Language of document : ECLI:EU:T:2015:373

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (septième chambre)

11 juin 2015 (*)

« Médicaments à usage humain – Médicaments orphelins – Autorisation de mise sur le marché du médicament Cholic Acid FGK (renommé Kolbam) – Indications thérapeutiques – Exclusivité commerciale – Article 8, paragraphe 1, du règlement (CE) n° 141/2000 »

Dans l’affaire T‑452/14,

Laboratoires CTRS, établis à Boulogne-Billancourt (France), représentés par Mmes K. Bacon, barrister, M. Utges Manley et M. Vickers, solicitors,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par M. E. White, Mme P. Mihaylova et M. A. Sipos, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

soutenue par

ASK Pharmaceuticals GmbH, établie à Munich (Allemagne), représentée par Me M. Ambrosius, avocat,

partie intervenante,

ayant pour objet, à titre principal, une demande d’annulation partielle de la décision d’exécution C (2014) 2375 de la Commission, du 4 avril 2014, portant autorisation, dans des circonstances exceptionnelles, de mise sur le marché du médicament orphelin à usage humain « Cholic Acid FGK – Acide cholique » au titre du règlement (CE) n° 726/2004 du Parlement européen et du Conseil, telle que modifiée par la décision d’exécution C (2014) 6508 de la Commission, du 11 septembre 2014, transférant et modifiant l’autorisation de mise sur le marché accordée dans des circonstances exceptionnelles par la décision C (2014) 2375 pour le médicament orphelin à usage humain « Kolbam – Acide cholique », en ce qu’elle indique, en substance, que la mise sur le marché de ce médicament est autorisée pour les indications thérapeutiques du médicament Orphacol, ou, à titre subsidiaire, une demande d’annulation de l’article 1er de cette décision,

LE TRIBUNAL (septième chambre),

composé de M. M. van der Woude, président, Mme I. Wiszniewska-Białecka (rapporteur) et M. I. Ulloa Rubio, juges,

greffier : Mme C. Heeren, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 4 février 2015,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        En juillet 2007, la requérante, les Laboratoires CTRS, est devenue le promoteur d’un médicament dont le principe actif était l’acide cholique, qui était destiné à traiter deux rares affections hépatiques et qui avait été désigné en tant que médicament orphelin par la Commission des Communautés européennes le 18 décembre 2002.

2        Afin de favoriser le développement de traitements efficaces pour les patients souffrant d’affections rares, le Parlement européen et le Conseil de l’Union européenne ont adopté le règlement (CE) n° 141/2000, du 16 décembre 1999, concernant les médicaments orphelins (JO 2000, L 18, p. 1). Ce règlement, entré en vigueur le 22 janvier 2000, introduit un système d’incitations visant à encourager les entreprises pharmaceutiques à investir dans la recherche, le développement et la mise sur le marché de médicaments destinés à diagnostiquer, à prévenir ou à traiter des affections rares, dits « médicaments orphelins ».

3        Selon le considérant 8 du règlement n° 141/2000, la mesure d’incitation la plus efficace pour amener l’industrie pharmaceutique à investir dans le développement et la commercialisation des médicaments orphelins est la perspective d’obtenir une exclusivité commerciale pendant un certain nombre d’années au cours desquelles une partie de l’investissement pourrait être récupérée.

4        À cet égard, l’article 8 du règlement n° 141/2000 prévoit que les médicaments orphelins pour lesquels une autorisation de mise sur le marché (ci-après « AMM ») a été accordée bénéficient d’une exclusivité commerciale :

« 1. Lorsqu’une [AMM] est accordée pour un médicament orphelin en application du règlement [(CE) n° 726/2004] ou lorsque tous les États membres ont accordé une [AMM] pour ce médicament, conformément aux procédures de reconnaissance mutuelle prévues aux articles [17 et 18 ou à l’article 28, paragraphe 4, de la directive 2001/83/CE], et sans préjudice des dispositions du droit de la propriété intellectuelle ou de toute autre disposition de droit communautaire, la Communauté et les États membres s’abstiennent, pendant dix ans, eu égard à la même indication thérapeutique, d’accepter une autre demande d’[AMM], d’accorder une [AMM] ou de faire droit à une demande d’extension d’une [AMM] existante pour un médicament similaire.

[…]

3. Par dérogation au paragraphe 1 et sans préjudice des dispositions du droit de la propriété intellectuelle ou de toute autre disposition de droit communautaire, un médicament similaire peut se voir accorder une [AMM], pour la même indication thérapeutique, dans l’un des cas suivants :

[…]

c)       le second demandeur peut établir, dans sa demande, que le second médicament, quoique similaire au médicament orphelin déjà autorisé, est plus sûr, plus efficace ou cliniquement supérieur sous d’autres aspects. »

5        Le 30 octobre 2009, la requérante a déposé une demande d’AMM du médicament visé au point 1 ci-dessus sous le nom commercial Orphacol en application du règlement (CE) n° 726/2004 du Parlement européen et du Conseil, du 31 mars 2004, établissant des procédures communautaires pour l’autorisation et la surveillance en ce qui concerne les médicaments à usage humain et à usage vétérinaire, et instituant une Agence européenne des médicaments (JO L 136, p. 1), dans sa version applicable au moment des faits.

6        Par décision d’exécution C (2012) 3306 final, du 25 mai 2012, la Commission a refusé l’AMM du médicament orphelin à usage humain « Orphacol − Acide cholique ».

7        Par arrêt du 4 juillet 2013, Laboratoires CTRS/Commission (T‑301/12, Rec, EU:T:2013:346), le Tribunal a annulé cette décision de refus.

8        Le 12 septembre 2013, la Commission a adopté la décision d’exécution C (2013) 5934 final accordant, conformément au règlement n° 726/2004, une AMM dans des circonstances exceptionnelles pour le médicament orphelin à usage humain « Orphacol – Acide cholique ».

9        L’annexe I de la décision d’exécution C (2013) 5934 final résume les caractéristiques du médicament Orphacol et indique les deux indications thérapeutiques pour lesquelles l’AMM de ce médicament est accordée. Il s’agit du traitement des erreurs congénitales de la synthèse des acides biliaires primaires dues à un déficit en 3β-hydroxy-Δ5-C27-stéroïde oxydoréductase ou à un déficit en Δ4-3-oxostéroïde-5β-réductase (ci-après les « indications thérapeutiques du médicament Orphacol »).

10      Le 21 mars 2012, FGK Representative Service GmbH (ci-après « FGK ») a soumis une demande d’AMM d’un médicament, dont le principe actif est également l’acide cholique et qui est également destiné à traiter des affections hépatiques rares, sous le nom commercial Cholic Acid FGK. À l’appui de sa demande, FGK faisait valoir des circonstances exceptionnelles au sens de l’article 14, paragraphe 8, du règlement n° 726/2004, arguant qu’il n’était pas en mesure de fournir des renseignements complets sur l’efficacité et l’innocuité du médicament dans des conditions normales d’utilisation.

11      La demande initiale d’AMM du médicament Cholic Acid FGK portait sur neuf indications thérapeutiques. À un stade précoce de la procédure d’autorisation, FGK a limité sa demande à cinq indications thérapeutiques, parmi lesquelles figuraient deux indications thérapeutiques semblables à celles du médicament Orphacol.

12      Compte tenu de l’octroi de l’AMM du médicament Orphacol pour les indications thérapeutiques définies dans cette AMM et compte tenu de l’article 8, paragraphe 1, du règlement n° 141/2000, FGK a demandé l’application de la dérogation prévue à l’article 8, paragraphe 3, de ce règlement. FGK a soumis un rapport sur la « similarité » entre le médicament Cholic Acid FGK et le médicament Orphacol à l’Agence européenne des médicaments (EMA).

