Language of document : ECLI:EU:C:2016:838

ARRÊT DE LA COUR (grande chambre)

8 novembre 2016 (*)

« Renvoi préjudiciel – Environnement – Directive 92/43/CEE – Conservation des habitats naturels – Article 6, paragraphe 3 – Convention d’Aarhus – Participation du public au processus décisionnel et accès à la justice en matière d’environnement – Articles 6 et 9 – Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne – Article 47 – Droit à une protection juridictionnelle effective – Projet d’installation d’une clôture – Site protégé de Strážovské vrchy – Procédure administrative d’autorisation – Organisation de défense de l’environnement – Demande tendant à obtenir la qualité de partie à la procédure – Rejet – Recours juridictionnel »

Dans l’affaire C‑243/15,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Najvyšší súd Slovenskej republiky (Cour suprême de la République slovaque, Slovaquie), par décision du 14 avril 2015, parvenue à la Cour le 27 mai 2015, dans la procédure

Lesoochranárske zoskupenie VLK

contre

Obvodný úrad Trenčín,

en présence de :

Biely potok a.s.,

LA COUR (grande chambre),

composée de M. K. Lenaerts, président, M. A. Tizzano, vice-président, MM. L. Bay Larsen, T. von Danwitz, J. L. da Cruz Vilaça, E. Juhász, Mmes M. Berger, A. Prechal (rapporteur), MM. M. Vilaras et E. Regan, présidents de chambre, MM. A. Rosas, A. Borg Barthet, J. Malenovský, E. Jarašiūnas et C. Lycourgos, juges,

avocat général : Mme J. Kokott,

greffier : M. M. Aleksejev, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 18 avril 2016,

considérant les observations présentées :

–        pour Lesoochranárske zoskupenie VLK, par Me I. Rajtáková, advokátka,

–        pour le gouvernement slovaque, par Mme B. Ricziová et M. M. Kianička, en qualité d’agents,

–        pour la Commission européenne, par M. A. Tokár et Mme L. Pignataro-Nolin, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 30 juin 2016,

rend le présent

Arrêt

1        La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte ») et de l’article 9 de la convention sur l’accès à l’information, la participation du public au processus décisionnel et l’accès à la justice en matière d’environnement, signée à Aarhus le 25 juin 1998 et approuvée au nom de la Communauté européenne par la décision 2005/370/CE du Conseil, du 17 février 2005 (JO 2005, L 124, p. 1, ci-après la « convention d’Aarhus »).

2        Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant Lesoochranárske zoskupenie VLK (association pour la protection des forêts VLK, ci-après « LZ »), organisation de défense de l’environnement constituée conformément au droit slovaque, au Obvodný úrad Trenčín (autorité du district de Trenčín, Slovaquie), au sujet de la demande de cette organisation tendant à se voir reconnaître la qualité de partie à la procédure administrative relative à une demande d’autorisation d’un projet d’installation d’une clôture en vue de l’élargissement d’un parc à gibier sur un site protégé.

 Le cadre juridique

 Le droit international

3        L’article 2 de la convention d’Aarhus, intitulé « Définitions », stipule, à ses paragraphes 4 et 5 :

« 4.      Le terme “public” désigne une ou plusieurs personnes physiques ou morales et, conformément à la législation ou à la coutume du pays, les associations, organisations ou groupes constitués par ces personnes.

5.      L’expression “public concerné” désigne le public qui est touché ou qui risque d’être touché par les décisions prises en matière d’environnement ou qui a un intérêt à faire valoir à l’égard du processus décisionnel ; aux fins de la présente définition, les organisations non gouvernementales qui œuvrent en faveur de la protection de l’environnement et qui remplissent les conditions pouvant être requises en droit interne sont réputées avoir un intérêt. »

4        L’article 6 de ladite convention, intitulé « Participation du public aux décisions relatives à des activités particulières », prévoit:

«1.      Chaque partie:

[...]

b)      applique aussi les dispositions du présent article, conformément à son droit interne, lorsqu’il s’agit de prendre une décision au sujet d’activités proposées non énumérées à l’annexe I qui peuvent avoir un effet important sur l’environnement. Les Parties déterminent dans chaque cas si l’activité proposée tombe sous le coup de ces dispositions, 

[...]

2.      Lorsqu’un processus décisionnel touchant l’environnement est engagé, le public concerné est informé comme il convient, de manière efficace et en temps voulu, par un avis au public ou individuellement, selon le cas, au début du processus. [...]

[...]

3.      Pour les différentes étapes de la procédure de participation du public, il est prévu des délais raisonnables laissant assez de temps pour informer le public conformément au paragraphe 2 ci-dessus et pour que le public se prépare et participe effectivement aux travaux tout au long du processus décisionnel en matière d’environnement.

4.      Chaque Partie prend des dispositions pour que la participation du public commence au début de la procédure, c’est-à-dire lorsque toutes les options et solutions sont encore possibles et que le public peut exercer une réelle influence.

5.      Chaque Partie devrait, lorsqu’il y a lieu, encourager quiconque a l’intention de déposer une demande d’autorisation à identifier le public concerné, à l’informer de l’objet de la demande qu’il envisage de présenter et à engager la discussion avec lui à ce sujet avant de déposer sa demande.

6.      Chaque Partie demande aux autorités publiques compétentes de faire en sorte que le public concerné puisse consulter sur demande lorsque le droit interne l’exige, et gratuitement, dès qu’elles sont disponibles, toutes les informations présentant un intérêt pour le processus décisionnel visé dans le présent article qui peuvent être obtenues au moment de la procédure de participation du public, sans préjudice du droit des Parties de refuser de divulguer certaines informations conformément aux paragraphes 3 et 4 de l’article 4. [...]

[...]

7.      La procédure de participation du public prévoit la possibilité pour le public de soumettre par écrit ou, selon qu’il convient, lors d’une audition ou d’une enquête publique faisant intervenir l’auteur de la demande toutes observations, informations, analyses ou opinions qu’il estime pertinentes au regard de l’activité proposée.

[...] »

5        L’article 9 de la même convention, intitulé « Accès à la justice », prévoit, à ses paragraphes 2 à 4:

« 2.      Chaque Partie veille, dans le cadre de sa législation nationale, à ce que les membres du public concerné

a)      ayant un intérêt suffisant pour agir ou, sinon,

b)      faisant valoir une atteinte à un droit, lorsque le code de procédure administrative d’une Partie pose une telle condition,

puissent former un recours devant une instance judiciaire et/ou un autre organe indépendant et impartial établi par [la] loi pour contester la légalité, quant au fond et à la procédure, de toute décision, tout acte ou toute omission tombant sous le coup des dispositions de l’article 6 et, si le droit interne le prévoit et sans préjudice du paragraphe 3 ci-après, des autres dispositions pertinentes de la présente Convention.

