Language of document : ECLI:EU:C:1999:166

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TRADUCTION PROVISOIRE DU

CONCLUSIONS DE L'AVOCAT GÉNÉRAL

M. GEORGES COSMAS

présentées le 23 mars 1999 (1)

Affaire C-60/98

Butterfly Music srl

contre

Carosello Edizioni Musicali e Discografiche CEMED srl

et

Federazione Industria Musicale Italiana

(demande de décision préjudicielle formée par le Tribunale Ordinario di Milano, première chambre civile)

«Directive 93/98/CEE — Droit voisin au droit d'auteur concernant l'enregistrement d'une oeuvre musicale — Renaissance — Protection des droits acquis des tiers — Étendue de la protection — Pouvoir d'appréciation des autorités nationales pour la délimitation de la protection des tiers»

I — Introduction

1.
    Dans la présente affaire, la Cour est appelée à statuer sur une question préjudicielle posée par le Tribunale Ordinario di Milano, relative à l'interprétation de l'article 10 de la directive 93/98/CEE du Conseil, du 29 octobre 1993 (2). Le problème concerne la protection des droits acquis par des tiers dans l'hypothèse où, du fait de la transposition de la directive litigieuse dans les différents ordres juridiques nationaux, il y a renaissance d'un droit voisin au droit d'auteur relatif à une oeuvre musicale qui, précédemment, était tombée dans le «domaine public».

II — Les faits

2.
    Le problème juridique soulevé par la question préjudicielle est apparu dans le cadre d'un litige entre les sociétés Butterfly srl (ci-après «Butterfly») et Carosello srl (ci-après «Carosello») concernant l'exploitation de l'enregistrement de certaines oeuvres de la chanteuse italienne Mina. Butterfly a commercialisé en 1992 un disque compact intitulé «Briciole di Baci» contenant seize chansons de Mina, qui avaient été enregistrées pour la première fois au cours des années 1958-1962, étant donné qu'elle avait obtenu de Carosello qui, à cette époque, était titulaire des droits voisins relatifs aux oeuvres litigieuses, l'autorisation d'exploitation relative à ces enregistrements. Conformément à la

législation nationale en vigueur à l'époque en cause, la protection des droits des producteurs et des artistes exécutants d'une oeuvre musicale avait une durée de trente ans. Par la suite, le législateur communautaire a, par la directive 93/98/CEE, porté la durée de la protection des droits en question à cinquante ans. Après la fin du délai imparti pour la transposition de la directive, à savoir le 30 juin 1995, les autorités italiennes compétentes ont élaboré une série de textes législatifs et réglementaires stipulant que les droits des producteurs de phonogrammes s'éteignent cinquante ans après la communication de ces derniers au public et que les droits des artistes interprètes ou exécutants prennent fin, quant à eux, cinquante ans après la date de l'interprétation ou de l'exécution.

3.
    Sur le fondement de cette modification législative, Carosello a, par le biais d'une mise en demeure, enjoint Butterfly à s'abstenir de toute utilisation ultérieure des enregistrements visés par l'autorisation accordée en 1992; à cette fin, elle invoque la renaissance des droits voisins relatifs aux enregistrements précités, renaissance qui, selon elle, est la conséquence de la modification intervenue en droit national et de la mise en oeuvre de la directive 93/98/CEE.

4.
    Butterfly a introduit un recours devant le Tribunale Ordinario di Milano, lui demandant de constater, d'une part, que la mise en demeure de Carosello est illégale et que, d'autre part, la demanderesse a le droit de poursuivre l'exploitation des enregistrements litigieux et la

reproduction phonographique du CD «Briciole di Baci». La défenderesse a conclu au rejet du recours en demandant, par voie reconventionnelle, qu'il soit interdit à la demanderesse d'exploiter, à l'avenir, ces oeuvres musicales pour lesquelles il y avait lieu de considérer que la protection avait repris après la modification précitée du régime juridique des droits d'auteur et des droits voisins. L'analyse de Carosello a également été reprise par la partie intervenante, la Federazione Industria Musicale Italiana (ci-après «Fimi»).

5.
    La juridiction de renvoi considère qu'il découle clairement des dispositions de l'article 10, paragraphe 3, de la directive que, du fait de la prolongation, par la directive, de la durée de la protection, il y a renaissance des droits qui s'étaient éteints après l'écoulement de la période de trente ans qui, à l'origine, était prévue par la loi italienne. Elle émet néanmoins des doutes quant à la compatibilité de la législation nationale applicable avec les règles de la directive relatives à la nécessité de la protection des droits acquis par des tiers, nécessité qui est apparue lorsque la durée de la protection a été portée de trente à cinquante ans.

III — La question préjudicielle

6.
    Par ces motifs, la juridiction de renvoi a soumis à la Cour la question préjudicielle suivante:

«L'interprétation de l'article 10 de la directive 93/98/CEE du 29 octobre 1993, notamment là où cet article prévoit que 'les États membres prennent les dispositions nécessaires pour protéger notamment les droits acquis par des tiers‘, est-elle compatible avec la disposition figurant à l'article 17, paragraphe 4, de la loi n° 52, du 6 février 1996, telle que modifiée ultérieurement par la loi n° 650, du 23 décembre 1996?»

IV — La législation communautaire en cause

7.
    La directive 93/98/CEE du Conseil a pour objectif l'harmonisation des législations nationales régissant les durées de protection du droit d'auteur et de certains droits voisins.

Aux termes de l'article 3 de la directive:

«1.    Les droits des artistes interprètes ou exécutants expirent cinquante ans après la date de l'exécution. Toutefois, si une fixation de l'exécution fait l'objet d'une publication licite ou d'une communication licite au public dans ce délai, les droits expirent cinquante ans après la date du premier de ces faits.