13      Le 21 novembre 2013, le comité des médicaments à usage humain de l’EMA (ci-après le « CMUH ») a adopté un rapport d’évaluation dans lequel il indiquait que deux des cinq indications thérapeutiques, pour lesquelles l’AMM du médicament Cholic Acid FGK était demandée, étaient semblables à celles du médicament Orphacol. Il a considéré que le médicament Cholic Acid FGK n’était pas cliniquement supérieur au médicament Orphacol s’agissant de ces deux indications thérapeutiques et s’est prononcé contre l’application de la dérogation fondée sur la supériorité clinique prévue à l’article 8, paragraphe 3, du règlement n° 141/2000.

14      Au vu des conclusions du CMUH, FGK a limité sa demande d’AMM du médicament Cholic Acid FGK en ne visant plus les deux indications thérapeutiques qui étaient semblables à celles du médicament Orphacol.

15      Le 21 novembre 2013, le CMUH a émis un avis favorable à l’octroi d’une AMM du Cholic Acid FGK pour les trois indications thérapeutiques restantes, à savoir le traitement des erreurs congénitales de la synthèse des acides biliaires primaires dues à un déficit en sterol 27-hydroxylase (CTX), à un déficit en 2-(ou α‑)methylacyl-CoA racemase (AMACR) ou à un déficit en cholesterol 7α-hydroxylase (CYP7A1).

16      Les 29 novembre 2013 et 9 janvier 2014, la requérante a écrit au président du CMUH pour lui faire part de ses préoccupations concernant la formulation du résumé public de l’avis du CMUH relatif au médicament Cholic Acid FGK, publié sur le site Internet de l’EMA. Elle estimait que la mention des indications thérapeutiques du médicament Orphacol entraînait un risque de contournement de l’exclusivité commerciale dont bénéficie ce dernier médicament.

17      Le 23 janvier 2014, le CMUH a adopté un avis révisé favorable à l’octroi d’une AMM du médicament Cholic Acid FGK pour les trois indications thérapeutiques mentionnées au point 15 ci-dessus. Un résumé public de cet avis révisé ainsi que le rapport d’évaluation du CMUH correspondant (ci-après le « rapport d’évaluation ») ont été publiés sur le site Internet de l’EMA.

18      Par lettre du 23 janvier 2014 adressée à la requérante, le président du CMUH a indiqué que l’exclusivité commerciale dont bénéficie le médicament Orphacol n’était pas mise en échec par l’avis du CMUH, qui recommandait d’accorder une AMM du médicament Cholic Acid FGK pour des indications thérapeutiques qui n’étaient pas celles pour lesquelles la mise sur le marché du médicament Orphacol avait été autorisée.

19      Le 25 février 2014, la requérante a adressé une lettre à la Commission, lui faisant part de ses inquiétudes concernant le contenu du résumé de l’avis révisé du CMUH qui mentionnait les indications thérapeutiques du médicament Orphacol. Elle a souligné que ce contenu risquait de porter atteinte au caractère effectif de l’exclusivité commerciale dont bénéficie ce médicament dans le cas où une AMM du médicament Cholic Acid FGK serait accordée. La Commission a répondu par courrier électronique le 3 mars 2014. Le 5 mars 2014, la requérante a adressé une nouvelle lettre à la Commission. Le 21 mars 2014, une réunion s’est tenue entre la requérante et la Commission.

20      Le 4 avril 2014, la Commission a adopté la décision d’exécution C (2014) 2375, portant autorisation, dans des circonstances exceptionnelles, de mise sur le marché du médicament orphelin à usage humain « Cholic Acid FGK – Acide cholique » au titre du règlement n° 726/2004 [ci-après la « décision C (2014) 2375 »].

21      L’article 1er de la décision C (2014) 2375 prévoit :

« L’[AMM] prévue à l’article 3 du règlement n° 726/2004 est octroyée pour le médicament orphelin ‘Cholic Acid FGK – acide cholique’, dont le résumé des caractéristiques figure à l’annexe I de la présente décision. ‘Cholic Acid FGK – acide cholique’ est inscrit au registre communautaire des médicaments sous le numéro EU/1/13/895. »

22      Le résumé des caractéristiques du produit contenu dans l’annexe I de la décision C (2014) 2375 (ci-après le « RCP ») indique notamment que l’AMM du médicament Cholic Acid FGK est accordée pour les trois indications thérapeutiques mentionnées au point 15 ci-dessus.

23      Le 11 avril 2014, la requérante a adressé une lettre à la Commission concernant la formulation du RCP. Elle a fait valoir que les références aux indications thérapeutiques du médicament Orphacol contenues dans le RCP constitueraient un contournement de l’exclusivité commerciale dont bénéficie le médicament Orphacol.

24      Le 28 avril 2014, la requérante a adressé une lettre à l’EMA et une lettre à la Commission concernant la formulation du RCP et du rapport d’évaluation relatifs au médicament Cholic Acid FGK, publiés sur le site Internet de l’EMA, demandant à ce que les références aux indications thérapeutiques du médicament Orphacol contenues dans ces documents soient supprimées ou modifiées.

25      La Commission et l’EMA ont répondu à la requérante, respectivement, par courrier électronique du 19 mai 2014 et par lettre du 23 mai 2014.

26      Le 30 mai 2014, la requérante a, de nouveau, adressé une lettre à l’EMA, qui lui a répondu par lettre du 6 juin 2014.

27      Le 12 août 2014, FGK a demandé le transfert de l’AMM du médicament Cholic Acid FGK, renommé Kolbam, à l’intervenante, ASK Pharmaceuticals GmbH, en application du règlement (CE) n° 2141/96 de la Commission, du 7 novembre 1996, concernant l’examen d’une demande de transfert d’autorisation de mise sur le marché d’un médicament relevant du champ d’application du règlement (CEE) n° 2309/93 du Conseil (JO L 286, p. 6).

28      Le 11 septembre 2014, la Commission a adopté la décision d’exécution C (2014) 6508, transférant et modifiant l’AMM accordée dans des circonstances exceptionnelles par la décision C (2014) 2375 pour le médicament orphelin à usage humain « Kolbam – Acide cholique » [ci-après la « décision C (2014) 6508 »].

29      L’article 1er de la décision C (2014) 6508 prévoit que l’AMM du médicament « Kolbam – Acide cholique » octroyée à FGK par la décision C (2014) 2375 est transférée à ASK Pharmaceuticals. L’article 2 de cette décision d’exécution indique que les annexes I à III de la décision C (2014) 2375 sont remplacées, respectivement, par ses annexes I à III. La modification de ces annexes a consisté à remplacer pour ce médicament le nom commercial Cholic Acid FGK par le nom commercial Kolbam.

 Procédure

30      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 17 juin 2014, la requérante a introduit le présent recours.

31      Par acte séparé, déposé au greffe du Tribunal le même jour, la requérante a introduit une demande de procédure accélérée au titre de l’article 76 bis du règlement de procédure du Tribunal.

32      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 4 juillet 2014, la Commission a indiqué qu’elle ne s’opposait pas à cette demande.

33      Par décision du 17 juillet 2014, le Tribunal (septième chambre) a fait droit à cette demande.

34      La Commission a déposé le mémoire en défense le 31 juillet 2014.

35      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 11 septembre 2014, FGK et ASK Pharmaceuticals ont demandé à intervenir au soutien des conclusions de la Commission. Par acte déposé au greffe du Tribunal le 18 septembre 2014, FGK a retiré sa demande d’intervention.

36      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 26 septembre 2014, la requérante a présenté une demande de traitement confidentiel de la requête à l’égard de la demanderesse en intervention.

37      Par ordonnance du 16 octobre 2014, le président de la septième chambre du Tribunal a, d’une part, admis l’intervention d’ASK Pharmaceuticals et, d’autre part, rayé FGK de la présente affaire en tant que demanderesse en intervention. L’intervenante n’ayant pas soulevé d’objections à l’encontre de la demande de traitement confidentiel, une version non confidentielle de la requête lui a été notifiée.

