Language of document : ECLI:EU:C:2017:1007

ARRÊT DE LA COUR (sixième chambre)

20 décembre 2017 (*)

« Renvoi préjudiciel – Assurance obligatoire de la responsabilité civile résultant de la circulation des véhicules automoteurs – Directive 2009/103/CE – Article 3, premier alinéa – Notion de “circulation des véhicules” – Réglementation nationale excluant la conduite des véhicules automoteurs sur des voies et des terrains qui ne sont pas “adaptés à la circulation”, à l’exception de ceux qui, bien que n’étant pas adaptés à cet effet, sont néanmoins “couramment utilisés” »

Dans l’affaire C‑334/16,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par l’Audiencia Provincial de Albacete (cour provinciale d’Albacete, Espagne), par décision du 23 mai 2016, parvenue à la Cour le 15 juin 2016, dans la procédure

José Luis Núñez Torreiro

contre

AIG Europe Limited, Sucursal en España, anciennement Chartis Europe Limited, Sucursal en España,

Unión Española de Entidades Aseguradoras y Reaseguradoras (Unespa),

LA COUR (sixième chambre),

composée de M. C. G. Fernlund, président de chambre, MM. A. Arabadjiev (rapporteur) et E. Regan, juges,

avocat général : M. Y. Bot,

greffier : Mme L. Carrasco Marco, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 5 avril 2017,

considérant les observations présentées :

–        pour AIG Europe Limited, Sucursal en España et Unión Española de Entidades Aseguradoras y Reaseguradoras (Unespa), par Me J. Marín López, abogado,

–        pour le gouvernement espagnol, par Mme V. Ester Casas, en qualité d’agent,

–        pour le gouvernement allemand, par M. T. Henze et Mme J. Mentgen, en qualité d’agents,

–        pour l’Irlande, par M. A. Joyce ainsi que par Mmes L. Williams et G. Hodge, en qualité d’agents, assistés de Mme G. Gilmore, barrister,

–        pour le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord, par Mme J. Kraehling, en qualité d’agent, assistée de M. A. Bates, barrister,

–        pour la Commission européenne, par MM. J. Rius et K.-P. Wojcik, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 14 juin 2017,

rend le présent

Arrêt

1        La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation des articles 3 et 5 de la directive 2009/103/CE du Parlement européen et du Conseil, du 16 septembre 2009, concernant l’assurance de la responsabilité civile résultant de la circulation de véhicules automoteurs et le contrôle de l’obligation d’assurer cette responsabilité (JO 2009, L 263, p. 11).

2        Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant M. José Luis Núñez Torreiro à AIG Europe Limited, Sucursal en España, anciennement Chartis Europe Limited, Sucursal en España (ci-après « AIG ») et à l’Unión Española de Entidades Aseguradoras y Reaseguradoras (Unespa) (Union espagnole des entreprises d’assurances et de réassurance) au sujet du paiement d’une indemnisation au titre de l’assurance obligatoire de la responsabilité civile résultant de la circulation des véhicules automoteurs (ci-après l’« assurance obligatoire ») à la suite d’un accident survenu sur un terrain de manœuvres militaires.

