Language of document : ECLI:EU:C:2001:461

ARRÊT DE LA COUR

20 septembre 2001 (1)

«Pourvoi - Recevabilité - Marque communautaire - Règlement (CE) n° 40/94 - Motif absolu de refus d'enregistrement - Caractère distinctif - Marques composées exclusivement de signes ou d'indications descriptifs - Syntagme Baby-dry»

Dans l'affaire C-383/99 P,

Procter & Gamble Company, établie à Cincinnatti (États-Unis), représentée par Me T. van Innis, avocat, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie requérante,

ayant pour objet un pourvoi formé contre l'arrêt du Tribunal de première instance des Communautés européennes (deuxième chambre) du 8 juillet 1999, Procter & Gamble/OHMI (BABY-DRY) (T-163/98, Rec. p. II-2383), et tendant à l'annulation de cet arrêt dans la mesure où le Tribunal a jugé que la première chambre de recours de l'Office de l'harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) n'avait pas violé l'article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement (CE) n° 40/94 du Conseil, du 20 décembre 1993, sur la marque communautaire (JO 1994, L 11, p. 1), en adoptant sa décision du 31 juillet 1998 (affaire R 35/1998-1),

l'autre partie à la procédure étant:

Office de l'harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles), représenté par MM. O. Montalto et E. Joly, en qualité d'agents, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie défenderesse en première instance,

LA COUR,

composée de MM. G. C. Rodríguez Iglesias, président, C. Gulmann, M. Wathelet et V. Skouris, présidents de chambre, J.-P. Puissochet (rapporteur), P. Jann, L. Sevón, R. Schintgen, Mmes F. Macken, N. Colneric et M. S. von Bahr, juges,

avocat général: M. F. G. Jacobs,


greffier: Mme D. Louterman-Hubeau, chef de division,

vu le rapport d'audience,

ayant entendu les parties en leur plaidoirie à l'audience du 30 janvier 2001, au cours de laquelle Procter & Gamble Company a été représentée par Me T. van Innis ainsi que par Me F. Herbert, avocat, et l'Office de l'harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) par MM. O. Montalto et E. Joly,

ayant entendu l'avocat général en ses conclusions à l'audience du 5 avril 2001,

rend le présent

Arrêt

1.
    Par requête déposée au greffe de la Cour le 8 octobre 1999, Procter & Gamble Company (ci-après «Procter & Gamble») a, en vertu de l'article 49 du statut CE de la Cour de justice, formé un pourvoi contre l'arrêt du Tribunal de première instance du 8 juillet 1999, Procter & Gamble/OHMI (BABY-DRY) (T-163/98, Rec. p. II-2383, ci-après l'«arrêt attaqué»), par lequel le Tribunal a annulé, en se fondant sur un motif unique tiré de la violation de l'article 62, paragraphe 1, du règlement (CE) n° 40/94 du Conseil, du 20 décembre 1993, sur la marque communautaire (JO 1994, L 11, p. 1), la décision de la première chambre de recours de l'Office de l'harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (ci-après l'«OHMI») du 31juillet 1998 (affaire R 35/1998-1, ci-après la «décision litigieuse») rejetant le recours formé par Procter & Gamble contre le refus d'enregistrement comme marque communautaire du syntagme Baby-dry pour des langes jetables en papier ou cellulose et des langes en tissus.

Le règlement n° 40/94

2.
    Aux termes de l'article 7 du règlement n° 40/94:

«1.    Sont refusés à l'enregistrement:

a)    les signes qui ne sont pas conformes à l'article 4;

b)    les marques qui sont dépourvues de caractère distinctif;

c)    les marques qui sont composées exclusivement de signes ou d'indications pouvant servir, dans le commerce, pour désigner l'espèce, la qualité, la quantité, la destination, la valeur, la provenance géographique ou l'époque de la production du produit ou de la prestation du service, ou d'autres caractéristiques de ceux-ci;

[...]

2.    Le paragraphe 1 est applicable même si les motifs de refus n'existent que dans une partie de la Communauté.

3.    Le paragraphe 1 points b), c) et d) n'est pas applicable si la marque a acquis pour les produits ou services pour lesquels est demandé l'enregistrement un caractère distinctif après l'usage qui en a été fait.»