Ce qui constitue un intérêt suffisant et une atteinte à un droit est déterminé selon les dispositions du droit interne et conformément à l’objectif consistant à accorder au public concerné un large accès à la justice dans le cadre de la présente Convention. À cet effet, l’intérêt qu’a toute organisation non gouvernementale répondant aux conditions visées au paragraphe 5 de l’article 2 est réputé suffisant au sens de l’alinéa a) ci-dessus. Ces organisations sont également réputées avoir des droits auxquels il pourrait être porté atteinte au sens de l’alinéa b) ci-dessus.

Les dispositions du présent paragraphe 2 n’excluent pas la possibilité de former un recours préliminaire devant une autorité administrative et ne dispensent pas de l’obligation d’épuiser les voies de recours administratif avant d’engager une procédure judiciaire lorsqu’une telle obligation est prévue en droit interne.

3.      En outre, et sans préjudice des procédures de recours visées aux paragraphes 1 et 2 ci-dessus, chaque Partie veille à ce que les membres du public qui répondent aux critères éventuels prévus par son droit interne puissent engager des procédures administratives ou judiciaires pour contester les actes ou omissions de particuliers ou d’autorités publiques allant à l’encontre des dispositions du droit national de l’environnement.

4.      En outre, et sans préjudice du paragraphe 1, les procédures visées aux paragraphes 1, 2 et 3 ci-dessus doivent offrir des recours suffisants et effectifs, y compris un redressement par injonction s’il y a lieu, et doivent être objectives, équitables et rapides sans que leur coût soit prohibitif. Les décisions prises au titre du présent article sont prononcées ou consignées par écrit. Les décisions des tribunaux et, autant que possible, celles d’autres organes doivent être accessibles au public. »

 Le droit de l’Union

6        L’article 2, paragraphe 2, de la directive 92/43/CEE du Conseil, du 21 mai 1992, concernant la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvages (JO 1992, L 206, p. 7), telle que modifiée par la directive 2006/105/CE du Conseil, du 20 novembre 2006 (JO 2006, L 363, p. 368) (ci-après la « directive 92/43 »), énonce :

« Les mesures prises en vertu de la présente directive visent à assurer le maintien ou le rétablissement, dans un état de conservation favorable, des habitats naturels et des espèces de faune et de flore sauvages d’intérêt communautaire. »

7        L’article 3, paragraphe 1, de la directive 92/43 prévoit :

« Un réseau écologique européen cohérent de zones spéciales de conservation, dénommé “Natura 2000”, est constitué. Ce réseau, formé par des sites abritant des types d’habitats naturels figurant à l’annexe I et des habitats des espèces figurant à l’annexe II, doit assurer le maintien ou, le cas échéant, le rétablissement, dans un état de conservation favorable, des types d’habitats naturels et des habitats d’espèces concernés dans leur aire de répartition naturelle.

Le réseau Natura 2000 comprend également les zones de protection spéciale classées par les États membres en vertu des dispositions de la directive 79/409/CEE [du Conseil, du 2 avril 1979, concernant la conservation des oiseaux sauvages (JO 1979, L 103, p. 1)]. »

8        L’article 4 de la directive 92/43 énonce :

« 1.      Sur la base des critères établis à l’annexe III (étape 1) et des informations scientifiques pertinentes, chaque État membre propose une liste de sites indiquant les types d’habitats naturels de l’annexe I et les espèces indigènes de l’annexe II qu’ils abritent. [...]

La liste est transmise à la Commission, dans les trois ans suivant la notification de la présente directive, en même temps que les informations relatives à chaque site. [...]

2.      Sur la base des critères établis à l’annexe III (étape 2) et dans le cadre de chacune des neuf régions biogéographiques mentionnées à l’article 1er point c) iii), et de l’ensemble du territoire visé à l’article 2 paragraphe 1, la Commission établit, en accord avec chacun des États membres, un projet de liste des sites d’importance communautaire, à partir des listes des États membres, faisant apparaître les sites qui abritent un ou plusieurs types d’habitats naturels prioritaires ou une ou plusieurs espèces prioritaires.

[...]

La liste des sites sélectionnés comme sites d’importance communautaire, faisant apparaître les sites abritant un ou plusieurs types d’habitats naturels prioritaires ou une ou plusieurs espèces prioritaires, est arrêtée par la Commission selon la procédure visée à l’article 21.

[...]

4.      Une fois qu’un site d’importance communautaire a été retenu en vertu de la procédure prévue au paragraphe 2, l’État membre concerné désigne ce site comme zone spéciale de conservation le plus rapidement possible [...].

5.      Dès qu’un site est inscrit sur la liste visée au paragraphe 2 troisième alinéa, il est soumis aux dispositions de l’article 6 paragraphes 2, 3 et 4. »

9        L’article 6, paragraphe 3, de la directive 92/43 dispose :

« Tout plan ou projet non directement lié ou nécessaire à la gestion du site mais susceptible d’affecter ce site de manière significative, individuellement ou en conjugaison avec d’autres plans et projets, fait l’objet d’une évaluation appropriée de ses incidences sur le site eu égard aux objectifs de conservation de ce site. Compte tenu des conclusions de l’évaluation des incidences sur le site et sous réserve des dispositions du paragraphe 4, les autorités nationales compétentes ne marquent leur accord sur ce plan ou projet qu’après s’être assurées qu’il ne portera pas atteinte à l’intégrité du site concerné et après avoir pris, le cas échéant, l’avis du public. »

10      L’article 7 de cette directive prévoit :

« Les obligations découlant de l’article 6 paragraphes 2, 3 et 4 de la présente directive se substituent aux obligations découlant de l’article 4 paragraphe 4 première phrase de la directive [79/409] en ce qui concerne les zones classées en vertu de l’article 4 paragraphe 1 ou reconnues d’une manière similaire en vertu de l’article 4 paragraphe 2 de ladite directive à partir de la date de mise en application de la présente directive ou de la date de la classification ou de la reconnaissance par un État membre en vertu de la directive [79/409] si cette dernière date est postérieure. »

 Le droit slovaque

11      L’article 13, paragraphe 2, du zákon č. 543/2002 Z.z. o ochrane prírody a krajiny (loi n° 543/2002 sur la protection de la nature et du paysage) dispose :

« Pour les zones relevant du deuxième degré de conservation, l’accord de l’organe de protection de la nature est requis pour

[...]

d)      clôturer un terrain au-delà des limites de la zone bâtie d’une commune, à l’exception des clôtures des pépinières, des vergers et des vignes.

