Language of document : ECLI:EU:C:2010:41

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. PAOLO Mengozzi

présentées le 26 janvier 2010 (1)

Affaire C‑48/09 P

Lego Juris A/S

contre

Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (OHMI)

et

MEGA Brands

«Pourvoi – Marque communautaire – Marque tridimensionnelle se présentant sous la forme d’une brique Lego – Demande en nullité – Déclaration de nullité partielle de la marque communautaire»





I –    Introduction

1.        «Le Lego de la vie». C’est ainsi qu’était intitulé, il y a quelques mois, un article (2) de l’hebdomadaire allemand Die Zeit consacré à une nouvelle branche de la science, la «biologie synthétique». Le rapport avec le célèbre jeu de construction réside dans le fait que, pour créer des organismes, par exemple des protéines artificielles à partir de microbes, les scientifiques suivent la même méthode que celle qu’emploie un enfant avec sa boîte de Lego: premièrement, les briques (ou, pour le chercheur, les «biobricks», qui sont des fragments génétiques standardisés) sont réunies; il en existe déjà plus de 3 000 différentes. Ensuite, les briques appropriées sont sélectionnées en fonction des caractéristiques que le scientifique souhaite donner à la nouvelle cellule et, finalement, les fragments d’ADN sont implantés dans le patrimoine génétique d’une cellule d’un autre organisme afin de «donner vie» à cette nouvelle entité.

2.        Par le présent pourvoi, Lego Juris A/S (ci-après «Lego Juris») conteste l’arrêt du Tribunal du 12 novembre 2008, Lego Juris/OHMI (3). Il ne s’agit pas de débattre des vertus de ce passe-temps, dont personne ne remet en doute la valeur pédagogique et les qualités pour le développement de la logique et de la créativité, mais de vérifier si l’interprétation que le Tribunal a faite de la réglementation relative à la marque communautaire et du seul précédent jurisprudentiel émanant de la Cour est entachée des erreurs que l’entreprise danoise lui impute.

3.        L’entreprise Lego et sa principale concurrente, MEGA Brands, Inc. (ci‑après «MEGA Brands»), s’affrontent sur la question de savoir s’il est possible d’enregistrer en tant que marque une reproduction photographique d’une brique caractéristique du jeu en cause ou si son aspect comporte des caractéristiques essentielles de la forme de la brique qui, en raison de leur fonctionnalité, doivent rester à la disposition de tout fabricant de jouets et qui ne peuvent donc pas être enregistrées.

II – Le cadre juridique

A –    La réglementation applicable

4.        Depuis le 13 avril 2009, la marque communautaire est fondamentalement régie par le règlement (CE) n° 207/2009 (4), mais, en vue de statuer sur le présent pourvoi, les dispositions du règlement (CE) n° 40/94 (5) restent applicables ratione temporis.

5.        Au sein du règlement n° 40/94, il convient de souligner l’article 4 en vertu duquel:

«Peuvent constituer des marques communautaires tous signes susceptibles d’une représentation graphique, notamment les mots, y compris les noms de personnes, les dessins, les lettres, les chiffres, la forme du produit ou de son conditionnement, à condition que de tels signes soient propres à distinguer les produits ou les services d’une entreprise de ceux d’autres entreprises.»

6.        Selon l’article 7, paragraphe 1, dudit règlement:

«Sont refusés à l’enregistrement:

a)      les signes qui ne sont pas conformes à l’article 4;

b)      les marques qui sont dépourvues de caractère distinctif;

[…]

e)      les signes constitués exclusivement:

i)      […]

ii)      par la forme du produit nécessaire à l’obtention d’un résultat technique ou

iii)      par la forme qui donne une valeur substantielle au produit;

[…]»

7.        Par contre, l’article 7, paragraphe 3, précise que:

«Le paragraphe 1 points b), c) et d) n’est pas applicable si la marque a acquis pour les produits ou services pour lesquels est demandé l’enregistrement un caractère distinctif après l’usage qui en a été fait.»

B –    Jurisprudence: l’arrêt Philips (6)

8.        Bien qu’il ne soit pas habituel d’inclure des extraits de jurisprudence de la Cour elle-même dans la présentation du droit pertinent pour la solution des affaires dont est saisie la Cour, le fait qu’il n’existe, jusqu’à aujourd’hui, qu’un seul arrêt pertinent pour la solution à l’espèce justifie amplement la mention de certains points de l’arrêt Philips dans la présente section des conclusions. Dans ces circonstances, l’interprétation de son argumentation est en quelque sorte comparable à une norme juridique.

9.        Dans l’affaire Philips, le litige au principal portait sur la représentation graphique de la forme de la face supérieure d’un modèle de rasoir électrique créé par cette entreprise hollandaise.

10.      Cet arrêt a ainsi qualifié l’article 7, paragraphe 1, sous e), ii), du règlement n° 40/94 d’«obstacle préliminaire susceptible d’empêcher qu’un signe constitué exclusivement par la forme d’un produit puisse être enregistré» (7).

11.      Il indique également que la ratio de l’article 3, paragraphe 1, sous e), de la directive 89/104/CEE (8) consiste à éviter que la protection du droit de marque confère à son titulaire un monopole sur des solutions techniques ou des caractéristiques utilitaires d’un produit, susceptibles d’être recherchées par l’utilisateur dans les produits des concurrents, et que cet article entend ainsi éviter que la protection conférée par le droit de marque ne s’étende au-delà des signes permettant de distinguer un produit ou un service de ceux offerts par les concurrents pour s’ériger en obstacle à ce que ces derniers puissent offrir librement des produits incorporant lesdites solutions techniques ou lesdites caractéristiques utilitaires en concurrence avec le titulaire de la marque (9).

12.      Cet arrêt a nuancé encore davantage l’objet de cette disposition, en ajoutant qu’elle vise à refuser l’enregistrement des formes dont les caractéristiques essentielles répondent à une fonction technique, de sorte que l’exclusivité inhérente au droit de marque ferait obstacle à la possibilité pour les concurrents d’offrir un produit incorporant une telle fonction (10) et qu’elle «poursuit un but d’intérêt général, lequel exige qu’une forme dont les caractéristiques essentielles répondent à une fonction technique […] puisse être librement utilisée par tous» (11).

13.      Enfin, la Cour a jugé que la disposition en cause dans cette affaire «reflète l’objectif légitime de ne pas permettre aux particuliers d’utiliser l’enregistrement d’une marque pour obtenir ou perpétuer des droits exclusifs portant sur des solutions techniques» (12) et que rien dans le libellé de cette disposition ne permet de conclure que l’existence d’autres formes permettant d’obtenir le même résultat technique est de nature à écarter le motif de refus ou de nullité d’enregistrement contenu dans ladite disposition (13).

III – Les faits du litige

14.      Le 1er avril 1996, la société à laquelle a succédé Lego Juris a saisi l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (ci‑après l’«OHMI») d’une demande d’enregistrement de marque communautaire. Elle sollicitait l’enregistrement de la brique (jouet) tridimensionnelle de couleur rouge reproduite ci-dessous:

Image not found

15.      L’enregistrement était demandé pour des produits des classes 9 (sans importance pour le présent pourvoi, raison pour laquelle ils ne sont pas énumérés) et 28 de l’arrangement de Nice (14), notamment, dans cette dernière classe, pour des «jeux et jouets».

16.      Le titre de propriété industrielle demandé a été octroyé le 19 octobre 1999, mais deux jours plus tard, le 21 octobre 1999, la société à laquelle a succédé MEGA Brands a demandé la nullité de cet enregistrement sur le fondement de l’article 51, paragraphe 1, sous a), du règlement n° 40/94, pour les jeux de construction relevant de la classe 28. Pour MEGA Brands, ledit enregistrement se heurtait aux motifs absolus de refus prévus à l’article 7, paragraphe 1, sous a), sous e), ii) et iii), et sous f), du même règlement.