3.
    Aux termes de l'article 62, paragraphe 1, du règlement n° 40/94:

«À la suite de l'examen au fond du recours, la chambre de recours statue sur le recours. Elle peut soit exercer les compétences de l'instance qui a pris la décision attaquée soit renvoyer l'affaire à ladite instance pour suite à donner.»

Les faits du litige

4.
    Procter & Gamble a demandé à l'OHMI, par une lettre du 3 avril 1996, l'enregistrement comme marque communautaire du syntagme Baby-dry pour des langes jetables en papier ou cellulose et pour des langes en tissus.

5.
    L'examinateur de l'OHMI a rejeté cette demande le 29 janvier 1998. Par la décision litigieuse, la première chambre de recours de l'OHMI a rejeté le recours que Procter& Gamble avait formé contre la décision de l'examinateur. Cette chambre a considéré que le syntagme Baby-dry était exclusivement composé de termes pouvant servir, dans le commerce, pour désigner la destination du produit concerné, qu'il était également dépourvu de caractère distinctif et que, par conséquent, il était inapte à l'enregistrement en vertu de l'article 7, paragraphe 1, sous b) et c), du règlement n° 40/94. Ladite chambre a en outre déclaré irrecevable l'argumentation de Procter & Gamble relative au caractère distinctif que la marque aurait acquis après l'usage qui en a été fait, au sens de l'article 7, paragraphe 3, du règlement n° 40/94, au motif que cette argumentation n'avait pas été préalablement développée devant l'examinateur de l'OHMI.

L'arrêt attaqué

6.
    L'arrêt attaqué a, en premier lieu, admis que le syntagme Baby-dry n'était pas susceptible de constituer une marque communautaire, confirmant en cela l'appréciation formulée dans la décision litigieuse.

7.
    Le Tribunal a en effet considéré que les signes composés exclusivement de termes pouvant servir, dans le commerce, pour désigner la destination d'un produit devaient être réputés inaptes, de par leur nature même, à distinguer les produits d'une entreprise de ceux d'une autre entreprise, même si le motif de refus n'existe que dans une partie de la Communauté. Les langes ayant une fonction d'absorption en vue de garder les bébés au sec, il en a déduit que le syntagme Baby-dry se bornait à informer le consommateur sur la destination du produit sans comporter d'élément additionnel propre à lui conférer un caractère distinctif.

8.
    En second lieu, le Tribunal a examiné l'argumentation développée à titre subsidiaire par la requérante et tirée de ce que la décision litigieuse aurait, à tort, déclaré irrecevable, comme n'ayant pas été préalablement soumise à l'examinateur, l'offre de preuve présentée par Procter & Gamble quant au caractère distinctif que le syntagme Baby-dry aurait acquis par l'usage au sens de l'article 7, paragraphe 3, du règlement n° 40/94. Il a jugé que, en opposant cette irrecevabilité, la chambre de recours avait méconnu l'article 62 du règlement n° 40/94, qui, lu à la lumière de l'économie de ce texte supposant une continuité, au sein de l'OHMI, entre l'intervention de l'examinateur et celle des chambres de recours, ne permet pas à la chambre de rejeter une argumentation au seul motif qu'elle n'a pas été exposée devant l'examinateur.

9.
    Le Tribunal a donc conclu que la décision litigieuse devait être annulée en ce que la chambre de recours de l'OHMI avait, à tort, refusé d'examiner l'argumentation de Procter & Gamble relative à l'article 7, paragraphe 3, du règlement n° 40/94.

10.
    Il a rejeté les autres conclusions de Procter & Gamble et annulé la décision litigieuse.

Le pourvoi

11.
    Procter & Gamble conclut qu'il plaise à la Cour annuler l'arrêt attaqué dans la mesure où le Tribunal a jugé que la première chambre de recours de l'OHMI n'avait pas violé l'article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 40/94 en adoptant la décision litigieuse. Il demande également la condamnation de l'OHMI aux dépens.

12.
    L'OHMI conclut au rejet du pourvoi et à la condamnation de Procter & Gamble aux dépens.

Sur la recevabilité du pourvoi

Argumentation des parties

13.
    La requérante soutient, d'une part, qu'elle a partiellement succombé en ses conclusions devant le Tribunal puisqu'elle invoquait à l'encontre de la décision litigieuse une violation de l'article 7, paragraphe 1, sous b) et c), du règlement n° 40/94 et que cette argumentation a été rejetée par le Tribunal.

