Language of document : ECLI:EU:T:2015:148

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (troisième chambre)

9 mars 2015 (*)

« Concurrence – Concentrations – Secteur des instruments financiers –Marchés européens ayant trait à des produits dérivés – Décision déclarant la concentration incompatible avec le marché intérieur – Appréciation des effets de l’opération sur la concurrence – Gains d’efficacité – Engagements »

Dans l’affaire T‑175/12,

Deutsche Börse AG, établie à Francfort-sur-le-Main (Allemagne), représentée par Mes C. Zschocke, J. Beninca et T. Schwarze, avocats,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par MM. T. Christoforou, V. Bottka, N. Khan et B. Mongin, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

soutenue par

Icap Securities Ltd, établie à Londres (Royaume-Uni), représentée par Me C. T. Riis-Madsen, avocat, et Mme S. Stephanou, solicitor,

partie intervenante,

ayant pour objet une demande d’annulation de la décision C (2012) 440 de la Commission, du 1er février 2012, déclarant une concentration incompatible avec le marché commun et l’accord EEE (affaire COMP/M.6166 – Deutsche Börse/NYSE Euronext),

LE TRIBUNAL (troisième chambre),

composé de MM. S. Papasavvas (rapporteur), président, N. J. Forwood et E. Bieliūnas, juges,

greffier : Mme C. Kristensen, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 4 juin 2014,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1.     Parties à la concentration

1        La requérante, Deutsche Börse AG, et NYSE Euronext Inc. (ci-après, prises ensemble, les « parties à la concentration ») sont des sociétés actives dans le domaine des marchés financiers.

2        La requérante est une société de droit allemand, dont les principales activités sont les services de cotation, de négociation et de compensation au comptant, les services de négociation et de compensation de produits dérivés et les services postnégociation sur les marchés au comptant, à savoir le règlement-livraison et la conservation de titres, la gestion des collatéraux, ainsi que les données de marché et l’analyse des marchés (octroi de licences sur indices et services d’information). Elle gère la bourse de Francfort (Allemagne) et détient des parts dans le capital d’Eurex Zürich AG, qui est la société mère d’Eurex Frankfurt AG (ci-après « Eurex »), laquelle gère la bourse de produits dérivés Eurex Deutschland et détient la totalité des actions d’Eurex Clearing AG, la chambre de compensation du groupe dont elle est la société mère.

3        NYSE Euronext est une société de droit américain dont les principales activités sont les services de cotation et de négociation au comptant, les services de négociation et de compensation de produits dérivés, ainsi que les services d’information et de solutions technologiques. Elle gère de nombreuses bourses aux États-Unis et en Europe. En Europe, NYSE Euronext gère, notamment, la bourse de produits dérivés NYSE Liffe (ci-après « Liffe »), laquelle gère également les marchés de produits dérivés de Paris (France), d’Amsterdam (Pays-Bas), de Bruxelles (Belgique) et de Lisbonne (Portugal).

2.     Procédure administrative

4        Le 29 juin 2011, les parties à la concentration ont notifié à la Commission européenne un projet de concentration, au titre de l’article 4 du règlement (CE) n° 139/2004 du Conseil, du 20 janvier 2004, relatif au contrôle des concentrations entre entreprises (JO L 24, p. 1).

5        Ce projet visait la création de HoldCo, une société de droit néerlandais. Celle-ci devait acquérir, dans le cadre d’une offre publique d’achat, l’ensemble des titres en circulation émis par la requérante, en échange de ses propres titres. À la clôture de l’offre, une société de droit américain, nouvellement créée et totalement détenue par HoldCo, devait fusionner avec NYSE Euronext, laquelle devait devenir une filiale totalement détenue par HoldCo. Une fois l’opération réalisée, les actionnaires actuels de la requérante devaient détenir environ 60 % du capital de HoldCo, tandis que les actionnaires actuels de NYSE Euronext devaient en détenir environ 40 %.

6        Par décision du 4 août 2011, la Commission a estimé que le projet de concentration soulevait des doutes sérieux quant à sa compatibilité avec le marché commun et a décidé d’engager une procédure d’examen approfondi, conformément à l’article 6, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 139/2004.

7        Le 5 octobre 2011, la Commission a adressé aux parties à la concentration une communication des griefs, conformément à l’article 18 du règlement n° 139/2004.

8        Le 20 octobre 2011, la Commission a, en vertu de l’article 10, paragraphe 3, deuxième alinéa, du règlement n° 139/2004, prolongé de sept jours ouvrables le délai d’adoption d’une décision finale.

9        Les parties à la concentration ont répondu à la communication des griefs le 24 octobre 2011.

10      Une audition s’est tenue les 27 et 28 octobre 2011 (ci-après l’« audition »).

11      Le 17 novembre 2011, les parties à la concentration ont présenté à la Commission des engagements, qui ont été modifiés le 21 novembre suivant avec l’accord de la Commission (ci-après les « engagements de novembre »).

12      Le 22 novembre 2011, la Commission a consulté les acteurs du marché au sujet des engagements de novembre.

13      Le 23 novembre 2011, les parties à la concentration ont rencontré l’économiste en chef au sein de la direction générale (DG) « Concurrence » de la Commission (ci-après la « réunion du 23 novembre 2011 »).

14      Le 1er décembre 2011, les parties à la concentration ont indiqué à la Commission que les preuves économiques présentées par son économiste en chef au sein de la DG « Concurrence » lors de la réunion du 23 novembre 2011 constituaient des preuves nouvelles, sur lesquelles elles n’avaient pas pu exercer leurs droits de la défense.

15      Le 8 décembre 2011, la Commission a informé les parties à la concentration qu’elle considérait que les arguments et éléments de preuve présentés par son économiste en chef au sein de la DG « Concurrence » ne constituaient pas de nouveaux éléments de preuve ou griefs et a fourni auxdites parties un projet de compte rendu de la réunion du 23 novembre 2011.

16      Le 12 décembre 2011, les parties à la concentration ont présenté de nouveaux engagements, lesquels ont été modifiés le 14 décembre 2011 (ci-après les « engagements de décembre »).

17      Les 14 et 15 décembre 2011, la Commission a consulté les acteurs du marché au sujet des engagements de décembre.

18      Le 16 décembre 2011, la Commission a, en vertu de l’article 10, paragraphe 3, deuxième alinéa, du règlement n° 139/2004, prolongé de treize jours ouvrables le délai d’adoption d’une décision finale.

19      Le 17 janvier 2012, le comité consultatif prévu à l’article 19, paragraphe 3, du règlement n° 139/2004 a examiné le projet de décision de la Commission et a émis un avis favorable.

3.     Décision attaquée

20      Le 1er février 2012, la Commission a adopté la décision C (2012) 440 déclarant une concentration incompatible avec le marché commun et l’accord EEE (affaire COMP/M.6166 – Deutsche Börse/NYSE Euronext) (ci-après la « décision attaquée »).

21      Dans la décision attaquée, la Commission a relevé que le projet de concentration constituait une opération de concentration au sens de l’article 3, paragraphe 1, sous a), du règlement n° 139/2004, qui avait une dimension communautaire au sens de l’article 1er, paragraphe 2, du même règlement.

22      La Commission a, ensuite, constaté que le projet de concentration conduirait probablement à entraver de manière significative la concurrence effective en créant une position dominante ou une situation de quasi-monopole et en éliminant le concurrent effectif et potentiel le plus proche sur :

–        le marché des options et contrats à terme européens existants et nouveaux sur taux d’intérêt qui sont négociés en bourse, que ce marché soit ou non divisé entre les produits dérivés de taux d’intérêt à court terme (ci-après les « produits dérivés TICT ») et les produits dérivés de taux d’intérêt à long terme (ci-après les « produits dérivés TILT ») ou en fonction de la devise du sous-jacent ;

–        le marché des options et contrats à terme européens existants et nouveaux sur actions individuelles négociés en bourse, que ce marché soit ou non défini sur la base de sous-jacents uniques, de tous les sous-jacents d’une nationalité donnée, ou de tous les sous-jacents de l’Espace économique européen (EEE) ;

–        le marché des options et contrats à terme nouveaux sur indices boursiers européens négociés en bourse ;

–        le marché des services hors carnet d’ordres pour les transactions de blocs portant sur des contrats de produits dérivés européens négociés en bourse, que ce marché fasse ou non l’objet de subdivisions supplémentaires en fonction des différents axes envisagés pour la négociation sur carnet d’ordres ;

–        le marché des services d’inscription, de confirmation et de compensation avec contrepartie centrale de transactions portant sur des versions flexibles d’options et de contrats à terme sur actions européennes négociés de gré à gré.

23      La Commission a, en outre, estimé que les gains d’efficacité qui seraient générés par le projet de concentration ne seraient pas suffisants pour contrer les restrictions significatives à une concurrence effective qui en résulteraient.

24      La Commission a, enfin, relevé que les engagements présentés par les parties à la concentration ne permettaient pas de corriger les problèmes de concurrence constatés et n’étaient donc pas susceptibles de lever l’entrave significative à une concurrence effective sur les marchés en cause, ni de rendre le projet de concentration compatible avec le marché commun.

25      La Commission a donc conclu que le projet de concentration devait être déclaré incompatible avec le marché intérieur et avec le fonctionnement de l’accord EEE en vertu de l’article 8, paragraphe 3, du règlement n° 139/2004 et de l’article 57 dudit accord.

26      L’article 1er de la décision attaquée se lit comme suit :

« Article 1er

La concentration notifiée, par laquelle NYSE Euronext et Deutsche Börse fusionnent au sens de l’article 3, paragraphe 1, sous a), du règlement [n° 139/2004], est déclarée incompatible avec le marché intérieur et le fonctionnement de l’accord EEE. »

 Procédure

27      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 12 avril 2012, la requérante a introduit le présent recours.

28      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 26 juillet 2012, Icap Securities Ltd (ci-après « Icap ») a demandé à intervenir dans la présente affaire au soutien des conclusions de la Commission. La requérante et la Commission ont présenté leurs observations sur cette demande dans le délai imparti.

29      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 14 août 2012, la Commission a introduit une demande de mesure d’organisation de la procédure, en vertu de l’article 64, paragraphe 4, du règlement de procédure du Tribunal, afin de régir la production d’informations ou de documents confidentiels.

30      La requérante et la Commission ont participé, le 10 septembre 2012, à une réunion informelle avec le Tribunal (cinquième chambre), afin d’examiner la mesure d’organisation de la procédure demandée et les conditions de son éventuelle mise en œuvre.

31      Par décision du 21 septembre 2012, le Tribunal (cinquième chambre) a adopté une mesure d’organisation de la procédure régissant la production, par la requérante, la Commission et d’éventuels intervenants, d’informations ou de documents confidentiels.

32      Par ordonnance du 8 octobre 2012, le Tribunal (cinquième chambre) a adopté une mesure d’instruction en vertu de laquelle la Commission est en droit d’utiliser des documents et des informations provenant de NYSE Euronext aux fins de la présente procédure, dans la mesure où ils ont été accessibles aux représentants de la requérante pendant la procédure administrative.

33      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 15 novembre 2012, la requérante a introduit une demande de mesure d’organisation de la procédure, en vertu de l’article 64, paragraphe 4, du règlement de procédure, visant à ce qu’il soit ordonné à la Commission de produire un document. La Commission a présenté ses observations sur cette demande dans le délai imparti.

34      Par ordonnance du 12 décembre 2012, le Tribunal (cinquième chambre) a admis l’intervention d’Icap. Cette dernière a déposé son mémoire en intervention et les autres parties ont déposé leurs observations sur celui-ci dans les délais impartis.

35      La composition des chambres du Tribunal ayant été modifiée, le juge rapporteur a été affecté à la troisième chambre, à laquelle la présente affaire a, par conséquent, été attribuée.

36      Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (troisième chambre) a décidé d’ouvrir la procédure orale et, dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 64 du règlement de procédure, a posé par écrit des questions à la requérante et à la Commission. Ces dernières y ont répondu dans le délai imparti.

37      Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions orales posées par le Tribunal lors de l’audience du 4 juin 2014.

38      Lors de celle-ci, la requérante a été autorisée à produire, dans un délai d’une semaine, un document, et ce sans préjudice de la décision du Tribunal quant à son versement au dossier.

39      Après que la requérante a déposé le document en cause et que la Commission a présenté ses observations dans le délai imparti, le Tribunal a décidé de verser ce document et ces observations au dossier.

40      La procédure orale a été clôturée le 23 juillet 2014.

 Conclusions des parties

41      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner la Commission aux dépens.

42      La Commission, soutenue par Icap, conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

1.     Sur le caractère opérant des moyens du recours

43      La Commission considère que le recours doit être rejeté, dès lors que, même si tous les moyens étaient fondés, la décision attaquée ne pourrait être annulée, étant donné que celle-ci comporte des constatations non contestées par la requérante, lesquelles suffisent à justifier le dispositif de ladite décision. En effet, d’une part, la requérante n’avancerait que des allégations isolées concernant le constat selon lequel les produits dérivés négociés en bourse (ci-après les « ETD ») et les produits dérivés négociés de gré à gré (ci-après les « OTC ») font partie de marchés distincts, lesdites allégations ne permettant pas de réfuter ce constat. Elle concentrerait ainsi son argumentation sur les questions liées à certains OTC, en l’occurrence les produits analogues aux ETD (ci-après les « ETD lookalikes ») et à l’existence d’un groupe de clients distinct capable de ne négocier que des ETD. D’autre part, les constatations concernant l’existence d’une entrave significative à une concurrence effective sur le marché des nouveaux produits dérivés sur indices boursiers, sur le marché des services hors carnet d’ordres et sur le marché des services d’inscription, de confirmation et de compensation avec contrepartie centrale de transactions portant sur des versions flexibles d’options et de contrats à terme sur actions européennes négociés de gré à gré suffiraient à justifier la décision attaquée. Or, la requérante n’aurait pas démontré que ladite décision était entachée d’une erreur concernant les constatations à cet égard.

44      À titre subsidiaire, la Commission considère que, même si les moyens concernant les gains d’efficacité et les engagements étaient fondés, la requête serait néanmoins inopérante, étant donné que la constatation selon laquelle l’opération entraînerait une entrave significative à une concurrence pour les trois marchés non contestés resterait valable.

45      En tout état de cause, la Commission allègue que la requête n’est pas conforme à l’article 44, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure, en ce que celle-ci ne fournit pas d’éléments suffisamment précis.

46      À cet égard, il convient de relever que, dans la mesure où certains motifs d’une décision sont, à eux seuls, de nature à justifier à suffisance de droit celle-ci, les vices dont pourraient être entachés d’autres motifs de l’acte sont, en tout état de cause, sans influence sur son dispositif (voir arrêt du Tribunal du 14 décembre 2005, General Electric/Commission, T‑210/01, Rec. p. II‑5575, point 42, et la jurisprudence citée).

47      Dès lors que le dispositif d’une décision de la Commission repose sur plusieurs piliers de raisonnement dont chacun suffirait à lui seul à fonder ce dispositif, il n’y a lieu d’annuler cet acte, en principe, que si chacun de ces piliers est entaché d’illégalité. Dans cette hypothèse, une erreur ou autre illégalité qui n’affecterait qu’un seul des piliers du raisonnement ne saurait suffire à justifier l’annulation de ladite décision, dès lors que cette erreur n’a pu avoir une influence déterminante quant au dispositif retenu par l’institution auteur de cette décision (voir arrêt General Electric/Commission, point 46 supra, point 43, et la jurisprudence citée).

48      Dans le contexte des décisions en matière de contrôle des opérations de concentrations, quelle que soit l’ampleur des lacunes que peut présenter une décision de la Commission constatant l’incompatibilité avec le marché commun d’une telle opération, ces lacunes ne peuvent pas en entraîner l’annulation si, et dans la mesure où, l’ensemble des autres éléments contenus dans cette décision permet au Tribunal de considérer comme établi que, en tout état de cause, la réalisation de l’opération aboutira à la création ou au renforcement d’une position dominante ayant pour effet une entrave significative à une concurrence effective, au sens de l’article 2, paragraphe 3, du règlement n° 139/2004 (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 22 octobre 2002, Schneider Electric/Commission, T‑310/01, Rec. p. II‑4071, point 412).

49      En l’espèce, s’agissant, en premier lieu, de la contestation de la définition du marché pertinent, il ressort de la requête que la requérante réfute le constat selon lequel les ETD et les OTC font partie de marchés distincts.

50      S’il est vrai, comme le relève en substance la Commission, que, à cet égard, la requérante concentre, dans la requête, une large part de son argumentation aux questions liées aux ETD lookalikes et à l’existence d’un groupe de clients distinct capable de ne négocier que des ETD, aucun élément ne permet toutefois de considérer que, si cette argumentation, le cas échéant combinée aux autres griefs soulevés par la requérante, devait être accueillie, elle ne pourrait remettre en cause la définition du marché pertinent retenue par la Commission.

51      S’agissant, en second lieu, de la contestation de l’existence d’une entrave significative à la concurrence sur les marchés en cause, il convient, tout d’abord, de rappeler que la Commission a considéré que le projet de concentration conduirait probablement à entraver de manière significative la concurrence effective en créant une position dominante ou une situation de quasi-monopole et en éliminant le concurrent effectif et potentiel le plus proche sur :

–        le marché des options et contrats à terme européens existants et nouveaux sur taux d’intérêt qui sont négociés en bourse, que ce marché soit ou non divisé entre les produits dérivés TICT et les produits dérivés TILT ou en fonction de la devise du sous-jacent ;

–        le marché des options et contrats à terme européens existants et nouveaux sur actions individuelles négociés en bourse, que ce marché soit ou non défini sur la base de sous-jacents uniques, de tous les sous-jacents d’une nationalité donnée ou de tous les sous-jacents de l’EEE ;

–        le marché des options et contrats à terme nouveaux sur indices boursiers européens négociés en bourse ;

–        le marché des services hors carnet d’ordres pour les transactions de blocs portant sur des contrats de produits dérivés européens négociés en bourse, que ce marché fasse ou non l’objet de subdivisions supplémentaires en fonction des différents axes envisagés pour la négociation sur carnet d’ordres ;

–        le marché des services d’inscription, de confirmation et de compensation avec contrepartie centrale de transactions portant sur des versions flexibles d’options et de contrats à terme sur actions européennes négociés de gré à gré.

52      Il convient ensuite de relever que la décision attaquée ne crée pas de hiérarchie entre les problèmes concurrentiels constatés sur chacun des marchés énumérés au point 51 ci-dessus. Bien au contraire, et compte tenu notamment des termes de l’article 2 du règlement n° 139/2004, l’appréciation de la Commission ne peut se comprendre qu’en ce sens que, sur chacun desdits marchés, l’opération notifiée aurait conduit à ce que la concurrence effective soit entravée de manière substantielle dans le marché commun (voir, en ce sens, arrêt General Electric/Commission, point 46 supra, point 47).

53      Or, en l’espèce, force est de constater que, dans la requête, la requérante n’a avancé aucun moyen visant à contester spécifiquement et explicitement les conclusions de la Commission en tant qu’elles ont trait :

–        au marché des nouveaux produits dérivés sur indices boursiers européens négociés en bourse ;

–        au marché des services hors carnet d’ordres pour les transactions de blocs portant sur des contrats de produits dérivés européens négociés en bourse ;

–        au marché des services d’inscription, de confirmation et de compensation avec contrepartie centrale de transactions portant sur des versions flexibles d’options et de contrats à terme sur actions européennes négociés de gré à gré.

54      Cependant, sans qu’il soit nécessaire de se prononcer sur l’argumentation de la requérante visant à démontrer qu’elle a valablement contesté les conclusions de la Commission en tant qu’elles ont trait aux marchés visés au point 53 ci-dessus, il ne saurait être considéré que les moyens recours sont, du fait d’une telle absence de contestation explicite, inopérants.

55      En effet, premièrement, la requérante invoque, dans le cadre des moyens relatifs, d’une part, aux gains d’efficacité, et, d’autre part, aux engagements, des violations des droits de la défense, dont il ne saurait être exclu que, si elles étaient accueillies, elles pourraient aboutir à une annulation de la décision attaquée.

56      Deuxièmement, nonobstant le silence de la requête à cet égard, il ne saurait être exclu que les griefs avancés par la requérante dans le cadre du recours puissent avoir des conséquences sur les appréciations de la Commission relatives aux marchés visés au point 53 ci-dessus, en particulier en raison du fait que certains considérants de la décision attaquée les concernant renvoient à d’autres considérants de ladite décision relatifs aux marchés concernés par la requête.

57      Troisièmement, et en tout état de cause, le fait que la requérante ne conteste pas explicitement les appréciations de la Commission concernant les marchés visés au point 53 ci-dessus ne permet pas de considérer que les moyens visant à contester les appréciations portées par la Commission sur les gains d’efficacité et sur les engagements seraient inopérants, dès lors qu’ils ne se rapportent pas spécifiquement à un marché déterminé. D’ailleurs, à supposer que les griefs concernant les marchés explicitement contestés soient accueillis, il ne saurait être exclu que l’analyse effectuée par la Commission des gains d’efficacité et des engagements proposés aurait été différente, de sorte qu’elle aurait pu être amenée à autoriser la concentration projetée. À cet égard, il est à noter que, au considérant 1479 de la décision attaquée, la Commission a estimé que certains problèmes de concurrence avaient pu avoir reçu une réponse adéquate avec les engagements de décembre, notamment ceux relatifs aux services hors carnet d’ordres et aux services d’inscription, de confirmation et de compensation avec contrepartie centrale pour les versions flexibles d’options et de contrats à terme sur actions européennes négociés de gré à gré. Elle a néanmoins estimé que, étant donné qu’il existait des doutes quant à la viabilité même des activités dont la cession était proposée, même dans ces domaines, les problèmes de concurrence n’auraient pas reçu une réponse suffisante.

58      Dans ces conditions, il y a lieu de rejeter l’argumentation de la Commission tirée de la portée réduite de la requête et selon laquelle, en substance, même si tous les moyens étaient fondés, la décision attaquée ne saurait être annulée.

59      Quant à l’allégation de la Commission selon laquelle la requête n’est pas conforme à l’article 44, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure, en ce que celle-ci ne fournit pas d’éléments suffisamment précis, elle ne peut qu’être écartée, dès lors que, ainsi qu’il ressort du présent arrêt, l’exposé des moyens du recours a permis à la Commission de préparer sa défense et au Tribunal de statuer sur le recours.

2.     Sur le fond

60      À l’appui de son recours, la requérante soulève trois moyens, tirés, en substance, le premier, d’erreurs de droit et d’appréciation concernant l’analyse des éléments de preuve disponibles, le deuxième, d’erreurs de droit et d’appréciation concernant les gains d’efficacité et, le troisième, d’erreurs de droit et d’appréciation concernant les engagements.

61      Avant d’examiner ces moyens, il convient de rappeler, à titre liminaire, que, pour déclarer une concentration incompatible avec le marché commun, la Commission doit prouver, conformément à l’article 2, paragraphe 3, du règlement n° 139/2004, que la réalisation de la concentration notifiée entraverait de manière significative une concurrence effective dans le marché commun ou une partie substantielle de celui-ci, notamment du fait de la création ou du renforcement d’une position dominante (arrêt du Tribunal du 6 juillet 2010, Ryanair/Commission, T‑342/07, Rec. p. II‑3457, point 26).

62      Une telle décision, adoptée sur la base de l’article 8, paragraphe 3, du règlement n° 139/2004, repose sur le résultat d’une analyse prospective menée par la Commission. Cette analyse prospective consiste à examiner dans quelle mesure la concentration notifiée pourrait modifier les facteurs déterminant l’état de la concurrence sur un marché donné afin de vérifier s’il en résulterait une entrave significative à une concurrence effective. Une telle analyse requiert d’imaginer les divers enchaînements de cause à effet, afin de retenir ceux dont la probabilité est la plus forte (voir arrêt Ryanair/Commission, point 61 supra, point 27, et la jurisprudence citée).

63      Lorsque la Commission estime qu’une opération de concentration doit être interdite parce qu’elle créera ou renforcera, dans une période prévisible, une position dominante, il lui incombe de fournir des preuves solides au soutien d’une telle conclusion (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 6 juin 2002, Airtours/Commission, T‑342/99, Rec. p. II‑2585, point 63). En particulier, lorsqu’elle s’appuie sur l’élimination ou la réduction significative d’une concurrence potentielle, même d’une concurrence qui a vocation à croître, afin de justifier l’interdiction d’une concentration notifiée, les éléments constitutifs de la création ou du renforcement d’une position dominante identifiés doivent être fondés sur de telles preuves solides (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 25 octobre 2002, Tetra Laval/Commission, T‑5/02, Rec. p. II‑4381, point 312).

64      Dans l’hypothèse où des engagements ont été valablement proposés par les parties à l’opération lors de la procédure administrative afin d’obtenir une décision de compatibilité avec le marché commun, la Commission a l’obligation d’examiner la concentration telle que modifiée par ces engagements. Il appartient alors à la Commission de démontrer que ces engagements ne rendent pas la concentration, ainsi modifiée, compatible avec le marché commun (voir arrêt Ryanair/Commission, point 61 supra, point 28, et la jurisprudence citée).

65      Par ailleurs, il est à rappeler que les règles de fond du règlement n° 139/2004, et, en particulier, l’article 2 de celui-ci, confèrent à la Commission un certain pouvoir discrétionnaire, notamment pour ce qui est des appréciations d’ordre économique. En conséquence, le contrôle par le juge de l’exercice d’un tel pouvoir, qui est essentiel dans la définition des règles en matière de concentrations, doit être effectué compte tenu de la marge d’appréciation que sous-tendent les normes de caractère économique faisant partie du régime des concentrations (voir arrêt Ryanair/Commission, point 61 supra, point 29, et la jurisprudence citée).

66      Si la Commission jouit d’une marge d’appréciation en matière économique, cela n’implique pas que le juge de l’Union européenne doive s’abstenir de contrôler l’interprétation, par la Commission, de données de nature économique. En effet, le juge de l’Union doit notamment vérifier non seulement l’exactitude matérielle des éléments de preuve invoqués, leur fiabilité et leur cohérence, mais également contrôler si ces éléments constituent l’ensemble des données pertinentes devant être prises en considération pour apprécier une situation complexe et s’ils sont de nature à étayer les conclusions qui en sont tirées (voir arrêt Ryanair/Commission, point 61 supra, point 30, et la jurisprudence citée).

67      En outre, selon une jurisprudence constante, dans les cas où les institutions disposent d’un pouvoir d’appréciation, le respect des garanties conférées par l’ordre juridique de l’Union dans les procédures administratives revêt une importance d’autant plus fondamentale. Parmi ces garanties figurent, notamment, l’obligation pour la Commission d’examiner, avec soin et impartialité, tous les éléments pertinents du cas d’espèce, le droit de l’intéressé de faire connaître son point de vue ainsi que celui de voir motiver la décision de façon suffisante (voir arrêt Ryanair/Commission, point 61 supra, point 31, et la jurisprudence citée).

68      C’est au regard de ces principes qu’il convient d’examiner les moyens soulevés par la requérante au soutien de son recours.

 Sur le premier moyen, tiré d’erreurs de droit et d’appréciation concernant l’analyse des éléments de preuve disponibles

69      Le premier moyen comporte, en substance, deux branches, tirées, la première, de ce que la Commission n’a pas suffisamment tenu compte des pressions concurrentielles horizontales et, la seconde, de ce que la Commission n’a pas examiné de façon suffisante les pressions liées à la demande.

 Sur la première branche, tirée de ce que la Commission n’a pas suffisamment tenu compte des pressions concurrentielles horizontales

70      Dans le cadre de la première branche, la requérante avance quatre griefs.

–       Sur le premier grief

71      La requérante soutient que l’examen par la Commission des OTC est entaché d’erreurs de droit et d’appréciation. Selon elle, la conclusion selon laquelle les ETD et les OTC relèvent de marchés distincts, au motif qu’ils ne sont pas interchangeables, est erronée.

72      À cet égard, il convient de rappeler, à titre liminaire, que, dans le cadre de l’examen des marchés de produits concernés par la décision attaquée, la Commission a, en substance, estimé que le marché des ETD et le marché des OTC étaient des marchés distincts. Dans ce contexte, elle a notamment relevé, ainsi qu’il ressort du considérant 367 de la décision attaquée, que la capacité à remplacer directement des ETD par des OTC se limiterait, au mieux, aux ETD lookalikes, même dans le cas de clients négociant à la fois des ETD et des OTC. En outre, la Commission a constaté que les OTC répondaient généralement aux besoins de clients différents de ceux auxquels répondent les ETD, et, notamment, au besoin d’obtenir une couverture personnalisée parfaite, ce qui est impossible avec un ETD. La Commission a donc considéré que même ces clients n’utilisaient pas les ETD et les OTC comme des substituts, mais comme des outils complémentaires, dans le cadre de leurs stratégies de négociation.

73      En l’espèce, la requérante avance, en substance, quatre allégations au soutien du présent grief.

74      En premier lieu, la requérante allègue que la Commission a considéré à tort que les ETD lookalikes n’exerçaient pas de pression concurrentielle sur les ETD.

75      À cet égard, il y a lieu de rappeler que, au considérant 445 de la décision attaquée, la Commission a estimé que, compte tenu de la faible importance du segment des ETD lookalikes, il n’y avait pas lieu de trancher la question de savoir si, pour les clients négociant à la fois des ETD et des OTC, les ETD lookalikes relevaient du même marché que les ETD, dans la mesure où l’appréciation au regard de la concurrence demeurerait identique, que les ETD lookalikes soient inclus ou non dans le marché de produits en cause pour cette catégorie de clients.

76      En l’espèce, force est de constater d’emblée, et sous réserve des considérations figurant aux points 78 et suivants ci-après relatives à la contestation par la requérante de l’existence de cette catégorie de clients, que l’allégation de la requérante est dénuée de pertinence en ce qui concerne les clients ne négociant que des ETD, étant donné que, par définition, ils ne négocient pas d’ETD lookalikes. Elle est en outre inopérante en ce qui concerne les clients négociant à la fois des ETD et des OTC, étant donné que, ainsi qu’il découle du considérant 445 de la décision attaquée, la Commission n’a pas tranché la question de savoir si, pour ces clients, les ETD lookalikes relevaient du même marché que les ETD. Quant à l’argument de la requérante, présenté au stade de la réplique, selon lequel la décision attaquée n’analyse pas cette dernière question, il suffit de constater qu’il ressort explicitement de ladite décision, et notamment des considérants 445 et 642, que c’est en raison du phénomène relativement limité des ETD lookalikes, examiné en particulier aux considérants 314 à 319, que la Commission a estimé qu’il n’était pas nécessaire de trancher la question de savoir si les ETD lookalikes pouvaient relever du même marché que les ETD.

77      Nonobstant ce qui précède, il convient encore d’examiner les cinq arguments que la requérante avance, en substance, au soutien de son allégation, dès lors qu’elle conteste, dans le cadre du présent grief, l’existence d’un groupe de clients ne négociant que des ETD.

78      Premièrement, la requérante conteste l’appréciation de la Commission selon laquelle la négociation des ETD lookalikes est un « phénomène relativement limité ».

79      À cet égard, il convient de rappeler que la Commission a indiqué, au considérant 316 de la décision attaquée, que les résultats de l’enquête de marché montraient que la négociation d’ETD lookalikes était un « phénomène relativement limité », au motif que l’intérêt du marché de la négociation d’OTC était très différent et résidait dans la capacité à offrir un contrat sur mesure constituant une couverture parfaite contre tout type de risque, contrairement au modèle commercial des bourses, qui offrait une liquidité considérable dans un petit sous-ensemble de contrats. Elle a également estimé, au considérant 319 de ladite décision, que, dans le meilleur des cas, certains clients, principalement des grandes banques, pourraient dans certaines circonstances substituer des ETD lookalikes à certains ETD, notamment des options. Elle en a conclu que le phénomène des ETD lookalikes était « très limité » et le resterait.

80      La requérante objecte, notamment, que le marché des ETD lookalikes représente 5 à 15 % du marché des OTC et que ce dernier est dix fois supérieur à celui des ETD. Les ETD lookalikes représenteraient de fait entre la moitié et une fois et demie le volume des ETD, de sorte qu’ils auraient une incidence très significative sur les activités des parties à la concentration ainsi que sur l’analyse des effets sur le jeu de la concurrence.

81      À cet égard, il convient, d’une part, de constater que, ainsi qu’il ressort du considérant 268 de la décision attaquée, en prenant en compte le chiffre d’affaires notionnel total, c’est-à-dire le chiffre d’affaires réalisé au cours d’une période donnée, et non l’encours notionnel, c’est-à-dire la valeur totale de l’ensemble des transactions en cours, le marché des OTC est moins important que celui des ETD. Sur ce point, il ressort du considérant 269 de ladite décision que NYSE Euronext a fait valoir, antérieurement à la procédure en cause en l’espèce que le chiffre d’affaires notionnel était plus approprié pour évaluer l’utilité économique de produits dérivés. En outre, il ressort du considérant 270 de cette décision que le marché des ETD est plus liquide que celui des OTC, de sorte que, en 2009, le second représentait 16 millions de transactions, alors que le premier en représentait 3 milliards. Enfin, il découle du considérant 278 de la même décision que les OTC « véritables », à savoir ceux qui sont personnalisés et qui, à ce jour, n’ont pas d’équivalent en bourse et dont la compensation s’effectue soit de manière bilatérale, soit, lorsque le degré de standardisation le permet, par l’intermédiaire d’une contrepartie centrale spécialisée dans la compensation des instruments en question, représentent le plus grand segment des OTC, les ETD lookalikes n’étant donc pas majoritaires au sein de ces derniers. La requérante ne le conteste d’ailleurs pas. Il s’ensuit que, dans le contexte d’une analyse quantitative prenant en compte, notamment, le chiffre d’affaires notionnel total et le nombre de transactions, les ETD lookalikes ne sauraient être considérés comme ayant l’importance alléguée par la requérante.

82      Il convient, d’autre part, de relever que, au-delà de ces aspects quantitatifs, il ressort de la décision attaquée que la qualification de « phénomène relativement limité » se réfère également aux caractéristiques économiques des ETD lookalikes. En effet, il découle du considérant 316 de ladite décision que la Commission a constaté qu’il ressortait de l’enquête de marché que la négociation d’ETD lookalikes était un « phénomène relativement limité », au motif que l’intérêt du marché de la négociation de gré à gré était très différent et résidait dans la capacité à offrir un contrat sur mesure constituant une couverture parfaite contre tout type de risque, contrairement au modèle commercial des bourses, qui offre une liquidité considérable dans un petit sous-ensemble de contrats. De même, ainsi qu’il ressort du considérant 319 de cette décision, c’est dans la mesure où les aspects économiques afférents à la reproduction d’un contrat négocié en bourse sur le marché de gré à gré ne justifient pas l’adoption d’une telle stratégie, notamment en raison du fait que la liquidité des ETD se concentre sur les places boursières des parties à la concentration, que le phénomène des ETD lookalikes est « très limité » et le restera. Or, ainsi qu’il ressort du présent arrêt, et notamment des points 84 à 86 ci-après, la requérante n’a avancé aucun élément permettant de contredire les éléments sur lesquels la Commission a fondé ces constats.

83      Il résulte de ce qui précède que, contrairement à ce que soutient la requérante, c’est sans commettre d’erreur que la Commission a estimé que la négociation des ETD lookalikes était un phénomène relativement limité.