17.      La division d’annulation saisie de l’affaire a sursis à statuer dans l’attente du prononcé de l’arrêt dans l’affaire Philips, qui a été rendu en juin 2002, et elle a repris la procédure le 31 juillet 2002. Le 30 juillet 2004, la division d’annulation a déclaré nul l’enregistrement pour les «jeux de construction» relevant de la classe 28, sur le fondement de l’article 7, paragraphe 1, sous e), ii), du règlement n° 40/94, en considérant que la marque litigieuse imitait exclusivement la forme des produits qui était nécessaire à l’obtention d’un résultat technique.

18.      Le 20 septembre 2004, la requérante a formé un recours contre cette décision devant les chambres de recours de l’OHMI, dont le présidium a, à l’issue d’une série de vicissitudes procédurales (15) et à la demande de la requérante, renvoyé l’affaire à la grande chambre de recours (16).

19.      Par décision du 10 juillet 2006 (17), la grande chambre de recours a rejeté le recours comme non fondé en considérant que, en application de l’article 7, paragraphe 1, sous e), ii), du règlement n° 40/94, la marque en cause n’était pas enregistrable pour les jeux de construction relevant de la classe 28.

20.      En effet, la grande chambre de recours a considéré que l’acquisition du caractère distinctif par l’usage, conformément à l’article 7, paragraphe 3, du règlement n° 40/94, ne saurait faire obstacle à l’application de l’article 7, paragraphe 1, sous e), ii), dudit règlement (18). Elle a relevé que ce dernier article visait à interdire l’enregistrement de formes dont les caractéristiques essentielles répondent à une fonction technique, de sorte qu’elles puissent être librement utilisées par tous, et qu’une forme n’échappait pas à cette interdiction si elle contenait un élément arbitraire mineur tel qu’une couleur (19). Elle a écarté la pertinence de l’existence d’autres formes permettant l’obtention du même résultat technique (20).

21.      De plus, la grande chambre de recours a indiqué que le terme «exclusivement», employé à l’article 7, paragraphe 1, sous e), ii), du règlement n° 40/94, signifiait que la forme ne devait pas avoir de finalité autre que celle d’obtenir le résultat technique recherché et que le terme «nécessaire», employé par la même disposition, signifiait que la forme est requise pour obtenir ce résultat technique, même si d’autres formes peuvent également remplir la même tâche (21). Elle a également relevé les caractéristiques de la forme litigieuse qu’elle considérait essentielles (22) et a effectué une analyse de leur fonctionnalité (23).

IV – La procédure devant le Tribunal et l’arrêt attaqué

22.      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 25 septembre 2006, Lego Juris a introduit un recours demandant l’annulation de la décision de la grande chambre de recours. Elle invoquait un moyen unique, tiré de la violation de l’article 7, paragraphe 1, sous e), ii), du règlement n° 40/94 (ci-après, également, la «disposition litigieuse»), qui s’articulait en deux branches dans lesquelles elle critiquait, respectivement, une interprétation erronée de cette disposition et l’appréciation erronée de l’objet de la marque en cause.

23.      En résumé (24), Lego Juris reprochait à la grande chambre de recours d’avoir ignoré la portée véritable dudit article 7, paragraphe 1, sous e), ii), qui ne viserait pas à exclure de l’enregistrement les formes fonctionnelles en soi, mais seulement les signes constitués «exclusivement» de la forme des produits «nécessaire» pour obtenir un résultat technique. Elle estimait que, pour relever de cette disposition, une forme doit présenter uniquement des caractéristiques fonctionnelles et que la modification des caractéristiques distinctives de son apparence externe doit engendrer la perte de sa fonctionnalité. De même, elle soutenait que l’éventualité de formes alternatives fonctionnellement équivalentes utilisant une solution technique identique constituerait le critère adéquat pour déterminer si l’octroi de la marque peut occasionner une situation de monopole au sens de la disposition litigieuse.

24.      La requérante considérait encore que la disposition litigieuse n’empêche pas les «dessins industriels» de bénéficier de la protection d’une marque et qu’ils peuvent être enregistrés même s’ils sont constitués exclusivement d’éléments qui ont une fonction. La question déterminante serait de savoir si cette protection crée un monopole sur des solutions techniques ou des caractéristiques utilitaires de la forme en cause, ou si les concurrents bénéficient de suffisamment de liberté pour appliquer la même solution technique et utiliser les mêmes caractéristiques.

25.      Toutefois, le Tribunal ne l’a pas entendu ainsi. Il a proposé d’interpréter le terme «exclusivement», qui figure dans l’article 7, paragraphe 1, sous e), ii), du règlement n° 40/94 (25), à la lumière de l’expression «caractéristiques essentielles qui répondent à une fonction technique» employée aux points 79, 80 et 83 de l’arrêt Philips, précité. Il a déduit de cette expression que l’ajout de caractéristiques non essentielles n’ayant pas de fonction technique ne fait pas échapper une forme à ce motif absolu de refus si toutes les caractéristiques essentielles de ladite forme répondent à une telle fonction.

26.      En ce qui concerne la formule «nécessaire à l’obtention d’un résultat technique» présente tant dans la disposition litigieuse qu’aux points 81 et 83 de l’arrêt Philips, le Tribunal a estimé qu’elle ne signifie pas que ce motif absolu de refus ne s’applique que lorsque la forme est la seule permettant d’obtenir le résultat visé. Il a rappelé que la Cour a jugé, au point 81, que «l’existence d’autres formes permettant d’obtenir le même résultat technique [n’était pas] de nature à écarter le motif de refus» et, au point 83, que «l’enregistrement d’un signe constitué par [la] forme [en question était exclu], même si le résultat technique en cause peut être atteint par d’autres formes». Sur le fondement de ces affirmations, le Tribunal a conclu que, pour que ce motif absolu de refus s’applique, il suffit que les caractéristiques essentielles de la forme réunissent les caractéristiques techniquement causales et suffisantes à l’obtention du résultat technique visé, de sorte qu’elles soient attribuables au résultat technique.

27.      Le Tribunal a également rejeté les arguments de Lego Juris selon lesquels il existerait d’autres formes permettant d’obtenir le même résultat technique, car, aux points 81 et 83 de l’arrêt Philips, la Cour a écarté la pertinence de cet élément, sans distinguer les formes employant une autre «solution technique» de celles employant la même «solution technique».

28.      De plus, le Tribunal a invoqué les éléments suivants: d’une part, le point 78 de l’arrêt Philips, en vertu duquel la ratio de la disposition litigieuse est d’éviter que le droit de marque aboutisse à conférer à son titulaire un monopole sur des caractéristiques utilitaires d’un produit et s’érige en obstacle à ce que les concurrents puissent offrir librement des produits incorporant lesdites caractéristiques utilitaires. Il a ajouté qu’il ne saurait être exclu que les caractéristiques utilitaires d’un produit, qui, selon la Cour, doivent être laissées à la disposition des concurrents, soient spécifiques à une forme précise. D’autre part, sur le fondement du point 80 de cet arrêt, dans lequel la Cour indique que la disposition litigieuse poursuit un but d’intérêt général qui exige qu’une forme dont les caractéristiques essentielles répondent à une fonction technique puisse être librement utilisée par tous, le Tribunal a souligné que cet objectif ne vise pas seulement la solution technique incorporée dans une telle forme, mais la forme et ses caractéristiques essentielles elles-mêmes. Par conséquent, dès lors que la forme en tant que telle doit pouvoir être librement utilisée, la distinction entre les formes qui utilisent une autre «solution technique» et celles qui emploient une «solution technique» identique que défendait Lego Juris ne pouvait pas être acceptée.

