Language of document : ECLI:EU:C:2016:491

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

MME JULIANE KOKOTT

présentées le 30 juin 2016 (1)

Affaire C243/15

Lesoochranárske zoskupenie VLK

contre

Obvodný úrad Trenčín

[demande de décision préjudicielle formée par le Najvyšší súd Slovenskej republiky (Cour suprême de la République slovaque)]

« Environnement – Convention d’Aarhus – Procédure administrative d’autorisation d’un projet – Demande d’une association de protection de l’environnement tendant à la reconnaissance de la qualité de partie à la procédure – Clôture de la procédure d’autorisation avant la décision sur la demande – Possibilité de recours contre la décision – Protection juridictionnelle effective »






I –    Introduction

1.        L’affaire à l’origine de la présente demande de décision préjudicielle rappelle, selon le point de vue, soit les œuvres d’inspiration juridique de Franz Kafka, notamment le récit Devant la loi, ou alors le personnage de Don Quichotte.

2.        Dans l’histoire de Kafka, le justiciable est, sans raison apparente, empêché d’accéder au tribunal et meurt finalement d’épuisement. Don Quichotte, en revanche, insiste à se battre contre des moulins à vent, au lieu de se consacrer à des choses plus raisonnables.

3.        De la même manière, l’organisation non gouvernementale Lesoochranárske zoskupenie VLK (association pour la protection des forêts, ci-après « LZ ») s’efforce – jusqu’à présent sans résultat – à obtenir une protection juridictionnelle devant les juridictions slovaques. Au lieu de cela, LZ est renvoyée à un autre type de recours pour lequel le délai a cependant expiré entre-temps. Il est néanmoins possible que l’erreur ne se trouve pas au niveau du système de protection juridique slovaque, mais qu’elle réside dans le fait que LZ – malgré des indications en ce sens – reste dans la voie dans laquelle elle s’est engagée, au lieu de changer suffisamment tôt de direction.

4.        La Cour est appelée à se prononcer sur la compatibilité de la procédure prévue par le droit de la procédure administrative slovaque pour une action des associations avec le principe de la protection juridictionnelle effective au sens de l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte »). Les dispositions slovaques en cause ne sont certes pas critiquables en principe. Cependant leur application au cas d’espèce exige un soin particulier afin, d’une part, d’éviter le paradoxe de Kafka et, d’autre part, de ne pas favoriser la folie décrite par Cervantès. Dans cette situation, la Cour peut uniquement donner des indications aux juridictions nationales pour ce qui concerne les principes de base applicables, mais elles devront trouver la solution elles-mêmes.

5.        L’article 47 de la Charte ne vaut cependant que pour la réclamation des droits ou des libertés garantis par le droit de l’Union. C’est pourquoi il convient de vérifier au préalable si une association de protection de l’environnement comme LZ au principal peut faire valoir de tels droits ou libertés.

6.        S’agissant de certaines procédures en matière de participation du public, la transposition de la convention sur l’accès à l’information, la participation du public au processus décisionnel et l’accès à la justice en matière d’environnement (2) par l’Union européenne a certes déjà introduit la possibilité, pour les associations, de former un recours limité à certaines procédures d’autorisation (3). Cependant, ces dispositions ne visent pas le présent cas d’espèce.

7.        À la lumière de la convention d’Aarhus et des principes généraux du renvoi au droit de l’Union, les associations de protection de l’environnement peuvent cependant faire valoir le droit de l’Union en matière d’environnement également en dehors du recours collectif expressément réglementé. De plus, et notamment dans le cas d’espèce, on peut également se fonder directement sur la convention d’Aarhus pour justifier une analyse juridique en ce sens.

II – Cadre juridique

A –    Droit international

8.        Le point de départ du statut juridique des associations de défense de l’environnement dans le droit de l’Union est la convention d’Aarhus. L’article 1er de la convention d’Aarhus prévoit les objectifs de celle-ci :

« Afin de contribuer à protéger le droit de chacun, dans les générations présentes et futures, de vivre dans un environnement propre à assurer sa santé et son bien‑être, chaque partie garantit les droits d’accès à l’information sur l’environnement, de participation du public au processus décisionnel et d’accès à la justice en matière d’environnement conformément aux dispositions de la présente convention. »

9.        Les associations de défense de l’environnement sont visées dans la définition du terme « public » et de l’expression « public concerné » à l’article 2, paragraphes 4 et 5, de la convention :

« 4.      Le terme “public” désigne une ou plusieurs personnes physiques ou morales et, conformément à la législation ou à la coutume du pays, les associations, organisations ou groupes constitués par ces personnes.

5.      L’expression “public concerné” désigne le public qui est touché ou qui risque d’être touché par les décisions prises en matière d’environnement ou qui a un intérêt à faire valoir à l’égard du processus décisionnel ; aux fins de la présente définition, les organisations non gouvernementales qui œuvrent en faveur de la protection de l’environnement et qui remplissent les conditions pouvant être requises en droit interne sont réputées avoir un intérêt. »

10.      L’article 6 de la convention d’Aarhus exige une participation du public aux décisions relatives à des activités particulières. Cette participation inclut des éléments relevant d’une évaluation des incidences sur l’environnement. L’article 6, paragraphe 1, régit le champ d’application de cette procédure :

« 1.      Chaque partie :

a)      applique les dispositions du présent article lorsqu’il s’agit de décider d’autoriser ou non des activités proposées du type de celles énumérées à l’annexe I ;

b)      applique aussi les dispositions du présent article, conformément à son droit interne, lorsqu’il s’agit de prendre une décision au sujet d’activités proposées non énumérées à l’annexe I qui peuvent avoir un effet important sur l’environnement. Les parties déterminent dans chaque cas si l’activité proposée tombe sous le coup de ces dispositions ;

[…] »

11.      L’article 9 de la convention d’Aarhus contient des dispositions relatives aux recours en matière d’environnement. L’article 9, paragraphe 2, concerne des procédures qui ont fait l’objet d’une participation du public, le paragraphe 3 s’applique à toutes les autres décisions en matière d’environnement et le paragraphe 4, prévoit certains principes procéduraux :

« 2.      Chaque partie veille, dans le cadre de sa législation nationale, à ce que les membres du public concerné

a)      ayant un intérêt suffisant pour agir, ou sinon

b)      faisant valoir une atteinte à un droit, lorsque le code de procédure administrative d’une partie pose une telle condition,

puissent former un recours devant une instance judiciaire et/ou un autre organe indépendant et impartial établi par [la] loi pour contester la légalité, quant au fond et à la procédure, de toute décision, tout acte ou toute omission tombant sous le coup des dispositions de l’article 6 et, si le droit interne le prévoit et sans préjudice du paragraphe 3 ci-après, des autres dispositions pertinentes de la présente convention.

Ce qui constitue un intérêt suffisant et une atteinte à un droit est déterminé selon les dispositions du droit interne et conformément à l’objectif consistant à accorder au public concerné un large accès à la justice dans le cadre de la présente convention. À cet effet, l’intérêt qu’a toute organisation non gouvernementale répondant aux conditions visées au paragraphe 5 de l’article 2 est réputé suffisant au sens du point a) ci-dessus. Ces organisations sont également réputées avoir des droits auxquels il pourrait être porté atteinte au sens du point b) ci-dessus.

Les dispositions du présent paragraphe 2 n’excluent pas la possibilité de former un recours préliminaire devant une autorité administrative et ne dispensent pas de l’obligation d’épuiser les voies de recours administratif avant d’engager une procédure judiciaire lorsqu’une telle obligation est prévue en droit interne.

3.      En outre, et sans préjudice des procédures de recours visées aux paragraphes 1 et 2 ci-dessus, chaque partie veille à ce que les membres du public qui répondent aux critères éventuels prévus par son droit interne puissent engager des procédures administratives ou judiciaires pour contester les actes ou omissions de particuliers ou d’autorités publiques allant à l’encontre des dispositions du droit national de l’environnement.

4.      En outre, et sans préjudice du paragraphe 1, les procédures visées aux paragraphes 1, 2 et 3 ci-dessus doivent offrir des recours suffisants et effectifs, y compris un redressement par injonction s’il y a lieu, et doivent être objectives, équitables et rapides sans que leur coût soit prohibitif. […]

[…] »

B –    Droit de l’Union

1.      Évaluation des incidences sur l’environnement

12.      Une partie des dispositions de la convention d’Aarhus a été transposée dans le droit de l’Union par la directive 2011/92/UE (4).

13.      L’article 1er, paragraphe 2, sous d) et e), de la directive 2011/92 définit la notion de « public » et de « public concerné » :

« d)      “public” : une ou plusieurs personnes physiques ou morales et, conformément à la législation ou à la pratique nationales, les associations, organisations ou groupes constitués par ces personnes ;

e)      “public concerné” : le public qui est touché ou qui risque d’être touché par les procédures décisionnelles en matière d’environnement visées à l’article 2, paragraphe 2, ou qui a un intérêt à faire valoir dans ce cadre. Aux fins de la présente définition, les organisations non gouvernementales qui œuvrent en faveur de la protection de l’environnement et qui remplissent les conditions pouvant être requises en droit interne sont réputées avoir un intérêt ».