84      Deuxièmement, la requérante soutient que la conclusion de la Commission selon laquelle le phénomène des ETD lookalikes est très limité et le restera repose sur le constat erroné qu’il est peu probable que le groupe de clients qui ne négocie que des ETD bascule vers des OTC en réaction à une hausse de 5 à 10 % du coût global de négociation des ETD. À cet égard, force est de constater, à titre liminaire, que ladite conclusion n’est pas fondée sur ce seul constat, la Commission s’étant également basée sur des documents internes de la requérante ainsi que sur les résultats de l’enquête de marché, comme il ressort en particulier des considérants 310 à 320 de la décision attaquée. Ensuite, et en tout état de cause, il doit être relevé que c’est à tort que la requérante soutient, afin de faire valoir que ledit constat est inexact, que la Commission a erronément appuyé son analyse sur la question de savoir si les clients se tourneraient vers d’autres produits ou fournisseurs en cas de hausse de 5 à 10 % des coûts globaux de négociation en bourse, alors qu’elle aurait dû interroger les clients sur une hausse des commissions de bourse. En effet, ainsi qu’il ressort d’une lecture conjointe des considérants 299, 501 et 502 de ladite décision, l’enquête de marché a confirmé que les négociateurs se fondaient généralement sur le coût de transaction total, lequel inclut les frais implicites (à savoir l’écart entre le cours acheteur et le cours vendeur, l’impact sur le marché ainsi que le coût d’opportunité lié à la constitution de garanties) et les frais explicites (à savoir les frais d’adhésion et les frais de négociation ainsi que de compensation des transactions), pour décider du lieu de la négociation. Ce constat concernant la structure du coût total de transaction n’est pas contesté par la requérante dans la requête. En outre, comme le fait noter la Commission, le test « Small but Significant Non-transitory Increase in Prices (SSNIP) » (augmentation faible, mais significative et non transitoire des prix) vise à examiner la réaction des clients au regard d’une augmentation du prix du produit en cause. Le fait que cette hausse provient d’une des composantes du prix est sans influence à cet égard, dès lors que le client n’est pas en mesure de dissocier l’ensemble de ces composantes. D’ailleurs, aucun élément de la communication de la Commission sur la définition du marché en cause aux fins du droit communautaire de la concurrence (JO 1997, C 372, p. 5, ci-après la « communication de 1997 ») ne laisse à penser que le test en cause ne devrait pas être effectué sur le fondement du coût global d’une transaction. Aussi, le fait que la relation entre les commissions de bourse et le coût total de la transaction n’est pas linéaire ou que les parties à la concentration peuvent agir uniquement sur lesdites commissions, comme le soutient la requérante, est sans pertinence. Il s’ensuit que c’est sans commettre d’erreur que la Commission s’est fondée sur l’hypothèse d’une hausse des coûts globaux de transaction et non des seules commissions de bourses. La violation alléguée de la communication de 1997 doit donc être écartée.

85      Troisièmement, s’agissant de la considération de la Commission selon laquelle les différences entre les ETD lookalikes et les ETD auraient pour conséquence que les clients tendent à privilégier les seconds par rapport aux premiers, la requérante objecte que la Commission n’a pas examiné si les clients se détourneraient des ETD pour se tourner vers les ETD lookalikes en cas de hausse permanente de 5 à 10 % du prix des ETD. À cet égard, il doit être constaté d’emblée que, ainsi qu’il ressort de la décision attaquée, et notamment de sa note en bas de page n° 194, la Commission a, au cours de la seconde phase de l’enquête de marché, demandé aux clients d’indiquer quelle serait leur réaction probable au cas où le coût total de la négociation des contrats en bourse augmenterait de 5 à 10 %, en les priant de préciser vers quelle alternative ils se tourneraient éventuellement. L’objection de la requérante ne peut donc qu’être écartée. En tout état de cause, il convient, d’une part, de rappeler que la Commission a admis que les ETD lookalikes pouvaient, dans une certaine mesure, être considérés comme substituables aux ETD, ainsi qu’il ressort des considérants 310 à 320 de ladite décision, et, d’autre part, de relever que la requérante n’a apporté, ainsi qu’il ressort du présent arrêt, aucun élément susceptible de remettre en cause la force probante de ceux avancés par la Commission au soutien de son analyse, laquelle se fonde, notamment, sur un document émanant de la requérante ainsi que sur les résultats de l’enquête de marché. Quant au fait que la réponse d’un acteur du marché, évoquée au considérant 314 de cette décision, pourrait laisser à penser que, si la négociation des ETD devenait plus onéreuse, il passerait aux ETD lookalikes, il est sans influence sur la conclusion de la Commission, laquelle admet en tout état de cause une certaine substituabilité entre ces produits.

86      Quatrièmement, s’agissant de l’affirmation, figurant au considérant 318 de la décision attaquée, selon laquelle les risques en termes de contreparties et les risques opérationnels, juridiques et de liquidité sur le marché boursier sont différents de ceux sur le marché de gré à gré et peuvent conduire les clients à préférer négocier en bourse, la requérante avance que la Commission aurait dû examiner si les ETD lookalikes présentaient des risques différents de ceux attachés aux OTC et que, si celle-ci l’avait fait, elle aurait constaté que les ETD lookalikes étaient des produits dérivés parfaitement interchangeables avec les ETD. À cet égard, il suffit de rappeler que, ainsi qu’il ressort des considérants 310 à 320 de ladite décision, la Commission ne conteste pas que les ETD lookalikes peuvent, dans certains cas, être substituables aux ETD, de sorte qu’elle n’avait pas à examiner si les ETD lookalikes présentaient des risques différents de ceux attachés aux OTC comme le prétend la requérante. Au demeurant, il ressort d’une lecture globale de la décision attaquée que la Commission a examiné les risques spécifiquement afférents aux ETD lookalikes. En particulier, d’une part, il est à noter que, au considérant 318 de cette décision, la Commission fonde ses constats sur la réponse fournie par un client lors de l’enquête de marché dont il découle que, « s’il est possible de créer des contrats dérivés négociés de gré à gré qui ‘ressemblent’ à la plupart des ETD […], la tarification différente, y compris l’incidence des garanties/marges, aboutit à ce que quelques produits seulement soient facilement substituables ». D’autre part, à la note en bas de page n° 222 de la même décision, la Commission aborde séparément la question des risques généralement afférents aux OTC et ceux spécifiquement afférents aux ETD lookalikes. Concernant ces derniers, elle se réfère à une réponse à l’enquête de marché dont il ressort, en particulier, que les ETD lookalikes et les ETD « diffèrent au regard du risque de crédit, de l’impact de marché, du prix, de la rapidité, de la liquidité et d’autres facteurs de la négociation ». La requérante n’a d’ailleurs rien avancé qui permette de remettre en cause ces éléments. Au regard de tout ce qui précède, les objections de la requérante relatives à l’analyse des risques afférents aux ETD lookalikes et aux OTC ne peuvent qu’être écartées.

87      Cinquièmement, la requérante soutient que la considération de la Commission selon laquelle, à l’avenir, les ETD ne seront plus interchangeables avec les ETD lookalikes en raison des évolutions réglementaires est viciée. À cet égard, il doit être relevé que la Commission a estimé, au considérant 320 de la décision attaquée, que les évolutions réglementaires envisagées exigeraient probablement que tous, ou quasiment tous, les ETD lookalikes soient négociés ou, à tout le moins, compensés en bourse, après quoi, si ces évolutions étaient adoptées, toute substituabilité disparaîtrait pour l’ensemble des catégories de clients. Il est également à noter que la Commission a examiné, en détail, aux considérants 1104 à 1110 de ladite décision, l’impact des évolutions réglementaires attendues. Elle a notamment considéré que ces évolutions réglementaires offriraient de nouvelles perspectives de concurrence aux bourses en place, telles que celles des parties à la concentration, qui chercheraient à attirer des volumes de transactions de produits dérivés qui, en l’absence de ces évolutions réglementaires, continueraient à être négociés sur le marché de gré à gré. Elle a conclu que, quelle que soit la portée finale précise de la législation en question, lesdites parties seraient très bien placées pour se faire concurrence. Dans ces conditions, force est de constater que l’argument de la requérante selon lequel le nombre de pressions concurrentielles exercées sur ces parties augmenterait avec l’évolution réglementaire doit être écarté, dès lors que la Commission n’a pas, ainsi qu’il découle de ce qui vient d’être exposé, exclu explicitement cette possibilité et que ledit argument n’est pas en mesure, à lui seul, de remettre en cause le constat figurant au considérant 320 de la décision attaquée. S’agissant du fait que, au considérant 284 de cette décision, la Commission a noté que la configuration définitive des projets actuellement en discussion n’était pas claire, il est sans influence en l’espèce, dès lors que, tant audit considérant qu’aux considérants 1104 à 1110 de la décision en cause, la Commission n’a pas définitivement pris position sur les effets de la réglementation à venir et n’en a envisagé que des effets probables. Au demeurant, il ne saurait être exigé de la Commission qu’elle fonde son appréciation sur des évolutions législatives dont le contenu précis et définitif n’était pas connu lors de l’adoption de la décision attaquée. Dans ce contexte, il est à noter que les trois principales évolutions législatives influençant le domaine des produits dérivés à savoir, premièrement, le règlement (UE) n° 648/2012 du Parlement européen et du Conseil, du 4 juillet 2012, sur les produits dérivés de gré à gré, les contreparties centrales et les référentiels centraux (JO L 201, p. 1), la directive 2014/65/UE du Parlement européen et du Conseil, du 15 mai 2014, concernant les marchés d’instruments financiers et modifiant la directive 2002/92/CE et la directive 2011/61/UE (JO L 173, p. 349), et le règlement (UE) n° 600/2014 du Parlement européen et du Conseil, du 15 mai 2014, concernant les marchés d’instruments financiers et modifiant le règlement n° 648/2012 (JO L 173, p. 84), sont postérieures à l’adoption de la décision attaquée, cette dernière directive et ce dernier règlement n’ayant d’ailleurs été adoptés, respectivement, qu’en avril et en mai 2014 et n’ayant même pas été encore été publiés à la date de l’audience dans la présente affaire.

88      Il résulte de ce qui précède qu’aucun des arguments avancés par la requérante dans le cadre de son allégation selon laquelle la Commission aurait considéré à tort que les ETD lookalikes n’exerçaient pas de pression concurrentielle sur les ETD ne permet de remettre en cause les conclusions de la Commission.

89      En deuxième lieu, la requérante allègue que la conclusion de la Commission selon laquelle les OTC relèvent d’un marché distinct de celui des ETD, au motif qu’il existe un groupe de « clients » capables de négocier uniquement des ETD, est erronée.

90      À cet égard, il échet de constater, d’emblée, que cette allégation découle d’une lecture erronée de la décision attaquée. En effet, ainsi que le relève à juste titre la Commission, ladite décision n’établit aucun lien de causalité entre l’existence d’un groupe de clients ne négociant que des ETD et la conclusion selon laquelle les ETD et les OTC relèvent de marchés distincts. Il ressort, en outre, de la note en bas de page n° 198 de cette décision que les conclusions concernant la définition du marché pertinent ne dépendent pas de l’existence d’une catégorie distincte de clients ne négociant que des ETD. Enfin, il découle des considérants 1131 à 1342 de la même décision que l’existence d’une entrave significative à une concurrence effective a été établie, indépendamment de la catégorie de clients en cause.

91      L’allégation de la requérante doit donc être rejetée comme inopérante.

92      En tout état de cause, les arguments avancés par la requérante au soutien de cette allégation, lesquels visent, en substance, à mettre en cause l’existence d’une catégorie de clients ne négociant que des ETD, ne sont pas fondés.

93      S’agissant, premièrement, de l’argument selon lequel, en ce qui concerne les clients ne négociant que des ETD, la Commission n’évoque que les produits dérivés d’actions, omettant les produits dérivés de taux d’intérêt, il doit être rejeté.

94      En effet, il ressort explicitement du considérant 445 de la décision attaquée que, s’agissant des clients ne pouvant négocier que des ETD, le marché en cause inclut le marché des options et contrats à terme négociés en bourse, existants ou nouveaux, sur taux d’intérêt européens. Il doit être relevé, en outre, que, aux considérants 289 à 303 de ladite décision, la Commission a procédé à la démonstration de l’existence d’une catégorie de clients ne négociant qu’en bourse, et ce indépendamment des catégories d’actifs en cause. D’ailleurs, au considérant 265 de cette décision, la Commission a estimé que le degré de pression concurrentielle entre les ETD et les OTC ne différait significativement pour aucune des classes d’actifs en cause. Enfin, il est à noter qu’aucun élément de la décision attaquée ne permet de considérer que la Commission aurait omis de prendre en considération le marché des produits dérivés de taux d’intérêt, s’agissant des clients ne négociant que des ETD. À cet égard, il ne saurait être déduit de l’affirmation figurant au considérant 293 de la même décision, selon laquelle les investisseurs de détail qui ne négocient pas d’OTC sont essentiellement présents dans le domaine de la négociation de produits dérivés sur actions, que lesdits investisseurs négocient uniquement des produits dérivés d’actions, à l’exclusion des produits dérivés de taux d’intérêt. Il doit, enfin, être relevé que, au considérant 642 de la décision en cause, la Commission indique, dans le cadre de l’analyse de la concurrence entre les parties à la concentration sur les options et contrats à terme sur taux d’intérêt, que son appréciation s’applique tant aux clients qui ne négocient que des ETD qu’aux clients qui négocient à la fois des ETD et des OTC.

95      S’agissant, deuxièmement, de l’argument tiré de ce que la conclusion de la Commission selon laquelle les parties à la concentration sont susceptibles de discriminer les clients capables de négocier uniquement des ETD, est erronée, aucun élément ne permet de remettre en cause les appréciations portées par la Commission à cet égard.

96      En effet, d’une part, il découle de la décision attaquée que les bourses sont en mesure d’identifier les clients négociant uniquement des ETD. Ainsi, la Commission a relevé, au considérant 297 de ladite décision, que, parmi l’échantillon du groupe de clients négociant uniquement des ETD retenu par la Commission, douze des treize clients ayant répondu à l’enquête étaient des membres directs de l’un ou des deux marchés de produits dérivés des parties à la concentration, de sorte qu’au moins une partie des clients négociant uniquement des ETD étaient des membres directs des bourses et, partant, pouvaient être identifiés par ces dernières. Or, la requérante n’a avancé aucun élément permettant de remettre valablement en cause cette analyse, se bornant, notamment, à critiquer le fait que la Commission n’avait pas indiqué de quels clients il s’agissait. Quant au fait que la Commission a reconnu qu’elle n’était pas en mesure d’établir la proportion des clients ne pouvant négocier que des ETD, il est sans influence sur le constat de l’existence de cette catégorie de clients.

97      D’autre part, il découle de la décision attaquée que les bourses sont en mesure d’opérer une discrimination par les prix entre leurs clients. Ainsi, force est de constater que, dans la requête, la requérante ne réfute pas l’affirmation, figurant au considérant 298 de ladite décision, selon laquelle un document interne de NYSE Euronext dévoile une stratégie de ristourne ciblant les clients sensibles aux prix. Elle n’a en outre apporté aucun élément permettant valablement de contester l’affirmation, figurant au considérant 299 de cette décision, selon laquelle les bourses peuvent facturer des commissions différentes selon que la négociation est effectuée pour le compte propre d’un de leurs membres ou pour un utilisateur final, cette affirmation étant étayée, qui plus est, par un exemple précis concernant la tarification d’options sur actions néerlandaises de Liffe. Enfin, s’agissant de l’argumentation selon laquelle il n’est pas possible d’opérer de discrimination par les prix à l’égard des utilisateurs finals, elle est sans influence, les conclusions de la Commission se référant aux clients des parties à la concentration et non aux utilisateurs finals pour le compte desquels ces clients agissent. À cet égard, il importe d’ailleurs de préciser que, ainsi qu’il découle du libellé, notamment, des considérants 298 et 299 de la même décision, et du présent arrêt (voir, en particulier, points 107 à 118 ci-après), contrairement à ce que laisse entendre la requérante, la décision en cause ne se réfère pas à une discrimination directe par les prix à l’égard des utilisateurs finals, une telle discrimination n’étant envisagée qu’à l’égard des clients des parties à la concentration. Il convient également de préciser que la Commission n’a pas soutenu, dans la décision en question, qu’une bourse pourrait identifier l’utilisateur final au nom duquel un client effectue des transactions, de sorte que l’argumentation de la requérante visant à faire valoir que cette identification n’est pas possible est elle aussi sans influence. Quant à l’affirmation de la requérante selon laquelle il est adéquat de prévoir des commissions différentes en fonction des comptes dans le cadre desquels les négociations sont opérées, elle ne permet pas de remettre en cause les appréciations de la Commission et tend, en fait, à les confirmer. Ainsi, comme l’indique la Commission, en reconnaissant, dans la requête, le fait que les bourses appliquent des frais plus bas pour les transactions sur certains comptes, la requérante confirme l’existence d’une possible discrimination par les prix pratiquée par les bourses.

98      Enfin, et en tout état de cause, comme le fait en substance valoir Icap, la question de savoir si les parties à la concentration sont susceptibles de discriminer les clients négociant uniquement des ETD est sans pertinence en l’espèce. En effet, il découle de la décision attaquée que, si la concentration devait se concrétiser, les clients desdites parties négociant uniquement des ETD ne pourraient se tourner vers une autre bourse.

99      L’argument de la requérante, tiré de ce que la conclusion de la Commission selon laquelle les parties à la concentration sont susceptibles de discriminer les clients négociant uniquement des ETD est erronée ne peut donc qu’être écarté.

100    S’agissant, troisièmement, de l’argument selon lequel les éléments de preuve sur lesquels la Commission s’est fondée n’étayent pas son allégation selon laquelle les clients des parties à la concentration et les utilisateurs finals prétendument capables de négocier des produits dérivés uniquement en bourse n’ont pas d’élasticité-prix, il ne saurait prospérer.

101    En effet, par cet argument, la requérante critique, en substance, la composition de l’échantillon retenu par la Commission dans le cadre de son examen et les conclusions que celle-ci a tirées.

102    À cet égard, ainsi qu’il ressort du considérant 294 de la décision attaquée, afin de conclure qu’il était peu probable que le groupe de clients qui négocient uniquement des ETD passe aux OTC en réponse à une hausse de 5 à 10 % du coût global de la négociation des ETD, la Commission s’est fondée sur un groupe de clients composé de l’ensemble des personnes ayant systématiquement déclaré, tant lors de la première que lors de la deuxième phase de l’enquête de marché, qu’ils ne négociaient que des ETD. Il s’agit d’un groupe de treize clients. Parmi ceux-ci, un seul a indiqué qu’il envisagerait éventuellement de passer aux OTC en réaction à une augmentation tarifaire des ETD, à condition uniquement que cela se révèle financièrement intéressant. Les autres ont indiqué qu’ils continueraient de négocier en bourse ou, le cas échéant, se tourneraient vers une autre bourse ou vers un autre système multilatéral de négociation, mais que, en tout état de cause, le marché de gré à gré ne serait pas une solution de remplacement.

103    Or, en l’espèce, aucun élément avancé par la requérante ne permet de remettre en cause la pertinence de l’échantillon retenu par la Commission. Cette conclusion n’est pas réfutée par le fait, évoqué par la requérante, que sept clients qui n’avaient pas indiqué lors de la première phase de l’enquête qu’ils ne pouvaient négocier que des ETD l’ont fait lors de la seconde phase, et que six d’entre eux ont indiqué, que, en cas de hausse de 5 à 10 % du coût global de la négociation d’ETD, ils envisageaient soit de continuer à négocier le contrat en bourse, soit de se tourner vers une autre bourse ou vers un système multilatéral de négociation si cette possibilité était ouverte, soit d’abandonner la négociation. En effet, la Commission fait valoir, sans être valablement contestée par la requérante, d’une part, que les six clients en cause n’ont pas fourni de réponse cohérente entre la première et la seconde phase de l’enquête de marché et, d’autre part, qu’un seul de ces clients a indiqué qu’il abandonnerait la négociation en bourse. C’est donc à tort que la requérante estime qu’il pourrait être considéré que ces six clients étaient sensibles aux prix.

104    En troisième lieu, la requérante allègue que la conclusion de la Commission selon laquelle il existe des marchés distincts suivant que les clients peuvent ou non négocier de gré à gré n’est pas étayée et est erronée.

105    À cet égard, il suffit, pour écarter l’allégation en cause, de renvoyer aux considérations figurant au point 90 ci-dessus.

106    En tout état de cause, il doit être constaté qu’aucun des arguments avancés par la requérante ne permet de remettre en cause les conclusions de la décision attaquée concernant la définition du marché pertinent. À cet égard, il ressort du considérant 445 de ladite décision que la Commission a estimé que les marchés en cause dans le domaine de la négociation et de la compensation de produits dérivés étaient, s’agissant, d’une part, des clients pouvant uniquement négocier des ETD, le marché des options et contrats à terme négociés en bourse, existants et nouveaux, sur taux d’intérêt européens, éventuellement subdivisé en produits dérivés de taux d’intérêt à court terme et produits dérivés de taux d’intérêt à long terme, le marché des options et contrats à terme, existants et nouveaux, sur actions individuelles européennes, et le marché des nouveaux contrats à terme et options sur indices boursiers européens. S’agissant, d’autre part, des clients qui négocient à la fois des ETD et des OTC, elle a estimé que les marchés en cause étaient le marché des options et contrats à terme négociés en bourse, existants et nouveaux, sur taux d’intérêt européens, éventuellement subdivisé en dérivés de taux court et dérivés de taux long, et incluant éventuellement les ETD lookalikes, le marché des options et contrats à terme, existants et nouveaux, sur actions individuelles européennes, incluant éventuellement les ETD lookalikes, et le marché des nouveaux contrats à terme et options sur indices boursiers européens. À cet égard, elle a estimé que, compte tenu de la faible importance du segment des ETD lookalikes, il n’y avait pas lieu de trancher la question de savoir si, pour les clients qui négocient à la fois des ETD et des OTC, les ETD lookalikes relevaient du même marché que les ETD, dans la mesure où l’appréciation au regard de la concurrence demeurerait identique, que les ETD lookalikes soient inclus ou non dans le marché des produits en cause pour cette catégorie de clients.

107    Or, en l’espèce, premièrement, s’agissant de l’argument pris de ce que la Commission considérerait comme clients les utilisateurs finals, il doit, tout d’abord, être relevé qu’il ressort d’une lecture d’ensemble de la décision attaquée que la Commission a principalement fondé son analyse sur les clients directs des bourses, en particulier sur leurs réponses aux questionnaires Q1 et Q8 envoyés respectivement lors de la première et de la seconde phase de l’enquête de marché.

108    Ensuite, il doit être constaté qu’aucun élément de la décision attaquée ne permet de considérer que l’analyse en cause procéderait d’une confusion entre, d’une part, les clients des parties à la concentration et, d’autre part, les clients de ces clients ou les utilisateurs finals. Dans la requête, la requérante n’avance d’ailleurs, à cet égard, aucune argumentation de nature à fonder son allégation selon laquelle « la Commission ne s’assure pas de l’exactitude du terme ‘client’ » et « semble appeler ‘client’ un ‘utilisateur final’ ».

109    Dans la réplique, la requérante réitère son allégation selon laquelle la confusion entre les clients et les utilisateurs finals « se poursuit dans de multiples passages de la décision [attaquée] ».

110    À cet égard, la requérante prétend que la Commission a considéré des réponses aux questions d’entités qui n’étaient pas des clients des parties à la concentration comme des réponses de clients.

111    Force est de relever, sans même qu’il soit nécessaire de se prononcer sur la recevabilité de ce grief qui n’a pas été explicitement présenté au stade de la requête, que celui-ci n’est pas fondé. En effet, afin d’apprécier le bien-fondé de la prise en compte des réponses apportées aux questionnaires, il y a lieu de prendre en considération la proportion de réponses reçues de clients des parties à la concentration actifs dans le domaine des produits dérivés, par rapport à la totalité des réponses reçues et non par rapport au nombre de questionnaires envoyés. Or, il ressort du dossier, et plus particulièrement des notes en bas de page nos 14 et 15 de la décision attaquée, ainsi que des explications fournies par la Commission dans la duplique et des annexes de celle-ci, qu’environ 70 % de la totalité des réponses apportées aux questionnaires Q1 et Q8 émanaient des clients de l’une ou l’autre desdites parties actifs dans le domaine des produits dérivés. Il convient d’ajouter que, parmi les autres réponses, certaines ont été apportées par des associations d’entreprises, dont quelques-unes comprenaient parmi leurs membres des clients de ces parties, et d’autres ne comportaient pas de réponse à la section consacrée aux produits dérivés et n’ont donc pas été prises en compte par la Commission, faute de caractère informatif, ainsi qu’il découle de la note en bas de page n° 18 de ladite décision. Il s’ensuit que c’est à tort que la requérante prétend que l’analyse des réponses aux questionnaires Q1 et Q8 met en évidence que ces dernières émanent en grande partie d’entités qui n’étaient pas des clients des mêmes parties actifs dans le domaine des produits dérivés et que, partant, la Commission s’est fondée largement sur des informations inexactes pour parvenir aux conclusions qu’elles a retenues dans cette décision, ce qui aurait eu une incidence, notamment, sur la définition des marchés pertinents.

112    Au demeurant, aucun élément ne permet de considérer que la Commission aurait pris appui, dans la décision attaquée, sur des réponses d’entités n’étant pas des clients des parties à la concentration en lieu et place de réponses d’entités l’étant.

113    À cet égard, il convient, à titre liminaire, de relever que, si la décision attaquée utilise, dans certains de ses considérants, tels que les considérants 291 ou 304, le terme « client » pour désigner non les clients des parties à la concentration, mais les clients de ces clients, la lecture de ladite décision permet néanmoins de comprendre aisément et sans ambiguïté, au regard du contexte en cause, si la Commission fait référence, dans un considérant donné, aux clients desdites parties, aux clients de ces clients ou à des utilisateurs finals.

114    Ensuite, il est à noter que les allégations de la requérante concernant une prétendue confusion, dans la décision attaquée, entre les clients et les utilisateurs finals doivent être écartées, les trois exemples fournis à cet égard, pour la première fois au stade de la réplique, manquant en fait.

115    En ce qui concerne l’exemple relatif à l’analyse des clients ne pouvant négocier que des ETD, il convient, tout d’abord, d’écarter l’allégation selon laquelle l’analyse de la Commission est inexacte, au motif qu’elle se fonde sur des réponses fournies par des personnes ayant répondu aux questionnaires Q1 et Q8 et repose sur le postulat que ces réponses proviennent de clients, alors qu’elles proviennent d’utilisateurs finals. En effet, non seulement, ainsi qu’il ressort de ce qui précède (voir notamment point 111 ci-dessus), les allégations de la requérante relatives aux réponses auxdits questionnaires sont erronées, mais, en outre, ainsi que le fait valoir la Commission dans le cadre de ses conclusions relatives aux clients ne pouvant négocier que des ETD, elle s’est fondée sur des réponses de clients directs des bourses actifs dans le domaine des produits dérivés, lesquels ont indiqué ne négocier que des ETD. Quant au fait que la Commission s’est également référée à des réponses au questionnaire Q2, lequel a été communiqué à des sociétés d’investissement et des investisseurs de détails, qui ne sont pas des clients des parties à la concentration, mais sont néanmoins des utilisateurs de produits dérivés, il y a lieu de noter que la Commission ne s’est pas uniquement fondée sur de telles réponses, ainsi qu’il découle des considérants 289 et 290 de la décision attaquée, et qu’elle a pris appui sur celles-ci pour démontrer que ces utilisateurs n’avaient pas de mandat pour négocier des OTC, ce qui implique que les clients des bourses ne pouvaient le faire lorsqu’ils agissaient pour le compte de tels utilisateurs. Il ressort, en outre, du considérant 375 de ladite décision, que l’enquête de marché a fourni de nombreux éléments de preuve démontrant que « les clients [des courtiers] laissent rarement [ces derniers] prendre la décision de négocier ou non de gré à gré, lorsque les deux voies sont possibles […] [,] presque tous les participants à l’enquête [ayant] déclaré indiquer le mécanisme d’exécution choisi (en bourse ou de gré à gré) lorsqu’ils négocient des contrats dérivés par [leur] intermédiaire ». Ainsi, le fait que certains clients des parties à la concentration négociant des ETD soient en mesure de négocier des OTC n’implique pas que, de fait, ils puissent le faire, eu égard, notamment, à la demande de leurs propres clients qui ne désirent pas négocier des OTC et influencent donc leur comportement. Les clients des bourses peuvent ainsi négocier des produits dérivés pour leur propre compte, mais également pour le compte de leurs propres clients, lesquels peuvent ne pas leur laisser de marge de manœuvre à cet égard, en particulier quant au choix de négocier des ETD ou des OTC. Au surplus, ainsi qu’il ressort du considérant 378 de cette décision, il découle de la réponse [confidentiel] (1) de Liffe, évoquée au considérant 377 de la même décision, que les courtiers-négociants disposent souvent d’une marge de manœuvre très limitée quant au choix de la plate-forme sur laquelle passer un ordre. La Commission n’a donc pas commis d’erreur en prenant en compte les réponses au questionnaire Q2, dès lors qu’elles concernent le comportement des clients des clients des bourses, lequel influence celui de ces derniers. Il en va de même s’agissant de l’évocation, à laquelle la requérante se réfère, d’une réponse de l’Association for Financial Markets in Europe (AFME) (association pour les marchés financiers en Europe) concernant les clients de ses membres, lesquels peuvent être clients des bourses. Cette réponse permet de comprendre que, selon l’AFME, les banques, qui sont les clients des bourses, ne peuvent négocier que les produits que leurs clients souhaitent utiliser et que, étant donné que ces derniers doivent tenir compte des contraintes de la structure actuelle du marché, et préféreront donc les ETD, lesdits clients ne négocieront que des ETD. La prise en compte de cette réponse est donc pertinente dans le cadre de la conclusion selon laquelle il existe un groupe de clients ne négociant que des ETD. Il convient, par identité de motif, d’écarter l’argumentation de la requérante se référant aux considérants 292, 297 et 301 de la décision attaquée et visant à illustrer la prétendue erreur en cause. Enfin, s’agissant des réponses prises en compte dans le cadre du test d’élasticité-prix croisés, il suffit de relever que ce test se fonde sur les réponses au questionnaire Q8, en particulier à la question 11 de ce dernier. Or, les réponses ont été majoritairement apportées par des clients des parties à la concentration actifs dans le domaine des produits dérivés, ainsi qu’il a déjà été relevé. Les réponses qui n’étaient pas apportées par de tels clients soit n’ont pas été prises en compte lorsqu’elles ne comportaient pas de réponse aux questions concernant les produits dérivés, soit ont été prises en compte avec la mention de la position particulière de l’auteur de la réponse, ainsi qu’il ressort par exemple de la note en bas de page n° 196 de la décision attaquée. Enfin, à titre surabondant, il convient, en tout état de cause, de relever que, dans le cadre de son analyse, la Commission ne saurait être empêchée de prendre en compte l’ensemble des réponses qu’elle estime utiles, y compris celles n’émanant pas de clients des parties à la concentration, dès lors que lesdites réponses ont un contenu informatif clair et sont pertinentes aux fins de son analyse.

116    En ce qui concerne l’exemple relatif à l’analyse des clients négociant tant des ETD que des OTC, il convient de rejeter, pour les mêmes motifs que ceux exposés dans le cadre de l’examen du premier exemple avancé par la requérante, les arguments exposés, à cet égard, par cette dernière, dès lors qu’ils sont, en substance, similaires. En particulier, comme il a déjà été relevé, la Commission pouvait valablement se fonder sur les réponses aux questionnaires Q1 et Q8, lesquelles provenaient de clients des parties à la concentration actifs dans le domaine des produits dérivés, et ne pas les prendre en compte en l’absence de réponse aux questions concernant lesdits produits, ou, en cas de réponse à ces questions, les prendre en compte avec la mention de la position spécifique de l’auteur de la réponse. Elle pouvait également se fonder sur le questionnaire Q2, pour les motifs exposés précédemment (voir point 115 ci-dessus). Au demeurant, ainsi qu’il a également été indiqué, il était loisible à la Commission de prendre en compte, indépendamment du questionnaire concerné, les réponses, y compris émanant d’entités n’étant pas des clients directs des parties à la concentration, comme ce fut le cas de la bourse de Varsovie, évoquée à la note en bas de page n° 251 de la décision attaquée, dès lors qu’elle estimait que ces réponses avaient un contenu informatif clair et étaient pertinentes aux fins de son analyse. Enfin, il doit être constaté que, lus dans leur contexte, aucun des considérants de la décision attaquée évoqués par la requérante, en l’occurrence les considérants 304, 311, 317, 318, 327, 332, 334, 336 et 342, ainsi que les notes en bas de page insérées auxdits considérants, ne fait ressortir l’existence de la confusion alléguée dans le cadre du raisonnement de la Commission entre les clients des bourses et les clients de ces clients. S’agissant, par ailleurs, du considérant 303 de la décision attaquée, il n’utilise pas le terme « utilisateurs finals », comme allégué par la requérante, mais le terme « utilisateur », lequel, lu dans son contexte, fait indubitablement référence aux clients des parties à la concentration. Quant au considérant 337 de cette décision, il mentionne le terme « client » dans le cadre de la citation d’un document de la requérante. Or, s’il semble découler de ce document que les clients en cause sont les utilisateurs finals, ainsi qu’il sera souligné au point 221 ci-après, force est en tout état de cause de relever que ledit document n’est pas exempt d’ambiguïté, en ce qu’il utilise, dans le cadre du même constat concernant la différence de prix de la négociation d’OTC et d’ETD, les termes « client final » et « client ».

117    En ce qui concerne l’exemple relatif à l’analyse de la classification des produits dérivés en fonction du type d’actif sous-jacent, il y a lieu de relever, à titre liminaire, que, dans la mesure où la requérante se réfère à la distinction entre les produits dérivés TILT et les produits dérivés TICT, les arguments avancés sont inopérants, dès lors que, ainsi qu’il ressort notamment du considérant 814 de la décision attaquée, la Commission a laissé ouverte la question de savoir si le marché des produits dérivés de taux d’intérêt européens devait être subdivisé en produits dérivés TILT et en produits dérivés TICT. Ensuite, il est à noter que, pour les motifs déjà exposés, il était loisible à la Commission de prendre en compte les réponses au questionnaire Q2 (voir notamment point 115 ci-dessus). Enfin, il ressort du point 11.1.1.2.2.2 de la décision attaquée, lu dans son ensemble et au regard de son contexte, que la Commission n’a pas opéré de confusion entre, d’une part, les clients des parties à la concentration et, d’autre part, les clients de ces clients ou les utilisateurs finals. En particulier, il lui était loisible d’examiner les aspects liés à la demande des clients des clients des bourses afin d’examiner leur comportement, qui ne négocient pas uniquement pour leur propre compte, mais également pour celui de leurs clients, lesquels ne leur laissent pas de marge de manœuvre à cet égard.

118    Il résulte de ce qui précède qu’il convient de rejeter les arguments de la requérante concernant la confusion qui aurait été opérée entre les clients des parties à la concentration et les utilisateurs finals, la Commission n’ayant commis aucune erreur à cet égard dans le cadre de son raisonnement. Il y a donc lieu de rejeter l’argumentation avancée par la requérante concernant les conséquences alléguées de cette prétendue erreur sur l’existence d’une entrave significative à une concurrence effective. Au surplus, dans la mesure où cette dernière argumentation pourrait également avoir trait aux services hors carnet d’ordres et aux services d’enregistrement des négociations, comme le laisse à penser la réplique, elle devrait être écartée, dès lors que de tels griefs n’ont pas été présentés dans la requête, qu’ils ne sont pas adéquatement étayés et qu’ils ne sont pas fondés pour les mêmes motifs que ceux exposés dans les considérations précédentes.

