Language of document : ECLI:EU:C:2011:581

ARRÊT DE LA COUR (première chambre)

15 septembre 2011 (*)

«Libre circulation des capitaux – Traitement fiscal des dividendes –Réglementation nationale conférant un avoir fiscal pour les dividendes distribués par les filiales résidentes d’une société mère – Refus de l’avoir fiscal pour les dividendes distribués par les filiales non-résidentes – Redistribution des dividendes par la société mère à ses actionnaires – Imputation de l’avoir fiscal sur le précompte dû par la société mère lors de la redistribution – Refus de restituer le précompte acquitté par la société mère – Enrichissement sans cause – Preuves exigées quant à l’imposition des filiales non-résidentes»

Dans l’affaire C-310/09,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 234 CE, introduite par le Conseil d’État (France), par décision du 3 juillet 2009, parvenue à la Cour le 4 août 2009, dans la procédure

Ministre du Budget, des Comptes publics et de la Fonction publique

contre

Accor SA,

LA COUR (première chambre),

composée de M. A. Tizzano, président de chambre, MM. M. Ilešič, E. Levits (rapporteur), M. Safjan et Mme M. Berger, juges,

avocat général: M. P. Mengozzi,

greffier: M. M.-A. Gaudissart, chef d’unité,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 27 octobre 2010,

considérant les observations présentées:

–        pour Accor SA, par Mes J.-P. Hordies, B. Boutemy et C. Smits, avocats,

–        pour le gouvernement français, par Mme E. Belliard, MM. G. de Bergues et J.-S. Pilczer ainsi que par Mme B. Beaupère-Manokha, en qualité d’agents,

–        pour le gouvernement du Royaume-Uni, par M. S. Hathaway, en qualité d’agent, assisté de M. K. Bacon, barrister,

–        pour la Commission européenne, par MM. R. Lyal et J.-P. Keppenne, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 22 décembre 2010,

rend le présent

Arrêt

1        La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation des articles 43 CE et 56 CE.

2        Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant le ministre du Budget, des Comptes publics et de la Fonction publique à Accor SA (ci-après «Accor») au sujet de la demande présentée par cette dernière en vue de la restitution du précompte mobilier versé au titre des années 1999 à 2001.

 Le cadre juridique

3        Dans sa version issue de la loi n° 88-1149, du 23 décembre 1988, de Finances pour 1989 (JORF du 28 décembre 1988, p. 16320), en vigueur jusqu’au 31 décembre 2000, l’article 145 du code général des impôts (ci-après le «CGI») précisait:

«1.      Le régime fiscal des sociétés mères, tel qu’il est défini aux articles 146 et 216, est applicable aux sociétés et autres organismes soumis à l’impôt sur les sociétés au taux normal qui détiennent des participations satisfaisant aux conditions ci-après:

[…]

b.      Lorsque le prix de revient de la participation détenue dans la société émettrice est inférieur à 150 millions de francs, les titres de participation doivent représenter au moins 10 % du capital de la société émettrice; ce prix de revient et ce pourcentage s’apprécient à la date de mise en paiement des produits de la participation. […]

[…]»

4        La loi n° 2000-1352, du 30 décembre 2000, de Finances pour 2001 (JORF du 31 décembre 2000, p. 21119), a modifié le seuil défini à l’article 145, paragraphe l, sous b), du CGI, lequel, dans sa version en vigueur du 1er janvier 2001 au 31 décembre 2005, précisait que les titres de participation doivent représenter au moins 5 % du capital de la société émettrice.

5        L’article 146, paragraphe 2, du CGI prévoyait, dans sa rédaction en vigueur pendant les années d’imposition en cause au principal:

«Lorsque les distributions auxquelles procède une société mère donnent lieu à l’application du précompte prévu à l’article 223 sexies, ce précompte est diminué, le cas échéant, du montant des crédits d’impôts qui sont attachés aux produits des participations [...], encaissés au cours des exercices clos depuis cinq ans au plus.»