 Le cadre juridique

 Le droit de l’Union

3        Les considérants 1, 2 et 20 de la directive 2009/103 énoncent :

« (1)      La directive [72/166/CEE du Conseil, du 24 avril 1972, concernant le rapprochement des législations des États membres relatives à l’assurance de la responsabilité civile résultant de la circulation de véhicules automoteurs, et au contrôle de l’obligation d’assurer cette responsabilité (JO 1972, L 103, p. 1)], la deuxième directive [84/5/CEE du Conseil, du 30 décembre 1983, concernant le rapprochement des législations des États membres relatives à l’assurance de la responsabilité civile résultant de la circulation des véhicules automoteurs (JO 1984, L 8, p. 17)], la troisième directive [90/232/CEE du Conseil, du 14 mai 1990, concernant le rapprochement des législations des États membres relatives à l’assurance de la responsabilité civile résultant de la circulation des véhicules automoteurs (JO 1990, L 129, p. 33)] et la directive [2000/26/CE du Parlement européen et du Conseil, du 16 mai 2000, concernant le rapprochement des législations des États membres relatives à l’assurance de la responsabilité civile résultant de la circulation des véhicules automoteurs et modifiant les directives 73/239/CEE et 88/357/CEE du Conseil (Quatrième directive sur l’assurance automobile) (JO 2000, L 181, p. 65)] ont été modifiées à plusieurs reprises [...] et de façon substantielle. Il convient, dans un souci de clarté et de rationalité, de procéder à la codification de ces quatre directives ainsi que de la [directive 2005/14/CE du Parlement européen et du Conseil, du 11 mai 2005, modifiant les directives [72/166], [84/5], 88/357/CEE et 90/232/CEE du Conseil et la directive [2000/26] du Parlement européen et du Conseil sur l’assurance de la responsabilité civile résultant de la circulation des véhicules automoteurs (JO 2005, L 149, p. 14)].

(2)      L’assurance de la responsabilité civile résultant de la circulation des véhicules automoteurs [...] revêt une importance particulière pour les citoyens européens, qu’ils soient preneurs d’assurance ou victimes d’un accident. Elle présente aussi une importance majeure pour les entreprises d’assurances, puisqu’elle représente une grande partie des contrats d’assurance non-vie conclus dans [l’Union]. L’assurance automobile a, par ailleurs, une incidence sur la libre circulation des personnes et des véhicules. Le renforcement et la consolidation du marché intérieur de l’assurance automobile devraient donc représenter un objectif fondamental de l’action [de l’Union] dans le domaine des services financiers.

[...]

(20)      Il y a lieu de garantir aux victimes d’accidents de la circulation automobile un traitement comparable, quels que soient les endroits de [l’Union] où les accidents se sont produits. »

4        Aux termes de l’article 1er de cette directive :

« Au sens de la présente directive, on entend par:

1)      “véhicule” : tout véhicule automoteur destiné à circuler sur le sol et qui peut être actionné par une force mécanique, sans être lié à une voie ferrée, ainsi que les remorques, même non attelées ;

[...] »

5        L’article 3 de ladite directive prévoit :

« Chaque État membre prend toutes les mesures appropriées, sous réserve de l’application de l’article 5, pour que la responsabilité civile relative à la circulation des véhicules ayant leur stationnement habituel sur son territoire soit couverte par une assurance.

Les dommages couverts ainsi que les modalités de cette assurance sont déterminés dans le cadre des mesures visées au premier alinéa.

[...]

L’assurance visée au premier alinéa couvre obligatoirement les dommages matériels et les dommages corporels. »

6        L’article 5 de cette même directive dispose :

« 1.      Chaque État membre peut déroger aux dispositions de l’article 3 en ce qui concerne certaines personnes physiques ou morales, publiques ou privées, dont la liste est déterminée par cet État et notifiée aux autres États membres et à la Commission.

[...]

2.      Chaque État membre peut déroger aux dispositions de l’article 3 en ce qui concerne certains types de véhicules ou certains véhicules ayant une plaque spéciale, dont la liste est déterminée par cet État et notifiée aux autres États membres et à la Commission.

[...] »

7        L’article 29 de la directive 2009/103 est libellé comme suit :

« Les directives [72/166], [84/5], [90/232], [2000/26] et [2005/14] [...] sont abrogées [...].

Les références faites aux directives abrogées s’entendent comme faites à la présente directive et sont à lire selon le tableau de correspondance figurant à l’annexe II. »

 Le droit espagnol

8        L’article 1er de la Ley sobre responsabilidad civil y seguro en la circulación de vehiculos a motor (loi relative à la responsabilité civile et à l’assurance en matière de circulation de véhicules automoteurs), codifiée par le Real Decreto Legislativo 8/2004 (décret-loi royal 8/2004), du 29 octobre 2004 (BOE n° 267, du 5 novembre 2004, p. 3662) (ci-après la « loi relative à la responsabilité civile et à l’assurance automobiles »), prévoit :

« 1.      Le conducteur de véhicules automoteurs est responsable, en raison du risque créé par la conduite de tels véhicules, des dommages causés aux personnes ou aux biens à cause de la circulation.