2.    Les droits des producteurs de phonogrammes expirent cinquante ans après la fixation. Toutefois, si le phonogramme fait l'objet d'une publication licite ou d'une communication licite au public pendant cette

période, les droits expirent cinquante ans après la date du premier de ces faits. (...)»

8.
    La directive aborde ensuite la question de la protection des droits acquis par des tiers.

Aux termes du vingt-sixième considérant de la directive

«(...) les États membres doivent rester libres d'arrêter des dispositions sur l'interprétation, l'adaptation et la poursuite de l'exécution de contrats qui portent sur l'exploitation d'oeuvres et d'autres objets protégés et qui ont été conclus avant l'extension de la durée de protection résultant de la présente directive».

Au vingt-septième considérant de la directive, il est stipulé que

«(...) le respect des droits acquis et de la confiance légitime des tiers est garanti par l'ordre juridique communautaire; (...) les États membres doivent pouvoir prévoir notamment que, dans certaines circonstances, les droits d'auteur et les droits voisins qui renaîtront en application de la présente directive ne pourront pas donner lieu à des paiements de la part de personnes qui avaient entrepris de bonne foi l'exploitation des oeuvres au moment où celles-ci faisaient partie du domaine public».

Au vu de ce qui précède, l'article 10 de la directive, qui énonce les règles relatives à la validité dans le temps des droits litigieux, stipule que:

«1.    Lorsqu'une durée de protection plus longue que la durée de protection correspondante prévue à la présente directive a déjà commencé à courir dans un État membre à la date visée à l'article 13 paragraphe 1, la présente directive n'a pas pour effet de la raccourcir dans cet État membre.

2.    Les durées de protection prévues à la présente directive s'appliquent à toutes les oeuvres et à tous les objets qui, à la date visée à l'article 13 paragraphe 1, sont protégés dans au moins un État membre dans le cadre de l'application des dispositions nationales relatives au droit d'auteur ou aux droits voisins ou qui répondent aux critères de protection énoncés dans la directive 92/100/CEE.

3.    La présente directive s'entend sans préjudice des actes d'exploitation accomplis avant la date visée à l'article 13 paragraphe 1. Les États membres prennent les dispositions nécessaires pour protéger notamment les droits acquis des tiers (...) (3)

9.
    Enfin, aux termes de l'article 13, paragraphe 1, de la directive, les États membres sont tenus de mettre en vigueur les dispositions législatives, réglementaires et administratives nécessaires pour se conformer aux articles 1er à 11 de la directive avant le 1er juillet 1995.

V — Les dispositions nationales en cause

10.
    La loi n° 633, du 22 avril 1941 (4), qui, à l'origine régissait les droits du créateur, a été modifiée récemment, notamment par la «loi communautaire» n° 52, du 6 février 1996 (5). La loi n° 52/96 a, à son tour, été modifiée par la loi n° 650, du 23 décembre 1996 (6).

11.
    En vertu de l'article 17, paragraphe 1, de la loi n° 52/96, la durée de protection des droits des producteurs phonographiques, ainsi que des artistes interprètes et des artistes exécutants a été portée de trente à cinquante ans.

12.
    Le deuxième paragraphe du même article, tel que modifié par la loi n° 650/96, prévoit expressément que la règle d'une durée de protection de cinquante ans s'applique également aux oeuvres ou droits qui ne sont certes plus protégés en vertu de l'ancienne législation, mais

qui, à la date du 29 juin 1995, en cause, sont protégés par la nouvelle législation.

13.
    En vertu des dispositions du paragraphe 4 du même article, l'application des dispositions précitées, relatives à la renaissance de la protection des droits en cause, n'affecte pas les actes et les contrats antérieurs au 29 juin 1995 ni les droits légalement acquis et exercés par des tiers en vertu de ces actes ou conventions. Plus spécialement, le législateur italien fait une distinction en matière de protection des droits acquis en fonction de la nature de l'oeuvre pour laquelle se pose la question de la renaissance du droit en cause. Le paragraphe 4 litigieux est formulé comme suit:

«4.    Sont pleinement sauvegardés et inchangés les actes et les contrats antérieurs au 29 juin 1995 et, par dérogation à l'article 119, paragraphe 3, de la loi n° 633 du 22 avril 1941, les contrats passés après le 30 juin 1990, ainsi que les droits qui en résultent, acquis et exercés de manière licite par des tiers.

En particulier ne sont pas affectés:

a)    la distribution et la reproduction des éditions d'oeuvres tombées dans le domaine public en vertu de la réglementation antérieure, dans les limites de la composition graphique et de la présentation éditoriale dans lesquelles la publication a eu lieu, par les

personnes ayant entrepris de distribuer et de reproduire les oeuvres avant la date d'entrée en vigueur de la présente loi. Les futures mises à jour exigées par la nature des oeuvres peuvent également être distribuées et reproduites sans rémunération.

b)    La distribution, dans les limites de la période de trois mois suivant la date d'entrée en vigueur de la présente loi, des disques phonographiques et des instruments similaires dont les droits d'utilisation ont expiré en vertu de la réglementation antérieure, par les personnes qui ont reproduit et commercialisé les supports susmentionnés avant la date d'entrée en vigueur de la présente loi.»

VI — Quant à la formulation de la question préjudicielle

14.
    Il convient tout d'abord de noter que, comme la Commission l'a signalé à juste titre dans ses observations, la question préjudicielle doit être reformulée. Les compétences conférées à la Cour en vertu de l'article 177 du traité ne lui permettent pas de répondre à la question dans l'étendue souhaitée par la juridiction de renvoi. Plus particulièrement, la question soulève directement le problème de la compatibilité d'une disposition du droit national avec le droit communautaire correspondant, problème qui ne saurait faire l'objet d'un renvoi préjudiciel. Par conséquent, nous estimons qu'il est préférable dereformuler la question posée et donc d'examiner si les dispositions de

la directive 93/98, ainsi que, en général, le droit communautaire relatif à la protection des droits acquis par des tiers et de la confiance légitime des sujets du droit s'opposent à une règle nationale qui, en vue de protéger les droits acquis par des tiers face à la renaissance de droits voisins au droit d'auteur relatifs à des oeuvres musicales, se borne à accorder aux tiers en question la possibilité de vendre leurs stocks pour une période qui ne dépasse pas trois mois à compter de l'entrée en vigueur de la disposition nationale en cause.