14.      L’article 11 de la directive 2011/92 contient une disposition relative à l’accès à la justice, qui correspond largement à l’article 9, paragraphe 2, de la convention d’Aarhus et qui a également été insérée par la directive 2003/35 :

« 1.      Les États membres veillent, conformément à leur cadre juridique en la matière, à ce que les membres du public concerné :

a)      ayant un intérêt suffisant pour agir, ou sinon

b)      faisant valoir une atteinte à un droit, lorsque le droit administratif procédural d’un État membre impose une telle condition,

puissent former un recours devant une instance juridictionnelle ou un autre organe indépendant et impartial établi par la loi pour contester la légalité, quant au fond ou à la procédure, des décisions, des actes ou omissions relevant des dispositions de la présente directive relatives à la participation du public.

[…]

3.      Les États membres déterminent ce qui constitue un intérêt suffisant pour agir ou une atteinte à un droit, en conformité avec l’objectif visant à donner au public concerné un large accès à la justice. À cette fin, l’intérêt de toute organisation non gouvernementale, répondant aux exigences visées à l’article 1er, paragraphe 2, est réputé suffisant aux fins du paragraphe 1, point a), du présent article. De telles organisations sont aussi réputées bénéficier de droits susceptibles de faire l’objet d’une atteinte aux fins du paragraphe 1, point b), du présent article.

[…] »

2.      Protection de la nature

15.      La directive « habitats » (5) prévoit la délimitation de zones de protection, de sites dits « d’importance communautaire ». L’article 6, paragraphe 3, exige un examen ex ante de projets susceptibles d’affecter ces sites de manière significative :

« Tout plan ou projet non directement lié ou nécessaire à la gestion du site mais susceptible d’affecter ce site de manière significative, individuellement ou en conjugaison avec d’autres plans et projets, fait l’objet d’une évaluation appropriée de ses incidences sur le site eu égard aux objectifs de conservation de ce site. Compte tenu des conclusions de l’évaluation d’une incidence sur le site et sous réserve des dispositions du paragraphe 4, les autorités nationales compétentes ne marquent leur accord sur ce plan ou projet qu’après s’être assurées qu’il ne portera pas atteinte à l’intégrité du site concerné et après avoir pris, le cas échéant, l’avis du public. »

16.      Aux termes de l’article 7 de la directive « habitats », cette disposition s’applique également aux zones de protection des oiseaux, créées conformément à la directive « oiseaux » (6).

C –    Droit slovaque

17.      L’article 14 de la Správny poriadok (loi no 71/1967 sur la procédure administrative, ci-après le « code de procédure administrative ») dans sa version applicable au litige principal, prévoit :

« 1)      La partie à la procédure est la personne sur les droits, les intérêts légalement protégés ou les obligations de laquelle porte la procédure, ou dont les droits, les intérêts légalement protégés ou les obligations peuvent être directement affectés par la décision ; est également partie à la procédure la personne qui affirme que ses droits, ses intérêts légalement protégés ou ses obligations peuvent être directement affectés par la décision, et ce jusqu’à preuve du contraire.

2)      Une partie à la procédure est également la personne à laquelle une loi particulière reconnaît ce statut. »

18.      L’article 250b, paragraphes 2 et 3, du Občiansky súdny poriadok (code de procédure civile), dans sa version applicable à la procédure au principal, contient notamment les dispositions suivantes, qui concernent le contenu de la question préjudicielle posée :

« 2)      Si un recours est introduit par une personne qui affirme que la décision d’un organe administratif ne lui a pas été signifiée alors qu’elle aurait dû être traitée comme une partie à la procédure, l’organe judiciaire vérifie la véracité de cette affirmation et enjoint à l’organe administratif de signifier à cette partie la décision administrative et, selon les circonstances, sursoit à son exécution. L’organe administratif est lié par cette position de l’organe judiciaire. Après avoir procédé à la signification, l’organe administratif dépose le dossier auprès de l’organe judiciaire aux fins d’une décision sur le recours. Si, dans le cadre de la procédure administrative, après avoir satisfait aux injonctions de l’organe judiciaire relatives à la signification de la décision administrative, la procédure sur le recours administratif est initiée, l’organe administratif en informe le tribunal sans retard inutile.

3)      L’organe judiciaire ne procède conformément à l’alinéa 2 que si un délai de trois ans ne s’est pas écoulé depuis l’adoption de la décision qui n’a pas été signifiée au requérant. »

III – Faits et question préjudicielle

19.      Par communication du 18 novembre 2008, LZ a été informée de l’introduction d’une procédure administrative relative à l’octroi d’une autorisation de procéder à l’installation d’une clôture sur un terrain en dehors des limites des zones bâties d’une commune au profit de la société anonyme Biely potok a.s. (ci‑après « BPAS »). Le projet était lié au projet d’extension de la réserve dans laquelle BPAS élève des cerfs, sur des parcelles situées dans la zone naturelle protégée, qui a été inscrite par la République slovaque sur la liste Natura 2000 en tant que zone de conservation conformément à la directive « oiseaux » et en tant que site d’importance communautaire au sens de la directive « habitats ».

20.      LZ a demandé la suspension de la procédure d’autorisation et l’examen de la question préjudicielle portant sur la décision du ministère de l’Environnement compétent relative à l’octroi de dérogations aux conditions de protection des espèces protégées, faisant valoir en outre les aspects négatifs figurant dans les observations du Štátná ochrana prírody (Office public de protection de la nature), chargé de la gestion de la zone naturelle protégée et dont l’importance est telle qu’ils suffisent au refus de l’autorisation.

21.      Dans une première phase de la procédure d’autorisation, les autorités compétentes ont décidé tout d’abord aux mois d’avril et de juin 2009 de ne pas reconnaître à LZ le statut de partie à la procédure ; c’est ce qui fait l’objet de la présente procédure de contrôle juridictionnel dans l’affaire au principal. C’est pourquoi LZ a introduit un recours auprès du Krajský súd v Trenčíne (cour régionale de Trenčín, Slovaquie) en fondant la reconnaissance de son statut de partie à la procédure notamment sur les dispositions de la convention d’Aarhus.

22.      Par la suite, la procédure d’autorisation concernant BPAS a été clôturée par une décision octroyant l’autorisation, adoptée sans retard le 10 juin 2009, et, en même temps, selon les indications du Najvyšší súd Slovenskej republiky (Cour suprême de la République slovaque), la décision litigieuse précitée, qui ne reconnaît pas le statut de partie à la procédure, est devenue « définitive ».

23.      Après avoir constaté que la Cour de justice de l’Union européenne avait été saisie d’une question préjudicielle dans l’affaire C‑240/09 susceptible d’avoir une incidence sur sa décision, le Krajský súd v Trenčíne (cour régionale de Trenčín) a suspendu la procédure jusqu’à l’intervention d’une décision dans cette affaire et, sur la base de l’arrêt en question (7) et de l’arrêt du Najvyšší súd Slovenskej republiky (Cour suprême de la République slovaque) dans une affaire similaire, il a, par arrêt du 23 août 2011, annulé les deux décisions litigieuses au motif d’une appréciation erronée des faits et il a renvoyé l’affaire aux autorités administratives pour la suite de la procédure.

24.      Dans cette décision, le Krajský súd v Trenčíne (cour régionale de Trenčín) était d’accord avec LZ en ce sens que celle-ci bénéficie du droit à une protection juridictionnelle au regard du droit à la protection de l’environnement ou du droit à un environnement favorable. Le Krajský súd v Trenčíne (cour régionale de Trenčín) a directement fait référence à l’article 9, paragraphe 3, de la convention d’Aarhus, en combinaison avec l’article 44, paragraphe 1, de la Constitution slovaque.

25.      À la suite du recours introduit devant le Najvyšší súd Slovenskej republiky (Cour suprême de la République slovaque), celui-ci a, le 26 janvier 2012, annulé la première décision du Krajský súd v Trenčíne (cour régionale de Trenčín), renvoyé l’affaire devant ce dernier pour suite à donner et il lui a fait savoir, par avis juridique contraignant, que la procédure relative à la participation n’avait plus d’objet. Selon le Najvyšší súd Slovenskej republiky (Cour suprême de la République slovaque), un examen autonome de la décision rejetant le statut de partie à la procédure administrative n’est recevable que si la procédure administrative est pendante.

26.      Le Krajský súd v Trenčíne (cour régionale de Trenčín) a, quant à lui, par une deuxième décision du 12 septembre 2012, de nouveau annulé les décisions des deux organes administratifs rejetant le statut de partie à la procédure et renvoyé l’affaire pour suite à donner. Par sa décision du 28 février 2013, le Najvyšší súd Slovenskej republiky (Cour suprême de la République slovaque) a cependant également annulé cette décision-là.

27.      C’est sur cette base que le Krajský súd v Trenčíne (cour régionale de Trenčín) a, par sa troisième décision du mois d’avril 2013, clos l’examen juridictionnel, mais il n’a pas recommandé à LZ d’introduire une demande de signification supplémentaire de la décision définitive relative à l’octroi de l’autorisation, au motif que, depuis l’octroi de l’autorisation, les procédures juridictionnelles en cours avaient déjà dépassé le délai de trois ans.