[...]

6.      Les notions de “véhicules automoteurs” et de “fait de la circulation” aux fins de la présente loi sont définies par voie réglementaire. En tout état de cause, ne sont pas considérés comme faits de la circulation les faits résultant de l’utilisation du véhicule automoteur pour commettre des infractions intentionnelles contre les personnes et les biens. »

9        L’article 7, paragraphe 1, de la loi relative à la responsabilité civile et à l’assurance automobiles dispose :

« L’assureur, dans le cadre de l’assurance obligatoire et au titre de celle-ci, doit verser à la victime le montant correspondant aux dommages causés à sa personne et à ses biens, ainsi que les frais et autres indemnités auxquels elle a droit en vertu du droit applicable. Il est exonéré de cette obligation uniquement s’il prouve que le fait n’engage pas la responsabilité civile conformément à l’article 1er de la présente loi.

[...] »

10      L’article 2 du Real Decreto 1507/2008 por el que se aprueba el reglamento del seguro obligatorio de responsabilidad civil en la circulación de vehículos a motor (décret royal 1507/2008 portant approbation du règlement relatif à l’assurance obligatoire de la responsabilité civile en matière de circulation de véhicules automoteurs), du 12 septembre 2008 (BOE n° 222, du 13 septembre 2008, p. 37487) (ci-après le « règlement sur l’assurance obligatoire »), est rédigé comme suit :

« 1.      Aux fins de la responsabilité civile en matière de circulation de véhicules automoteurs et de la couverture par l’assurance obligatoire régie par le présent règlement, sont considérés comme “faits de la circulation” les faits découlant du risque créé par la conduite des véhicules automoteurs à laquelle l’article précédent fait référence, tant dans des garages et des parkings, que sur des voies et des terrains publics et privés adaptés à la circulation, urbains et interurbains, ainsi que sur des voies et des terrains qui, sans être adaptés à cet effet, sont couramment utilisés.

[...] »

 Le litige au principal et les questions préjudicielles

11      Le 28 juin 2012, M. Núñez Torreiro, officier de l’armée espagnole, participait à des exercices militaires nocturnes sur un terrain de manœuvres militaires situé à Chinchilla (Espagne), lorsque le véhicule militaire tout terrain à roues de type « Aníbal » (ci-après le « véhicule en cause »), assuré par AIG au titre de l’assurance obligatoire , dans lequel il se trouvait en tant que passager, s’est renversé, occasionnant ainsi diverses blessures à l’intéressé. Ce véhicule se déplaçait sur une zone dédiée non pas aux véhicules à roues, mais aux véhicules à chenilles.

12      Sur le fondement de l’article 7 de la loi relative à la responsabilité civile et à l’assurance automobiles, M. Núñez Torreiro a demandé à AIG le versement d’une indemnité de 15 300,56 euros au titre du préjudice qu’il a subi en raison de cet accident.

13      Se fondant sur l’article 1er, paragraphe 6, de la loi relative à la responsabilité civile et à l’assurance automobiles, lu en combinaison avec l’article 2 du règlement sur l’assurance obligatoire, AIG a refusé de lui verser cette somme, au motif que l’accident ne découlait pas d’un « fait de la circulation », puisqu’il était survenu alors que le véhicule en cause circulait sur un terrain de manœuvres militaires, dont l’accès à tous types de véhicules non militaires était limité. Cette compagnie d’assurances a considéré, en effet, que ce terrain n’était pas « adapté à la circulation » et, de surcroît, n’était pas « couramment utilisé », au sens de l’article 2 de ce règlement.

14      M. Núñez Torreiro a assigné AIG devant le Juzgado de Primera Instancia n. 1 de Albacete (tribunal de première instance n° 1 d’Albacete, Espagne). Par un jugement du 3 novembre 2015, celui-ci a rejeté le recours de l’intéressé au motif que les blessures de ce dernier ne résultaient pas d’un « fait de la circulation », puisque le véhicule dans lequel il se trouvait avait emprunté un terrain qui n’était ni adapté à la circulation ni couramment utilisé.