6        Aux termes de l’article 158 bis, I, du CGI, dans sa rédaction en vigueur pendant les années d’imposition en cause au principal:

«Les personnes qui perçoivent des dividendes distribués par des sociétés françaises disposent à ce titre d’un revenu constitué:

a)      par les sommes qu’elles reçoivent de la société;

b)      par un avoir fiscal représenté par un crédit ouvert sur le Trésor.

Ce crédit d’impôt est égal à la moitié des sommes effectivement versées par la société.

Il ne peut être utilisé que dans la mesure où le revenu est compris dans la base de l’impôt sur le revenu dû par le bénéficiaire.

Il est reçu en paiement de cet impôt.

Il est restitué aux personnes physiques dans la mesure où son montant excède celui de l’impôt dont elles sont redevables.»

7        Aux termes de l’article 216, I, du même code:

«Les produits nets des participations, ouvrant droit à l’application du régime des sociétés mères […], touchés au cours d’un exercice par une société mère, peuvent être retranchés du bénéfice net total de celle-ci […]»

8        Dans sa version applicable aux distributions mises en paiement à compter du 1er janvier 1999, l’article 223 sexies, paragraphe l, premier alinéa, du CGI disposait:

«[…] lorsque les produits distribués par une société sont prélevés sur des sommes à raison desquelles elle n’a pas été soumise à l’impôt sur les sociétés au taux normal […], cette société est tenue d’acquitter un précompte égal au crédit d’impôt calculé dans les conditions prévues au 1 de l’article 158 bis. Le précompte est dû au titre des distributions ouvrant droit au crédit d’impôt prévu à l’article 158 bis quels qu’en soient les bénéficiaires.»

 Le litige au principal et les questions préjudicielles

9        Il ressort de la décision de renvoi qu’Accor a perçu, au cours des années 1998 à 2000, des dividendes versés par ses filiales établies dans d’autres États membres et que, lors de la redistribution de ces dividendes, elle a acquitté, en application des dispositions combinées de l’article 146, paragraphe 2, du CGI ainsi que des articles 158 bis et 223 sexies de ce code, un précompte mobilier s’élevant, au titre des années 1999 à 2001, respectivement à 323 279 053 FRF, 359 183 404 FRF et 341 261 380 FRF.

10      Par une réclamation du 21 décembre 2001, Accor a demandé le remboursement de ce précompte, en se prévalant de l’incompatibilité de ces dispositions du CGI avec le droit communautaire. Cette demande ayant été rejetée, cette société a saisi le tribunal administratif de Versailles qui, par un jugement du 21 décembre 2006, a intégralement fait droit à sa demande.

11      Le recours introduit par le ministre du Budget, des Comptes publics et de la Fonction publique contre ce jugement ayant été rejeté par un arrêt de la cour administrative d’appel de Versailles du 20 mai 2008, ledit ministre s’est pourvu en cassation contre cet arrêt devant le Conseil d’État.

12      Le Conseil d’État constate qu’il résulte des dispositions de l’article 216 du CGI que, sous réserve d’une quote-part de frais et de charges, une société mère française n’est pas soumise à l’impôt sur les sociétés à raison des dividendes qu’elle perçoit de ses filiales, quel que soit le lieu d’établissement desdites filiales. En outre, en application des dispositions de l’article 223 sexies du même code, lorsqu’elle redistribue lesdits dividendes à ses propres actionnaires, cette société est tenue d’acquitter à ce titre un précompte, quelle que soit la provenance des dividendes qui lui ont été distribués et qu’elle a ainsi redistribués. Dès lors, selon le Conseil d’État, le mécanisme du précompte, pris en lui-même, n’affecterait ni la liberté d’établissement ni la libre circulation des capitaux.

