Language of document : ECLI:EU:C:2011:497

ARRÊT DE LA COUR (deuxième chambre)

21 juillet 2011 (*)

«Pourvoi – Aides d’État – Tarif préférentiel d’électricité – Constatation d’absence d’aide – Modification et prolongation de la mesure – Décision d’engager la procédure prévue à l’article 88, paragraphe 2, CE – Aide existante ou aide nouvelle – Règlement (CE) n° 659/1999 – Article 1er, sous b), v) – Obligation de motivation – Principes de sécurité juridique et de protection de la confiance légitime»

Dans l’affaire C‑194/09 P,

ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice, introduit le 29 mai 2009,

Alcoa Trasformazioni Srl, établie à Portoscuso (Italie), représentée par Me M. Siragusa, avvocato, Mes T. Müller-Ibold et T. Graf, Rechtsanwälte, ainsi que par Me F. Salerno, avocat,

partie requérante,

l’autre partie à la procédure étant:

Commission européenne, représentée par M. N. Khan, en qualité d’agent, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie défenderesse en première instance,

LA COUR (deuxième chambre),

composée de M. J. N. Cunha Rodrigues, président de chambre, MM. A. Rosas, U. Lõhmus, A. Ó Caoimh et Mme P. Lindh (rapporteur), juges,

avocat général: M. N. Jääskinen,

greffier: Mme C. Strömholm, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 24 juin 2010,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 23 septembre 2010,

rend le présent

Arrêt

1        Par son pourvoi, Alcoa Trasformazioni Srl (ci‑après «Alcoa») demande l’annulation de l’arrêt du Tribunal de première instance des Communautés européennes du 25 mars 2009, Alcoa Trasformazioni/Commission (T‑332/06, ci-après l’«arrêt attaqué»), par lequel celui-ci a rejeté son recours tendant à l’annulation partielle de la décision 2006/C 214/03 de la Commission, notifiée à la République italienne par lettre du 19 juillet 2006, ouvrant la procédure prévue à l’article 88, paragraphe 2, CE concernant l’aide d’État C 36/06 (ex NN 38/06) – Tarif d’électricité préférentiel consenti à certaines industries grosses consommatrices d’énergie en Italie (JO C 214, p. 5, ci-après la «décision litigieuse»), en ce qu’elle concerne les tarifs d’électricité applicables aux usines d’aluminium appartenant à Alcoa.

 Le cadre juridique

2        L’article 1er du règlement (CE) n° 659/1999 du Conseil, du 22 mars 1999, portant modalités d’application de l’article [88] du traité CE (JO L 83, p. 1), intitulé «Définitions», prévoit:

«Aux fins du présent règlement, on entend par: 

a)      ‘aide’: toute mesure remplissant tous les critères fixés à l’article [87], paragraphe 1, [CE];

b)      ‘aide existante’:

i)      [...] toute aide existant avant l’entrée en vigueur du traité dans l’État membre concerné, c’est-à-dire les régimes d’aides et aides individuelles mis à exécution avant, et toujours applicables après, ladite entrée en vigueur;

ii)      toute aide autorisée, c’est-à-dire les régimes d’aides et les aides individuelles autorisés par la Commission ou le Conseil;

[...]

v)      toute aide qui est réputée existante parce qu’il peut être établi qu’elle ne constituait pas une aide au moment de sa mise en vigueur, mais qui est devenue une aide par la suite en raison de l’évolution du marché commun et sans avoir été modifiée par l’État membre. Les mesures qui deviennent une aide suite à la libéralisation d’une activité par le droit communautaire ne sont pas considérées comme une aide existante après la date fixée pour la libéralisation;

c)      ‘aide nouvelle’: toute aide, c’est-à-dire tout régime d’aides ou toute aide individuelle, qui n’est pas une aide existante, y compris toute modification d’une aide existante;

[...]

f)      ‘aide illégale’: une aide nouvelle mise à exécution en violation de l’article [88], paragraphe 3, [CE];

[...]»

3        Aux termes de l’article 2, paragraphe 1, du règlement n° 659/1999, «tout projet d’octroi d’une aide nouvelle est notifié en temps utile à la Commission par l’État membre concerné». L’article 3 de ce règlement dispose qu’une aide nouvelle «n’est mise à exécution que si la Commission a pris, ou est réputée avoir pris, une décision l’autorisant».

4        L’article 4, paragraphes 1 à 4, dudit règlement prévoit:

«1.      La Commission procède à l’examen de la notification dès sa réception. Sans préjudice de l’article 8, elle prend une décision en application des paragraphes 2, 3 ou 4.

2.      Si la Commission constate, après un examen préliminaire, que la mesure notifiée ne constitue pas une aide, elle le fait savoir par voie de décision.

3.      Si la Commission constate, après un examen préliminaire, que la mesure notifiée, pour autant qu’elle entre dans le champ de l’article [87], paragraphe 1, [CE], ne suscite pas de doutes quant à sa compatibilité avec le marché commun, elle décide que cette mesure est compatible avec le marché commun [...] Cette décision précise quelle dérogation prévue par le traité a été appliquée.

4.      Si la Commission constate, après un examen préliminaire, que la mesure notifiée suscite des doutes quant à sa compatibilité avec le marché commun, elle décide d’ouvrir la procédure prévue à l’article [88], paragraphe 2, [CE] (ci-après [la] ‘décision d’ouvrir la procédure formelle d’examen’).»

5        L’article 6, paragraphe 1, du même règlement dispose:

«La décision d’ouvrir la procédure formelle d’examen récapitule les éléments pertinents de fait et de droit, inclut une évaluation préliminaire, par la Commission, de la mesure proposée visant à déterminer si elle présente le caractère d’une aide, et expose les raisons qui incitent à douter de sa compatibilité avec le marché commun. La décision invite l’État membre concerné et les autres parties intéressées à présenter leurs observations dans un délai déterminé, qui ne dépasse normalement pas un mois. Dans certains cas dûment justifiés, la Commission peut proroger ce délai.»

6        Aux termes de l’article 7, paragraphe 1, du règlement n° 659/1999, «la procédure formelle d’examen est clôturée par voie de décision conformément aux paragraphes 2 à 5 du présent article». Lesdits paragraphes prévoient que la Commission peut décider que la mesure notifiée ne constitue pas une aide, que l’aide notifiée est compatible avec le marché commun, que l’aide notifiée peut être considérée comme compatible avec le marché commun si certaines conditions sont respectées, ou que l’aide notifiée est incompatible avec le marché commun.

7        Quant aux mesures non notifiées, l’article 10, paragraphe 1, du règlement n° 659/1999 dispose que, «[l]orsque la Commission a en sa possession des informations concernant une aide prétendue illégale, quelle qu’en soit la source, elle examine ces informations sans délai». Il est prévu à l’article 13, paragraphe 1, de ce règlement que cet examen débouche, le cas échéant, sur une décision d’ouvrir la procédure formelle d’examen.

8        La procédure relative aux régimes d’aides existants est prévue aux articles 17 à 19 du règlement n° 659/1999. Aux termes de l’article 18 de ce règlement, si la Commission «parvient à la conclusion qu’un régime d’aides existant n’est pas, ou n’est plus, compatible avec le marché commun, elle adresse à l’État membre concerné une recommandation proposant l’adoption de mesures utiles». Si l’État membre concerné n’accepte pas les mesures proposées, la Commission peut procéder, en vertu de l’article 19, paragraphe 2, dudit règlement, à l’ouverture d’une procédure formelle d’examen.

 Les antécédents du litige

9        Les faits à l’origine du litige, tels qu’ils ressortent de l’arrêt attaqué et des observations des parties devant la Cour, peuvent être résumés comme suit aux fins du présent arrêt.

10      La requérante, Alcoa, est une société de droit italien, propriétaire en Italie de deux usines produisant de l’aluminium primaire, implantées à Portovesme, en Sardaigne, et à Fusina, en Vénétie. Ces usines ont été cédées à la requérante par Alumix SpA, dans le cadre de la privatisation de cette dernière.

11      Par la décision 96/C 288/04, notifiée à la République italienne et publiée le 1er octobre 1996 (JO C 288, p. 4, ci-après la «décision Alumix»), la Commission a clos la procédure qu’elle avait engagée le 23 décembre 1992 et étendue le 16 novembre 1994, au sujet notamment du tarif de fourniture d’électricité facturé par ENEL, le fournisseur historique d’électricité en Italie, à ces deux usines. Ce tarif avait été fixé par la décision n° 13, du 24 juillet 1992, du Comitato interministeriale dei prezzi (Comité interministériel des prix, ci-après la «décision n° 13/92 du CIP»). La Commission a conclu que ce tarif, qui était applicable jusqu’au 31 décembre 2005, selon l’article 2 du décret-loi du 19 décembre 1995 (GURI n° 39, du 16 février 1996, p. 8, ci-après le «décret-loi de 1995»), ne constituait pas une aide d’État au sens de l’article 87, paragraphe 1, CE.