15      M. Núñez Torreiro a interjeté appel contre ce jugement devant la juridiction de renvoi, l’Audiencia Provincial de Albacete (cour provinciale d’Albacete, Espagne), en faisant valoir que l’article 1er, paragraphe 6, de la loi relative à la responsabilité civile et à l’assurance automobiles, lu en combinaison avec l’article 2 du règlement sur l’assurance obligatoire, devait être interprété de manière restrictive, conformément à l’enseignement qui se dégagerait de l’arrêt du 4 septembre 2014, Vnuk (C‑162/13, EU:C:2014:2146), dans lequel la Cour aurait jugé que la responsabilité de l’assureur ne saurait être exclue si l’utilisation du véhicule est conforme à la fonction habituelle de celui-ci.

16      La juridiction de renvoi éprouve des doutes quant à la compatibilité de l’article 1er, paragraphe 6, et de l’article 7, paragraphe 1, de la loi relative à la responsabilité civile et à l’assurance automobiles, lus en combinaison avec l’article 2 du règlement sur l’assurance obligatoire, avec l’article 3 de la directive 2009/103, dès lors que ces dispositions de droit national ont pour effet que, dans un certain nombre de situations, telles que celle faisant l’objet du litige dont elle est saisie, la responsabilité afférente à l’utilisation de véhicules automoteurs ne doit pas être obligatoirement couverte par une assurance. La juridiction de renvoi considère que les seules exceptions à cette obligation sont celles énoncées à l’article 5 de cette directive. En outre, cette juridiction relève que, dans l’arrêt du 4 septembre 2014, Vnuk (C‑162/13, EU:C:2014:2146), la Cour a jugé, notamment, que la notion de « circulation des véhicules », au sens de l’article 3 de la directive 2009/103, ne saurait être laissée à l’appréciation de chaque État membre.

17      Il s’ensuit, selon la juridiction de renvoi, que les États membres ne peuvent prévoir des dérogations à l’obligation d’assurance de la responsabilité civile résultant de la circulation de véhicules automoteurs ou à la notion de « circulation des véhicules » que dans le cadre de l’article 5 de la directive 2009/103 ou lorsque l’utilisation du véhicule concerné n’est pas conforme à sa fonction habituelle. Les exceptions à la notion de « fait de la circulation », résultant de la limitation, en vertu de l’article 2, paragraphe 1, du règlement sur l’assurance obligatoire, de tels faits à ceux qui ont lieu sur un terrain « adapté à la circulation » ou qui « sans être adapté à cet effet, [est] couramment utilisé », seraient, dès lors, incompatibles avec le droit de l’Union. Il en irait de même s’agissant de l’article 2, paragraphes 2 et 3, de ce règlement, qui prévoit une exception à l’obligation d’assurance de la responsabilité civile résultant de la circulation de véhicules s’agissant de l’utilisation de ceux-ci sur les circuits de sport, dans les ports et dans les aéroports ainsi qu’en tant qu’instruments d’activité industrielle ou agricole ou pour commettre des infractions intentionnelles.

18      Dans ces conditions, l’Audiencia Provincial de Albacete (cour provinciale d’Albacete) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1)      La notion de “circulation des véhicules” ou de “fait de la circulation”, en tant que risque devant être couvert par une assurance de la responsabilité civile relative à l’utilisation et à la circulation de véhicules automoteurs, à laquelle fait référence la législation de l’Union (notamment l’article 3 de la directive 2009/103), peut-elle être définie dans la législation nationale d’un État membre d’une autre manière que dans la législation de l’Union ?

2)      En cas de réponse affirmative, cette notion peut-elle exclure (outre certaines personnes, certaines immatriculations ou certains types de véhicules, comme l’autorise l’article 5, paragraphes 1 et 2, de la directive 2009/103) des cas de figure de circulation en fonction du lieu de circulation, comme la circulation sur des voies ou des terrains “non adaptés” à la circulation ?