29.      Par conséquent, pour le Tribunal, l’article 7, paragraphe 1, sous e), ii), du règlement n° 40/94 s’oppose à l’enregistrement de toute forme constituée exclusivement, dans ses caractéristiques essentielles, par la forme du produit techniquement causale et suffisante à l’obtention du résultat technique visé, même si ce résultat peut être atteint par d’autres formes. Le Tribunal a ainsi donné son aval à l’analyse réalisée par la grande chambre de recours et a rejeté la première branche du moyen unique du recours.

30.      La seconde branche du moyen se divisait elle-même en trois griefs, dont deux seulement sont pertinents dans le cadre du présent pourvoi. Le premier portait sur le défaut d’identification des caractéristiques essentielles de la marque en cause et le deuxième était tiré d’erreurs dans l’appréciation du caractère fonctionnel desdites caractéristiques essentielles (26).

31.      Dans son premier grief, la requérante reprochait à la grande chambre de recours d’avoir omis d’identifier les caractéristiques essentielles de la forme en cause, à savoir le dessin et la proportion des pastilles, en incluant, dans le cadre de l’examen de la fonctionnalité de la brique Lego dans son ensemble, certains éléments dont la protection n’était pas demandée, tels que la face creuse et les projections secondaires. La décision attaquée aurait ainsi méconnu le fait que, avec une telle marque, la requérante aurait pu s’opposer à des demandes d’enregistrement visant des briques de construction ayant la même apparence, mais non à celles visant des briques ayant une apparence différente, indépendamment de la question de la solution technique qu’elles mettent en œuvre.

32.      La requérante ajoutait que les caractéristiques essentielles d’une forme doivent être appréciées du point de vue du consommateur, et non par des experts selon une analyse purement technique.

33.      En ce qui concerne le deuxième grief relatif à la fonctionnalité de ces caractéristiques, Lego Juris reprochait à la grande chambre de recours d’avoir considéré que les dessins alternatifs fonctionnellement équivalents qu’utilisent ses concurrents étaient dénués de pertinence, alors qu’ils sont importants pour déterminer si la protection d’une forme entraîne un monopole sur une solution technique. Elle critiquait également la méconnaissance, par la chambre de recours, de l’impact de la protection antérieure d’un brevet sur l’appréciation de la fonctionnalité d’une forme.

34.      Enfin, Lego Juris a indiqué qu’elle ne jouirait pas d’un monopole concernant une solution technique du fait de la protection en tant que marque de la forme en cause et que les concurrents n’étaient pas obligés, pour appliquer la même solution technique, de copier la forme de la brique Lego.

35.      Le Tribunal n’a pas non plus fait droit à la seconde branche du moyen unique d’annulation (27).

36.      D’une part, en ce qui concerne le premier grief, le Tribunal a jugé la perception des consommateurs non pertinente, car il est improbable que ceux-ci disposent des connaissances techniques nécessaires à l’appréciation des caractéristiques essentielles. D’autre part, il a estimé que, comme la grande chambre de recours avait correctement identifié toutes les caractéristiques essentielles de la brique Lego, le fait qu’elle ait pris en compte d’autres caractéristiques était sans incidence sur la légalité de sa décision.

37.      En ce qui concerne le deuxième grief, le Tribunal a rejeté les allégations de la requérante relatives à la pertinence des formes alternatives en renvoyant, de nouveau, au point 80 de l’arrêt Philips, dont il a déduit que l’appréciation de la fonctionnalité d’une forme doit être effectuée indépendamment de l’existence d’autres formes. En ce qui concerne la force probatoire des brevets antérieurs, le Tribunal a jugé que les allégations de la requérante n’étaient pas pertinentes, car la grande chambre de recours a reconnu expressément, au point 39 de sa décision, qu’un signe peut être protégé par un brevet et par une marque, et n’a fait référence au premier de ces deux droits de propriété industrielle qu’en vue de relever la portée des caractéristiques essentielles de la brique Lego (les pastilles primaires cylindriques).

38.      Enfin, en ce qui concerne l’affirmation de la requérante selon laquelle ses concurrents n’avaient pas besoin, afin d’appliquer la même solution technique, de copier la forme de la brique Lego, le Tribunal a jugé que cet argument était fondé sur la conception erronée selon laquelle la disponibilité d’autres formes incorporant la même solution technique démontrerait un défaut de fonctionnalité de la forme en cause, conception qu’il avait déjà rejetée antérieurement en renvoyant à l’arrêt Philips, qui consacre le principe selon lequel c’est la forme fonctionnelle elle-même qui doit être à la disposition de tous.

39.      Le Tribunal n’ayant fait droit à aucune des allégations de Lego Juris, il a rejeté le recours en annulation.

V –    La procédure devant la Cour et les conclusions des parties

40.      Le greffe de la Cour a reçu le pourvoi formé par Lego Juris le 2 février 2009 et les mémoires en réponse de MEGA Brands et de l’OHMI lui sont parvenus, respectivement, les 15 et 23 avril 2009 (28). Il n’y a eu ni réplique ni duplique.

41.      Lego Juris demande à la Cour d’annuler l’arrêt attaqué et de renvoyer l’affaire devant le Tribunal, l’OHMI devant être condamné aux dépens.

42.      L’OHMI et MEGA Brands concluent au rejet du pourvoi et à la condamnation de la requérante aux dépens.

43.      À l’occasion de l’audience, qui s’est tenue le 10 novembre 2009, les représentants des deux parties et de MEGA Brands ont présenté des observations orales et ont répondu aux questions posées par les membres de la grande chambre et par l’avocat général.

VI – Analyse du pourvoi

A –    Résumé de la position des parties et présentation de mon analyse

1.      Arguments des parties

44.      La société Lego Juris fonde son pourvoi sur trois griefs, qui seront brièvement exposés ci-après et qui, par ailleurs, sont en substance identiques à ceux soulevés devant le Tribunal.

45.      Premièrement, la requérante au pourvoi reproche à l’arrêt attaqué une interprétation erronée de l’article 7, paragraphe 1, sous e), ii), du règlement n° 40/94, qui prive de la protection conférée par le droit des marques toute forme qui répond à une fonction, indépendamment des critères prévus par cette disposition. Elle invoque le fait que le Tribunal se serait écarté de l’arrêt Philips, dans lequel la Cour effectuait une distinction entre «solution technique» et «résultat technique», l’impératif de disponibilité étant associé aux solutions techniques afin de ne pas obliger les concurrents à recourir à des solutions différentes aboutissant au même résultat, les concurrents devant en revanche recourir à des formes différentes appliquant la même solution. Cette erreur du Tribunal l’aurait conduit à juger que la forme fonctionnelle elle-même doit rester à la disposition de tous, alors qu’il découle de l’arrêt Philips que ce sont seulement les caractéristiques utilitaires de la forme qui doivent demeurer disponibles.

46.      Deuxièmement, Lego Juris reproche à l’arrêt attaqué d’avoir employé des critères incorrects pour déterminer les caractéristiques essentielles des marques tridimensionnelles. Dans le cas de figure de l’exercice effectif d’un droit de marque, les «caractéristiques essentielles» correspondraient aux «éléments dominants et distinctifs», qui doivent être appréciés du point de vue du consommateur moyen, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé (29). En revanche, au point 70 de son arrêt, le Tribunal aurait contourné la règle du consommateur, en adoptant un raisonnement circulaire pour déduire les caractéristiques essentielles de la fonction même des différents éléments de la forme.