14.
    Elle expose, d'autre part, qu'elle peut faire valoir un intérêt à se pourvoir étant donné que, pour prendre les mesures que comporte l'exécution de l'arrêt attaqué, l'OHMI ne réexaminera la demande d'enregistrement concernée qu'au regard de l'article 7, paragraphe 3, du règlement n° 40/94, et non au regard de l'article 7, paragraphe 1, sous b) et c), de ce règlement. En effet, l'interprétation qu'a faite la décision litigieuse de ces deux dernières dispositions a été admise par le Tribunal et la portée de l'obligation d'exécution de l'arrêt attaqué s'apprécierait en fonction des motifs qui constituent le soutien nécessaire de son dispositif.

15.
    L'OHMI admet que la requérante dispose d'un intérêt à agir et n'émet de doutes, quant à la recevabilité, que sur le point de savoir si le moyen invoqué, tiré d'une prétendue violation du droit communautaire, est susceptible de fonder un pourvoi. Il s'en remet en tout état de cause à la Cour, s'agissant d'une question d'ordre public.

Appréciation de la Cour

16.
    Aux termes de l'article 49, premier et deuxième alinéas, du statut CE de la Cour de justice:

«Un pourvoi peut être formé devant la Cour, dans un délai de deux mois à compter de la notification de la décision attaquée, contre les décisions du Tribunal mettant fin à l'instance, ainsi que contre ses décisions qui tranchent partiellement le litige au fond ou qui mettent fin à un incident de procédure portant sur une exception d'incompétence ou d'irrecevabilité.

Ce pourvoi peut être formé par toute partie ayant partiellement ou totalement succombé en ses conclusions. [...]»

17.
    Aux termes de l'article 92, paragraphe 2, du règlement de procédure de la Cour:

«La Cour peut à tout moment, d'office, examiner les fins de non-recevoir d'ordre public, ou constater, les parties entendues, que le recours est devenu sans objet et qu'il n'y a plus lieu de statuer; la décision est prise dans les conditions prévues à l'article 91, paragraphes 3 et 4, du présent règlement.»

18.
    Procter & Gamble ayant demandé au Tribunal l'annulation de la décision litigieuse et le dispositif de l'arrêt attaqué ayant revêtu la forme d'une annulation pure et simple de cette décision, il y a lieu pour la Cour d'examiner d'office la question de savoir si la requérante a succombé au moins partiellement en ses conclusions et est ainsi recevable à se pourvoir devant la Cour contre l'arrêt attaqué.

19.
    Il ressort du point 9 de l'arrêt attaqué que la requérante a conclu, notamment, à ce qu'il plaise au Tribunal, d'une part, à titre principal, annuler la décision litigieuse en ce qu'elle a considéré que la marque n'était pas conforme aux conditions prévues à l'article 7, paragraphe 1, sous b) et c), du règlement n° 40/94 et, d'autre part, à titre subsidiaire, annuler la décision litigieuse en ce qu'elle a déclaré irrecevable l'argumentation de la requérante fondée sur l'article 7, paragraphe 3, de ce règlement.

20.
    Le Tribunal a commencé par rejeter expressément le volet principal des conclusions en affirmant, au point 28 de l'arrêt attaqué, que c'est à juste titre que la première chambre de recours de l'OHMI avait conclu que, sur le fondement de l'article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 40/94, le syntagme Baby-dry n'était pas susceptible de constituer une marque communautaire. Ce n'est que dans un second temps que le Tribunal a conclu que cette chambre avait méconnu les dispositions de l'article 62 du même règlement en déclarant irrecevable l'argumentation de la requérante fondée sur son article 7, paragraphe 3, et a ainsi accueilli le volet subsidiaire des conclusions du recours.

21.
    Le Tribunal a tiré de son examen des deux volets du recours la conclusion générale, figurant au point 54 de l'arrêt attaqué, selon laquelle la décision litigieuse devait être annulée en ce que la première chambre de recours de l'OHMI avait, à tort, refusé d'examiner l'argumentation de la requérante tirée de l'article 7, paragraphe 3, du règlement n° 40/94; il a ajouté qu'il incombait à l'OHMI de prendre les mesures que comporte l'exécution de l'arrêt.