28.      Dans le cadre du pourvoi introduit par LZ devant le Najvyšší súd Slovenskej republiky (Cour suprême de la République slovaque), celui-ci pose la question suivante à la Cour de justice :

« En cas de violation alléguée du droit à un haut degré de protection de l’environnement, mis en œuvre principalement, pour ce qui concerne l’Union européenne, par la directive “habitats”, c’est-à-dire notamment contribuer à obtenir l’avis du public sur un projet susceptible d’affecter de manière significative des zones spéciales de conservation concentrées dans le réseau écologique européen dénommé Natura 2000, le droit à un recours effectif et à un tribunal impartial, consacré par l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, et le droit que la requérante, en sa qualité d’association sans but lucratif créée aux fins de la protection de l’environnement au niveau national, fait valoir en application de l’article 9 de la convention d’Aarhus et dans les limites indiquées dans l’arrêt de la Cour du 8 mars 2011, Lesoochranárske zoskupenie (C‑240/09, EU:C:2011:125) peuvent-ils être appliqués de manière équitable également lorsque la juridiction nationale clôt le contrôle juridictionnel dans un litige portant sur le réexamen d’une décision ne reconnaissant pas le statut de partie à une procédure administrative relative à l’octroi d’une autorisation, comme c’est le cas en l’espèce, et incite la requérante à introduire un recours au titre de partie omise dans la procédure administrative précitée ? »

29.      L’association LZ, la République slovaque et la Commission européenne ont déposé des observations écrites et participé à l’audience de plaidoiries du 18 avril 2016. Avant cette audience, ces trois parties, ainsi que la société BPAS, ont, de plus, répondu par écrit à plusieurs questions de la Cour.

IV – Analyse

30.      Par sa demande de décision préjudicielle, le Najvyšší súd Slovenskej republiky (Cour suprême de la République slovaque) aimerait savoir si les modalités prévues par le droit slovaque, permettant à une association de défense de l’environnement de faire valoir des droits, sont conformes au droit de l’Union et si elles remplissent notamment les exigences du droit à une protection juridictionnelle effective conformément à l’article 47 de la Charte.

31.      Le Najvyšší súd Slovenskej republiky (Cour suprême de la République slovaque) suppose à juste titre que les droits fondamentaux garantis dans l’ordre juridique de l’Union ont seulement vocation à être appliqués dans des situations régies par le droit de l’Union (8). De plus, l’article 47 de la Charte ne concerne que les droits ou les libertés garantis par le droit de l’Union. C’est pourquoi nous vérifierons tout d’abord si l’Union accorde des droits aux associations (voir ci‑dessous, sous A) et ce n’est qu’après cela que nous discuterons des conditions de la protection juridictionnelle effective exigée par le droit de l’Union (voir ci‑dessous, sous B).

A –    Sur les droits accordés par l’Union aux associations de défense de l’environnement

32.      Le Najvyšší súd Slovenskej republiky (Cour suprême de la République slovaque) estime que l’affaire relève du champ d’application du droit de l’Union, étant donné que, dans la procédure au principal, il y a eu atteinte aux obligations de l’État membre qui résultent de la directive « habitats ». Par ailleurs, il évoque la convention d’Aarhus.

33.      À première vue, le recours au principal a pour objet la participation à la procédure d’autorisation d’une clôture à l’intérieur d’une zone protégée. Cette participation n’est cependant pas expressément et directement réglée par le droit de l’Union. Il s’agit plutôt d’une notion du droit slovaque. Elle comporte cependant des éléments qui pourraient être garantis par le droit de l’Union. S’agissant de tels éléments, la garantie, par le droit de l’Union, d’une protection juridictionnelle effective peut être importante.

34.      La question qui s’impose, à savoir celle de savoir s’il peut y avoir un droit, en vertu de la législation de l’Union, à la participation du public aux procédures d’autorisation, ne nécessite cependant pas d’analyse plus poussée. En effet, il résulte de la demande de décision préjudicielle que LZ avait été informée de la procédure d’autorisation et qu’elle pouvait donner son point de vue. On lui a donc accordé des droits de participation minimaux.

35.      En réalité, la préoccupation principale de LZ est non pas de se prononcer sur le projet, mais de se voir reconnaître le droit d’attaquer l’autorisation du projet en justice. Il résulte des arguments des parties que la reconnaissance de la qualité de partie à la procédure constitue, en droit slovaque, la condition pour pouvoir contester une décision clôturant une procédure (article 53 du code de procédure administrative et article 250b, paragraphe 2, du code de procédure civile).

36.      Le droit de l’Union crée en effet des droits pour les associations de défense de l’environnement en matière de recours. Ces droits en matière de recours résultent, d’une part, directement du droit de l’Union, en l’espèce de l’article 6, paragraphe 3, de la directive « habitats » (voir ci-dessous, sous 1), d’autre part, de l’article 9, paragraphe 2, et l’article 6 de la convention d’Aarhus, qui prévoient expressément certains droits de recours en rapport avec des procédures de participation du public (voir ci-dessous, sous 2).

1.      Sur l’article 6, paragraphe 3, de la directive « habitats »

37.      Il y a un droit de recours qui résulte directement de l’article 6, paragraphe 3, de la directive « habitats ».

38.      À cet égard, la République slovaque et BPAS font certes valoir que l’application de cette disposition n’est plus l’objet de la procédure au principal, étant donné qu’il y a déjà eu une décision définitive sur ce point. Il ne serait donc plus nécessaire que la Cour procède à des constatations pour ce qui concerne l’article 6, paragraphe 3, de la directive « habitats ».

39.      Toutefois, lors de l’audience, et malgré différentes demandes de renseignement, il n’était pas possible de déterminer s’il s’agissait effectivement d’une décision pouvant être attaquée de manière séparée ou seulement d’une prise de position dans le cadre de la procédure d’autorisation. De plus, dans sa demande de décision préjudicielle, le Najvyšší súd Slovenskej republiky (Cour suprême de la République slovaque) semble manifestement supposer que l’application de la directive « habitats » est toujours l’objet de la procédure au principal. Dans le cadre de la présente procédure préjudicielle, il convient donc de se fonder sur cette présomption.

40.      Aux termes de l’article 6, paragraphe 3, de la directive « habitats », tout plan ou projet susceptible d’affecter une zone de conservation au sens de la directive « habitats » ou de la directive « oiseaux » de manière significative, individuellement ou en conjugaison avec d’autres plans et projets, fait l’objet d’une évaluation appropriée de ses incidences sur le site eu égard aux objectifs de conservation de ce site. Compte tenu des conclusions de l’évaluation des incidences sur le site, les autorités nationales compétentes ne marquent leur accord sur ce plan ou projet qu’après s’être assurées qu’il ne portera pas atteinte à l’intégrité du site concerné et après avoir pris, le cas échéant, l’avis du public.

41.      La directive « habitats » ne contient aucune indication sur la question de savoir si l’article 6, paragraphe 3, crée le droit d’une association de défense de l’environnement d’introduire un recours en raison de la violation de cette disposition. À cet égard, nous avons fait valoir que les particuliers ne peuvent invoquer cette disposition que dans la mesure où, en vertu du droit national, des possibilités de protection juridique leur sont ouvertes contre les mesures qui violent lesdites dispositions (9).

42.      Il serait cependant incompatible avec l’effet contraignant que l’article 288 TFUE reconnaît à la directive d’exclure en principe que l’obligation qu’elle impose puisse être invoquée par des personnes concernées (10). Du moins les personnes physiques ou morales directement concernées par une violation des dispositions d’une directive doivent par conséquent pouvoir exiger des autorités compétentes, le cas échéant en saisissant les juridictions compétentes, le respect des obligations en cause (11).

43.      De plus, la Cour a déjà constaté que l’article 6, paragraphe 3, de la directive « habitats » est directement applicable dans la mesure où les autorités nationales ne peuvent pas autoriser, en vertu de cette disposition, une activité en présence d’une incertitude quant à l’absence d’effets préjudiciables pour le site concerné (12). Évidemment, cela est d’autant plus vrai que de tels effets sont constatés. Dans les deux cas, une autorisation peut, tout au plus, être accordée à titre exceptionnel en vertu de l’article 6, paragraphe 4, de la directive « habitats » (13).

44.      Il convient cependant de se demander si LZ serait directement concernée par une éventuelle violation de l’article 6, paragraphe 3, de la directive « habitats ».

45.      En tout cas, sont directement concernées les personnes qui peuvent invoquer la violation de leurs propres droits, mais, en l’espèce, il n’y a pas d’élément en ce sens.

46.      La Cour a déjà, et cela précisément s’agissant de LZ et de la directive « habitats », admis qu’il doit être possible aux organisations de défense de l’environnement de contester devant une juridiction une décision administrative susceptible d’être contraire au droit de l’Union de l’environnement (14).

47.      Dans le même sens, la Cour a souligné la compétence des personnes physiques ou morales d’agir contre le risque d’un dépassement de valeurs limites qui sont destinées à la protection de la santé (15). Alors que les personnes physiques peuvent être directement concernées en raison du fait que leur propre santé est affectée, il n’en est pas ainsi pour les personnes morales.

48.      Les personnes morales, comme les associations de défense de l’environnement, peuvent cependant être concernées par la violation de réglementations dans le domaine de la protection de la santé, dans la mesure où leur intérêt en matière de protection de la santé est reconnu sur le plan juridique. La présente espèce ne concerne certes pas la protection de la santé, mais, s’agissant de la protection de l’environnement, la reconnaissance juridique des intérêts des associations peut même être démontrée de manière encore plus claire. En effet, sur le plan du droit de l’Union, la reconnaissance de l’intérêt de certaines associations en matière de protection de l’environnement est prévue à l’article 1er, paragraphe 2, sous e), deuxième phrase, de la directive 2011/92 et, de manière encore plus large, à l’article 2, paragraphe 5, de la convention d’Aarhus. Les États membres doivent reconnaître les associations qui œuvrent en faveur de la protection de l’environnement et qui remplissent toutes les autres conditions requises en droit interne. Ce faisant, ils doivent assurer « un large accès à la justice » et l’effet utile des recours des associations conformément à la directive 2011/92 (16).

