque le problème résiderait non pas dans la directive, mais dans la législation belge.

59.      Le Parlement et le Conseil, pour leur part, répondent à la question en se prononçant sur la directive sous l’angle du principe d’égalité à partir de l’examen des différences existant entre les services compris dans la notion de «service universel», d’une part, et ceux qui sont exclus de cette catégorie, d’autre part. Ils sont ainsi parvenus à la seule appréciation qu’en l’absence d’arguments concrets l’on puisse porter sur la directive, c’est-à-dire un jugement in abstracto.

60.      À mon sens la mise en cause de la validité d’une disposition du droit de l’Union – puisque c’est ce dont il est question avec la troisième question posée par la juridiction de renvoi – ne saurait être admise sans un minimum d’explications. Dans le cas présent, il ne serait donc même pas justifié de répondre à cette question à titre purement subsidiaire, et ce tout simplement parce que, pour les raisons déjà exposées, la conclusion à laquelle je parviendrais à cet égard ne pourrait qu’être élaborée sur de simples hypothèses ou découler d’un examen dans l’abstrait, déconnecté des circonstances concrètes du problème débattu dans la procédure au principal.

61.      Pour justifier en dernier recours, malgré tout, une réponse à titre subsidiaire, l’on pourrait analyser la question du point de vue de la jurisprudence élaborée par la Cour de justice dans les affaires Commission/Belgique (EU:C:2010:583) ainsi que Base e.a. (EU:C:2010:584), puisque les arrêts rendus dans ces deux affaires sont à l’origine de la législation nationale contestée dans la procédure au principal et que dans ces affaires se posait, précisément, un problème d’égalité.

62.      Cependant, la discrimination sur laquelle la Cour de justice a été amenée à se prononcer dans ces affaires se référait au traitement indifférencié qu’appliquait la législation belge aux opérateurs qui prétendaient obtenir une compensation au titre de la fourniture du «service universel». La Cour de justice a alors jugé que l’existence d’une charge injustifiée devait être vérifiée au cas par cas, et que le traitement général et indifférencié des différentes situations était discriminatoire. Or il est évident que ce problème ne présente aucun lien avec celui qui fait l’objet de la procédure qui nous occupe ici.

63.      En définitive, il ne paraît donc pas opportun, à quelque titre que ce soit, de proposer à la Cour une réponse à la troisième question.

VII – Conclusion

64.      Eu égard aux observations qui précèdent, je propose donc à la Cour de justice de répondre aux deux premières questions dans les termes suivants:

1)      La directive 2002/22/CE du Parlement européen et du Conseil, du 7 mars 2002, concernant le service universel et les droits des utilisateurs au regard des réseaux et services de communications électroniques (directive «service universel») doit être interprétée en ce sens que les services de téléphonie mobile ne font pas partie du «service universel» au sens de ladite directive; le tarif social pour les services universels ainsi que, par conséquent, le mécanisme de compensation prévu à l’article 13, paragraphe 1, sous b), de la directive «service universel» ne leur sont donc pas applicables. Seul l’abonnement à Internet au moyen d’un raccordement téléphonique en position déterminée fait partie du «service universel» au sens de la directive «service universel», l’abonnement à Internet au moyen de la téléphonie mobile demeurant exclu de cette notion.

2)      Les États membres ne peuvent ajouter de nouveaux services à la liste de ceux qui composent le «service universel» au sens de la directive «service universel». Les États membres peuvent décider d’imposer en tant que «services obligatoires additionnels» les services de téléphonie mobile et l’abonnement à Internet au moyen de la téléphonie mobile. Dans ce cas, la compensation au titre de ces services devra être calculée au moyen d’un mécanisme autre que celui prévu par la directive pour les services composant le «service universel» et qui, en particulier, ne pourra impliquer la participation d’entreprises spécifiques.


1 – Langue originale: l’espagnol.


2 – C‑222/08, EU:C:2010:583.


3 – C‑389/08, EU:C:2010:584.


4 – Directive du Parlement européen et du Conseil du 7 mars 2002 concernant le service universel et les droits des utilisateurs au regard des réseaux et services de communications électroniques (directive «service universel») (JO L 108, p. 51), telle que modifiée par la directive 2009/136/CE du Parlement européen et du Conseil, du 25 novembre 2009 (JO L 337, p. 11).


5 – Directive du Parlement européen et du Conseil du 7 mars 2002 relative à un cadre réglementaire commun pour les réseaux et services de communications électroniques («directive cadre») (JO L 108, p. 33), telle que modifiée par la directive 2009/140/CE du Parlement européen et du Conseil, du 25 novembre 2009 (JO L 337, p. 37).


6 – Mise en italique par nos soins.


7 – Le considérant 8 de la directive est tout aussi clair, en ce qu’il affirme qu’«[u]ne exigence fondamentale du service universel est d’assurer aux utilisateurs qui en font la demande un raccordement au réseau téléphonique public en position déterminée, à un prix abordable».


8 – Voir à cet égard arrêt Commission/Belgique (C‑222/08, EU:C:2010:583, point 46).