119    Deuxièmement, au regard des considérations qui précèdent, en particulier celles figurant au point 94 ci-dessus, il convient d’écarter, comme manquant en fait, l’argument de la requérante pris de ce que la Commission n’a fourni aucune preuve de l’existence d’un groupe de clients ne négociant des produits dérivés de taux d’intérêt qu’en bourse.

120    Troisièmement, quant à la circonstance que le segment des ETD lookalikes peut représenter entre la moitié et une fois et demie celui des ETD, il suffit de renvoyer aux considérations figurant aux points 78 à 80 ci-dessus. C’est donc à tort que la requérante soutient que l’indication selon laquelle l’appréciation de la concurrence reste inchangée repose sur un raisonnement circulaire. En effet, ainsi qu’il ressort de la décision attaquée, en particulier de son considérant 445, l’analyse des effets concurrentiels du projet de concentration serait inchangée, que les ETD lookalikes soient ou non intégrés dans le marché en cause, et ce en raison de la faible importance du segment que ceux-ci représentent. Est également sans pertinence, au regard de ce qui précède, l’argument de la requérante selon lequel la Commission n’a pas évalué les effets sur la concurrence dans chacun des marchés identifiés et n’a pas pris en compte l’existence de deux groupes de clients distincts dans son analyse des produits dérivés d’indices boursiers. Enfin, l’argument selon lequel la Commission n’a pas fourni les données concernant les parts de marché des ETD ainsi que celui selon lequel elle n’a pas démontré que les clients ne négociant que des ETD se verraient facturer des prix différents de ceux facturés aux autres clients, invoqués afin de prouver qu’il s’agissait de marchés différents, doivent également être rejetés au regard des considérations qui précèdent. Au demeurant, l’analyse figurant aux considérants 289 à 303 de la décision attaquée permet de démontrer, à suffisance de droit, l’existence d’une catégorie de clients ne négociant qu’en bourse, et ce indépendamment des catégories d’actifs en cause.

121    En quatrième lieu, la requérante allègue que la Commission a erronément refusé de considérer que les OTC constituaient une pression extérieure au marché devant être prise en compte.

122    À cet égard, il convient de rappeler, à l’instar de la Commission, qu’il ressort de la note en bas de page n° 485 de la décision attaquée que, «[c]onformément à la définition du marché en l’espèce et à la lumière de la conclusion selon laquelle les ETD et les OTC font partie de marchés de produits distincts en ce qui concerne l’ensemble des marchés de produits en cause, le niveau de pression concurrentielle exercée par la négociation de gré à gré (qu’il s’agisse ou non d’une pression extérieure au marché) n’est pas analysé plus en avant dans [ladite] décision ».

123    Force est de constater qu’aucun des arguments avancés par la requérante ne permet de remettre en cause les conclusions de la Commission.

124    Premièrement, l’argument de la requérante, selon lequel l’enquête de marché a démontré que plusieurs clients importants considéraient que les OTC constituaient un substitut suffisamment proche des ETD et qu’ils abandonneraient les ETD pour se tourner vers les OTC afin d’échapper à une hausse des prix de 5 à 10 % sur les frais de négociation totaux, n’est pas en mesure de réfuter les conclusions de la Commission. En effet, la requérante se borne à se référer aux réponses de trois clients. Or, ainsi que le relève, en substance, la Commission, aucun de ces clients n’a indiqué de manière inconditionnelle et non équivoque que, afin d’échapper à la hausse des prix de négociation des ETD évoquée, il passerait aux OTC. La Commission souligne également, sans être contredite, que, lors de la seconde phase de l’enquête de marché, deux des clients n’ont pas choisi la réponse indiquant qu’ils passeraient aux OTC.

125    Deuxièmement, l’argument selon lequel la Commission a admis, dans son document de travail relatif à l’étude d’impact de la proposition de directive du Conseil établissant un système commun de taxe sur les transactions financières et modifiant la directive 2008/7/CE [SEC (2011) 1226 final], que le fait de renchérir le coût des dérivés négociés en bourse pourrait « inciter à se détourner de la négociation en bourse vers la négociation de gré à gré », doit également être écarté. En effet, tout d’abord, la citation exacte évoquée par la requérante indique que, « s’il existe un marché financier de gré à gré pour les produits financiers, une taxe sur les transactions effectuées en bourse du même produit inciterait à passer de la négociation en bourse vers la négociation de gré à gré ». En outre, il est à noter que, en elle-même, cette citation ne concerne pas spécifiquement les produits dérivés, mais aborde la question générale des négociations en bourse et de gré à gré, sans distinguer les produits financiers concernés. Dans ces conditions, il ne saurait être déduit de cette citation isolée et générale ce que la requérante prétend que la Commission aurait admis. D’ailleurs, cette citation est comprise dans une annexe du document de travail en cause, laquelle est un rapport dont la Commission n’est pas l’auteur, ledit rapport ayant été réalisé, à sa demande, par un consultant économique. En tout état de cause, dès lors que la conclusion figurant dans la décision attaquée repose sur les réponses fournies dans le cadre d’une enquête de marché précise, visant à mettre en œuvre le test de l’élasticité-prix croisés, contrairement audit document, ce dernier est sans pertinence.

126    C’est donc à tort que la requérante prétend que la Commission a commis une erreur manifeste en refusant de considérer que les OTC constituaient une pression extérieure au marché. C’est également à tort, au regard de ce qui précède, que la requérante invoque une violation alléguée de la communication de 1997. Par ailleurs, ainsi qu’il ressort d’une lecture globale de la décision attaquée, c’est également sans fondement que la requérante prétend que la Commission a violé son obligation de motivation à cet égard. Enfin, en ce qui concerne la violation alléguée des lignes directrices sur l’appréciation des concentrations horizontales au regard du règlement n° 139/2004 (JO 2004, C 31, p. 5, ci-après les « lignes directrices de 2004 »), il suffit de relever que la requérante se réfère, à cet égard, à l’analyse de la puissance d’achat que, selon elle, la Commission aurait dû mener. Or, ladite analyse relève de l’examen des facteurs de nature à contrer les effets anticoncurrentiels d’une opération de concentration, et non de la définition du marché pertinent, en cause dans le cadre de l’examen du présent grief.

127    Troisièmement, il convient encore de relever dans ce contexte que, en focalisant son argumentation sur les ETD lookalikes, dont il n’est pas allégué qu’ils représenteraient la majeure partie des OTC, la requérante n’a pas valablement démontré que la Commission aurait erronément conclu, au considérant 367 de la décision attaquée, que la capacité à remplacer directement des ETD par des OTC se limiterait, au mieux, aux ETD lookalikes, même dans le cas des clients qui négociaient à la fois des ETD et des OTC. En particulier, elle n’a pas été en mesure de remettre en cause l’ensemble des éléments, figurant notamment aux considérants 287 à 367 de ladite décision et ayant conduit la Commission à considérer, que, sauf en ce qui concernait, dans une certaine mesure, les ETD lookalikes, les OTC ne constituaient pas un substitut des ETD, restant ainsi en défaut de démontrer la substituabilité entre les ETD et les OTC qui n’étaient pas des ETD lookalikes. À cet égard, il importe de relever que la requérante n’a apporté aucun élément permettant de démontrer que, dans la mesure où ces constats concernaient ces derniers produits, la Commission aurait commis une erreur manifeste d’appréciation en estimant, ainsi qu’il découlait, en substance, de cette décision, qu’il existait, entre les OTC et les ETD des différences concernant, notamment, le volume moyen de transactions, les participants au marché, le besoin et la finalité auxquels ils répondaient, la négociation, le coût, la durée, la liquidité et la compensation. De même, en se bornant à faire valoir, à tort, ainsi qu’il ressort du point 86 ci-dessus, que la Commission aurait dû examiner si les ETD lookalikes présentaient des risques différents de ceux attachés aux OTC, la requérante n’a apporté aucun élément permettant de réfuter l’affirmation de la Commission, figurant au considérant 318 de la même décision, selon laquelle les risques en termes de contrepartie et les risques opérationnels, juridiques et de liquidité sur le marché boursier étaient sensiblement différents de ceux rencontrés sur le marché de gré à gré et étaient susceptibles de conduire les utilisateurs à préférer négocier en bourse, en tant que celle-ci avait trait aux OTC qui n’étaient pas des ETD lookalikes.

128    Il résulte de l’ensemble de ce qui précède que le premier grief doit être rejeté.

–       Sur le deuxième grief

129    La requérante fait valoir que la conclusion de la Commission selon laquelle les parties à la concentration exercent une pression mutuelle sur leurs commissions de bourse pour les produits dérivés de taux d’intérêt et d’actions individuelles est entachée d’erreurs de droit et d’appréciation.

130    Au soutien du présent grief, la requérante avance, dans la requête, en substance, quatre allégations.

131    En premier lieu, la requérante allègue que la Commission n’a pas fondé la conclusion en cause sur des éléments de preuve empiriques. La Commission n’aurait pas effectué d’analyse quantitative des pressions concurrentielles et aurait fait, à cet égard, une interprétation erronée de l’arrêt Ryanair/Commission, point 61 supra. Ce serait en outre à tort que la Commission a conclu que les données empiriques nécessaires n’étaient pas disponibles, de telles données existant, mais la Commission ne les ayant pas réunies.

132    À cet égard, il convient de relever que, au considérant 246 de la décision attaquée, la Commission a indiqué, d’une part, que, conformément à une jurisprudence constante, dans la mesure où elle avait l’obligation de procéder à une appréciation globale de l’affaire, il n’y avait pas de hiérarchie entre les différents types d’éléments de preuve utilisés par elle dans les affaires de concentration et, d’autre part, qu’elle avait un certain pouvoir discrétionnaire, notamment pour ce qui est des appréciations d’ordre économique. Aux considérants 247 à 251 de ladite décision, elle a examiné l’opportunité de réaliser des analyses quantitatives et a estimé que celles-ci ne seraient pas pertinentes. Au considérant 252 de cette décision, elle a réfuté les objections soulevées par les parties à la concentration, selon lesquelles elle se serait fondée sur des éléments de preuve anecdotiques, en rappelant, d’une part, avoir mené une enquête de marché et avoir recueilli de nombreuses informations auprès d’un nombre considérable de participants aux marchés en cause et, d’autre part, avoir analysé un nombre important de documents internes desdites parties, antérieurs au projet de concentration et permettant de corroborer les conclusions de l’enquête menée sur le marché. Dans ces conditions, elle a indiqué, au considérant 253 de la même décision, avoir réalisé une appréciation globale fondée sur l’ensemble des éléments de preuve disponibles aux fins de la définition des marchés en cause dans le domaine des produits dérivés, ses conclusions étant, dès lors, fondées sur des éléments de preuve, nombreux et cohérents, collectés tout au long de l’enquête de marché.

133    En l’espèce, il doit être rappelé qu’il ressort de l’arrêt Ryanair/Commission, point 61 supra (point 136), qu’il n’y a pas lieu d’établir une hiérarchie entre « éléments de preuve non techniques » et « éléments de preuve techniques ». En effet, il appartient à la Commission d’évaluer globalement le résultat du faisceau d’indices utilisé pour évaluer la situation de concurrence. Il se peut, à cet égard, que certains éléments soient privilégiés et que d’autres soient écartés. Cet examen et la motivation qu’il comporte font l’objet du contrôle de légalité exercé par le Tribunal sur les décisions de la Commission en matière de concentrations.

134    Or, il doit être constaté que, ainsi qu’il ressort des considérants 247 à 251 de la décision attaquée, la Commission a estimé que l’analyse quantitative n’était pas pertinente, de sorte qu’elle pouvait, conformément à l’arrêt Ryanair/Commission, point 61 supra, écarter cette analyse. C’est ainsi à tort que la requérante prétend que la Commission a fait une interprétation erronée dudit arrêt.

135    Il reste néanmoins à examiner les arguments de la requérante visant à démontrer, en substance, que la Commission a écarté à tort la pertinence d’une analyse quantitative.

136    À cet égard, il convient, tout d’abord, de rappeler que la Commission a analysé, aux considérants 247 et 248 de la décision attaquée, l’opportunité de réaliser des analyses quantitatives. Elle a noté en particulier qu’il était, en principe, possible d’infirmer ou de confirmer des inférences complexes en procédant à une analyse empirique plus approfondie, sous réserve, notamment, de la disponibilité, de la qualité et de la variabilité des données. Elle a également souligné que, pour identifier sous l’angle quantitatif la pression concurrentielle que les parties à la concentration exerçaient l’une sur l’autre, il conviendrait d’observer les variations de la pression concurrentielle exercée mutuellement par lesdites parties à travers l’évolution du coût marginal, des phénomènes d’entrée ou de sortie ou des modifications de la structure réglementaire. Or, elle a relevé que l’existence de telles évolutions de la pression concurrentielle n’avait pas été établie et, en outre, que les données sur les prix requises pour effectuer une analyse empirique convenable n’étaient pas disponibles. Force est de constater qu’aucun élément ne permet de considérer que ces considérations seraient entachées d’une erreur et que la requérante n’apporte aucun élément permettant de réfuter ladite analyse, se limitant à affirmer que les déclarations de la Commission sont inexactes et que celle-ci était plus préoccupée par la complexité de l’analyse que par l’indisponibilité des données. Ensuite, s’agissant de l’argument selon lequel la Commission s’est fondée sur une analyse des montants moyens des commissions de bourse au considérant 740 de la décision attaquée, il suffit de relever que, d’une part, audit considérant, la Commission s’est bornée à relater un élément ressortant de documents de ces parties et non à procéder à une analyse quantitative et, d’autre part, le fait que des données concernant le montant moyen des commissions de bourse sur le marché des obligations d’État du Royaume-Uni (ci-après les « gilts ») étaient disponibles n’impliquait pas que l’ensemble des données nécessaires à une analyse quantitative, globale et complète, des prix sur le marché des produits dérivés l’était. Par ailleurs, s’agissant de la critique, formulée par la requérante, de l’affirmation, figurant au considérant 249 de la décision attaquée, selon laquelle une analyse des commissions explicites sur les ETD ne tiendrait pas compte des autres composantes du coût total de la transaction, alors que c’est le coût total de la réalisation d’une transaction sur un produit dérivé qui sert de critère aux clients pour choisir le lieu de négociation, il suffit, pour l’écarter, de renvoyer aux considérations figurant au point 84 ci-dessus. Enfin, s’agissant de l’argument selon lequel les données empiriques existaient, la requérante se réfère à un rapport de mai 2011, intitulé « Monitoring prices, costs and volumes of trading and post-trading services » et élaboré pour le compte de la Commission, lequel contiendrait de nombreuses données sur les prix et sur les coûts. Or, ainsi que la Commission le relève, ce rapport concerne les marchés de produits au comptant et non les marchés de produits dérivés. Ledit rapport n’était donc pas pertinent. À cet égard, l’argument selon lequel, s’il était possible de récolter des données concernant les marchés de produits au comptant, cela l’était également pour les marchés de produits dérivés, ne peut qu’être écarté. En effet, c’était aux parties à la concentration qu’il appartenait d’apporter à la Commission toutes les informations et preuves au soutien de leur allégation relative aux analyses quantitatives évoquées au considérant 247 de la décision attaquée, dont elles ont reproché, lors de la procédure administrative, la non-réalisation. Il leur appartenait, en particulier, de fournir toutes les informations qu’elles jugeaient pertinentes, de sorte qu’elles ne peuvent désormais reprocher à la Commission de ne pas avoir tenu compte, lors de l’adoption de la décision attaquée, de données qu’elles prétendent avoir été en mesure de communiquer, mais n’ont pas effectivement soumises lors de la procédure administrative.

137    En deuxième lieu, la requérante allègue que la conclusion de la Commission selon laquelle les produits dérivés de taux d’intérêt des parties à la concentration sont en concurrence est erronée.

138    À cet égard, il convient de rappeler que la Commission a examiné, aux considérants 644 à 800 de la décision attaquée, la concurrence effective dans le domaine des produits dérivés de taux d’intérêt existants ainsi que, aux considérants 801 à 813 de ladite décision, la concurrence en vue de l’introduction de nouveaux produits dans le domaine des produits dérivés de taux d’intérêt européens. Elle a conclu, au considérant 814 de la décision attaquée, qu’Eurex et Liffe étaient les deux seuls acteurs importants et étaient chacune la concurrente effective et potentielle la plus directe de l’autre sur le marché des produits dérivés de taux d’intérêt européens, qu’il s’agisse de produits existants ou de nouveaux produits. Elle a estimé que le projet de concentration éliminerait cette pression concurrentielle significative que Liffe et Eurex exercent actuellement l’une sur l’autre dans ce segment et constituerait une concentration donnant lieu à un quasi-monopole, indépendamment du point de savoir si le marché devait être subdivisé en produits dérivés TICT et en produits dérivés TILT ou en fonction de la devise. Elle a relevé que, une fois le projet de concentration réalisé, les utilisateurs de produits dérivés négociant des dérivés de taux d’intérêt européens verraient leur choix de plates-formes considérablement réduit, ce qui serait susceptible de conduire à une hausse des frais boursiers et à une innovation moindre.

139    En l’espèce, premièrement, l’argument de la requérante selon lequel, concernant les produits dérivés TILT et les produits dérivés TICT, la Commission n’a pas fait une analyse conforme à la communication de 1997 des pressions concurrentielles auxquelles les parties à la concentration étaient confrontées, doit être écarté d’emblée comme non pertinent. En effet, ainsi qu’il ressort, notamment, des considérants 419 et 814 de la décision attaquée, la Commission a estimé que la question de savoir si le marché des dérivés de taux d’intérêt cotés en bourse devait être subdivisé en produits dérivés TICT et en produits dérivés TILT pouvait être laissée ouverte, dans la mesure où l’appréciation concurrentielle au sujet des produits dérivés de taux d’intérêt serait identique. Elle a ainsi estimé qu’il ressortait de l’examen de la concurrence dans le domaine des produits dérivés de taux d’intérêt européens, dont la conclusion figure au considérant 814 de ladite décision, que le projet de concentration éliminerait les concurrents actuels et potentiels les plus proches, que ce marché soit divisé ou non en produits dérivés TICT et en produits dérivés TILT. Dans ces conditions, elle n’avait pas à procéder à l’analyse, évoquée par la requérante, de la substitution entre ces groupes de produits en présence d’une hausse permanente légère du prix de l’un d’eux. En tout état de cause, il ressort de cette décision, et, notamment, de son considérant 409, que la question de la substituabilité de ces produits a été évoquée dans le cadre de l’enquête de marché et que « la plupart des clients du côté de la vente (marché de gros) ont indiqué que les [produits] dérivés taux court et les [produits] dérivés taux long n’étaient pas substituables sur le plan de leur utilisation[, mais que, n]éanmoins, l’enquête de marché a[vait] également révélé, d’une part, qu’il n’existait aucun consensus absolu entre les participants au marché quant aux limites exactes des catégories, et, d’autre part, que les parties [à la concentration] étaient en concurrence sur le plan de la fourniture d’une exposition aux risques de taux d’intérêt à court et moyen termes ».

140    Deuxièmement, s’agissant de l’argument de la requérante pris de ce que l’analyse de la Commission des produits dérivés TILT et des produits dérivés TICT ne serait pas compatible avec celle suivie pour distinguer les ETD des OTC, il doit être relevé que la Commission a répondu à ce reproche au considérant 418 de la décision attaquée, en affirmant que, si la frontière entre les produits dérivés TICT et les produits dérivés TILT était floue, celle entre les OTC et les ETD ne l’était pas. La requérante n’a apporté aucun élément permettant de réfuter adéquatement cette réponse. En outre, ainsi qu’il ressort du point 11.1.1.2.2.1 de ladite décision, la conclusion selon laquelle les ETD et les OTC relèvent de marchés différents ne se fonde pas sur le seul motif que « les paramètres économiques de ces produits ne sont pas tous standardisés et parfaitement identiques », comme le laisse entendre la requérante, mais également sur un examen précis et détaillé de l’ensemble des paramètres et des caractéristiques de ces produits ainsi que des éléments de preuve disponibles, dont, notamment, les résultats de l’enquête de marché et des documents internes des parties à la concentration. L’incohérence alléguée ne peut donc être qu’écartée.

141    Troisièmement, s’agissant de l’argument de la requérante selon lequel les exemples de concurrence potentielle fournis par la Commission dans la décision attaquée ne répondent pas au niveau requis pour constituer des éléments de preuve solides, force est de constater qu’il doit être écarté comme inopérant. En effet, les exemples concernés n’ont été avancés qu’afin de démontrer l’existence d’une concurrence potentielle entre les parties à la concentration sur le marché des produits dérivés de taux d’intérêt européens lorsqu’une desdites parties détient l’essentiel de la liquidité, cas de figure examiné au point 11.2.1.4.3 de la décision attaquée. N’ayant pas été utilisés dans le cadre de la démonstration de l’existence d’une concurrence effective dans le domaine des produits dérivés de taux d’intérêt existants, au point 11.2.1.4.2 de la décision attaquée, la critique desdits exemples n’est pas en mesure de remettre en cause la conclusion de la Commission, figurant au considérant 701 de ladite décision, selon laquelle la concentration éliminerait la concurrence effective entre Eurex et Liffe sur le marché des produits dérivés de taux d’intérêt. En outre, il est à noter que, au-delà des exemples en cause, afin de démontrer l’existence d’une concurrence potentielle entre ces parties sur le marché des produits dérivés de taux d’intérêt européens lorsqu’une des mêmes parties détient l’essentiel de la liquidité, la Commission a également pris appui sur des documents internes des parties en cause (voir, par exemple, les considérants 704 et 717 à 720 de cette décision), sur des réponses des parties en question à la communication des griefs (voir, par exemple, le considérant 706 de la même décision), ainsi que sur les résultats de l’enquête de marché (voir, par exemple, les considérants 703, 705 et 707 de la décision en cause). Partant, même si la critique des exemples en cause était fondée, elle ne saurait remettre en question le constat de l’existence de ladite concurrence potentielle.

142    Au surplus, l’argument en cause n’est pas fondé. Ainsi, s’agissant, premièrement, de l’exemple de la bataille du Bund, la Commission a reconnu qu’elle « [était] un événement qui appart[enait] au passé » (considérant 717 de la décision attaquée) après avoir limité la portée de l’intérêt de cet exemple en relevant « qu’[il] était instructi[f] en ce qu’[il] démontr[ait] que la migration de la liquidité d’un contrat d’une bourse vers une autre [pouvait] même, dans certaines circonstances, porter sur l’intégralité de cette liquidité » (considérant 710 de ladite décision), de sorte que la Commission n’a pas commis d’erreur, eu égard à la manière dont elle l’a fait, en se référant à cet événement. S’agissant, deuxièmement, des contrats sur indices obligataires EuroMTS, la Commission n’a pas méconnu leur échec, dès lors qu’elle a explicitement indiqué que « les contrats à terme obligataires EuroMTS [n’étaient] plus côtés » (considérant 717 de cette décision) et qu’elle a limité son constat au fait qu’il s’agissait d’« un exemple de concurrence, certes limitée, mais réelle, survenue dans le passé, et [qui] illustr[ait] la pression que la concurrence potentielle exer[çait] sur l’activité LTIR d’Eurex en euro » (considérant 725 de la même décision). S’agissant, troisièmement, des contrats à terme Euro-BTP, il doit être relevé que la Commission ne nie pas que Liffe n’a finalement pas lancé ce type de produit, que la décision attaquée indique que « Liffe avait néanmoins envisagé ce projet et aurait pu le concrétiser » et que, « avec le soutien approprié de participants au marché et grâce à la mise en œuvre de mesures visant à favoriser la liquidité, elle aurait également pu réussir et pourrait encore réussir si Eurex devait, pour reprendre l’expression adoptée par l’un de ses représentants lors de l’audition, ‘quitter la balle des yeux’ » (considérant 733 de la décision en cause). En outre, la Commission évoque également, au soutien de ses considérations, un document interne de NYSE Euronext, dont l’interprétation n’est pas contestée par la requérante. S’agissant, quatrièmement, de l’exemple des gilts, la Commission ne conteste pas que la requérante n’en a jamais émis, mais la décision attaquée évoque ce produit afin de démontrer l’existence d’une concurrence potentielle entre les parties à la concentration à cet égard, en se fondant, notamment, sur des documents internes desdites parties, dont il ressort clairement que la possibilité pour Eurex de lancer un tel produit constituait une « menace » pour NYSE Euronext (considérant 737), à laquelle cette dernière aurait envisagé de répondre [confidentiel] (considérant 738). La requérante n’avance aucun argument visant à contester la pertinence de ces documents et l’interprétation retenue par la Commission. Cette dernière n’a donc, dans ces conditions, commis aucune erreur d’appréciation en retenant cet exemple pour illustrer l’existence d’une concurrence potentielle. S’agissant, cinquièmement, des produits dérivés de taux d’intérêt adossés au taux interbancaire offert en euros (ci-après le « Tibeur »), il est à noter, d’une part, que cet exemple a été pris en compte par la Commission afin de démontrer l’existence d’une concurrence effective dans le domaine des produits dérivés de taux d’intérêt existants et non, comme c’est le cas des autres exemples évoqués, pour démontrer l’existence d’une concurrence potentielle entre les parties à la concentration sur le marché des produits dérivés de taux d’intérêt européens lorsqu’une de ces parties détient l’essentiel de la liquidité. D’autre part, l’argumentation de la requérante avancée à cet égard sera examinée aux points 151 à 152 ci-après.

143    Il résulte de ce qui précède qu’aucun des arguments avancés par la requérante ne permet de considérer que la Commission n’aurait pas fait une analyse correcte des pressions concurrentielles auxquelles les parties à la concentration étaient confrontées.

144    En troisième lieu, la requérante allègue que l’argument de la Commission, selon lequel les produits dérivés TILT d’Eurex et les produits dérivés TICT de Liffe exercent une pression concurrentielle mutuelle, ne serait pas compatible avec le refus de cette institution de considérer le produit dérivé de taux d’intérêt Eurodollar du Chicago Mercantile Exchange (ci-après le « CME ») comme constituant une telle pression sur l’une ou l’autre des parties à la concentration.

145    À cet égard, il convient de rappeler que la Commission a souligné, au considérant 404 de la décision attaquée, que les produits dérivés de taux d’intérêt négociés en bourse étaient intrinsèquement liés à la devise sur laquelle le sous-jacent est basé. Elle a conclu, au considérant 406 de ladite décision, que les produits dérivés de taux d’intérêt basés sur des devises différentes, tant à court qu’à long termes, n’étaient donc généralement pas substituables et qu’il en était de même en ce qui concernait les produits dérivés de taux d’intérêt fondés sur l’euro et sur la livre sterling (GBP).

146    En l’espèce, la requérante fait valoir que l’affirmation de la Commission selon laquelle les produits dérivés TICT du CME n’exercent pas de pression sur ceux de Liffe, au motif que les produits dérivés fondés sur des devises différentes ne sont pas interchangeables, est contradictoire avec celle selon laquelle les produits dérivés TICT de Liffe exercent une pression sur les produits dérivés TILT d’Eurex, alors que ces produits sont libellés dans des devises différentes. Or, il doit être relevé que, ainsi qu’il ressort de la notification du projet de concentration, Eurex offre uniquement des produits dérivés de taux d’intérêt libellés en euros et que, en 2010, seules [confidentiel] des transactions de Liffe portant sur des produits dérivés de taux d’intérêt étaient libellées dans une autre monnaie que l’euro. La majeure partie des transactions de Liffe porte donc sur la même monnaie que celle des transactions d’Eurex, alors que tel n’est pas le cas des produits dérivés TICT du CME, de sorte que l’affirmation de la Commission n’est pas contradictoire.

147    En ce qui concerne l’argument selon lequel la Commission n’a pas avancé de preuve expliquant pourquoi le CME ne constituait pas un concurrent de Liffe, alors que tel serait le cas d’Eurex, il doit, tout d’abord, être relevé que la Commission a examiné, aux considérants 752 à 778 de la décision attaquée, la pression concurrentielle exercée par le CME. Elle a conclu, au considérant 779 de ladite décision, qu’il était peu probable que ce dernier soit en mesure d’exercer une réelle pression concurrentielle sur l’entité issue de la concentration envisagée. Or, force est de constater que, dans le cadre de cet examen, la Commission s’est fondée sur divers éléments de preuve dont, notamment, des réponses à l’enquête de marché, des observations du CME à la communication des griefs, des affirmations du CME lors de l’audition ainsi que des documents internes des parties à la concentration. Il ressort également de ces considérants que la Commission a examiné les différences entre l’offre du CME et celles desdites parties, en relevant, notamment, que les produits dérivés de taux d’intérêt adossés au Tibeur et proposés par le CME ne portaient que sur les contrats à terme et non sur les options (considérant 755) et que la compensation offerte par le CME était plus faible que celle offerte par ces parties (considérant 757).

148    Quant à l’argument, avancé au stade de la réplique, selon lequel la Commission a erronément ignoré la pression concurrentielle constituée par l’importante réserve de marge du CME, au motif qu’un produit libellé en GBP offrait une meilleure alternative, il doit être écarté. En effet, la requérante n’a apporté aucun élément permettant valablement de remettre en cause les appréciations figurant aux considérants 404 à 406 de la décision attaquée, dont il ressort que les produits de taux d’intérêt fondés sur des devises différentes, tant à court qu’à long termes, ne sont généralement pas substituables et qu’il en va de même en ce qui concerne les dérivés de taux d’intérêt basés sur l’euro et sur la GBP. Elle n’a pas non plus apporté d’élément permettant de réfuter la conclusion, figurant au considérant 758 de ladite décision, selon laquelle les compensations entre les produits respectifs des parties à la concentration étaient sensiblement plus importantes que celles qu’il était possible de réaliser entre ces mêmes produits et ceux du CME. En particulier, elle n’indique pas dans quelle mesure le fait, général, que la taille de la réserve de marge du CME est supérieure à celle de la réserve de marge libellée en GBP de Liffe pourrait remettre en cause les appréciations, spécifiques, de la Commission. D’ailleurs, celle-ci ne se fonde pas uniquement sur la taille de la réserve de marge, mais aussi sur sa composition. Quant à l’affirmation selon laquelle il existe moins d’acteurs du marché négociant à la fois des produits en euros et des produits en GBP que d’acteurs qui négocient des produits en euros et en dollars des États –Unis (USD), de sorte que le fait que la réserve de marge du CME est largement libellée en USD ne ferait pas obstacle à une concurrence, il suffit de relever que la requérante ne se réfère, à cet égard, à aucun élément de preuve et procède par pure affirmation. Aussi, même si le CME dispose d’une réserve de marge de taille similaire, comme l’admet d’ailleurs la Commission, il n’en demeure pas moins que, en raison notamment de sa composition, elle n’est pas en mesure de constituer une pression concurrentielle.

149    En quatrième lieu, la requérante allègue que la conclusion de la Commission, selon laquelle Eurex exerce une pression sur la tarification des produits TICT de Liffe adossés au Tibeur, n’est pas étayée par des preuves et est manifestement erronée.

150    À cet égard, il convient de rappeler que la Commission a examiné, aux considérants 653 à 679 de la décision attaquée, la concurrence entre les produits dérivés TICT fondés sur des taux d’intérêt en euros. Elle a conclu, au considérant 680 de ladite décision, qu’Eurex et Liffe étaient chacune la concurrente la plus proche de l’autre et étaient en fait seules concurrentes sur le marché des produits dérivés TICT européens, et, notamment, des options et contrats à terme adossés au Tibeur. La concentration envisagée donnerait donc lieu à un quasi-monopole sur le marché des produits dérivés TICT européens.

151    En l’espèce, premièrement, s’agissant des contrats à terme adossés au Tibeur à trois mois, il doit être relevé que, dans la décision attaquée, la Commission a estimé que les parts de marché d’Eurex étaient « certes faibles, mais non négligeables » (considérant 661), et que les chiffres pouvaient sembler « peu importants » (considérant 662). Ainsi qu’il ressort du tableau figurant au considérant 661 de ladite décision, la part de marché relative d’Eurex sur les contrats en cause était de [confidentiel] % en 2007, de [confidentiel] % en 2008, de [confidentiel] % en 2009 et de [confidentiel] % en 2010. Toutefois, la Commission a également relevé que lesdits chiffres avaient été minimisés par les parties à la concentration (considérant 662), ce que la requérante ne conteste pas explicitement dans la requête ou la réplique. En outre, elle a également souligné que le volume total des contrats négociés par le CME représentait un dixième du volume mensuel moyen d’Eurex en 2010 (considérant 662), ce qui permettait, eu égard aux parts de marché et aux volumes relatifs aux contrats à terme adossés au Tibeur à trois mois d’Eurex et de Liffe (considérant 661), de démontrer qu’Eurex et Liffe étaient chacun le concurrent le plus proche de l’autre. Par ailleurs, ainsi qu’il ressort de ce dernier considérant, Eurex a continué à proposer son offre dans le domaine des produits dérivés TICT adossés au Tibeur à trois mois malgré la faiblesse de sa part de marché. Enfin, ainsi qu’il ressort du considérant 663 de cette décision, il découle de la réponse d’un acteur du marché à l’enquête de marché que celui-ci considérait « la concurrence effective [entre Eurex et Liffe] comme étant marginale », mais qu’« Eurex [était] la seule force crédible exerçant une pression sur Liffe en termes de détermination du montant des frais afférents aux contrats de produits dérivés TICT européen » et qu’« Eurex [était] plus à même d’entrer sur [ce] marché ». Dans ces conditions, nonobstant la circonstance que, comme le fait en substance valoir la requérante, la qualification par la Commission des parts de marché d’Eurex comme étant « non négligeables » est regrettable au regard de leur très faible niveau et n’est pas conforme à sa pratique antérieure, il convient néanmoins de considérer qu’il existait une pression concurrentielle entre Eurex et Liffe, à tout le moins potentielle, dans le domaine des contrats à terme adossés au Tibeur à trois mois. Il convient donc de rejeter l’argumentation de la requérante visant à contester le fait qu’Eurex exerçait une pression sur Liffe à cet égard en raison du caractère négligeable de ses parts de marché, la Commission n’ayant pas commis d’erreur manifeste d’appréciation dans ce contexte.

152    Deuxièmement, s’agissant des options adossées au Tibeur, il convient de relever que la Commission a examiné, aux considérants 664 à 672 de la décision attaquée, la concurrence dans le domaine desdites options et a fondé ses conclusions sur des documents internes des parties à la concentration et sur des réponses à l’enquête de marché. C’est donc à tort que la requérante prétend que rien ne prouve qu’Eurex continue à exercer une pression concurrentielle. À cet égard, si, comme le fait noter la requérante, un des documents sur lequel la Commission s’est fondée indique que la « menace constituée par Eurex [confidentiel] », c’est en raison du fait que Liffe avait [confidentiel], afin de réagir à la présence d’Eurex. Ce document confirme donc, en fait, l’existence d’une pression concurrentielle entre Liffe et Eurex. Dans ces conditions, les arguments de la requérante visant à contester les appréciations de la Commission sur la concurrence exercée par Eurex sur Liffe doivent être écartés.