49.      Étant donné que ces associations ont donc un intérêt juridiquement reconnu en matière de protection de l’environnement, elles sont suffisamment concernées par la violation de dispositions directement applicables du droit de l’Union de l’environnement pour pouvoir invoquer ces dispositions devant les juridictions nationales. Cela est vrai notamment lorsqu’elles font valoir la violation de l’article 6, paragraphe 3, de la directive « habitats ».

50.      La reconnaissance du fait que les associations de protection de l’environnement sont directement affectées par une violation de l’article 6, paragraphe 3, de la directive « habitats » est également exigée à l’article 9, paragraphe 3, de la convention d’Aarhus. Il est vrai que cette disposition n’est pas directement applicable (17), mais il appartient au juge national, afin d’assurer une protection juridictionnelle effective dans les domaines couverts par le droit de l’Union de l’environnement, de donner de son droit national une interprétation qui, dans toute la mesure du possible, soit conforme aux objectifs fixés à l’article 9, paragraphe 3, de la convention d’Aarhus (18). Ces objectifs consistent à permettre d’assurer une protection effective de l’environnement (19). Comme la convention d’Aarhus est une partie intégrante du droit de l’Union, la même obligation incombe à la Cour.

51.      Le fait que les associations de défense de l’environnement reconnues sont autorisées à mettre en œuvre les dispositions directement applicables du droit de l’Union de l’environnement, à savoir notamment l’article 6, paragraphe 3, de la directive « habitats », contribue à la réalisation de l’objectif de la mise en œuvre effective du droit en matière d’environnement.

52.      D’ailleurs, ce résultat ne constitue pas une nouveauté dans le droit de l’Union, étant donné que les associations de défense de l’environnement peuvent également invoquer l’article 6 de la directive « habitats » dans le cadre d’un recours au titre de l’article 11 de la directive 2011/92 ou de l’article 9, paragraphe 2, de la convention d’Aarhus (20).

53.      Il convient donc de retenir que les associations de défense de l’environnement reconnues au sens de l’article 1er, paragraphe 2, sous e), deuxième phrase, de la directive 2011/92 doivent avoir la possibilité d’introduire un recours en justice contre une violation de l’article 6, paragraphe 3, de la directive « habitats ».

2.      Sur la convention d’Aarhus

54.      À côté de cela, on peut également fonder le recours au principal directement sur la convention d’Aarhus.

55.      En vertu de l’article 9, paragraphe 2, de la convention d’Aarhus, les États contractants doivent veiller à ce que les membres du public concerné puissent former un recours pour contester la légalité, quant au fond et à la procédure, de toute décision, tout acte ou toute omission tombant sous le coup des dispositions de l’article 6. L’autorisation pour l’installation d’une clôture qui a donné lieu à la procédure au principal pourrait relever de l’article 6, paragraphe 1, sous b).

a)      Sur les effets juridiques de la convention d’Aarhus

56.      La convention d’Aarhus a été signée par la Communauté européenne de l’époque et a par la suite été approuvée par la décision 2005/370. Partant, selon une jurisprudence constante, les stipulations de cette convention font désormais, conformément à l’article 216, paragraphe 2, TFUE, partie intégrante de l’ordre juridique de l’Union (21).

57.      Il est vrai que la convention a été conclue par la Communauté et tous ses États membres en vertu d’une compétence partagée, mais, lorsque la Cour est saisie conformément à l’article 267 TFUE, elle est compétente pour établir la ligne de partage entre les obligations que l’Union assume et celles qui demeurent à la seule charge des États membres et pour interpréter (à cet effet) les stipulations de la convention d’Aarhus (22). Lorsqu’elle aboutit à la conclusion que la disposition en question relève des obligations assumées par l’Union, l’interprétation de cette disposition relève elle aussi de sa compétence.

58.      L’article 6 de la convention d’Aarhus prévoit, pour l’autorisation de certaines activités, une participation du public avec une évaluation des incidences sur l’environnement. L’article 9, paragraphe 2, régit le droit de recours en la matière. Ces dispositions ont, pour la majeure partie, été transposées par la directive 2011/92, de sorte qu’elles concernent un domaine largement couvert par le droit de l’Union. C’est pour cette raison que la Cour a une compétence illimitée s’agissant de l’interprétation de l’article 6 et de l’article 9, paragraphe 2, de la convention d’Aarhus (23).

59.      Ces dispositions sont de nature à fonder les droits et les libertés garantis par le droit de l’Union au sens de l’article 47 de la Charte soit de manière directe, soit par la détermination du contenu des dispositions du droit dérivé de l’Union ou du droit des États membres. Rien n’indique que l’affaire au principal relève du cas de figure visé en dernier lieu. Par conséquent, l’article 6 et l’article 9, paragraphe 2, de la convention d’Aarhus ne peuvent ouvrir le champ d’application de l’article 47 de la Charte que s’ils ont un effet direct qui favorise une association comme LZ dans la procédure au principal.

60.      Les stipulations d’un accord conclu par l’Union et ses États membres avec des États tiers doivent être considérées comme étant d’effet direct lorsque, eu égard à leurs termes ainsi qu’à l’objet et à la nature ou eu égard à « la nature et à l’économie » de cet accord, elles comportent des obligations claires et précises qui ne sont pas subordonnées, dans leur exécution ou dans leurs effets, à l’intervention d’aucun acte ultérieur (24).

61.      À cet égard, il convient tout d’abord de signaler que la convention d’Aarhus, ainsi qu’il résulte de son article 1er, sous a), contrairement, par exemple, au droit de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) (25), pour but, compte tenu de son objectif et de sa nature, de fonder des droits pour les particuliers et les associations en matière de défense de l’environnement. C’est précisément cet objectif, voire son absence, que la Cour a souligné lorsque, dans le cadre de l’arrêt Intertanko e.a., elle a examiné la nature et l’économie de la convention des Nations unies sur le droit de la mer, signée à Montego Bay le 10 décembre 1982 (26).

62.      De plus, la Cour a déjà, s’agissant de l’article 11 de la directive 2011/92, constaté que celui-ci est directement applicable en ce qui concerne les droits des associations de défense de l’environnement (27). Cela doit également être vrai pour l’article 9, paragraphe 2, de la convention d’Aarhus, étant donné que cette disposition correspond, dans la mesure où elle est pertinente dans la présente espèce, à l’article 11 de la directive 2011/92.

63.      Par conséquent, il convient aussi de vérifier si l’article 6, paragraphe 1, sous b), de la convention d’Aarhus comporte également une obligation claire et précise qui n’est pas subordonnée, dans son exécution ou dans ses effets, à l’intervention d’aucun acte ultérieur (28).

b)      Sur l’article 6, paragraphe 1, sous b), de la convention d’Aarhus

64.      Conformément à l’article 6, paragraphe 1, sous b), de la convention d’Aarhus, les parties appliquent les dispositions prévues à cet article concernant la participation du public, conformément à leur droit interne, lorsqu’il s’agit de prendre une décision au sujet d’activités proposées non énumérées à l’annexe I qui peuvent avoir un effet important sur l’environnement. Elles déterminent dans chaque cas si l’activité proposée tombe sous le coup de l’article 6.

65.      L’annexe I de la convention d’Aarhus fait référence à l’article 6, paragraphe 1, sous a), de celle-ci qui prévoit une participation obligatoire du public pour l’autorisation des activités énumérées dans cette annexe. Il n’y est cependant pas question de l’installation d’une clôture autour de certaines surfaces en vue de l’élargissement d’un parc à gibier.

66.      Le renvoi de l’article 6, paragraphe 1, sous b), de la convention d’Aarhus au droit national et la détermination de l’applicabilité de l’article 6 par les parties pourraient signifier que la mise en œuvre de la participation du public sur le fondement de l’article 6, paragraphe 1, sous b), peut uniquement être envisagée en conformité avec le droit des parties. C’est également en ce sens que l’on pourrait comprendre le comité de conformité de la convention d’Aarhus (29). Dans ce cas, une application directe de cette disposition serait exclue.

67.      Une lecture plus attentive montre cependant que le libellé de l’article 6, paragraphe 1, sous b), de la convention d’Aarhus ne justifie pas la conclusion selon laquelle l’application de cette disposition suppose une transposition par l’Union ou par les États membres.

68.      L’article 6, paragraphe 1, sous b), deuxième phrase, de la version en langue française de la convention d’Aarhus prévoit en effet expressément que les parties prennent dans chaque cas une décision sur l’application de la participation du public (30). La version en langue anglaise (31) et la version en langue russe (32) vont, du moins pour ce qui concerne l’idée qui les sous-tend, dans le même sens. Elles n’exigent certes pas expressément un examen au cas par cas, mais elles exigent que l’on détermine si une activité proposée déterminée relève de l’article 6.

69.      Par conséquent, l’article 6, paragraphe 1, sous b), deuxième phrase, de la convention d’Aarhus prévoit des exigences absolues du moins dans la mesure où les parties doivent dans chaque cas décider si une activité déterminée est soumise à la participation du public conformément à l’article 6. Les parties n’ont pas de pouvoir discrétionnaire sur l’opportunité d’une telle évaluation.