VII — Quant à la recevabilité de la question préjudicielle

15.
    Carosello soulève l'exception d'irrecevabilité et soutient que la réponse à la question préjudicielle posée n'a aucune incidence sur la solution du litige au principal. Ce point de vue est étayé par les arguments suivants: premièrement, Carosello estime que le litige au principal concerne l'interprétation d'un contrat qui avait été conclu entre Butterfly et elle-même le 16 juillet 1990 et que, pour cela, il n'est pas indispensable d'interpréter les dispositions de la directive 93/98. Deuxièmement, ainsi qu'il découle de l'ordonnance de renvoi, Butterfly avait déjà, avant la fin de l'année 1995, écoulé l'intégralité de son stock de compacts disques «Briciole di Baci», de sorte que, selon Carosello, la question préjudicielle qui se rapporte aux dispositions de la législation italienne qui accordent aux tiers la possibilité de vendre leurs stocks dans un délai déterminé est purement hypothétique. Troisièmement, la demande de Butterfly, dans le cadre de la procédure au principal,

tendant à la reconnaissance de son droit de rééditer le CD litigieux malgré le refus de Carosello n'a aucune incidence; car, dans la mesure où Butterfly n'a ni demandé ni eu la possibilité d'obtenir une licence en ce sens de la part de la Societa Italiana Autori Editori (ci-après «SIAE»), licence indispensable pour la réédition, l'objet de la procédure au principal n'a pas d'incidence pratique.

16.
    Nous sommes d'avis que l'argument de l'irrecevabilité ne saurait être retenu. Il convient de noter tout d'abord que, lorsqu'il s'agit de refuser l'examen d'une question préjudicielle en raison de son irrecevabilité, la marge d'appréciation est particulièrement étroite. Conformément à une jurisprudence constante de la Cour, «(...) il appartient aux seules juridictions nationales qui sont saisies du litige et qui doivent assumer la responsabilité de la décision juridictionnelle à intervenir, d'apprécier, au regard des particularités de chaque affaire, tant la nécessité d'une décision préjudicielle pour être en mesure de rendre leur jugement que la pertinence des questions qu'elles posent à la Cour (...)» (7). En conséquence, dès lors que les questions posées portent sur l'interprétation du droit communautaire «(...) la Cour est, en principe, tenue de statuer» (8). Toutefois, dans des hypothèses exceptionnelles, la Cour a également estimé qu'il lui appartenait, en vue

de vérifier sa propre compétence, d'examiner les conditions dans lesquelles elle était saisie par le juge national (9). En tout état de cause, «le rejet d'une demande formée par une juridiction nationale n'est possible que s'il apparaît de manière manifeste que l'interprétation sollicitée du droit communautaire n'a aucun rapport avec la réalité ou l'objet du litige au principal ou encore lorsque le problème est de nature hypothétique et que la Cour ne dispose pas des éléments de fait et de droit nécessaires pour répondre de façon utile aux questions qui lui sont posées» (10).

17.
    Le caractère manifeste (11) des raisons pour lesquelles le juge communautaire peut refuser de répondre à une question préjudicielle est, à notre avis, inexistant dans la présente espèce. De plus, la Cour n'a pas le droit d'examiner le fond du litige au principal en vue de statuer, en premier lieu, sur la question de savoir si celui-ci devient sans objet du seul fait que Butterfly ne détient pas l'autorisation de la SIAE pour

les oeuvres musicales en cause et, en second lieu, sur la question de savoir si, pour l'interprétation du contrat conclu entre Carosello et Butterfly, le droit communautaire est dénué de toute incidence. Il est vrai que, au cas contraire, si on voulait finalement considérer que la protection des droits acquis par des tiers, lorsqu'elle consiste simplement dans la possibilité de vendre les stocks existants, n'est pas suffisante du point de vue du droit communautaire, on verrait, sur ce point, apparaître la question de savoir si la demande de Butterfly, dans la procédure au principal, visant la poursuite de l'exploitation des phonogrammes à partir desquels le CD «Briciole di Baci» a été réalisé sans que Carosello ne puisse revendiquer l'existence de droits voisins y relatifs, est fondée sur le droit communautaire, comme le soutient la demanderesse dans la procédure au principal. Par conséquent, la Cour doit entreprendre de répondre à la question posée à titre préjudiciel.

VIII — La réponse à la question préjudicielle

18.
    Dans ses observations, Butterfly cherche à imposer, au niveau de l'interprétation des dispositions de l'article 10, paragraphe 3, de la directive, une approche en vertu de laquelle, premièrement, ces dispositions accordent une protection large et illimitée aux titulaires de droits acquis concernant des oeuvres faisant l'objet d'une renaissance du droit d'auteur ou des droits voisins, deuxièmement, les dispositions précitées sont suffisamment claires et inconditionnelles pour produire des effets directs sur l'ordre juridique interne et, troisièmement, les

restrictions nationales des droits acquis, comme celles de la législation italienne litigieuse, sont contraires aux dispositions précitées de la directive et ne doivent donc pas être appliquées par le juge national. Butterfly soutient que cette approche est la seule qui soit conforme aux principes fondamentaux du droit communautaire concernant la protection des droits acquis et de la confiance légitime des sujets du droit.

19.
    Certains points du raisonnement de Butterfly et des conclusions auxquelles celle-ci aboutit sont contestés par Carosello, Fimi, le gouvernement italien ainsi que par la Commission.