[...] »

12      Aux termes de l’article 82, paragraphe 3, de cette loi :

« [...] [S]eul le demandeur est partie à la procédure d’octroi d’une autorisation ou d’une dérogation, sauf si la loi en dispose autrement. [...] Toute association dotée de la personnalité juridique qui œuvre depuis au moins un an pour la protection de la nature et du paysage [...] et notifie par écrit sa participation à la procédure au plus tard dans les sept jours suivant la notification visée au paragraphe 7, constitue une personne intéressée. »

13      Ladite disposition, dans sa version modifiée en vigueur depuis le 1er décembre 2011, se lit comme suit :

« Seul le demandeur est partie à la procédure d’octroi d’une autorisation ou d’une dérogation, sauf si la loi en dispose autrement. [...] Les associations dotées de la personnalité juridique dont l’objet principal est, pendant une durée minimale d’un an, la protection de l’environnement [...] et qui ont demandé au préalable à participer à la procédure [...], sont parties à la procédure [...] si elles ont confirmé leur intérêt à être partie par voie écrite ou par voie électronique au début de la procédure administrative ; la déclaration doit être transmise à l’autorité compétente de protection de la nature dans le délai qui a été fixé à cet effet par l’autorité en question et communiqué en même temps que les informations relatives à l’ouverture de la procédure en tant que procédure pouvant affecter les intérêts de la nature et des espaces naturels protégés par la présente loi [...] ».

14      L’article 14 du Správny poriadok (code de procédure administrative), dans sa version applicable au litige au principal, prévoit :

« (1) La partie à la procédure est la personne sur les droits, les intérêts légalement protégés ou les obligations de laquelle porte la procédure, ou dont les droits, les intérêts légalement protégés ou les obligations peuvent être directement affectés par la décision ; est également partie à la procédure la personne qui affirme que ses droits, ses intérêts légalement protégés ou ses obligations peuvent être directement affectés par la décision, et ce jusqu’à preuve du contraire.

(2)      Une partie à la procédure est également la personne à laquelle une loi particulière reconnaît ce statut. »

15      Conformément à l’article 15 bis, paragraphe 2, du code de procédure administrative, une « personne participante » jouit du droit d’être informée de l’engagement d’une procédure administrative, d’accéder aux dossiers soumis par les parties à la procédure administrative, de participer aux auditions et aux inspections sur place ainsi que de produire des éléments de preuve et d’autres éléments sur le fondement desquels la décision sera prise.

16      L’article 250 (b), paragraphes 2 et 3, de l’Občiansky súdny poriadok (code de procédure civile), dans sa version applicable au litige au principal, prévoit :

« (2) Si un recours est introduit par une personne qui affirme que la décision d’un organe administratif ne lui a pas été signifiée alors qu’elle aurait dû être traitée comme une partie à la procédure, l’organe judiciaire vérifie la véracité de cette affirmation et enjoint à l’organe administratif de signifier à cette partie la décision administrative et, selon les circonstances, ordonne qu’il soit sursis à son exécution. L’organe administratif est lié par cette position de l’organe judiciaire. Après avoir procédé à la signification, l’organe administratif dépose le dossier auprès de l’organe judiciaire aux fins d’une décision sur le recours. Si, dans le cadre de la procédure administrative, après avoir satisfait aux injonctions de l’organe judiciaire relatives à la signification de la décision administrative, la procédure sur le recours administratif est initiée, l’organe administratif en informe le tribunal sans retard inutile.

(3)      L’organe judiciaire ne procède conformément au paragraphe 2 que si un délai de trois ans ne s’est pas écoulé depuis l’adoption de la décision qui n’a pas été signifiée au requérant. »

 Le litige au principal et la question préjudicielle

17      Le 28 avril 2004, la République slovaque a informé la Commission européenne du classement du site de Strážovské vrchy (monts de Strážov, Slovaquie), d’une superficie totale d’environ 59 000 hectares, comme zone de protection spéciale au titre de la directive 79/409, aux fins d’assurer la conservation et la reproduction de certaines espèces d’oiseaux d’intérêt européen, tel le faucon pèlerin (falco peregrinus).

18      En outre, par la décision 2008/218/CE de la Commission, du 25 janvier 2008, arrêtant, en application de la directive 92/43, une première liste actualisée des sites d’importance communautaire pour la région biogéographique alpine (JO 2008, L 77, p. 106), une partie dudit site, d’une superficie d’environ 29 000 hectares, a été inscrite sur la liste des sites d’importance communautaire.

19      Le 18 novembre 2008, LZ a été informée de l’ouverture par l’autorité du district de Trenčín d’une procédure administrative portant sur une demande, introduite par Biely potok a.s., visant à l’autorisation d’un projet relatif à l’installation d’une clôture, en vue de l’élargissement d’une réserve pour l’élevage de cerfs, sur des parcelles situées dans le site protégé de Strážovské vrchy.

20      Par la suite, LZ s’est manifestée auprès de cette autorité, qui lui a communiqué le procès-verbal de la procédure orale ainsi que les documents préparatoires de la décision d’octroi de l’autorisation demandée.

21      Au regard de ces éléments, LZ a demandé la suspension de la procédure administrative en faisant état d’éléments qui excluraient l’octroi d’une autorisation. Elle s’est, à cet égard, notamment fondée sur certains éléments figurant dans les observations du Štátna ochrana prírody – Správa CHKO (Office public de protection de la nature – Service de la zone naturelle protégée, Slovaquie), présentées le 3 décembre 2008.

22      Par une décision du 23 avril 2009, l’autorité du district de Trenčín a rejeté la demande de LZ de se voir reconnaître la qualité de partie à la procédure administrative d’autorisation au motif que la législation applicable ne reconnaissait aux associations dotées de la personnalité juridique telles que LZ que la qualité de « personne intéressée » mais non celle de « partie à la procédure ».

23      Le recours administratif hiérarchique formé par LZ contre cette décision a été rejeté par le Krajský úrad životného prostredia v Trenčíne (autorité régionale de l’environnement de Trenčín, Slovaquie), pour le même motif, par une décision du 1er juin 2009, devenue définitive le 10 juin 2009 (ci-après ces deux décisions, prises ensemble, les « décisions en cause au principal »).

24      Par une décision, également en date du 10 juin 2009 et devenue définitive le 19 juin 2009, l’autorité du district de Trenčín a octroyé l’autorisation demandée par Biely potok.