38      Dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure, prévues à l’article 64 du règlement de procédure, le Tribunal a posé une question écrite aux parties, concernant les conséquences aux fins du présent recours de l’adoption de la décision C (2014) 6508. La requérante et la Commission ont répondu dans le délai imparti. En réponse à la question posée dans le cadre de cette mesure d’organisation de la procédure, la requérante a demandé à pouvoir adapter ses conclusions afin que son recours vise la décision C (2014) 2375 telle que modifiée par la décision C (2014) 6508 (ci-après la « décision attaquée »). Dans le délai imparti, la Commission et l’intervenante ont indiqué qu’elles n’avaient pas d’objections à formuler à l’égard cette demande.

39      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 7 novembre 2014, la requérante a présenté une demande de mesure d’organisation de la procédure visant à ce que le Tribunal ordonne à la Commission de produire certains documents. Dans le délai imparti, la Commission et l’intervenante ont demandé au Tribunal de rejeter cette demande.

40      Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (septième chambre) a décidé d’ouvrir la procédure orale.

41      Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions du Tribunal lors de l’audience qui s’est déroulée le 4 février 2015.

42      La procédure orale a été clôturée le 26 mars 2015.

 Conclusions des parties

43      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée en ce qu’elle indique, en substance, que la mise sur le marché du médicament Kolbam est autorisée pour les indications thérapeutiques du médicament Orphacol ou, à titre subsidiaire, annuler l’article 1er de la décision attaquée ;

–        condamner la Commission aux dépens.

44      La Commission, soutenue par l’intervenante, conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme non fondé ou irrecevable ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

 Sur le chef de conclusions présenté à titre principal par la requérante, visant à l’annulation de la décision attaquée en ce qu’elle indique, en substance, que la mise sur le marché du médicament Kolbam est autorisée pour les indications thérapeutiques du médicament Orphacol

45      Il ressort de la requête que, par son chef de conclusions présenté à titre principal, la requérante demande l’annulation de la décision attaquée en ce que les références à l’efficacité du médicament Kolbam pour les indications thérapeutiques du médicament Orphacol contenues dans le RCP et dans le rapport d’évaluation conduisent, en substance, à octroyer une AMM de ce médicament pour ces indications thérapeutiques.

46      La Commission fait valoir que ce chef de conclusions est irrecevable. Elle soutient que le RCP et le rapport d’évaluation font partie des motifs de la décision attaquée et qu’une demande de les supprimer intégralement ou partiellement est irrecevable, dans la mesure où seul le dispositif d’une décision est susceptible de produire des effets juridiques. Elle fait observer que la requérante conteste des énoncés scientifiques qui font simplement partie des motifs pour lesquels l’AMM en cause a été accordée, mais qu’elle ne conteste pas la partie du RCP qui définit les indications thérapeutiques pour lesquelles cette AMM a été accordée. La suppression des parties du RCP ou du rapport d’évaluation demandée par la requérante aboutirait à une décision que la Commission n’aurait pas adoptée et elles ne seraient pas détachables du reste de la décision attaquée.

47      Il y a lieu de relever que l’article 1er de la décision attaquée prévoit que l’AMM est octroyée pour le médicament Kolbam, dont les caractéristiques sont résumées à l’annexe I de cette décision, et que cette annexe est constituée du RCP dont le point 4.1 précise quelles sont les indications thérapeutiques pour lesquelles la mise sur le marché de ce médicament est autorisée. En outre, il est constant que le RCP mentionne les trois indications thérapeutiques citées au point 15 ci-dessus (ci-après les « indications thérapeutiques du médicament Kolbam »), qui ne sont pas celles pour lesquelles la mise sur le marché du médicament Orphacol a été autorisée.

48      Par son chef de conclusions présenté à titre principal, la requérante ne conteste pas le dispositif de la décision attaquée par laquelle la Commission a accordé l’AMM du médicament Kolbam pour les indications thérapeutiques de ce dernier médicament. Elle demande en réalité l’annulation des références à l’efficacité du médicament Kolbam pour les indications thérapeutiques du médicament Orphacol contenues dans le RCP et dans le rapport d’évaluation.

49      Il y a ainsi lieu de considérer que, par le chef de conclusions en cause, la requérante demande au Tribunal l’annulation de la décision attaquée en ce qu’elle contient certaines phrases du RCP et du rapport d’évaluation.

50      Il en ressort que, par le chef de conclusions en cause, la requérante vise à obtenir l’annulation de certains motifs de la décision attaquée, sans remettre en cause le dispositif de cette décision.

51      Or, selon la jurisprudence, seul le dispositif d’une décision est susceptible de produire des effets juridiques et, par voie de conséquence, de faire grief, quels que soient les motifs sur lesquels repose cette décision. En revanche, les appréciations formulées dans les motifs d’une décision ne sont pas susceptibles de faire, en tant que telles, l’objet d’un recours en annulation et ne peuvent être soumises au contrôle de légalité du juge de l’Union européenne que dans la mesure où, en tant que motifs d’un acte faisant grief, elles constituent le support nécessaire du dispositif de cet acte (voir, en ce sens, ordonnances du 28 janvier 2004, Pays-Bas/Commission, C‑164/02, Rec, EU:C:2004:54, point 21, et du 30 avril 2007, EnBW Energie Baden-Württemberg/Commission, T‑387/04, Rec, EU:T:2007:117, point 127).

52      Par conséquent, le chef de conclusions présenté à titre principal par la requérante doit être rejeté comme irrecevable.

 Sur le chef de conclusions présenté à titre subsidiaire par la requérante, visant à l’annulation de l’article 1er de la décision attaquée

 Sur la recevabilité

53      Il y a lieu de relever que, en demandant l’annulation de l’article 1er de la décision attaquée dans son chef de conclusions présenté à titre subsidiaire, la requérante vise, en substance, à obtenir l’annulation de l’AMM du médicament Kolbam contenue dans cet article et donc l’annulation de la décision attaquée dans son ensemble.

54      En effet, la requérante fait valoir que l’AMM du médicament Kolbam contenue dans l’article 1er de la décision attaquée a une portée plus large que celle des indications thérapeutiques dudit médicament, en raison des références à l’efficacité de ce médicament pour les indications thérapeutiques du médicament Orphacol figurant dans le RCP et dans le rapport d’évaluation. Elle estime que, du fait de ces références, l’AMM en cause vise, en substance, les indications thérapeutiques du médicament Orphacol. Elle soutient que la décision attaquée s’appuie sur le RCP et sur le rapport d’évaluation, qui font partie intégrante de la décision attaquée et qui doivent être pris en compte dans le cadre d’une demande d’annulation de celle-ci.

55      La Commission soulève la question de la recevabilité en estimant que la demande d’annulation de l’article 1er de la décision attaquée n’est possible que si les passages du RCP et du rapport d’évaluation dont la requérante demande la suppression ne sont pas détachables du reste de ladite décision. En outre, elle fait observer que la requérante ne conteste pas l’AMM du médicament Kolbam pour les indications thérapeutiques de ce médicament, mais uniquement le prétendu chevauchement entre les AMM de ce médicament et du médicament Orphacol. Elle estime toutefois que, ce chevauchement n’existant pas, la demande d’annulation de l’article 1er de la décision attaquée serait sans objet.

56      En premier lieu, s’agissant de la question de la détachabilité, il convient de relever que, quand bien même il est constant que le dispositif de la décision attaquée accorde l’AMM du médicament Kolbam pour les indications thérapeutiques définies dans le RCP qui ne mentionne pas expressément les indications thérapeutiques du médicament Orphacol, il y a lieu de rappeler que, selon la jurisprudence, le dispositif d’une décision doit être lu à la lumière des motifs qui lui servent de support (arrêts du 22 mars 2011, Altstoff Recycling Austria/Commission, T‑419/03, Rec, EU:T:2011:102, point 152, et du 16 septembre 2013, Dornbracht/Commission, T‑386/10, Rec, EU:T:2013:450, point 224).