12      Ce tarif d’électricité était fondé sur le coût marginal de production et une partie des coûts fixes d’ENEL.

13      La Commission a conclu que, en appliquant aux usines de Portovesme et de Fusina un tel tarif pour la production d’aluminium, ENEL agissait comme un opérateur ayant un comportement commercial normal puisque ce tarif permettait la fourniture d’électricité à des entreprises qui sont ses premières clientes dans des régions où il existait une très forte surcapacité de production d’électricité.

14      Par la décision n° 204/99 de l’Autorità per l’energia elettrica e il gas (Autorité pour l’énergie électrique et le gaz), du 29 décembre 1999, la gestion du tarif d’électricité a été transférée aux distributeurs locaux d’électricité. La fourniture d’électricité à Alcoa a alors été facturée par ENEL, son distributeur local d’électricité, au tarif standard et non plus au tarif visé par le décret-loi de 1995. ENEL lui accordait un remboursement, mentionné sur sa facture d’électricité, financé au moyen d’un prélèvement parafiscal imposé à l’ensemble des consommateurs d’électricité en Italie et correspondant à la différence entre le tarif facturé et le tarif visé dans le décret-loi de 1995.

15      Par la décision n° 148/04 de l’Autorité pour l’énergie électrique et le gaz, du 9 août 2004, l’organisme public Cassa Conguaglio per il settore elettrico (Caisse de péréquation pour le secteur électrique, ci-après la «Caisse de péréquation») a été chargé de la gestion du tarif d’électricité à la place des distributeurs locaux. À ce titre, la Caisse de péréquation effectuait elle-même le remboursement à Alcoa de la différence entre le montant du tarif qui lui était facturé par ENEL et le tarif visé dans le décret-loi de 1995, en ayant recours au même prélèvement parafiscal.

16      En 2005, le décret-loi n° 35, du 14 mars 2005 (GURI n° 111, du 14 mai 2005, p. 4), converti en loi, après modification, par la loi n° 80, du 14 mai 2005 (supplément ordinaire à la GURI n° 91, du 14 mai 2005, ci-après le «décret-loi de 2005»), a été adopté par les autorités italiennes. Celui-ci prévoit à son article 11, paragraphe 11, que le tarif préférentiel qui est appliqué aux deux usines d’Alcoa est prorogé jusqu’au 31 décembre 2010. Cette disposition n’a pas été notifiée à la Commission.

17      Le décret-loi de 2005 prévoit également une révision annuelle du tarif préférentiel par l’Autorité pour l’énergie électrique et le gaz. Conformément à la décision n° 217/05 de cette dernière, du 13 octobre 2005, ce tarif doit augmenter chaque année à partir du 1er janvier 2006, en fonction des augmentations éventuelles de prix enregistrés sur les Bourses européennes d’Amsterdam (Pays-Bas) et de Francfort-sur-le-Main (Allemagne), avec un maximum de 4 % par an.

18      Par la décision litigieuse, la Commission s’est demandée si le tarif octroyé à Alcoa ne constituait pas une aide d’État et elle s’est interrogée sur sa compatibilité avec le marché commun, conformément à l’article 87, paragraphe 1, CE. Elle a mentionné qu’elle avait pris connaissance de l’article 11, paragraphe 11, du décret-loi de 2005 au cours d’une autre procédure, à savoir celle qui a conduit à l’adoption de la décision 2005/C 30/06 notifiée à la République italienne par lettre du 16 novembre 2004, ouvrant la procédure prévue à l’article 88, paragraphe 2, CE concernant l’aide d’État C 38/2004 (ex NN 58/04) – Aides en faveur de la société Portovesme Srl (JO 2005, C 30, p. 7, ci-après la «décision Portovesme»).

19      Aux points 40 à 46 des motifs de la décision litigieuse, la Commission a indiqué qu’elle devait vérifier si le tarif en cause constituait une aide d’État. Selon la Commission, la réduction du prix de l’électricité a constitué un avantage économique considérable pour une entreprise de fabrication d’aluminium. Cette réduction était financée par des ressources de l’État, à savoir au moyen d’un prélèvement parafiscal versé par l’ensemble des consommateurs d’électricité en Italie à la Caisse de péréquation. Ladite réduction menaçait de fausser la concurrence et pouvait affecter les échanges intracommunautaires. Elle en a déduit qu’elle relevait de l’article 87, paragraphe 1, CE.

20      La Commission a indiqué, au point 47 des motifs de la décision litigieuse, que l’article 11, paragraphe 11, du décret-loi de 2005 ne lui ayant pas été notifié, la mesure en cause devait être considérée comme illégale au sens de l’article 1er, sous f), du règlement n° 659/1999 et que ses conclusions antérieures dans la décision Alumix, selon lesquelles le tarif préférentiel accordé à Alcoa ne constituait pas une aide existante, empêchaient de considérer cette mesure comme une aide existante.

21      La Commission a ensuite émis des doutes sur la compatibilité de la mesure en cause avec le marché commun, aux points 49 et 78 des motifs de la décision litigieuse, concernant respectivement l’aide accordée à l’usine de Fusina et celle octroyée à l’usine de Portovesme.

22      Enfin, aux points 80 et 81 des motifs de la décision litigieuse, la Commission a invité la République italienne à présenter ses éventuelles observations et à lui fournir toute information utile pour l’évaluation de l’aide en cause dans un délai d’un mois à dater de la réception de la décision litigieuse. Elle a rappelé que l’article 88, paragraphe 3, CE avait un effet suspensif et que, en vertu de l’article 14 du règlement n° 659/1999, elle pouvait imposer à l’État membre de récupérer auprès du bénéficiaire une aide perçue illégalement.

 Le recours devant le Tribunal et l’arrêt attaqué

23      Le 29 novembre 2006, Alcoa a introduit un recours devant le Tribunal visant à l’annulation de la décision litigieuse en ce qu’elle concerne le tarif de fourniture d’électricité facturé à ses usines implantées à Fusina et à Portovesme ou, à titre subsidiaire, à son annulation en ce qu’elle qualifie ce tarif d’aide nouvelle illégale.

24      À l’appui de son recours, Alcoa a invoqué trois moyens. Premièrement, elle a fait valoir que c’est à tort que la Commission, dans la décision litigieuse, a qualifié d’aide d’État le tarif d’électricité applicable à ses usines alors même que ledit tarif, qui correspondrait à un tarif de marché, ne leur conférerait aucun avantage. Deuxièmement, elle a reproché à la Commission d’avoir violé les principes de protection de la confiance légitime et de sécurité juridique au motif que ladite décision contredirait la décision Alumix. Enfin, troisièmement, elle a fait valoir, à titre subsidiaire, que la Commission a examiné à tort la mesure en cause dans le cadre de la procédure applicable aux aides nouvelles et non dans le cadre de celle applicable aux aides existantes.

25      Par l’arrêt attaqué, le Tribunal a rejeté le recours.

26      En ce qui concerne le premier moyen, il a tout d’abord constaté que, dans la décision d’ouverture de la procédure formelle d’examen, la qualification d’une mesure d’aide d’État ne revêt pas un caractère définitif et que le contrôle de légalité, exercé par le Tribunal, d’une telle décision doit être limité à la vérification du point de savoir si la Commission n’a pas commis d’erreurs manifestes d’appréciation en considérant qu’elle ne pouvait pas surmonter toutes les difficultés sur ce point au cours d’un premier examen de la mesure concernée.

27      Le Tribunal a précisé, après avoir relevé qu’Alcoa ne conteste pas l’appréciation de la Commission selon laquelle les ressources permettant de financer le tarif en cause constituent des ressources d’État, que la Commission n’a pas commis d’erreur manifeste d’appréciation en considérant, à titre provisoire, que le tarif préférentiel confère un avantage aux usines d’Alcoa. À cet égard, il a conclu également que doivent être rejetés comme inopérants les arguments soulevés par Alcoa selon lesquels la Commission aurait dû déterminer si le tarif en cause correspondait à un tarif de marché et si les critères sur la base desquels la Commission s’était appuyée pour conclure à l’absence d’un avantage dans la décision Alumix étaient encore valables. Le Tribunal a rejeté l’argument d’Alcoa selon lequel la Commission avait manqué à son obligation de motivation notamment en n’examinant pas ces critères et rappelé que la question de savoir si le tarif octroyé aux usines concernées constitue ou non un tarif de marché exigeait une appréciation économique complexe qu’il appartenait à la Commission de réaliser dans le cadre de la procédure formelle d’examen.