20.
    Nous examinerons ci-dessous les dispositions de la directive 93/98 en cause, de manière à déterminer, d'une part, l'étendue de la protection des droits acquis prévue par celles-ci et, d'autre part, l'importance du pouvoir d'appréciation que ces mêmes dispositions accordent aux États membres en vue de la réalisation de la protection en cause. Nous vérifierons ensuite si les assurances fournies par la directive 93/98 au niveau de la garantie des droits acquis sont suffisantes du point de vue des principes généraux du droit communautaire et, plus spécialement, des principes applicables en matière de protection des droits acquis et de la confiance légitime des sujets du droit. Enfin — et uniquement si cela s'avère indispensable après le franchissement des stades précédents de l'analyse — nous aborderons le problème de l'effet direct de l'article 10, paragraphe 3, deuxième phrase, de la directive.

21.
    La directive 93/98 se situe dans le cadre des efforts déployés par le législateur communautaire en vue de l'harmonisation des règles dans le domaine de la protection du droit d'auteur et des droits voisins (12). Ces efforts se sont manifestés dès le début de la décennie 90 et persistent jusqu'à ce jour (13). L'idée centrale de cette tentative est celle du renforcement de la protection des droits en cause, qui, d'ailleurs, est également exigé par l'accord TRIPS (14) signé dans le cadre des négociations d'Uruguay du GATT. La nécessité d'une protection renforcée est expressément reconnue par la directive 93/98; le dixième considérant de celle-ci souligne que «l'harmonisation du droit d'auteur

et des droits voisins doit s'effectuer sur la base d'un niveau de protection élevé, étant donné que ces droits sont indispensables à la création intellectuelle (...)».

22.
    La place et l'importance accordées aux droits en cause sont particulièrement utiles pour l'interprétation des dispositions de la directive: on y décèle la volonté du législateur communautaire d'assurer la protection la plus large possible du droit d'auteur et des droits voisins. Par conséquent, les dispositions destinées à garantir ces droits doivent être interprétées de manière large, alors que celles qui prévoient des exceptions au régime de protection doivent, quant à elles, être interprétées d'une manière restrictive.

23.
    Cette conclusion est d'ailleurs confirmée par la manière dont s'est déroulée la procédure d'adoption de la directive litigieuse. Le projet initial prévoyait uniquement la clause en vertu de laquelle l'application des dispositions de la directive ne doit pas aboutir à la réduction de la durée de protection plus importante éventuellement prévue par la législation de certains États membres; en d'autres termes, elle ne saurait aboutir à la restriction du droit d'auteur et des droits voisins déjà acquis en vertu des dispositions nationales en vigueur. Le projet initial ne prévoyait cependant pas de manière expresse la possibilité d'une renaissance de droits qui s'étaient déjà éteints en vertu du droit national avant l'entrée en vigueur de la directive. Le Parlement européen a demandé sa modification, soulevant, d'une part, le problème de la

renaissance de droits dont la protection avait déjà pris fin en vertu du droit national et, d'autre part, celui de la garantie des droits acquis par des tiers.

24.
    Plus particulièrement, concernant la protection des droits acquis par des tiers, le Parlement européen a demandé à la Commission de rajouter au texte de la directive des dispositions, aux termes desquelles, premièrement, les nouvelles règles communautaires relatives à la protection des droits d'auteur et des droits voisins s'appliquent sans affecter les actes légaux d'exploitation des oeuvres intervenus avant une date déterminée, deuxièmement, les titulaires du droit d'auteur et des droits voisins ne peuvent pas s'opposer à la poursuite de l'exploitation des oeuvres directement liée à des investissements effectués de bonne foi avant l'entrée en vigueur des dispositions communautaires et, troisièmement, les États membres sont tenus de prévoir une indemnisation appropriée des titulaires du droit d'auteur et des droits voisins pour les actes d'exploitation précités qui continuent après la date de l'entrée en vigueur des dispositions communautaires.

25.
    En comparant les propositions du Parlement à la forme définitive de la directive, on aboutit aux conclusions suivantes:

Premièrement, la directive a consacré le principe de la renaissance du droit d'auteur et des droits voisins qui s'étaient éteints en vertu de la législation nationale applicable avant l'entrée en vigueur de la directive

communautaire (15). Il convient de constater que la solution de la renaissance est conforme au principe général en vertu duquel les règles de droit sont applicables ex nunc. Plus spécialement, lorsqu'une disposition prévoit qu'un droit est éteint après l'écoulement de cinquante ou de soixante-dix ans à compter de l'événement qui marque le début de la protection de ce droit par les textes légaux et que ce délai n'a pas encore pris fin au moment de l'entrée en vigueur de la disposition en cause, il convient, en principe, de considérer que le droit en question existe. La renaissance du droit d'auteur et des droits voisins en vertu de la directive ne signifie pas que celle-ci s'applique de manière rétroactive, rétroactivité qui, du point de vue de l'application de la directive dans le temps, soulèverait des doutes quant à la compatibilité de cette situation avec les principes généraux du droit (16).

Deuxièmement, bien que la directive prévoie la garantie des droits acquis par des tiers, en application, également, des principes généraux du droit communautaire, elle ne le fait pas exactement de la même manière que celle suggérée par le Parlement. Il est vrai que, concernant le champ d'application de la directive, on a ajouté une réserve expresse quant aux actes d'exploitation qui ont eu lieu avant le 1er juillet 1995 — date pour laquelle, comme indiqué précédemment, les mesures nationales nécessaires en vue de la transposition de la directive devaient être prises —, mais la directive ne détermine (ni n'impose) de moyen