25      Le 11 juin 2009, LZ a introduit un recours contre les décisions en cause au principal auprès du Krajský súd v Trenčíne (cour régionale de Trenčín, Slovaquie), visant à l’obtention de la qualité de partie à la procédure administrative sur le fondement, notamment, de l’article 9, paragraphe 3, de la convention d’Aarhus.

26      Cette juridiction, après avoir sursis à statuer dans l’attente du prononcé par la Cour de l’arrêt du 8 mars 2011, Lesoochranárske zoskupenie (C‑240/09, EU:C:2011:125), a, par décision du 23 août 2011, annulé les décisions en cause au principal en se fondant, notamment, sur cet arrêt.

27      Par décision du 26 janvier 2012, le Najvyšší súd Slovenskej republiky (Cour suprême de la République slovaque, Slovaquie) a annulé la décision du 23 août 2011 du Krajský súd v Trenčíne (cour régionale de Trenčín) et a renvoyé l’affaire devant ce dernier.

28      Il ressort de ladite décision du 26 janvier 2012, d’une part, que, en vertu des dispositions slovaques de procédure civile, postérieurement à la clôture définitive, au fond, d’une procédure administrative, intervenue, en l’occurrence, à la suite de la décision du 10 juin 2009 de l’autorité du district de Trenčín faisant droit à la demande d’autorisation, il n’y a plus lieu de procéder à un contrôle judiciaire autonome de la décision refusant la qualité de partie à la procédure administrative dès lors que, les droits procéduraux que confère cette qualité ne pouvant être exercés que dans l’hypothèse où la procédure est toujours pendante, la personne réclamant ladite qualité ne peut plus s’en prévaloir une fois cette procédure définitivement clôturée au fond.

29      D’autre part, si, dans une telle situation, la procédure judiciaire relative à l’octroi d’une telle qualité doit être clôturée, la personne concernée doit être avisée de la possibilité de réclamer la qualité de partie à la procédure en introduisant un recours en tant que « partie omise » en vertu de l’article 250 (b), paragraphe 2, du code de procédure civile, un tel recours devant toutefois être introduit dans le délai légal de trois ans prévu à l’article 250 (b), paragraphe 3, de ce code.

30      Par une décision du 12 septembre 2012, le Krajský súd v Trenčíne (cour régionale de Trenčín) a, une seconde fois, annulé les décisions en cause au principal.

31      Selon cette juridiction, la décision d’autorisation du 10 juin 2009 de l’autorité du district de Trenčín a été prise de manière prématurée dès lors que, au cours de la procédure administrative portant sur la demande d’autorisation, la procédure juridictionnelle relative à la demande tendant à obtenir la qualité de partie à cette procédure administrative n’était pas encore définitivement clôturée. Cette juridiction estime que, jusqu’à cette clôture définitive, la procédure sur la demande d’autorisation aurait dû être suspendue.

32      Par une décision du 28 février 2013, le Najvyšší súd Slovenskej republiky (Cour suprême de la République slovaque) a annulé la décision du 12 septembre 2012 du Krajský súd v Trenčíne (cour régionale de Trenčín) essentiellement pour les mêmes motifs que ceux de sa décision du 26 janvier 2012.

33      Par une décision du 23 novembre 2013, le Krajský súd v Trenčíne (cour régionale de Trenčín) a rejeté la demande d’octroi de la qualité de partie à la procédure réclamée par LZ et considéré ne pas devoir aviser celle-ci de la possibilité de réclamer la qualité de partie à la procédure en introduisant un recours en tant que « partie omise » en vertu de l’article 250 (b), paragraphe 2, du code de procédure civile, dès lors que, entretemps, le délai de trois ans de l’article 250 (b), paragraphe 3, de ce code était écoulé.

34      Saisie par LZ d’un recours contre cette décision du 23 novembre 2013, la juridiction de renvoi estime que, compte tenu de l’arrêt du 8 mars 2011, Lesoochranárske zoskupenie (C‑240/09, EU:C:2011:125), se pose essentiellement la question de savoir si, dans une situation telle que celle en cause au principal qui concerne des droits que les justiciables tirent du droit de l’Union, en particulier de l’article 6, paragraphe 3, de la directive 92/43, le droit fondamental à une protection juridictionnelle effective consacré par l’article 47 de la Charte ainsi que l’objectif d’assurer un niveau élevé de protection de l’environnement que visent tant cette directive que l’article 9 de la convention d’Aarhus ont été respectés.

35      La juridiction de renvoi estime à cet égard qu’il pourrait être considéré que le droit national procédural doit être interprété en ce sens que, dans une situation telle que celle en cause au principal, la procédure administrative relative à l’octroi d’une autorisation ne saurait être poursuivie ni, partant, être définitivement clôturée tant qu’une décision juridictionnelle définitive relative à la demande tendant à la reconnaissance de la qualité de partie à cette procédure administrative n’a pas été prise.

36      En effet, dans une telle situation, la poursuite de la procédure administrative relative à la demande d’autorisation serait susceptible d’être contraire au principe du contradictoire dans la mesure où seul le demandeur de l’autorisation est partie à cette procédure et où il ne saurait être exclu que, en l’absence de participation à ladite procédure d’organisations de défense de l’environnement telles que LZ, des arguments visant à la protection de l’environnement ne soient ni invoqués ni pris en compte, de sorte que l’objectif fondamental d’une telle procédure, à savoir celui d’assurer un niveau élevé de protection de l’environnement, ne serait pas atteint.

37      À l’inverse, il pourrait également être considéré que la poursuite de la procédure administrative relative à la demande d’autorisation, même lorsque la procédure juridictionnelle relative à une demande d’octroi de la qualité de partie à la procédure est pendante, permet un traitement particulièrement rapide de ladite demande d’autorisation. Si cette procédure administrative ne pouvait être poursuivie sans qu’il ait été définitivement statué sur les actions juridictionnelles relatives à l’obtention de cette qualité, le demandeur de l’autorisation pourrait faire grief aux organes administratifs d’un traitement inéquitable.