13      Le montant de l’avoir fiscal dont, conformément à l’article 158 bis du CGI, la société mère bénéficie au titre des dividendes distribués par l’une de ses filiales, établie en France, s’impute, en vertu de l’article 146, paragraphe 2, du CGI, sur le montant du précompte dû lors de la redistribution desdits dividendes aux actionnaires. Or, les dispositions de l’article 158 bis du CGI font obstacle à l’octroi à une société mère d’un avoir fiscal au titre de dividendes en provenance de filiales établies dans un autre État membre et, par suite, à toute imputation sur le montant du précompte exigible lorsque cette société mère redistribue ces dividendes. Par conséquent, en l’absence d’un avoir fiscal octroyé au titre des dividendes provenant d’une filiale établie dans un autre État membre et de nature à diminuer le montant exigible du précompte, le versement de ce précompte par cette société mère, en s’imputant sur la masse des sommes distribuables, réduit d’autant le montant des dividendes redistribués.

14      Dans ce contexte, le Conseil d’État a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:

«1)      a)     Les articles 56 [CE] et 43 [CE] doivent-ils être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à un régime fiscal, ayant pour objet d’éliminer la double imposition économique des dividendes, qui:

–        permet à une société mère d’imputer sur le précompte, dont elle est redevable lors de la redistribution à ses actionnaires des dividendes versés par ses filiales, l’avoir fiscal attaché à la distribution de ces dividendes s’ils proviennent d’une filiale établie en France,

–        mais n’offre pas cette faculté si ces dividendes ont pour origine une filiale établie dans un autre État membre […], dès lors que ce régime n’ouvre pas droit, dans ce cas, à l’octroi d’un avoir fiscal attaché à la distribution de ces dividendes par cette filiale, au motif qu’un tel régime porterait atteinte, en lui-même, pour cette société mère, aux principes de la libre circulation des capitaux ou de la liberté d’établissement?

b)      En cas de réponse négative [à la présente question, sous a)], ces articles doivent-ils être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent néanmoins à un tel régime dès lors qu’il conviendrait de prendre en compte aussi la situation des actionnaires au motif que, compte tenu du paiement du précompte, le montant des dividendes perçus de ses filiales et redistribués par cette société mère à ses actionnaires est différent en fonction de la localisation de ces filiales, en France ou dans un autre État membre […], de sorte que ce régime présenterait un effet dissuasif pour les actionnaires d’investir dans cette société mère et, par suite, aurait pour effet d’affecter la collecte de capitaux par cette société et serait de nature à dissuader cette société d’allouer des capitaux à des filiales établies dans des États membres autres que la France ou de créer dans ces États de telles filiales?

2)      En cas de réponse affirmative [à la première question, sous a) et b)], et dès lors que les articles 56 [CE] et 43 [CE] seraient interprétés en ce sens qu’ils s’opposent au régime fiscal du précompte décrit ci-dessus et que, par suite, l’administration est, en principe, tenue de restituer les sommes perçues sur son fondement dans la mesure où elles l’ont été en méconnaissance du droit communautaire, ce droit fait-il, dans un tel régime qui, en lui-même, ne se traduit pas par la répercussion d’une taxe sur un tiers par le redevable, obstacle:

a)      à ce que l’administration puisse s’opposer au remboursement des sommes payées par la société mère au motif que cette restitution entraînerait pour celle-ci un enrichissement sans cause,

b)      et, en cas de réponse négative, à ce que la circonstance que la somme acquittée par la société mère ne constitue pas pour celle-ci une charge comptable ou fiscale mais s’impute seulement sur la masse des sommes susceptibles d’être redistribuées à ses actionnaires puisse être opposée pour ne pas ordonner la restitution à la société de cette somme?

3)      Compte tenu de la réponse apportée aux [première et deuxième] questions, les principes communautaires d’équivalence et d’effectivité font-ils obstacle à ce que la restitution des sommes de nature à garantir l’application d’un même régime fiscal aux dividendes donnant lieu à redistribution par la société mère, que ces dividendes aient pour origine des sommes distribuées par ses filiales établies en France ou dans un autre État membre […], soit subordonnée à la condition, sous réserve, le cas échéant, des stipulations de la convention bilatérale applicable entre la [République française] et l’État membre où la filiale est établie, relative à l’échange d’informations, que le redevable apporte les éléments qu’il est le seul à détenir et relatifs, pour chaque dividende en litige, notamment au taux d’imposition effectivement appliqué et au montant de l’impôt effectivement acquitté à raison des bénéfices réalisés par ses filiales installées dans les États membres […] autres que la France, alors même que, pour les filiales installées en France, les justificatifs, connus de l’administration, ne sont pas exigés?»