47.      Troisièmement, Lego Juris reproche à l’arrêt attaqué d’avoir utilisé des critères de fonctionnalité incorrects. Selon elle, la meilleure manière de s’assurer de la fonctionnalité d’une certaine caractéristique de la forme d’un objet est de modifier ladite caractéristique. Si cette modification n’a pas d’incidence sur la fonction, la caractéristique en cause ne doit pas être considérée comme fonctionnelle. À cet égard, il conviendrait de tenir compte des formes alternatives, car ces dernières prouveraient que l’octroi d’une marque relative à une forme déterminée n’implique pas la création d’un monopole. Par conséquent, l’interdiction absolue d’enregistrement prévue à l’article 7, paragraphe 1, sous e), ii), du règlement n° 40/94 ne s’appliquerait pas à la marque en cause.

48.      L’OHMI et MEGA Brands rejettent l’ensemble des arguments de la requérante au pourvoi et soutiennent la validité des raisonnements et du dispositif de l’arrêt attaqué.

2.      Présentation de mon analyse

49.      Le présent pourvoi implique d’expliquer aux opérateurs économiques les critères pertinents pour enregistrer en tant que marques les formes de produits qui correspondent aux fonctions techniques qu’ils doivent remplir.

50.      Il ne fait pas de doute que l’arrêt Philips a établi les principes d’interprétation de la règle litigieuse, bien qu’en relation avec la directive. Toutefois, dans l’affaire Philips, les faits ont abouti à un arrêt relativement tranché en ce qui concerne la possibilité d’enregistrement de signes constitués par des formes fonctionnelles. Il ressort dudit arrêt qu’il existait un certain consensus sur la pleine fonctionnalité de la représentation graphique de la face supérieure du rasoir électrique commercialisé par cette entreprise hollandaise.

51.      Étant donné qu’elle était fortement liée aux faits de l’espèce, la réponse que la Cour a donnée à la Court of Appeal (England & Wales) insistait sur les raisons pour lesquelles il fallait refuser l’enregistrement d’une marque présentant ces caractéristiques, mais elle révélait à peine aux entreprises les règles d’inscription de signes fonctionnels dans le registre des marques. L’arrêt, fidèle à l’esprit de la règle de droit, n’a pas exclu de manière absolue l’enregistrement de marques présentant des formes fonctionnelles, bien qu’il ne l’ait pas rendu facile. Métaphoriquement parlant, la Cour n’a pas fermé la porte des offices des marques aux signes fonctionnels, mais l’a laissée entrouverte, et le présent pourvoi nous oblige à déterminer le degré précis d’ouverture de cette porte entrebâillée.

52.      En effet, Lego Juris dénonce non seulement une erreur d’interprétation de l’article 7, paragraphe 1, sous e), ii), du règlement n° 40/94 dans l’arrêt attaqué (premier grief), mais elle critique également l’emploi de critères d’interprétation inadaptés pour la détermination des caractéristiques fonctionnelles de sa brique ou briquette (deuxième et troisième griefs). Par conséquent, l’examen du pourvoi devra approfondir aussi bien des aspects substantiels, portant sur les éventuelles erreurs d’interprétation, que des aspects méthodologiques, portant sur le modus operandi permettant d’évaluer les propriétés des objets et de définir leur fonctionnalité.

53.      Je crois donc qu’il n’existe qu’un seul précédent et que le présent pourvoi constitue la deuxième opportunité en dix ans, pour la Cour, de se pencher sur les arcanes de la disposition litigieuse, ce qui justifie la tentative de fournir une réponse dépassant les limites fixées par les moyens invoqués par la requérante avant d’étudier ces derniers. De plus, en ce qui concerne les conditions d’enregistrement des marques fonctionnelles, j’espère ainsi répondre aux attentes logiques du monde de l’entreprise, qui est désireux d’être éclairé sur cette problématique confuse.

B –    Pour une interprétation plus large de l’article 7, paragraphe 1, sous e), ii), du règlement n° 40/94

1.      Des règles d’interprétation consolidées et moins strictes

54.      Dans le cadre d’une comparaison entre l’arrêt Philips et la jurisprudence de certains ordres juridiques nationaux, j’observe certaines similitudes dans l’interprétation des règles de transposition de la directive ainsi que certaines divergences notables qui en disent long sur l’opportunité d’harmoniser les conditions d’enregistrement des marques fonctionnelles. Les mémoires qui ont été déposés par les parties auprès de la Cour étudient le droit des marques des États-Unis d’Amérique et je me sens donc obligé d’y faire certaines références lorsqu’elles peuvent être utiles en l’espèce.

55.      En ce qui concerne les similitudes, il est unanimement reconnu que l’article 7, paragraphe 1, sous e), ii), du règlement n° 40/94 ainsi que ses pendants nationaux sont fondés sur une double prémisse: d’une part, éviter la monopolisation de solutions techniques relatives à des produits, par le biais du droit des marques, en particulier lorsque lesdites solutions ont déjà joui de la protection offerte par un autre droit de propriété industrielle (30); d’autre part, maintenir la séparation entre la protection offerte par une marque et celle que procurent d’autres types de propriété industrielle (31).

56.      Par souci de clarté, il convient de rappeler que l’arrêt Philips a justement fondé sa réponse à la quatrième question de la Court of Appeal sur ces deux idées (32), se ralliant ainsi aux conclusions de l’avocat général Ruiz-Jarabo Colomer (33).

57.      Cependant, ce fondement commun aux droits nationaux et au droit communautaire des marques n’a pas suffi pour homogénéiser de manière complète la pratique judiciaire. Ainsi, dans l’affaire Philips elle-même, en ce qui concerne les organes juridictionnels de chaque État, alors que les juridictions suédoises ont considéré qu’une forme doit être considérée comme exclusivement fonctionnelle lorsque aucune autre forme ne permet de remplir la même fonction, les juges anglais ont préféré soutenir que la disposition nationale qui constitue le pendant de l’article 7, paragraphe 1, sous e), ii), du règlement n° 40/94 exclut de l’enregistrement tous les cas de figure dans lesquels la fonction constitue la raison principale pour laquelle le produit présente la forme dont l’enregistrement en tant que marque est recherché (34).

58.      Les décisions de juridictions nationales évoquées au point précédent sont antérieures à l’arrêt Philips de la Cour, mais, dans certains cas, les juridictions nationales les plus élevées semblent réduire les principes de cet arrêt à leur plus simple expression, de sorte que l’interdiction formulée par la disposition litigieuse, ou par son homologue nationale, perd son efficacité, avec pour conséquence un accroissement des difficultés auxquelles sont exposés les concurrents pour pénétrer le marché de l’objet dont la forme fonctionnelle a pu être enregistrée (35).

59.      Cette divergence résulte probablement du fait que, alors qu’il aurait pu adopter un critère plus strict limitant l’interdiction aux signes composés exclusivement de caractéristiques fonctionnelles, l’arrêt Philips a préféré un critère plus souple permettant l’interdiction de davantage de signes fonctionnels, en exigeant que ce soient les «caractéristiques essentielles» qui puissent avoir une fonction technique (36). Toutefois, en procédant ainsi, cet arrêt a donné naissance à une certaine imprécision, dont les conséquences se font maintenant sentir.

60.      Le risque que les règles définies par la Cour ne fassent pas l’objet d’un traitement identique dans l’ensemble des États membres devient donc perceptible et c’est pourquoi je considère qu’il est opportun de rechercher quelques critères additionnels qui permettent d’approfondir la jurisprudence qui, avec le seul précédent de l’arrêt Philips, est excessivement orientée vers les signes qui doivent être exclus de l’enregistrement en vertu de l’article 7, paragraphe 1, sous e), ii), du règlement n° 40/94. La meilleure manière de définir de manière plus approfondie le domaine d’application de cette disposition consiste à identifier les cas dans lesquels la marque demandée mérite d’être enregistrée, bien qu’elle présente certains aspects fonctionnels.