déterminé pour la protection des droits des tiers lorsque l'exploitation a lieu après la date précitée. Elle se borne à exiger, de manière générale et indéterminée, des États membres qu'ils «prennent les dispositions nécessaires pour protéger notamment les droits acquis des tiers», obligation dont on peut, par la voie de l'interprétation, déduire que cette catégorie de sujets du droit ne doit pas rester sans protection aucune aulendemain de la transposition de la directive dans les différents ordres juridiques nationaux. Par ailleurs, dans le cadre de la nécessité du respect des droits acquis et de la confiance légitime des tiers, le vingt-septième considérant de la directive prévoit simplement la possibilité et non pas l'obligation, pour les États membres, de «(...) prévoir ... que, dans certaines circonstances (17), les droits d'auteur et les droits voisins qui renaîtront en application de la présente directive ne pourront pas donner lieu à des paiements de la part de personnes qui avaient entrepris de bonne foi l'exploitation des oeuvres au moment où celles-ci faisaient partie du domaine public». Il apparaît donc qu'aucun droit spécial, quel qu'il soit, n'existe en faveur des tiers de bonne foi, qui, même au prix du versement d'une indemnité adéquate (et encore moins en l'absence d'indemnité), permettrait à ceux-ci de poursuivre l'exploitation d'une oeuvre entreprise avant le 1er juillet 1995, ainsi qu'après cette date.

26.
    Selon nous, tout cela démontre clairement la volonté du législateur communautaire de protéger les droits acquis, tout en accordant une marge d'appréciation importante aux autorités nationales compétentes; ces dernières sont, d'ailleurs, de par leur nature et leur position les plus aptes à concilier de manière juste les intérêts opposés du créateur, du producteur ou de l'interprète, d'une part, et des tiers de bonne foi, d'autre part. En outre, il ne semble pas qu'il y ait un fondement pour l'affirmation de Butterfly selon laquelle on peut directement déduire des dispositions de l'article 10 de la directive 93/98 son droit, en tant que tiers de bonne foi, de continuer l'exploitation des chansons de Mina même après le 1er juillet 1995. Le traitement normatif des situations créées par la renaissance des droits voisins en vertu de la directive à compter du 1er juillet 1995 et la protection devant être garantie aux tiers relèvent, en principe, de la compétence des États membres. C'est uniquement dans l'hypothèse où l'on voudrait considérer que l'insuffisance de la protection accordée aux tiers par les mesures nationales est telle que celles-ci se situent en dehors de la marge de manoeuvre dont dispose l'État membre que l'on peut envisager l'examen des dispositions de l'article 10, paragraphe 3, de la directive en vue de vérifier si elles ont un effet direct et si elles peuvent être invoquées par des sujets du droit qui, comme Butterfly, veulent poursuivre l'exploitation des oeuvres qui étaient tombées dans le domaine public avant le 1er juillet 1995.

27.
    Pour ce qui concerne le contrôle du pouvoir d'appréciation accordé aux États membres en matière d'organisation de la protection des droits acquis par des tiers, il est intéressant de souligner que ce pouvoir est particulièrement large, ainsi qu'il découle des observations suivantes: premièrement, les dispositions de l'article 10, paragraphe 2, de la directive sont formulées de manière aussi générale que possible. Deuxièmement, la préférence a été donnée à cette formulation générale plutôt qu'à la proposition faite par le Parlement qui définissait, même si ce n'est que partiellement, des formes de protection des tiers. Troisièmement, le seul fait que les dispositions nationales en cause ont été adoptées en vue de transposer une règle communautaire, qui se présente sous la forme d'une directive, suffit pour démontrer l'importance de la liberté dont jouissent les autorités nationales compétentes. Ces dernières sont liées par l'article 189 du traité pour ce qui concerne l'accomplissement des objectifs visés par la directive, mais elles conservent la possibilité de choisir les moyens spécifiques destinés à matérialiser lesdits objectifs.

28.
    Bien sûr, cela ne signifie pas que, dans le cadre de l'article 10, paragraphe 3, de la directive, les États membres peuvent légiférer sans aucun contrôle. Par ailleurs, comme la Cour l'avait déjà signalé avant l'adoption de la législation communautaire litigieuse, «(...) les droits exclusifs conférés par la propriété littéraire et artistique sont de nature à affecter les échanges de biens et de services ainsi que les rapports de concurrence à l'intérieur de la Communauté. Pour cette raison (...), ces

droits, bien que régis par les législations nationales, sont soumis aux exigences du traité et se rattachent, dès lors, au domaine d'application de ce dernier» (18). En conséquence, la protection nationale accordée aux droits d'auteur et aux droits voisins ne saurait être telle qu'elle affecte d'autres droits et intérêts considérés dignes de protection par le droit communautaire, comme, en l'espèce, les droits acquis par des tiers.

29.
    En tout état de cause, comme le signale à juste titre la Commission, une législation nationale qui se borne à accorder aux tiers la possibilité d'écouler sur le marché, pour une période certes limitée, les stocks résultant de l'exploitation d'une oeuvre qui était tombée dans le domaine public avant le 1er juillet 1995 n'apparaît pas comme étant insuffisante au sens de la directive, comme nous le démontrerons ci-dessous.

30.
    Pour ce qui concerne le litige en l'espèce, il convient, tout d'abord, de noter que le délai dans lequel les stocks doivent, aux termes de la législation italienne litigieuse, être vendus est de trois mois à compter de l'entrée en vigueur de la législation en cause. Ce délai a donc pris fin trois mois après le 25 février 1996, à savoir le 26 mai 1996. Cette remarque est intéressante dans la mesure où la renaissance du droit d'auteur et des droits voisins résultant de la transposition de la directive dans les différents ordres juridiques nationaux était déjà

intervenue le 29 juin 1995. Il apparaît donc que, du fait de l'application de la législation italienne litigieuse, les titulaires de droits acquis se sont vus garantir la possibilité d'écouler leurs stocks pendant une période légèrement supérieure à onze mois à compter de la renaissance du droit d'auteur et des droits voisins pour des oeuvres qui ont commencé à être exploitées avant le 1er juillet 1995 (19). Ainsi, les opérateurs économiques qui avaient exploité des oeuvres qui étaient tombées dans le domaine public avant le 1er juillet 1995 obtiennent la possibilité, par le biais de l'écoulement de leurs stocks dans un délai suffisant, de tirer profit de cette exploitation sans être soumis au paiement d'une indemnité aux titulaires des droits qui ont fait l'objet d'une renaissance en vertu de la directive communautaire.