153    Troisièmement, s’agissant de la pression concurrentielle exercée par le CME, il convient de relever que c’est à tort que la requérante prétend que la comparaison effectuée par la Commission entre les parts de marché d’Eurex et du CME n’est pas étayée. En effet, ainsi qu’il a déjà été rappelé au point 151 ci-dessus, il ressort du considérant 662 de la décision attaquée que le volume total des contrats négociés par le CME représentait un dixième du volume mensuel moyen d’Eurex en 2010. En outre, il est à noter que la Commission a examiné la situation concurrentielle du CME aux considérants 752 à 779 de la décision attaquée et qu’elle n’a pas considéré que le CME n’exerçait pas de pression concurrentielle sur la seule base de la comparaison de ses parts de marché avec celles d’Eurex dans le domaine des produits dérivés TICT adossés au Tibeur. Elle a en effet relevé au considérant 779 de ladite décision que le CME ne serait pas aussi bien placé pour faire concurrence à l’entité issue de la concentration que ne l’étaient les parties à la concentration pour se faire concurrence l’une à l’autre, et ce, notamment, parce que le CME ne possédait pas une réserve de marge aussi large et hautement corrélée qui permette aux négociateurs de compenser des positions prises le long de la courbe des taux d’intérêt européens. Dans ces conditions, il convient d’écarter l’argumentation de la requérante selon laquelle la Commission aurait dû reconnaître la pression concurrentielle exercée par le CME.

154    En dernier lieu, il convient de rejeter comme irrecevable l’allégation selon laquelle les éléments prouvant l’existence d’une concurrence effective ou potentielle entre les parties à la concentration seraient insuffisants. En effet, l’allégation en cause est exprimée en des termes généraux, la requérante n’indiquant pas à quel marché elle se réfère. La requérante fait en effet valoir de manière générale, notamment, que la décision attaquée ne présente pas suffisamment d’éléments probants solides au soutien d’une concurrence effective ou potentielle entre lesdites parties ; qu’il n’existe aucun élément solide prouvant que la concurrence entre ces parties est pertinente au point qu’elle ne saurait être remplacée par une concurrence exercée par d’autres sources ; que les mêmes parties ont expliqué que la concurrence entre elles était restreinte, et que la concurrence avec les plates-formes de négociation de gré à gré et d’autres plates-formes était plus pertinente. Elle ajoute qu’aucun des exemples de la concurrence alléguée ne satisfait à la charge de la preuve, mais n’identifie pas les éléments en cause. La requérante n’indique même pas, dans le cadre de cette allégation, à quelle appréciation précise elle se réfère, ni à quel marché concerné celle-ci s’applique, ni même à quel point de la décision elle fait référence, de sorte que le Tribunal n’est pas en mesure d’exercer son contrôle de légalité au regard de ladite allégation.

155    À supposer, enfin et en tout état de cause, que cette allégation se rapporte aux appréciations de la Commission concernant la concurrence entre les parties à la concentration, contestées dans le cadre du présent grief, il ressort de l’examen de ce dernier que la Commission n’a commis aucune erreur d’appréciation.

156    Il résulte de ce qui précède que le deuxième grief doit être rejeté.

–       Sur le troisième grief

157    La requérante prétend que la conclusion de la Commission selon laquelle les parties à la concentration exercent l’une sur l’autre une pression découlant d’une concurrence en matière d’innovation est manifestement erronée.

158    Au soutien de ce grief, la requérante avance, en substance, deux allégations.

159    En premier lieu, la requérante allègue que la conclusion de la Commission selon laquelle la concurrence entre les parties à la concentration est l’unique moteur du développement de nouveaux produits est manifestement erronée.

160    À cet égard, il doit être rappelé que la Commission a examiné, de manière générale, aux considérants 560 à 600 de la décision attaquée, la concurrence existant, avant la concentration, entre les parties à celle-ci pour l’introduction de nouveaux produits. Elle a conclu, au considérant 601 de ladite décision, que lesdites parties se faisaient concurrence en matière d’introduction de nouveaux contrats ainsi que de contrats améliorés en rapport avec leurs principales activités qui se recoupaient, et étaient chacune la plus proche concurrente directe de l’autre. Elle a estimé, au considérant 603 de cette décision, que, même si ces parties continuaient d’innover en temps utile et de façon adaptée aux besoins des clients à la suite de la concentration, cette dernière aurait en tout état de cause pour effet de diminuer la concurrence par les prix au cours de la période d’accumulation de la liquidité et entraînerait par ailleurs la disparition de la pression tarifaire émanant de la concurrence potentielle.

161    De manière plus spécifique, la Commission a également examiné, au point 11.2.1.4.4 de la décision attaquée, la concurrence en vue de l’introduction de nouveaux produits dans le domaine des dérivés de taux d’intérêt européens, au point 11.2.1.5.4 de ladite décision, la concurrence pour l’introduction de nouveaux produits dans le domaine des dérivés d’actions individuelles européennes et, au point 11.2.1.6.2 de cette décision, la concurrence en matière d’innovation relative aux produits dérivés d’indice.

162    En l’espèce, premièrement, il convient de souligner que, dans le cadre de la présente allégation, la requérante soutient, dans la requête, que la conclusion, figurant au considérant 640 de la décision attaquée, selon laquelle la concentration entraverait de manière significative une concurrence effective n’est pas étayée et que les citations de réponses de l’enquête de marché, mentionnées aux considérants 622 et suivants de cette décision, ne justifient pas ladite affirmation. Or, force est de constater que cette conclusion et ces citations concernent l’examen, par la Commission, de la concurrence entre les parties à la concentration en matière de technologie, de processus et de conception du marché. Ces arguments sont donc sans pertinence dans le cadre de la présente allégation, qui concerne l’innovation visant à introduire de nouveaux produits.

163    Deuxièmement, il doit être noté que c’est en se fondant sur une lecture erronée de la décision attaquée que la requérante laisse entendre que la Commission a estimé que chaque partie à la concentration avait pour seule pression l’autre partie en termes d’innovation relative aux produits ou que la concurrence entre les parties à la concentration était l’unique moteur du développement de nouveaux produits. En effet, aucun élément de ladite décision ne permet de considérer que telle serait la position de la Commission. En particulier, il est à noter que le constat, figurant dans cette décision, que lesdites parties sont les concurrentes les plus proches l’une de l’autre n’implique pas qu’il s’agisse de la « seule » pression concurrentielle.

164    Troisièmement, il est à constater qu’aucun élément de la décision attaquée ne contredit le fait, souligné par la requérante, que les parties à la concentration continueraient d’innover en matière de nouveaux produits après la concentration.

165    Quatrièmement, il importe de relever que, afin d’étayer ses conclusions concernant la concurrence relative à l’innovation en matière de nouveaux produits, la Commission s’est fondée sur des documents ou des affirmations émanant des parties à la concentration, de réponses à l’enquête de marché, ainsi que sur des exemples concrets, passés ou récents. Ces éléments sont exposés, en particulier, aux considérants 562 à 577 de la décision attaquée et permettent d’étayer valablement la conclusion, figurant aux considérants 601 à 603 de ladite décision. Ainsi qu’il a été indiqué, des éléments plus spécifiques, concernant la concurrence relative à l’innovation en matière de produits dérivés de taux d’intérêt européens, de produits dérivés d’actions individuelles européennes et d’indices figurent aux points 11.2.1.4.4.2, 11.2.1.5.4 et 11.2.1.6.2 de cette décision.

166    Or, force est de constater que la requérante est restée en défaut de remettre valablement en cause l’ensemble de ces éléments.

167    À cet égard, il convient de relever, en particulier, que c’est à tort que la requérante soutient que la Commission n’a pas étudié les rôles joués par les autres bourses. En effet, aux considérants 586 à 588 de la décision attaquée, la Commission a écarté les arguments visant à faire valoir que le CME avait exercé une pression aussi importante que celles exercées par les parties à la concentration en matière d’innovation de produits dérivés sur taux d’intérêt. Les appréciations figurant à ces considérants ne sont pas remises en cause par la requérante. Par ailleurs, s’agissant des exemples d’EURO STOXX et d’EuroFirst, cités aux considérants 568 et 901 de ladite décision, il convient d’écarter comme dénué de pertinence l’argument de la requérante, pris de ce qu’ils ne sauraient constituer une illustration de la concurrence en matière d’innovation, mais refléteraient tout au plus une concurrence potentielle entre produits existants. En effet, la Commission a circonscrit la portée de ces exemples et a expressément indiqué, au considérant 568 de cette décision, qu’il s’agissait « d’exemples, passés ou récents, de la concurrence que se [livraient] Liffe et Eurex pour attirer la liquidité dans de nouvelles gammes de produits ». De même, au considérant 902 de la même décision, elle a limité la portée de l’exemple, en relevant que, « si Eurofirst n’[avait] finalement pas réussi de percée importante, cet exemple [illustrait] néanmoins la concurrence en matière d’innovation ». C’est donc à tort que la requérante prétend que la décision en cause ne contient aucun exemple de concurrence entre les parties à la concentration en matière d’innovation. Au demeurant, les documents desdites parties et les réponses à l’enquête de marché, évoqués en particulier aux considérants 562 à 577 de la décision en question, permettent d’étayer à suffisance de droit l’existence de cette concurrence.

168    Quant à l’argument selon lequel la Commission n’a pas évalué l’importance de la réduction de l’innovation, il doit être relevé que le considérant 636 de la décision attaquée, évoqué à cet égard par la requérante, est sans influence, dès lors qu’il concerne l’innovation en matière technologique (voir point 162 ci-dessus). À cet égard, la requérante a indiqué, en réponse à une question écrite du Tribunal, qu’elle avait cité ledit considérant au motif que, selon elle, l’appréciation y figurant s’appliquait à la fois à l’innovation en matière de produits et à l’innovation technologique, et qu’elle était convaincue que les acteurs du marché souhaitaient exprimer cette thèse. Cette explication doit cependant être écartée, dès lors qu’elle ne découle pas du libellé du considérant en cause et qu’aucun élément n’a été valablement invoqué pour la soutenir. En outre et en tout état de cause, aucun élément ne permet de considérer que la Commission aurait dû évaluer l’ampleur de la réduction de l’innovation pour étayer à suffisance de droit ses conclusions. Enfin, s’agissant de la concurrence entre les parties à la concentration, les considérants 813, 889 et 925 de ladite décision indiquent, notamment, que ladite concurrence, relative à l’introduction de nouveaux produits dans les domaines des produits dérivés de taux d’intérêt européens, des produits dérivés d’actions individuelles européennes et d’indices, disparaîtrait, en particulier en raison du fait que lesdites parties sont, dans chacun de ces domaines, la concurrente la plus proche l’une de l’autre et que cette concurrence disparaîtrait une fois l’opération de concentration réalisée.

169    S’agissant du communiqué de presse, du 11 juin 2007, du département de la justice des États-Unis concernant la clôture de l’enquête sur l’acquisition du Chicago Board of Trade (CBOT) par le CME, il en ressort effectivement, comme le souligne la requérante, que, dans cette procédure, il a été considéré que les deux principales incitations à innover avaient été, et resteraient, la perspective d’augmenter son activité commerciale sur le marché de gré à gré et la possibilité d’offrir des produits utilisables par la communauté active sur le marché de gré à gré afin de couvrir le risque associé à cette activité. Toutefois, aucun élément ne permet de considérer que ce constat, circonscrit aux faits relatifs à cette procédure particulière, serait applicable dans les circonstances propres à la concentration en cause en l’espèce.

170    Il s’ensuit que la première allégation de la requérante est manifestement dénuée de tout fondement en ce qui concerne l’innovation en matière de nouveaux produits.

171    En second lieu, la requérante allègue que la conclusion de la Commission selon laquelle la concentration éliminerait toute concurrence en matière technologique et donnerait lieu à une réduction de l’innovation disponible pour les clients est manifestement erronée et non étayée.

172    À cet égard, il doit être rappelé que la Commission a examiné, aux considérants 604 à 640 de la décision attaquée, la concurrence entre les parties à la concentration en matière de technologie, de processus et de conception du marché. La concurrence en matière de technologie est plus particulièrement abordée aux considérants 605 à 619 de ladite décision.

173    En l’espèce, premièrement, il convient de relever que, ainsi qu’il ressort de la décision attaquée, et notamment de ses considérants 634, 635 et 639, la Commission n’a pas estimé, contrairement à ce que laisse entendre la requérante, que la concentration éliminerait toute concurrence en matière technologique. En effet, elle a rappelé au considérant 634 de ladite décision ne pas avoir soutenu qu’aucun élément extérieur n’incitait les parties à la concentration à investir en matière de technologie et de conception du marché, ni que cet élément incitatif disparaîtrait à la suite de l’opération notifiée. Elle a précisé, au considérant 635 de cette décision, que, dans la communication des griefs, elle avait conclu que la concurrence intensive et unique entre lesdites parties en matière de technologie, de processus et d’organisation du marché disparaîtrait à la suite de l’opération de concentration, dans la mesure où cette concurrence se fondait sur la nécessité de faire obstacle aux menaces concurrentielles pesant sur les activités de l’une de ces parties et émanant de l’autre partie. Elle a conclu au considérant 640 de la même décision que la concentration atténuerait l’incitation que l’entité issue de la concentration aurait à innover en matière de technologie et réduirait l’innovation dont les clients pouvaient profiter sur les marchés.

174    Deuxièmement, s’agissant de l’argument selon lequel la Commission n’a pas pris en compte le fait que la pression concurrentielle continuerait à s’exercer sur l’entité issue de la concentration en raison des clients suivant des stratégies axées sur une négociation à haute fréquence, il est à noter que la Commission n’a pas nié que, à la suite de la concentration, les parties à celle-ci devraient encore faire face à une forme de concurrence, puisqu’elle a estimé que l’innovation serait réduite et non éliminée. En tout état de cause, ainsi qu’il ressort du considérant 611 de la décision attaquée, la latence, à savoir le délai d’exécution d’une opération, n’est qu’un des éléments sur lesquels les bourses se font concurrence en matière de technologie, au même titre que le type de connectivité, la fiabilité et les services d’assistance.

175    Troisièmement, s’agissant de l’argument selon lequel il n’est pas cohérent de considérer, d’une part, que la technologie n’est pas une barrière à l’entrée de concurrents, et, d’autre part, qu’il s’agit d’un paramètre pertinent de la concurrence entre les parties, force est de constater qu’il est dénué de pertinence. En effet, il doit tout d’abord être relevé que, si la Commission a estimé que l’accès à une licence sur le logiciel de négociation ne constituait pas une véritable barrière à l’entrée sur le marché de la négociation et de la compensation des produits dérivés de taux d’intérêt européens, elle n’a toutefois pas considéré, de manière générale et inconditionnelle, que l’accès à la technologie ne constituait pas une barrière à l’entrée. En tout état de cause, il est à relever que l’examen effectué par la Commission, aux considérants 604 à 640 de la décision attaquée, a trait à l’innovation en matière de technologie, de processus et de conception du marché. Le fait qu’il existe une concurrence entre les bourses à cet égard, en particulier afin d’attirer et de conserver la liquidité, n’est en rien contradictoire avec le constat que l’accès à la technologie existante peut, le cas échéant, ne pas constituer une barrière à l’entrée. La question de la concurrence pouvant exister en matière d’innovation diffère, en effet, de celle de l’accès à la technologie existante.

176    Quatrièmement, s’agissant de l’argument selon lequel la Commission a omis d’analyser la question de savoir si la concentration aurait réduit la concurrence en matière technologique, il doit être écarté, dès lors qu’il découle du point 11.2.1.3.4.2 de la décision attaquée que la Commission a examiné cette concurrence et a conclu, au considérant 640 de ladite décision, que la concentration atténuerait l’incitation que l’entité issue de celle-ci aurait à innover, notamment, en matière de technologie. Il convient également de relever que la requérante reste en défaut de remettre valablement en cause les éléments sur lesquels la Commission s’est fondée dans le cadre de son examen de la concurrence en matière technologique. En particulier, elle ne remet pas en cause le constat, figurant au considérant 615 de cette décision, selon lequel une grande majorité de clients s’attend à ce que la concentration entraîne à tout le moins une certaine réduction de l’innovation, à la fois sur le plan des produits et sur le plan de la technologie, et qu’une minorité de clients s’attend au même niveau ou à davantage d’innovation. Il ressort, en outre, du considérant 619 de la même décision qu’un responsable de Liffe a estimé que « [ce dernier] et [ses] clients pens[aient] que l’existence de deux grandes bourses de dérivés européennes incite[raient] chacune d’elles à innover sur le plan de la technologie, du développement de produits et de la qualité des services » et que « cette incitation disparaîtrait en cas de concentration, car une telle opération créerait un monopole contrôlant plus de 90 % du marché européen des dérivés négociés en bourse », ce que la requérante n’a pas contesté.

177    Cinquièmement, s’agissant du fait, évoqué par la requérante, que les principales bourses de produits dérivés sont toutes des exploitants et des développeurs de technologie de négociation, il n’est pas de nature à remettre en cause la conclusion selon laquelle la concentration atténuerait l’incitation que l’entité issue de celle-ci aurait à innover en matière de technologie, de processus et de conception du marché pour répondre à ces mêmes menaces concurrentielles et donnerait globalement lieu à une réduction de l’innovation dont les clients peuvent profiter sur ces marchés, la requérante n’expliquant d’ailleurs pas dans quelle mesure ce fait pourrait remettre en cause ladite conclusion. Le fait que différents systèmes de négociation seraient maintenus à l’issue de la concentration n’est pas en contradiction avec les conclusions de la Commission, qui n’a pas considéré que la concurrence en la matière disparaîtrait.

178    Il s’ensuit que la deuxième allégation de la requérante doit être écartée et que c’est à tort qu’elle prétend que la Commission n’a pas analysé le niveau de réduction dans le domaine de l’innovation.

179    Il résulte de ce qui précède que le troisième grief doit être rejeté.

–       Sur le quatrième grief

180    La requérante avance que l’analyse faite par la Commission de la concurrence exercée par d’autres plates-formes n’est pas fondée sur des éléments de preuve significatifs et concordants.

181    À cet égard, il convient de rappeler que, aux considérants 749 à 798 de la décision attaquée, la Commission a examiné la question de savoir si d’autres acteurs pourraient exercer une pression concurrentielle suffisante sur l’entité issue de la concentration, une fois cette dernière réalisée, et a conclu, au considérant 799 de ladite décision, qu’aucun d’eux ne serait en mesure d’influencer le comportement de ladite entité à l’issue de l’opération.

182    En l’espèce, premièrement, s’agissant de l’argument de la requérante selon lequel la Commission a évoqué, au considérant 703 de la décision attaquée, la pression exercée par Eurex sur le CME aux États-Unis, mais a contesté que le CME puisse être en mesure d’exercer une pression identique en Europe, alors que les conditions préalables sont similaires, force est de constater qu’il ne peut qu’être rejeté. En effet, la requérante se borne à affirmer que la Commission n’a pas admis que le CME puisse exercer une pression identique à celle qu’Eurex a exercée, aux États-Unis, sur le CME, et n’apporte aucun élément permettant de valablement remettre en cause la conclusion de la Commission, figurant au considérant 779 de ladite décision, concernant le fait qu’il est peu probable que le CME soit en mesure d’exercer une pression concurrentielle sur l’entité issue de la concentration, après celle-ci. Elle procède, en outre, par pure affirmation et n’avance, dans la requête, aucun élément visant à démontrer que les conditions préalables, notamment les réserves de marges, étaient similaires, s’agissant de leur composition. À cet égard, il y a lieu de noter que la Commission a retenu, au considérant 758 de cette décision, que les compensations entre les produits respectifs des parties à la concentration étaient sensiblement plus importantes que celles qu’il est possible de réaliser entre ces mêmes produits et ceux du CME, ce que la requérante n’a pas valablement remis en cause.

183    Deuxièmement, s’agissant de la circonstance évoquée par la requérante que la Commission a laissé ouverte la question de la délimitation géographique du marché des options et des contrats à terme sur taux d’intérêt européens, elle n’est pas contradictoire avec le fait d’avoir considéré que le lancement par le CME de produits dérivés sur des sous-jacents européens ne constituait pas une pression concurrentielle. En effet, contrairement à ce que laisse accroire la requérante, l’existence de cette pression n’a pas été écartée par la Commission au motif que l’offre ciblerait des clients aux États-Unis et ne devrait pas avoir d’incidence en raison de leur volume limité, mais, notamment, au motif que le CME ne possédait pas une réserve de marge assez large et hautement corrélée, ainsi qu’il ressort des considérants 752 à 779 de la décision attaquée.

184    Troisièmement, il convient d’écarter l’argument de la requérante selon lequel la Commission a commis une erreur en ce qui concerne les membres du CME. En effet, dans le cadre de l’examen, figurant aux considérants 752 à 778 de la décision attaquée, de la question de savoir si le CME pourrait exercer une pression concurrentielle sur l’entité issue de la concentration dans le domaine des options et des contrats à terme sur taux d’intérêt européens, le fait que les membres de la chambre de compensation du CME sont très peu nombreux (quinze seulement en août 2011) n’est qu’un des multiples éléments pris en compte par la Commission pour conclure, au considérant 779 de ladite décision, qu’il était peu probable que le CME soit en mesure d’exercer une réelle pression concurrentielle sur l’entité issue de la concentration. Aussi, même à supposer que l’argument de la requérante soit fondé, ladite conclusion ne serait pas affectée.

185    Quatrièmement, s’agissant de l’argument de la requérante selon lequel la Commission a occulté certains documents internes des parties à la concentration, avancés pour prouver que le CME était un concurrent direct, et ne s’en est servi que pour étayer son assertion selon laquelle le CME n’exerçait pas de pression concurrentielle dans le secteur des produits dérivés, il convient de relever que la requérante n’indique pas, dans la requête, les documents que la Commission aurait omis de prendre en compte, se bornant à opérer un renvoi à sa réponse à la communication des griefs. En tout état de cause, il ressort des considérants 773 à 778 de la décision attaquée, consacrés à la question de savoir si le CME pourrait exercer une pression concurrentielle suffisante sur l’entité issue de la concentration dans le domaine des options et des contrats à terme sur taux d’intérêt européens, que la Commission a pris en compte des documents internes des parties à la concentration. Ledit argument ne peut donc qu’être écarté. Il en va de même de l’argument de la requérante selon lequel la Commission n’a ni demandé ni examiné certains documents internes du CME, du Nasdaq OMX ou de la bourse de Londres exposant leurs relations avec lesdites parties. La requérante ne donne aucune indication quant aux documents en cause et se borne à procéder par simple affirmation, en indiquant que, si la Commission l’avait fait, elle se serait procuré des éléments de preuve des pressions concurrentielles exercées par ces concurrents. Au demeurant, la Commission s’est fondée sur les réponses des bourses évoquées par la requérante dans le cadre de son analyse de la concurrence.

186    Cinquièmement, s’agissant des arguments de la requérante se rapportant à The Order Machine (TOM), force est de constater qu’ils doivent également être écartés. À cet égard, il convient de relever que, aux considérants 875 à 878 de la décision attaquée, la Commission a examiné la question de savoir si TOM pourrait exercer une pression concurrentielle sur l’entité issue de la concentration dans le domaine des options et des contrats à terme sur actions individuelles. Elle a conclu, au considérant 879 de ladite décision, que non seulement il existait une certaine insécurité quant à savoir si TOM pourrait réaliser une activité dans le domaine des produits dérivés, mais que, de surcroît, [confidentiel] elle ne disposait à ce stade que d’un réseau de distribution très limité (une poignée de membres). Elle a estimé qu’il existait des doutes, voire une incertitude, quant à la probabilité d’une entrée durable et qu’il s’agissait au mieux d’une menace localisée ne concernant qu’un nombre limité d’instruments sur actions individuelles, que ses perspectives de développement étaient inconnues et que le temps nécessaire pour éventuellement procéder à ce développement était incertain, tout comme l’échelle à laquelle il aurait lieu.

187    À cet égard, force est tout d’abord de constater que la requérante n’apporte aucun élément permettant de remettre en cause les fondements de la conclusion de la Commission. Ensuite, s’agissant de l’assertion selon laquelle le fait que [confidentiel] serait la preuve que, même lorsque l’entrant échoue, la simple menace d’une entrée est capable d’exercer [confidentiel], elle n’est pas suffisante pour remettre en cause les éléments retenus par la Commission, en particulier aux considérants 875 à 878 de la décision attaquée, pour considérer qu’il n’est pas certain que TOM exercerait une pression concurrentielle. Enfin, s’agissant de l’allégation de la requérante selon laquelle la Commission a indiqué que la pression exercée par TOM serait localisée sans expliquer pourquoi d’autres plates-formes plus grandes et mieux établies ne pourraient pas exercer ce type de pression, il est à noter que, ainsi qu’il ressort de ladite décision, si la Commission a estimé que la pression en cause serait localisée, c’est au motif que [confidentiel]. Or, la requérante ne remet pas en cause ce constat.

188    Il résulte de ce qui précède qu’il convient de rejeter le quatrième grief, ainsi que, par voie de conséquence, la première branche du premier moyen.

 Sur la seconde branche, tirée de ce que la Commission n’a pas examiné de façon suffisante les pressions liées à la demande

189    Dans le cadre de cette branche, la requérante avance cinq griefs.

–       Sur le premier grief

190    La requérante soutient que les clients des parties à la concentration font peser sur ces dernières une pression concurrentielle importante. En effet, lesdites parties ne contrôleraient que les coûts qu’elles facturent à leurs clients.

191    À cet égard, il convient de rappeler à nouveau que, ainsi qu’il ressort d’une lecture conjointe des considérants 299, 501 et 502 de la décision attaquée, l’enquête de marché a confirmé que les négociateurs se fondaient généralement sur le coût de transaction total, lequel incluait les frais implicites, à savoir l’écart entre le cours acheteur et le cours vendeur, l’impact sur le marché et le coût d’opportunité lié à la constitution de garanties, ainsi que les frais explicites, à savoir les frais d’adhésion ainsi que les frais de négociation et de compensation des transactions, pour décider du lieu de la négociation, cela n’étant pas contesté par la requérante dans la requête. Il est précisé, au considérant 501 de ladite décision, que le coût implicite de la négociation est généralement plusieurs fois supérieur aux autres coûts exposés par les négociateurs, ce qui n’est pas non plus contesté.

192    Il est, enfin, à rappeler que, au considérant 1126 de la décision attaquée, la Commission a conclu que le projet de concentration, s’il devait se concrétiser, éliminerait la concurrence effective et potentielle sur un certain nombre de marchés. Au considérant 1127 de ladite décision, elle a rappelé que les barrières à l’entrée de ces marchés étaient élevées et que la puissance d’achat compensatrice était faible. Ainsi qu’il a déjà été relevé, elle a conclu, au considérant 1128 de cette décision, que, compte tenu de l’élimination de la seule pression crédible existant sur ces marchés, l’entité issue de la concentration serait très vraisemblablement en mesure d’imposer des commissions de négociation et de compensation plus élevées aux clients et de réduire l’innovation proposée en matière de produits et de technologie.

193    La requérante objecte, à cet égard, que les parties à la concentration ne contrôlent que les coûts qu’elles facturent à leurs clients et que ceux-ci ne forment qu’une petite partie des coûts de transaction totaux. Selon elle, une augmentation légère des coûts de négociation aura une incidence négative sur le coût total de la transaction pour les utilisateurs finals apporteurs de liquidité, qui représentent une part significative des volumes de transactions et sont extrêmement sensibles aux modifications des coûts de négociation. Les bourses auraient donc une marge de manœuvre restreinte pour augmenter les commissions de négociation.

194    En l’espèce, aucun des arguments avancés par la requérante ne permet de remettre en cause le bien-fondé des appréciations de la Commission évoquées aux points 191 et 192 ci-dessus.

195    Premièrement, force est de constater que la requérante procède par pure affirmation. Elle n’apporte en effet aucun élément permettant d’étayer à suffisance de droit son allégation concernant les conséquences d’une augmentation légère des coûts de négociation explicites. Le seul document évoqué dans ce contexte est une présentation, sous forme de diapositives, effectuée lors de l’audition devant la Commission, laquelle ne se réfère à aucun élément de preuve tangible.

196    Deuxièmement, il échet de constater que l’argument selon lequel les parties à la concentration ne sont pas libres d’augmenter comme elles le souhaitent les prix qu’elles pratiquent à l’égard de leurs clients ne peut qu’être écarté. En effet, la requête se réfère, à cet égard, uniquement à une catégorie particulière de clients, à savoir ceux qui jouent un rôle d’animateurs de marché, de sorte que ledit argument ne saurait, même à le supposer fondé, remettre en cause l’ensemble des appréciations de la Commission. De même, l’assertion selon laquelle une faible augmentation de la valeur nominale de la commission de négociation par contrat neutraliserait le gain net moyen ne se réfère qu’à certains types de clients apporteurs de liquidité, qui agissent comme animateurs de marché. En tout état de cause, ces arguments ne sont pas solidement étayés par des éléments de preuve tangibles, la requérante se bornant, dans la requête, à renvoyer aux diapositives évoquées au point 195 ci-dessus.

197    Troisièmement, doit être également rejeté comme dénué de pertinence l’argument selon lequel les parties à la concentration ne contrôlent que les coûts qu’elles facturent en leur qualité de bourses à leurs clients, à savoir les commissions de négociation explicites. En effet, tout d’abord, ainsi qu’il ressort du considérant 511 de la décision attaquée, les bourses contrôlent directement non seulement le coût de la négociation, mais également le coût de la compensation, tant en termes de frais de compensation qu’en termes de coût des garanties, ce que la requérante ne conteste pas. En outre, il ressort du considérant 502 de ladite décision que les bourses se font concurrence sur le plan des coûts explicites afin d’attirer la liquidité sur leur plate-forme, tandis que les coûts implicites sont principalement fonction de l’écart réalisé entre le cours vendeur et le cours acheteur. Or, cette concurrence sur les coûts explicites a nécessairement des conséquences indirectes sur les coûts implicites, dès lors que, ainsi que le fait, en substance, remarquer la Commission dans le mémoire en défense, l’effort consenti pour attirer de la liquidité influence l’écart entre le cours vendeur et le cours acheteur. Enfin, il est à rappeler que, ainsi qu’il découle du considérant 502 de cette décision, les clients fondent leur décision sur le coût total de la transaction, lequel inclut tant les coûts implicites que les coûts explicites.

198    Quatrièmement, c’est à tort que la requérante soutient que les présomptions de la Commission sont inexactes et non étayées et qu’elle s’est abstenue de prendre en compte les pressions concurrentielles exercées par les clients. En effet, d’une part, la Commission a examiné, aux considérants 1009 à 1021 de la décision attaquée, la puissance d’achat des clients des parties à la concentration, en estimant que ceux-ci n’avaient ni puissance d’achat compensatrice ni possibilité de changer de fournisseur. D’autre part, la Commission a fondé sa conclusion selon laquelle l’entité issue de la concentration serait très vraisemblablement en mesure d’imposer des commissions de négociation et de compensation plus élevées aux clients sur son appréciation selon laquelle la seule pression crédible existant sur les marchés en cause disparaîtrait.

199    Il s’ensuit que le premier grief doit être écarté.

–       Sur le deuxième grief

200    La requérante prétend que la conclusion de la Commission selon laquelle les commissions de négociation augmenteraient à l’issue de la concentration méconnaît les éléments prouvant l’existence de pressions liées à la demande. Selon elle, les éléments empiriques prouvant que les parties à la concentration n’exercent pas de pression mutuelle sur leurs tarifications n’ont pas été rassemblés et analysés, l’examen de la Commission se limitant à un examen de déclarations anecdotiques. Dans ce contexte, elle relève que la Commission a constaté que la concentration générerait, au bénéfice des clients à la concentration, des gains d’efficacité vérifiables et propres à la concentration, tout en estimant que les prix seraient augmentés d’un montant supérieur aux économies qui seraient générées, et ce sans aborder l’ampleur de l’augmentation des prix susceptible de se produire.

201    À cet égard, en premier lieu, force est de constater que l’argumentation de la requérante ne permet pas de remettre en cause les conclusions de la Commission concernant l’augmentation des commissions, dont la substance a été rappelée au point 192 ci-dessus. En effet, la requérante évoque des éléments empiriques prouvant que les parties à la concentration n’exercent pas de pression mutuelle sur leurs tarifications, lesquels n’auraient été ni rassemblés ni analysés par la Commission. Toutefois, elle n’indique pas de quels éléments précis il s’agirait. À supposer qu’elle se réfère aux analyses quantitatives évoquées au considérant 247 de la décision attaquée, il a déjà été, en substance, relevé au point 136 ci-dessus, qu’aucun élément ne permettait de remettre en cause la conclusion de la Commission selon laquelle l’analyse quantitative n’était pas pertinente. Elle n’apporte, en outre, aucun élément permettant de remettre en cause l’affirmation, figurant au considérant 248 de ladite décision, selon laquelle les données sur les prix requises pour effectuer une analyse empirique convenable n’étaient pas disponibles.

202    En deuxième lieu, si la requérante affirme que le contrôle de la Commission se limite à un examen sélectif de déclarations anecdotiques et que les éléments de preuve cités n’étayent pas la conclusion selon laquelle les parties à la concentration se font concurrence sur l’un des marchés de produits dérivés sur lesquels elles exercent une activité, elle n’apporte toutefois aucune preuve pour étayer ses affirmations et l’examen de la première branche du présent moyen n’a pas permis de remettre en cause le constat selon lequel lesdites parties exerçaient une pression concurrentielle l’une sur l’autre.

203    En troisième lieu, s’agissant de l’allégation selon laquelle les éléments de preuve permettent de démontrer que la tarification pratiquée par les parties à la concentration subit une pression de la part de leurs clients, la requérante n’indique même pas à quels éléments précis elle se réfère à cet égard. En tout état de cause, il ressort de l’examen du troisième grief de la présente branche que cette allégation est infondée (voir, à cet égard, points 210 à 219 ci-après).

204    En quatrième lieu, s’agissant de l’évocation, dans la réplique, que la Commission aurait omis de tenir compte de l’effet négatif de l’augmentation des prix en termes de volume, la requérante n’apporte aucun élément au soutien de son allégation selon laquelle, même si les clients ne pouvaient pas se tourner vers un produit alternatif ou une autre bourse, ledit effet négatif neutraliserait toute hausse de prix. Elle procède à cet égard par pure affirmation. Au demeurant, cet examen se rapporte, en substance, à celui de la puissance d’achat compensatrice, lequel a été effectué par la Commission aux considérants 1009 à 1020 de la décision attaquée, comme il est rappelé au considérant 1127 de celle-ci.

205    En dernier lieu, il convient également de rejeter l’allégation selon laquelle la Commission a constaté que la concentration générerait, au bénéfice des clients à la concentration, des gains d’efficacité vérifiables et propres à ladite concentration, tout en estimant que les prix augmenteraient d’un montant supérieur aux économies qui seraient générées, et ce sans aborder l’ampleur de l’augmentation des prix susceptible de se produire. En effet, il est à rappeler que les seules économies que la Commission a considérées comme étant vérifiables sont, ainsi qu’il découle de l’examen figurant au point 12 de la décision attaquée et dont la conclusion est exposée aux considérants 1335 à 1342 de ladite décision, les économies en termes de garanties. Elle a estimé que celles-ci se situaient dans une fourchette comprise entre [confidentiel] et [confidentiel] millions d’euros, mais que seule une fraction de ce montant était propre à la concentration et que seule une partie du montant propre à la concentration était susceptible d’être répercutée sur les clients. Partant, la Commission a estimé, au considérant 1338 de cette décision, que les gains d’efficacité vérifiables, propres à la concentration et susceptibles de bénéficier aux clients, seraient très probablement limités.

206    La Commission a ensuite indiqué, au considérant 1339 de la décision attaquée, que, pour que l’entité issue de la concentration n’ait pas intérêt à augmenter ses commissions dans une mesure telle que cette augmentation l’emporterait sur les économies vérifiables en termes de garanties, il faudrait que la demande soit extrêmement élastique. Or, elle a relevé que, dans la mesure où le projet de concentration conduirait à éliminer le concurrent actuel et potentiel le plus proche, ainsi qu’à créer des barrières élevées à l’entrée et à l’expansion sur les marchés en cause, les clients n’auraient ni le choix ni la possibilité de se tourner vers une autre plate-forme. Elle a conclu qu’il serait probable que l’entité issue de la concentration soit en mesure d’augmenter substantiellement ses commissions et soit incitée à le faire.