2.      Interprétation proposée

61.      D’emblée, je souhaite préciser que je ne propose aucun changement de la jurisprudence, mais uniquement certaines nuances, essentiellement méthodologiques, car les principes définis par l’arrêt Philips sont valables (37), à savoir: d’une part, la double ratio, déjà évoquée, qui sous-tend l’article 7, paragraphe 1, sous e), ii), du règlement n° 40/94 et que l’on peut résumer aux critères de la prévention de la monopolisation et de la stricte délimitation des différents droits de propriété industrielle; d’autre part, le fait que la norme litigieuse s’oppose à l’enregistrement de formes dont les caractéristiques essentielles remplissent une fonction technique (38); et, enfin, le fait que la preuve de l’existence d’autres formes permettant d’obtenir le même résultat technique n’est pas de nature à écarter le motif absolu de refus ou le motif de nullité qui figure dans ledit article (39).

62.      Cependant, il convient de compléter cette base d’interprétation en recourant à certaines règles méthodologiques d’application des dispositions en cause; selon moi, la procédure d’application de l’article 7, paragraphe 1, sous e), ii), du règlement n° 40/94 comporte jusqu’à trois étapes (40).

a)      Première étape

63.      Dans un premier temps, l’organe chargé d’examiner le motif absolu de refus ou le motif de nullité doit identifier les éléments les plus importants de la forme dont l’enregistrement lui a été demandé. À ce stade, la règle à suivre acquiert une importance fondamentale.

64.      Comme il ne s’agit pas encore de déterminer le caractère distinctif du signe, mais uniquement d’identifier ses caractéristiques principales, il convient de procéder à l’analyse successive des différents éléments de présentation utilisés dans la marque en cause (41). À la différence de l’examen du caractère distinctif, il n’est pas nécessaire de prendre en compte l’impression d’ensemble, à moins que, par exemple dans le cas d’un objet simple, toutes les caractéristiques qui composent sa forme ne soient considérées comme essentielles.

65.      On peut déduire du libellé de l’article 7, paragraphe 1, sous e), ii), que les caractéristiques essentielles de la forme doivent être identifiées et mises en relation avec le résultat technique afin de déterminer s’il existe un lien nécessaire entre ces caractéristiques et ledit résultat technique. Or, dans ce contexte, l’examen de ces caractéristiques primordiales n’est pas réalisé en vue de vérifier si le signe est susceptible de remplir la fonction essentielle de la marque, qui est de garantir l’origine des produits qui la portent (42), mais afin d’évaluer son caractère nécessaire par rapport au résultat technique, dont les caractéristiques exigent également une définition précise.

66.      Dans le cadre de cette étape initiale, le point de vue du consommateur n’est donc pas pertinent, car, comme l’indique l’arrêt Philips (43), il ne s’agit que de l’examen d’une condition préliminaire à laquelle sont soumis les signes constitués exclusivement par la forme d’un produit, l’enregistrement pouvant être refusé si cette condition n’est pas remplie; il ne s’agit pas encore du stade de l’examen de l’éventuel caractère distinctif, au niveau duquel la jurisprudence situe toujours la pertinence du point de vue du consommateur (44).

67.      Enfin, dans le cadre de la première étape, il reste à déterminer la fonctionnalité de chacune des caractéristiques essentielles qui ont été identifiées. La définition de cette fonctionnalité pose, à son tour, des problèmes quant à la méthode. Il n’est évidemment pas possible de se fonder sur de simples suppositions ou sur des généralités découlant de l’expérience courante (45). Normalement, pour ce type de biens qui ont bénéficié d’une protection résultant d’un brevet ou d’un dessin, les explications jointes aux certificats d’enregistrement de ces droits de propriété industrielle constituent une présomption simple, bien que très forte, en ce sens que les caractéristiques fondamentales de la forme de l’objet répondent à une fonction technique, comme l’indiquait déjà la grande chambre de recours en citant la jurisprudence de la Cour suprême des États-Unis d’Amérique dans l’affaire TrafFix (46). En dehors de ce cas de figure, il est toujours possible de recourir aux services d’un expert.

68.      La suite de la procédure dépend du résultat auquel aboutit cet examen de la fonctionnalité: si, d’une part (hypothèse A), toutes les caractéristiques essentielles de la forme dont l’enregistrement est demandé remplissent une fonction technique, la forme elle-même est considérée comme fonctionnelle et ne doit pas être enregistrée ou, si elle l’est déjà, l’enregistrement doit être annulé; dans ce cas de figure, l’examen s’arrête à la première étape. En revanche, si, d’autre part (hypothèse B), toutes les caractéristiques ne sont pas fonctionnelles, il convient de passer à la deuxième étape.

b)      Deuxième étape

69.      Dans cette deuxième étape, l’organe chargé d’examiner le signe est donc confronté à une forme, dont une partie seulement des caractéristiques essentielles est partiellement fonctionnelle. Une interprétation stricte de l’arrêt Philips, précité, conduirait à écarter l’article 7, paragraphe 1, sous e), ii), du règlement n° 40/94, car son point 84 interdit l’enregistrement d’un signe constitué exclusivement par la forme d’un produit «s’il est démontré que les caractéristiques fonctionnelles essentielles de cette forme sont attribuables uniquement au résultat technique». Cependant, je pense que l’arrêt est de nouveau excessivement proche des faits de l’espèce.

70.      En réalité, si l’on met en balance les deux prémisses fondamentales de l’article 7, paragraphe 1, sous e), ii), du règlement n° 40/94 selon lesquelles cette disposition «reflète l’objectif légitime de ne pas […] obtenir ou perpétuer des droits exclusifs portant sur des solutions techniques» (47) et la forme fonctionnelle «[doit] être librement utilisée par tous» (48), je crois que ledit article produit ses effets dans ce contexte hybride où il existe des caractéristiques essentielles fonctionnelles et non fonctionnelles.

71.      L’examen devient tout simplement plus compliqué.

72.      La question se pose de savoir si l’octroi d’une marque empêche les concurrents d’utiliser les caractéristiques fonctionnelles essentielles que protégerait ledit signe, car, dans une situation telle que celle qui est décrite, il est concevable que certains, ou beaucoup, de ces aspects fonctionnels s’avèrent indispensables pour les concurrents sur le marché, par exemple en vue de l’interopérabilité entre leurs produits respectifs et ceux du titulaire de la forme fonctionnelle dont l’enregistrement est demandé. Les principes de l’arrêt Philips étant diamétralement opposés à une telle conséquence, je conçois deux options.

73.      La première restreint le droit de marque aux éléments essentiels et distinctifs non fonctionnels. Ainsi, les clés USB (49) sont constituées d’une partie qui sert clairement à la connexion avec l’ordinateur ou un autre appareil et d’une autre partie qui, même si elle remplit une fonction technique, peut être – et est habituellement – enjolivée par une forme particulière, plus esthétique. Je ne verrais aucun inconvénient à ce que des marques soient octroyées pour de telles clés USB, si elles sont limitées à la partie comportant le dessin, car l’autre partie conserve toujours sa fonctionnalité. Mais l’OHMI devrait assouplir sa pratique en matière d’enregistrement en permettant le recours à des déclarations de renonciation («disclaimers»), puisqu’il ne fait pas usage de la faculté que lui confère l’article 37, paragraphe 2, du règlement n° 207/2009 (50), en appliquant rigoureusement le principe, non consacré par la jurisprudence de la Cour (51), selon lequel les signes constitués de plusieurs éléments ne peuvent pas réclamer la protection pour seulement l’un d’entre eux (52). Bien que les fabricants de ce type de clés puissent demander la protection de l’élément esthétique, sans représenter, sur l’image figurant dans la demande de marque, la partie de la clé servant à la connexion, le signe aura une valeur moindre, car il est possible que le consommateur ne le reconnaisse pas comme une partie d’une clé USB, la marque perdant ainsi beaucoup de son intérêt pour le fabricant.