28      En ce qui concerne le deuxième moyen, le Tribunal a examiné si la Commission, en qualifiant le tarif préférentiel d’aide nouvelle, a porté atteinte aux principes de protection de la confiance légitime et de sécurité juridique dont Alcoa pouvait se prévaloir à la suite de la décision Alumix.

29      Le Tribunal a constaté qu’il ressort tant de la requête que de la décision Alumix que cette décision ne visait que le décret-loi de 1995, qui avait une validité limitée à une durée de dix ans. Il a ajouté que, dans la décision litigieuse, la Commission mentionne que la prorogation du tarif octroyé jusqu’en 2010, qui ne lui a pas été notifiée, pourrait constituer une aide d’État. Le Tribunal a relevé que la Commission n’a pas mis en cause son appréciation de la mesure examinée dans la décision Alumix et a conclu qu’Alcoa ne pouvait avoir aucune certitude que la Commission déciderait que le tarif qui lui était octroyé ne constituait pas une aide d’État.

30      En ce qui concerne le troisième moyen, le Tribunal a rappelé que, selon la jurisprudence constante, si une aide existante devait être modifiée dans sa substance même ou prorogée, elle devrait être considérée comme une aide nouvelle. Il en a déduit que, lorsqu’une mesure que la Commission a considérée comme ne constituant pas une aide d’État est prorogée ou modifiée dans sa substance même, elle ne peut être examinée par la Commission que dans le cadre des règles de procédure applicables aux aides nouvelles.

31      Le Tribunal a jugé que, en l’espèce, la mesure en cause ne saurait être considérée comme une aide existante non seulement en raison du fait qu’elle couvre une période distincte de celle examinée dans la décision Alumix, mais également parce que les modalités de financement de cette mesure ont été modifiées par rapport à la mesure examinée dans ladite décision.

 Les conclusions des parties

32      Par son pourvoi, Alcoa demande à la Cour:

–        d’annuler l’arrêt attaqué;

–        d’annuler la décision litigieuse, dans la mesure où elle concerne les tarifs d’électricité applicables aux usines d’aluminium lui appartenant;

à titre subsidiaire,

–        de renvoyer l’affaire devant le Tribunal pour réexamen conformément à l’arrêt de la Cour,

et, dans un cas comme dans l’autre,

–        de condamner la Commission aux dépens.

33      La Commission conclut au rejet du pourvoi et à la condamnation d’Alcoa aux dépens.

 Sur le pourvoi

34      À l’appui de son pourvoi, Alcoa soulève deux moyens. Le premier moyen tend à voir juger que le Tribunal a commis une erreur de droit en considérant que la Commission pouvait ouvrir une procédure formelle d’examen sans rechercher si les conclusions figurant dans la décision Alumix étaient devenues caduques. Le second moyen est tiré d’une application erronée de la procédure relative aux aides nouvelles.

35      Ces deux moyens sont étroitement liés à la portée temporelle et matérielle de la décision Alumix que le Tribunal aurait méconnue. Alcoa traite de la portée temporelle de cette décision à la quatrième branche du premier moyen ainsi qu’à la deuxième branche du second moyen et de sa portée matérielle dans un argument relatif à l’absence de modifications substantielles du tarif d’électricité développé dans la quatrième branche du premier moyen et dans la troisième branche du second moyen.

36      Il convient d’examiner le pourvoi en commençant par l’appréciation de ces branches et de cet argument.

 Sur la quatrième branche du premier moyen et la deuxième branche du second moyen, relatives à la portée dans le temps de la décision Alumix

 Argumentation des parties

37      Alcoa reproche au Tribunal, par la quatrième branche du premier moyen ainsi que par la deuxième branche du second moyen, d’avoir considéré, aux points 105 à 107 de l’arrêt attaqué, que la décision Alumix était limitée dans le temps. Ce faisant, le Tribunal aurait mal interprété cette décision et commis une erreur de droit. Alcoa soutient, d’une part, que la décision Alumix ne fait pas expressément référence au décret-loi de 1995 qui soumettait le tarif d’électricité visé dans ledit décret-loi à une durée de dix ans et ne comporte aucune limitation expresse ou implicite de sa durée de validité. D’autre part, Alcoa ajoute que, à supposer même que la décision Alumix ait été limitée dans le temps, la constatation d’absence d’aide qui y figure possède une validité générale, laquelle ne connaît pas de limites dans le temps.

38      La Commission fait valoir que le Tribunal a correctement examiné la décision Alumix à la lumière du décret-loi de 1995 qui a explicitement limité le tarif en cause à dix ans.

 Appréciation de la Cour

39      Il y a lieu de rappeler que, dans le cadre d’un pourvoi, conformément aux articles 225 CE et 58 du statut de la Cour de justice, cette dernière n’est pas compétente pour constater et apprécier les faits pertinents, sous réserve du cas de la dénaturation de ceux-ci (voir, en ce sens, arrêts du 1er juin 1994, Commission/Brazzelli Lualdi e.a., C-136/92 P, Rec. p. I-1981, points 49 et 66, ainsi que du 7 novembre 2002, Glencore et Compagnie Continentale/Commission, C‑24/01 P et C‑25/01 P, Rec. p. I‑10119, point 65).

40      À cet égard, l’appréciation du Tribunal, au point 107 de l’arrêt attaqué, relative au caractère limité dans le temps de la décision Alumix, est fondée sur certaines constatations. Tout d’abord, au point 105 de cet arrêt, le Tribunal a constaté que, dans la décision Alumix, la Commission s’est prononcée sur le tarif de fourniture d’électricité qu’ENEL facturerait aux usines d’Alcoa de 1996 à 2005. Ensuite, à ce même point, le Tribunal a relevé que, si la décision Alumix ne mentionnait pas le décret-loi de 1995, dont l’article 2 fixait la durée du tarif prévu par la décision n° 13/92 du CIP, Alcoa s’était néanmoins expressément référée à ce décret-loi dans sa requête, et il a estimé opportun d’en citer un passage qui reflétait les observations de cette dernière. Aux termes de ce passage, la privatisation d’Alumix SpA nécessitait le soutien du gouvernement italien pour la définition avec ENEL d’un tarif de l’énergie électrique relatif aux deux usines en cause, en définissant éventuellement pour l’avenir un contrat à long terme (dix ans) à des prix concurrentiels au niveau européen. Le Tribunal poursuit cette citation en ajoutant que le traitement des surcharges prévues par la décision n° 13/92 du CIP était supprimé à compter du 31 décembre 2005 et que, après cette date, le traitement serait aligné sur celui de l’ensemble des utilisateurs. Enfin, le Tribunal a relevé, aux points 14 et 65 de l’arrêt attaqué, que le tarif d’électricité facturé aux deux usines d’Alcoa a été prorogé par le décret-loi de 2005 jusqu’au 31 décembre 2010.

41      Alcoa ne remet pas en cause ces constatations et ne soutient pas que le Tribunal aurait dénaturé les faits.

42      Il y a lieu de souligner que, en l’absence de dénaturation des faits par le Tribunal, celui-ci était compétent pour les apprécier de manière souveraine. Il a pu ainsi, sans commettre d’erreur de droit, constater, au point 106 de l’arrêt attaqué, que l’appréciation de la Commission relative au tarif d’électricité en cause pour la période allant de 1996 à 2005 avait été formulée en ayant égard aux conditions du marché telles qu’elles pouvaient être envisagées par la Commission pour cette période. C’est également sans commettre d’erreur de droit que le Tribunal a pu, au point 107 de cet arrêt, entériner le point de vue de la Commission en reprenant les termes utilisés par celle-ci dans la décision litigieuse, à savoir que son approbation dudit tarif dans la décision Alumix était limitée dans le temps justement parce qu’elle reposait sur une appréciation économique des circonstances existant à un moment donné et que, par conséquent, elle ne pouvait être invoquée pour couvrir l’extension de la mesure prévue par le décret-loi de 2005.

43      Il y a lieu par conséquent de rejeter la quatrième branche du premier moyen ainsi que la deuxième branche du second moyen.

 Sur l’argument relatif à l’absence de modifications substantielles du tarif d’électricité examiné dans la décision Alumix, développé dans la quatrième branche du premier moyen et dans la troisième branche du second moyen

 Argumentation des parties

44      Alcoa soutient que le Tribunal a écarté à tort comme non fondé son argument selon lequel les modifications apportées à la gestion du tarif d’électricité en 1999 et en 2004 étaient non pas substantielles, mais purement techniques. Elle estime que le remboursement effectué par ENEL et le transfert de la gestion du tarif à la Caisse de péréquation n’altéraient pas l’analyse menée dans la décision Alumix, selon laquelle le tarif en cause ne constituait pas une aide. Ces modifications porteraient uniquement sur la façon dont le tarif est octroyé et par qui, tandis que le niveau de tarif, qui constitue la question cruciale, n’aurait jamais été modifié.