38      Dans ces conditions, le Najvyšší súd Slovenskej republiky (Cour suprême de la République slovaque) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante :

« En cas de violation alléguée du droit à un niveau élevé de protection de l’environnement, mis en œuvre principalement, pour ce qui concerne l’Union européenne, par la directive 92/43 en ce que celle-ci contribue notamment à obtenir l’avis du public sur un projet susceptible d’affecter de manière significative des zones spéciales de conservation concentrées dans le réseau écologique européen dénommé Natura 2000, le droit à un recours effectif et à un tribunal impartial, consacré par l’article 47 de la Charte, et le droit que la requérante, en sa qualité d’association sans but lucratif créée aux fins de la protection de l’environnement au niveau national, fait valoir en application de l’article 9 de la convention d’Aarhus et dans les limites indiquées dans l’arrêt du 8 mars 2011, Lesoochranárske zoskupenie (C‑240/09, EU:C:2011:125), peuvent-ils être appliqués de manière équitable également lorsque la juridiction nationale clôt le contrôle juridictionnel dans un litige portant sur le réexamen d’une décision ne reconnaissant pas le statut de partie à une procédure administrative relative à l’octroi d’une autorisation, comme c’est le cas en l’espèce, et incite la requérante à introduire un recours au titre de partie omise dans la procédure administrative précitée ? »

 Sur la question préjudicielle

39      Par sa question, la juridiction de renvoi demande en substance si l’article 47 de la Charte, lu conjointement avec l’article 9 de la convention d’Aarhus, doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose, dans une situation telle que celle en cause au principal, à une interprétation de règles de droit procédural national selon laquelle un recours contre une décision refusant à une organisation de défense de l’environnement la qualité de partie à une procédure administrative d’autorisation d’un projet devant être réalisé sur un site protégé au titre de la directive 92/43 ne doit pas nécessairement être examiné pendant le déroulement de cette procédure, laquelle peut être définitivement clôturée avant qu’une décision juridictionnelle définitive sur la qualité de partie ne soit prise, et est automatiquement rejeté dès l’instant où ce projet est autorisé, contraignant ainsi cette organisation à introduire un recours d’un autre type afin d’obtenir cette qualité et de soumettre à un contrôle juridictionnel le respect par les autorités nationales compétentes de leurs obligations découlant de l’article 6, paragraphe 3, de cette directive.

40      Dans l’affaire au principal, LZ, une organisation de défense de l’environnement, réclame, par la voie judiciaire, la qualité de partie à une procédure administrative d’autorisation afin de pouvoir invoquer, dans le cadre d’un recours juridictionnel, des droits tirés du droit de l’Union dans le domaine de l’environnement, dans la mesure où cette organisation considère que la décision d’autorisation du projet considéré, devant être réalisé sur un site protégé au titre de la directive 92/43 en tant que zone de protection spéciale ou site d’importance communautaire, a été prise en méconnaissance des obligations incombant aux autorités nationales en vertu de l’article 6, paragraphe 3, de cette directive.

41      À cet égard, il ressort des éléments du dossier dont dispose la Cour que, en vertu des règles du droit national procédural applicable, une organisation de défense de l’environnement telle que LZ ne peut contester, par la voie judiciaire, une décision susceptible d’être contraire à l’article 6, paragraphe 3, de la directive 92/43, notamment dans le cadre d’un recours dirigé contre la décision d’autorisation ultérieure, que si cette organisation s’est d’abord formellement vu reconnaître la qualité de partie à la procédure concernée, en l’occurrence la procédure d’autorisation d’un projet devant être réalisé sur un site protégé.

42      Il convient tout d’abord de rappeler que, en vertu de l’article 6, paragraphe 3, de la directive 92/43, une évaluation appropriée des incidences d’un plan ou d’un projet sur le site concerné implique que, avant l’approbation de celui-ci, doivent être identifiés, compte tenu des meilleures connaissances scientifiques en la matière, tous les aspects de ce plan ou de ce projet pouvant, par eux-mêmes ou conjointement avec d’autres plans ou projets, affecter les objectifs de conservation de ce site. Les autorités nationales compétentes n’autorisent une activité sur le site protégé qu’à la condition qu’elles aient acquis la certitude que cette activité est dépourvue d’effets préjudiciables pour l’intégrité dudit site. Il en est ainsi lorsqu’il ne subsiste aucun doute raisonnable d’un point de vue scientifique quant à l’absence de tels effets (voir en ce sens, notamment, arrêts du 24 novembre 2011, Commission/Espagne, C‑404/09, EU:C:2011:768, point 99, ainsi que du 14 janvier 2016, Grüne Liga Sachsen e.a., C‑399/14, EU:C:2016:10, points 49 et 50).

43      L’article 6, paragraphe 3, de la directive 92/43 participe ainsi à la réalisation de l’objectif que poursuivent les mesures prises en vertu de cette directive qui, aux termes de l’article 2, paragraphe 2, de celle-ci, consiste à assurer le maintien ou le rétablissement, dans un état de conservation favorable, des habitats naturels et des espèces de faune et de flore sauvages d’intérêt pour l’Union, et de l’objectif plus général de la même directive qui est de garantir un niveau élevé de protection de l’environnement s’agissant des sites protégés en vertu de celle-ci.

44      Or, il serait incompatible avec l’effet contraignant que l’article 288 TFUE reconnaît à une directive d’exclure en principe que les obligations qu’elle impose puissent être invoquées par des personnes concernées. L’effet utile de la directive 92/43 ainsi que sa finalité, rappelée au point précédent du présent arrêt, exigent que des particuliers puissent s’en prévaloir en justice et que les juridictions nationales puissent prendre cette directive en considération en tant qu’élément du droit de l’Union afin, notamment, de contrôler si l’autorité nationale qui a délivré une autorisation relative à un plan ou à un projet a respecté les obligations lui incombant en vertu de l’article 6, paragraphe 3, de ladite directive, rappelées au point 42 du présent arrêt, et est ainsi restée dans les limites de la marge d’appréciation laissée aux autorités nationales compétentes par cette disposition (voir, en ce sens, arrêt du 7 septembre 2004, Waddenvereniging et Vogelbeschermingsvereniging, C‑127/02, EU:C:2004:482, points 66 et 69).

45      En outre, l’article 6, paragraphe 3, de la directive 92/43 prévoit que les autorités nationales compétentes, avant de marquer leur accord sur un projet ou un plan tel que visé par cette disposition, doivent, le cas échéant, prendre l’avis du public. Ladite disposition doit être lue conjointement avec l’article 6, paragraphe 1, sous b), de la convention d’Aarhus, laquelle fait partie intégrante de l’ordre juridique de l’Union.

46      Cette dernière disposition prévoit que les dispositions de l’article 6 de la convention d’Aarhus en matière de participation du public aux décisions relatives à des activités particulières s’appliquent lorsqu’il s’agit de l’adoption d’une décision au sujet d’activités proposées non énumérées à l’annexe I de cette convention qui peuvent avoir un effet important sur l’environnement. Ainsi qu’il ressort de cet article 6, paragraphes 3, 4 et 7, celui-ci confère au public, notamment, le droit de participer « effectivement aux travaux tout au long du processus décisionnel en matière d’environnement » en soumettant, « par écrit ou, selon qu’il convient, lors d’une audition ou d’une enquête publique faisant intervenir l’auteur de la demande, toutes observations, informations, analyses ou opinions qu’il estime pertinentes au regard de l’activité proposée ». Cette participation doit commencer « au début de la procédure, c’est-à-dire lorsque toutes les options et solutions sont encore possibles et que le public peut exercer une réelle influence ».