31.
    Le délai de trois mois prévu par la loi italienne, délai qui, en réalité, s'élève à onze mois à compter de la date de la renaissance, en vertu de la directive, du droit d'auteur et des droits voisins, semble, en principe, suffisant pour garantir les intérêts économiques des tiers de bonne foi, comme l'explique le gouvernement italien dans ses

observations (20); en tout état de cause, ce délai n'est ni manifestement insuffisant ni tellement limité qu'il causerait préjudice aux personnes précitées qui, d'ailleurs, doivent être considérées comme ayant, dès le 29 novembre 1993, date de publication de la directive au Journal officiel, eu connaissance du fait que la renaissance des droits voisins était effective au plus tard le 1er juillet 1995. De plus, il n'appartient pas à la Cour de se substituer au législateur national en cherchant à déterminer le système le plus adapté pour établir un équilibre entre les intérêts opposés, système qui tiendrait également compte d'autres paramètres, comme l'ampleur de l'investissement du tiers de bonne foi, les circonstances particulières et l'importance de l'exploitation antérieure pendant la période où l'oeuvre litigieuse faisait partie du domaine public, ou encore la nature particulière de l'oeuvre exploitée. Dans la mesure où le législateur communautaire a préféré accorder aux États membres un pouvoir d'appréciation en la matière, la liberté de la Cour pour l'interprétation de l'article 10, paragraphe 3, de la directive est particulièrement restreinte.

32.
    Par ailleurs, la circonstance que, conformément à l'étude comparative invoquée par Butterfly, l'attitude adoptée à l'égard des producteurs tiers par le législateur italien semble plus sévère que celle adoptée par les autorités compétentes des autres États membres ne signifie bien entendu pas que le législateur italien est sorti du champ des compétences qui lui ont été conférées par l'article 10, paragraphe 3, de la directive.

33.
    A cet égard, l'argument de Butterfly selon lequel le législateur italien défavoriserait les titulaires de droits acquis concernant des oeuvres phonographiques par rapport à ceux qui exploitent des oeuvres littéraires n'a aucune utilité pour la solution du problème d'interprétation en cause. En effet, la législation nationale litigieuse est manifestement favorable aux tiers qui avaient commencé à exploiter une oeuvre littéraire qui était tombée dans le domaine public avant la transposition de la directive et dont les droits d'auteur ont fait l'objet d'une renaissance; les tiers peuvent librement poursuivre l'exploitation de l'oeuvre en question (distribution, réédition et, si nécessaire, mise à jour sans aucune limite dans le temps). Toutefois, le fait que les oeuvres littéraires soient traitées de cette manière n'implique bien entendu pas l'obligation, pour les autorités nationales, d'accorder un traitement équivalent aux oeuvres musicales et aux droits acquis par les tiers de bonne foi à l'égard de celles-ci. Si le traitement accordé à ces dernières, bien que clairement plus défavorable que celui accordé aux tiers qui poursuivent l'exploitation d'oeuvres littéraires, n'excède pas les limites

du pouvoir d'appréciation dont jouissent les autorités nationales en vertu de la directive, il n'est pas possible de parler d'une violation du droit communautaire (21).

34.
    A titre subsidiaire, il est également utile de noter qu'il n'est pas évident, comme Butterfly l'affirme à tort, que les dispositions de la législation italienne relatives au sort des droits acquis par des tiers concernant des oeuvres littéraires en cas de renaissance du droit d'auteur sont conformes à l'esprit de la directive. Ce problème n'a pas été abordé directement par la juridiction de renvoi ni fait l'objet d'une analyse approfondie par les parties qui ont déposé des observations. C'est pourquoi, nous pensons qu'il est préférable qu'il ne soit pas examiné par la Cour, dans la mesure où, par ailleurs, il n'est, à notre avis, pas indispensable pour la réponse à la question préjudicielle pendante. Dans l'hypothèse cependant où la Cour serait d'un autre avis, nous pensons qu'il est plus correct de considérer qu'une protection aussi étendue — en réalité illimitée — des intérêts des tiers viderait de sa substance le droit d'auteur et les droits voisins que le législateur communautaire cherche à protéger et qu'elle serait, par conséquent, contraire aux dispositions de la directive. C'est pourquoi, Butterfly ne saurait réclamer l'application du principe de l'égalité de traitement, dans

la mesure où le traitement en question est lui-même contraire au droit communautaire.

35.
    En dernière analyse, il sera noté que — et il s'agit là de l'argument le plus important en faveur des positions de Carosello, de Fimi, du gouvernement italien et de la Commission — la compétence accordée aux États membres par les dispositions litigieuses de la directive a trait à l'adoption de dispositions transitoires qui, de par leur nature, ne peuvent qu'avoir une incidence aussi faible que possible au niveau de la réglementation, étant donné qu'elles équivalent à l'introduction d'exceptions dans le système général de protection des droits voisins que génèrent les règles de la directive. En d'autres termes, lorsque les autorités nationales sont appelées à suivre les prescriptions de l'article 10, paragraphe 3, de la directive relatives à la protection des droits acquis par les tiers, elles doivent garder à l'esprit que cette protection a un caractère exceptionnel; elles doivent délimiter de manière aussi étroite que possible le domaine de la protection du droit d'auteur et des droits voisins, protection dont la mise en place constitue l'objectif central et le but principal visés par la directive.