45      La Commission rétorque que le passage d’une situation dans laquelle Alcoa payait son fournisseur conformément au tarif préférentiel approuvé par la décision Alumix à une situation dans laquelle Alcoa paie un prix librement fixé par son fournisseur avant d’être remboursée par la Caisse de péréquation en vue de ramener ses coûts nets au niveau dudit tarif préférentiel ne saurait être simplement qualifié de modifications techniques.

 Appréciation de la Cour

46      Aux points 64 et 65 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a relevé que, pour conclure provisoirement à l’existence d’un avantage en faveur d’Alcoa, la Commission s’était fondée, d’une part, sur la prorogation jusqu’en 2010 du tarif visé par le décret-loi de 1995, sous réserve d’une possible augmentation jusqu’à 4 % au maximum, et, d’autre part, sur le transfert de la gestion de ce tarif à la Caisse de péréquation, qui remboursait directement à Alcoa la différence entre le tarif d’électricité facturé à ses usines et le tarif visé par ce décret-loi. Ces deux constatations factuelles, relatives aux modifications introduites par l’article 11, paragraphe 11, du décret-loi de 2005 ainsi que par les décisions de l’Autorité pour l’énergie électrique et le gaz n° 148/04, du 9 août 2004, et n° 217/05, du 13 octobre 2005, ne sont pas contestées par Alcoa.

47      Au point 68 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a relevé que ce mécanisme de remboursement touchait à la nature même du tarif préférentiel dont bénéficiait Alcoa et que, dès lors, la Commission était fondée à ne pas exclure qu’il entraîne l’octroi d’un avantage, l’une des conditions permettant de définir une aide au sens de l’article 87, paragraphe 1, CE.

48      Cette appréciation du Tribunal reflète l’approche de la Cour selon laquelle le mode de financement d’une aide peut rendre l’ensemble du régime d’aide incompatible avec le marché commun, obligeant, dans un tel cas, à examiner l’aide en prenant en considération les effets de son financement (voir arrêt du 21 octobre 2003, van Calster e.a., C‑261/01 et C‑262/01, Rec. p. I‑12249, point 49).

49      En l’espèce, le Tribunal a constaté, aux points 107 et 131 de l’arrêt attaqué, qu’il ressortait de la décision litigieuse que le mécanisme de financement du tarif visé dans le décret-loi de 2005 comparé au tarif visé par le décret-loi de 1995 impliquait le passage d’un tarif de marché à un tarif faisant l’objet d’une réduction financée au moyen de ressources d’État.

50      Compte tenu des conséquences éventuelles, mises en évidence dans la décision litigieuse, des modifications du mécanisme de financement au regard des règles sur les aides d’État, il y a lieu de constater que le Tribunal n’a pas commis d’erreur de droit en considérant, au point 130 de l’arrêt attaqué, que la mesure examinée dans la décision litigieuse était distincte de celle examinée dans la décision Alumix et en écartant comme non fondé, au point 134 de cet arrêt, l’argument d’Alcoa selon lequel ces modifications étaient non substantielles.

51      Partant, l’argument d’Alcoa développé dans la quatrième branche du premier moyen et dans la troisième branche du second moyen, relatif au caractère non substantiel des modifications visées, doit être rejeté comme non fondé.

52      Il convient d’examiner les premier et second moyens à la lumière de ces constatations.

 Sur le premier moyen, tiré d’une prise en compte insuffisante de la décision Alumix

53      Par son premier moyen, Alcoa tend à voir juger que le Tribunal a commis une erreur de droit en considérant que la Commission pouvait ouvrir une procédure formelle d’examen sans rechercher si les conclusions figurant dans la décision Alumix étaient devenues caduques. Ce moyen est divisé en six branches. Par la première branche, Alcoa reproche au Tribunal d’avoir limité son contrôle à l’erreur manifeste, s’agissant de la qualification de la mesure en cause d’aide d’État. La deuxième branche est tirée d’une méconnaissance de la jurisprudence et des principes de sécurité juridique et de protection de la confiance légitime. La troisième branche tend à voir juger que les deux principaux éléments sur lesquels le Tribunal s’est fondé pour conclure que la Commission était habilitée à ouvrir une procédure formelle d’examen sont insuffisants. La quatrième branche, relative à la portée dans le temps de la décision Alumix, a été rejetée comme non fondée au point 43 du présent arrêt. La cinquième branche est tirée d’une violation des principes de bonne administration et du droit d’être entendu. Enfin, la sixième branche est tirée d’une méconnaissance de la portée de l’obligation de motivation.

 Sur la première branche du premier moyen, tirée d’un contrôle du Tribunal limité, à tort, à l’erreur manifeste

–       Argumentation des parties

54      Dans le cadre de la première branche du premier moyen, Alcoa fait valoir que le Tribunal a commis une erreur de droit, en particulier au point 61 de l’arrêt attaqué, en limitant son contrôle de la décision litigieuse à l’erreur manifeste en ce qui concerne la qualification de la mesure en cause d’aide d’État. Le Tribunal aurait ainsi renoncé à exercer un contrôle juridictionnel dans une situation où la protection juridictionnelle est essentielle pour protéger les entreprises contre des procédures formelles d’examen abusives.

55      Alcoa souligne la différence entre l’ouverture d’une procédure formelle d’examen à l’encontre de mesures à l’égard desquelles il a été spécifiquement conclu qu’elles ne constituaient pas une aide et celle portant sur des mesures n’ayant pas fait l’objet d’une telle conclusion. Elle prétend que, dans le premier cas, la Commission est soumise à des obligations renforcées en matière d’examen préliminaire et de motivation en vue de justifier l’ouverture d’une procédure formelle d’examen.

56      La Commission rétorque que, selon elle, le Tribunal a appliqué le niveau de contrôle adéquat, à savoir celui qui s’applique à une décision provisoire.

–       Appréciation de la Cour

57      Il y a lieu de rappeler que la phase préliminaire d’examen des aides instituée par l’article 88, paragraphe 3, CE et régie par les articles 4 et 5 du règlement n° 659/1999 a pour objet de permettre à la Commission de se former une première opinion sur la compatibilité partielle ou totale de l’aide en cause avec le marché commun. Cette phase se distingue de la phase d’examen visée à l’article 88, paragraphe 2, CE et régie par les articles 6 et 7 dudit règlement, qui est destinée à permettre à la Commission d’avoir une information complète sur l’ensemble des données de l’affaire (voir arrêt du 15 avril 2008, Nuova Agricast, C‑390/06, Rec. p. I‑2577, point 57).

58      Ainsi qu’il ressort de l’article 6 du règlement n° 659/1999, la décision d’ouvrir la procédure formelle d’examen inclut une évaluation préliminaire, par la Commission, de la mesure proposée visant à déterminer si elle présente le caractère d’une aide, et expose les raisons qui incitent à douter de sa compatibilité avec le marché commun.

59      À cet égard, il y a lieu de constater que le Tribunal a correctement rappelé le rôle de la phase préliminaire, aux points 58 à 60 de l’arrêt attaqué, en soulignant qu’elle se distinguait de la procédure formelle d’examen.

60      Le Tribunal a notamment rappelé, à juste titre, au point 58 de l’arrêt attaqué, que la Commission est tenue d’ouvrir la procédure formelle d’examen si, lors d’un premier examen, elle n’a pas été en mesure d’acquérir la conviction que la mesure concernée est compatible avec le marché commun.

61      Le Tribunal en a correctement déduit, au point 61 de l’arrêt attaqué, que le contrôle de légalité exercé par le Tribunal d’une décision d’ouvrir la procédure formelle d’examen doit nécessairement être limité et conclu, à bon droit, au point 62 dudit arrêt, que, dans le cadre d’un recours introduit contre une telle décision, lorsque les parties requérantes contestent l’appréciation de la Commission quant à la qualification de la mesure litigieuse d’aide d’État, le contrôle du juge de l’Union est limité à la vérification du point de savoir si la Commission n’a pas commis d’erreurs manifestes d’appréciation.

62      L’argument d’Alcoa selon lequel le Tribunal aurait dû se livrer à une analyse plus approfondie et ne pas limiter son contrôle à l’erreur manifeste d’appréciation, dans la présente espèce, en raison de l’existence de la décision antérieure de la Commission relative à Alcoa, à savoir la décision Alumix, ne saurait prospérer dès lors que, ainsi qu’il a été relevé au point 50 du présent arrêt, le Tribunal a correctement jugé que la mesure en cause dans la décision litigieuse constituait une mesure distincte de celle examinée dans la décision Alumix.