47      Dans l’affaire au principal, LZ, dont il est constant qu’elle remplit les exigences énoncées à l’article 2, paragraphe 5, de la convention d’Aarhus pour relever de la notion de « public concerné », au sens de cette disposition, est également couverte par la notion plus large de « public », aux fins des dispositions de l’article 6 de cette convention. En outre, si, ainsi que l’a également relevé Mme l’avocat général au point 65 de ses conclusions, le projet d’installation d’une clôture dans un site protégé, en cause au principal, ne relève pas des activités énumérées à l’annexe I de la convention d’Aarhus, le fait que les autorités nationales compétentes ont décidé d’ouvrir une procédure d’autorisation de ce projet au titre de l’article 6, paragraphe 3, de la directive 92/43 permet toutefois de considérer que ces autorités ont estimé nécessaire d’évaluer l’importance de l’effet dudit projet sur l’environnement, au sens de l’article 6, paragraphe 1, sous b), de la convention d’Aarhus.

48      Certes, cette dernière disposition précise que l’application de l’article 6 de la convention d’Aarhus est régie par le droit interne de la partie contractante concernée. Toutefois, cette précision doit être comprise comme se rapportant uniquement aux modalités de la participation du public explicitée par cet article 6, sans remettre en cause le droit de participation qu’une organisation de protection de l’environnement telle que LZ tire dudit article.

49      Il s’ensuit qu’une organisation de défense de l’environnement qui, telle LZ, satisfait aux exigences énoncées à l’article 2, paragraphe 5, de la convention d’Aarhus, tire de l’article 6, paragraphe 3, de la directive 92/43, lu conjointement avec l’article 6, paragraphe 1, sous b), de cette convention, un droit de participer, au sens précisé au point 46 du présent arrêt, à une procédure d’adoption d’une décision relative à une demande d’autorisation d’un plan ou d’un projet susceptible d’avoir un effet important sur l’environnement dans la mesure où, dans le cadre de cette procédure, l’une des décisions visées à l’article 6, paragraphe 3, de ladite directive doit être prise.

50      Il y a lieu, ensuite, de rappeler que, selon une jurisprudence constante, il incombe aux juridictions des États membres, en vertu du principe de coopération loyale énoncé à l’article 4, paragraphe 3, TUE, d’assurer la protection juridictionnelle des droits que les justiciables tirent du droit de l’Union. L’article 19, paragraphe 1, TUE impose, par ailleurs, aux États membres d’établir les voies de recours nécessaires pour assurer une protection juridictionnelle effective dans les domaines couverts par le droit de l’Union (arrêt du 19 novembre 2014, ClientEarth, C‑404/13, EU:C:2014:2382, point 52). S’agissant des décisions administratives prises dans le cadre de l’article 6, paragraphe 3, de la directive 92/43, cette obligation découle également de l’article 47 de la Charte.

51      En effet, le champ d’application de cet article de la Charte, pour ce qui est de l’action des États membres, est défini à l’article 51, paragraphe 1, de celle-ci, aux termes duquel les dispositions de la Charte s’adressent aux États membres lorsqu’ils mettent en œuvre le droit de l’Union, cette disposition confirmant la jurisprudence constante de la Cour selon laquelle les droits fondamentaux garantis dans l’ordre juridique de l’Union ont vocation à être appliqués dans toutes les situations régies par le droit de l’Union, mais pas en dehors de celles-ci (voir, notamment, arrêt du 30 juin 2016, Toma et Biroul Executorului Judecătoresc Horațiu-Vasile Cruduleci, C‑205/15, EU:C:2016:499, point 23 ainsi que jurisprudence citée).

52      Or, lorsqu’un État membre établit des règles de droit procédural applicables aux recours portant sur l’exercice des droits que tire une organisation de protection de l’environnement de l’article 6, paragraphe 3, de la directive 92/43, lu conjointement avec l’article 6, paragraphe 1, sous b), de la convention d’Aarhus, afin que soient contrôlées des décisions des autorités nationales compétentes au regard des obligations leur incombant en vertu de ces dispositions, cet État membre met en œuvre des obligations découlant desdites dispositions et doit donc être considéré comme mettant en œuvre le droit de l’Union, au sens de l’article 51, paragraphe 1, de la Charte.

53      Dans ces conditions, il convient de constater que la Cour est compétente pour répondre à la demande de décision préjudicielle en ce que celle-ci porte sur l’article 47 de la Charte.

54      Le droit à un recours effectif et à accéder à un tribunal impartial figurant audit article 47 comprend, notamment, le droit à un recours effectif devant un tribunal.

55      S’agissant dudit droit à un recours effectif, il convient de relever que l’article 9, paragraphe 2, de la convention d’Aarhus confère un droit de recours aux organisations de défense de l’environnement qui répondent aux exigences visées à l’article 2, paragraphe 5, de cette convention, ce qui est le cas de LZ, dans la mesure où le recours est dirigé contre une décision qui relève du champ d’application dudit article 9, paragraphe 2.

56      Or, des décisions prises par les autorités nationales compétentes dans le cadre de l’article 6, paragraphe 3, de la directive 92/43, qu’elles portent sur une demande de participation à la procédure d’autorisation, sur l’appréciation de la nécessité d’une évaluation environnementale des incidences d’un plan ou d’un projet sur un site protégé ou encore sur le caractère approprié des conclusions tirées d’une telle évaluation quant aux risques de ce projet ou de ce plan pour l’intégrité d’un tel site, et qu’elles soient autonomes ou intégrées dans une décision d’autorisation, sont des décisions qui relèvent du champ d’application de l’article 9, paragraphe 2, de la convention d’Aarhus.

57      En effet, ainsi que l’a relevé, en substance, Mme l’avocat général au point 80 de ses conclusions, les décisions prises par les autorités nationales entrant dans le champ d’application de l’article 6, paragraphe 3, de la directive 92/43, qui ne portent pas sur une activité énumérée à l’annexe I de la convention d’Aarhus, sont visées à l’article 6, paragraphe 1, sous b), de cette convention et relèvent donc du champ d’application de l’article 9, paragraphe 2, de celle-ci, dans la mesure où ces décisions impliquent que les autorités compétentes apprécient, préalablement à toute autorisation d’activité, si celle-ci, dans les circonstances de l’espèce, est susceptible d’avoir un effet important sur l’environnement.