22.
    Dans ces conditions, et nonobstant le fait que le dispositif de l'arrêt attaqué ne reprend pas expressément la limitation exprimée par son point 54, il y a lieu de considérer que cet arrêt ne donne en réalité que partiellement satisfaction à la requérante.

23.
    En effet, sous la forme de l'acte unique que constitue la décision litigieuse, la première chambre de recours de l'OHMI a en fait adopté deux mesures, l'une refusant l'enregistrement du syntagme Baby-dry pour les motifs prévus à l'article 7, paragraphe 1, sous b) et c), du règlement n° 40/94 et l'autre rejetant comme irrecevable l'argumentation de la requérante relative à l'article 7, paragraphe 3, de ce règlement.

24.
    En annulant la décision litigieuse en ce qu'elle refusait d'examiner l'argumentation relative à l'article 7, paragraphe 3, du règlement n° 40/94 et dans cette seule mesure, l'arrêt attaqué a laissé subsister le volet de cette décision portant sur la conformité du syntagme Baby-dry aux exigences de l'article 7, paragraphe 1, sous b) et c), de ce règlement.

25.
    Le Tribunal n'a donc procédé qu'à une annulation partielle de l'acte soumis à son contrôle. Il en résulte que, pour prendre les mesures que comporte l'exécution de l'arrêt attaqué, telles que celui-ci les évoque en son point 54, l'OHMI a pu se borner à procéder à un examen de l'application à l'espèce de l'article 7, paragraphe 3, du règlement n° 40/94, sans revenir sur son interprétation de l'article 7, paragraphe 1, sous b) et c), de ce règlement, qui a été validée par le Tribunal.

26.
    Procter & Gamble justifie par conséquent d'un intérêt à se pourvoir contre l'arrêt attaqué dans la mesure où celui-ci a refusé de faire droit à sa demande d'annulation du refus d'enregistrer la marque Baby-dry prononcé sur le fondement de l'article 7, paragraphe 1, sous b) et c), du règlement n° 40/94.

27.
    Le pourvoi, qui tend à une annulation dans cette mesure de l'arrêt attaqué, doit donc être déclaré recevable.

Sur le bien-fondé du pourvoi

Argumentation des parties

28.
    La requérante invoque à l'appui de son pourvoi un moyen unique selon lequel le Tribunal aurait accordé au motif absolu de refus d'enregistrement tiré du caractère exclusivement descriptif des signes et des indications composant une marque une portée excessivement large. Seuls pourraient en effet être refusés à l'enregistrement comme marque communautaire, sur le fondement de l'article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 40/94, les signes et les indications qui ne peuvent être compris par le public que comme une désignation des caractéristiques du produit concerné et qui sont comme tels réputés impropres à jouer le rôle distinctif d'une marque, laquelle doit permettre d'associer un produit à l'entreprise qui le commercialise, en le distinguant des produits du même type provenant d'entreprises concurrentes.

29.
    En considérant que le syntagme Baby-dry informe directement le consommateur sur la destination des produits et n'est assorti d'aucun élément additionnel susceptible de rendre le signe dans son ensemble apte à distinguer les produits de la requérante deceux d'autres entreprises, le Tribunal aurait incorrectement interprété et appliqué la disposition en cause.

30.
    Selon la requérante, le Tribunal aurait rendu un arrêt inspiré par une conception dépassée de la marque, selon laquelle l'enregistrement d'une marque confère à son titulaire un monopole sur l'usage des signes ou des indications la constituant, ce monopole ayant pour conséquence que tous les signes ou indications ayant un caractère descriptif, qui doivent être laissés libres pour les usages du commerce, sont par définition impropres à constituer des marques.

31.
    La conception moderne qui aurait inspiré le règlement n° 40/94 exclurait au contraire tout droit monopolistique sur les signes ou les indications constituant une marque, dont les tiers continueraient à pouvoir faire un usage normal. Corrélativement, aucune catégorie de signes ou d'indications ne serait in abstracto réputée inapte à constituer une marque. Le caractère descriptif, comme le caractère générique, d'un signe ou d'une indication ne constituerait qu'une sous-rubrique du motif de refus tenant à l'absence de caractère distinctif des signes ou des indications proposés comme marque, les deux notions - caractère distinctif et caractère non exclusivement descriptif - devant être appréhendées ensemble pour vérifier si les signes ou les indications proposés sont aptes à identifier les produits concernés comme provenant d'une entreprise particulière.