3)      De même, est-il possible d’exclure de la notion de “fait de la circulation” des activités déterminées du véhicule liées à la finalité de ce dernier (comme un usage sportif, industriel ou agricole) ou liées à l’intention du conducteur (comme la commission d’un délit intentionnel avec le véhicule) ? »

 Sur les questions préjudicielles

 Sur les première et deuxième questions

19      Par ses première et deuxième questions, qu’il convient d’examiner ensemble, la juridiction de renvoi cherche à savoir, en substance, si l’article 3, premier alinéa, de la directive 2009/103 doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une réglementation nationale, telle que celle en cause au principal, qui permet d’exclure de la couverture de l’assurance obligatoire les dommages survenus à l’occasion de la conduite des véhicules automoteurs sur des voies et des terrains qui ne sont pas « adaptés à la circulation », à l’exception de ceux qui, bien que n’étant pas adaptés à cet effet, sont néanmoins « couramment utilisés ».

20      Ces questions reposent, en l’occurrence, sur la prémisse selon laquelle peuvent être exclus de la couverture de l’assurance obligatoire, en vertu de la réglementation espagnole, les dommages résultant de la circulation des véhicules automoteurs sur un terrain de manœuvres militaires, tel que celui en cause au principal, au motif que celui-ci constitue un terrain inadapté à la circulation des véhicules qui, de plus, n’est pas « couramment utilisé », au sens de l’article 2, paragraphe 1, du règlement sur l’assurance obligatoire.

21      À cet égard, l’article 3, premier alinéa, de la directive 2009/103 prévoit que chaque État membre prend toutes les mesures appropriées, sous réserve de l’application de l’article 5 de cette directive, pour que la responsabilité civile relative à la circulation des véhicules ayant leur stationnement habituel sur son territoire soit couverte par une assurance.

22      À titre liminaire, il convient de relever qu’un véhicule à roues militaire de type « Aníbal », tel que celui en cause au principal, relève de la notion de « véhicule », visée à l’article 1er, point 1, de la directive 2009/103, étant donné qu’il constitue un « véhicule automoteur destiné à circuler sur le sol et qui peut être actionné par une force mécanique, sans être lié à une voie ferrée ». Par ailleurs, il est constant que ce véhicule a son stationnement habituel sur le territoire d’un État membre et qu’il n’est pas concerné par une dérogation adoptée en application de l’article 5 de cette directive.

23      Aux fins d’apporter une réponse utile aux questions posées, il y a lieu de déterminer si des circonstances telles que celles en cause au principal relèvent de la notion de « circulation des véhicules », au sens de l’article 3, premier alinéa, de ladite directive.

24      Il convient de rappeler, à cet effet, que la Cour a jugé que cette même notion, au sens de l’article 3, paragraphe 1, de la directive 72/166 (ci-après la « première directive »), dont le contenu correspond, en substance, à celui de l’article 3, premier et deuxième alinéas, de la directive 2009/103, ne saurait être laissée à l’appréciation de chaque État membre, mais constitue une notion autonome du droit de l’Union, devant être interprétée, conformément à la jurisprudence constante de la Cour, au regard, notamment, du contexte de cette disposition et des objectifs poursuivis par la réglementation dont elle fait partie (voir, en ce sens, arrêts du 4 septembre 2014, Vnuk, C‑162/13, EU:C:2014:2146, points 41 et 42, ainsi que du 28 novembre 2017, Rodrigues de Andrade, C‑514/16, EU:C:2017:908, point 31).

25      À cet égard, ainsi que l’énonce le considérant 1 de la directive 2009/103, celle-ci a codifié la première directive, la deuxième directive 84/5, la troisième directive 90/232, la directive 2000/26 et la directive 2005/14. Ces directives ont progressivement précisé les obligations des États membres en matière d’assurance obligatoire. Elles tendaient, d’une part, à assurer la libre circulation tant des véhicules stationnant habituellement sur le territoire de l’Union que des personnes qui sont à leur bord et, d’autre part, à garantir que les victimes des accidents causés par ces véhicules bénéficieront d’un traitement comparable, quel que soit l’endroit du territoire de l’Union où l’accident s’est produit (voir, en ce sens, arrêts du 23 octobre 2012, Marques Almeida, C‑300/10, EU:C:2012:656, point 26 ; du 4 septembre 2014, Vnuk, C‑162/13, EU:C:2014:2146, point 50, et du 28 novembre 2017, Rodrigues de Andrade, C‑514/16, EU:C:2017:908, point 32).