36.
    Le résultat de cette étude concernant l'interprétation de la directive 93/98 ne saurait par ailleurs être contesté au moyen des principes généraux du droit communautaire, notamment de ceux relatifs à la protection des droits acquis par des tiers et de la confiance légitime. Pour ce qui concerne la notion de droits acquis, la Cour a certes

reconnu qu'ils sont protégés par le droit communautaire (22), mais elle n'a jamais admis — et elle ne pourrait d'ailleurs pas le faire — que la garantie de ces droits par le biais de l'introduction de dispositions transitoiresdans une règle communautaire puisse aboutir au renversement du système général mis en place par cette règle et enlever tout effet aux droits et aux intérêts légitimes que la règle en question a précisément pour objet de protéger. A cet égard, la Cour a jugé de manière constante que le principe de la confiance légitime «(...) ne saurait être étendu au point d'empêcher, de façon générale, une réglementation nouvelle de s'appliquer aux effets futurs de situations nées sous l'empire de la réglementation antérieure» (23). La Cour adopte le même point de vue lorsqu'elle juge que «les opérateurs économiques ne sont pas justifiés à placer leur confiance légitime dans le maintien d'une situation existante qui peut être modifiée dans le cadre du pouvoir d'appréciation des institutions communautaires» (24).

37.
    En conséquence, nous ne pensons pas qu'il puisse y avoir un fondement en droit communautaire permettant aux opérateurs

économiques qui se trouvent dans la même situation que Butterfly — c'est-à-dire les opérateurs qui ont commencé à exploiter une oeuvre dont les droits voisins avaient expiré et qui souhaitent poursuivre cette exploitation après la renaissance de ces droits du fait de la transposition de la directive 93/98 en droit interne — de faire valoir un droit à une protection plus étendue que celle prévue par la législation italienne litigieuse (25). Après cette constatation, il n'est pas nécessaire d'examiner la question de savoir dans quelle mesure les dispositions particulières du paragraphe 3 de l'article 10 de la directive présentent les caractéristiques juridiques nécessaires pour produire des effets directs dans l'ordre juridique interne.

IX — Conclusion

38.
    Au vu de ce qui précède, nous proposons à la Cour de répondre comme suit à la question déférée à titre préjudiciel:

«Les dispositions de l'article 10, paragraphe 3, de la directive 93/98/CEE du Conseil, du 29 octobre 1993, relative à l'harmonisation de la durée de protection du droit d'auteur et de certains droits voisins, de même que le droit communautaire en général, ne s'opposent pas à une règle nationale qui, en vue de protéger les droits acquis par des tiers face à la renaissance, prévue par la directive, de droits voisins au droit d'auteur

en matière d'oeuvres musicales, se borne à accorder auxdits tiers la possibilité d'écouler leurs stocks pendant une période qui n'excède pas trois mois à compter de l'entrée en vigueur de la règle nationale en cause.»


1: Langue originale: le grec.


2: —     Relative à l'harmonisation de la durée de protection du droit d'auteur et de certains droits voisins, JO L 290, du 24 novembre 1993, p. 9.


3: —     C'est nous qui soulignons.


4: —     GURI n° 166, du 16 juillet 1941.


5: —     GURI n° 34, du 10 février 1996, supplément ordinaire n° 24.


6: —     GURI n° 300, du 23 décembre 1996.


7: —     Arrêt de la Cour du 5 juin 1997, Celestini (C-105/94, Rec. p. I-2971, point 21). Voir également, entre autres, l'arrêt de la Cour du 14 décembre 1995, Banchero (C-387/93, Rec. p. I-4663, point 15).


8: —     Voir l'arrêt Celestini (précité à la note 6, point 21) et l'arrêt de la Cour du 15 décembre 1995, Bosman (C-415/93, Rec. p. I-4921, point 59).


9: —     Voir, par exemple, les arrêts de la Cour du 16 décembre 1981, Foglia (244/80, Rec. p. 3045, point 21); du 16 juillet 1992, Lourenço Dias (C-343/90, Rec. p. I-4673); du 26 janvier 1993, Telemarsicabruzzo e.a. (C-320/90, C-321/90 et C-322/90, Rec. p. I-393), et du 5 juin 1997, Celestini (précité à la note 6, point 22).


10: —     Arrêt de la Cour du 5 juin 1997, Celestini (précité à la note 6, point 22). Voir également l'approche analytique du problème dans les conclusions de l'avocat général M. Fennelly présentées dans l'affaire Celestini (points 19 et suiv.).


11: —     Concernant la constatation nécessaire du caractère manifeste de l'irrecevabilité, voir également les arrêts récents de la Cour du 7 décembre 1995, Spano e.a. (C-472/93, Rec. p. I-4321); du 20 mars 1996, Sunino et Data (C-2/96, Rec. p. I-1543), et du 19 juillet 1996, Modesti (C-191/96, Rec. p. I-3937).


12: —     Déjà dans son arrêt rendu le 8 juin 1971, Deutsche Grammophon (78/70, Rec. p. 487), la Cour avait déclaré que la protection des droits de propriété industrielle et commerciale relève du droit communautaire dans la mesure où elle est expressément visée par l'article 36 du traité CEE.


13: —     En 1989, la Cour a constaté que «(...) en l'état actuel du droit communautaire, qui se caractérise par l'absence d'une harmonisation ou d'un rapprochement des législations relatives à la protection de la propriété littéraire et artistique, il appartient aux législateurs nationaux de fixer les conditions et les modalités de cette protection» (arrêt du 24 janvier 1989, EMI Électrola, 341/87, Rec. p. 79, point 11). Cette lacune a été comblée par les directives 91/250/CEE du Conseil, du 14 mai 1991 (concernant la protection juridique des programmes d'ordinateur); 92/100/CEE du Conseil, du 19 novembre 1992 (relative au droit de location et de prêt et à certains droits voisins au droit d'auteur dans le domaine de la propriété intellectuelle); 93/83/CEE du Conseil, du 27 septembre 1993 (relative à la coordination de certaines règles du droit d'auteur et des droits voisins au droit d'auteur applicables à la radiodiffusion par satellite et à la retransmission par câble); 93/98/CEE du Conseil, du 29 octobre 1993, et 96/9/CE du Parlement européen et du Conseil, du 11 mars 1996 (concernant la protection juridique des bases de données).