74.      Cette difficulté me conduit à proposer une alternative. Un fort souci de protection de la concurrence émanant de la règle litigieuse, l’examen du signe composé en partie d’éléments fonctionnels devrait être soumis à la condition que l’éventuel titre de propriété industrielle n’implique pas, pour les concurrents, un désavantage significatif non lié à la réputation de leurs propres marques (53). À ce stade, il conviendrait de comparer les autres options compatibles avec le marché, comme le réclame avec insistance la requérante au pourvoi. Sans abonder dans le sens de cette alternative à ce stade, il est intéressant de souligner que l’analyse des formes de substitution devrait être réalisée en tenant compte de l’interopérabilité et de l’impératif de disponibilité, en tant que manifestation de l’intérêt général qui sous-tend également l’article 7, paragraphe 1, sous e), ii), du règlement n° 40/94.

c)      Troisième étape

75.      Finalement, une fois ces obstacles surmontés grâce à des «disclaimers» ou à la conviction que la forme n’est pas nuisible pour la concurrence, les organes chargés d’examiner la fonctionnalité d’une forme de ce type hybride, en général un office des marques ou un juge saisi d’une demande reconventionnelle en nullité, abordent la troisième phase, dans le cadre de laquelle doit être apprécié le caractère distinctif du signe (la forme). Conformément à la jurisprudence (54), l’impression d’ensemble produite par le signe, le point de vue du consommateur et les produits ou services pour lesquels la marque est demandée entrent maintenant en jeu.

76.      De plus, l’article 7, paragraphe 3, du règlement n° 40/94, qui interdit au titulaire d’une forme fonctionnelle d’invoquer l’acquisition du caractère distinctif par l’usage, reste d’application (55). À cet égard, d’une part, je pense que le fait d’exclure les formes fonctionnelles de l’éventuel avantage accordé par cette disposition satisfait au souhait du législateur d’éviter qu’un objet qui a été protégé par un brevet ou un dessin bénéficie de cette possibilité. Ainsi, lors de l’expiration de cet autre droit de propriété industrielle, il est probable, en particulier dans le cas de produits innovateurs tels que Lego, que ces produits jouissent déjà, aux yeux du consommateur, de ce que l’on peut qualifier de «caractère distinctif» dans des circonstances normales, puisque ces produits auront été les seuls de leur catégorie durant la période de validité du brevet ou du dessin (56). D’autre part, la Cour a jugé que l’intention du législateur communautaire a été d’accorder la protection au titre de la marque communautaire aux seules marques dont le caractère distinctif a été acquis par un usage antérieur à la demande d’enregistrement (57). Par conséquent, le titulaire d’une marque obtenue avec un «disclaimer» ne pourrait, en aucun cas, invoquer le bénéfice de l’article 7, paragraphe 3, du règlement n° 40/94 pour étendre la protection aux caractéristiques fonctionnelles essentielles.

C –    Conséquences pour le présent pourvoi

77.      Une fois esquissés les principaux traits de l’interprétation plus souple de l’article 7, paragraphe 1, sous e), ii), du règlement n° 40/94, il convient d’étudier ses conséquences pour l’appréciation des griefs que Lego Juris fait valoir dans le moyen unique de son pourvoi.

78.      Je peux déjà annoncer que le travail réalisé par le Tribunal dans l’arrêt attaqué me paraît estimable et conforme à l’arrêt Philips. En particulier, le Tribunal a traité les allégations de Lego Juris avec circonspection, en leur apportant des réponses juridiques irréprochables et c’est pourquoi, compte tenu du fait que mon analyse prive de sa substance le noyau dur des griefs de Lego Juris, il suffit que je m’intéresse au cœur de ces critiques, sans que mon rejet des arguments de la requérante perde une once de sa valeur.

1.      Le premier grief fondé sur l’interprétation erronée de l’article 7, paragraphe 1, sous e), ii), du règlement n° 40/94

79.      Le pourvoi, qui n’est pas exempt d’une certaine confusion, reproche à l’arrêt attaqué d’avoir abouti à une solution qui prive toutes les formes fonctionnelles de la protection conférée par le droit des marques, que les critères de la règle litigieuse soient remplis ou non. Il accuse le Tribunal de s’éloigner de l’arrêt Philips qui permettrait l’enregistrement de telles formes dès lors qu’il existe d’autres formes différentes, mais équivalentes. Dans ce contexte, il serait erroné de déclarer que la forme fonctionnelle en tant que telle doit rester à la portée de tous, car l’arrêt Philips ne préconisait une telle disponibilité qu’en ce qui concerne les caractéristiques utilitaires de la forme.

80.      Je ne suis pas d’accord avec cette lecture de l’arrêt attaqué.

81.      La requérante se trompe, bien qu’elle interprète aussi bien l’arrêt Philips que la disposition litigieuse de manière créative.

82.      D’une part, comme le signale MEGA Brands, l’étude détaillée des prétendues différences entre «solution technique» et «résultat technique» ne trouve aucun fondement dans l’arrêt Philips ou dans l’article 7, paragraphe 1, sous e), ii), du règlement n° 40/94. C’est à juste titre que le Tribunal l’a confirmé au point de 40 de l’arrêt attaqué en renvoyant aux points 81 et 83 de l’arrêt Philips, qui ne fait pas de distinction entre «solution technique» et «résultat technique».

83.      D’autre part, il découle des points 80 et 83 de l’arrêt Philips que l’objectif d’intérêt général que poursuit la disposition litigieuse exige que les formes fonctionnelles puissent être librement utilisées par tous, sans que l’existence d’éventuelles formes alternatives joue un rôle dans l’appréciation de leur fonctionnalité. Par conséquent, aucune erreur de droit du Tribunal n’est décelable dans l’arrêt attaqué.

84.      Je me permets de revenir à l’interprétation de l’article 7, paragraphe 1, sous e), ii), du règlement n° 40/94 défendue dans la section précédente.

85.      J’ai indiqué plus haut que l’arrêt Philips collait fortement aux faits de l’espèce, ce qui a favorisé une position évidemment tranchante de la Cour. Or, en l’espèce, les faits ont également une influence décisive.

86.      Ainsi, le point 75 de l’arrêt attaqué constate que la grande chambre de recours de l’OHMI a procédé à une analyse exhaustive de la brique Lego et a conclu que la forme de ce jouet dans son ensemble présentait des aspects fonctionnels. Dans ce contexte, qui correspond à la première étape de mes règles d’interprétation, il était normal que ladite agence communautaire refuse l’enregistrement du signe demandé par Lego Juris, car non seulement ses caractéristiques essentielles, mais également la brique dans son ensemble répondent exclusivement à des exigences liées à sa fonction; dans une telle situation, il n’y a pas lieu de passer à l’étape suivante de mon exégèse (hypothèse A) (58).

87.      Eu égard à la clarté de l’arrêt Philips, du moins dans les points mentionnés, et compte tenu de l’appréciation souveraine de la fonctionnalité de la brique Lego que la grande chambre de recours a réalisée, que l’arrêt attaqué n’a pas modifiée et que la requérante ne remet pas en question devant la Cour en invoquant la dénaturation des faits et des preuves, je ne peux que cautionner l’interprétation de l’article 7, paragraphe 1, sous e), ii), du règlement n° 40/94 qu’a réalisée le Tribunal et rejeter ce grief.