70.      Le fait que l’article 6 de la convention d’Aarhus doit, aux termes de son paragraphe 1, sous b), première phrase, être appliqué « conformément au droit interne », ne fait pas non plus obstacle à l’applicabilité directe de cette obligation. On ne saurait notamment comprendre cette indication en ce sens que l’évaluation au cas par cas doit être prévue par le droit interne. Dans ce cas, l’article 6, paragraphe 1, sous b), deuxième phrase, serait en effet superflu.

71.      Au contraire, en tant que partie du droit de l’Union, l’article 6 de la convention d’Aarhus fait forcement déjà partie du droit des États membres et constitue donc en principe une base juridique suffisante pour l’évaluation de la nécessité d’une participation du public.

72.      Par conséquent, le renvoi au droit interne signifie avant tout qu’il convient de reprendre des éléments de ce droit, qui n’ont pas été déterminés de manière suffisamment précise à l’article 6 de la convention d’Aarhus. L’évaluation de la nécessité d’une participation du public suppose notamment que, pour l’activité en question, il existe effectivement une procédure d’autorisation, dans le cadre de laquelle cette question peut être évaluée. La détermination de procédures d’autorisation limite les activités entrant en ligne de compte pour l’application de l’article 6 et permet de déterminer l’autorité qui doit vérifier la nécessité d’une participation du public.

73.      Dans la procédure au principal, cette condition est remplie, étant donné que la clôture en question nécessite une autorisation. Apparemment un minimum de participation du public est même prévu, étant donné que LZ a été informée de la procédure d’autorisation et qu’elle a pu prendre position.

74.      L’obligation d’évaluer la nécessité d’une participation du public correspond au droit à cette évaluation, étant donné que la convention d’Aarhus a, aux termes de son article 1er, pour objectif de fonder de tels droits. Cependant, si un tel droit existe, les personnes qui en bénéficient doivent aussi pouvoir l’imposer dans le cadre d’une procédure en justice.

75.      De plus, les bénéficiaires de ce droit sont également déterminés de manière suffisamment claire par la convention d’Aarhus combinée à la transposition de celle-ci par la directive 2011/92 et le droit national en question. En effet, l’article 6 de la convention vise la participation du « public concerné » qui est défini à l’article 2, paragraphe 5, de la convention et qui comporte donc des organisations non gouvernementales qui œuvrent en faveur de la protection de l’environnement et qui remplissent les conditions pouvant être requises en droit interne. Les États membres doivent reconnaître de telles organisations dans le cadre de la transposition de la directive 2011/92, tout en assurant un « large accès à la justice » et sans faire obstacle à l’effet utile des dispositions en matière de droit de recours des associations (33). Si LZ fait partie des bénéficiaires du droit en question, cette association doit également pouvoir imposer son droit à la vérification de l’application de l’article 6 de la convention (34).

76.      Pour ce qui concerne les critères applicables à une décision individuelle sur l’application de l’article 6 de la convention d’Aarhus, il convient de se reporter à l’objectif de cette décision. En tout cas, d’après la version en langue anglaise et la version en langue russe de l’article 6, paragraphe 1, sous b), deuxième phrase, elle a expressément pour but de réaliser la première phrase, c’est-à-dire d’appliquer l’article 6 également lorsqu’il s’agit de prendre une décision au sujet d’activités proposées non énumérées à l’annexe I qui peuvent avoir un effet important sur l’environnement. La version en langue française n’indique certes pas expressément cet objectif, mais, pour cette version linguistique également, on ne voit pas quel autre objectif la décision sur l’application de l’article 6 pourrait avoir.

77.      Comme la Cour l’a déjà décidé dans le cadre de la directive 2011/92 (35) et de la directive 2001/42/CE (36), qui contiennent des dispositions tout à fait similaires, cet objectif limite la marge d’appréciation dont disposent les parties dans le cadre de l’article 6, paragraphe 1, sous b), de la convention d’Aarhus. Lorsque les activités planifiées sont susceptibles d’avoir des incidences notables sur l’environnement, la décision des parties doit par conséquent avoir pour résultat l’application de l’article 6. Compte tenu de cette délimitation en fonction de l’objectif, l’obligation de veiller à la participation du public lorsqu’il peut y avoir des incidences notables sur l’environnement est également directement applicable (37).

78.      La convention d’Aarhus ne prévoit pas de définition des effets importants sur l’environnement. C’est pourquoi les États membres disposent en principe d’une certaine marge d’appréciation en la matière. La directive « habitats » concrétise cependant les exigences qu’il convient de formuler s’agissant de l’importance de l’effet sur l’environnement dans le domaine de la protection européenne de la nature. Ainsi, le risque d’une atteinte à des espèces strictement protégées peut rendre nécessaire une évaluation de l’effet de certains projets sur l’environnement (38). Il convient également d’examiner l’effet de projets sur les objectifs de conservation de zones protégées dans le cadre d’une évaluation au titre de la directive 2011/92 (39). Il faut par conséquent partir du principe que les effets négatifs sur les objectifs de conservation de zones européennes de protection doivent en principe être considérés comme importants au sens de l’article 6, paragraphe 1, sous b), de la convention d’Aarhus. La possibilité que les activités proposées aient de tels effets impose donc en principe l’obligation d’appliquer l’article 6 de la convention d’Aarhus.

79.      Cette interprétation n’est certes pas défendue de manière résolue dans les lignes directrices pour l’application de la convention d’Aarhus, mais ce document retient lui aussi que la possibilité d’effets importants sur l’environnement déclenche l’obligation de prendre une décision sur l’application de l’article 6. Aux termes des lignes directrices, cette décision peut être fondée sur une décision au cas par cas, mais également sur des valeurs seuils ou des critères. On y évoque également la possibilité d’un recours en justice en vue d’imposer la mise en œuvre d’une participation du public conformément à l’article 6 (40).

80.      En vertu de l’article 6, paragraphe 1, sous b), de la convention d’Aarhus, les associations de défense de l’environnement reconnues ont donc le droit de demander que les autorités compétentes selon le droit interne vérifient, au cas par cas, si les activités proposées sont susceptibles d’avoir un effet important sur l’environnement et s’il convient donc d’appliquer l’article 6 à ces activités.

c)      Sur les limites de l’obligation d’assurer la participation du public

81.      La solution développée ci-dessus pourrait cependant se heurter au caractère potentiellement illimité de l’article 6, paragraphe 1, sous b), de la convention d’Aarhus. On pourrait en effet supposer que l’article 6, paragraphe 1, sous b), de la convention inclut toute activité imaginable et qu’elle exige donc une surveillance globale.

82.      La jurisprudence de la Cour concernant les dispositions en cause de la directive 2011/92 et de la directive 2001/42 (41) ne concerne, en revanche, que certains cas, à savoir les types de projets énumérés à l’annexe II de la directive 2011/92 (42) et l’adoption de plans et de programmes dont l’adoption est encadrée par des dispositions législatives ou réglementaires nationales, lesquelles déterminent les autorités compétentes pour les adopter ainsi que leur procédure d’élaboration (43). Dans les deux cas, le législateur a procédé à une présélection des activités entrant en ligne de compte pour une évaluation des incidences sur l’environnement.

83.      Cependant, le champ d’application de l’article 6, paragraphe 1, sous b), de la convention d’Aarhus est pour le moins limité en ce sens que la participation du public doit intervenir conformément au droit interne. Comme nous l’avons déjà démontré ci-dessus, cela signifie qu’il doit y avoir, pour l’activité en question, une procédure d’autorisation, dans le cadre de laquelle il est possible de procéder à l’évaluation de la nécessité d’une participation du public, ainsi que, le cas échéant, à la réalisation de cette participation (44). L’établissement de telles procédures d’autorisation par le législateur concerné est en général également fondé sur les effets escomptés des activités en question.

84.      Le « risque » subsistant d’une participation du public correspond à l’objectif de la convention d’Aarhus consistant à soumettre à l’article 6 les activités qui sont susceptibles d’avoir un effet important sur l’environnement. En effet, cette procédure peut contribuer à empêcher ou du moins à minimiser les incidences néfastes de telles activités sur l’environnement.

d)      Conclusion intermédiaire

85.      Ainsi, l’article 6, paragraphe 1, sous b), de la convention d’Aarhus fonde le droit pour les associations de défense de l’environnement reconnues de demander que les autorités compétentes en vertu du droit interne vérifient au cas par cas si les activités proposées sont susceptibles d’avoir un effet important sur l’environnement et s’il convient, par conséquent, d’appliquer l’article 6 à ces activités. Si tel est le cas – et le fait que, dans la procédure au principal, il s’agit d’une zone de protection européenne va en ce sens – la décision sur cette activité peut être contestée conformément à l’article 9, paragraphe 2. En revanche, si la participation du public est refusée, il est pour le moins possible d’attaquer en justice cette décision de refus.

3.      Sur le point de vue de la Commission

86.      Dans un souci d’exhaustivité, il convient, enfin, de signaler le caractère peu convaincant du point de vue de la Commission, selon lequel l’article 6, paragraphe 3, de la directive « habitats » transpose l’article 6, paragraphe 1, sous b), de la convention d’Aarhus et qu’il fonde donc l’obligation d’assurer une participation du public.