14: —     Accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce — incluant le commerce international des marchandises de contrefaçon — accord TRIPS.


15: —     La solution de la renaissance des droits était appropriée en vue d'atteindre, aussi rapidement que possible, l'harmonisation des législations nationales concernant la durée de la protection du droit d'auteur et des droits voisins. Sans cette renaissance, on verrait, pendant une certaine période du moins, que le droit d'auteur et les droits voisins relatifs à une oeuvre antérieure à la directive qui sont protégés dans un État membre (qui prévoit une longue protection dans le temps) sont, en revanche, éteints dans un autre État membre. Cette possibilité aurait indubitablement des conséquences négatives sur le commerce entre les États.


16: —     Comme nous l'avons déjà signalé dans nos conclusions présentées le 19 janvier 1999 dans l'affaire Andersson (C-321/97, non encore publiée au Rec., point 57), il ne faut pas confondre entre effet rétroactif et effet immédiat d'une règle de droit. La distinction doit être faite en tenant compte de la dimension temporelle des situations régies par la règle. L'effet rétroactif consiste en l'application de la règle à des situations qui étaient définitivement fixées avant son entrée en vigueur. L'effet immédiat, qui s'exerce lui aussi, en principe, conformément au principe tempus regit actum, consiste à appliquer la règle à des situations continues en cours; cela signifie que le champ

d'application temporel d'une règle couvre également les effets futurs de situations continues qui ont été créées dans le passé, mais qui n'étaient pas définitivement fixées avant l'entrée en vigueur de la règle. C'est une telle situation continue, non définitivement fixée qui est créée par le commencement et la poursuite de l'exploitation d'une oeuvre après que celle-ci soit tombée dans le domaine public. En d'autres termes, les tiers de bonne foi ne peuvent pas simplement invoquer le fait que l'exploitation de l'oeuvre est en cours à titre de circonstance génératrice d'une situation définitivement fixée. En revanche, si l'exploitation avait pris fin avant l'entrée en application de la directive, on aurait, selon nous, été en présence d'une telle situation définitivement fixée dont le renversement équivaudrait à une application rétroactive d'une règle de droit postérieure. En résumé, la situation des tiers de bonne foi peut être considérée comme étant définitivement fixée seulement dans les cas où ceux-ci n'ont pas simplement commencé la production et l'exploitation d'un CD, mais également vendu les exemplaires produits, c'est-à-dire écoulé les produits sur le marché. C'est uniquement dans l'hypothèse où la directive prévoirait que la renaissance des droits voisins va jusqu'à contraindre les tiers de bonne foi à payer pour des CD qu'ils ont produits, commercialisés et écoulés sur le marché avant le 1er juillet 1995, que se poserait effectivement le problème de l'application rétroactive, contraire aux principes généraux du droit. Cette question ne se pose pas en l'espèce, étant donné qu'il découle tant de la lettre que de l'esprit de la directive que la renaissance des droits voisins ne concerne pas les produits qui ont été écoulés sur le marché avant le délai fixé par la règle communautaire.


17: —     C'est nous qui soulignons.


18: —     Arrêt de la Cour du 20 octobre 1993, Phil Collins e.a. (C-92/92 et C-326/92, Rec. p. I-5145).


19: —     Plus précisément, les tiers se sont vus accorder la possibilité de poursuivre la production et la commercialisation des CD du 1er juillet 1995 jusqu'au 25 février 1996 et de commercialiser librement les exemplaires produits entre le 25 février 1996 et le 26 mai 1996.


20: —     Dans ses observations, le gouvernement italien indique que, avant l'adoption de la législation litigieuse, il a été tenu compte du coût habituel auquel s'exposent les producteurs de phonogrammes, du montant de leurs investissements ainsi que des possibilités de gain. Il a notamment constaté que le coût de la production est particulièrement bas lorsqu'il s'agit d'oeuvres faisant partie du domaine public et que, en pratique, il correspond aux frais de reproduction (fabrication du CD). Pour l'amortissement de ces frais il suffit par conséquent d'accorder aux producteurs la possibilité d'écouler les stocks pendant une période déterminée à compter de la renaissance des droits voisins, tout en les dispensant du paiement d'une indemnité aux titulaires de ces droits.


21: —     On peut soutenir par ailleurs que les tiers qui ont exploité de bonne foi une oeuvre musicale qui était tombée dans le domaine public ne se trouvent pas dans la même situation que ceux qui exploitent une oeuvre littéraire pour laquelle la protection du droit d'auteur a pris fin. On ne saurait par conséquent exiger, sur le fondement des principes généraux d'interprétation du droit, que l'on traite de la même manière des cas de figure différents.


22: —     Arrêt de la Cour du 22 septembre 1983, Verli-Wallace (159/82, Rec. p. 2711).


23: —     Arrêt de la Cour du 22 février 1990, Busseni (C-221/88, Rec. p. I-495, point 35). Voir également les arrêts de la Cour du 14 janvier 1987, République fédérale d'Allemagne/Commission (278/84, Rec. p. 1); du 14 avril 1970, Brock (68/69, Rec. p. 171), et du 10 juillet 1986, Licata (270/84, Rec. p. 2305).


24: —     Arrêt du 14 février 1990, Delacre (C-350/88, Rec. p. I-395, point 23), voir également les arrêts de la Cour du 28 octobre 1982, Faust (52/81, Rec. p. 3745, point 27), et du 17 juin 1987, Frico (424/85 et 425/85, Rec. p. 2755, point 33).


25: —     Le législateur national pourrait éventuellement leur accorder une protection plus étendue; il n'est cependant pas tenu d'une obligation en ce sens.