26      Il ressort des considérants 2 et 20 de la directive 2009/103, en substance, que celle-ci poursuit les mêmes objectifs.

27      En outre, il ressort de l’évolution de la réglementation de l’Union en matière d’assurance obligatoire que l’objectif de protection des victimes d’accidents causés par ces véhicules a constamment été poursuivi et renforcé par le législateur de l’Union (voir, en ce sens, arrêts du 4 septembre 2014, Vnuk, C‑162/13, EU:C:2014:2146, points 52 à 55, ainsi que du 28 novembre 2017, Rodrigues de Andrade, C‑514/16, EU:C:2017:908, point 33).

28      Il résulte des considérations qui précèdent que l’article 3, premier alinéa, de la directive 2009/103 doit être interprété en ce sens que la notion de « circulation des véhicules » qui y figure n’est pas limitée aux situations de circulation routière, c’est-à-dire à la circulation sur la voie publique, mais que relève de cette notion toute utilisation d’un véhicule qui est conforme à la fonction habituelle de ce dernier (voir, en ce sens, arrêts du 4 septembre 2014, Vnuk, C‑162/13, EU:C:2014:2146, point 59, et du 28 novembre 2017, Rodrigues de Andrade, C‑514/16, EU:C:2017:908, point 34).

29      À cet égard, la Cour a précisé que, dans la mesure où les véhicules automoteurs visés à l’article 1er, point 1, de la première directive, dont le libellé correspond à celui de l’article 1er, point 1, de la directive 2009/103, indépendamment de leurs caractéristiques, ont vocation à servir habituellement de moyens de transport, relève de cette notion toute utilisation d’un véhicule en tant que moyen de transport (arrêt du 28 novembre 2017, Rodrigues de Andrade, C‑514/16, EU:C:2017:908, points 37 et 38).

30      La Cour a jugé, en outre, que la portée de ladite notion ne dépend pas des caractéristiques du terrain sur lequel le véhicule automoteur est utilisé (arrêt du 28 novembre 2017, Rodrigues de Andrade, C‑514/16, EU:C:2017:908, point 35).

31      Aucune disposition de la directive 2009/103 ne limite d’ailleurs l’étendue de l’obligation d’assurance, et de la protection que cette obligation entend conférer aux victimes d’accidents causés par des véhicules automoteurs, aux cas d’utilisation de tels véhicules sur certains terrains ou sur certaines voies (voir, en ce sens, arrêt du 28 novembre 2017, Rodrigues de Andrade, C‑514/16, EU:C:2017:908, point 36).

32      En l’occurrence, il est constant que le véhicule en cause était utilisé, au moment où il s’est renversé, blessant ainsi M. Núñez Torreiro, en tant que moyen de transport.

33      Pareille utilisation relève, dès lors, de la notion de « circulation des véhicules », au sens de l’article 3, premier alinéa, de la directive 2009/103.

34      Le fait que, ainsi qu’il ressort de la décision de renvoi, le véhicule en cause circulait, lorsqu’il s’est renversé, sur un terrain de manœuvres militaires dont l’accès était interdit à tout véhicule non militaire et dans une zone de ce terrain qui n’était pas adaptée à la circulation de véhicules à roues, n’est pas de nature à influer sur cette conclusion et, partant, à limiter l’obligation d’assurance qui découle de cette disposition.

35      Or, une réglementation telle que celle en cause au principal a pour conséquence de faire dépendre l’étendue de la couverture de l’assurance obligatoire des caractéristiques du terrain sur lequel le véhicule automoteur est utilisé. En effet, elle permet de limiter l’étendue de l’obligation générale d’assurance que les États membres sont tenus d’instaurer, en droit interne, en vertu de l’article 3, premier alinéa, de la directive 2009/103 et, partant, la protection que cette obligation entend conférer aux victimes d’accidents causés par des véhicules automoteurs, aux cas d’utilisation de tels véhicules sur certains terrains ou sur certaines voies.