207    Il s’ensuit que la Commission a considéré que l’augmentation des commissions qui serait susceptible de se produire serait supérieure aux gains d’efficacité, sans même quantifier l’ampleur de cette augmentation. Toutefois, la requérante n’a apporté aucun élément permettant de considérer que le raisonnement suivi par la Commission pour parvenir à cette conclusion serait manifestement erroné.

208    En tout état de cause, il est à noter que, au considérant 1340 de la décision attaquée, la Commission a évalué les économies de coûts annuelles vérifiées sous la forme d’un pourcentage des recettes annuelles totales que tiraient les parties à la concentration de leur activité dans les produits dérivés, mais aussi en divisant l’économie annuelle de coûts par le nombre total de contrats négociés sur les plates-formes desdites parties par an. Ce faisant, elle a constaté que, selon une fourchette haute, l’économie représenterait [confidentiel] par contrat et, selon une fourchette basse, [confidentiel] par contrat. Elle en a déduit qu’une hausse des frais de quelques centimes d’euros par contrat suffirait à effacer les économies en termes de garanties. Or, la requérante n’a apporté aucun élément permettant de réfuter ce raisonnement, lequel n’apparaît pas, au demeurant, manifestement erroné, eu égard aux éléments du dossier. Dans ce contexte, il convient, au regard des considérations précédentes, d’écarter l’argumentation selon laquelle la décision attaquée a reconnu l’existence de gains d’efficacité substantiels et ne les a pas mis en balance de façon appropriée avec l’atteinte à la concurrence.

209    Il résulte de ce qui précède que le deuxième grief doit être rejeté.

–       Sur le troisième grief

210    La requérante avance que la Commission n’a pas examiné les nombreux éléments prouvant que le rôle décisif joué par les clients générait des pressions sur la concurrence. En outre, la Commission aurait rejeté, à tort, les éléments prouvant la puissance d’achat des clients des parties à la concentration, aucun des cinq motifs avancés par cette institution à cet égard n’étant correct.

211    À cet égard, il convient de relever que, aux considérants 1009 à 1020 de la décision attaquée, la Commission a vérifié s’il existait une puissance d’achat compensatrice des clients des parties à la concentration, en examinant, notamment, les allégations desdites parties. Elle a conclu, au considérant 1021 de ladite décision, que le pouvoir de marché de l’entité issue de la concentration ne serait pas limité de manière significative par la puissance d’achat de ses clients.

212    En l’espèce, en premier lieu, il convient de rejeter l’allégation de la requérante selon laquelle la Commission n’a pas examiné les nombreux éléments de preuve avancés par les parties à la concentration et prouvant que le rôle décisif joué par leurs clients générait des pressions sur la concurrence en matière de négociation de produits dérivés. En effet, il ressort des considérants 1009 à 1020 de la décision attaquée que la Commission a pris en compte l’argumentation desdites parties. Elle a d’ailleurs estimé, au considérant 1015 de ladite décision, que l’enquête de marché n’avait permis d’étayer aucune des affirmations de ces parties relatives à la puissance d’achat compensatrice. En particulier, s’agissant de l’argument selon lequel la Commission a estimé qu’aucun exemple pertinent de clients ayant choisi de détourner de la liquidité vers d’autres plates-formes de négociation ou de promouvoir des entrées sur le marché n’avait été fourni, alors qu’elle avait observé plusieurs tentatives d’entrée ayant occasionné une baisse des commissions, il doit, certes, être relevé que, aux considérants 510 et 703 de cette décision, la Commission a évoqué des exemples de tentatives d’entrée sur le marché ayant eu des effets sur les prix, en l’occurrence Eurex US et Turquoise. Toutefois, ces exemples ne sauraient illustrer une puissance d’achat des clients des mêmes parties, étant donné qu’ils ont trait à l’éventuelle pression concurrentielle exercée par des concurrents, laquelle n’a pas été valablement établie en l’espèce. Il convient, pour le même motif, de rejeter l’argument selon lequel, dans la mesure où la Commission a fait valoir que les tentatives avortées d’entrer sur le marché indiquaient que la pression n’était pas effective, elle ne saurait invoquer des exemples d’entrée des parties en cause n’ayant pas abouti pour prouver que ces dernières exerçaient une pression mutuelle sur leurs prix. S’agissant de l’exemple du projet Rainbow, il suffit de relever que la Commission l’a examiné, notamment aux considérants 1018 et 1019 de la même décision, la requérante n’apportant aucun élément permettant de réfuter spécifiquement l’analyse de la Commission y figurant. Enfin, quant à l’argument selon lequel la Commission n’a pas analysé le fait que des clients qui sont des acteurs de premier plan sur les marchés de gré à gré transfèrent de la liquidité vers les marchés boursiers, il suffit de relever que la Commission a examiné la substituabilité des OTC et des ETD et que, ainsi qu’il ressort de l’examen de la première branche du présent moyen, c’est sans commettre d’erreur qu’elle a estimé que l’interchangeabilité des ETD et des OTC était, au mieux, limitée.

213    En second lieu, il convient d’écarter les arguments de la requérante visant à contester les cinq motifs par lesquels la Commission a réfuté l’existence d’une puissance d’achat de la part des clients à la concentration.

214    Premièrement, s’agissant du rapport dont la Commission a réfuté la pertinence au considérant 1012 de la décision attaquée, la requérante ne conteste pas que ledit rapport ne concerne que les OTC et non les ETD. Le fait que les OTC représenteraient 90 % de la négociation de produits dérivés est, à cet égard, sans influence, dès lors que, dans le cadre de l’examen de la première branche du présent moyen, la conclusion de la Commission quant au caractère limité aux ETD lookalikes de la substituabilité de ces deux catégories de produits n’a pas été considérée comme erronée. Quant au fait que ce rapport avait été invoqué aux fins de prouver que l’immense majorité des produits dérivés était détenue par quatorze opérateurs, il est sans influence sur la circonstance que ledit rapport est sans pertinence dans le contexte des ETD.

215    Deuxièmement, s’agissant de l’affirmation, figurant au considérant 1013 de la décision attaquée, selon laquelle, une fois que les bourses ont réussi à attirer la liquidité, aucun négociant ne considère comme opportun de déplacer toute son activité sur les marchés de gré à gré sur lesquels il ne peut pas bénéficier de tels avantages, la requérante se borne à faire valoir que ladite affirmation est contredite par plusieurs réponses apportées lors de l’enquête de marché, dans lesquelles des négociants ont indiqué qu’ils se tourneraient vers les OTC pour échapper à une hausse des prix de 5 à 10 %. Toutefois, la requérante n’indique pas à quelles réponses elle fait allusion et se limite à renvoyer à cet égard à un autre point de la requête, lequel ne concerne cependant pas lesdites réponses. Elle n’apporte, en outre, aucun élément remettant en cause les propos [confidentiel] de NYSE Euronext lors de l’audition, évoqués audit considérant par la Commission au soutien de son affirmation. En tout état de cause, ainsi qu’il a déjà été constaté au point 84 ci-dessus, la considération de la Commission selon laquelle il est peu probable que le groupe de clients qui ne négocie que des ETD bascule vers des OTC en réaction à une hausse de 5 à 10 % du coût global de négociation des ETD, n’est pas incorrecte. Au demeurant, aucun élément du dossier ne permet de considérer que l’affirmation en cause serait manifestement erronée.

216    Troisièmement, s’agissant de l’affirmation figurant au considérant 1014 de la décision attaquée, selon laquelle les clients des parties à la concentration ne sont pas simultanément leurs concurrents, ni propriétaires de leurs concurrents, l’argumentation de la requérante reprochant à la Commission de ne pas avoir tenu compte des OTC dans la définition du marché ne saurait prospérer, dans la mesure où l’examen de la première branche du présent moyen n’a révélé aucune erreur d’appréciation dans la définition du marché en cause. En particulier, il convient de nouveau de rappeler que l’argument de la requérante selon lequel l’enquête de marché aurait conclu que les clients percevaient les OTC comme des substituts vers lesquels ils se tourneraient pour éviter une hausse de 5 à 10 % des ETD a déjà été écarté (voir point 84 ci-dessus).

217    Quatrièmement, il convient d’écarter les arguments de la requérante relatifs à l’affirmation, figurant au considérant 1015 de la décision attaquée, selon laquelle ce n’est pas la puissance d’achat, mais plutôt [confidentiel], lesquels ont donc communiqué leurs observations de façon anonyme, par le biais de l’AFME, « dans le souci d’éviter la détérioration des relations commerciales des membres individuels qui dépendent des parties pour leur gestion courante ». Cette affirmation n’est en effet pas remise en cause par la circonstance, évoquée par la requérante, que l’AFME aurait indiqué lors de l’audition [confidentiel]. En effet, l’existence [confidentiel] ne permet pas de réfuter l’existence de la crainte de certains clients importants de voir se détériorer leurs relations commerciales avec les parties à la concentration. Quant à l’allégation de la requérante selon laquelle cet argument aurait dû être évoqué dans la communication des griefs, il suffit de relever qu’il a été évoqué lors de la réunion du 23 novembre 2011, donc postérieurement à la communication des griefs et, en tout état de cause, qu’il était loisible auxdites parties de présenter leur point de vue à cet égard, lors de cette réunion ou postérieurement à celle-ci.

218    Cinquièmement, s’agissant des affirmations figurant au considérant 1016 de la décision attaquée, selon lesquelles les parties à la concentration ne semblent pas affirmer qu’un négociateur particulier pourrait déplacer seul ses activités ailleurs et donc exercer une puissance compensatrice, mais plutôt que cela pourrait être le fait d’une action collective et qu’elles n’ont cité aucun exemple de cas antérieurs d’un tel déplacement de masse à la suite d’une action coordonnée, aucun des arguments de la requérante ne permet de les remettre en cause. Tout d’abord, ces affirmations ne sont pas en contradiction avec celle, figurant au considérant 518 de ladite décision, selon laquelle la simple menace d’un transfert intégral ou partiel de la liquidité vers une autre plate-forme constitue une pression crédible sur le comportement concurrentiel des bourses. En effet, si, avant la concentration, une menace de transfert peut constituer une menace concurrentielle, l’existence d’une puissance compensatrice après la concentration reste à démontrer. À cet égard, il importe de rappeler que, ainsi qu’il ressort du considérant 1017 de cette décision, à supposer que les clients puissent coordonner leurs efforts afin de déplacer la liquidité vers une plate-forme concurrente existante, la plate-forme qui aurait le plus de chances d’être choisie serait celle de l’autre partie à la concentration. Or, cette option disparaîtrait du fait de l’opération de concentration. Quant aux trois réponses à l’enquête de marché citées par la requérante, deux d’entre elles illustrent une concurrence entre lesdites parties. S’agissant de la troisième, il en ressort que l’entité interrogée n’a pas observé beaucoup d’exemples de transfert de liquidité entre ces parties ni au regard d’autres plates-formes et n’a cité que l’exemple des produits dérivés de taux d’intérêt où les volumes afférents à l’eurodollar avaient migré vers ELX, après que cette bourse avait proposé un dispositif de rabais significatif. Ceux-ci ne sont, en tout état de cause, pas concernés par la décision attaquée, qui n’a trait qu’aux produits dérivés de taux d’intérêt européens et non aux produits dérivés de taux d’intérêt américains. Le fait que la même décision évoque, en son considérant 509, la circonstance que Liffe et ELX ont essayé de faire concurrence à l’eurodollar est sans influence à cet égard.

219    Il s’ensuit que le troisième grief doit être écarté.

–       Sur le quatrième grief

220    La requérante soutient que les clients des parties à la concentration disposent, dans la mesure où ils agissent en tant qu’agents, de nombreux moyens pour orienter les négociations des utilisateurs finals vers une bourse ou pour les en détourner. La Commission n’aurait ainsi pas tenu compte du pouvoir de ces clients de fixer le coût global de négociation facturé auxdits utilisateurs pour une large gamme de produits, les commissions facturées aux clients desdites parties ne constituant qu’un élément mineur de ce coût.

221    À cet égard, en premier lieu, il convient de relever qu’il ressort du considérant 337 de la décision attaquée que l’enquête de marché a montré que la négociation de produits dérivés fortement liquides était bien moins coûteuse en bourse que la négociation de contrats offrant une exposition économique similaire sur le marché de gré à gré. Il ressort également dudit considérant que, dans un document élaboré par la requérante, du point de vue du « client », la négociation en bourse est environ huit fois moins coûteuse que la négociation de gré à gré et que les frais de transaction des ETD sont particulièrement peu élevés. À cet égard, il doit toutefois être relevé que cette différence concerne le coût pour l’utilisateur final et non le coût pour les clients des bourses (voir point 116 ci-dessus). Néanmoins, interrogée à cet égard par le Tribunal, la requérante n’a pas apporté d’élément permettant de considérer qu’aucune différence substantielle de coût entre la négociation en bourse et la négociation de gré à gré n’existerait du point du vue des clients des parties à la concentration, ce qu’aucune pièce du dossier ne permet d’ailleurs de démontrer.

222    En deuxième lieu, il doit être noté que, ainsi qu’il découle du considérant 367 de la décision attaquée, la Commission a conclu, et ce à bon droit, ainsi qu’il ressort de l’examen de la première branche du présent moyen, que la capacité à remplacer directement des ETD par des OTC se limitait, au mieux, aux ETD lookalikes, même dans le cas des clients qui négociaient à la fois des ETD et des OTC.

223    En dernier lieu, il est à rappeler que, dans son appréciation de l’argumentation des parties à la concentration, selon laquelle leurs principaux clients jouent le rôle d’agents pour leurs clients qui ne sont pas des membres directs des bourses et exercent un pouvoir considérable sur les places boursières, la Commission a, au considérant 375 de la décision attaquée, souligné que l’enquête de marché avait fourni de nombreux éléments de preuve démontrant que « les clients [des courtiers laissaient] rarement leurs courtiers prendre la décision de négocier ou non de gré à gré, lorsque les deux voies [étaient] possibles [….] [,] presque tous les participants à l’enquête [ayant] déclaré indiquer le mécanisme d’exécution choisi (en bourse ou de gré à gré) lorsqu’ils [négociaient] des contrats dérivés par l’intermédiaire de leurs courtiers ». Elle s’est fondée, à cet égard, sur des déclarations d’acteurs du marché, dont la requérante n’a pas valablement remis en cause la véracité ou le caractère probant.

224    Au regard de ces éléments, l’argument de la requérante selon lequel les clients des parties à la concentration qui sont capables de proposer et de fixer le coût global d’une négociation en bourse ou de gré à gré et sont donc idéalement placés pour fixer les paramètres sur lesquels les utilisateurs finals se fonderont pour choisir où et comment négocier, ne peut qu’être écarté. En effet, non seulement il ressort de ce qui précède (voir notamment point 221 ci-dessus) que le coût de la négociation de gré à gré est, du point de vue des utilisateurs finals, largement supérieur à celui de la négociation en bourse, mais que, de surcroît, les utilisateurs finals laissent rarement leurs courtiers prendre la décision de négocier ou non de gré à gré. C’est donc à tort que la requérante fait valoir que, en ce qu’ils décident où et comment négocier, les clients des parties à la concentration exercent sur ces dernières une pression décisive.

225    Au surplus, et en tout état de cause, force est de constater que, dans le cadre de l’exposé de ce grief, la requérante procède par pure affirmation et n’apporte aucun élément de preuve permettant de l’étayer valablement. En particulier, elle n’avance, dans la requête, aucune preuve permettant de démontrer à suffisance de droit que les clients des parties à la concentration disposent de moyens pour orienter les négociations des utilisateurs finals vers une bourse ou pour les en détourner.

226    Il s’ensuit que le quatrième grief doit être écarté.

–       Sur le cinquième grief

227    La requérante fait valoir que la Commission n’a pas tenu compte de la menace que font peser sur la concurrence les courtiers-négociants, qui sont en mesure de créer des plates-formes concurrentes et de capter les négociations des utilisateurs finals ainsi que la liquidité en vue de les faire basculer vers ces plates-formes.

228    À cet égard, il doit être relevé que, dans la décision attaquée, la Commission a vérifié si l’éventuelle pression concurrentielle exercée par les plates-formes de négociation de gré à gré, les courtiers-négociants et les courtiers intermédiaires signifiait que les OTC exerçaient une pression concurrentielle sur les ETD. En particulier, aux considérants 374 à 384 de ladite décision, elle a examiné les arguments avancés par les parties à la concentration concernant les courtiers-négociants et a, en substance, considéré que les courtiers intermédiaires et les courtiers-négociants ne jouaient pas un rôle de gardiens acheminant les transactions vers les bourses ou le marché de gré à gré. Elle a conclu, comme il découle du considérant 390 de cette décision, que les plates-formes de négociation de gré à gré, les courtiers intermédiaires, les courtiers-négociants et les plates-formes de formation des prix de gré à gré exerçaient leurs activités dans un espace distinct de celui des marchés réglementés et qu’ils se concentraient généralement sur les transactions de gré à gré qui ne pouvaient pas être exécutées sur les carnets d’ordres des bourses, soit parce que les contrats portaient sur d’importants volumes, soit parce qu’ils n’étaient pas suffisamment standardisés pour être admis à la négociation en bourse. Elle a par ailleurs affirmé que ces participants au marché ne faisaient pas office de gardiens. En conséquence, elle a estimé que leur existence ne permettait pas de prouver une interaction concurrentielle significative entre les OTC et les ETD.

229    Force est donc de constater, en premier lieu, que c’est à tort que la requérante soutient que la Commission n’a pas tenu compte de la menace que faisaient peser sur la concurrence les courtiers-négociants, dès lors que, ainsi qu’il ressort du point 228 ci-dessus, elle a examiné cet aspect.

230    En deuxième lieu, s’agissant de l’allégation selon laquelle les courtiers-négociants seraient en mesure d’instituer des plates-formes concurrentes et de capter les négociations des utilisateurs finals et la liquidité en vue de les faire basculer vers ces plates-formes, il doit être relevé que, ainsi que l’indique la Commission dans le mémoire en défense sans être contestée par la requérante, les plates-formes qui seraient mises en place seraient des plates-formes de négociation de gré à gré traitant des OTC et non des ETD. Dès lors que la requérante n’a avancé aucun élément permettant de remettre en cause, ainsi qu’il ressort de l’ensemble de l’examen de la première branche du présent moyen, la conclusion de la Commission selon laquelle la substituabilité des OTC et des ETD est, au mieux, limitée, l’argument selon lequel les courtiers-négociants seraient en mesure d’exercer une pression concurrentielle doit être écarté.

231    En tout état de cause, la requérante n’apporte, dans la requête, aucun élément de preuve afin d’étayer l’allégation en question et permettant de remettre en cause les considérations formulées par la Commission. En particulier, elle n’a avancé aucun élément visant à remettre en cause l’appréciation, figurant au considérant 375 de la décision attaquée, selon laquelle l’enquête de marché avait fourni de nombreux éléments de preuve démontrant que les clients laissaient rarement leurs courtiers prendre la décision de négocier ou non de gré à gré, lorsque les deux voies étaient possibles, ou celle selon laquelle les courtiers-négociants et les courtiers intermédiaires focalisaient leur attention sur le marché de gré à gré. Elle se borne, en effet, à affirmer, dans la requête, que leur situation est exceptionnelle en ce qu’ils peuvent rivaliser directement avec les parties à la concentration en instituant des plates-formes concurrentes vers lesquelles ils peuvent drainer les négociations des utilisateurs finals, sans apporter les éléments permettant de le démontrer. À cet égard, l’affirmation de la requérante selon laquelle les courtiers-négociants détermineraient le coût marginal de substitution pour leurs clients et proposeraient des écarts de cours plus attractifs ne permet pas de remettre en cause les conclusions de la Commission, fondées sur les résultats de l’enquête de marché. Quant à l’article de presse, daté du 13 novembre 2012, évoqué par la requérante dans la réplique pour confirmer la capacité des clients desdites parties à instituer des plates-formes concurrentes, il suffit de constater qu’il est postérieur à la décision attaquée, de sorte qu’il ne saurait être pris en compte aux fins de l’appréciation de sa légalité.

232    En dernier lieu, s’agissant des plates-formes ELX, BATS et Turquoise, la requérante estime que celles-ci illustrent cette menace concurrentielle. Toutefois, elle n’apporte aucun élément permettant de remettre en cause les considérations figurant dans la décision attaquée, notamment, à ses considérants 789 à 794, 869 à 879 et 985 à 1004, dont il ressort, en substance, qu’il est peu probable que de telles plates-formes, y compris avec le soutien des clients des parties à la concentration, constituent une pression concurrentielle, en particulier en raison des barrières existant à l’entrée, et qui sont fondées sur les résultats de l’enquête de marché. Elle se borne en effet à indiquer que la Commission sait pertinemment que les propriétaires de ces plates-formes sont les plus importants clients desdites parties et à renvoyer aux diapositives présentées lors de l’audition.

233    Le cinquième grief doit donc être écarté, ainsi que, par voie de conséquence, la seconde branche dans son intégralité.

234    Il découle de l’ensemble de ce qui précède que le premier moyen doit être rejeté.

 Sur le deuxième moyen, tiré d’erreurs de droit et d’appréciation concernant les gains d’efficacité

235    Ce moyen comporte, en substance, quatre branches, relatives, la première, à la communication des éléments relatifs aux gains d’efficacité, la deuxième, aux économies en termes de garanties, la troisième, aux effets sur la liquidité et, la quatrième, aux économies sur les coûts informatiques et d’infrastructure.

236    Avant d’examiner ces branches, il convient de relever que, aux termes du considérant 29 du règlement n° 139/2004 :

« Pour déterminer l’effet d’une concentration sur la structure de la concurrence dans le marché commun, il convient de tenir compte des gains d’efficacité probables démontrés par les entreprises concernées. Il est possible que les gains d’efficacité résultant de la concentration contrebalancent les effets sur la concurrence, et notamment le préjudice potentiel pour les consommateurs, qu’elle aurait sinon pu avoir et que, de ce fait, celle-ci n’entrave pas de manière significative une concurrence effective dans le marché commun ou une partie substantielle de celui-ci, notamment du fait de la création ou du renforcement d’une position dominante. La Commission devrait publier des orientations sur les conditions dans lesquelles elle peut prendre en considération des gains d’efficacité dans l’appréciation d’une concentration. »

237    Les orientations de la Commission mentionnées au considérant 29 du règlement n° 139/2004 sont présentées aux paragraphes 76 à 88 des lignes directrices de 2004.

238    Le paragraphe 78 des lignes directrices de 2004 indique que, pour que la Commission tienne compte des gains d’efficacité invoqués dans le cadre de son appréciation d’une concentration et soit en position de conclure que, grâce à ces gains, rien ne s’oppose à ce que l’opération soit déclarée compatible avec le marché commun, ces gains doivent être à l’avantage des consommateurs, être propres à la concentration et être vérifiables. Ces conditions sont cumulatives.

239    Il convient enfin de rappeler que, aux termes du paragraphe 84, in fine, des lignes directrices de 2004, il est hautement improbable qu’une opération qui débouche sur une position proche du monopole, ou sur un niveau de pouvoir de marché comparable, puisse être déclarée compatible avec le marché commun au motif que les gains d’efficacité suffiraient à contrebalancer ses effets anticoncurrentiels potentiels.

 Sur la première branche, relative à la communication des éléments relatifs aux gains d’efficacité

240    La requérante conteste l’allégation de la Commission selon laquelle les arguments relatifs aux gains d’efficacité n’ont pas été convenablement soumis. Cette allégation n’ayant pas été soulevée par la Commission au cours de la procédure, les droits de la défense des parties à la concentration auraient été violés.

241    À cet égard, il convient de relever, d’une part, que, au considérant 1152 de la décision attaquée, la Commission a indiqué que les premières informations détaillées sur les gains d’efficacité n’avaient été fournies que 21 jours après le début de la procédure, des informations complémentaires ayant été communiquées plus tardivement encore au cours de la procédure, tandis que les dernières informations avaient été communiquées 90 jours ouvrables après le début de la procédure – donc à un stade très avancé de celle-ci. Elle a estimé que, compte tenu du caractère tardif de la communication de ces données, de leur volume important, de leur nature fortement complexe et des ressources limitées dont elle disposait pour examiner les allégations dans les délais prévus par l’article 10 du règlement n° 139/2004, les allégations relatives aux gains d’efficacité n’avaient pas été présentées de manière appropriée.

242    Il convient de relever, d’autre part, que, ainsi qu’il ressort de la décision attaquée, et en particulier de ses considérants 1153 et 1160, la Commission a néanmoins procédé à l’examen des allégations des parties à la concentration relatives aux gains d’efficacité.

243    Force est donc de constater que la présente branche ne peut qu’être écartée. La Commission n’a en effet tiré aucune conséquence susceptible de faire grief à la requérante du constat figurant au considérant 1152 de la décision attaquée, dès lors qu’elle a examiné les allégations des parties à la concentration, alors même qu’elle estimait qu’elles n’avaient pas été soumises correctement.

244    La première branche doit donc être écartée.

 Sur la deuxième branche, relative aux économies en termes de garanties

245    Dans le cadre de cette branche, la requérante avance, en substance, cinq griefs.

–       Sur le premier grief

246    La requérante fait valoir que la Commission a violé les droits de la défense des parties à la concentration en ce qu’elle s’est écartée de l’analyse figurant dans la communication des griefs sans mettre lesdites parties en mesure de présenter des observations sur son examen des économies en termes de garanties. De surcroît, la Commission ne leur aurait pas préalablement communiqué ses calculs révisés des économies estimées pour leurs clients, ni donné la possibilité de s’exprimer à cet égard, violant ainsi leurs droits de la défense.

247    À cet égard, il y a lieu de rappeler que le respect des droits de la défense dans la conduite des procédures administratives en matière de politique de la concurrence constitue un principe général de droit de l’Union dont ses juridictions assurent le respect (voir arrêt de la Cour du 3 septembre 2009, Prym et Prym Consumer/Commission, C‑534/07 P, Rec. p. I‑7415, point 26, et la jurisprudence citée).

248    Pour les procédures de contrôle des opérations de concentration, régies par le règlement n° 139/2004, ce principe est posé à l’article 18, paragraphe 3, deuxième phrase, de ce dernier ainsi que, de manière plus précise, à l’article 13, paragraphe 2, du règlement (CE) n° 802/2004 de la Commission, du 7 avril 2004, concernant la mise en œuvre du règlement n° 139/2004 (JO L 133, p. 1). Ces dernières dispositions exigent notamment, en substance, la communication par écrit des objections de la Commission aux parties à la concentration, avec indication à ces dernières du délai dans lequel elles peuvent faire connaître leur point de vue par écrit (arrêt de la Cour du 10 juillet 2008, Bertelsmann et Sony Corporation of America/Impala, C‑413/06 P, Rec. p. I‑4951, point 62).

249    La communication des griefs est un document essentiel pour la mise en œuvre du principe du respect des droits de la défense (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 16 juillet 2009, Commission/Schneider Electric, C‑440/07 P, Rec. p. I‑6413, point 163).

250    Il s’agit d’un document de caractère procédural et préparatoire qui, en vue d’assurer l’exercice efficace des droits de la défense, circonscrit l’objet de la procédure administrative engagée par la Commission, empêchant ainsi cette dernière de retenir d’autres griefs dans sa décision mettant fin à la procédure concernée. Il est donc inhérent à la nature de cette communication d’être provisoire et susceptible de modifications lors de l’évaluation à laquelle la Commission procède ultérieurement sur la base des observations qui lui ont été présentées en réponse par les parties à la concentration ainsi que d’autres constatations factuelles. En effet, la Commission doit tenir compte des éléments résultant de l’intégralité de la procédure administrative soit pour abandonner des griefs qui seraient mal fondés, soit pour aménager et compléter tant en fait qu’en droit son argumentation à l’appui des griefs qu’elle retient. Ainsi, la communication des griefs n’empêche nullement la Commission de modifier sa position en faveur des entreprises concernées (voir, en ce sens, arrêt Bertelsmann et Sony Corporation of America/Impala, point 248 supra, point 63).

251    Il s’ensuit que la Commission n’est pas liée au maintien des appréciations de fait ou de droit portées dans ce document. Au contraire, elle doit motiver sa décision finale par ses appréciations définitives fondées sur les résultats de l’intégralité de son enquête tels qu’ils se présentent au moment de la clôture de la procédure formelle et n’est pas tenue d’expliquer les différences éventuelles par rapport à ses appréciations provisoires contenues dans la communication des griefs (arrêt Bertelsmann et Sony Corporation of America/Impala, point 248 supra, points 64 et 65).

252    Il n’en demeure pas moins que l’article 18, paragraphe 3, du règlement n° 139/2004 implique que, lorsque la Commission constate au cours de la procédure d’examen approfondi, postérieurement à la communication des griefs, qu’un problème de concurrence susceptible d’aboutir à une déclaration d’incompatibilité n’a pas été ou a été insuffisamment énoncé dans cette communication, elle doit ou bien renoncer à ce grief au stade de sa décision finale, ou bien mettre les entreprises concernées en mesure de formuler, avant celle-ci, toutes observations sur le fond et propositions de mesures correctives utiles (arrêt Commission/Schneider Electric, point 249 supra, point 165).

253    En l’espèce, il doit être relevé que, lors de la notification du projet de concentration, les parties à la concentration estimaient que les économies en termes de garanties s’élèveraient à 3,1 milliards d’euros.

254    Dans la communication des griefs, la Commission a considéré, au paragraphe 573, que cette somme ne représentait pas des gains réels pour les clients des parties à la concentration. Elle a estimé, comme il ressort du paragraphe 575 de ladite communication, que c’était le coût d’opportunité lié à la détention de liquidités ou de valeurs mobilières déposées en garantie qui constituait l’indicateur pertinent permettant de mesurer les économies réelles de coûts à la suite d’une baisse des exigences en termes de garanties. Au paragraphe 583 de cette communication, elle a relevé qu’un coût d’opportunité de 5 % constituait une estimation prudente et une limite supérieure stricte pour le bénéfice réel obtenu par les clients desdites parties s’ils devaient constituer moins de garanties en espèces ou sous forme de titres. Partant, en supposant que les 3,1 milliards d’euros d’économies en termes de garanties nominales allégués par ces parties devaient servir de base, elle a considéré qu’un coût d’opportunité de 5 % entraînerait une économie de coûts de 155 millions d’euros.

255    Dans leur réponse à la communication des griefs, les parties à la concentration ont admis que les économies réelles de coûts dont bénéficiaient leurs clients étaient déterminées par le coût d’opportunité lié à la détention de numéraire ou de garanties, et non par les économies de garanties en tant que telles.

256    Dans la décision attaquée, la Commission a estimé, ainsi qu’il ressort du considérant 1196 de celle-ci, que le gain d’efficacité final devrait osciller dans une fourchette comprise entre [confidentiel] et [confidentiel] millions d’euros si la fourchette alléguée de 3,1 milliards d’euros d’économies en termes de garanties nominales était retenue comme base du calcul du coût d’opportunité.

257    En l’espèce, la requérante critique, dans la requête, le fait que la Commission ne lui a pas communiqué les calculs révisés, dont il ressort que l’économie en termes de garanties serait comprise dans cette fourchette et ne s’élèverait donc pas à 155 millions d’euros comme cela est indiqué dans la communication des griefs.

258    À cet égard, il suffit de rappeler que la Commission n’est pas liée au maintien des appréciations de fait ou de droit portées dans la communication des griefs. Au contraire, elle doit motiver sa décision finale par ses appréciations définitives basées sur les résultats de l’intégralité de son enquête tels qu’ils se présentent au moment de la clôture de la procédure formelle et n’est pas tenue d’expliquer les différences éventuelles par rapport à ses appréciations provisoires contenues dans la communication des griefs (arrêt Bertelsmann et Sony Corporation of America/Impala, point 248 supra, points 64 et 65).

259    En tout état de cause, il doit être relevé que la différence existant entre le montant des économies retenu dans la communication des griefs et celui retenu finalement dans la décision attaquée est due au fait que, dans ladite décision, la Commission a conclu à l’existence d’un coût d’opportunité compris entre [confidentiel] et [confidentiel] % et non de 5 % comme cela a été initialement indiqué. Elle a en effet soustrait, ainsi qu’il ressort des considérants 1194 à 1196 de cette décision, du coût du capital de 5 %, les gains tirés des espèces et des titres versés en garanties.

260    Or, force est de constater que, dans la communication des griefs, la Commission avait clairement indiqué qu’elle « supposait » que le coût d’opportunité de 5 % était une hypothèse « prudente » et constituait une « limite supérieure stricte ». Il ressort donc clairement de ladite communication que la Commission ne s’est pas prononcée définitivement sur cet aspect.

261    Il appartenait ainsi aux parties à la concentration d’apporter, à la suite de la notification de la communication des griefs, les éléments permettant de déterminer avec précision ce taux.

262    En effet, ainsi qu’il ressort du paragraphe 87 des lignes directrices de 2004, il appartient aux parties à la concentration de communiquer, en temps utile, toutes les informations nécessaires afin de prouver que les gains d’efficacité allégués sont propres à l’opération et ont des chances de se réaliser. De même, c’est à elles qu’il incombe de démontrer que les gains d’efficacité sont susceptibles de contrer les effets négatifs que l’opération pourrait, à défaut, produire sur la concurrence, et donc de profiter aux consommateurs.

263    En outre, il est à noter que la question du calcul des gains d’efficacité a été abordée lors de la réunion du 23 novembre 2011. Il ressort ainsi du compte rendu de cette réunion que les représentants de la Commission estimaient que le coût d’opportunité était inférieur à 5 %. À cet égard, ils prenaient en compte, en substance, la rémunération de la garantie versée. À la suite de cette réunion, la requérante a indiqué à la Commission, le 1er décembre 2011, que cette dernière semblait se fonder sur des éléments de preuve et des arguments nouveaux, qui ne lui avaient pas été régulièrement communiqués. Le 8 décembre 2011, tout en communiquant aux parties à la concentration un projet de compte rendu de la réunion ainsi que les éléments distribués lors de celle-ci, la Commission a réfuté l’allégation selon laquelle son économiste en chef au sein de la DG « Concurrence » aurait présenté de tels éléments nouveaux. Elle a néanmoins invité lesdites parties à présenter d’éventuels commentaires.

264    Enfin, il convient de rejeter l’argument de la requérante selon lequel la Commission n’aurait pas expliqué pourquoi elle a utilisé des approches différentes pour estimer les économies en termes de garanties selon que le capital était composé de valeurs mobilières ou de numéraire. En effet, les motifs pour lesquels la Commission a apprécié différemment lesdites économies ressortent clairement des paragraphes 573 et 574 de la communication des griefs, ainsi que des considérants 1194 et 1195 de la décision attaquée.

265    Il résulte de l’ensemble de ce qui précède que les parties à la concentration ont été mises en mesure de prendre position sur la question du calcul des économies en termes de garanties.

266    Le grief pris d’une violation des droits de la défense doit donc être écarté.

–       Sur le deuxième grief

267    La requérante prétend que la conclusion de la Commission selon laquelle les parties à la concentration pourraient récupérer au moins une partie des économies en termes de garanties n’est pas compatible avec les lignes directrices de 2004 et constitue une erreur manifeste.