58      Or, il découle de l’article 9, paragraphe 2, de la convention d’Aarhus que cette disposition circonscrit la marge d’appréciation dont les États membres disposent dans la détermination des modalités de recours qui y sont visés en ce que celle-ci a comme objectif d’accorder un « large accès à la justice » au public concerné qui inclut les organisations de défense de l’environnement répondant aux exigences posées à l’article 2, paragraphe 5, de cette convention [voir par analogie, s’agissant de l’article 10 bis de la directive 85/337/CEE du Conseil, du 27 juin 1985, concernant l’évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l’environnement (JO 1985, L 175, p. 40), telle que modifiée par la directive 2003/35/CE du Parlement européen et du Conseil, du 26 mai 2003 (JO 2003, L 156, p. 17, ci-après la « directive 85/337 »), qui reprend en des termes quasiment identiques l’article 9, paragraphe 2, de la convention d’Aarhus, arrêt du 16 avril 2015, Gruber, C‑570/13, EU:C:2015:231, point 39].

59      Ainsi, ces organisations doivent nécessairement pouvoir faire valoir en justice les règles du droit national qui mettent en œuvre la législation de l’Union en matière d’environnement ainsi que les règles du droit de l’Union de l’environnement qui ont un effet direct (voir par analogie, s’agissant de l’article 10 bis de la directive 85/337, arrêt du 15 octobre 2015, Commission/Allemagne, C‑137/14, EU:C:2015:683, point 92).

60      Au nombre des droits qu’une telle organisation non gouvernementale doit pouvoir faire valoir dans le cadre d’un recours visé à l’article 9, paragraphe 2, de la convention d’Aarhus figurent les règles de droit national découlant de l’article 6 de la directive 92/43 (voir par analogie, s’agissant de l’article 10 bis de la directive 85/337, arrêt du 12 mai 2011, Bund für Umwelt und Naturschutz Deutschland, Landesverband Nordrhein-Westfalen, C‑115/09, EU:C:2011:289, points 49 et 58).

61      Ainsi, une telle organisation doit pouvoir contester, dans le cadre d’un tel recours, non seulement la décision de ne pas procéder à une évaluation appropriée des incidences du plan ou du projet considéré sur le site concerné mais également, le cas échéant, l’évaluation réalisée en ce qu’elle serait entachée de vices (voir par analogie, s’agissant de l’article 10 bis de la directive 85/337, arrêt du 7 novembre 2013, Gemeinde Altrip e.a., C‑72/12, EU:C:2013:712, point 37).

62      En outre, il y a lieu de relever que l’article 9, paragraphe 4, de la convention d’Aarhus exige que les procédures visées à l’article 9, paragraphe 2, de celle-ci offrent des recours « suffisants et effectifs ».

63      Partant, afin de répondre à la question posée par la juridiction de renvoi, il y a lieu d’examiner si l’article 47 de la Charte, lu conjointement avec l’article 9, paragraphes 2 et 4, de la convention d’Aarhus, s’oppose, dans une situation telle que celle en cause au principal, à une interprétation des règles de droit procédural national dont il découle qu’un recours juridictionnel, introduit par une organisation de défense de l’environnement répondant aux exigences posées à l’article 2, paragraphe 5, de cette convention contre une décision lui refusant la qualité de partie à une procédure administrative d’autorisation d’un projet devant être réalisé sur un site protégé au titre de la directive 92/43, ne doit pas nécessairement être examiné pendant le déroulement de cette procédure, qui peut être définitivement clôturée avant qu’une décision juridictionnelle définitive sur la qualité de partie ne soit prise, et est automatiquement rejeté dès l’instant où ce projet est autorisé, contraignant ainsi cette organisation à introduire un recours d’un autre type afin d’obtenir cette qualité et de soumettre à un contrôle juridictionnel le respect par les autorités nationales compétentes de leurs obligations découlant de l’article 6, paragraphe 3, de cette directive.

64      Si, certes, cet examen incombe, en principe, à la seule juridiction de renvoi, il n’en demeure pas moins que la Cour est compétente pour dégager des dispositions du droit de l’Union, les critères que cette juridiction peut ou doit appliquer dans le cadre de celui-ci. En outre, rien n’empêche qu’une juridiction nationale demande à la Cour de se prononcer sur l’application desdites dispositions dans le cas d’espèce sous réserve toutefois que, au vu de l’ensemble des éléments du dossier dont cette juridiction nationale dispose, celle-ci procède à la constatation et à l’appréciation des faits nécessaires à cette fin (voir, en ce sens, arrêt du 3 décembre 2015, Banif Plus Bank, C‑312/14, EU:C:2015:794, points 51 et 52).

65      Cela étant précisé, il convient de rappeler que, en l’absence de réglementation de l’Union en la matière, il appartient à l’ordre juridique interne de chaque État membre de régler les modalités procédurales des recours destinés à assurer la sauvegarde des droits que les justiciables tirent du droit de l’Union, les États membres ayant la responsabilité d’assurer, dans chaque cas, une protection effective de ces droits et, en particulier, de garantir le respect du droit à un recours effectif et à accéder à un tribunal impartial, consacré par l’article 47 de la Charte (voir, en ce sens, arrêts du 8 mars 2011, Lesoochranárske zoskupenie, C‑240/09, EU:C:2011:125, point 47, ainsi que du 15 septembre 2016, Star Storage e.a., C‑439/14 et C‑488/14, EU:C:2016:688, point 46).

66      À cet égard, il importe de rappeler que l’article 6, paragraphe 3, de la directive 92/43 instaure une procédure de contrôle préalable qui est fondée sur un critère d’autorisation strict, lequel, intégrant le principe de précaution, permet de prévenir de manière efficace des atteintes à l’intégrité des sites protégés dues aux plans ou aux projets envisagés dès lors qu’il oblige les autorités nationales compétentes à refuser l’autorisation d’un plan ou d’un projet lorsque subsistent des incertitudes quant à l’absence d’effets préjudiciables de ces plans ou de ces projets pour l’intégrité de tels sites (voir en ce sens, notamment, arrêts du 7 septembre 2004, Waddenvereniging et Vogelbeschermingsvereniging, C‑127/02, EU:C:2004:482, points 57 et 58, ainsi que du 14 janvier 2016, Grüne Liga Sachsen e.a., C‑399/14, EU:C:2016:10, point 48).