87.      Il est vrai que l’article 6, paragraphe 3, de la directive « habitats » prévoit la possibilité d’une participation du public en rapport avec l’évaluation devant être effectuée en vertu de cette disposition. Cependant, aux termes de cette disposition, il ne doit y avoir une participation du public que le cas échéant. L’obligation d’assurer une participation du public doit par conséquent résulter d’autres dispositions, par exemple, de la directive 2011/92 ou de la directive 2001/42 ou de l’article 6, paragraphe 1, sous b), de la convention d’Aarhus.

B –    Sur la protection juridictionnelle effective

88.      Le Najvyšší súd Slovenskej republiky (Cour suprême de la République slovaque) aimerait savoir s’il est compatible avec les exigences d’une protection juridictionnelle effective qu’il soit mis fin à une procédure en justice portant sur la reconnaissance d’une association de défense de l’environnement en tant que partie à une procédure administrative après la clôture de celle-ci et que l’association de défense de l’environnement soit incitée à introduire un recours sur ce point.

1.      Sur les recours prévus par le droit slovaque

89.      Le droit slovaque prévoit en la matière, selon les indications du Najvyšší súd Slovenskej republiky (Cour suprême de la République slovaque), deux recours qui se complètent.

90.      Le premier recours peut être dirigé contre une décision procédurale refusant de reconnaître à la requérante le statut de partie à la procédure. S’il est fait droit à ce recours, la requérante peut participer à la suite de la procédure et elle peut, après la clôture de la procédure, contester une éventuelle décision sur le fond. Cependant, le recours n’a plus de raison d’être si, entre-temps, il a été mis fin à la procédure administrative concernée par une décision. En effet, dans ce cas, la procédure en justice en question n’a plus d’objet, étant donné que les droits de la requérante en tant que partie à la procédure ne peuvent plus être exercés. Il s’agit là du résultat auquel a abouti pour l’instant la procédure au principal.

91.      Dans cette situation, il est possible d’introduire le second recours prévu à l’article 250b, paragraphe 2, du code de procédure civile slovaque. En vertu de ce texte, une personne qui n’était pas partie à une procédure administrative clôturée peut introduire un recours afin que la décision finale de l’autorité administrative lui soit notifiée. Le succès de ce recours suppose que la requérante aurait dû être partie à la procédure. En cas de succès du recours, la décision administrative doit être notifiée à la requérante et elle peut, par la suite, introduire un recours contre la décision. C’est la voie que LZ aurait en principe dû emprunter dans la procédure au principal.

92.      Aux termes de l’article 250b, paragraphe 3, du code de procédure civile slovaque, le second recours est cependant soumis à un délai de forclusion de trois ans après l’adoption de la décision administrative. Dans la procédure au principal ce délai a déjà expiré.

2.      Sur les critères applicables du droit de l’Union

93.      Étant donné que le droit de l’Union crée, tant par l’article 6, paragraphe 3, de la directive « habitats » que par l’article 6, paragraphe 1, sous b), et de l’article 9, paragraphe 2, de la convention d’Aarhus, le droit pour les associations de défense de l’environnement reconnues de réclamer le contrôle juridictionnel de décisions qui sont susceptibles d’affecter considérablement les zones européennes de protection au sens de la directive « habitats » ou de la directive « oiseaux », les droits fondamentaux du droit de l’Union sont applicables dans le cadre de la mise en œuvre de ce droit.

94.      À cet égard, l’article 47, premier alinéa, de la Charte, cité par le Najvyšší súd Slovenskej republiky (Cour suprême de la République slovaque), présente un intérêt particulier. En vertu de ce texte, toute personne dont les droits et les libertés garantis par le droit de l’Union ont été violés a un droit à un recours effectif devant un tribunal. Cette disposition confirme le principe de protection juridictionnelle effective, qui découle des traditions constitutionnelles communes aux États membres, qui a été consacré par les articles 6 et 13 de la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950 (45).

95.      Par ailleurs, il convient de tenir compte de l’article 9, paragraphe 4, de la convention d’Aarhus (46). En vertu de cette disposition, ce sont notamment les procédures visées à l’article 9, paragraphes 2 et 3, qui offrent des recours suffisants et effectifs. Ces procédures doivent être objectives, équitables et rapides sans que leur coût soit prohibitif.

96.      L’article 9, paragraphe 4, de la convention d’Aarhus est manifestement applicable, dans la mesure où le droit de recours est fondé sur l’article 6, paragraphe 1, sous b), en liaison avec l’article 9, paragraphe 2. Cependant, le droit de recours sur le fondement de l’article 6, paragraphe 3, de la directive « habitats » relève lui aussi du champ d’application de l’article 9, paragraphe 4, de la convention d’Aarhus, étant donné que ce second droit de recours fait partie de la transposition du droit de recours plus général, mais pas directement applicable, de l’article 9, paragraphe 3, de la convention.

97.      Or, en l’absence de réglementation de l’Union en la matière, il appartient à l’ordre juridique interne de chaque État membre de régler les modalités procédurales des recours destinés à assurer la sauvegarde des droits tirés du droit de l’Union, en l’occurrence de la directive « habitats », les États membres ayant la responsabilité d’assurer, dans chaque cas, une protection effective de ces droits (47).

98.      À ce titre, les modalités procédurales des recours destinés à assurer la sauvegarde des droits tirés du droit de l’Union ne doivent pas être moins favorables que celles concernant des recours similaires de droit interne (principe d’équivalence) et ne doivent pas rendre pratiquement impossible ou excessivement difficile l’exercice des droits conférés par l’ordre juridique de l’Union (principe d’effectivité) (48).

99.      En l’espèce, on ne voit pas d’élément allant dans le sens d’une violation du principe d’équivalence. C’est pourquoi il convient surtout de constater l’importance du principe de l’effectivité ainsi que, le cas échéant, celle de sa concrétisation par l’article 9, paragraphe 4, de la convention d’Aarhus, en tant que conséquence de l’article 47 de la Charte.

3.      Sur l’assurance des garanties de la protection juridictionnelle dans la procédure au principal

100. Afin d’examiner l’assurance des garanties de la protection juridictionnelle dans la procédure au principal, nous traiterons, tout d’abord, de manière abstraite, l’organisation de la protection juridictionnelle en droit slovaque, ensuite, le délai de forclusion de trois ans et, enfin, l’application pratique de ces conditions.

a)      Sur l’organisation de la protection juridictionnelle

101. Tout d’abord, il convient de vérifier si l’organisation de la protection juridictionnelle en droit slovaque rend l’exercice des droits conférés par l’ordre juridique de l’Union pratiquement impossible ou si elle le rend excessivement difficile.

102. En droit slovaque, l’accès à la protection juridictionnelle est organisé en deux phases et il n’est pas rare qu’il nécessite même trois procédures en justice. Tout d’abord, les intéressés doivent obtenir la reconnaissance de leur qualité de partie et doivent, pour cela, introduire un, voire deux recours. Ce n’est qu’après cela qu’ils peuvent agir sur le fond contre la décision administrative en cause.

103. Ce système semble a priori compliqué, mais on ne saurait prétendre sans aucune réserve qu’il n’est pas efficace ou qu’il rendrait excessivement difficile la protection juridictionnelle. Au contraire, il conviendrait également de répondre dans le cadre d’une procédure de recours uniforme aux questions juridiques liées aux différentes phases du système.

104. Ainsi qu’il résulte de l’article 9, paragraphe 4, de la convention d’Aarhus, cette organisation de la protection juridictionnelle ne doit cependant ni retarder la procédure de manière inadéquate ni provoquer des frais excessifs. La Cour a jugé de manière similaire sur le fondement du principe d’effectivité lorsque la protection juridictionnelle a été scindée en deux recours devant être introduits de manière parallèle (49). C’est aux juridictions nationales qu’il convient de vérifier si, dans la pratique, il existe de tels risques.

105. S’il existait de tels risques, il appartiendrait à la juridiction de renvoi de donner à une disposition de droit interne, dans la mesure où une marge d’appréciation lui est accordée par le droit national, une interprétation et une application conformes aux exigences du droit de l’Union et, si une telle interprétation n’est pas possible, de laisser inappliquée toute disposition de droit interne qui serait contraire à ces exigences (50). Sur ce point, la question qui s’impose est celle de savoir si un délai de trois ans peut vraiment empêcher l’introduction d’un second recours si, au cours de cette période, il y a déjà eu d’importantes discussions dans le cadre du premier recours sur les mêmes questions, ne pouvant donc pas faire naître une confiance légitime en la matière. Aussi, les juridictions slovaques pourraient-elles, dans l’intérêt d’une gestion efficace des procédures, réfléchir à l’opportunité de requalifier d’office, après la clôture de la procédure administrative intervenue entre-temps, le premier recours et de le considérer comme étant le second. Cependant, seules les juridictions slovaques peuvent décider si l’une de ces voies peut être empruntée en droit slovaque interne.

106. Il apparaît donc que l’article 47 de la Charte et l’article 9, paragraphe 4, de la convention d’Aarhus ne s’opposent pas à un système de protection juridique, organisé comme décrit aux points 89 à 91, dont l’application ne retarde pas la procédure de manière inadéquate ni ne provoque de frais excessifs.

b)      Sur le délai de forclusion de trois ans

107. La fixation de délais raisonnables de recours, à peine de forclusion, dans l’intérêt de la sécurité juridique, qui protège à la fois le particulier et l’administration concernés, est compatible avec le droit de l’Union. En effet, de tels délais ne sont pas de nature à rendre pratiquement impossible ou excessivement difficile l’exercice des droits conférés par l’ordre juridique de l’Union (51).