63      Il s’ensuit que la première branche du premier moyen doit être rejetée comme non fondée.

 Sur la deuxième branche du premier moyen, tirée d’une méconnaissance de la jurisprudence et des principes de sécurité juridique et de protection de la confiance légitime

–       Argumentation des parties

64      Indépendamment de la norme de contrôle applicable, Alcoa fait valoir, par la deuxième branche du premier moyen, que le Tribunal a commis une erreur de droit en ne tenant pas compte de la jurisprudence et des principes de sécurité juridique et de protection de la confiance légitime qui imposaient de tenir compte de ses décisions antérieures dans la même affaire.

65      Selon Alcoa, il résulte de l’arrêt du 5 octobre 1994, Italie/Commission (C‑47/91, Rec. p. I‑4635), qu’il incombait à la Commission de tenir compte de la décision Alumix et de réexaminer si les facteurs sur lesquels cette décision se fondait avaient ou non changé. Le Tribunal aurait commis une erreur de droit, au point 70 de l’arrêt attaqué, en estimant que la Commission n’était pas tenue de déterminer «si les critères sur la base desquels [elle] s’était appuyée pour conclure à l’absence d’un avantage dans la décision Alumix étaient encore valables». Alcoa ajoute, en se fondant sur l’arrêt du 22 juin 2006, Belgique et Forum 187/Commission (C‑182/03 et C‑217/03, Rec. p. I‑5479), qu’elle était en droit de se fier à la présomption selon laquelle les conclusions de la Commission dans la décision Alumix ne changeraient pas tant que les faits sur lesquels elle était fondée restaient valables.

66      La Commission soutient qu’il n’existait pas d’obligation de tenir compte de la décision Alumix.

–       Appréciation de la Cour

67      La Cour a jugé, au point 24 de l’arrêt Italie/Commission, précité, que, lorsque la Commission est confrontée à une aide individuelle dont il est soutenu qu’elle a été octroyée en application d’un régime préalablement autorisé, elle ne peut d’emblée l’examiner directement par rapport au traité. Elle doit se borner d’abord, avant l’ouverture de toute procédure, à contrôler si l’aide est couverte par le régime général et satisfait aux conditions fixées dans la décision d’approbation de celui-ci. Si elle ne procédait pas de la sorte, la Commission pourrait, lors de l’examen de chaque aide individuelle, revenir sur sa décision d’approbation du régime d’aides et porter atteinte aux principes de protection de la confiance légitime et de sécurité juridique.

68      Il y a lieu, toutefois, de constater que, dans la présente affaire, contrairement à la mesure visée dans l’arrêt Italie/Commission, précité, la mesure en cause n’est pas une aide individuelle qui s’inscrirait dans le cadre d’un régime général d’aides. Ainsi qu’il a été relevé au point 50 du présent arrêt, la mesure en cause est distincte de celle examinée dans la décision antérieure de la Commission, à savoir la décision Alumix.

69      Il en résulte que les considérations figurant dans l’arrêt Italie/Commission, précité, relatives aux aides individuelles prises dans le cadre d’un régime général d’aides, ne sont pas pertinentes.

70      Alcoa s’appuie ensuite sur l’arrêt Belgique et Forum 187/Commission, précité, pour soutenir que, en application des principes de sécurité juridique et de protection de la confiance légitime, elle pouvait s’attendre à ce que la Commission maintienne ses conclusions contenues dans la décision Alumix.

71      Selon une jurisprudence constante, le principe de sécurité juridique implique que la législation de l’Union soit certaine et que son application soit prévisible pour les justiciables (voir, notamment, arrêts Belgique et Forum 187/Commission, précité, point 69, ainsi que du 14 octobre 2010, Nuova Agricast et Cofra/Commission, C‑67/09 P, non encore publié au Recueil, point 77). Quant au droit de se prévaloir du principe de protection de la confiance légitime, il s’étend à tout justiciable dans le chef duquel une institution de l’Union européenne a fait naître des espérances fondées du fait d’assurances précises qu’elle lui aurait fournies. Toutefois, lorsqu’un opérateur économique prudent et avisé est en mesure de prévoir l’adoption d’une mesure de l’Union de nature à affecter ses intérêts, il ne saurait invoquer le bénéfice de ce principe lorsque cette mesure est adoptée (voir arrêts Belgique et Forum 187/Commission, précité, point 147; du 17 septembre 2009, Commission/Koninklijke FrieslandCampina, C‑519/07 P, Rec. p. I‑8495, point 84, ainsi que du 16 décembre 2010, Kahla Thüringen Porzellan/Commission, C‑537/08 P, non encore publié au Recueil, point 63).

72      Il ressort du point 71 de l’arrêt Belgique et Forum 187/Commission, précité, que la mesure en cause dans cet arrêt avait fait l’objet d’un changement d’appréciation de la part de la Commission sur le seul fondement d’une application plus rigoureuse des règles du traité en matière d’aides d’État. Aux points 161 et 167 dudit arrêt, la Cour a jugé que les requérantes pouvaient s’attendre à ce qu’une décision de la Commission revenant sur son appréciation antérieure leur accorde le temps nécessaire pour prendre effectivement en compte ce changement d’appréciation et a conclu que le moyen tiré de la violation du principe de protection de la confiance légitime était fondé.

73      Cette jurisprudence n’est toutefois pas applicable au cas d’espèce, dans la mesure où, ainsi que le Tribunal l’a correctement jugé au point 107 de l’arrêt attaqué, la Commission ne remet pas en cause dans la décision litigieuse son appréciation de la mesure examinée dans la décision Alumix. Le Tribunal a fait ressortir, à juste titre, à ce même point, que la Commission a nourri des doutes à l’égard du tarif d’électricité visé par le décret-loi de 2005 en raison, d’une part, de la limitation dans le temps de ses conclusions dans la décision Alumix, celles-ci étant liées aux circonstances existant à un moment donné, et, d’autre part, des modifications que le tarif visé dans cette décision a subies.

74      Par conséquent, la décision Alumix n’a pu faire naître une confiance légitime dans l’extension des conclusions de la Commission contenues dans cette décision au tarif prévu dans le décret-loi de 2005.

75      Il s’ensuit que le Tribunal n’a pas porté atteinte à la confiance légitime d’Alcoa en considérant, au point 70 de l’arrêt attaqué, que la Commission n’avait pas à vérifier si les critères sur la base desquels elle s’était appuyée pour conclure à l’absence d’un avantage dans la décision Alumix étaient encore valables.

76      S’agissant de l’allégation relative à l’existence d’une atteinte au principe de sécurité juridique, il convient de constater qu’Alcoa s’est bornée à soulever ce principe sans identifier les motifs de l’arrêt attaqué ou l’analyse du Tribunal qui y porteraient atteinte. Cette allégation doit, dès lors, être écartée.

77      Il y a lieu par conséquent de rejeter la deuxième branche du premier moyen.

 Sur la troisième branche du premier moyen, relative à l’insuffisance des éléments pris en compte pour justifier l’ouverture d’une procédure formelle d’examen

–       Argumentation des parties

78      Par la troisième branche du premier moyen, Alcoa fait valoir que le Tribunal a commis une erreur de droit, aux points 67 et 68 de l’arrêt attaqué, en se fondant essentiellement sur deux éléments pour conclure que la Commission était habilitée à ouvrir une procédure formelle d’examen à l’encontre des tarifs de fourniture d’électricité qui lui ont été consentis. Ces deux éléments sont, d’une part, le financement de ces tarifs par des ressources d’État et, d’autre part, le remboursement en faveur d’Alcoa au moyen du mécanisme appliqué par la Caisse de péréquation, lequel conduit à une réduction du tarif de fourniture d’électricité final qu’Alcoa devrait acquitter si elle ne bénéficiait pas dudit mécanisme. Alcoa soutient que ces deux éléments sont insuffisants dès lors qu’ils existaient déjà au moment de la décision Alumix et qu’ils n’avaient pas empêché la Commission de conclure à l’absence d’aide. Elle souligne à cet égard, premièrement, que les tarifs préférentiels dont elle bénéficiait à l’époque étaient imposés à ENEL par l’État, qui détenait cette dernière à 100 %, et étaient donc financés par lui, et, deuxièmement, que ces tarifs entraînaient, de façon purement formelle, une «réduction» des tarifs généralement applicables.