268    À cet égard, il convient de rappeler que, aux termes du paragraphe 79 des lignes directrices de 2004 :

« Lors de l’appréciation des arguments tirés des gains d’efficacité, il importe de vérifier que les consommateurs ne seront pas dans une moins bonne situation si l’opération a lieu. À cet effet, les gains d’efficacité doivent être importants, se matérialiser en temps utile et doivent, en principe, être à l’avantage des consommateurs qui sont sur les marchés où, à défaut de tels gains, l’opération soulèverait probablement des problèmes de concurrence. »

269    Le paragraphe 84 des lignes directrices de 2004 se lit comme suit :

« L’incitation de la nouvelle entité issue de l’opération à répercuter les gains d’efficacité sur les consommateurs est souvent liée à l’existence de pressions concurrentielles exercées par les autres entreprises présentes sur le marché et par les concurrents potentiels. Plus les effets négatifs potentiels sur la concurrence sont importants, plus la Commission doit s’assurer que les gains d’efficacité allégués sont élevés, que leur matérialisation est probable et qu’ils seront répercutés suffisamment sur les consommateurs. Il est hautement improbable qu’une opération qui débouche sur une position proche du monopole, ou sur un niveau de pouvoir de marché comparable, puisse être déclarée compatible avec le marché commun au motif que les gains d’efficacité suffiraient à contrebalancer ses effets anticoncurrentiels potentiels. »

270    Il convient enfin de relever que la Commission a examiné, aux considérants 1234 à 1242 de la décision attaquée, si les économies en termes de garanties profiteraient aux consommateurs. Elle a, en substance, indiqué, au considérant 1241 de ladite décision, que lesdites économies concernaient directement des marchés où des problèmes de concurrence avaient été constatés et que, du fait que les parties à la concentration pouvaient exercer une discrimination par les prix, à tout le moins partielle, il apparaissait probable que seule une partie de ces économies reviendrait aux utilisateurs. Elle a conclu, au considérant 1242 de cette décision, qu’il était possible qu’une fraction des avantages soit répercutée sur les clients, mais qu’il était impossible de déterminer l’ampleur de cet effet à partir des données disponibles.

271    En l’espèce, il convient, à titre liminaire, d’écarter l’assertion de la requérante selon laquelle la Commission a rejeté les éléments prouvant que les économies en termes de garanties donnaient lieu à des gains vérifiables pour les clients, celle-ci reposant sur une lecture controuvée de la décision attaquée. En effet, la Commission a expressément reconnu, dans ladite décision, l’existence de gains vérifiables dont les clients pourraient bénéficier. Ainsi, il ressort du considérant 1243 de cette décision que la Commission a estimé probable que certains gains d’efficacité reviendraient aux clients du fait de l’augmentation des possibilités de marges croisées, qui se traduiraient, dès lors, par des économies en termes de garanties. La Commission a néanmoins estimé, comme il ressort du même considérant, que certains de ces gains d’efficacité pourraient être obtenus, bien que dans une mesure différente, au moyen d’alternatives moins anticoncurrentielles et qu’il était possible qu’une fraction desdits gains soit répercutée sur les clients, mais qu’il était impossible de déterminer l’ampleur de cet effet.

272    Ensuite, force est de constater qu’aucun des arguments avancés par la requérante ne permet de remettre en cause l’appréciation de la Commission.

273    En premier lieu, s’agissant de l’argument selon lequel les lignes directrices de 2004 exigent seulement de démontrer que les gains d’efficacité soient à l’avantage des clients et non qu’ils puissent être récupérés, celui-ci ne peut qu’être écarté. En effet, à la note en bas de page n° 1001 de la décision attaquée, la Commission a indiqué, en renvoyant aux paragraphes 79, 80 et 84 desdites lignes directrices, que, même si des économies de coût étaient réalisées du côté des clients, elles ne pouvaient pas être prises en compte en tant que gains d’efficacité si elles étaient récupérées par l’entité issue de la concentration. Or, d’une part, aucun élément de ces lignes directrices n’indique que la Commission ne pourrait pas prendre en compte le fait que les gains d’efficacité issus de la concentration peuvent, en tout ou partie, être récupérés. D’autre part, il peut être déduit des mêmes lignes directrices que lesdits gains peuvent n’être répercutés que partiellement et donc qu’ils peuvent être récupérés par les parties à la concentration, étant donné qu’il est indiqué, au paragraphe 84 des lignes directrices en cause, que la Commission doit s’assurer que les gains d’efficacité seront « suffisamment » répercutés sur les consommateurs, et ce sans distinguer en fonction de la nature ou de la forme de ces gains. Par ailleurs, contrairement à ce que prétend la requérante, ce n’est pas uniquement lorsque les gains en cause revêtent la forme de baisses de coûts pour l’entité résultant de la concentration que lesdites parties doivent démontrer que ces baisses seront répercutées sur les clients et non conservées par elles. En effet, cela ne ressort pas explicitement des mêmes lignes directrices et, en tout état de cause, la Commission doit s’assurer de l’effet global de la concentration, et, notamment, de ce que certains gains consistant en des baisses de coûts pour les clients ne puissent pas, par ailleurs, être récupérés. Il convient, par identité de motifs, de rejeter l’argument, avancé au stade de la réplique, selon lequel la répercussion n’est pertinente que lorsque l’entité issue de la concentration détient une chose susceptible d’être transférée vers un client.

274    En second lieu, s’agissant de l’argument par lequel la requérante conteste le fait que la Commission ait opéré une appréciation des effets de la concentration sur la concurrence distincte de celle des gains d’efficacité, trois allégations sont, en substance, avancées.

275    Concernant, premièrement, l’allégation selon laquelle rien dans les lignes directrices de 2004 n’étaye le fait que l’évaluation des gains d’efficacité doive être effectuée de manière distincte de l’examen des effets de la concentration sur la concurrence, il doit être relevé pour l’écarter qu’aucune disposition desdites lignes directrices ne s’oppose à une telle analyse séparée. En outre, comme il ressort, à juste titre, du paragraphe 76 desdites lignes directrices, il est possible que les gains d’efficacité résultant d’une concentration contrebalancent les effets sur la concurrence, et, notamment, le préjudice potentiel pour les consommateurs que ladite concentration aurait sinon pu avoir. Afin de vérifier si ces effets sont contrebalancés par ces gains, il est possible, voire nécessaire, pour la Commission d’évaluer ceux-ci séparément, en deux temps, et pas nécessairement et uniquement de manière globale. La circonstance que l’évaluation des gains d’efficacité est un des éléments à prendre en compte dans le cadre de l’examen global de la concentration, comme l’indique la requérante, n’est pas en mesure de remettre en cause ce constat, la requérante n’indiquant d’ailleurs pas dans quelle mesure cela serait le cas. Quant à l’argument, selon lequel, en procédant ainsi, la Commission impose aux parties à la concentration de prouver qu’elles ne sont pas en mesure de récupérer les gains d’efficacité en augmentant les prix, déplaçant ainsi la charge de la preuve de l’établissement des effets anticoncurrentiels sur lesdites parties, il ne peut qu’être rejeté. En effet, la question de la démonstration des effets anticoncurrentiels, laquelle incombe à la Commission, diffère de celle de la démonstration du fait que les gains d’efficacité sont à l’avantage des consommateurs, propres à la concentration et vérifiables, laquelle incombe à ces parties, ainsi qu’il ressort, en substance, du paragraphe 87 de ces lignes directrices.

276    Concernant, deuxièmement, l’allégation selon laquelle les lignes directrices de 2004 indiquent que la notion de répercussion signifie que, si une concentration génère des baisses de coûts pour les parties à celle-ci, il doit être probable qu’elles répercutent ces baisses sur leurs clients, elle doit être écartée, dès lors que la requérante n’indique pas dans quelle mesure cela serait incompatible avec l’analyse effectuée par la Commission. En particulier, le fait que des baisses de coûts desdites parties peuvent être répercutées sur les clients n’empêche pas que ces parties puissent, par ailleurs, récupérer ces gains. Quant à la circonstance que la notion de répercussion est pertinente, comme le souligne à juste titre la Commission au considérant 1237 de la décision attaquée, elle est sans influence sur la possibilité de tenir également compte de celle de récupération.

277    Concernant, troisièmement, l’allégation selon laquelle la Commission ne saurait se fonder sur une analyse en deux temps (à savoir une analyse distincte des effets de la concentration sur la concurrence et de celle des gains d’efficacité), dans la mesure où elle n’a pas effectué d’examen de l’incidence sur les prix, il suffit de constater pour l’écarter que l’argumentation de la requérante relative à l’absence d’examen de la hausse des prix est écartée dans le cadre du quatrième grief de la présente branche (voir points 290 à 296 ci-après).

278    En troisième lieu, s’agissant de l’argument selon lequel la Commission a fondé à tort sa théorie de la récupération sur le postulat selon lequel les parties à la concentration pourraient augmenter le montant des commissions explicites sur l’ensemble des services et produits complémentaires qu’elles proposeraient aux clients et de l’argument selon lequel, aux fins de l’analyse de la récupération, il est nécessaire d’examiner si la récupération des économies en termes de garanties serait rentable, la requérante n’explique pas dans quelle mesure ils seraient en mesure de remettre en cause l’examen de la Commission, lequel n’aboutit pas à la conclusion selon laquelle tous les gains seraient récupérés, mais que seule une partie d’entre eux le seraient, dans une mesure qu’il n’est pas possible de déterminer. Il convient donc de les écarter.

279    En dernier lieu, il convient, en tout état de cause, de relever qu’il ressort des considérants 1340 et 1342 de la décision attaquée, ainsi que de la note en bas de page n° 1144 de celle-ci, que, même à supposer que le montant total des gains allégués ait été propre à la concentration et ait profité aux clients, ces gains ne seraient pas suffisants pour contrer les restrictions significatives à une concurrence effective qui résulteraient de la concentration. Aussi, même à supposer que l’examen de la Commission concernant la récupération d’une partie du montant de ces gains par les parties à la concentration soit erroné, cela ne remettrait pas en cause l’appréciation de la Commission selon laquelle ces gains ne peuvent contrebalancer les effets de la concentration sur la concurrence.

280    Il découle de ce qui précède que le deuxième grief doit être écarté.

–       Sur le troisième grief

281    La requérante soutient que le rejet par la Commission d’une partie des économies en termes de garanties, au motif que celles-ci auraient pu être obtenues par des moyens moins anticoncurrentiels, contrevient aux lignes directrices de 2004, n’est pas basé sur des éléments de preuve et constitue une erreur manifeste d’appréciation. D’une part, le postulat selon lequel les accords de compensation de marge étaient une pratique commerciale établie dans le secteur concerné serait inexact et la Commission n’aurait produit aucune preuve à cet égard. D’autre part, la Commission aurait enfreint le critère du caractère spécifique propre à la concentration énoncé dans lesdites lignes directrices. Ayant considéré que les parties à la concentration avaient démontré que les économies en termes de garanties ne pouvaient pas être obtenues dans une mesure analogue au moyen d’alternatives moins anticoncurrentielles, la Commission aurait dû conclure que l’intégralité de ces économies était causée par la concentration.

282    À cet égard, il doit être rappelé que, aux termes du paragraphe 85 des lignes directrices de 2004 :

« Les gains d’efficacité sont pertinents aux fins de l’analyse concurrentielle lorsqu’ils sont une conséquence directe de l’opération notifiée et ne peuvent être obtenus dans une mesure similaire au moyen d’alternatives moins anticoncurrentielles […] Dans ces circonstances, les gains d’efficacité sont considérés comme étant causés par la concentration et donc propres à celle-ci. Il incombe aux parties à l’opération de fournir en temps voulu toute l’information pertinente nécessaire pour démontrer qu’il n’y a pas d’alternatives réalistes et réalisables moins anticoncurrentielles que la concentration notifiée, de nature non concentrative […] ou concentrative […], qui préservent les gains d’efficacité allégués. La Commission tient seulement compte des alternatives qui sont raisonnablement praticables dans la situation commerciale où se trouvent les parties à la concentration au regard des pratiques établies dans le secteur d’activité concerné. »

283    Il convient également de relever que, afin d’apprécier si les économies en termes de garanties pouvaient être obtenues par des moyens moins anticoncurrentiels, la Commission a examiné, aux considérants 1228 à 1233 de la décision attaquée, les alternatives envisageables, à savoir, l’interopérabilité, l’externalisation et les accords de compensation de marge. Concernant ces derniers accords, elle a admis, au considérant 1232 de ladite décision, qu’il existait quelques cas dans lesquels lesdits accords avaient fonctionné en pratique et a estimé qu’il était possible de considérer que ces accords constituaient une pratique commerciale établie dans le secteur d’activité en cause. Cependant, elle a relevé qu’il était peu probable que les mêmes accords puissent générer un niveau de gains d’efficacité semblable à celui découlant de l’opération notifiée. Elle a conclu, au considérant 1233 de cette décision, que les parties à la concentration avaient démontré que les économies en termes de garanties ne pouvaient pas être obtenues au moyen d’alternatives moins anticoncurrentielles, mais a estimé que, compte tenu du fait qu’il existait certains accords autorisant des marges croisées, il était probable qu’une partie au moins de ces gains d’efficacité puisse être obtenue au moyen d’une alternative moins anticoncurrentielle que la concentration.

284    En l’espèce, en premier lieu, s’agissant de la contestation du fait que les accords de compensation de marge constituent une pratique commerciale établie dans le secteur concerné, il y a lieu de constater que, à cet égard, la Commission a relevé « qu’il exist[ait] quelques cas dans lesquels ces accords [avaient] fonctionné en pratique » et a évoqué, aux notes en bas de page nos 1049 et 1050 de la décision attaquée, deux exemples de tels accords, à savoir celui conclu entre Nasdaq OMX et LCH, ainsi que celui conclu entre le CME et l’OCC. En outre, les parties à la concentration ont elles-mêmes reconnu l’existence de tels accords, ainsi qu’il ressort du considérant 1217 de ladite décision, tout en indiquant que le nombre et la portée des accords conclus par le passé étaient limités. Enfin, la circonstance que les accords de compensation de marge ne constituent pas le modèle de compensation prévalant en Europe ou que lesdites parties ne sont pas incitées à en conclure, comme le souligne la requérante, n’implique pas qu’ils ne puissent constituer une alternative raisonnablement praticable dans la situation commerciale où se trouvent ces parties au regard des pratiques établies dans le secteur d’activité concerné. À cet égard, il convient de préciser que, compte tenu des exemples d’accords fournis par la Commission dans cette décision et de la reconnaissance par les mêmes parties de tels accords, c’est sans commettre d’erreur manifeste qu’elle a estimé qu’il était possible de les considérer comme une pratique commerciale établie, la requérante n’ayant apporté aucun élément de preuve permettant de considérer que la conclusion de tels accords était impossible. C’est également à tort que la requérante prétend que la Commission ne s’est pas fondée sur des éléments de preuve.

285    Au demeurant, eu égard au paragraphe 85 des lignes directrices de 2004, la Commission devait démontrer que les accords en cause constituaient une alternative raisonnablement praticable dans la situation commerciale où se trouvaient les parties à la concentration au regard des pratiques établies dans le secteur d’activité concerné, et pas nécessairement qu’ils constituaient une telle pratique. Or, force est de constater que, ayant déjà été mis en œuvre, ainsi qu’il découle de la note en bas de page n°1049 de la décision attaquée, rien ne s’oppose à ce que de tels accords représentent une telle alternative. À cet égard, il est à noter que la requérante n’a apporté aucun élément de preuve, dans la requête ou la réplique, permettant de considérer que de tels accords ne constituaient pas une alternative de ce type et s’est bornée à procéder par simple affirmation.

286    Au surplus, il doit être souligné que, s’agissant des accords de compensation de marge, la Commission a fait une appréciation particulièrement nuancée, ainsi qu’il ressort du libellé des considérants 1232 et 1233 de la décision attaquée. En effet, elle a indiqué qu’« il [était] possible de considérer que les accords en cause [constituaient] une pratique commerciale établie dans le secteur d’activité en cause », qu’« il [était] peu probable que ces accords puissent générer un niveau de gains d’efficacité [semblable] à celui découlant de l’opération notifiée » et qu’« il [était] probable qu’une partie au moins de ces gains d’efficacité pourrait être obtenue au moyen d’une alternative moins anticoncurrentielle que l’opération notifiée ». La Commission a donc pris soin de limiter la portée de ses constats.

287    En second lieu, s’agissant de l’argument selon lequel la Commission a enfreint le critère du caractère propre à la concentration énoncé dans les lignes directrices de 2004, il doit être rappelé que, comme le prévoit de manière justifiée le paragraphe 85 de ces dernières, seuls les gains d’efficacité qui ne peuvent être obtenus dans une mesure similaire au moyen d’alternatives moins anticoncurrentielles peuvent être considérés comme propres à la concentration. Ayant estimé qu’une partie des gains d’efficacité pourrait être obtenue au moyen d’une alternative moins anticoncurrentielle que la concentration, c’est à bon droit, contrairement à ce que prétend la requérante, que la Commission a estimé que seule une partie de ces gains était causée par la concentration.

288    En tout état de cause, ainsi qu’il a déjà été relevé, il ressort des considérants 1340 et 1342 de la décision attaquée, ainsi que de la note en bas de page n° 1144 de celle-ci, que, même à supposer que le montant total des gains allégués ait été propre à la concentration et ait profité aux clients, ces gains n’auraient pas été suffisants pour contrer les restrictions significatives à une concurrence effective qui résulteraient de la concentration. Aussi, même à supposer que l’examen de la Commission concernant le caractère propre à la concentration de ces gains soit erroné, cela ne remettrait pas en cause l’appréciation de cette institution selon laquelle ces gains ne peuvent contrebalancer les effets de la concentration sur la concurrence.

289    Il s’ensuit que le troisième grief doit être écarté.

–       Sur le quatrième grief

290    La requérante avance que la Commission n’a pas examiné si les économies en termes de garanties compenseraient les hausses de prix postérieures à la concentration. À cet égard, elle relève que la Commission a concédé qu’il était possible que les clients des parties à la concentration bénéficient d’une partie des avantages, mais a omis de les prendre en compte, au motif qu’il était impossible d’en déterminer l’ampleur. Cette conclusion ne serait pas étayée et serait manifestement erronée.

291    Avant d’examiner les trois arguments que la requérante avance, en substance, au soutien de ce grief, il convient de relever, à titre liminaire, que, ainsi qu’il ressort du considérant 1338 de la décision attaquée, la Commission a souligné que les économies vérifiables en termes de garanties se situaient dans une fourchette comprise entre [confidentiel] et [confidentiel] millions d’euros, mais que seule une fraction de ce montant était propre à la concentration et que seule une partie du montant propre à la concentration était susceptible d’être répercutée sur les clients. Partant, elle a estimé que les gains d’efficacité vérifiables, propres à la concentration et susceptibles de bénéficier aux clients, seraient très probablement limités. En outre, il ressort des considérants 1339 et 1340 de ladite décision que la Commission a examiné, en substance, si, et dans quelle mesure, les gains allégués pourraient compenser la hausse de prix postérieure à la concentration. Au considérant 1340 de cette décision, l’analyse de la Commission est d’ailleurs partie du postulat que les économies en termes de garanties étaient entièrement propres à la concentration et seraient totalement répercutées sur les clients, alors que tel n’était pas le cas. Dans ces conditions, il ne saurait être considéré, comme le laisse entendre la requérante, que la Commission a omis de prendre en compte ces gains et qu’elle n’a pas examiné si ceux-ci compenseraient la hausse des prix en cause.

292    En premier lieu, concernant l’argument par lequel, en substance, la requérante critique l’appréciation portée par la Commission relativement à la hausse des commissions de négociation, il doit être relevé que c’est à tort qu’elle prétend que cette institution a omis d’examiner si une telle hausse serait réalisable. En effet, il ressort très clairement du considérant 1339 de la décision attaquée, lequel réitère, en substance, le raisonnement exposé aux considérants 1126 à 1128 de ladite décision, que, au vu de l’importance relativement faible des commissions en comparaison avec le total des frais de négociation, la Commission a estimé probable que les parties à la concentration seraient en mesure d’augmenter substantiellement les commissions (ou de diminuer les rabais) et seraient incitées à le faire. À cet égard, il convient de rappeler que la Commission a précisé que, pour que l’entité issue de la concentration n’ait pas intérêt à augmenter ses commissions dans une mesure telle que cette augmentation l’emporterait sur les économies vérifiables en termes de garanties, il faudrait que la demande soit extrêmement élastique. Or, la Commission a relevé que, dans la mesure où l’opération notifiée conduirait à éliminer le concurrent actuel et potentiel le plus proche, ainsi qu’à créer des barrières élevées à l’entrée et à l’expansion sur les marchés en cause, les clients n’auraient ni le choix ni la possibilité de se tourner vers une autre plate-forme. L’argument de la requérante doit donc être écarté.

293    Quant aux éléments que la requérante reproche à la Commission d’avoir omis d’apporter, il convient de rappeler que, aux considérants 246 à 253 de la décision attaquée, la Commission a estimé, à bon droit, ainsi qu’il a déjà été relevé (voir notamment point 136 ci-dessus), qu’une analyse quantitative n’était pas possible, de sorte qu’elle s’est fondée sur une analyse empirique globale. En particulier, il ressort du considérant 248 de ladite décision que les données sur les prix, requises pour effectuer une analyse empirique convenable, n’étaient pas disponibles et que, bien que la tarification applicable aux ETD ait été disponible, une analyse des seules commissions « les plus connues » aurait omis de prendre en compte le rôle important joué par les systèmes de ristourne. En tout état de cause, cette décision contient des éléments relatifs à l’élasticité-prix des clients des bourses. En particulier, ainsi qu’il ressort des considérants 289 et suivants de la même décision, la Commission a identifié certains clients inélastiques aux prix. Le considérant 294 de la décision en cause précise, ainsi que la deuxième phase de l’enquête de marché l’a confirmé, qu’il était peu probable que le groupe de clients qui négociaient uniquement des ETD passe aux OTC en réponse à une hausse de 5 à 10 % du coût global de la négociation des produits dérivés négociés en bourse. Ainsi qu’il ressort de l’examen du premier moyen, les appréciations de la Commission à cet égard ne sont pas entachées d’erreur. Il convient également de rejeter l’argument selon lequel la Commission n’a identifié qu’un seul groupe d’utilisateurs finals inélastiques à la demande, dès lors que le groupe dont elle a identifié l’inélasticité des composantes à la demande, au considérant 294 de la décision en question, est constitué par des clients des bourses et non par des utilisateurs finals. Au demeurant, il est à noter que, si la Commission admet, dans la duplique, que, avant la concentration, la demande de produits dérivés sur actions et taux d’intérêt pouvait ne pas être inélastique, il n’en demeure pas moins que, ainsi qu’il ressort du considérant 1070 de la même décision, elle a estimé que, si la concentration devait avoir lieu, l’entité issue de celle-ci demeurerait, pour l’essentiel, le seul acteur significatif sur les marchés concernés, de sorte que les clients des bourses ne pourraient se tourner vers un concurrent.

294    En deuxième lieu, concernant l’allégation selon laquelle la Commission n’a pas contesté les arguments des parties à la concentration selon lesquels ses assertions relatives à l’existence d’une quelconque récupération étaient dénuées de fondement, il suffit de relever que lesdits arguments sont résumés au considérant 1236 de la décision attaquée et que la Commission y a, en substance, répondu, en particulier à l’argumentation selon laquelle, contrairement aux économies de coûts, les économies en termes de garanties n’auraient pas besoin d’être « répercutées » par l’entité issue de la concentration. En effet, elle a indiqué, au considérant 1237 de ladite décision que, lors de l’audition, elle avait expliqué que la question de la répercussion était pertinente, que les gains revenaient au producteur ou au consommateur, et avait précisé qu’elle n’amalgamait pas son appréciation de la concurrence et celle des gains d’efficacité. Elle a également indiqué, audit considérant, que, lors de l’analyse d’une opération de concentration, il convenait, dans un premier temps, d’apprécier ses effets unilatéraux en tenant compte du rapprochement des deux sociétés sans aucune modification des coûts ou de la technologie et, dans un second temps, d’évaluer les gains d’efficacité et les modalités d’ajustement du prix à la suite des réductions de coûts, du côté de la société ou du côté du client. Elle a enfin précisé, au même considérant, que ce dernier effet sur les prix était communément dénommé « répercussion » et était distinct de tout effet sur les prix envisagé au titre des effets unilatéraux lors de la première étape. L’argument de la requérante doit donc être écarté.

295    En troisième lieu, concernant l’argument pris de ce que l’assertion de la Commission, selon laquelle il est impossible de déterminer l’ampleur de l’aptitude des parties à la concentration à récupérer les avantages, équivaut à un aveu de son incapacité à prouver que la concentration produirait des effets anticoncurrentiels, il suffit de rappeler que, en tout état de cause, il ressort des considérants 1340 et 1342 de la décision attaquée, ainsi que de la note en bas de page n° 1144 de celle-ci, que, même à supposer que le montant total des gains allégués soit propre à la concentration et profite aux clients, ceux-ci ne seraient pas suffisants pour contrer les restrictions significatives à une concurrence effective qui résulteraient de cette concentration.

296    Il résulte de l’ensemble de ce qui précède que le quatrième grief doit être écarté.

–       Sur le cinquième grief

297    La requérante prétend que le rejet par la Commission des économies en termes de garanties n’est pas compatible avec son analyse des effets sur la concurrence.

298    À cet égard, il importe de rappeler, à titre liminaire, que la requérante part de la prémisse erronée que la Commission aurait « rejeté les économies [en termes] de garanties » et « nié l’importance de celles-ci ». Or, la Commission s’est bornée à considérer, ainsi qu’il ressort notamment du considérant 1335 de la décision attaquée, que certaines économies en termes de garanties étaient vérifiables, mais pas dans la mesure alléguée par les parties à la concentration, que ces économies pourraient toutefois être réalisées au moyen d’alternatives moins anticoncurrentielles et que seule une partie de ces dernières serait vraisemblablement répercutée sur les clients, du fait de l’élimination de la pression concurrentielle significative que lesdites parties exercent actuellement l’une sur l’autre en ce qui concerne la politique en matière de garanties.

299    Il est à relever, ensuite, que les appréciations de la Commission liées à l’effet gravitationnel de la réserve de marge cumulée de l’entité issue de la concentration et de son effet sur la concurrence ne sont en rien incompatibles avec son analyse des économies en termes de garanties. En effet, la circonstance que la Commission a constaté, notamment au considérant 851 de la décision attaquée, qu’il était probable que l’entité issue de la concentration serait, en raison de l’effet gravitationnel de la réserve de marge cumulée, en mesure de se développer encore davantage et éventuellement d’éliminer totalement la concurrence n’est pas incompatible avec le constat selon lequel des économies en termes de garanties pourraient exister et seraient, pour partie, vérifiables, nonobstant la circonstance que, selon la Commission, elles le seraient dans une mesure moindre que celle alléguée par la requérante. Il n’existe ainsi aucun lien entre l’existence d’économies en termes de garanties liées aux marges croisées, qui pourraient survenir en raison de la concentration, et le fait que la combinaison des réserves de marge existantes des parties à la concentration au sein de l’entité issue de la concentration pourrait avoir, en raison de l’effet gravitationnel de celle-ci, un effet sur la concurrence. Enfin, hormis la circonstance que la Commission n’a pas considéré, contrairement à ce que laisse à penser la requérante, que les économies réalisées au niveau des appels de marge croisés (générant des effets gravitationnels) étaient « insignifiantes » ou que les économies devaient être ignorées du fait qu’elles n’étaient pas « mesurables », la requérante n’indique pas dans quelle mesure la récupération par lesdites parties d’une fraction de ces gains devrait « neutraliser » la force gravitationnelle induite par l’accroissement de la réserve de marge de l’entité issue de la concentration.

300    Il s’ensuit que le cinquième grief doit être écarté, ainsi que, par voie de conséquence, la seconde branche dans son intégralité.

 Sur la troisième branche, relative aux effets sur la liquidité

301    Dans le cadre de cette branche, la requérante avance, en substance, huit griefs.

–       Sur le premier grief

302    La requérante prétend que la conclusion de la Commission selon laquelle les effets du projet de concentration sur la liquidité ne sont pas vérifiables est en contradiction avec l’assertion de celle-ci selon laquelle la combinaison des réserves de marge des parties à la concentration accroîtrait les barrières à l’entrée.

303    À cet égard, il convient de relever que la Commission a examiné le caractère vérifiable des gains en termes de liquidité aux considérants 1309 à 1323 de la décision attaquée et a conclu, au considérant 1324 de cette dernière, que ceux-ci n’étaient pas vérifiables.

304    En l’espèce, en premier lieu, force est de relever que c’est à tort que la requérante prétend que la Commission a considéré que la combinaison des réserves de marge des parties à la concentration accroîtrait les barrières à l’entrée. En effet, ainsi qu’il ressort du considérant 1005 de la décision attaquée, la Commission s’est fondée sur la circonstance que les barrières à l’entrée sur les marchés de produits dérivés de taux d’intérêt et d’actions européennes négociés en bourse étaient, avant la concentration, très importantes, ainsi qu’il découle de l’examen figurant aux considérants 926 à 1008 de ladite décision, ce qui implique qu’une entrée sur le marché est difficile et que, si elle devait intervenir, le nouvel entrant aurait peu de chances d’attirer une liquidité suffisante sur ces marchés dans un délai raisonnable. À cet égard, il importe de préciser que, alors que les appréciations concernant les barrières à l’entrée liées à la possibilité d’attirer de la liquidité concernent la situation antérieure à la concentration, celles afférentes aux gains en termes de liquidité ont trait à la situation postérieure à cette opération.

305    En deuxième lieu, s’agissant de l’affirmation selon laquelle la Commission ne peut soutenir simultanément que les économies résultant du cumul des réserves de marge seraient insignifiantes et qu’elles seraient suffisamment importantes pour que les clients des parties à la concentration restent leurs clients après la concentration et que de nouveaux clients le deviennent, il suffit de relever que la Commission n’a pas fondé son analyse des effets de la concentration sur les économies résultant dudit cumul, mais, ainsi qu’il découle du considérant 851 de la décision attaquée, notamment, sur les conséquences liées au cumul des parts de marché détenues par lesdites parties avant celle-ci ainsi que sur l’« effet gravitationnel » de la réserve de marge cumulée. Or, l’effet gravitationnel en cause ne correspond pas aux économies en termes de liquidité.

306    En dernier lieu, s’agissant de l’argument selon lequel il existe des éléments étayant que l’apport de contrats différents sur une plate-forme entraîne un accroissement de liquidité, il suffit de relever que la requérante n’indique pas dans quelle mesure il soutiendrait la contradiction alléguée.

307    Il s’ensuit qu’aucune contradiction n’existe dans les appréciations de la Commission relatives à la liquidité.

308    Le premier grief doit donc être écarté.

–       Sur le deuxième grief

309    La requérante fait valoir que, en introduisant, dans la décision attaquée, des éléments nouveaux visant à invalider ses conclusions de l’analyse des effets de la concentration sur la liquidité, la Commission a violé le droit d’être entendu et l’article 13, paragraphe 2, du règlement n° 802/2004. À cet égard, elle conteste que les nouveaux arguments avancés par la Commission reposent uniquement sur des données communiquées par les parties à la concentration et que l’analyse de cette institution confirme les préoccupations exprimées dans la communication des griefs et réponde aux affirmations énoncées par lesdites parties dans leurs soumissions.

310    À cet égard, il convient de rappeler, à titre liminaire, que les prétendus éléments nouveaux évoqués par la requérante ont été avancés, au cours de la procédure administrative, dans le cadre de l’examen de l’extrapolation de données historiques antérieures à la concentration et de l’identification de l’impact de concentrations antérieures, en particulier sur la liquidité.

311    La Commission a ainsi indiqué, au paragraphe 590 de la communication des griefs, que, a priori, il n’était pas clair que les effets estimés puissent être mis en rapport avec l’opération envisagée, étant donné que les conditions de la concurrence et du marché étaient sensiblement différentes (concentration du marché avant l’opération envisagée, économies d’échelle, etc.) et que les parties à la concentration n’avaient pas cherché à expliquer dans quelle mesure l’étude de l’événement historique était représentative pour l’opération envisagée (ou pourquoi les différences ne compteraient pas). Au paragraphe 593 de ladite communication, elle a souligné, d’une part, que la référence à une réduction des écarts entre le cours acheteur et le cours vendeur (ainsi qu’à une augmentation des volumes et à une diminution de la volatilité) consécutive à l’intégration antérieure des plates-formes de négociation et de compensation pouvait fausser les prévisions, dès lors que l’opération envisagée se réaliserait dans une situation substantiellement différente sous les angles de la concurrence et du marché. Elle y a souligné, d’autre part, qu’aucun effort n’avait été fait par lesdites parties pour analyser la façon dont les différences dans la structure et dans les conditions du marché pouvaient affecter les prévisions quant aux effets de l’opération envisagée (les économies d’échelle pouvant s’être épuisées, la fragmentation du marché et la pression concurrentielle pouvant être différentes, etc.).

312    Il s’ensuit que, dans la communication des griefs, la Commission a valablement fait part de ses préoccupations quant à l’extrapolation de données historiques. Au surplus, il est à noter que, lors de l’audition, l’économiste en chef au sein de la DG « Concurrence » de la Commission a également fait référence aux changements structurels majeurs, comme la requérante le reconnaît d’ailleurs. Cette dernière a donc été mise en mesure de faire valoir son point de vue à l’égard de cette objection de la Commission.

313    Nonobstant ce qui précède, il convient d’examiner, à titre surabondant, les allégations de la requérante à l’encontre des cinq éléments prétendument nouveaux.

314    S’agissant, en premier lieu, de la hausse du nombre des sociétés membres de chacune des plates-formes des parties à la concentration, évoquée au considérant 1257 de la décision attaquée, il suffit de relever que la requérante admet elle-même, dans la requête, que cette question a été abordée dans la communication des griefs, en l’occurrence à son paragraphe 594, dont il ressort, en substance, que la Commission reprochait auxdites parties de ne pas avoir tenu compte, notamment, de l’existence d’un plus grand nombre de membres communs de ces parties. Elle reconnaît également que l’analyse statistique effectuée audit considérant est fondée sur les données fournies par les mêmes parties. De surcroît, il est à noter que les parties en cause ont présenté des observations à cet égard dans leur réponse, du 16 novembre 2011, aux commentaires présentés lors de l’audition. Quant au fait que les parties en question n’auraient pas été en mesure de se prononcer sur les modalités selon lesquelles la Commission a procédé à son analyse, en l’occurrence, en regroupant l’ensemble des entités contrôlées par une société mère, il suffit de constater que la Commission n’a pas l’obligation, préalablement à l’adoption d’une décision au titre de l’article 8 du règlement n° 139/2004, de communiquer le détail des modalités du cadre d’analyse qu’elle entend mettre en œuvre. La jurisprudence lui impose uniquement de mettre l’entreprise intéressée en mesure, au cours de la procédure administrative, de faire connaître utilement son point de vue sur la réalité et la pertinence des faits et des circonstances alléguées ainsi que sur les documents retenus à l’appui de son assertion de l’existence d’une infraction (voir arrêt de la Cour du 6 avril 1995, BPB Industries et British Gypsum/Commission, C‑310/93 P, Rec. p. I‑865, point 21, et la jurisprudence citée). Il est en tout état de cause loisible à un requérant de contester le bien-fondé de ladite analyse dans le cadre d’un recours contre une telle décision.