67      Toutefois, dans l’affaire au principal, s’il est constant que LZ a, dans une certaine mesure, pu participer à la procédure d’autorisation en sa qualité de « personne intéressée », ce qui lui a permis, notamment, de faire valoir, au vu d’observations présentées par une autorité environnementale, des arguments visant à démontrer que le projet en cause au principal est de nature à affecter l’intégrité d’un site protégé, cette qualité n’équivaut pas à celle de « partie à la procédure ».

68      Dans ces conditions, l’interprétation du droit procédural national, contestée par LZ, selon laquelle un recours contre une décision administrative refusant la qualité de partie à une procédure d’autorisation ne doit pas nécessairement être examiné pendant le déroulement de cette procédure et est d’office rejeté dès l’octroi de l’autorisation demandée, ne permet pas de garantir à une organisation telle que LZ une protection juridictionnelle effective des différentes prérogatives inhérentes au droit de participation du public, au sens de l’article 6 de la convention d’Aarhus, tel que précisé au point 46 du présent arrêt.

69      Ainsi, il ressort des éléments du dossier dont dispose la Cour que la qualité de « partie à la procédure », si elle avait été accordée à LZ, lui aurait permis de participer plus activement au processus décisionnel en développant davantage et de manière plus pertinente ses arguments portant sur les risques d’atteintes à l’intégrité du site protégé par le projet envisagé, lesquels auraient d’ailleurs dû être pris en compte par les autorités compétentes avant l’autorisation et la réalisation de ce projet.

70      Dans ce contexte, la juridiction de renvoi a d’ailleurs relevé que, dans la mesure où seul le demandeur de l’autorisation est de plein droit partie à la procédure, il ne saurait être exclu que, en l’absence de participation à la procédure administrative d’une organisation de défense de l’environnement telle que LZ en tant que partie à la procédure, des arguments visant à la protection de l’environnement ne soient ni avancés ni pris en compte, de sorte que l’objectif fondamental de la procédure visée à l’article 6, paragraphe 3, de la directive 92/43, à savoir celui d’assurer un niveau élevé de protection de l’environnement, ne serait pas atteint.

71      Par ailleurs, il convient de relever que la qualité de « personne intéressée » que s’est vu reconnaître LZ dans l’affaire au principal est insuffisante pour faire valoir, dans le cadre d’un recours, ses arguments tendant à contester la légalité de la décision d’autorisation, dès lors que, afin de pouvoir introduire un tel recours, il est nécessaire d’avoir la qualité de « partie à la procédure ».

72      Dans ces conditions, il doit être constaté que l’interprétation du droit procédural national, contestée par LZ, selon laquelle l’introduction d’un recours contre une décision administrative refusant la qualité de partie à une procédure d’autorisation ne fait pas obstacle à ce que cette dernière soit définitivement clôturée et ce recours est d’office et en toutes circonstances rejeté dès l’instant où l’autorisation concernée est octroyée, n’est pas de nature, eu égard à l’objectif visant à assurer un large accès à la justice en matière de recours contre des décisions environnementales, à garantir une protection juridictionnelle effective des droits que tire une organisation de protection de l’environnement de l’article 6, paragraphe 3, de la directive 92/43, lu conjointement avec l’article 6, paragraphe 1, sous b), de la convention d’Aarhus, visant à prévenir les atteintes particulières à l’intégrité des sites protégés au titre de cette directive.

73      Au regard de ce qui précède, il y a lieu de répondre à la question posée que l’article 47 de la Charte, lu conjointement avec l’article 9, paragraphes 2 et 4, de la convention d’Aarhus, en ce qu’il consacre le droit à une protection juridictionnelle effective, dans des conditions assurant un large accès à la justice, des droits qu’une organisation de protection de l’environnement répondant aux exigences posées à l’article 2, paragraphe 5, de cette convention tire du droit de l’Union, en l’occurrence de l’article 6, paragraphe 3, de la directive 92/43, lu conjointement avec l’article 6, paragraphe 1, sous b), de ladite convention, doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose, dans une situation telle que celle en cause au principal, à une interprétation de règles de droit procédural national selon laquelle un recours contre une décision refusant à une telle organisation la qualité de partie à une procédure administrative d’autorisation d’un projet devant être réalisé sur un site protégé au titre de cette directive ne doit pas nécessairement être examiné pendant le déroulement de cette procédure, laquelle peut être définitivement clôturée avant qu’une décision juridictionnelle définitive sur la qualité de partie ne soit prise, et est automatiquement rejeté dès l’instant où ce projet est autorisé, contraignant ainsi cette organisation à introduire un recours d’un autre type afin d’obtenir cette qualité et de soumettre à un contrôle juridictionnel le respect par les autorités nationales compétentes de leurs obligations découlant de l’article 6, paragraphe 3, de ladite directive.

 Sur les dépens

74      La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (grande chambre) dit pour droit :

L’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, lu conjointement avec l’article 9, paragraphes 2 et 4, de la convention sur l’accès à l’information, la participation du public au processus décisionnel et l’accès à la justice en matière d’environnement, signée à Aarhus le 25 juin 1998 et approuvée au nom de la Communauté européenne par la décision 2005/370/CE du Conseil, du 17 février 2005, en ce qu’il consacre le droit à une protection juridictionnelle effective, dans des conditions assurant un large accès à la justice, des droits qu’une organisation de protection de l’environnement répondant aux exigences posées à l’article 2, paragraphe 5, de cette convention tire du droit de l’Union, en l’occurrence de l’article 6, paragraphe 3, de la directive 92/43/CEE du Conseil, du 21 mai 1992, concernant la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvages, telle que modifiée par la directive 2006/105/CE du Conseil, du 20 novembre 2006, lu conjointement avec l’article 6, paragraphe 1, sous b), de ladite convention, doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose, dans une situation telle que celle en cause au principal, à une interprétation de règles de droit procédural national selon laquelle un recours contre une décision refusant à une telle organisation la qualité de partie à une procédure administrative d’autorisation d’un projet devant être réalisé sur un site protégé au titre de la directive 92/43, telle que modifiée par la directive 2006/105, ne doit pas nécessairement être examiné pendant le déroulement de cette procédure, laquelle peut être définitivement clôturée avant qu’une décision juridictionnelle définitive sur la qualité de partie ne soit prise, et est automatiquement rejeté dès l’instant où ce projet est autorisé, contraignant ainsi cette organisation à introduire un recours d’un autre type afin d’obtenir cette qualité et de soumettre à un contrôle juridictionnel le respect par les autorités nationales compétentes de leurs obligations découlant de l’article 6, paragraphe 3, de ladite directive.

Signatures


* Langue de procédure : le slovaque.