79      La Commission estime que, par cette troisième branche, Alcoa ne fait que réitérer d’autres arguments.

–       Appréciation de la Cour

80      Il y a lieu de constater que, dans sa présentation des aspects qu’elle estime communs aux tarifs fondés sur le décret-loi de 1995 et à ceux fondés sur le décret-loi de 2005, Alcoa omet de mentionner les changements, non contestés, qui ont été apportés aux premiers en 1999 et en 2004.

81      Elle s’abstient ainsi d’indiquer que, comme il ressort des points 15, 65 et 66 de l’arrêt attaqué, le tarif qui lui était facturé en vertu du décret-loi de 1995 a été remplacé par un tarif dont le montant a été réduit au moyen d’un remboursement financé par une taxe parafiscale gérée par la Caisse de péréquation.

82      Or, compte tenu de la pertinence de ces caractéristiques dans la qualification d’une aide, ainsi qu’il a été rappelé au point 50 du présent arrêt, le Tribunal n’a pas commis d’erreur de droit en soulignant celles-ci.

83      Le Tribunal a ainsi correctement jugé, au point 68 de l’arrêt attaqué, que la seule constatation du mécanisme de remboursement en cause justifie que la Commission ne puisse exclure, dans le cadre de la phase préliminaire, qu’Alcoa bénéficiait d’un avantage au sens de l’article 87, paragraphe 1, CE.

84      En outre, c’est à bon droit que le Tribunal a relevé, au point 58 de l’arrêt attaqué, que, si un premier examen ne permet pas à la Commission de surmonter toutes les difficultés soulevées par la question de savoir si la mesure examinée constitue une aide au sens de l’article 87, paragraphe 1, CE, celle-ci est tenue d’ouvrir la procédure formelle d’examen, à tout le moins lorsque, lors de ce premier examen, elle n’a pas été en mesure d’acquérir la conviction que la mesure concernée, à supposer qu’elle constitue une aide, est en tout état de cause compatible avec le marché commun (voir également, par analogie, arrêts du 2 avril 1998, Commission/Sytraval et Brink’s France, C-367/95 P, Rec. p. I‑1719, point 39 et jurisprudence citée, ainsi que du 2 avril 2009, Bouygues et Bouygues Télécom/Commission, C‑431/07 P, Rec. p. I‑2665, point 61). Dans ces conditions, le Tribunal, au point 70 de l’arrêt attaqué, a valablement pu conclure, en substance, en renvoyant notamment audit point 58, que la question de savoir si le tarif octroyé aux usines constituait ou non un tarif de marché nécessitait une appréciation économique complexe soulevant des doutes qui seraient le plus utilement abordés dans le cadre de la procédure formelle d’examen.

85      Il y a lieu par conséquent de rejeter la troisième branche du premier moyen comme non fondée.

 Sur la cinquième branche du premier moyen, tirée d’une violation des principes de bonne administration et du droit d’être entendu

–       Argumentation des parties

86      Alcoa fait valoir que la République italienne n’a pas eu la possibilité de présenter ses observations sur la qualification de la mesure en cause d’aide nouvelle durant la phase préliminaire d’examen et que le Tribunal a commis une erreur de droit en omettant de reconnaître que la Commission avait ainsi violé les principes de bonne administration et du droit d’être entendu.

87      La Commission soutient qu’Alcoa soulève par là même un moyen nouveau qu’elle n’a pas invoqué devant le Tribunal et qui, dès lors, est irrecevable. Elle fait valoir, en outre, que, en tout état de cause, la République italienne a été entendue sur la qualification de la mesure en cause d’aide nouvelle, ainsi qu’il ressort du point 40 de l’arrêt attaqué.

–       Appréciation de la Cour

88      Il importe de rappeler que, dans le cadre d’un pourvoi, la compétence de la Cour est, en principe, limitée à l’appréciation de la solution légale qui a été donnée aux moyens débattus devant les juges du fond (voir, notamment, arrêt du 1er février 2007, Sison/Conseil, C‑266/05 P, Rec. p. I‑1233, point 95 et jurisprudence citée). Une partie ne peut donc pas, en principe, soulever pour la première fois devant la Cour un moyen qu’elle n’a pas invoqué devant le Tribunal dans la mesure où cela reviendrait à permettre à la Cour de contrôler la légalité de la solution retenue par le Tribunal eu égard à des moyens dont ce dernier n’a pas eu à connaître.

89      À cet égard, il ressort de l’arrêt attaqué que la problématique soulevée par Alcoa dans la cinquième branche du premier moyen n’a pas fait l’objet d’un examen par le Tribunal à la suite d’un argument qu’elle aurait soulevé devant lui.

90      Le Tribunal a, certes, examiné, aux points 39 et 40 de l’arrêt attaqué, si la République italienne avait pris position sur la qualification de la mesure en cause d’aide nouvelle, mais il s’est livré à cet examen dans le cadre de l’analyse d’un argument de la Commission tendant à faire reconnaître l’irrecevabilité de la requête en première instance au motif que la République italienne ne se serait pas opposée suffisamment clairement à cette qualification.

91      Il convient donc de constater que la cinquième branche du premier moyen est irrecevable.

 Sur la sixième branche du premier moyen, tirée d’une méconnaissance de la portée de l’obligation de motivation

–       Argumentation des parties

92      Par la sixième branche du premier moyen, Alcoa soutient que le Tribunal a méconnu la portée de l’obligation de motivation qui incombait à la Commission. Compte tenu des conséquences irréversibles de l’ouverture de la procédure formelle d’examen et de l’existence, en l’occurrence, d’une décision antérieure de la Commission, à savoir la décision Alumix, le Tribunal aurait affirmé à tort que le fait d’opérer une distinction entre cette décision et la décision litigieuse n’avait pas besoin d’être motivé. Cette insuffisance de motivation aurait rendu difficile l’analyse juridique et le contrôle de la décision litigieuse. Alcoa soutient que la décision litigieuse aurait dû contenir une évaluation significative préliminaire des éventuels changements économiques par rapport à la décision Alumix.

93      La Commission considère que cette branche doit être rejetée comme non fondée.

–       Appréciation de la Cour

94      Contrairement à l’allégation d’Alcoa, le Tribunal n’a pas affirmé, dans l’arrêt attaqué, que le fait d’opérer une distinction entre la décision Alumix et la décision litigieuse n’avait pas besoin d’être motivé.

95      S’agissant du reproche portant sur une méconnaissance de la portée de l’obligation de motivation, il semble que, par ce reproche, Alcoa vise les points 78 à 89 de l’arrêt attaqué. Parmi ceux-ci, il apparaît, ainsi que M. l’avocat général l’a relevé au point 127 de ses conclusions, qu’Alcoa vise plus particulièrement le point 88 de cet arrêt, où le Tribunal a rejeté son argument selon lequel la Commission aurait manqué à son obligation de motiver la décision litigieuse au regard des critères appliqués dans la décision Alumix.

96      Selon une jurisprudence constante, la motivation exigée par l’article 253 CE doit être adaptée à la nature de l’acte en cause et doit faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de l’institution, auteur de l’acte, de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise et à la juridiction compétente d’exercer son contrôle. L’exigence de motivation doit être appréciée en fonction des circonstances de l’espèce, notamment du contenu de l’acte, de la nature des motifs invoqués et de l’intérêt que les destinataires ou d’autres personnes directement et individuellement concernées par l’acte peuvent avoir à recevoir des explications (voir, notamment, arrêt du 2 décembre 2009, Commission/Irlande e.a., C‑89/08 P, Rec. p. I‑11245, point 77 et jurisprudence citée).

97      Il convient de relever, comme Alcoa elle-même le reconnaît, que, au point 78 de l’arrêt attaqué, le Tribunal s’est correctement référé à l’obligation de motivation visée à l’article 253 CE et aux exigences qu’elle implique.

98      Alcoa reproche toutefois au Tribunal de ne pas avoir reconnu l’insuffisance de motivation de la décision litigieuse au regard de la décision Alumix. Selon Alcoa, la Commission aurait dû expliquer en quoi la décision litigieuse était distincte de la décision Alumix.

99      Il y a lieu de constater que ce reproche est fondé sur la prémisse selon laquelle la décision litigieuse avait pour objet le même tarif que celui examiné dans la décision Alumix, rendant nécessaire un examen détaillé des éléments conduisant à une conclusion différente.

100    Or, ainsi qu’il a été constaté au point 50 du présent arrêt, le Tribunal n’a pas commis d’erreur en considérant, au point 130 de l’arrêt attaqué, que la mesure examinée dans la décision litigieuse était distincte de celle examinée dans la décision Alumix.