57      Selon la jurisprudence, le dispositif d’un acte est indissociable de sa motivation, de sorte qu’il doit être interprété, si besoin est, en tenant compte des motifs qui ont conduit à son adoption (voir arrêt du 30 septembre 2003, Cableuropa e.a./Commission, T‑346/02 et T‑347/02, Rec, EU:T:2003:256, point 211 et jurisprudence citée ; ordonnance EnBW Energie Baden-Württemberg/Commission, point 51 supra, EU:T:2007:117, point 127).

58      En l’espèce, il convient donc d’examiner si les références à l’efficacité du médicament Kolbam pour les indications thérapeutiques du médicament Orphacol contenues dans le RCP et dans le rapport d’évaluation, contestées par la requérante, font partie des motifs ayant conduit à l’adoption de la décision attaquée.

59      D’une part, l’article 1er de la décision attaquée indique qu’une AMM est accordée au médicament Kolbam, dont les caractéristiques sont résumées à l’annexe I de cette décision. Cette annexe est constituée du RCP qui fait partie intégrante des motifs de la décision attaquée, ce que la Commission reconnaît.

60      D’autre part, il découle de la jurisprudence que, dans la mesure où une décision confirme purement et simplement l’avis de l’EMA, il y a lieu de considérer que le contenu de cet avis, comme d’ailleurs celui du rapport d’évaluation qui le fonde, font partie intégrante de la motivation de cette décision, s’agissant notamment de l’évaluation scientifique du médicament en cause (voir, en ce sens, arrêt du 18 décembre 2003, Olivieri/Commission et EMEA, T‑326/99, Rec, EU:T:2003:351, point 55).

61      Or, en l’espèce, il y a lieu de relever que l’avis du CMUH, formulé le 23 janvier 2014, est fondé sur le rapport d’évaluation publié sur le site Internet de l’EMA, lequel contient l’évaluation scientifique du médicament Kolbam par le CMUH. De plus, le considérant 6 de la décision attaquée prévoit que « les mesures prévues par la présente décision sont conformes à l’avis du [CMUH] ».

62      Par conséquent, le contenu du RCP et celui du rapport d’évaluation font partie intégrante de la motivation de la décision attaquée et, partant, ils doivent être examinés dans le cadre de la demande d’annulation de la décision attaquée.

63      Plus particulièrement, s’agissant des références à l’efficacité du médicament Kolbam pour les indications thérapeutiques du médicament Orphacol figurant dans le RCP et dans le rapport d’évaluation, la Commission admet que leur suppression aboutirait à une décision qu’elle n’aurait pas adoptée et que celles-ci ne peuvent pas être détachées de la décision attaquée.

64      Dès lors, il y a lieu de considérer que le chef de conclusions, présenté à titre subsidiaire par la requérante, visant à l’annulation de l’article 1er de la décision attaquée, y compris les motifs qui en sont le soutien nécessaire, est recevable.

65      En second lieu, s’agissant de l’argument de la Commission concernant l’absence de chevauchement entre les AMM du médicament Kolbam et du médicament Orphacol, il convient de relever que, par cet argument, la Commission soutient que, l’AMM du médicament Kolbam n’étant pas autorisée pour les indications thérapeutiques du médicament Orphacol, le recours est sans objet. Or, il suffit de rappeler, d’une part, que la demande en annulation de la requérante ne s’appuie pas sur l’existence d’un tel chevauchement et, d’autre part, qu’il ressort de ce qui précède que les motifs de la décision attaquée, contestés par la requérante, font partie intégrante de celle-ci. Dès lors, c’est à tort que la Commission soutient que le recours est sans objet.

 Sur le fond

66      À l’appui du recours, la requérante soulève un moyen unique, tiré de la violation de l’article 8, paragraphe 1, du règlement n° 141/2000. Elle fait valoir, en substance, que la décision attaquée porte atteinte à la période d’exclusivité commerciale de dix ans dont bénéficie le médicament Orphacol sur le fondement de cette disposition.

67      Selon la Commission, formellement, l’AMM du médicament Kolbam n’étant pas accordée pour les indications thérapeutiques du médicament Orphacol, il ne peut y avoir de violation de l’exclusivité commerciale de ce dernier médicament pour lesdites indications thérapeutiques. De même, l’intervenante soutient que seules les indications thérapeutiques mentionnées au point 4.1 du RCP sont couvertes par l’AMM en cause et que, les informations figurant au point 5.1 du RCP ne pouvant être comprises comme une autorisation pour les affections qui y sont mentionnées, il ne peut y avoir de violation de l’exclusivité commerciale.

68      À cet égard, il convient de relever que, certes, les indications thérapeutiques pour lesquelles l’AMM du médicament Kolbam a été accordée sont précisément définies dans le point 4.1 du RCP. La requérante ne conteste pas que l’AMM du médicament Kolbam ne concerne que les indications thérapeutiques définies dans ce point et ne porte pas formellement sur les mêmes indications thérapeutiques que celles pour lesquelles la mise sur le marché du médicament Orphacol a été autorisée.

69      Néanmoins, selon la requérante, les références, dans le RCP et dans le rapport d’évaluation du médicament Kolbam, à l’efficacité et à l’innocuité de l’acide cholique pour le traitement des indications thérapeutiques du médicament Orphacol reviendraient, en substance, à affirmer l’efficacité du médicament Kolbam pour les indications thérapeutiques du médicament Orphacol, laissant supposer que la mise sur le marché du médicament Kolbam est également autorisée pour ces indications thérapeutiques. Cela conduirait à un contournement et donc à une violation de l’exclusivité commerciale dont bénéficie le médicament Orphacol en vertu de l’article 8, paragraphe 1, du règlement n° 141/2000.

70      Comme la requérante l’a rappelé lors de l’audience, elle ne conteste pas toutes les mentions des indications thérapeutiques du médicament Orphacol contenues dans le RCP et dans le rapport d’évaluation, mais uniquement les affirmations de l’efficacité du médicament Kolbam pour les indications thérapeutiques du médicament Orphacol.

71      Ainsi, d’une part, s’agissant du rapport d’évaluation, la requérante conteste les passages suivants :

« [L]e CMUH a considéré que la cohérence relevée dans les résultats et le maintien de l’amélioration des symptômes des patients [constituaient] des preuves suffisantes de l’efficacité thérapeutique de l’acide cholique dans le traitement de patients présentant des erreurs congénitales dans la synthèse des acides biliaires primaires en raison de déficits en 3β-HSD et Δ4-3-oxoR [les indications thérapeutiques du médicament Orphacol], CTX, AMACR et CYP7A1 [les indications thérapeutiques du médicament Kolbam] » (point 2.5.3 du rapport d’évaluation, relatif à la discussion sur l’efficacité clinique) et « [L’]’acide cholique est un traitement efficace pour l’indication thérapeutique correspondant aux erreurs congénitales dans la synthèse des acides biliaires primaires. Dans l’ensemble, le CMUH est en mesure de conclure que le [médicament Kolbam] a une efficacité thérapeutique dans le traitement de patients présentant des déficits en 3β-HSD et Δ4-3-oxoR [les indications thérapeutiques du médicament Orphacol], CTX, AMACR et CYP7A1 [les indications thérapeutiques du médicament Kolbam] » (point 2.5.4 du rapport d’évaluation, relatif à la conclusion sur l’efficacité clinique).

72      D’autre part, s’agissant du RCP, la requérante fait valoir que le point 5.1 de celui-ci, relatif aux « propriétés pharmacodynamiques », mentionne, dans sa partie relative aux « effets pharmacodynamiques », parmi les défauts enzymatiques concernés, les déficits correspondant aux indications thérapeutiques du médicament Orphacol et, dans sa partie relative à « l’efficacité et l’innocuité cliniques », les références aux résultats des études cliniques relatives à des patients présentant des déficits correspondant aux indications thérapeutiques de ce médicament. Elle conteste la conclusion de la partie du RCP relative à « l’efficacité et l’innocuité cliniques », qui indique que « les résultats ont confirmé que le traitement par l’acide cholique oral [pouvait] induire une régulation négative de la synthèse d’acides biliaires atypiques et constituer un traitement efficace à court et à long termes pour les patients présentant des erreurs congénitales de la synthèse des acides biliaires primaires ». Elle estime que le RCP affirme ainsi directement que le médicament Kolbam peut être utilisé pour traiter les « erreurs congénitales de la synthèse des acides biliaires » en général, ce qui doit être compris comme incluant les affections relatives aux indications thérapeutiques du médicament Orphacol.