108. Si – comme dans la procédure au principal – les intéressés avaient ou étaient censés avoir connaissance de la décision administrative en cause, le délai de trois ans a été fixé de manière très généreuse.

109. Le point de vue risque d’être différent dans l’hypothèse où les intéressés n’ont pas pu prendre connaissance de la décision administrative avant l’expiration de ce délai. La Cour ne doit cependant pas se prononcer sur cette question dans la présente espèce.

110. Par conséquent, l’article 47 de la Charte et l’article 9, paragraphe 4, de la convention d’Aarhus ne s’opposent pas à un délai de forclusion de trois ans pour l’introduction d’un recours contre une décision administrative dont ont connaissance les intéressés.

c)      Sur le déroulement de la procédure au principal

111. Il convient cependant de se demander si l’application du délai de forclusion dans la procédure au principal est justifiée.

112. La République slovaque et LZ ne sont pas d’accord sur le point de savoir si le second recours, à savoir le recours en vue de la notification de la décision administrative à une personne dont le statut de partie à la procédure administrative a été refusé (52), peut être introduit après qu’une autorité administrative a déjà expressément refusé d’admettre la participation à la procédure administrative.

113. Dans des cas similaires, concernant l’article 6, paragraphe 1, de la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, la Cour européenne des droits de l’homme considère que, en cas de doute sur l’efficacité d’un recours, il convient normalement de trancher en décidant d’introduire effectivement le recours en question (53).

114. Il résulte par ailleurs de la demande de décision préjudicielle que, dans la procédure au principal, le Najvyšší súd Slovenskej republiky (Cour suprême de la République slovaque) a déjà, dans une décision du 26 janvier 2012, c’est-à-dire plusieurs mois avant l’expiration du délai pour le second recours, signalé qu’il n’était plus possible d’introduire le premier recours, et que seul le second recours était envisageable (54).

115. Il apparaît donc que LZ connaissait la situation juridique suffisamment tôt, avant l’expiration du délai de forclusion, et que, d’après les informations disponibles, elle aurait pu emprunter la seconde voie de recours.

116. Par ailleurs, le Najvyšší súd Slovenskej republiky (Cour suprême de la République slovaque) a signalé dans sa demande de décision préjudicielle que la décision administrative par laquelle LZ s’est vu refuser la qualité de partie à la procédure administrative est devenue définitive par l’autorisation du projet de clôture (55). Si le caractère définitif incluait le contenu de la décision, à savoir la constatation qu’il n’était pas nécessaire de reconnaître à LZ la qualité de partie à la procédure, LZ serait fondée à affirmer que, de ce fait, le succès du second recours est également exclu et qu’il serait pratiquement impossible de faire valoir ses droits. En effet, un tel succès supposerait que LZ aurait effectivement dû se voir reconnaître la qualité de partie à la procédure.

117. De plus, l’exercice des droits par LZ serait pratiquement impossible si la première procédure de recours pendante avait empêché l’introduction valable du second recours ou si le délai de forclusion de trois ans n’avait pas été interrompu par cette seconde procédure et qu’on ne pouvait donc pas s’attendre à une décision sur les droits de LZ.

118. Indépendamment de ces points, qui ne peuvent être jugés de manière définitive que par les juridictions nationales, il y a également des éléments dont il ressort que LZ a supporté des difficultés excessives pour faire valoir ses droits. En effet, même après les déclarations du Najvyšší súd Slovenskej republiky (Cour suprême de la République slovaque) sur le règlement du premier recours de LZ, il restait apparemment encore tellement de questions ouvertes que, dans un premier temps, ni le Najvyšší súd Slovenskej republiky (Cour suprême de la République slovaque) lui-même ni le Krajský súd v Trenčíne (cour régionale de Trenčín) ne constataient un règlement de l’affaire. Le Krajský súd v Trenčíne (cour régionale de Trenčín) a, au contraire, déclaré seulement au mois d’avril 2013 que le recours était réglé, après l’intervention d’une seconde décision du Najvyšší súd Slovenskej republiky (Cour suprême de la République slovaque) dans cette affaire et donc un an après l’expiration du délai de forclusion pour le second recours. Entretemps, le Krajský súd v Trenčíne (cour régionale de Trenčín) a cependant fait une seconde fois droit à la demande de LZ.

119. Il s’agit là d’un indice important dont il ressort que, même après la première décision du Najvyšší súd Slovenskej republiky (Cour suprême de la République slovaque), LZ pouvait continuer à supposer que son premier recours allait aboutir. Exiger, dans cette situation, que LZ introduise néanmoins à titre de précaution déjà un second recours ne serait justifié que si la seconde décision du Krajský súd v Trenčíne (cour régionale de Trenčín), faisant droit à ses demandes, avait été entachée d’erreurs de droit graves manifestes.

120. Cependant la décision sur ce point relève exclusivement des juridictions nationales qui doivent non seulement tenir compte du droit slovaque, mais également de toutes les circonstances pratiques de l’affaire, c’est-à-dire notamment des frais supplémentaires, des retards et d’autres désavantages procéduraux que LZ a subis du fait de ce déroulement de la procédure.

121. Par conséquent, il convient de retenir que, dans les circonstances de l’affaire au principal, l’article 47 de la Charte et l’article 9, paragraphe 4, de la convention d’Aarhus ne s’opposent pas à ce qu’une association de défense de l’environnement soit incitée à introduire un second recours lorsque celui-ci ne rend pas pratiquement impossible ou excessivement difficile l’exercice, par cette association, des droits conférés par l’ordre juridique de l’Union.

V –    Conclusion

122. Nous proposons par conséquent à la Cour de décider comme suit :

L’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne et l’article 9, paragraphe 4, de la convention sur l’accès à l’information, la participation du public au processus décisionnel et l’accès à la justice en matière d’environnement, signée le 25 juin 1998 à Aarhus et approuvée au nom de la Communauté européenne par la décision 2005/370/CE du Conseil, du 17 février 2005, ne s’opposent pas

–        à un système de protection juridictionnelle, organisé de la manière décrite aux points 89 à 91, dont l’application ne retarde pas la procédure de manière inappropriée et ne crée pas de frais excessifs,

–        ni à un délai de forclusion de trois ans pour l’introduction d’un recours contre une décision administrative dont les intéressés ont pris connaissance,

–        ni, dans les circonstances de la procédure au principal, à l’incitation d’une association de défense de l’environnement à introduire un second recours qui n’est pas susceptible de rendre pratiquement impossible ou excessivement difficile l’exercice des droits qui lui ont été conférés par l’ordre juridique de l’Union.


1      Langue originale : l’allemand.


2      Signée à Aarhus le 25 juin 1998 et approuvée au nom de la Communauté européenne par la décision 2005/370/CE du Conseil, du 17 février 2005 (JO 2005, L 124, p. 1, ci-après la « convention d’Aarhus »).


3      Directive 2003/35/CE du Parlement européen et du Conseil, du 26 mai 2003, prévoyant la participation du public lors de l’élaboration de certains plans et programmes relatifs à l’environnement, et modifiant, en ce qui concerne la participation du public et l’accès à la justice, les directives 85/337/CEE et 96/61/CE du Conseil (JO 2003, L 156, p. 17). Voir arrêt du 12 mai 2011, Bund für Umwelt und Naturschutz Deutschland, Landesverband Nordrhein-Westfalen (C‑115/09, EU:C:2011:289).


4      Directive du Parlement européen et du Conseil du 13 décembre 2011 concernant l’évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l’environnement (JO 2012, L 26, p. 1), modifiée en dernier lieu par la directive 2014/52/UE du Parlement européen et du Conseil, du 16 avril 2014 (JO 2014, L 124, p. 1).


5      Directive 92/43/CEE du Conseil, du 21 mai 1992, concernant la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvages (JO 1992, L 206, p. 7), modifiée en dernier lieu par la directive 2013/17/UE du Conseil, du 13 mai 2013, portant adaptation de certaines directives dans le domaine de l’environnement, du fait de l’adhésion de la République de Croatie (JO 2013, L 158, p. 193) (ci-après la « directive “habitats” »).


6      Directive 2009/147/CE du Parlement européen et du Conseil, du 30 novembre 2009, concernant la conservation des oiseaux sauvages (JO 2010, L 20, p. 7), modifiée en dernier lieu par la directive 2013/17/UE du Conseil, du 13 mai 2013, portant adaptation de certaines directives dans le domaine de l’environnement, du fait de l’adhésion de la République de Croatie (JO 2013, L 158, p. 193) (ci-après la « directive “oiseaux” »).


7      Arrêt du 8 mars 2011, Lesoochranárske zoskupenie (C‑240/09, EU:C:2011:125).


8      Voir, en ce sens, arrêt du 26 février 2013, Åkerberg Fransson (C‑617/10, EU:C:2013:105, point 19 et jurisprudence citée), ainsi qu’arrêt du 17 décembre 2015, WebMindLicences (C‑419/14, EU:C:2015:832, point 66).


9      Points 138 à 144 des conclusions que nous avons présentées dans l’affaire Waddenvereniging et Vogelbeschermingsvereniging (C‑127/02, EU:C:2004:60).


10      Arrêts du 7 septembre 2004, Waddenvereniging et Vogelbeschermingsvereniging (C‑127/02, EU:C:2004:482, point 66), ainsi que du 25 juillet 2008, Janecek (C‑237/07, EU:C:2008:447, point 37 et jurisprudence citée).