101    Il s’ensuit, ainsi qu’il ressort du point 88 de l’arrêt attaqué, qu’un examen détaillé des appréciations économiques de la Commission dans la décision Alumix et des raisons pour lesquelles cette décision n’était plus applicable n’était pas nécessaire.

102    S’agissant d’une phase préliminaire d’examen d’une mesure qui n’avait pas fait l’objet d’un examen antérieur, le Tribunal a correctement jugé, au point 79 de l’arrêt attaqué, que la Commission pouvait se limiter à récapituler les éléments pertinents de fait et de droit, à inclure une évaluation provisoire de la mesure étatique en cause visant à déterminer si elle présente le caractère d’une aide et à exposer les raisons qui incitent à douter de sa compatibilité avec le marché commun.

103    Par conséquent, le Tribunal n’a pas commis d’erreur de droit en jugeant, aux points 81 et 82 de l’arrêt attaqué, que la Commission avait suffisamment motivé la décision litigieuse en exposant clairement les motifs pour lesquels elle avait conclu, à titre provisoire, que la mesure en cause constituait une aide et qu’elle avait un doute sérieux quant à sa compatibilité avec le marché commun.

104    Il y a lieu dès lors de rejeter la sixième branche du premier moyen comme non fondée.

105    Aucun des arguments soulevés par Alcoa n’étant accueilli dans le cadre de son premier moyen, il convient de rejeter celui-ci dans son ensemble.

 Sur le second moyen, tiré d’une application erronée de la procédure relative aux aides nouvelles

106    Le second moyen est divisé en quatre branches. La première branche est tirée d’une application erronée de la jurisprudence relative à la prorogation dans le temps d’une aide compatible avec le marché commun. Par la deuxième branche, examinée aux points 37 à 43 du présent arrêt, Alcoa reproche au Tribunal d’avoir mal interprété la portée dans le temps de la décision Alumix. La troisième branche vise à faire juger que le Tribunal a commis une erreur de droit en se fondant sur les modifications techniques intervenues en 1999 et en 2004 pour confirmer l’application de la procédure relative aux aides nouvelles. La quatrième branche est tirée d’une atteinte aux principes de sécurité juridique et de protection de la confiance légitime.

 Sur la première branche du second moyen, tirée d’une application erronée de la jurisprudence relative à la prorogation dans le temps d’une aide compatible avec le marché commun

–       Argumentation des parties

107    Alcoa soutient que le Tribunal a commis une erreur de droit en considérant, au point 128 de l’arrêt attaqué, que son arrêt du 6 mars 2002, Diputación Foral de Álava e.a./Commission (T‑127/99, T‑129/99 et T‑148/99, Rec. p. II‑1275), était applicable et permettait de considérer qu’une prorogation dans le temps pouvait, à elle seule, transformer une mesure en aide nouvelle. Alcoa souligne que cet arrêt concernait une aide jugée compatible avec le marché commun. Or, il existerait une différence fondamentale entre une mesure qui a été qualifiée d’aide compatible avec le marché commun et une mesure qui a été considérée comme ne constituant pas une aide. Dans le cas d’une aide compatible avec le marché commun, la limitation dans le temps serait l’une des raisons pour lesquelles il est possible de conclure à la compatibilité de cette aide. Sa prorogation ne pourrait donc que transformer la mesure concernée en aide nouvelle. En revanche, lorsqu’il a été conclu à l’absence d’aide, la modification des conditions du marché pourrait transformer la mesure en aide, mais la prorogation de la mesure en tant que telle ne pourrait produire cet effet. Dans de telles circonstances, l’article 1er, sous b), v), du règlement n° 659/1999 imposerait de traiter la mesure comme une aide existante, plutôt que comme une aide nouvelle.

108    La Commission rétorque que le Tribunal n’a pas commis d’erreur en reconnaissant que la prorogation du tarif visé dans le décret-loi de 1995 justifiait de considérer la mesure en cause comme une aide nouvelle.

–       Appréciation de la Cour

109    Il y a lieu de constater que l’arrêt Diputación Foral de Álava e.a./Commission, précité, concernait une aide instituée avant l’entrée de l’État membre concerné dans le marché commun et constituait par conséquent une aide existante. Le Tribunal a jugé dans cet arrêt que, en raison de la modification de la durée de cette aide, laquelle avait été prorogée, celle-ci devait être considérée comme une aide nouvelle.

110    Il ne découle toutefois pas de cette jurisprudence du Tribunal, relative à la prorogation d’une mesure constituant une aide existante, qu’elle puisse être étendue à une mesure qui, en revanche, a été considérée comme ne constituant pas une aide. La seule circonstance qu’une telle mesure continue d’être mise en œuvre, le cas échéant à la suite d’une prorogation de l’acte juridique qui l’a instituée, ne saurait la transformer en aide d’État.

111    Toutefois, le Tribunal n’affirme pas que la seule prorogation d’une mesure considérée par la Commission comme ne constituant pas une aide transforme celle-ci en aide nouvelle. Il indique simplement, au point 129 de l’arrêt attaqué, que l’examen par la Commission de la mesure prorogée ne pourrait avoir lieu que dans le cadre des aides nouvelles.

112    Il convient de constater que, en l’espèce, le Tribunal ne s’est pas fondé uniquement sur la prorogation, par le décret-loi de 2005, du tarif préférentiel octroyé à Alcoa pour considérer, au point 133 de l’arrêt attaqué, que la Commission n’avait pas commis d’erreur manifeste d’appréciation en examinant la mesure en cause sous l’angle des règles applicables aux aides nouvelles, mais qu’il a également mis l’accent, aux points 131 et 132 de cet arrêt, sur les modifications apportées à la substance même de cette mesure par la République italienne.

113    Il en résulte que l’article 1er, sous b), v), du règlement n° 659/1999, selon lequel constitue une aide existante toute aide qui est réputée existante parce qu’il peut être établi qu’elle ne constituait pas une aide au moment de sa mise en vigueur, mais qui est devenue une aide par la suite en raison de l’évolution du marché commun et sans avoir été modifiée par l’État membre, n’est pas applicable.

114    Dans ces conditions, et conformément à l’article 1er, sous c), du règlement n° 659/1999, dès lors que la Commission soupçonnait le tarif visé dans le décret-loi de 2005 de constituer une aide, elle devait l’examiner sous l’angle de la procédure applicable aux aides nouvelles.

115    Il y a lieu, par conséquent, de considérer que le Tribunal a correctement jugé, au point 133 de l’arrêt attaqué, que la Commission n’avait pas commis d’erreur manifeste d’appréciation en examinant la mesure en cause dans le cadre de la procédure applicable aux aides nouvelles et non dans le cadre de celle applicable aux aides existantes.

116    Il convient dès lors de rejeter la première branche du second moyen comme non fondée.

 Sur la troisième branche du second moyen, visant à faire juger que le Tribunal a commis une erreur de droit en se fondant sur les modifications techniques intervenues en 1999 et en 2004 pour confirmer l’application de la procédure relative aux aides nouvelles

–       Argumentation des parties

117    Alcoa soutient que le Tribunal a confirmé, à tort, le bien-fondé de l’application par la Commission de la procédure relative aux aides nouvelles au motif que les tarifs consentis à Alcoa consistaient non plus dans l’application par ENEL du tarif prévu par le décret-loi de 1995, mais dans l’octroi d’un remboursement par la Caisse de péréquation. Ce faisant, le Tribunal aurait étendu la portée de la décision litigieuse, laquelle était dirigée uniquement contre la prolongation de la durée des tarifs consentis à Alcoa, en application du décret-loi de 2005, et non contre ces modifications purement techniques intervenues en 1999 et en 2004.

118    Alcoa ajoute que la Commission était informée de ces modifications et ne s’y était pas opposée. La Commission se serait ainsi abstenue de mentionner dans la décision litigieuse que les modifications techniques intervenues en 1999 et en 2004 justifiaient un nouvel examen. Elle ne l’aurait pas davantage mentionné dans une autre décision faisant état du tarif préférentiel octroyé à Alcoa, à savoir la décision Portovesme. En outre, dans la décision du 1er décembre 2004 concernant l’aide d’État N/490/2000 – Italie, coûts échoués dans le secteur de l’électricité (JO 2005, C 250, p. 9, ci-après la «décision sur les coûts échoués»), la Commission aurait considéré que des tarifs, tels que ceux dont bénéficie Alcoa, constituent des charges générales, déjà couvertes par un régime d’aides existantes. Alcoa reproche ainsi au Tribunal d’avoir rejeté la décision sur les coûts échoués comme étant dénuée de pertinence et de s’être fondé sur lesdites modifications techniques pour justifier l’application par la Commission de la procédure relative aux aides nouvelles.