73      En outre, une publicité pour le médicament Kolbam qui mentionnerait son efficacité pour toutes les erreurs congénitales de synthèse de l’acide biliaire primaire serait, selon la requérante, conforme aux renseignements figurant dans le RCP et donc ne serait pas contraire aux dispositions de l’article 87 de la directive 2001/83/CE du Parlement européen et du Conseil, du 6 novembre 2001, instituant un code communautaire relatif aux médicaments à usage humain (JO L 311, p. 67), tel qu’interprété par la Cour dans l’arrêt du 5 mai 2011, Novo Nordisk (C‑249/09, Rec, EU:C:2011:272). Toutefois, une telle publicité favoriserait le contournement de l’exclusivité commerciale dont bénéficie le médicament Orphacol.

74      Enfin, la requérante soutient qu’un tel contournement de l’exclusivité commerciale dont bénéficie le médicament Orphacol résulte également du fait que la présence dans le RCP et dans le rapport d’évaluation d’affirmations relatives à l’efficacité du médicament Kolbam pour les indications thérapeutiques du médicament Orphacol pourrait conduire les médecins à prescrire le médicament Kolbam pour des indications thérapeutiques autres que celles pour lesquelles la mise sur le marché de ce médicament a été autorisée.

75      À titre liminaire, il y a lieu de relever que l’exclusivité commerciale prévue par l’article 8, paragraphe 1, du règlement n° 141/2000 interdit à la Commission, pendant dix ans, eu égard à la même indication thérapeutique, d’accepter une autre demande d’AMM, d’accorder une AMM ou de faire droit à une demande d’extension d’une AMM existante pour un médicament similaire.

76      L’objectif de l’exclusivité commerciale prévue par l’article 8, paragraphe 1, du règlement n° 141/2000 est précisé dans les considérants 1, 8 et 9 de ce règlement, qui indiquent :

« (1)      [C]ertaines affections sont si peu fréquentes que le coût du développement et de la mise sur le marché d’un médicament destiné à les diagnostiquer, les prévenir ou les traiter ne serait pas amorti par les ventes escomptées du produit ; l’industrie pharmaceutique est peu encline à développer ce médicament dans les conditions normales du marché, et ces médicaments sont appelés médicaments ‘orphelins’ ;

[...]

(8)      d’après l’expérience acquise aux États-Unis d’Amérique et au Japon, la mesure d’incitation la plus efficace pour amener l’industrie pharmaceutique à investir dans le développement et la commercialisation de médicaments orphelins est la perspective d’obtenir une exclusivité commerciale pendant un certain nombre d’années au cours desquelles une partie de l’investissement pourrait être récupérée ;

(9)      il y a lieu que les promoteurs des médicaments orphelins désignés comme tels en application du présent règlement puissent bénéficier pleinement de toutes les mesures d’incitation accordées par la Communauté ou par les États membres pour promouvoir la recherche et le développement concernant les médicaments destinés au diagnostic, à la prévention ou au traitement de telles affections y compris les maladies rares. »

77      Comme le souligne la Commission dans le mémoire en défense, l’exclusivité commerciale prévue par l’article 8, paragraphe 1, du règlement n° 141/2000 est la mesure incitative la plus importante prévue par le règlement à laquelle a droit un médicament orphelin dont la mise sur le marché a été autorisée.

78      Il y a lieu de considérer que garantir l’effet utile de l’article 8, paragraphe 1, du règlement n° 141/2000 implique de ne pas favoriser des prescriptions hors indications (off-label) d’un médicament pour des indications thérapeutiques couvertes par une exclusivité commerciale prévue par cette disposition et dont bénéficie un autre médicament.

79      Une telle considération s’impose d’autant plus que les prescriptions hors indications (off-label) ne sont pas interdites, ni même régies par le droit de l’Union. Aucune disposition ne s’oppose à ce qu’un médecin prescrive un médicament pour d’autres indications thérapeutiques que celles pour lesquelles une AMM a été accordée.

80      Ainsi, afin de garantir l’effet utile de l’article 8, paragraphe 1, du règlement n° 141/2000, la Commission doit s’assurer qu’une AMM d’un médicament ne soit pas rédigée de telle façon qu’un médecin prescripteur puisse être incité à prescrire un médicament pour d’autres indications thérapeutiques que celles faisant l’objet de cette AMM et pour lesquelles une AMM a déjà été accordée pour un autre médicament bénéficiant de l’exclusivité commerciale prévue par cette disposition.

81      Tel serait le cas d’une AMM d’un médicament dans laquelle il serait affirmé l’efficacité d’un médicament pour des indications thérapeutiques pour lesquelles une AMM a déjà été accordée pour un autre médicament orphelin. En effet, de telles affirmations pourraient favoriser la prescription de ce premier médicament pour les indications thérapeutiques du second médicament bénéficiant de l’exclusivité commerciale prévue par l’article 8, paragraphe 1, du règlement n° 141/2000. Cela constituerait un contournement de l’exclusivité commerciale garantie par cette disposition.

82      En outre, il y a lieu de relever que les prescriptions hors AMM relèvent de la responsabilité du seul médecin prescripteur (voir, en ce sens, arrêt du 11 avril 2013, Novartis Pharma, C‑535/11, Rec, EU:C:2013:226, point 48). Or, cette responsabilité pourrait en pratique être atténuée par la présence d’affirmations, dans une AMM d’un médicament, selon lesquelles ce médicament est efficace et sûr pour le traitement d’autres indications thérapeutiques que celles pour lesquelles l’AMM de ce médicament a été accordée.

83      Par ailleurs, s’agissant de l’argument de la requérante relatif au fait que le contournement de l’exclusivité commerciale dont bénéficie le médicament Orphacol pourrait être favorisé par une publicité pour le médicament Kolbam mentionnant son efficacité pour toutes les erreurs congénitales de synthèse de l’acide biliaire primaire, la Commission soutient que l’application de l’article 87 de la directive 2001/83, tel qu’interprété par la Cour dans l’arrêt Novo Nordisk, point 73 supra (EU:C:2011:272), s’oppose à ce que la publicité d’un médicament promeuve des utilisations en dehors des indications thérapeutiques approuvées.

84      À cet égard, il y a lieu de relever que l’article 87, paragraphe 2, de la directive 2001/83 prévoit que tous les éléments de la publicité d’un médicament doivent être conformes aux renseignements figurant dans le résumé des caractéristiques du produit.

85      La Cour, dans l’arrêt Novo Nordisk, point 73 supra (EU:C:2011:272, point 42), a jugé que les éléments de la publicité faite pour un médicament ne pouvaient jamais suggérer, notamment, des indications thérapeutiques, des propriétés pharmacologiques ou d’autres caractéristiques qui contrediraient le résumé des caractéristiques du médicament approuvé par l’autorité compétente lors de l’octroi de l’AMM de ce médicament.

86      La Cour a également considéré que l’article 87, paragraphe 2, de la directive 2001/83 ne saurait être interprété en ce sens qu’il exige que toutes les affirmations figurant dans une publicité faite à l’égard d’un médicament auprès des personnes habilitées à le prescrire ou à le délivrer doivent se trouver dans le résumé des caractéristiques du produit ou pouvoir être déduites des renseignements fournis par ledit résumé. En effet, une telle interprétation priverait de sens tant l’article 91, paragraphe 1, que l’article 92 de cette directive, qui autorisent, dans la publicité destinée aux professionnels de la santé, la diffusion d’informations complémentaires, sous réserve de leur compatibilité avec ce résumé (arrêt Novo Nordisk, point 73 supra, EU:C:2011:272, point 48).