2.      Le deuxième grief fondé sur une définition incorrecte des caractéristiques essentielles d’une marque tridimensionnelle

88.      Par ce grief, Lego Juris soutient, en substance, que l’analyse des caractéristiques essentielles doit être réalisée en tenant compte du point de vue du consommateur, ce que n’a pas fait le Tribunal qui a expressément rejeté cette prise en compte au point 70 de son arrêt.

89.      Si l’on suit l’interprétation que je propose, ce grief peut aisément être écarté, car, en vertu des règles méthodologiques exposées, l’examen du caractère distinctif intrinsèque des marques fonctionnelles n’intervient qu’au cours de la troisième étape (59). Dans le cadre de l’examen du grief précédent, j’ai déjà indiqué que, compte tenu de la conclusion relative à la fonctionnalité de l’ensemble de la brique Lego, ni la grande chambre de recours de l’OHMI ni le Tribunal ne devaient aborder les étapes suivantes.

90.      Cependant, même si l’on ne partage pas mon point de vue, je pense que le grief de Lego Juris ne peut pas être accueilli, quel que soit l’angle sous lequel il est abordé. Ainsi, au point 76 de l’arrêt Philips, la Cour a observé que le motif absolu de refus d’enregistrement étudié dans cette affaire constituait un «obstacle préliminaire», son examen ne relevant donc pas des mêmes règles que celui des éléments dominants et distinctifs, dont l’identification vise à évaluer la fonction d’indication de l’origine des produits aux yeux du consommateur, ce qui est différent de la détermination des éléments essentiels d’une forme.

91.      De fait, si l’on pousse l’argumentation de Lego Juris jusqu’à ses conséquences ultimes, le critère du consommateur moyen, tel qu’il est habituellement décrit dans la jurisprudence de la Cour, devrait également s’appliquer en ce qui concerne l’article 7, paragraphe 1, sous f), du règlement n° 40/94, l’«ordre public» ou les «bonnes mœurs» devant alors être appréciés du point de vue du consommateur.

92.      L’absurdité d’une telle conséquence résulte de l’omission de la prémisse selon laquelle les différents motifs de refus d’enregistrement figurant dans l’article 7, paragraphe 1, du règlement n° 40/94 répondent à différentes sensibilités du législateur, chacun d’entre eux déployant sa propre intensité normative en fonction de critères qui peuvent, mais ne doivent pas, être identiques pour tous les cas de figure de refus ou de nullité de l’enregistrement. En l’espèce, la ratio de l’article 7, paragraphe 1, sous e), étant très distante de la fonction essentielle de la marque, à la différence du cas de figure de l’article 7, paragraphe 1, sous b) (relatif au caractère distinctif), il n’y a pas lieu d’accepter le critère du consommateur moyen.

93.      C’est donc à tort que la requérante souhaite transposer les paramètres caractéristiques de l’examen du caractère distinctif aux éléments essentiels d’une forme en vue de déterminer sa fonctionnalité, ces derniers devant être déterminés de manière objective, comme le Tribunal l’a exposé à bon droit dans l’arrêt attaqué. Par conséquent, le deuxième grief doit également être rejeté.

3.      Le troisième grief tiré de l’utilisation de critères de fonctionnalité erronés

94.      Avec son troisième grief, Lego Juris défend la méthode comparative pour évaluer la fonctionnalité des caractéristiques d’une forme. D’une part, elle demande de modifier ces caractéristiques essentielles afin de prouver la fonctionnalité, cette qualité de caractéristique essentielle étant reconnue lorsque le changement altère la fonctionnalité. Dans ce domaine, la requérante invoque l’importance des formes alternatives, qui constitueraient un indice en ce sens que la marque portant sur une forme concrète n’engendre pas un monopole, le motif absolu de refus examiné dans le cadre du présent pourvoi n’affectant pas cet indice.

95.      Cette argumentation de la requérante ne me convainc pas non plus.

96.      Si l’on maintient mon interprétation méthodologique de l’article 7, paragraphe 1, sous e), ii), du règlement n° 40/94, la censure de l’arrêt attaqué n’apparaît pas pertinente. Bien que j’aie reconnu l’éventuelle pertinence de la comparaison avec des formes alternatives afin d’évaluer la situation de la concurrence, j’ai relégué cette analyse comparative à la deuxième étape. C’est à ce stade que la question de savoir si le monopole que confère une marque à un produit présentant certaines caractéristiques fonctionnelles peut annihiler la concurrence sur le marché présente un sens. Comme je l’ai déjà indiqué, une fois établie la fonctionnalité de la brique Lego dans son ensemble, il n’y a pas lieu d’aborder les étapes suivantes.

97.      Par ailleurs, conformément à l’arrêt Philips et à la disposition litigieuse, il convient de remarquer le défaut de pertinence de l’erreur que Lego Juris impute à l’arrêt attaqué. Aux points 81 à 84 de l’arrêt Philips, la Cour a jugé de manière très claire que «la démonstration de l’existence d’autres formes permettant d’obtenir le même résultat technique [n’écarte pas] le motif de refus ou de nullité d’enregistrement contenu dans [la] disposition» litigieuse qui, comme elle exclut de l’enregistrement les signes constitués exclusivement par la forme nécessaire pour l’obtention d’un résultat technique, s’applique pleinement dans le cas de la brique Lego, étant donné que sa fonctionnalité totale a été démontrée. Par conséquent, Lego Juris ne pouvait pas invoquer en sa faveur les nuances de l’arrêt Philips selon lesquelles il se limite aux caractéristiques essentielles, car toutes les caractéristiques de la brique, essentielles ou non, paraissaient être fonctionnelles; dans un tel cas de figure, il n’est pas nécessaire de s’intéresser aux alternatives, puisque la marque qui serait accordée monopoliserait toujours la forme.

98.      Eu égard à ce qui précède, je considère que le troisième grief est dépourvu de fondement et qu’il convient donc de lui réserver le même sort que les deux premiers griefs. Par conséquent, l’ensemble des griefs ayant été rejetés, le moyen unique du pourvoi ne saurait être accueilli.

VII – Les dépens

99.      Lego Juris ayant succombé en l’ensemble de ses demandes dans le cadre du présent pourvoi, elle devra supporter les dépens conformément aux dispositions de l’article 122, premier alinéa, lu en combinaison avec l’article 69, paragraphe 2, premier point, du règlement de procédure de la Cour.

VIII – Conclusion

100. Eu égard aux considérations qui précèdent, je propose à la Cour de:

1)      rejeter le pourvoi formé par Lego Juris A/S contre l’arrêt de la huitième chambre du Tribunal, du 12 novembre 2008, dans l’affaire Lego Juris/OHMI (T‑270/06);

2)      condamner la requérante au pourvoi aux dépens.


1 – Langue originale: l’espagnol.


2 – Maier, J., «Lego des Lebens», Die Zeit n° 32, du 30 juillet 2009, p. 27. 


3 – T-270/06, Rec. p. II-3099, ci-après l’«arrêt attaqué».


4 – Règlement du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque communautaire (JO L 78, p. 1), en vigueur depuis la date mentionnée dans le point que la présente note complète.


5 – Règlement du Conseil, du 20 décembre 1993, sur la marque communautaire (JO 1994, L 11, p. 1), tel que modifié par le règlement (CE) n° 3288/94 du Conseil, du 22 décembre 1994, en vue de mettre en œuvre les accords conclus dans le cadre du cycle d’Uruguay (JO L 349, p. 83), et, en dernier lieu, par le règlement (CE) n° 422/2004 du Conseil, du 19 février 2004 (JO L 70, p. 1).