315    S’agissant, en deuxième lieu, de la négociation à haute fréquence, évoquée au considérant 1259 de la décision attaquée, il suffit de relever que les parties à la concentration ont eu la possibilité de présenter leurs observations à cet égard, ainsi qu’il ressort de leurs réponses aux commentaires présentés lors de l’audition. Quant au fait que la Commission s’est référée, aux considérants 1259, 1260 et 1263 de ladite décision, à des articles de doctrine, il suffit de relever que, même à supposer que, ainsi que le soutient la requérante, ceux-ci n’aient pas été mentionnés lors de la procédure administrative, il n’en demeure pas moins qu’ils ne constituent pas le fondement principal et nécessaire du raisonnement de la Commission concernant l’impact de la négociation à haute fréquence, exposé aux considérants 1258 à 1261 de cette décision, et ne présentent, à cet égard, qu’un caractère accessoire et non décisif. En tout état de cause, ces articles sont publics et donc accessibles auxdites parties. Au surplus, ils ne constituent qu’une partie des éléments évoqués par la Commission dans le cadre de son analyse, celle-ci ayant également pris appui sur ceux évoqués aux notes en bas de pages nos1072 et 1075 de la même décision, et, notamment, des présentations effectuées par des tiers lors de l’audition.

316    S’agissant, en troisième lieu, du lien de complémentarité entre la négociation à haute fréquence et l’adoption de la directive 2004/39/CE du Parlement européen et du Conseil, du 21 avril 2004, concernant les marchés d’instruments financiers, modifiant les directives 85/611/CEE et 93/6/CEE du Conseil et la directive 2000/12/CE du Parlement européen et du Conseil et abrogeant la directive 93/22/CEE du Conseil (JO L 145, p. 1, ci-après la « directive MIF »), évoqué aux considérants 1261 à 1263 de la décision attaquée, il y a lieu de rappeler que l’article de doctrine que la Commission a cité dans ce contexte, au considérant 1261 de ladite décision, était public et donc accessible aux parties à la concentration. Il en va de même de l’étude Oxera, évoquée au considérant 1262 de cette décision, sur laquelle la requérante se fonde d’ailleurs dans le cadre du recours et qui est jointe à la requête, ainsi que de la présentation effectuée par la bourse de Londres, à laquelle il est fait référence au même considérant et dont la requérante reconnaît d’ailleurs qu’elle a été divulguée et rendue accessible dans le dossier.

317    S’agissant, en quatrième lieu, des modifications des conditions de concurrence avant l’adoption de la directive MIF, il doit être relevé que, dans leur réponse, du 16 novembre 2011, aux commentaires présentés lors de l’audition, les parties à la concentration ont soumis des observations relatives à l’entrée en vigueur de ladite directive. Quant aux documents dont la requérante allègue qu’ils ne lui auraient pas été communiqués, en l’occurrence un article de doctrine et une décision de la commission de la concurrence du Royaume-Uni, il doit être constaté qu’il s’agit également de documents publics. Au demeurant, l’article de doctrine en cause a été cité à la note en bas de page n° 549 de la communication des griefs.

318    S’agissant, en cinquième lieu, de l’allégation relative aux tendances séculaires à vouloir négocier, évoquées au considérant 1267 de la décision attaquée, il suffit de relever que le document du Fonds monétaire international (FMI), dont la requérante indique qu’il ne lui a pas été soumis, lequel est également un document public, n’est invoqué, audit considérant, que pour confirmer l’indication (avancée à titre d’exemple des évolutions ayant eu lieu) selon laquelle, en substance, on ne saurait exclure l’existence de tendances séculaires dans la volonté de négocier des actions qui ont augmenté le volume de transactions escompté et, dès lors, réduit les écarts entre le cours acheteur et le cours vendeur.

319    S’agissant, en dernier lieu, du document issu d’un tiers, évoqué au considérant 1272 de la décision attaquée, il suffit de relever que ce document, qui est librement disponible sur Internet et est donc public, ne constitue qu’un des éléments sur lesquels la Commission s’est fondée pour justifier son affirmation selon laquelle de bonnes raisons pouvaient expliquer la tendance baissière des écarts moyens entre le cours vendeur et le cours acheteur avant 2002.

320    En tout état de cause, il y a lieu de relever, à titre surabondant, que, même à supposer que la Commission ait violé le droit d’être entendu de la requérante en ne lui communiquant pas certains des éléments qu’elle a évoqués dans le cadre du présent grief, il n’en demeure pas moins que les autres éléments invoqués par la Commission à l’appui de sa démonstration permettent de justifier, à suffisance de droit, son appréciation, figurant au considérant 1256 de la décision attaquée, selon laquelle les marchés au comptant ont connu un grand nombre de changements profonds depuis la création d’Euronext. Ces éléments permettent également d’étayer sa conclusion, figurant au considérant 1268 de ladite décision, selon laquelle, au vu de la multitude des changements qui se sont produits au cours de la dernière décennie, il est impossible de transposer un gain d’efficacité découlant d’une concentration survenue en 2002 sur une opération qui doit avoir lieu en 2012. Aucun des arguments avancés par la requérante ne permet de considérer que, si elle s’était prononcée sur les éléments en cause dans le cadre du présent grief, la conclusion générale de la Commission aurait été remise en cause.

321    Quant à l’affirmation selon laquelle l’analyse menée au point 12.3.3.2 de la décision attaquée repose uniquement sur des données communiquées par les parties à la concentration, il doit être, certes, relevé qu’elle est erronée, mais que, ainsi qu’il ressort de ce qui précède, cette erreur est sans influence sur la légalité de ladite décision.

322    Il s’ensuit que le deuxième grief doit être écarté.

–       Sur le troisième grief

323    La requérante avance que la Commission a manqué à son obligation de motivation en ignorant les réponses des parties à la concentration, du 16 novembre 2011, aux commentaires présentés lors de l’audition concernant les changements de circonstances allégués lorsque ces réponses n’allaient pas dans le même sens que les conclusions de la décision attaquée.

324    À l’appui de ce grief, qui a trait à la motivation de la décision attaquée et non au bien-fondé de celle-ci, ainsi qu’il ressort du libellé de la requête, la requérante avance, en substance, quatre arguments.

325    En premier lieu, s’agissant de l’argument pris de ce que la Commission aurait méconnu l’indication selon laquelle la présence de quelques clients communs des parties à la concentration n’expliquait pas à elle seule l’apparition de gains en termes de liquidité et celle selon laquelle de nombreux clients étaient encore membres d’une seule bourse, il doit être constaté, tout d’abord, que la Commission n’a pas prétendu que ladite présence expliquait à elle seule l’apparition de tels gains ni contesté que de nombreux clients étaient encore membres d’une seule bourse. En outre, au considérant 1257 de la décision attaquée, la Commission a examiné l’argument selon lequel lesdites parties pourraient augmenter la liquidité grâce à un « effet de distribution », à savoir un effet par lequel les sociétés qui négocient sur une seule plate-forme bénéficieraient d’une capacité à distribuer une plus large gamme de titres sur les deux plates-formes. À cet égard, elle a considéré que la portée de cet effet de distribution s’était considérablement réduite. En particulier, elle a relevé que, au moment de la concentration au sein d’Euronext, le volume total contrôlé par les sociétés négociant sur les différentes bourses qui avaient alors fusionné était faible en comparaison avec le volume généré par les sociétés négociant à la fois sur les plates-formes de la requérante et actuellement de NYSE Euronext. Elle a conclu que, même si un effet de distribution pouvait être observé, ce dernier se révélerait plus faible et ne pouvait être estimé sur la base de cette concentration historique. Eu égard à ce qui précède, ce premier argument doit être écarté.

326    En deuxième lieu, s’agissant de l’argument selon lequel la Commission aurait ignoré les éléments prouvant que les résultats de Compass Lexecon (ci-après « CL »), le conseil économique des parties à la concentration, étaient valables, y compris lorsque la période retenue prenait fin en 2005, à savoir avant que la négociation à haute fréquence n’ait commencé à produire ses effets, il suffit de relever que les appréciations de la Commission ne se fondent pas exclusivement sur les changements intervenus à partir de 2005, ni sur l’incidence de la négociation à haute fréquence, de sorte que, même à le supposer établi, ce deuxième argument serait, en toute hypothèse, inopérant et doit donc être écarté. Au demeurant, aux considérants 1250 et 1258 de la décision attaquée, la Commission fait référence auxdits éléments parmi ceux pris en compte.

327    En troisième lieu, s’agissant de l’argument selon lequel la Commission aurait ignoré que CL avait pris en compte la croissance des systèmes multilatéraux de négociation, il suffit de relever que la Commission a indiqué, au considérant 1285 de la décision attaquée, que la variable de volume relative à la directive MIF employée par les parties à la concentration dans leurs régressions n’incluait pas le volume généré par tous les systèmes multilatéraux de négociation connexes, le volume de négociation de Turquoise n’étant pas pris en considération. Selon la Commission, cela impliquait une sous-estimation de l’importance de la diminution des écarts due à l’entrée en vigueur de la directive MIF. Il s’ensuit que, dans sa motivation, la décision attaquée évoque le fait que l’analyse desdites parties prend en compte les systèmes multilatéraux de négociation, tout en soulignant que ladite analyse ne les prend pas tous en compte. La circonstance que la Commission n’aurait pas vérifié si l’introduction d’un système, dont ces parties auraient omis l’inclusion, aurait conduit à un résultat différent est sans influence, dès lors que le présent grief a trait à la motivation de ladite décision et non au bien-fondé de celle-ci, dont relève ladite circonstance. En tout état de cause, la Commission a indiqué que l’omission en cause impliquait une sous-estimation de l’importance de la diminution des écarts due à l’entrée en vigueur de la directive MIF. Il en découle que ce troisième argument doit être écarté.

328    En quatrième lieu, s’agissant de l’argument selon lequel la Commission n’aurait pas pris en considération le fait que les parties à la concentration ont réévalué leur modèle afin de tenir compte de l’entrée du Dutch Trading Service (ci-après le « DTS »), il doit être relevé que, au considérant 1283 de la décision attaquée, la Commission a indiqué que, à la suite de certaines observations formulées par elle lors de l’audition, lesdites parties avaient introduit, dans leur analyse, un « effet permanent » pour prendre en considération l’introduction d’une nouvelle réglementation en France, le 3 mai 2001, et l’entrée du DTS, entre mai 2004 et septembre 2005. Elle a estimé, audit considérant, que, en introduisant un tel effet, l’impact estimé de la concentration diminuait significativement et qu’il ne saurait être exclu que d’autres événements non observés puissent avoir exercé des effets persistants, notamment dans la mesure où la liste des événements utilisée par ces parties était limitée. La Commission a donc bien pris en considération, dans la motivation de la décision attaquée, le fait que les mêmes parties avaient réévalué leur modèle afin de tenir compte de l’entrée du DTS. Il s’ensuit que ce quatrième argument doit être écarté.

329    Il résulte de l’ensemble de ce qui précède que le troisième grief doit être écarté.

–       Sur le quatrième grief

330    La requérante expose que l’assertion de la Commission selon laquelle l’entrée du DTS a affecté les résultats de l’analyse de régression de CL n’est pas compatible avec l’analyse de ladite entrée à l’époque des faits. Il ne serait ainsi pas logique que la Commission prétende que cette entrée constitue un changement de circonstance ayant fait disparaître la perspective de gains en termes de liquidité, alors que, dans le cadre de l’analyse de cette opération, elle avait estimé que les perspectives de voir l’efficacité s’accroître étaient réelles.

331    À cet égard, il découle du considérant 1265 de la décision attaquée que, afin d’illustrer la circonstance que les conditions de concurrence avaient évolué avant même l’entrée en vigueur de la directive MIF, la Commission a pris appui sur le fait que, dès mai 2004, la bourse de Londres était entrée sur le marché pour faire concurrence à Euronext Amsterdam, en lançant le DTS afin d’offrir des possibilités de négociation sur le carnet d’ordres électronique pour les 50 premières actions néerlandaises. Il ressort notamment de ce considérant que, selon la commission de la concurrence du Royaume-Uni, les frais d’Euronext Amsterdam ont diminué de près de 30 % en conséquence directe de l’entrée du DTS et que, malgré son échec, ce dernier semble avoir généré une réponse significative d’Euronext, à tout le moins à court terme.

332    La Commission a ajouté, au point 1266 de la décision attaquée, que, contrairement à ce qu’affirmaient les parties à la concentration, des travaux académiques avaient montré que la pénétration du DTS était loin d’avoir eu un effet négligeable, Euronext ayant diminué ses frais de 50 % le 23 avril 2004.

333    En l’espèce, force est de constater, eu égard à ce qui précède, que la Commission a pris appui sur l’exemple de l’entrée du DTS afin de démontrer que les conditions de concurrence avaient évolué avant même l’entrée en vigueur de la directive MIF. Ainsi qu’il découle de la décision attaquée, l’entrée du DTS ne constitue qu’un exemple parmi l’ensemble des circonstances, évoquées par la Commission, qui ont évolué ces dix dernières années et qui ont eu un effet sur la liquidité.

334    En revanche, contrairement à ce que prétend la requérante, la Commission n’a pas soutenu que l’entrée du DTS constituait un changement de circonstance ayant fait disparaître la perspective d’économies de liquidité, aucun élément de la décision attaquée n’indiquant que ce seul fait aurait eu un tel effet.

335    Quant à l’allégation selon laquelle la Commission n’a pas indiqué qu’elle avait instruit une plainte de DTS à l’encontre d’Euronext, la requérante n’indique pas dans quelle mesure une telle allégation serait en mesure de remettre en question les appréciations figurant dans la décision attaquée. En tout état de cause, l’exemple de DTS ne constituant qu’un exemple parmi ceux évoqués par la Commission au soutien de ses conclusions, ces dernières ne sauraient, à supposer cet exemple non pertinent, être remises en cause.

336    S’agissant, enfin, de l’argument selon lequel la bataille du Bund serait le seul exemple de concurrence directe entre les parties à la concentration, il suffit de relever que la décision attaquée se fonde sur d’autres exemples de concurrence, ainsi qu’il ressort, notamment, du point 11.2.1.4.3 de ladite décision.

337    Il s’ensuit que le quatrième grief doit être écarté.

–       Sur le cinquième grief

338    La requérante fait valoir que les assertions contenues dans la décision attaquée concernant une prétendue tendance baissière de l’écart entre le cours vendeur et le cours acheteur constituent des éléments de preuve et des conclusions nouveaux sur lesquels les parties à la concentration n’ont pas été utilement mises en mesure de présenter leurs observations. Partant, la Commission aurait violé le droit d’être entendu et l’article 13, paragraphe 2, du règlement n° 802/2004.

339    À cet égard, il ressort du considérant 1269 de la décision attaquée que, afin de faire valoir que l’analyse produite par les parties à la concentration n’était pas de nature à identifier l’impact des concentrations antérieures, la Commission a indiqué que l’impact allégué de ces concentrations pouvait être le fait d’une tendance à la hausse de la liquidité, qui préexistait au projet de concentration et qui n’aurait pas été correctement neutralisée.

340    En l’espèce, en premier lieu, il est à relever que la Commission a indiqué, au paragraphe 592 de la communication des griefs, que le choix de la mesure de la liquidité n’était pas innocent, étant donné que des mesures différentes pouvaient donner des résultats opposés et envoyer ainsi des messages contradictoires sur l’évolution de la liquidité du marché. En outre, il ressort, en substance, du paragraphe 598 de ladite communication que la Commission a indiqué que les parties à la concentration se fondaient sur une approche événementielle, dans laquelle les concentrations entre bourses constituaient de simples variables muettes avant/après et qui ne prenait pas en compte les tendances sous-jacentes en matière de volumes de transactions traités sur différentes plates-formes. Elle a précisé que la littérature récente s’appuyait sur des méthodologies plus sophistiquées qui tenaient davantage compte de la variation dans le temps de la concentration et de la fragmentation du marché boursier étant donné que les volumes quotidiennement négociés sur les bourses étudiées et dans les systèmes de négociation concurrents évoluaient de manière dynamique dans le temps, ce qui ne pouvait être retranscrit au travers d’une simple variable muette avant/après. Elle a donc estimé que les résultats présentés par les parties à la concentration pouvaient être biaisés.

341    Il s’ensuit que, dans la communication des griefs, la Commission a clairement exposé ses interrogations quant à l’examen de l’évolution de la liquidité et, en particulier, quant à l’existence d’une tendance sous-jacente des transactions, et donc de la liquidité, pouvant affecter l’analyse proposée par les parties à la concentration. Lesdites parties ont donc été mises en mesure de présenter leurs observations, et, notamment, de présenter, en réponse à ladite communication, des analyses prenant en compte l’existence éventuelle d’une tendance sous-jacente de la liquidité.

342    En deuxième lieu, concernant l’existence d’une tendance baissière de l’écart entre le cours vendeur et le cours acheteur, il ressort du compte rendu de la réunion du 23 novembre 2011 entre l’économiste en chef au sein de la DG « Concurrence » de la Commission et CL que l’effet de l’impact de la concentration peut être fonction de paramètres qui ont évolué au cours du temps et que, en effectuant des régressions, il peut être observé l’existence d’« une forte tendance baissière des écarts entre l’offre et la demande ». La requérante reconnaît la tenue de ces propos ainsi que le fait que, lors de cette réunion, deux graphiques s’y rapportant ont été distribués. Or, elle a non seulement été mise en mesure de pouvoir présenter ses observations à cet égard, mais l’a effectivement fait, par le biais de CL, le 13 décembre 2011. Quant à l’argument selon lequel CL aurait dû faire une analyse à rebours de la régression de la Commission sur la base des deux graphiques en cause, il doit être relevé que la requérante ne conteste pas que les spécifications retenues par la Commission figuraient sur les documents reçus, ni que le code utilisé était connu de CL. Elle soutient néanmoins, dans la réplique, que ces données n’étaient pas suffisantes et la Commission reconnaît, dans la duplique, ne pas avoir fourni les codes permettant de générer les variables muettes trimestrielles interagissant avec les effets propres aux marchés boursiers. Toutefois, la Commission soutient que le mode de création de ces variables est sans intérêt et a été expressément mentionné lors de la réunion du 23 novembre 2011. Or, sans qu’il y ait lieu de se prononcer sur le bien-fondé de cette dernière affirmation, il suffit de constater qu’il ne ressort pas du dossier que la requérante a demandé la communication des données dont elle avait prétendument besoin pour reproduire les analyses en cause.

343    En troisième lieu, quant à l’allégation selon laquelle ce serait à tort que la Commission a affirmé, dans sa lettre du 8 décembre 2011, que l’analyse de son économiste en chef au sein de la DG « Concurrence » ne contenait aucun élément factuel nouveau, il doit être relevé que la requérante n’a apporté aucun élément permettant de remettre en cause l’indication, figurant dans ladite lettre, selon laquelle aucune donnée nouvelle n’a été collectée par cet économiste en chef lors de la réunion du 23 novembre 2011 et que l’analyse de ce dernier était uniquement fondée sur les données communiquées par CL. En outre, il doit être constaté que, ainsi qu’il ressort de cette lettre, l’analyse en cause illustre les arguments présentés dans la communication des griefs, notamment ceux exposés au paragraphe 598 de celle-ci. Le fait que ce paragraphe n’identifie pas le caractère baissier de la tendance évoquée est sans influence à cet égard, dès lors qu’il ne s’agissait que d’une appréciation préliminaire et que c’est sur la base de données communiquées ultérieurement par les parties à la concentration que s’est fondée la Commission.

344    En quatrième lieu, il doit être constaté que l’analyse de la Commission concernant l’identification de l’impact des concentrations antérieures, figurant dans le point 12.3.3.2.1.3 de la décision attaquée, est fondée, notamment, sur des données fournies par les parties à la concentration, ainsi que cela ressort en particulier du considérant 1270 de ladite décision. Quant à l’annexe de cette décision, laquelle contiendrait, selon la requérante, un grand nombre de régressions concernant des analyses différentes qui n’ont jamais été discutées, comme le volume ou la volatilité, il doit être relevé que, ainsi qu’il ressort du point 2 de ladite annexe, l’analyse que celle-ci contient est fondée sur les données employées par lesdites parties et utilise les mêmes spécifications que celles utilisées par ces parties. Les informations sur lesquelles la Commission a fondé ses conclusions étaient donc connues des mêmes parties. À cet égard, il importe de rappeler que la Commission doit motiver sa décision finale par ses appréciations définitives fondées sur les résultats de l’intégralité de son enquête tels qu’ils se présentent au moment de la clôture de la procédure formelle et n’est pas tenue d’expliquer les différences éventuelles par rapport à ses appréciations provisoires contenues dans la communication des griefs (arrêt Bertelsmann et Sony Corporation of America/Impala, point 248 supra, points 64 et 65). De plus, le droit d’être entendu s’étend à tous les éléments de fait ou de droit qui constituent le fondement de l’acte décisionnel, mais non à la position finale que l’administration entend adopter (voir arrêt du Tribunal du 15 mars 2006, BASF/Commission, T‑15/02, Rec. p. II‑497, point 94, et la jurisprudence citée). Il s’ensuit que la Commission n’était pas tenue d’indiquer, avant l’adoption de la décision attaquée, les conclusions qu’elle adopterait, dans celle-ci, sur le fondement de l’ensemble des informations fournies pendant la procédure administrative concernant l’évaluation des effets de la concentration envisagée sur la liquidité.

345    Il résulte de ce qui précède que le cinquième grief doit être écarté.

–       Sur le sixième grief

346    La requérante indique que la Commission a méconnu les éléments soumis par les parties à la concentration montrant que sa constatation de l’existence d’une tendance baissière de l’écart entre le cours vendeur et le cours acheteur, exposée lors de la réunion du 23 novembre 2011, reposait sur une méthodologie viciée.

347    À cet égard, il convient de relever, en premier lieu, que l’argumentation de la requérante, présentée dans la requête, est intrinsèquement contradictoire. En effet, d’une part, elle reproche à la Commission d’avoir ignoré les critiques émises par les parties à la concentration relatives au constat de l’existence d’une tendance baissière de la liquidité. D’autre part, elle critique certaines réponses apportées par cette institution auxdites critiques formulées dans la décision attaquée, et, notamment, à la note en bas de page n° 1103 de celle-ci.

348    En deuxième lieu, il ressort explicitement des considérants 1280 à 1286 de la décision attaquée que la Commission a examiné les critiques émises par les parties à la concentration à l’encontre de son modèle d’évaluation de la liquidité. Il s’ensuit que c’est à tort que la requérante prétend que la Commission a ignoré les critiques desdites parties.

349    En troisième lieu, s’agissant de l’argumentation de la Commission figurant dans la note en bas de page n° 1103 de la décision attaquée, il est à noter qu’elle vise à répondre à la critique des parties à la concentration selon laquelle le modèle de la Commission était mal spécifié, et indique à cet effet que les spécifications du modèle retenu par lesdites parties étaient erronées. Or, il suffit de relever que, même à supposer que les critiques émises par ces parties soient fondées et que la réponse de la Commission soit erronée, comme le prétend la requérante, cela serait sans influence sur les conclusions de la Commission. En effet, il ressort du considérant 1281 de ladite décision que la Commission a écarté les critiques des mêmes parties, en relevant que, même à supposer que le modèle soit mal spécifié, les variables de contrôle employées par les parties en cause n’étaient manifestement pas de nature à tenir compte des tendances baissières sous-jacentes, notamment pour la période antérieure à 2002. Dans ce contexte, il importe de relever que, ainsi qu’il découle des considérants 1270 à 1274 et 1318 de cette décision, les données brutes moyennes sur l’ensemble des valeurs mobilières démontrent l’existence, avant les concentrations historiques affectant les marchés boursiers, d’une nette tendance baissière.

350    Il s’ensuit que le sixième grief doit être écarté, sans qu’il soit nécessaire d’examiner les critiques de la requérante à l’encontre des considérations de la Commission figurant dans la note en bas de page n° 1103 de la décision attaquée.

–       Sur le septième grief

351    La requérante soutient que les critiques de la Commission relatives au calcul des économies estimées résultant de la réduction de l’écart entre le cours acheteur et le cours vendeur constituent des éléments de preuve et des conclusions nouveaux sur lesquels les parties à la concentration n’ont pas été mises en mesure de présenter des observations. En outre, des explications annexées à la requête démontreraient le caractère erroné desdites critiques de la Commission.

352    À cet égard, il suffit de relever que, dès lors que les critiques de la Commission ne constituent qu’une réfutation des calculs proposés par les parties à la concentration dans le rapport de CL intitulé « Gains d’efficacité de l’opération envisagée », joint à leur réponse à la communication des griefs, et non de nouveaux éléments pour étayer sa conclusion relative au caractère vérifiable des gains d’efficacité en termes de liquidité, aucune violation des droits de la défense de la requérante ne saurait être constatée. D’ailleurs, les critiques de la Commission se fondent, ainsi qu’il ressort des considérants 1287 à 1293 et 1310 à 1315 de la décision attaquée, sur les données fournies par lesdites parties elles-mêmes.

353    En tout état de cause, il convient de relever que, si les parties à la concentration ont évoqué, antérieurement à la communication des griefs, les effets bénéfiques sur la liquidité, ce n’est que dans le rapport joint à leur réponse à celle-ci que les calculs précis de ces effets ont été communiqués. La Commission ne pouvait donc pas émettre de doutes quant au calcul de cette évaluation au stade de ladite communication. À cet égard, il doit être relevé que, ainsi qu’il ressort du considérant 1148 de la décision attaquée, [confidentiel]. Il s’ensuit qu’elles ont été mises en mesure de présenter l’ensemble des éléments permettant d’étayer le bien-fondé de leurs calculs.

354    Quant à l’allégation de la requérante selon laquelle des explications annexées à la requête démontreraient le caractère erroné des critiques de la Commission relatives au calcul des économies estimées résultant de la réduction de l’écart entre le cours acheteur et le cours vendeur, il doit être rappelé que, en vertu de l’article 21 du statut de la Cour de justice et de l’article 44, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure, toute requête doit indiquer l’objet du litige et l’exposé sommaire des moyens invoqués. Selon une jurisprudence constante, il faut, pour qu’un recours soit recevable, que les éléments essentiels de fait et de droit sur lesquels celui-ci se fonde ressortent, à tout le moins sommairement, mais d’une façon cohérente et compréhensible, du texte de la requête elle-même. Si le corps de celle-ci peut être étayé et complété, sur des points spécifiques, par des renvois à des passages déterminés de pièces qui y sont annexées, un renvoi global à d’autres écrits, même annexés à la requête, ne saurait pallier l’absence des éléments essentiels de l’argumentation en droit, qui, en vertu des dispositions rappelées ci-dessus, doivent figurer dans la requête. En outre, il n’appartient pas au Tribunal de rechercher et d’identifier, dans les annexes, les moyens et arguments qu’il pourrait considérer comme constituant le fondement du recours, les annexes ayant une fonction purement probatoire et instrumentale (voir arrêt du Tribunal du 17 septembre 2007, Microsoft/Commission, T‑201/04, Rec. p. II‑3601, point 94, et la jurisprudence citée). Or, en l’espèce, pour étayer son allégation selon laquelle les critiques en cause sont erronées, la requérante se borne à renvoyer au contenu d’une annexe de la requête, constituée par un document de CL, postérieur à la décision attaquée, intitulé « Commentaires supplémentaires sur les critiques soulevées dans la décision d’interdiction ». Force est de constater que, s’agissant de ladite allégation, le corps de la requête ne contient pas d’argumentation dont le contenu serait précisé par l’annexe en cause. D’ailleurs, la requérante se borne à effectuer un renvoi global à cette annexe, sans plus d’indication. L’ensemble de l’argumentation de la requérante relative à cette allégation se trouve donc dans l’annexe et non dans le corps de la requête. Dans ces conditions, ladite allégation doit être écartée comme irrecevable.

355    Il s’ensuit que le septième grief doit être rejeté.

–       Sur le huitième grief

356    La requérante prétend que l’assertion de la Commission selon laquelle la proportion des économies qui serait répercutée sur les consommateurs est impossible à déterminer est erronée. L’allégation selon laquelle les parties à la concentration pourraient récupérer une fraction substantielle des gains d’efficacité serait également erronée. Dans la mesure où les clients auraient bénéficié de gains en termes de liquidité, la Commission aurait dû examiner si le montant de ces gains aurait été contrebalancé par les hausses de prix postérieures à la concentration.

357    À cet égard, dès lors que, ainsi qu’il découle de ce qui précède, aucun élément n’a remis en cause l’appréciation de la Commission selon laquelle les gains en termes de liquidité ne sont pas vérifiables, le présent grief, lequel a trait, en substance, à la question de savoir si les gains d’efficacité sont à l’avantage des consommateurs, est inopérant. En effet, ainsi qu’il ressort du paragraphe 78 des lignes directrices de 2004, les conditions selon lesquelles les gains d’efficacité doivent être à l’avantage des consommateurs, être propres à la concentration et être vérifiables, sont cumulatives.

358    Il s’ensuit que le huitième grief doit être écarté, ainsi que, par voie de conséquence, la troisième branche dans son intégralité.

 Sur la quatrième branche, relative aux économies sur les coûts informatiques et d’infrastructure

359    Dans le cadre de cette branche, la requérante avance, en substance, trois griefs.

360    Par le premier grief, la requérante soutient que la Commission a rejeté, à tort, les économies sur les coûts informatiques et d’accès utilisateur au motif que celles-ci n’étaient pas vérifiables. En rejetant les éléments de preuve s’y rapportant, la Commission aurait imposé une charge de la preuve trop lourde sur les parties à la concentration, allant à l’encontre des lignes directrices de 2004 et de l’arrêt Ryanair/Commission, point 61 supra.

361    À cet égard, il convient de rappeler, tout d’abord, que, selon le paragraphe 87 des lignes directrices de 2004, il appartient aux parties à la concentration de communiquer, en temps utile, toutes les informations nécessaires afin de prouver que les gains d’efficacité allégués sont propres à l’opération et ont des chances de se réaliser. De même, c’est à elles qu’il incombe de démontrer que les gains d’efficacité sont susceptibles de contrer les effets négatifs que l’opération pourrait, à défaut, produire sur la concurrence, et donc de profiter aux consommateurs.

362    Il s’ensuit que c’est sur les parties à la concentration que pèse la charge de la preuve du caractère vérifiable des gains d’efficacité allégués. Cette répartition de la charge de la preuve peut être considérée comme étant objectivement justifiée dès lors que, premièrement, ce sont lesdites parties qui détiennent les informations pertinentes à cet égard et, deuxièmement, l’argument tiré des gains d’efficacité vise à contrebalancer les conclusions de la Commission tenant à ce que la concentration projetée entraverait probablement de manière significative la concurrence effective en créant une position dominante.

363    Ensuite, ainsi qu’il ressort, à bon droit, du paragraphe 86 des lignes directrices de 2004, les gains d’efficacité doivent être « vérifiables » pour que la Commission puisse avoir la certitude, dans une mesure raisonnable, que la concrétisation de ces gains est « probable » et qu’ils seront suffisamment importants pour contrebalancer l’effet dommageable potentiel de la concentration sur les consommateurs. Le même paragraphe indique, également à juste titre, que la Commission pourra d’autant mieux évaluer les arguments tirés des gains d’efficacité que ces arguments seront « précis et convaincants ». Il est précisé que, dans la mesure du possible, les gains d’efficacité et le bénéfice en résultant pour les consommateurs devront être « quantifiés » et que, lorsque les données nécessaires pour permettre une analyse quantitative précise ne sont pas disponibles, il doit être possible de prévoir un effet positif sur les consommateurs « clairement identifiable et non un effet marginal ». La condition relative au caractère vérifiable des gains d’efficacité n’exige donc pas que la partie notifiante produise des données susceptibles d’être vérifiées de manière indépendante par un tiers ou des documents antérieurs à la concentration permettant d’évaluer de manière objective et indépendante l’étendue des gains d’efficacité générés par l’acquisition (arrêt Ryanair/Commission, point 61 supra, point 406).

364    Enfin, il est à rappeler que la Commission a examiné les allégations des parties à la concentration relatives aux gains d’efficacité en termes de coûts informatiques et d’accès utilisateurs aux considérants 1161 à 1186 de la décision attaquée. Elle a conclu, au considérant 1187 de ladite décision, que ces gains n’étaient pas vérifiables et que, même à supposer qu’ils le soient, il serait difficile de déterminer s’ils étaient propres à la concentration et dans quelle mesure ils seraient répercutés sur les clients. S’agissant, plus particulièrement, de l’absence de caractère vérifiable de ces gains, la Commission a indiqué, au considérant 1175 de cette décision, que, en tenant compte également de l’absence de fiabilité s’expliquant par les irrégularités importantes observées dans les éléments de preuve produits par lesdites parties, les économies alléguées n’avaient pas été prouvées à suffisance.

365    En l’espèce, il doit être relevé que la Commission n’a pas écarté les données présentées par les parties à la concentration au seul motif qu’elles auraient reposé sur des présomptions qui ne pouvaient être vérifiées de manière indépendante, ni n’a exigé un type particulier de document, comme c’était le cas dans l’arrêt Ryanair/Commission, point 61 supra, que la requérante invoque au soutien de son argumentation. Elle ne les a pas non plus rejetés au motif qu’une quantification précise des gains serait requise.

366    En effet, il convient de relever, au regard d’une lecture globale des considérants 1168 à 1172 de la décision attaquée, que l’affirmation, figurant au considérant 1168 de ladite décision, selon laquelle il est raisonnablement permis de s’attendre à ce que les parties à la concentration évaluent soit de manière autonome, soit avec l’aide de consultants ou d’experts externes, les perspectives d’économies et de synergies avant même la réalisation de l’opération notifiée, ainsi que l’affirmation, figurant au considérant 1169 de cette décision, selon laquelle les experts économiques desdites parties ont déclaré qu’ils n’avaient ni été impliqués dans les discussions avec les clients, ni vérifié les estimations relatives aux économies de coûts réalisées par les personnes interrogées, ne constituent pas le fondement du rejet par la Commission des éléments de preuve avancés par ces parties.

367    Comme il ressort des considérants 1168 à 1172 de la décision attaquée, la Commission a en effet estimé que les éléments de preuve avancés par les parties à la concentration n’étaient pas satisfaisants en raison de leur manque de fiabilité, de sorte qu’ils ne permettaient pas de vérifier les gains allégués. En particulier, la Commission a relevé, au considérant 1169 de ladite décision, que lesdites parties avaient effectué des extrapolations à partir des estimations obtenues à la suite de l’envoi à certains clients, dans des délais serrés, d’un nombre très limité de courriers électroniques ad hoc mal rédigés. Au considérant 1172 de cette décision, elle a conclu que les éléments de preuve produits ne permettaient pas de vérifier les économies alléguées. De surcroît, au considérant 1175 de la même décision, elle s’est référée, notamment, à l’absence de fiabilité s’expliquant par les irrégularités importantes observées dans les éléments de preuve produits par ces parties, afin de conclure que les économies alléguées n’avaient pas été prouvées à suffisance. C’est donc la faiblesse des preuves présentées par les mêmes parties qui a justifié les conclusions de la Commission.

368    Ainsi, s’agissant des [confidentiel] clients qui sont membres des deux plates-formes de négociation au comptant, la Commission a indiqué, au considérant 1170 de la décision attaquée, qu’elle ignorait l’origine des estimations d’économies de coûts répertoriées par les parties à la concentration, sa demande d’informations du 17 novembre 2011 n’ayant permis d’obtenir aucun éclaircissement, ni aucune explication concernant l’origine et la fiabilité des estimations fournies. Plus spécifiquement, elle a précisé que lesdites parties n’avaient établi aucun lien précis entre les éléments de preuve versés au dossier et les gains d’efficacité que celles-ci alléguaient, ainsi qu’elle l’avait exigé dans ladite demande d’informations, et que ces parties s’étaient bornées à faire référence de façon générale à un grand nombre de discussions avec les utilisateurs et les parties prenantes, ainsi qu’au retour que leur avaient transmis plusieurs utilisateurs des services de négociation au comptant à la suite de présentations que celles-ci leur avaient faites. Elle a donc estimé qu’il était impossible de savoir comment avaient été interprétées les économies supposées, réalisées par client et par groupe de clients, qui avaient ensuite été extrapolées à l’ensemble du groupe et additionnées entre les groupes. Par voie de conséquence, elle a considéré que les éléments de preuve ne lui permettaient pas de vérifier les économies alléguées.