32.
    L'OHMI ne conteste pas la pertinence de cette analyse théorique et expose que le caractère distinctif est l'élément déterminant pour apprécier l'aptitude d'un signe à constituer une marque, le caractère exclusivement descriptif étant à cet égard un cas dans lequel existe une présomption d'absence de caractère distinctif.

33.
    Selon l'OHMI, un refus d'enregistrement fondé sur le caractère descriptif suppose que trois conditions soient satisfaites, à savoir:

-    l'absence de modalités de présentation ou d'ajout d'éléments dont la présence ferait que le signe n'est pas exclusivement descriptif;

-    la référence du signe à une qualité essentielle du produit, et non à une qualité secondaire ou qui ne lui serait pas particulière;

-    le caractère perceptible de cette référence pour le public concerné par la consommation du produit.

34.
    Le syntagme Baby-dry répondrait, comme l'a jugé le Tribunal, aux conditions ainsi requises pour être considéré comme exclusivement descriptif.

Appréciation de la Cour

35.
    Il convient de rappeler que, aux termes de l'article 7, paragraphe 1, du règlement n° 40/94, sont refusées à l'enregistrement, au titre de ce paragraphe, sous b), les marques qui sont dépourvues de caractère distinctif et, au titre de ce paragraphe, sous c), les marques qui sont composées exclusivement de signes ou d'indications pouvant servir, dans le commerce, pour désigner l'espèce, la qualité, la quantité, la destination, la valeur, la provenance géographique ou l'époque de la production du produit ou de la prestation du service, ou d'autres caractéristiques de ceux-ci.

36.
    En outre, en vertu de l'article 12 du règlement n° 40/94, le droit conféré par la marque ne permet pas d'interdire à un tiers de faire usage, dans la vie des affaires, d'indications relatives à l'espèce, à la qualité, à la quantité, à la destination, à la valeur, à la provenance géographique, à l'époque de la production du produit ou de la prestation du service ou à d'autres caractéristiques de ceux-ci, pour autant que cet usage soit fait conformément aux usages honnêtes en matière industrielle ou commerciale.

37.
    Il ressort de ces dispositions combinées que l'objet de l'interdiction de l'enregistrement comme marque de signes ou d'indications exclusivement descriptifs est, comme l'admettent tant Procter & Gamble que l'OHMI, d'éviter que soient enregistrés comme marques des signes ou des indications qui, en raison de leur identité avec des modalités habituelles de désignation des produits ou des services concernés ou de leurs caractéristiques, ne permettraient pas de remplir la fonction d'identification de l'entreprise qui les met sur le marché et seraient donc dépourvus du caractère distinctif que cette fonction suppose.

38.
    Cette interprétation est la seule qui soit également compatible avec l'article 4 du règlement n° 40/94, aux termes duquel peuvent constituer des marques communautaires tous signes susceptibles d'une représentation graphique, notamment les mots, y compris les noms de personnes, les dessins, les lettres, les chiffres, la forme du produit ou de son conditionnement, à condition que de tels signes soient propres à distinguer les produits ou les services d'une entreprise de ceux d'autres entreprises.

39.
    Les signes et les indications visés à l'article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 40/94 sont donc seulement ceux qui peuvent servir, dans un usage normal du point de vue du consommateur, pour désigner soit directement, soit par la mention d'une de ses caractéristiques essentielles, un produit ou un service tel que celui pour lequel l'enregistrement est demandé. En outre, une marque qui contiendrait des signes et des indications répondant à cette définition ne devrait être refusée à l'enregistrement qu'à condition qu'elle ne comporte pas d'autres signes ou d'autres indications et, au surplus, que les signes et les indications exclusivement descriptifs qui la composent ne soient pas présentés ou disposés d'une façon qui distingue l'ensemble obtenu des modalités habituelles de désignation des produits ou services concernés ou de leurs caractéristiques essentielles.

40.
    S'agissant de marques composées de mots, comme celle qui fait l'objet du litige, un éventuel caractère descriptif doit être constaté non seulement pour chacun des termes pris séparément mais également pour l'ensemble qu'ils composent. Tout écart perceptible dans la formulation du syntagme proposé à l'enregistrement par rapport à la terminologie employée, dans le langage courant de la catégorie de consommateurs concernée, pour désigner le produit ou le service ou leurs caractéristiques essentielles est propre à conférer à ce syntagme un caractère distinctif lui permettant d'être enregistré comme marque.