6 – Arrêt du 18 juin 2002 (C-299/99, Rec. p. I-5475).


7 – Point 76 de l’arrêt.


8 – Première directive du Conseil, du 21 décembre 1988, rapprochant les législations des États membres sur les marques (JO 1989, L 40, p. 1, ci-après la «directive»); cet article est l’alter ego de l’article 7, paragraphe 1, sous e), ii), du règlement n° 40/94. 


9 – Point 78 de l’arrêt Philips.


10 – Point 79.


11 – Point 80.


12 – Point 82.


13 – Point 81.


14 – Arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié.


15 – Points 9 et 10 de l’arrêt qui fait l’objet du pourvoi.


16 – Conformément à l’article 1er ter, paragraphe 3, du règlement (CE) n° 216/96 de la Commission, du 5 février 1996, portant règlement de procédure des chambres de recours de l’OHMI (JO L 28, p. 11).


17 – Décision de la grande chambre de recours de l’OHMI (affaire R 856/2004 G) relative à une procédure de nullité entre MEGA Brands et Lego Juris.


18 – Points 32 et 33 de la décision.


19 – Points 34 et 36 de cette même décision.


20 – Point 58.


21 – Point 60.


22 – Points 54 et 55.


23 – Points 41 à 63.


24 – Points 27 à 34 de l’arrêt attaqué.


25 – Il figure également dans l’article 3, paragraphe 1, sous e), deuxième tiret, de la directive. Il est nécessaire de mentionner cette norme, qui est celle que l’arrêt Philips a interprétée.


26 – Points 51 à 68 de l’arrêt attaqué.


27 – Points 70 à 88 de l’arrêt attaqué.


28 – Télécopie du 20 avril.


29 – Par référence à l’arrêt du 16 juillet 1998, Gut Springenheide et Tusky (C-210/96, Rec. p. I-4657, point 31), qui a établi ce critère repris par la jurisprudence ultérieure relative aux marques.


30 – En droit allemand, Hacker, F., «Als Marke schutzfähige Zeichen – § 3», dans Ströbele et Hacker, Markengesetz, 8e éd., Carl Heymanns, Cologne, 2006, p. 85; en droit espagnol, Marco Arcalá, L. A., «Artículo 5. Prohibiciones absolutas», dans Bercovitz Rodríguez et Cano, A. (directeur), Comentarios a la Ley de Marcas, 2e éd., Thomson Aranzadi, Pampelune, 2008, tome I, p. 204; en droit français, Azéma, J., et Galloux, J.-C., Droit de la propriété industrielle, 6e éd., Dalloz, Paris, 2006, p. 773, et en droit américain Wong, M., «The aesthetic functionality doctrine and the law of trade-dress protection», Cornell Law Review, vol. 83, 1998, p. 1116, 1154.


31 – Ibidem; cette idée est particulièrement forte en droit espagnol et en droit français, qui font référence à la «fraude de ley» et à l’«abus de droit» qu’engendrerait l’extension de la protection des brevets ou des dessins industriels par l’intermédiaire du droit des marques. 


32 – En particulier, respectivement, aux points 79 et 82.


33 – Notamment aux points 30 et 39.


34 – Cornish, W., et Llewelyn, D., Intellectual Property: Patents, Copyright, Trade Marks and Allied Rights, 6e éd., Thomson Sweet & Maxwell, Londres, 2007, p. 710.


35 – Hildebrandt, U., Marken und andere Kennzeichen – Einführung in die Praxis, Carl Heymanns, Cologne, 2006, p. 109 et 110, critique l’application peu rigoureuse de l’arrêt Philips par le Bundesgerichtshof. Toutefois, ce dernier n’a pas autorisé l’enregistrement de la brique Lego qui fait l’objet du présent pourvoi, car il l’a jugée entièrement fonctionnelle, ce qui a ainsi entraîné l’annulation de la marque qui, dans un premier temps, avait été octroyée en Allemagne; Bundesgerichtshof, communiqué de presse n° 158/2009 (http://juris.bundesgerichtshof.de/cgi-bin/rechtsprechung).


36 – Point 79 de l’arrêt Philips.


37 – L’arrêt Philips a toujours été suivi par le Tribunal, par l’OHMI et, avec les hésitations que j’ai signalées, par les différentes jurisprudences nationales.


38 – Point 79 de l’arrêt Philips.


39 – Points 81 à 83 de l’arrêt Philips.


40 – Je m’inspire, mutatis mutandi, du droit allemand, Hacker, F., op. cit., p. 88, et du droit américain, McCormick, T., «Will TrafFix ‘Fix’ the Splintered Functionality Doctrine?: TrafFix Devices, Inc. v. Marketing Displays, Inc.», 40 Houston Law review, 2003, p. 541, 566. 


41 – Je déduis cette affirmation d’une lecture a contrario de l’arrêt du 30 juin 2005, Eurocermex/OHMI (C-286/04 P, Rec. p. I-5797, points 22 et 23), et de la jurisprudence qui y est mentionnée. Cet arrêt a été confirmé par l’arrêt du 25 octobre 2007, Develey/OHMI (C‑238/06 P, Rec. p. I-9375, point 82).


42 – Jurisprudence constante de la Cour; par exemple, arrêts du 23 mai 1978, Hoffmann-La Roche (102/77, Rec. p. 1139, point 7); du 12 novembre 2002, Arsenal Football Club (C-206/01, Rec. p. I-10273, point 48), et du 26 avril 2007, Alcon/OHMI (C-412/05 P, Rec. p. I-3569, point 53).


43 – Point 76.


44 – Par exemple, arrêts du 22 juin 2006, Storck/OHMI (C-25/05 P, Rec. p. I-5719, point 25), et du 8 mai 2008, Eurohypo/OHMI (C-304/06 P, Rec. p. I-3297, point 67).


45 – Comme l’indique à juste titre Hacker, F., op. cit., p. 88.


46 – Point 40 de sa décision dans l’affaire Lego; TrafFix Devices, Inc. v. Marketing Displays, Inc., 532 U.S. 23 (2001).


47 – Arrêt Philips, point 82.


48 – Ibidem, point 80.


49 – Également appelées «pen drive» en anglais. 


50 – Qui succède à l’article 38, paragraphe 2, du règlement n° 40/94.


51 – De plus, si le législateur lui-même prévoit la possibilité que la protection qu’offre la marque ne porte pas sur tout le signe, la position défendue par l’OHMI me paraît peu convaincante.


52 – Bender, A., «Der Ablauf des Anmeldeverfahrens», dans Fezer, K.-H., Handbuch der Markenpraxis – Band I Markenverfahrensrecht, C. H. Beck, Munich, 2007, p. 585. 


53 – Le droit américain parle de «significant non-reputation related disadvantage»; McCormick, T., op. cit., p. 567. 


54 – Arrêts du 29 avril 2004, Procter & Gamble/OHMI (C-473/01 P et C-474/01 P, Rec. p. I-5173, point 33); Storck/OHMI (précité, point 25) et Eurohypo/OHMI (précité, point 67).


55 – Arrêts Philips, précité, point 57, et du 20 septembre 2007, Benetton Group (C-371/06, Rec. p. I‑7709, points 24 à 27).


56 – En ce sens, voir Hildebrandt, U., op. cit., p. 110.


57 – Arrêt du 11 juin 2009, Imagination Technologies/OHMI (C-542/07 P, non encore publié au Recueil, point 44).


58 – Point 68 des présentes conclusions.


59 – Voir point 75.