369    S’agissant des [confidentiel] clients membres des deux plates-formes de produits dérivés, la Commission a relevé, au considérant 1171 de la décision attaquée, que, en ce qui concernait les réponses de sept clients évoquées par les parties à la concentration pour justifier leur estimation, soit le délai de réponse imparti auxdits clients par lesdites parties n’était pas indiqué, soit, lorsqu’il pouvait être identifié, il s’avérait extrêmement court (moins de deux jours, voire, dans certains cas, moins d’un jour) et que les questions posées auxdits clients avaient été formulées de manière très générale et informelle, sans qu’aucun modèle soit proposé pour garantir la comparabilité des réponses. Elle a donc estimé qu’il était possible que les réponses ne soient pas cohérentes et ne permettent pas d’établir une moyenne utile des estimations de coûts. Elle a admis que la réponse à sa demande d’informations du 17 novembre 2011 expliquait comment certains des chiffres figurant dans les sept réponses avaient été associés aux dernières estimations de réduction des coûts, mais a toutefois constaté que cette association était en grande partie discrétionnaire et que des entrées importantes dans les dernières estimations retenues faisaient toujours défaut. Elle a donc relevé, au considérant 1172 de ladite décision, qu’il n’était pas possible de comprendre comment avaient été interprétées les économies indiquées, réalisées par clients et par groupes de clients, et que, par conséquent, les éléments de preuve produits ne lui permettaient pas de vérifier les économies alléguées.

370    Enfin, des appréciations similaires sont avancées aux considérants 1173 et 1174 de la décision attaquée, s’agissant, respectivement, des économies réalisées par les fournisseurs de services indépendants et de la baisse des frais de connectivité liée à la consolidation des chambres de compensation.

371    Or, force est de constater que, en l’espèce, la requérante n’a apporté aucun élément permettant de remettre valablement en cause les appréciations portées par la Commission sur les preuves avancées par les parties à la concentration lors de la procédure administrative. Elle se borne en effet à affirmer que, bien que lesdites preuves aient été approximatives, elles montrent que les clients s’attendaient à ce que la concentration donne lieu à des économies nettes en termes de coûts informatiques et d’accès utilisateurs, sans avancer d’élément permettant de mettre en doute les critiques formulées par la Commission à leur égard.

372    En ce qui concerne le fait que la Commission a indiqué, au considérant 1175 de la décision attaquée, qu’il n’était pas possible d’« exclure l’éventualité d’un effet positif pour les clients découlant de la suppression des frais en doublon de maintenance des logiciels, de mise à jour des logiciels et de connexion », il ne saurait en être inféré que, ce faisant, elle a admis que les preuves avancées par les parties à la concentration lors de la procédure administrative permettaient de démontrer l’existence d’un effet clairement identifiable, au sens des lignes directrices de 2004. En outre, il ressort des éléments sur lesquels la Commission s’est fondée pour écarter l’éventualité en cause, en l’occurrence des deux courriels cités dans la note en bas de page n° 995 de la décision attaquée, que certains clients estimaient qu’ils supporteraient des coûts informatiques du fait de la concentration. La circonstance qu’un de ces courriels indique également, comme le fait noter la requérante, qu’un client espère réaliser des économies nettes au bout d’un an et demi ou de deux ans, ne permet pas de remettre en cause l’affirmation de la Commission, laquelle se réfère à la période de transition et de migration. À cet égard, il convient d’ailleurs de remarquer que le paragraphe 86 des lignes directrices de 2004 prévoit, à juste titre, que, d’une manière générale, plus les gains d’efficacité projetés seront éloignés dans le temps, moins la Commission pourra les considérer comme probables. Quant à l’allégation de la requérante selon laquelle rien n’indique que les coûts transitoires liés à l’intégration contrebalanceront les économies de coûts informatiques et d’accès utilisateurs, il suffit de constater que la Commission n’a pas prétendu que tel serait le cas.

373    S’agissant des conclusions de l’étude d’impact de la proposition de directive du Conseil établissant un système commun de taxe sur les transactions financières (voir point 125 ci-dessus), qui, selon la requérante, contredirait l’assertion de la Commission selon laquelle les éléments prouvant les gains en cause ne seraient pas vérifiables, il suffit de relever qu’il s’agit d’un document public et qu’il appartenait aux parties à la concentration de le produire si elles entendaient démontrer les gains d’efficacité allégués en se fondant sur lesdites conclusions, dès lors que la charge de la preuve leur incombe à cet égard. En tout état de cause, ces conclusions ne se réfèrent pas spécifiquement à la concentration en cause, de sorte qu’elles ne sont pas directement pertinentes dans le cadre de l’examen du caractère vérifiable des gains d’efficacité, lesquels doivent être propres à la concentration.

374    Il résulte de ce qui précède que la quatrième branche doit être écartée sans qu’il soit nécessaire d’examiner les deux autres griefs, concernant le caractère propre à la concentration et la répercussion sur les consommateurs.

375    Par conséquent, il convient de rejeter le deuxième moyen dans son intégralité.

 Sur le troisième moyen, tiré d’erreurs de droit et d’appréciation concernant les engagements

376    Ce moyen comporte, en substance, quatre branches, tirées, la première, de ce que le rejet de l’engagement de cession est fondé sur des éléments de preuve inexacts, la deuxième, de ce que l’existence d’une relation symbiotique entre les produits dérivés d’actions et les produits dérivés d’indices est contredite par la définition du marché pertinent retenue par la Commission, la troisième, de ce que le rejet par la Commission de l’engagement sur l’accès des tiers décrédibilise sa définition du marché pertinent et son appréciation des gains d’efficacité et, la quatrième, de ce que le rejet par la Commission de l’engagement de licence est entaché d’une erreur et est contredit par ses conclusions relatives à la concurrence technologique.

377    Avant d’examiner ces branches, il importe de rappeler que l’article 8, paragraphe 2, du règlement nº 139/2004 dispose :

« Lorsque la Commission constate qu’une concentration notifiée, après modifications apportées par les entreprises concernées, répond au critère défini à l’article 2, paragraphe 2, […], elle prend une décision déclarant la concentration compatible avec le marché commun.

La Commission peut assortir sa décision de conditions et de charges destinées à assurer que les entreprises concernées se conforment aux engagements qu’elles ont pris à son égard en vue de rendre la concentration compatible avec le marché commun.

La décision déclarant la concentration compatible est réputée couvrir les restrictions directement liées et nécessaires à la réalisation de la concentration. »

378    Ainsi, d’une part, la Commission a l’obligation d’examiner une opération de concentration telle que celle-ci a été modifiée par les engagements valablement proposés par les parties à l’opération et, d’autre part, elle ne peut la déclarer incompatible avec le marché commun que si ces engagements sont insuffisants pour empêcher la création ou le renforcement d’une position dominante ayant pour conséquence qu’une concurrence effective serait entravée de manière significative. À cet égard, il convient néanmoins de rappeler que la charge de la preuve incombant à la Commission est sans préjudice du large pouvoir d’appréciation que lui confère l’article 8, paragraphe 2, du règlement n° 139/2004 (arrêt du Tribunal du 21 septembre 2005, EDP/Commission, T‑87/05, Rec. p. II‑3745, point 63).

379    En l’espèce, les engagements de décembre se composent, en substance, de trois engagements, à savoir :

–        l’engagement de céder certaines parties des activités des parties à la concentration dans les produits dérivés sur actions individuelles (ci-après l’« engagement de cession ») ;

–        l’engagement d’offrir un accès à la réserve de marge et à la chambre de compensation de l’entité issue de la concentration aux tiers indépendants éligibles, pour certains contrats de produits dérivés éligibles sur obligations européennes, indices boursiers européens ou taux d’intérêt européens [ci-après l’« engagement ITPA » (Independent Third Party Access)] ;

–        l’engagement d’accorder une licence pour le logiciel de négociation des produits dérivés de taux d’intérêt d’Eurex (ci-après l’« engagement de licence »).

380    Les parties à la concentration ont également présenté, de manière informelle, l’engagement de ne pas augmenter les frais de négociation et de compensation des produits dérivés pendant une période de trois ans.

381    Dans le cadre de son appréciation des engagements de décembre, la Commission a, en substance, estimé :

–        que leur portée était insuffisante en ce qu’elle ne permettait pas de résoudre tous les problèmes de concurrence constatés ;

–        qu’ils avaient peu de chances d’être efficaces en pratique, étant donné qu’il existait de sérieux doutes quant à leur faisabilité et à leur capacité à être mis en œuvre et contrôlés ;

–        qu’ils ne conduiraient probablement pas à une entrée en temps utile qui exercerait une pression concurrentielle suffisante sur l’entité issue de la concentration sur tous les marchés où des problèmes de concurrence ont été identifiés.

382    Par voie de conséquence, sur la base de l’analyse des engagements et des résultats de la consultation du marché, la Commission a estimé que, considérés dans leur ensemble, les engagements de décembre ne permettraient pas de corriger les problèmes de concurrence constatés et que, partant, ils n’étaient pas susceptibles de lever l’entrave significative à une concurrence effective sur les marchés identifiés dans la décision attaquée, ni de rendre l’opération notifiée compatible avec le marché commun.

 Sur la première branche, tirée de ce que le rejet de l’engagement de cession est fondé sur des éléments de preuve inexacts

383    La requérante considère comme erronée la conclusion de la Commission selon laquelle la mise en œuvre de l’engagement de cession était incertaine en raison de l’aléa pesant sur l’obtention d’agréments des autorités nationales compétentes, la deuxième enquête de marché ayant montré que [confidentiel] l’obtention de ces agréments pourrait s’avérer problématique. [confidentiel].

384    À cet égard, il convient de constater, d’emblée, que la Commission n’a pas écarté l’engagement de cession au seul motif que sa mise en œuvre était incertaine en raison de l’aléa pesant sur l’obtention d’agréments.

385    En effet, en premier lieu, s’il est vrai que, dans le cadre de sa conclusion selon laquelle la portée des engagements de décembre était insuffisante, la Commission s’est référée, au considérant 1447 de la décision attaquée, s’agissant de l’engagement de cession, à l’éventuelle difficulté d’obtenir les autorisations réglementaires requises, il n’en demeure pas moins qu’elle a également estimé, au regard de la deuxième phase de l’enquête de marché, que l’obtention des autorisations réglementaires nécessaires pourrait impliquer des retards dans la procédure de cession, ce qui entraînerait un risque d’exécution et d’évaluation important pour l’acheteur potentiel. Ce constat n’a pas été contesté par la requérante dans la requête. Quant au grief, avancé au stade de la réplique, selon lequel les retards évoqués audit considérant n’étaient pas étayés par des éléments de preuve, il doit être rejeté comme irrecevable, dès lors qu’il n’a pas été avancé dans la requête, laquelle ne contestait pas ce motif de ladite décision, et qu’il ne se fonde pas sur des éléments de droit et de fait qui se sont révélés pendant la procédure . Au demeurant, même à le supposer fondé, ce grief ne saurait emporter de conséquence sur cette décision, dès lors que, ainsi qu’il résulte de l’examen de la présente branche et de la deuxième branche, le rejet de l’engagement de cession repose également sur d’autres motifs, dont la requérante reste en défaut de remettre valablement en cause le fondement.

386    En deuxième lieu, dans le cadre de sa conclusion selon laquelle les engagements de décembre n’étaient pas de nature à dissiper les problèmes de concurrence, la Commission a estimé, au considérant 1452 de la décision attaquée, s’agissant de l’engagement de cession, que, à supposer que toute l’activité des produits dérivés sur actions individuelles de NYSE Euronext soit effectivement cédée, l’activité cédée représenterait [confidentiel] % des recettes réalisées dans le domaine des produits dérivés. À cet égard, elle a estimé, en substance, que, à supposer que l’acheteur conserve l’entièreté de la position de place cédée, ce qui semblait peu probable à la lumière des résultats de l’enquête de marché, ce serait un opérateur de faible envergure qui émergerait et serait placé en situation de concurrence directe avec l’entité issue de la concentration. En outre, elle a noté que ce type de concurrence ne serait pas égalitaire, puisque l’acheteur n’aurait pas nécessairement la possibilité d’offrir la négociation des actions au comptant sous-jacentes et des produits dérivés d’indices boursiers afférents. Ce constat n’a pas non plus été contesté par la requérante.

387    En dernier lieu, dans le cadre de sa conclusion selon laquelle il est peu probable que les engagements de décembre conduisent à une entrée en temps utile et suffisante, la Commission a estimé, au considérant 1460 de la décision attaquée, que, s’agissant de l’engagement de cession, il était difficile de démontrer dans quelle mesure il serait possible de trouver un acheteur approprié, notamment au vu de la viabilité contestable de l’activité et des obstacles réglementaires potentiels qui placeraient l’acheteur potentiel face à un risque considérable. Elle a ajouté, aux considérants 1461 et 1462 de ladite décision, que, si les parties à la concentration avaient soutenu être en pourparlers avec plusieurs acheteurs potentiels intéressés par les activités dont celles-ci proposaient la cession, seul [confidentiel] aurait indiqué qu’il pourrait être intéressé en fonction de l’évaluation de l’activité. Or, selon la Commission, même si [confidentiel] devait acquérir les activités dont la cession est proposée, il serait peu probable, étant donné la portée limitée desdites activités, que celle-ci soit en mesure d’exercer sur l’entité issue de la concentration une pression concurrentielle analogue à celle que lesdites parties exerçaient l’une sur l’autre dans le domaine des produits dérivés sur actions individuelles européennes avant la concentration. Ces constats n’ont pas été valablement réfutés par la requérante dans la requête.

388    Il résulte de ce qui précède que le rejet de l’engagement de cession ne repose pas uniquement sur l’incertitude quant à l’octroi d’autorisations réglementaires, qui a trait à la portée de cet engagement, mais sur un ensemble de motifs distincts, qui ont trait à la question de savoir s’il est de nature à dissiper les problèmes de concurrence et s’il conduirait à une entrée en temps utile et suffisante.

389    Or, dès lors que, ainsi qu’il ressort de la requête, l’argumentation avancée par la requérante au soutien de la présente branche ne concerne que l’incertitude quant à l’octroi d’autorisations réglementaires, ladite branche ne peut qu’être écartée, sous réserve de l’examen de la deuxième branche, laquelle concerne également l’engagement de cession.

 Sur la deuxième branche, tirée de ce que l’existence d’une relation symbiotique entre les produits dérivés d’actions et les produits dérivés d’indices est contredite par la définition du marché pertinent retenue par la Commission

390    La requérante conteste l’existence d’une relation symbiotique entre les produits dérivés d’actions et les actions sous-jacentes, d’une part, et les produits dérivés d’actions et les produits dérivés d’indices, d’autre part, impliquant que l’acquéreur de l’activité cédée par les parties à la concentration ne serait pas en mesure de concurrencer celles-ci, sauf à proposer à la fois les produits dérivés et les actions sous-jacentes. En tout état de cause, à supposer qu’une telle relation existe, la Commission ne l’aurait pas prise en compte lors de son analyse des pressions concurrentielles. Enfin, n’ayant jamais soulevé un tel argument devant lesdites parties au cours de la procédure administrative, la Commission aurait violé leurs droits de la défense.

391    À cet égard, il convient de relever que la Commission a indiqué, au considérant 1364 de la décision attaquée, que l’enquête de marché avait révélé que les contrats de produits dérivés sur actions individuelles présentaient une relation symbiotique avec les actions au comptant sous-jacentes, d’une part, et avec les produits dérivés d’indices boursiers, d’autre part. Au considérant 1365 de ladite décision, elle a ajouté que, étant donné que la cession proposée ne prévoyait la cession d’aucun de ces produits symbiotiques, le lien serait rompu, en mettant sous pression la viabilité à terme des activités cédées, puisque la viabilité d’une réserve de marge dépendait d’une sélection croisée des contrats, de la capacité à offrir des compensations de marge et de l’ampleur du portefeuille de produits. Ainsi, les acteurs du marché auraient exprimé de sérieux doutes quant à la viabilité des activités cédées sur le long terme.

392    Il convient également de souligner que, dans le cadre de l’appréciation de la portée des engagements de décembre, la Commission a relevé, au considérant 1448 de la décision attaquée, que, s’agissant de l’engagement de cession, si lesdits engagements s’attaquaient certes, dans une certaine mesure, au problème de la relation symbiotique entre les produits dérivés sur actions individuelles et les produits dérivés d’indices boursiers en offrant une compensation des marges entre les contrats dérivés sur actions individuelles cédés et les contrats dérivés d’indices boursiers dans la réserve de marge de l’entité issue de la concentration, les problèmes liés à la relation symbiotique entre les produits dérivés sur actions individuelles et les valeurs mobilières au comptant sous-jacentes n’étaient pas résolus. Par voie de conséquence, elle a estimé que, ainsi qu’il était ressorti de l’enquête de marché, il était possible que, pour des raisons de viabilité, les activités cédées devaient inclure quelques actifs supplémentaires.

393    En l’espèce, force est de constater, d’emblée, que, même à supposer que la relation symbiotique en cause, qui a été évoquée dans le cadre de l’examen de la portée de l’engagement de cession, n’existait pas, cela serait sans influence sur le rejet de l’engagement de cession, dès lors que ledit rejet est également fondé, ainsi qu’il ressort de la première branche, sur d’autres motifs que ceux en cause dans le cadre de la présente branche, qui ont trait à la question de savoir si l’engagement en cause est de nature à dissiper les problèmes de concurrence et s’il conduirait à une entrée en temps utile et suffisante.

394    La deuxième branche est donc inopérante.

395    En tout état de cause, la deuxième branche est non fondée.

396    En effet, en premier lieu, l’existence de la relation symbiotique a été mise en évidence, notamment, par les réponses à la première phase de l’enquête de marché, ainsi qu’il ressort du considérant 1364 et de la note en bas de page n° 1173 de la décision attaquée. Or, la requérante reste en défaut de démontrer qu’une telle relation ne ressort pas desdites réponses ou de contester valablement celles-ci et se borne à faire référence, sans se fonder sur des preuves concrètes, à des exemples contraires, et, notamment, au fait que les parties à la concentration proposent des produits dérivés d’indices boursiers sans offrir l’intégralité des actions individuelles couvertes par l’indice. Quant à la circonstance que le marché des produits dérivés de Liffe au Royaume-Uni serait déconnecté des marchés au comptant sous-jacents, elle n’est pas en mesure de remettre en cause les appréciations de la Commission fondées sur l’enquête de marché. Au surplus, l’existence de la relation symbiotique entre les produits dérivés d’indices boursiers et les produits dérivés d’actions individuelles ressort également, ainsi qu’il découle du considérant 829 de ladite décision, d’un document interne de NYSE Euronext, lequel indique que la guerre des dérivés d’actions cotées en bourse en Europe oppose NYSE Euronext à Eurex, étant entendu que cette dernière détient une part de marché plus importante, en raison notamment de l’effet gravitationnel du gigantesque contrat indiciel EURO STOXX d’Eurex.

397    En deuxième lieu, s’agissant de l’argument selon lequel la Commission n’a pas pris en compte cette relation symbiotique dans le cadre de son analyse concurrentielle, la requérante n’indique pas dans quelle mesure ladite analyse aurait dû l’être. Quoi qu’il en soit, il découle du considérant 958 de la décision attaquée que la relation en cause a été appréhendée comme une barrière à l’entrée sur le marché des produits dérivés d’actions individuelles.

398    En troisième lieu, il découle du dossier que la question de la relation en cause a, contrairement à ce que prétend la requérante, été évoquée devant les parties à la concentration au cours de la procédure administrative, lors d’une réunion du 6 décembre 2011, ce que la requérante ne conteste pas. Aussi, même si cet aspect n’a pas été évoqué dans la communication des griefs, il n’en demeure pas moins que la requérante a eu la possibilité de prendre position à cet égard, de sorte que son droit d’être entendue n’a pas été violé.

399    En dernier lieu, s’agissant du grief, présenté au stade de la réplique, selon lequel l’appréciation, dans la décision attaquée, de l’engagement de cession reposerait sur des éléments de preuve déficients et contradictoires, force est de constater qu’il n’a pas été soulevé, en tant que tel, au stade de la requête. Il a, en outre, trait aux éléments pris en compte dans le cadre de l’appréciation de la viabilité et de l’attractivité de l’engagement de cession, ce qui est une question distincte de celles évoquées, dans la requête, dans le cadre de la première et de la seconde branches du présent moyen, qui concernent des appréciations effectuées dans le contexte de l’examen par la Commission de la portée de cet engagement. Dans la mesure où il ne se fonde pas sur des éléments de droit et de fait qui se sont révélés pendant la procédure, ce grief doit donc être écarté comme irrecevable. En tout état de cause, pour les motifs évoqués par la Commission dans la duplique, il ne peut qu’être rejeté comme non fondé. En effet, premièrement, la circonstance que la Commission s’est basée sur une réponse anonyme ne remet pas en cause la pertinence des autres éléments sur lesquels elle s’est fondée, la requérante ne démontrant pas, de surcroît, que les conclusions tirées de l’enquête de marché auraient été différentes si cette réponse anonyme avait été omise. Deuxièmement, la requérante n’a pas valablement étayé son allégation selon laquelle ladite décision est largement fondée sur des réponses de concurrents « ayant naturellement intérêt à voir la concentration interdite ». Troisièmement, les arguments relatifs au caractère vicié de la position de la Commission concernant l’attractivité de l’engagement de cession ne peuvent qu’être écartés, dès lors que, contrairement à ce que laisse entendre la requérante, [confidentiel] et [confidentiel] ont été consultés sur la version de décembre 2011 de cet engagement, ceux-ci n’ayant, à cette occasion, pas marqué d’intérêt inconditionnel à ce dernier. En outre, ainsi qu’il ressort du considérant 1432 de cette décision, [confidentiel] et [confidentiel] n’ont pas marqué leur intérêt. Quatrièmement, concernant le fait que la même décision n’a pas évalué la crédibilité de l’offre non contraignante faite par [confidentiel], il suffit de rappeler que, ainsi qu’il ressort du considérant 1463 de la décision en cause, d’une part, [confidentiel] avait reçu les questionnaires de consultation du marché concernant les engagements et n’y a pas répondu, en dépit des rappels, ce qui n’est pas contesté par la requérante et, d’autre part, même si [confidentiel] avait eu un intérêt véritable dans l’acquisition des activités dont la cession était proposée, des inquiétudes n’en subsisteraient pas moins quant à la viabilité et à la faisabilité de l’engagement.

400    La deuxième branche doit donc être écartée.

 Sur la troisième branche, tirée de ce que le rejet par la Commission de l’engagement ITPA décrédibilise sa définition du marché pertinent et son appréciation des gains d’efficacité

401    La requérante estime que les arguments avancés par la Commission pour rejeter l’engagement ITPA sont dénués de fondement. En premier lieu, elle fait valoir que, si l’argument de la Commission, selon lequel la corrélation entre les contrats, utilisée pour la mise en œuvre de cet engagement, fluctue dans le temps et n’est donc pas fiable pour déterminer si un produit constitue un substitut concurrentiel proche était valable, il en résulte que son argument selon lequel les produits dérivés TILT et les produits dérivés TICT exercent des pressions concurrentielles mutuelles du fait de leur corrélation est inexact. En second lieu, l’argument de la Commission selon lequel l’engagement ITPA renforce les réserves de marge des parties à la concentration ne serait pas compatible avec les indications fournies par les concurrents et sur lesquelles celle-ci aurait pris appui, dont il ressortirait qu’ils auraient besoin d’accéder à ces réserves de marge pour pouvoir se poser en concurrents.

402    Force est de constater, d’emblée, que la présente branche doit également être écartée comme inopérante, dès lors que l’argumentation avancée par la requérante à son soutien ne permet pas de remettre en cause le rejet de l’engagement ITPA par la Commission.

403    En effet, les arguments dont la requérante conteste le bien-fondé ont été avancés par la Commission dans le cadre de sa conclusion selon laquelle les engagements de décembre ne permettaient pas de résoudre les problèmes de concurrence. Or, à l’instar des autres engagements, l’engagement ITPA a également été écarté, premièrement, dans le cadre des conclusions de la Commission selon lesquelles la portée des engagements de décembre était insuffisante, comme il découle, en substance, des considérants 1446 et 1449 de la décision attaquée, deuxièmement, dans le cadre des conclusions selon lesquelles lesdits engagements ne permettent pas une entrée suffisante et en temps utile, comme il ressort en substance du considérant 1464 de ladite décision, et, troisièmement, dans le cadre des conclusions selon lesquelles ces engagements seraient difficiles à mettre en œuvre et à contrôler, comme il est indiqué aux considérants 1469 à 1471 de cette décision.

404    Il découle en substance des considérants 1446, 1449, 1464 et 1469 à 1471 de la décision attaquée que la Commission a estimé que l’engagement ITPA avait une portée insuffisante, que, son effet n’étant pas semblable à celui d’une cession, il serait insuffisant et ne pourrait être accepté, que des doutes considérables existaient sur son efficacité et qu’il était de nature complexe et nécessiterait un contrôle qui se révélerait difficile à mettre en place au moyen des outils prévus par les règles relatives au contrôle des concentrations. Ces considérations n’ont pas été contestées par la requérante.

405    Aussi, même à supposer que les arguments avancés par la requérante dans le cadre de la présente branche soient fondés, ils ne sauraient remettre en cause le rejet de l’engagement ITPA par la Commission.

406    En tout état de cause, lesdits arguments ne sont pas fondés.

407    En effet, en premier lieu, s’agissant de l’argument relatif à la corrélation, il est à noter que la requérante n’avance aucun élément visant à remettre en cause l’appréciation, figurant au considérant 1453 de la décision attaquée, selon laquelle ladite corrélation ne constitue pas l’outil le mieux adapté, car celle-ci ne permet pas d’établir a priori, et avec un degré de certitude suffisant, les contrats éligibles pour bénéficier de l’engagement en cause, étant donné que son calcul dépend fortement de données détenues par les parties à la concentration et que le degré de corrélation entre deux contrats peut considérablement fluctuer dans le temps. Ensuite, il doit être constaté que, ainsi qu’il ressort notamment des considérants 419 et 814 de ladite décision, la Commission a laissé ouverte la question de savoir si le marché des produits dérivés de taux d’intérêt devait être divisé entre les produits dérivés TICT et les produits dérivés TILT et que, si, comme il ressort du considérant 414 de cette décision, un acteur a indiqué, lors de l’audition, que ces derniers pouvaient être substituables, la Commission n’a pas, quant à elle, expressément considéré que les produits dérivés TICT et les produits dérivés TILT exerçaient des pressions mutuelles du fait de leur corrélation, contrairement à ce que laisse entendre la requérante. L’argument relatif à la corrélation doit donc être écarté.

408    En deuxième lieu, il doit être relevé que la requérante ne conteste pas, en tant que telle, l’affirmation, figurant au considérant 1454 de la décision attaquée, selon laquelle l’engagement ITPA renforcerait la réserve de marge de l’entité issue de la concentration ainsi que sa position en tant qu’acteur dominant dans le domaine de la négociation et de la compensation des produits dérivés en Europe, de sorte qu’il serait peu probable que les engagements de décembre créent une force concurrentielle indépendante et viable sur les marchés des produits dérivés en cause en Europe, qui soit en mesure d’exercer effectivement sur la nouvelle entité une pression analogue à celle que les parties à la concentration exerçaient l’une sur l’autre avant celle-ci. Elle se borne à faire valoir que cette affirmation ne serait pas compatible avec les indications selon lesquelles les concurrents desdites parties ont besoin d’accéder à cette réserve de marge pour se poser en concurrents. Or, elle procède à cet égard par pure affirmation et n’apporte aucun élément permettant de considérer que les deux affirmations seraient incompatibles.

409    En troisième lieu, s’agissant du grief, soulevé au stade de la réplique, selon lequel la Commission aurait dû, pour examiner l’engagement ITPA, recourir à d’autres preuves que celles issues de l’enquête de marché, force est de constater qu’il n’a pas été soulevé au stade de la requête et, dans la mesure où il ne se fonde pas sur des éléments de droit et de fait qui se sont révélés pendant la procédure, est donc irrecevable. Au demeurant, la requérante reste en défaut d’indiquer les éléments de preuve qualitatifs ou quantitatifs sur lesquels la Commission aurait dû se fonder.

410    Il résulte de l’ensemble de ce qui précède que la troisième branche doit être écartée.

 Sur la quatrième branche, tirée de ce que le rejet par la Commission de l’engagement de licence est entaché d’une erreur et est contredit par ses conclusions relatives à la concurrence technologique

411    La requérante prétend que le fait que la Commission soutient que les parties à la concentration sont le principal concurrent l’une de l’autre et le seul moteur d’innovation en matière de technologie des systèmes de négociation est contradictoire avec la conclusion de celle-ci selon laquelle des systèmes de négociation aussi adaptés peuvent être acquis auprès de multiples autres sources.

412    En l’espèce, il ressort du considérant 1455 de la décision attaquée que la Commission a estimé comme peu probable le fait que l’engagement de licence contribue significativement à la résolution des problèmes de concurrence répertoriés dans ladite décision, dans la mesure où une telle licence n’est pas considérée par les acteurs du marché comme une véritable barrière à l’entrée sur le marché de la négociation et de la compensation de produits dérivés de taux d’intérêt.

413    À cet égard, il échet de constater que, outre le fait que la requérante procède par pure affirmation, elle ne conteste pas les indications figurant au considérant 1455 de la décision attaquée et dont il ressort que l’octroi d’une licence ne constitue pas une barrière à l’entrée et, d’autre part, qu’aucun élément ne permet d’estimer que lesdites considérations présenteraient une incohérence avec le constat selon lequel les parties à la concentration sont les principaux moteurs d’innovation. La question de la concurrence par l’innovation est en effet une question distincte de l’octroi d’une licence pour accéder à la technologie existante.

414    Il s’ensuit que la quatrième branche doit être rejetée, ainsi que, par voie de conséquence, le troisième moyen.

3.     Sur la demande de mesure d’organisation de la procédure

415    Ainsi qu’il ressort du point 33 ci-dessus, la requérante a introduit une demande de mesure d’organisation de la procédure, en vertu de l’article 64, paragraphe 4, du règlement de procédure, visant à ce qu’il soit ordonné à la Commission de produire un document, en l’occurrence un mémorandum du chef de l’unité chargée des affaires de concurrence de la DG « Entreprise et Industrie » de la Commission, lequel a été établi dans le cadre du projet de concentration et évoqué dans un article de presse.

416    La requérante fait, notamment, valoir que ce document est une preuve pertinente pour démontrer que la Commission a commis une erreur dans la définition du marché de produit en cause et a préjugé l’issue de la procédure.

417    À cet égard, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, c’est au Tribunal qu’il appartient d’apprécier l’utilité de mesures d’organisation de la procédure [arrêt de la Cour du 2 octobre 2003, Corus UK/Commission, C‑199/99 P, Rec. p. I‑11177, point 67 ; arrêts du Tribunal du 20 mars 1991, Pérez-Mínguez Casariego/Commission, T‑1/90, Rec. p. II‑143, point 94, et du 12 septembre 2007, Neumann/OHMI (Forme d’une tête de microphone), T‑358/04, Rec. p. II‑3329, point 66].

418    Or, à la lumière des éléments du dossier et au vu des moyens, griefs et arguments invoqués par la requérante, il apparaît qu’une telle mesure n’est ni pertinente ni nécessaire pour statuer sur le présent litige. En effet, le document en cause est un document interne à la Commission ayant un caractère préparatoire, dès lors qu’il a été élaboré dans le cadre de la procédure ayant conduit à l’adoption de la décision attaquée. Or, la légalité de celle-ci, s’agissant en particulier de la définition du marché de produit en cause, ne doit être appréciée qu’au regard des considérations qu’elle énonce, et non au regard de documents préparatoires antérieurs. En outre, la requérante n’a développé, dans la requête, aucun moyen explicite visant à faire valoir que la Commission aurait préjugé l’issue de la procédure, que le document demandé serait en mesure d’étayer.

419    En tout état de cause, il est à noter que le Tribunal a pu utilement statuer sur la base des conclusions, moyens et arguments développés en cours d’instance et au vu des documents déposés par les parties.

420    Il s’ensuit que la demande de mesure d’organisation de la procédure doit être écartée.

421    Il résulte de l’ensemble de ce qui précède que le recours doit être rejeté.

 Sur les dépens

422    Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La partie requérante ayant succombé, il y a lieu de condamner cette dernière à supporter ses propres dépens ainsi que ceux exposés par la Commission et par Icap, conformément aux conclusions de ces dernières.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (troisième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Deutsche Börse AG supportera ses propres dépens, ainsi que ceux exposés par la Commission européenne et par Icap Securities Ltd.

Papasavvas

Forwood

Bieliūnas

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 9 mars 2015.

Signatures

Table des matières


Antécédents du litige

1.  Parties à la concentration

2.  Procédure administrative

3.  Décision attaquée

Procédure

Conclusions des parties

En droit

1.  Sur le caractère opérant des moyens du recours

2.  Sur le fond

Sur le premier moyen, tiré d’erreurs de droit et d’appréciation concernant l’analyse des éléments de preuve disponibles

Sur la première branche, tirée de ce que la Commission n’a pas suffisamment tenu compte des pressions concurrentielles horizontales

–  Sur le premier grief

–  Sur le deuxième grief

–  Sur le troisième grief

–  Sur le quatrième grief

Sur la seconde branche, tirée de ce que la Commission n’a pas examiné de façon suffisante les pressions liées à la demande

–  Sur le premier grief

–  Sur le deuxième grief

–  Sur le troisième grief

–  Sur le quatrième grief

–  Sur le cinquième grief

Sur le deuxième moyen, tiré d’erreurs de droit et d’appréciation concernant les gains d’efficacité

Sur la première branche, relative à la communication des éléments relatifs aux gains d’efficacité

Sur la deuxième branche, relative aux économies en termes de garanties

–  Sur le premier grief

–  Sur le deuxième grief

–  Sur le troisième grief

–  Sur le quatrième grief

–  Sur le cinquième grief

Sur la troisième branche, relative aux effets sur la liquidité

–  Sur le premier grief

–  Sur le deuxième grief

–  Sur le troisième grief

–  Sur le quatrième grief

–  Sur le cinquième grief

–  Sur le sixième grief

–  Sur le septième grief

–  Sur le huitième grief

Sur la quatrième branche, relative aux économies sur les coûts informatiques et d’infrastructure

Sur le troisième moyen, tiré d’erreurs de droit et d’appréciation concernant les engagements

Sur la première branche, tirée de ce que le rejet de l’engagement de cession est fondé sur des éléments de preuve inexacts

Sur la deuxième branche, tirée de ce que l’existence d’une relation symbiotique entre les produits dérivés d’actions et les produits dérivés d’indices est contredite par la définition du marché pertinent retenue par la Commission

Sur la troisième branche, tirée de ce que le rejet par la Commission de l’engagement ITPA décrédibilise sa définition du marché pertinent et son appréciation des gains d’efficacité

Sur la quatrième branche, tirée de ce que le rejet par la Commission de l’engagement de licence est entaché d’une erreur et est contredit par ses conclusions relatives à la concurrence technologique

3.  Sur la demande de mesure d’organisation de la procédure

Sur les dépens


* Langue de procédure : l’anglais.


1 – Données confidentielles occultées.