41.
    Il est certes précisé, à l'article 7, paragraphe 2, du règlement n° 40/94, que le paragraphe 1 de cet article est applicable même si les motifs de refus n'existent que dans une partie de la Communauté. Cette disposition, qui a été à juste titre citée au point 24 de l'arrêt attaqué, implique que, si un syntagme présente un caractère uniquement descriptif dans une des langues utilisées dans le commerce à l'intérieur de la Communauté, ce constat suffit à le rendre impropre à un enregistrement comme marque communautaire.

42.
    Pour apprécier l'aptitude d'un syntagme tel que Baby-dry à présenter un caractère distinctif, il convient donc de se placer du point de vue d'un consommateur de langue anglaise. De ce point de vue, et s'agissant de langes pour bébés, l'appréciation à réaliser dépend de la réponse à la question de savoir si le syntagme en cause peut être compris comme une façon normale de désigner ce produit ou de présenter ses caractéristiques essentielles dans le langage courant.

43.
    Or le syntagme considéré, s'il évoque incontestablement la fonction que la marchandise est censée remplir, ne répond pas pour autant aux conditions rappelées aux points 39 à 42 du présent arrêt. En effet, si chacun des deux termes composant l'ensemble est susceptible de faire partie d'expressions relevant du langage courant pour désigner la fonction de langes pour bébés, leur juxtaposition, inhabituelle dans sa structure, ne constitue pas une expression connue de la langue anglaise pour désigner de tels produits ou pour présenter leurs caractéristiques essentielles.

44.
    Des termes tels que Baby-dry ne peuvent pas, par conséquent, être considérés comme présentant, ensemble, un caractère descriptif; ils procèdent au contraire d'une invention lexicale permettant à la marque ainsi formée de jouer un rôle distinctif et ne peuvent faire l'objet d'un refus d'enregistrement aux termes de l'article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 40/94.

45.
    Le Tribunal a donc commis une erreur de droit en jugeant que la première chambre de recours de l'OHMI avait pu légalement décider, sur le fondement de cette disposition, que le syntagme Baby-dry n'était pas susceptible de constituer une marque communautaire.

46.
    Il y a lieu, dans ces conditions, d'annuler l'arrêt attaqué dans la mesure demandée par Procter & Gamble et, faisant droit aux conclusions présentées par celle-ci devant leTribunal, d'annuler également la décision litigieuse dans la mesure où elle a rejeté, sur le fondement de l'article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 40/94, la demande d'enregistrement de la marque Baby-dry.

Sur les dépens

47.
    Aux termes de l'article 122 du règlement de procédure de la Cour, lorsque le pourvoi est fondé et que la Cour juge elle-même définitivement le litige, elle statue sur les dépens.

48.
    Aux termes de l'article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure de la Cour, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l'article 118, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens. Procter & Gamble ayant conclu à la condamnation de l'OHMI et celui-ci ayant succombé en ses conclusions, il y a lieu de le condamner aux dépens des deux instances.

Par ces motifs,

LA COUR

déclare et arrête:

1)    L'arrêt du Tribunal de première instance du 8 juillet 1999, Procter & Gamble/OHMI (BABY-DRY) (T-163/98), est annulé dans la mesure où il a jugé que la première chambre de recours de l'Office de l'harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) n'avait pas violé l'article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement (CE) n° 40/94 du Conseil, du 20 décembre 1993, sur la marque communautaire, en adoptant sa décision du 31 juillet 1998 (affaire R 35/1998-1).

2)    La décision de la première chambre de recours de l'Office de l'harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) du 31 juillet 1998 (affaire R 35/1998-1) est annulée dans la mesure où elle a rejeté, sur le fondement de l'article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 40/94, la demande d'enregistrement de la marque Baby-dry.

3)    L'Office de l'harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) est condamné aux dépens des deux instances.

Rodríguez Iglesias

Gulmann
Wathelet

Skouris

Puissochet
Jann

Sevón

Schintgen
Macken

Colneric

von Bahr

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 20 septembre 2001.

Le greffier

Le président

R. Grass

G. C. Rodríguez Iglesias


1: Langue de procédure: le français.