87      Ainsi, la Cour a estimé que l’article 87, paragraphe 2, de la directive 2001/83 exigeait seulement que les éléments de la publicité pour un médicament soient conformes au résumé des caractéristiques du produit (arrêt Novo Nordisk, point 73 supra, EU:C:2011:272, point 43).

88      Il en ressort que, certes, comme le soutient la Commission, l’article 87, paragraphe 2, de la directive 2001/83 interdit de mentionner dans une publicité pour le médicament Kolbam que la mise sur le marché de ce médicament est autorisée pour d’autres indications thérapeutiques que celles pour lesquelles il a été approuvé. Toutefois, cette disposition ne s’oppose pas à une publicité qui, conformément au RCP, affirmerait l’efficacité de ce médicament pour les erreurs congénitales de la synthèse des acides biliaires primaires.

89      Au vu de ces éléments, il convient d’examiner si les mentions dans le RCP et dans le rapport d’évaluation qui sont contestées par la requérante sont susceptibles de conduire à un contournement de l’exclusivité commerciale dont bénéficie le médicament Orphacol.

90      À cet égard, il y a lieu de rappeler que le RCP et le rapport d’évaluation font partie de la motivation de la décision attaquée. Le dispositif de cette décision doit être lu à la lumière des motifs qui lui servent de support, c’est-à-dire que l’AMM du médicament Kolbam contenue dans l’article 1er de cette décision doit être lue à la lumière du contenu du RCP et du rapport d’évaluation.

91      S’agissant du rapport d’évaluation, la requérante fait valoir qu’il contient des références explicites à l’efficacité du médicament Kolbam pour les indications thérapeutiques du médicament Orphacol, ce que la Commission ne conteste pas.

92      S’agissant du RCP, la requérante conteste l’affirmation, dans la partie relative à l’efficacité et à l’innocuité cliniques du médicament Kolbam, de l’efficacité de l’acide cholique pour toutes les erreurs congénitales de la synthèse des acides biliaires primaires, faisant suite aux résultats des études cliniques concernant notamment des patients atteints d’affections correspondant aux indications thérapeutiques du médicament Orphacol.

93      Comme le reconnaît la Commission, le résumé des caractéristiques du produit est un outil important pour les médecins prescripteurs, qui leur permet d’avoir accès à la justification scientifique et aux éléments de preuve à l’appui des indications thérapeutiques pour lesquelles la mise sur le marché du médicament concerné a été autorisée.

94      Il y a lieu de relever que les informations à destination du médecin prescripteur contenues dans le résumé des caractéristiques du produit ne sont pas limitées aux indications thérapeutiques définies dans son point 4.1, mais figurent dans l’ensemble de cet outil, notamment dans sa partie relative à l’efficacité et à l’innocuité cliniques du médicament concerné. Il y a donc lieu de considérer que le RCP contient des informations qui indiquent que le médicament Kolbam a une efficacité qui va au-delà des indications thérapeutiques pour lesquelles sa mise sur le marché a été autorisée.

95      Partant, le RCP et le rapport d’évaluation contiennent des informations qui, certes, ne modifient pas formellement la portée de l’AMM du médicament Kolbam en ce que les indications thérapeutiques pour lesquelles la mise sur le marché de ce médicament a été autorisée sont limitativement définies au point 4.1 du RCP. Toutefois, dans la mesure où ils affirment l’efficacité et l’innocuité du médicament Kolbam pour d’autres indications thérapeutiques que celles pour lesquelles la mise sur le marché de ce médicament en cause a été autorisée, à savoir celles pour lesquelles la mise sur le marché du médicament Orphacol a été autorisée, il y a lieu de considérer qu’ils contiennent des informations, à destination du médecin prescripteur, susceptibles de favoriser la prescription hors indications (off-label) du médicament Kolbam pour les indications thérapeutiques du médicament Orphacol.

96      Or, étant donné que le médicament Orphacol bénéficie d’une exclusivité commerciale pour les indications thérapeutiques pour lesquelles sa mise sur le marché a été autorisée, il y a lieu de considérer que ces informations conduisent, en pratique, à un risque de contournement de cette exclusivité commerciale.

97      Il s’ensuit que les affirmations relatives à l’efficacité du médicament Kolbam pour les indications thérapeutiques du médicament Orphacol, contenues dans le RCP et dans le rapport d’évaluation, sont susceptibles de priver d’effet utile l’article 8, paragraphe 1, du règlement n° 141/2000 et de porter atteinte au caractère effectif de l’exclusivité commerciale dont bénéficie ce dernier médicament en application de cette disposition.

98      Cette conclusion n’est pas remise en cause par les arguments de la Commission visant à justifier les affirmations contestées par la requérante, relatives à l’efficacité du médicament Kolbam pour les indications thérapeutiques du médicament Orphacol contenues dans le rapport d’évaluation et dans le RCP.

99      S’agissant en premier lieu du rapport d’évaluation, la Commission soutient, d’une part, que les déclarations contestées par la requérante, mentionnées au point 71 ci-dessus, ont une justification scientifique et font référence aux études cliniques soumises par FGK concernant l’évaluation du médicament Kolbam. Elle fait valoir que, étant donné le nombre limité de patients, les résultats des études cliniques au regard de tous les défauts enzymatiques ont dû être pris en considération aux fins de l’évaluation scientifique de l’efficacité du médicament Kolbam. Elle indique que, étant donné que la plupart des données concernaient des patients relevant des indications thérapeutiques du médicament Orphacol, il était essentiel de tirer des conclusions par rapport aux indications thérapeutiques de ce dernier médicament afin de parvenir à une conclusion concernant les indications thérapeutiques visées dans la demande d’AMM du médicament Kolbam. Elle estime que des références à l’efficacité du médicament Kolbam pour les indications thérapeutiques du médicament Orphacol sont nécessaires à une présentation transparente et complète de l’évaluation scientifique qui a conduit à l’avis positif du CMUH.

100    Il y a lieu de relever que, si les arguments de la Commission sont susceptibles de justifier une présentation complète des résultats cliniques concernant le médicament Kolbam dans le rapport d’évaluation, ils ne démontrent pas la nécessité d’insérer dans les motifs de la décision attaquée des affirmations relatives à l’efficacité de ce médicament pour des indications thérapeutiques qui n’ont pas été visées dans la demande d’AMM de ce médicament.

101    À cet égard, lors de l’audience, la requérante et l’intervenante ont indiqué que, au sein des erreurs congénitales de la synthèse des acides biliaires primaires, les indications thérapeutiques du médicament Kolbam et celles du médicament Orphacol correspondaient à des maladies différentes.

102    Dans la mesure où le médicament Kolbam et le médicament Orphacol sont des médicaments différents, autorisés pour des indications thérapeutiques différentes qui correspondent à des maladies différentes s’adressant à des patients différents, la Commission ne saurait soutenir que l’affirmation de l’efficacité du médicament Kolbam pour les indications thérapeutiques du médicament Orphacol était nécessaire pour l’octroi de l’AMM du médicament Kolbam pour les indications thérapeutiques de ce dernier médicament.

103    D’autre part, la Commission soutient qu’aucune disposition n’interdit à l’EMA, lors de l’élaboration du rapport d’évaluation, de mentionner des affections qui correspondent à des indications thérapeutiques pour lesquelles un médicament a obtenu une AMM au titre de l’article 8, paragraphe 1, du règlement n° 141/2000. Elle estime que, au contraire, le rapport d’évaluation doit refléter pleinement et fidèlement les informations scientifiques pertinentes. Elle invoque à cet égard l’arrêt du 26 novembre 2002, Artegodan e.a./Commission (T‑74/00, T‑76/00, T‑83/00 à T‑85/00, T‑132/00, T‑137/00 et T‑141/00, Rec, EU:T:2002:283, point 200), qui prévoit, concernant le comité des spécialités pharmaceutiques (CSP), que ce comité est tenu d’indiquer, dans son avis, les principaux rapports et expertises scientifiques sur lesquels il s’appuie, et de préciser, en cas de divergence significative, les raisons pour lesquelles il s’écarte des conclusions des rapports ou des expertises produits par les entreprises concernées et que cette obligation s’impose tout spécialement en cas d’incertitude scientifique.