36      Eu égard aux considérations qui précèdent, il y a lieu de répondre aux première et deuxième questions que l’article 3, premier alinéa, de la directive 2009/103 doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une réglementation nationale, telle que celle en cause au principal, qui permet d’exclure de la couverture de l’assurance obligatoire les dommages survenus à l’occasion de la conduite des véhicules automoteurs sur des voies et des terrains qui ne sont pas « adaptés à la circulation », à l’exception de ceux qui, bien que n’étant pas adaptés à cet effet, sont néanmoins « couramment utilisés ».

 Sur la troisième question

37      Par sa troisième question, la juridiction de renvoi cherche à savoir, en substance, si l’article 3, premier alinéa, de la directive 2009/103 doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une réglementation nationale, telle que l’article 1er, paragraphe 6, et l’article 7, paragraphe 1, de la loi relative à la responsabilité civile et à l’assurance automobiles, lus en combinaison avec l’article 2, paragraphes 2 et 3, du règlement sur l’assurance obligatoire, qui exclut de la couverture de l’assurance obligatoire les dommages résultant de l’utilisation des véhicules dans le cadre d’activités sportives, industrielles et agricoles, dans les ports et dans les aéroports, ainsi que dans le cadre de la commission d’un délit intentionnel.

38      À cet égard, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante de la Cour, les questions relatives à l’interprétation du droit de l’Union posées par le juge national dans le cadre réglementaire et factuel qu’il définit sous sa responsabilité, et dont il n’appartient pas à la Cour de vérifier l’exactitude, bénéficient d’une présomption de pertinence. Le refus de la Cour de statuer sur une demande de décision préjudicielle formée par une juridiction nationale n’est possible que s’il apparaît de manière manifeste que l’interprétation sollicitée du droit de l’Union n’a aucun rapport avec la réalité ou l’objet du litige au principal, lorsque le problème est de nature hypothétique ou encore lorsque la Cour ne dispose pas des éléments de fait et de droit nécessaires pour répondre de façon utile aux questions qui lui sont posées (arrêt du 20 juillet 2017, Piscarreta Ricardo, C‑416/16, EU:C:2017:574, point 56 et jurisprudence citée).

39      En l’occurrence, il ressort de la décision de renvoi que les dommages subis par M. Núñez Torreiro résultent d’un accident impliquant un véhicule à roues militaire de type « Aníbal » qui circulait sur une zone d’un terrain de manœuvres militaires, dédiée aux véhicules à chenilles. Le litige au principal ne concerne dès lors pas l’utilisation de ce véhicule dans le cadre d’activités sportives, industrielles ou agricoles, dans les ports ou dans les aéroports, ou dans le cadre de la commission d’un délit intentionnel.

40      Dans ces conditions, il apparaît de manière manifeste que l’interprétation de l’article 3, premier alinéa, de la directive 2009/103, sollicitée dans le cadre de la troisième question, n’a aucun rapport avec la réalité ou l’objet du litige au principal et, partant, que cette question est irrecevable.

 Sur les dépens

41      La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (sixième chambre) dit pour droit :

L’article 3, premier alinéa, de la directive 2009/103/CE du Parlement européen et du Conseil, du 16 septembre 2009, concernant l’assurance de la responsabilité civile résultant de la circulation de véhicules automoteurs et le contrôle de l’obligation d’assurer cette responsabilité, doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une réglementation nationale, telle que celle en cause au principal, qui permet d’exclure de la couverture de l’assurance obligatoire les dommages survenus à l’occasion de la conduite des véhicules automoteurs sur des voies et des terrains qui ne sont pas « adaptés à la circulation », à l’exception de ceux qui, bien que n’étant pas adaptés à cet effet, sont néanmoins « couramment utilisés ».

Signatures


*      Langue de procédure : l’espagnol.