119    La Commission fait valoir qu’Alcoa nie le contenu même de la décision litigieuse en considérant qu’elle porte uniquement sur la prorogation du tarif prévu dans le décret-loi de 1995. Le Tribunal n’aurait pas étendu la portée de la décision litigieuse en jugeant que le passage d’un tarif réel, celui à la base de la décision Alumix, à un tarif théorique, examiné dans la décision litigieuse, constituait une modification substantielle. Par ailleurs, et contrairement aux allégations d’Alcoa, la Commission souligne qu’elle avait déjà contesté les modifications techniques de 1999 et de 2004, dans la décision Portovesme, précisément en ouvrant une procédure formelle d’examen dans l’affaire à la base de cette décision. S’agissant de la décision sur les coûts échoués, la Commission fait valoir qu’elle concerne les coûts échoués supportés par ENEL et n’est pas pertinente en ce qui concerne les avantages conférés à Alcoa en matière de tarif d’électricité.

–       Appréciation de la Cour

120    Les faits de l’affaire et la présentation de la décision litigieuse dans l’arrêt attaqué n’ont pas été contestés par Alcoa dans le cadre de son pourvoi. Elle a simplement apporté une précision, non contestée par la Commission et rappelée au point 14 du présent arrêt, selon laquelle les modifications apportées au tarif visé dans le décret-loi de 1995 sont intervenues en 1999, soit avant l’adoption du décret-loi de 2005.

121    Il ressort de la présentation de la décision litigieuse dans l’arrêt attaqué que celle-ci mentionne non seulement la prorogation du tarif visé dans le décret-loi de 1995, mais aussi les changements intervenus dans la gestion de ce tarif, à savoir le remboursement partiel du tarif facturé au moyen d’un prélèvement parafiscal et la gestion dudit tarif par la Caisse de péréquation.

122    Le Tribunal a relevé, au point 17 de l’arrêt attaqué, que ces changements ont conduit la Commission à considérer, aux points 40 à 46 des motifs de la décision litigieuse, qu’elle devait vérifier si le tarif préférentiel consenti à Alcoa constituait une aide d’État au regard de la réduction de tarif qu’il impliquait, de l’avantage économique qu’il représentait pour Alcoa, du financement de cette réduction au moyen de ressources d’État ainsi que des effets dudit tarif sur la concurrence et sur les échanges intracommunautaires.

123    Il s’ensuit que, en appréciant, au point 68 de l’arrêt attaqué, les conséquences au regard de la notion d’avantage que la Commission a tirées du remboursement de la différence entre le tarif facturé à ENEL et le tarif prorogé par le décret-loi de 2005, le Tribunal n’a pas étendu la portée de la décision litigieuse.

124    Il n’a pas non plus étendu la portée de cette décision en constatant, au point 132 de l’arrêt attaqué, que la mesure en cause consistait non plus dans l’application par ENEL du tarif prévu par le décret-loi de 1995, correspondant à un tarif de marché, mais dans l’octroi d’un remboursement par la Caisse de péréquation de ressources publiques afin de compenser la différence entre le tarif facturé par ENEL et celui visé par le décret-loi de 1995, tel que prorogé par le décret-loi de 2005.

125    Les arguments d’Alcoa selon lesquels, premièrement, lesdites modifications étaient intervenues avant le décret-loi de 2005 et, deuxièmement, la Commission en avait eu connaissance et ne s’y était pas opposée ne sauraient faire obstacle à ce que cette institution les examine dans le cadre des aides nouvelles, telles que définies à l’article 1er, sous c), du règlement n° 659/1999. En effet, la Cour a précédemment jugé que la notion d’aide, existante ou nouvelle, répond à une situation objective et ne saurait dépendre du comportement ou des déclarations des institutions (voir arrêt Commission/Irlande e.a., précité, point 72).

126    En ce qui concerne la pertinence de la décision sur les coûts échoués, il convient de constater que le Tribunal a relevé à juste titre, au point 113 de l’arrêt attaqué, qu’elle concernait non pas le remboursement en faveur des usines d’Alcoa, mais le régime par lequel ENEL était remboursé de ses coûts échoués résultant de la libéralisation du marché de l’électricité.

127    Par ailleurs, c’est également à bon droit que le Tribunal a ajouté, en substance, au point 114 de l’arrêt attaqué, que, à supposer même que la Commission ait été informée, dans le cadre de la procédure relative à la décision sur les coûts échoués, du régime dont bénéficiaient les usines d’Alcoa, cette dernière n’aurait pu, en l’absence d’assurances précises que la Commission lui aurait données, en tirer aucune certitude que la prorogation du tarif préférentiel ne constituerait pas une aide nouvelle.

128    Il s’ensuit que le Tribunal n’a pas commis d’erreur dans son appréciation de l’impact de la décision sur les coûts échoués sur la décision litigieuse, aux points 112 à 114 de l’arrêt attaqué, et en jugeant, au point 112 dudit arrêt, que l’argument d’Alcoa était inopérant.

129    Il y a lieu par conséquent de rejeter la troisième branche du second moyen comme non fondée.

 Sur la quatrième branche du second moyen, tirée d’une atteinte aux principes de sécurité juridique et de protection de la confiance légitime

–       Argumentation des parties

130    Par la quatrième branche du second moyen, Alcoa soutient que, en confirmant l’application par la Commission de la procédure relative aux aides nouvelles, le Tribunal a méconnu les principes de sécurité juridique et de protection de la confiance légitime. Compte tenu de la constatation antérieure de la Commission, selon laquelle le tarif dont bénéficiait Alcoa ne constituait pas une aide, la Commission aurait dû, à tout le moins, appliquer la procédure relative aux aides existantes. Alcoa cite à cet égard plusieurs décisions de la Commission et s’appuie sur la jurisprudence résultant de l’arrêt Belgique et Forum 187/Commission, précité.

131    La Commission rétorque que le Tribunal n’a pas méconnu les principes généraux du droit et qu’Alcoa se fonde une nouvelle fois sur la supposition erronée que l’article 11, paragraphe 11, du décret-loi de 2005 n’est que le prolongement de la mesure examinée dans la décision Alumix. Les décisions de la Commission auxquelles Alcoa se réfère ne seraient pas pertinentes, soit parce qu’elles concernent l’absence de possibilité de récupérer l’aide, une question qui n’a pas été soulevée dans le cadre du présent litige, soit parce qu’elles concernent la poursuite de régimes selon les mêmes modalités que celles fixées lors de leur approbation, ce qui ne serait pas le cas en l’espèce.

–       Appréciation de la Cour

132    Il y a lieu de constater que, par la quatrième branche du second moyen, Alcoa répète en substance les arguments qu’elle a développés dans le cadre de la deuxième branche du premier moyen tout en les appliquant à la procédure relative aux aides nouvelles.

133    Il convient de relever, d’une part, que le Tribunal a correctement cité, aux points 102 et 103 de l’arrêt attaqué, la jurisprudence pertinente rappelée au point 71 du présent arrêt.

134    D’autre part, pour les motifs développés aux points 71 à 75 du présent arrêt, les constatations de la Commission dans la décision Alumix ne pouvaient conduire Alcoa à croire de manière légitime que les conclusions de cette décision s’étendraient au tarif examiné dans la décision litigieuse.

135    Par conséquent, c’est à bon droit que le Tribunal a jugé, au point 108 de l’arrêt attaqué, que la décision Alumix n’avait pu créer chez Alcoa une confiance légitime en la pérennité des conclusions figurant dans cette décision. Le Tribunal en a déduit à juste titre, au point 109 du même arrêt, que la Commission n’avait pas enfreint le principe de protection de la confiance légitime en adoptant la décision litigieuse, laquelle repose sur la procédure relative aux aides nouvelles.

136    S’agissant de l’allégation d’une atteinte au principe de sécurité juridique, celle-ci doit être écartée pour la même raison que celle relevée au point 76 du présent arrêt.

137    Eu égard aux considérations qui précèdent, il y a lieu de rejeter la quatrième branche du second moyen ainsi que l’ensemble du second moyen.

138    Le pourvoi n’étant accueilli dans aucun de ses moyens, il y a lieu de le rejeter.

 Sur les dépens

139    Selon l’article 122, premier alinéa, du règlement de procédure, lorsque le pourvoi n’est pas fondé, la Cour statue sur les dépens. Aux termes de l’article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 118 de ce même règlement, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La Commission ayant conclu à la condamnation d’Alcoa et cette dernière ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de la condamner aux dépens de la présente instance.

Par ces motifs, la Cour (deuxième chambre) déclare et arrête:

1)      Le pourvoi est rejeté.

2)      Alcoa Trasformazioni Srl est condamnée aux dépens.

Signatures


* Langue de procédure: l’anglais.