104    Il convient de rappeler que, à l’origine, la demande d’AMM du médicament Kolbam portait tant sur les indications thérapeutiques de ce médicament que sur les indications thérapeutiques du médicament Orphacol et que, à la suite de l’octroi de l’AMM pour ce dernier médicament et des conclusions du CMUH sur l’absence de supériorité clinique du médicament Kolbam pour les indications thérapeutiques du médicament Orphacol, FGK a limité sa demande d’AMM du médicament Kolbam en ne visant plus ces dernières indications thérapeutiques. Ce n’est que du fait de cette limitation que le médicament Kolbam a été considéré comme n’étant plus semblable au médicament Orphacol au sens de l’article 8, paragraphe 1, du règlement n° 141/2000 et que la demande d’AMM du médicament Kolbam a pu être examinée. La chronologie de la procédure d’autorisation explique ainsi les raisons pour lesquelles les études cliniques soumises par FGK à l’appui de la demande d’AMM du médicament Kolbam portaient à la fois sur les indications thérapeutiques de ce médicament et sur les indications thérapeutiques du médicament Orphacol.

105    Or, la requérante ne conteste pas la présentation, dans le rapport d’évaluation, des études cliniques réalisées par FGK et ne s’oppose pas à la mention des rapports et expertises sur lesquels le CMUH s’est appuyé, mais conteste seulement les affirmations relatives à l’efficacité du médicament Kolbam pour les indications thérapeutiques du médicament Orphacol.

106    La requérante soutient en substance que, à la suite de l’octroi de l’AMM pour le médicament Orphacol, le médicament Kolbam ne pouvait faire l’objet d’une AMM pour les indications thérapeutiques du médicament Orphacol en application de l’article 8, paragraphe 1, du règlement n° 141/2000 et que l’affirmation dans le rapport d’évaluation du médicament Kolbam de son efficacité pour les indications thérapeutiques du médicament Orphacol n’était donc pas justifiée.

107    Partant, il convient de rejeter l’argumentation de la Commission en ce qu’elle vise à justifier uniquement la présence des informations scientifiques pertinentes dans le rapport d’évaluation.

108    Il ressort de ce qui précède que la Commission n’a pas apporté de justification à la présence des affirmations, contestées par la requérante, relatives à l’efficacité du médicament Kolbam pour les indications thérapeutiques du médicament Orphacol dans le rapport d’évaluation.

109    En second lieu, s’agissant du RCP, la Commission soutient, premièrement, que la partie du RCP relative aux « effets pharmacodynamiques » contient des informations générales publiques sur la substance active acide cholique qui sont conformes à la ligne directrice sur le résumé des caractéristiques du produit, qu’elle a adoptée en septembre 2009 (ci-après la « ligne directrice »). Quant aux informations sur les études cliniques concernant les indications thérapeutiques du médicament Orphacol, elle soutient qu’elles étaient essentielles pour le médecin prescripteur pour comprendre le raisonnement et les éléments de preuve à l’appui de la conclusion du CMUH concernant les indications thérapeutiques approuvées, dans la mesure où les données sur les indications thérapeutiques du médicament Orphacol étaient nécessaires pour tirer les conclusions sur les indications thérapeutiques approuvées. Elle ajoute que les informations sur les études cliniques concernant les indications thérapeutiques du médicament Orphacol sont conformes à la ligne directrice qui énonce que les études pertinentes à l’appui des indications thérapeutiques autorisées doivent être reflétées dans le résumé des caractéristiques du produit.

110    À cet égard, il y a lieu de rappeler que la requérante ne conteste pas la présentation des études cliniques dans le RCP, mais la conclusion sur l’efficacité du médicament Kolbam pour l’ensemble des erreurs congénitales de la synthèse des acides biliaires primaires, qui incluent les indications thérapeutiques du médicament Orphacol.

111    Selon l’article 1er de la décision attaquée, l’AMM est octroyée pour le médicament Kolbam, pour toutes ses caractéristiques telles qu’elles figurent à l’annexe I de cette décision, laquelle contient le RCP.

112    Il y a lieu de relever que la ligne directrice indique que le résumé des caractéristiques du produit forme une partie intrinsèque de l’AMM et qu’il est la base de l’information pour les professionnels de la santé sur l’utilisation du médicament de manière sûre et efficace. Elle précise qu’il n’est pas dans le « mandat » de ce résumé de donner un avis général sur le traitement d’une condition particulière. Selon elle, ce résumé donne des informations sur un médicament en particulier et ne doit pas inclure de référence à un autre médicament.

113    La ligne directrice prévoit, s’agissant de la partie du résumé des caractéristiques du produit relative aux « propriétés pharmacologiques », que « les [points] 5.1 à 5.3 doivent normalement contenir des informations pertinentes pour le médecin prescripteur et les autres professionnels de la santé, en tenant compte des indications thérapeutiques approuvées et des éventuels effets indésirables du médicament ».

114    En outre, la partie de la ligne directrice concernant le point 5.1 du résumé des caractéristiques du produit, relatif aux « propriétés pharmacodynamiques », prévoit :

« Il peut être approprié de fournir des informations limitées, pertinentes pour le prescripteur, telles que les principaux résultats (statistiquement incontestables et cliniquement pertinents) concernant les critères d’efficacité prédéfinis ou les effets cliniques lors des principaux essais, et de donner les principales caractéristiques de la population de patients. Ces informations sur les essais cliniques doivent être concises, claires, pertinentes et équilibrées et résumer les éléments de preuve provenant des études pertinentes qui soutiennent l’indication thérapeutique […] »

115    Il ressort de la ligne directrice que le rôle du résumé des caractéristiques du produit est de définir le médicament tel qu’approuvé, c’est-à-dire pour les indications thérapeutiques approuvées, et qu’il doit contenir des informations sur les études pertinentes qui soutiennent l’indication thérapeutique. De plus, elle précise que ce résumé doit contenir les informations pertinentes pour le médecin prescripteur. Partant, des affirmations relatives à l’efficacité du médicament concerné pour d’autres indications thérapeutiques que celles approuvées ne font pas partie des informations exigées par la ligne directrice.

116    Cette interprétation s’impose d’autant plus lorsque, comme en l’espèce, ces autres indications thérapeutiques ne pouvaient pas faire l’objet de la demande d’AMM du Kolbam parce qu’elles faisaient déjà l’objet d’une AMM d’un autre médicament bénéficiant de l’exclusivité commerciale prévue par l’article 8, paragraphe 1, du règlement n° 141/2000.

117    En l’espèce, la conclusion figurant dans le RCP relative à l’efficacité du médicament Kolbam pour l’ensemble des erreurs congénitales de la synthèse des acides biliaires primaires, y compris les indications thérapeutiques du médicament Orphacol, ne saurait être considérée comme une information venant au soutien des indications thérapeutiques pour lesquelles la mise sur le marché du médicament Kolbam a été autorisée. De plus, considérer qu’une telle affirmation est pertinente pour le médecin prescripteur est susceptible de favoriser les prescriptions hors indications (off-label) du médicament Kolbam pour les indications thérapeutiques du médicament Orphacol.

118    Par ailleurs, la requérante renvoie à un document produit par l’EMA relatif à la présentation d’un résumé des caractéristiques du produit, selon lequel ce résumé a pour but de fournir des informations pertinentes pour les médecins prescripteurs pour les indications thérapeutiques pour lesquelles la mise sur le marché d’un médicament a été autorisée.

119    Ce document prévoit notamment que « [le point 5.1 du résumé des caractéristiques du produit] doit présenter des informations claires, concises et pertinentes pour les professionnels de la santé en ce qui concerne l’indication ou les indications thérapeutiques approuvées, les données de sécurité clinique spécifiques ainsi que les données cliniques pertinentes pour la ou les populations particulières (par ex. enfants ou personnes âgées) ».