11      Voir, en ce sens, arrêts du 25 juillet 2008, Janecek (C‑237/07, EU:C:2008:447, point 39), ainsi que du 26 mai 2011, Stichting Natuur en Milieu e.a. (C‑165/09 à C‑167/09, EU:C:2011:348, point 100).


12      Arrêt du 7 septembre 2004, Waddenvereniging et Vogelbeschermingsvereniging (C‑127/02, EU:C:2004:482, points 68 et 69).


13      Arrêt du 7 septembre 2004, Waddenvereniging et Vogelbeschermingsvereniging (C‑127/02, EU:C:2004:482, point 60).


14      Arrêt du 8 mars 2011, Lesoochranárske zoskupenie (C‑240/09, EU:C:2011:125, point 51).


15      Arrêt du 25 juillet 2008, Janecek (C‑237/07, EU:C:2008:447, points 38 et 39).


16      Arrêt du 15 octobre 2009, Djurgården-Lilla Värtans Miljöskyddsförening (C‑263/08, EU:C:2009:631, point 45).


17      Arrêts du 8 mars 2011, Lesoochranárske zoskupenie (C‑240/09, EU:C:2011:125, point 45) ; du 13 janvier 2015, Conseil e.a./Vereniging Milieudefensie et Stichting Stop Luchtverontreiniging Utrecht (C‑401/12 P à C‑403/12 P, EU:C:2015:4, point 55), ainsi que Conseil et Commission/Stichting Natuur en Milieu et Pesticide Action Network Europe (C‑404/12 P et C‑405/12 P, EU:C:2015:5, point 47).


18      Arrêt du 8 mars 2011, Lesoochranárske zoskupenie (C‑240/09, EU:C:2011:125, point 50).


19      Arrêt du 8 mars 2011, Lesoochranárske zoskupenie (C‑240/09, EU:C:2011:125, point 46).


20      Arrêt du 12 mai 2011, Bund für Umwelt und Naturschutz Deutschland, Landesverband Nordrhein-Westfalen (C‑115/09, EU:C:2011:289, point 49).


21      Arrêt du 8 mars 2011, Lesoochranárske zoskupenie (C‑240/09, EU:C:2011:125, point 30 et jurisprudence citée).


22      Arrêt du 8 mars 2011, Lesoochranárske zoskupenie (C‑240/09, EU:C:2011:125, point 31 et jurisprudence citée).


23      Voir arrêts du 19 mars 2002, Commission/Irlande (C‑13/00, EU:C:2002:184, point 20) ; du 7 octobre 2004, Commission/France (C‑239/03, EU:C:2004:598, points 29 à 31) ; du 8 mars 2011, Lesoochranárske zoskupenie (C‑240/09, EU:C:2011:125, point 36), ainsi que du 4 septembre 2014, Commission/Conseil (C‑114/12, EU:C:2014:2151, point 102).


24      Arrêt du 8 mars 2011, Lesoochranárske zoskupenie (C‑240/09, EU:C:2011:125, point 44 et jurisprudence citée).


25      Voir arrêts du 12 décembre 1972, International Fruit Company e.a. (21/72 à 24/72, EU:C:1972:115) ; du 1er mars 2005, Van Parys (C‑377/02, EU:C:2005:121, points 39, 42 et suiv.), ainsi que du 16 juillet 2015, Commission/Rusal Armenal (C‑21/14 P, EU:C:2015:494, points 38 et 39).


26      Arrêt du 3 juin 2008, Intertanko e.a. (C‑308/06, EU:C:2008:312, points 64 et 65). Voir également Kokott, J., « International Law – A Neglected “Integral” Part of the EU Legal Order ? », dans De Rome à Lisbonne : les juridictions de l’Union européenne à la croisée des chemins – Mélanges en l’honneur de Paolo Mengozzi, Bruylant, Bruxelles, 2013, p. 61, 76 et suiv.


27      Arrêt du 12 mai 2011, Bund für Umwelt und Naturschutz Deutschland, Landesverband Nordrhein-Westfalen (C‑115/09, EU:C:2011:289, point 57).


28      Voir arrêt du 8 mars 2011, Lesoochranárske zoskupenie (C‑240/09, EU:C:2011:125, point 44 et jurisprudence citée).


29      Constatations et recommandations du 24 septembre 2010, Cultra Residents’ Association/Royaume-Uni (ACCC/C/2008/27, points 44 et 45). Voir, concernant ce comité, point 8 des conclusions que nous avons présentées dans l’affaire Edwards (C‑260/11, EU:C:2012:645).


30      « Les parties déterminent dans chaque cas si l’activité proposée tombe sous le coup de ces dispositions. »


31      « To this end, Parties shall determine whether such a proposed activity is subject to these provisions. »


32      « С зтой целью Стороны определяют, охватывается ли такой планируемый вид деятельности зтими положениями. »


33      Voir arrêt du 15 octobre 2009, Djurgården-Lilla Värtans Miljöskyddsförening (C‑263/08, EU:C:2009:631, point 45).


34      Voir, concernant la directive 2011/92, arrêt du 30 avril 2009, Mellor (C‑75/08, EU:C:2009:279, point 58).


35      Voir notamment arrêt du 24 octobre 1996, Kraaijeveld e.a. (C‑72/95, EU:C:1996:404, points 50 et 61), ainsi que du 21 mars 2013, Salzburger Flughafen (C‑244/12, EU:C:2013:203, points 29 et 41 à 43).


36      Directive du Parlement européen et du Conseil du 27 juin 2001 relative à l’évaluation des incidences de certains plans et programmes sur l’environnement (JO 2001, L 197, p. 30). Voir également arrêts du 22 septembre 2011, Valčiukienė e.a. (C‑295/10, EU:C:2011:608, point 46), ainsi que du 10 septembre 2015, Dimos Kropias Attikis (C‑473/14, EU:C:2015:582, points 46 et 47).


37      Voir, concernant la directive 2011/92, notamment arrêt du 21 mars 2013, Salzburger Flughafen (C‑244/12, EU:C:2013:203, points 41 et 42).


38      Voir, concernant la protection des espèces, arrêt du 11 janvier 2007, Commission/Irlande (C‑183/05, EU:C:2007:14, points 34 à 37), et point 54 des conclusions que nous avons présentées dans l’affaire Mellor (C‑75/08, EU:C:2009:32).


39      Arrêt du 24 novembre 2011, Commission/Espagne (C‑404/09, EU:C:2011:768, points 84 à 92).


40      Ebbesson, J., Gaugitsch, H., Miklau, M., Jendrośka, J., Stec, S., Marshall, F., The Aarhus Convention : An Implementation Guide, 2e édition, Nations unies, Genève, 2014, p. 132.


41      Voir ci-dessus point 77.


42      Voir, en ce sens, ordonnance du 10 juillet 2008, Aiello e.a. (C‑156/07, EU:C:2008:398, point 34).


43      Arrêt du 22 mars 2012, Inter-Environnement Bruxelles e.a. (C‑567/10, EU:C:2012:159, points 28 à 31). Voir, plus précisément, point 14 à 30 des conclusions que nous avons présentées dans cette affaire (EU:C:2011:755). Voir également la critique de la Supreme Court (Cour suprême, Royaume-Uni), HS2 Action Alliance Ltd, R (on the application of) v The Secretary of State for Transport & Anor [2014] UKSC 3, p. 175 à 189.


44      Voir ci-dessus point 72.


45      Arrêts du 13 mars 2007, Unibet (C‑432/05, EU:C:2007:163, point 37) ; du 3 septembre 2008, Kadi et Al Barakaat International Foundation/Conseil et Commission (C‑402/05 P et C‑415/05 P, EU:C:2008:461, point 335), ainsi que du 17 mars 2011, AJD Tuna (C‑221/09, EU:C:2011:153, point 45).


46      Voir arrêt du 11 avril 2013, Edwards et Pallikaropoulos (C‑260/11, EU:C:2013:221, point 33).


47      Arrêt du 8 mars 2011, Lesoochranárske zoskupenie (C‑240/09, EU:C:2011:125, point 47).


48      Arrêts du 8 mars 2011, Lesoochranárske zoskupenie (C‑240/09, EU:C:2011:125, point 48) ; du 16 avril 2015, Gruber (C‑570/13, EU:C:2015:231, point 37), et du 6 octobre 2015, East Sussex County Council (C‑71/14, EU:C:2015:656).


49      Voir arrêt du 15 avril 2008, Impact (C‑268/06, EU:C:2008:223, point 51).


50      Voir arrêts du 11 janvier 2007, ITC (C‑208/05, EU:C:2007:16, point 70), et du 8 mai 2013, Marinov (C‑142/12, EU:C:2013:292, point 39).


51      Arrêts du 16 décembre 1976, Rewe-Zentralfinanz et Rewe-Zentral (33/76, EU:C:1976:188, point 5) ; du 17 novembre 1998, Aprile (C‑228/96, EU:C:1998:544, point 19) ; du 30 juin 2011, Meilicke e.a. (C‑262/09, EU:C:2011:438, point 56), ainsi que du 29 octobre 2015, BBVA (C‑8/14, EU:C:2015:731, point 28).


52      Voir ci-dessus point 91.


53      Arrêt de la Cour EDH du 23 mai 2016, Avotiņš/Lettonie (CE:ECHR:2016:0523JUD001750207, § 122 et jurisprudence citée).


54      Voir point 25 de la demande de décision préjudicielle.


55      Voir point 23 de la demande de décision préjudicielle.