120    La Commission estime toutefois qu’il résulte de ce document que les références contestées par la requérante concernant le point 5.1 du RCP sont pertinentes pour les médecins prescripteurs et appuient les indications thérapeutiques pour lesquelles la mise sur le marché du médicament Kolbam a été autorisée, dans la mesure où il s’agit d’un résumé factuel des données issues des études cliniques soumises par FGK et analysées par le CMUH.

121    Il convient de relever une fois encore que les arguments de la Commission visent à justifier une présentation des études cliniques soumises par FGK dans le RCP, alors que la requérante ne conteste pas cette présentation. En revanche, ces arguments n’établissent pas la nécessité de faire figurer dans le RCP une conclusion sur l’efficacité du médicament Kolbam pour des indications thérapeutiques qui ne peuvent faire l’objet de son AMM.

122    Il ressort de ce qui précède que la Commission ne cite aucun extrait de la ligne directrice susceptible de justifier la présence d’une conclusion dans le RCP relative à l’efficacité du médicament Kolbam pour d’autres indications thérapeutiques que celles pour lesquelles la mise sur le marché de ce médicament a été autorisée.

123    Deuxièmement, la Commission soutient que ne pas inclure les informations concernant les études cliniques dans le RCP constituerait une violation de l’article 28, paragraphe 1, du règlement (CE) n° 1901/2006 du Parlement européen et du Conseil, du 12 décembre 2006, relatif aux médicaments à usage pédiatrique, modifiant le règlement (CEE) n° 1768/92, les directives 2001/20/CE et 2001/83/CE ainsi que le règlement n° 726/2004 (JO L 378, p. 1).

124    L’article 28, paragraphe 1, du règlement n° 1901/2006 prévoit :

« Les demandes peuvent être présentées conformément à la procédure prévue aux articles 5 à 15 du règlement n° 726/2004 pour une [AMM], telle que visée à l’article 7, paragraphe 1, du présent règlement, qui comprend une ou plusieurs indications pédiatriques sur la base d’études effectuées selon un plan d’investigation pédiatrique approuvé.

Quand l’autorisation est accordée, les résultats de toutes ces études sont inclus dans le résumé des caractéristiques du produit et, le cas échéant, figurent sur la notice du médicament, pour autant que l’information soit jugée utile pour le patient par l’autorité compétente, que toutes les indications pédiatriques concernées aient été approuvées ou non par l’autorité compétente. »

125    Comme la requérante l’a relevé lors de l’audience, cette disposition exige seulement que le RCP contienne les informations utiles pour le patient. Or, dans la mesure où il a déjà été indiqué que les indications thérapeutiques du médicament Orphacol et les indications thérapeutiques du médicament Kolbam concernent des maladies différentes et donc des patients différents, cette disposition ne justifie pas une conclusion sur l’efficacité du médicament Kolbam pour les indications thérapeutiques du médicament Orphacol.

126    Une présentation des résultats des études cliniques soumises par FGK concernant le médicament Kolbam dans le RCP n’exige pas nécessairement de conclure à l’efficacité de ce médicament pour des indications thérapeutiques pour lesquelles non seulement la mise sur le marché du médicament Kolbam n’a pas été autorisée, mais pour lesquelles en plus a été autorisée la mise sur le marché d’un autre médicament, à savoir le médicament Orphacol, lequel bénéficie d’une exclusivité commerciale.

127    Il convient de rappeler que la requérante ne conteste pas la possibilité de présenter les études complètes dans le RCP, mais uniquement la conclusion relative à l’efficacité du médicament Kolbam pour toutes les erreurs congénitales de la synthèse des acides biliaires primaires, et notamment pour les indications thérapeutiques du médicament Orphacol.

128    Troisièmement, la Commission fait valoir que la conclusion de la partie du RCP relative à « l’efficacité et l’innocuité cliniques », contestée par la requérante, se présente comme une description générale de l’affection, ayant une importance pour les professionnels de la santé, et contient des informations publiques sur la substance acide cholique qui ne sont pas liées au médicament Kolbam.

129    À cet égard, il suffit de relever que, même si les informations contenues dans le RCP ont un caractère général et sont relatives à la substance acide cholique, la Commission soutient à tort qu’elles ne sont pas liées au médicament Kolbam. Comme cela a déjà été indiqué, le RCP contient la description du médicament Kolbam, forme une partie intrinsèque de l’AMM de ce médicament et ne décrit que les caractéristiques de celui-ci.

130    Enfin, la Commission fait valoir que l’argument de la requérante selon lequel certaines informations scientifiques objectives doivent être supprimées du RCP et du rapport d’évaluation conduirait à une monopolisation des données scientifiques liées au médicament Orphacol.

131    Or, il convient de rappeler une fois encore que la requérante ne conteste pas la présence de données scientifiques objectives dans le RCP et dans le rapport d’évaluation, mais uniquement les affirmations relatives à l’efficacité du médicament Kolbam pour les indications thérapeutiques du médicament Orphacol.

132    En outre, la demande d’AMM du médicament Kolbam n’était pas fondée sur des données scientifiques relatives au médicament Orphacol, mais sur des études cliniques réalisées par FGK reposant sur les propres données cliniques de FGK.

133    Il ressort de ce qui précède que la Commission n’a pas apporté de justification à la présence dans le RCP des affirmations, contestées par la requérante, relatives à l’efficacité du médicament Kolbam pour l’ensemble des erreurs congénitales de la synthèse des acides biliaires primaires, y compris les indications thérapeutiques du médicament Orphacol.

134    Il s’ensuit que les affirmations de l’efficacité du médicament Kolbam pour les indications thérapeutiques du médicament Orphacol ou pour l’ensemble des erreurs congénitales de la synthèse des acides biliaires primaires, figurant dans le RCP et dans le rapport d’évaluation, sont susceptibles de favoriser les prescriptions hors indications (off-label) du médicament Kolbam pour les indications thérapeutiques du médicament Orphacol et donc d’entraîner un contournement de l’exclusivité commerciale dont bénéficie le médicament Orphacol et, partant, de priver d’effet utile l’article 8, paragraphe 1, du règlement n° 141/2000.

135    Il ressort de l’ensemble de ce qui précède qu’il y a lieu d’accueillir le moyen unique, tiré de la violation de l’article 8, paragraphe 1, du règlement n° 141/2000 et, partant, d’annuler la décision attaquée, sans qu’il y ait lieu de se prononcer sur la demande de mesure d’organisation de la procédure présentée par la requérante et visant à la production de documents.

 Sur les dépens

136    Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La Commission ayant succombé, il y a lieu de la condamner à supporter les dépens de la requérante, conformément aux conclusions de cette dernière.

137    Aux termes de l’article 87, paragraphe 4, troisième alinéa, du règlement de procédure, le Tribunal peut ordonner qu’une partie intervenante supportera ses propres dépens. En l’espèce, ASK Pharmaceuticals, intervenue au soutien de la Commission, supportera ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (septième chambre)

déclare et arrête :

1)      La décision d’exécution C (2014) 2375 de la Commission, du 4 avril 2014, portant autorisation, dans des circonstances exceptionnelles, de mise sur le marché du médicament orphelin à usage humain « Cholic Acid FGK – Acide cholique » au titre du règlement (CE) n° 726/2004 du Parlement européen et du Conseil, telle que modifiée par la décision d’exécution C (2014) 6508 de la Commission, du 11 septembre 2014, transférant et modifiant l’autorisation de mise sur le marché accordée dans des circonstances exceptionnelles par la décision C (2014) 2375 pour le médicament orphelin à usage humain « Kolbam – Acide cholique », est annulée.

2)      La Commission européenne est condamnée à supporter ses propres dépens ainsi que ceux des Laboratoires CTRS.

3)      ASK Pharmaceuticals GmbH supportera ses propres dépens.

Van der Woude

Wiszniewska-Białecka

Ulloa Rubio

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 11 juin 2015.

Signatures


* Langue de procédure : l’anglais.