 Sur les demandes de réouverture de la procédure orale

15      Par actes déposés respectivement les 7 janvier et 2 février 2011, Accor et le gouvernement français ont demandé la réouverture de la procédure orale.

16      Accor a ainsi fait valoir que, aux points 73 et suivants de ses conclusions, M. l’avocat général se serait fondé sur des arguments découlant de l’arrêt du 12 décembre 2006, Test Claimants in the FII Group Litigation (C‑446/04, Rec. p.I‑11753), qui n’auraient pas été débattus entre les parties.

17      Le gouvernement français, pour sa part, a exprimé le souhait de pouvoir revenir, dans le cadre d’une seconde audience, sur l’argument selon lequel le mécanisme combiné de l’avoir fiscal et du précompte, en cause au principal, n’aurait pu créer de restriction à la libre circulation de capitaux que dans le chef des actionnaires, argument contenu au point 82 de ses observations écrites et analysé dans les conclusions de M. l’avocat général.

18      En outre, ce gouvernement a fait valoir que les conclusions de M. l’avocat général contiendraient une indication qui ne rendrait pas compte, de façon complète, du droit interne français. En particulier, et en premier lieu, alors que dans le cadre de la réponse à la deuxième question posée M. l’avocat général considère que la restitution du précompte accordée à une société profiterait indirectement à ses actionnaires, le gouvernement français fait valoir que le patrimoine d’une société est distinct de celui des actionnaires de celle-ci. En second lieu, le gouvernement français s’oppose à la thèse selon laquelle les actionnaires ne disposeraient pas, en droit procédural français, d’une action en restitution, en indiquant que l’existence d’une telle voie d’action, qui s’ajouterait à la voie du recours en responsabilité, découlerait de l’obligation pour les États membres, conformément à une jurisprudence constante de la Cour, de rembourser les taxes perçues en violation du droit de l’Union.

19      À cet égard, il résulte de la jurisprudence que la Cour peut d’office ou sur proposition de l’avocat général, ou encore à la demande des parties, ordonner la réouverture de la procédure orale, conformément à l’article 61 de son règlement de procédure, si elle considère qu’elle est insuffisamment éclairée ou que l’affaire doit être tranchée sur la base d’un argument qui n’a pas été débattu entre les parties (voir arrêts du 26 juin 2008, Burda, C‑284/06, Rec. p. I‑4571, point 37 et jurisprudence citée, ainsi que du 16 décembre 2010, Stichting Natuur en Milieu e.a., C‑266/09, non encore publié au Recueil, point 27).

20      En revanche, le statut de la Cour de justice de l’Union européenne et le règlement de procédure de celle-ci ne prévoient pas la possibilité pour les parties de déposer des observations en réponse aux conclusions présentées par l’avocat général (voir arrêt Stichting Natuur en Milieu e.a., précité, point 28).

21      En l’espèce, la Cour considère qu’elle dispose de tous les éléments nécessaires pour répondre aux questions posées et que les observations présentées devant elle ont porté sur ces éléments.

22      Par conséquent, il convient de rejeter les demandes de réouverture de la procédure orale.

 Sur les questions préjudicielles

 Sur la première question

23      Par sa première question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si les articles 49 TFUE et 63 TFUE s’opposent à une législation d’un État membre ayant pour objet d’éliminer la double imposition économique des dividendes telle que celle en cause au principal, qui permet à une société mère d’imputer sur le précompte, dont elle est redevable lors de la redistribution à ses actionnaires des dividendes versés par ses filiales, l’avoir fiscal attaché à la distribution de ces dividendes s’ils proviennent d’une filiale établie dans cet État membre, mais n’offre pas cette faculté si ces dividendes proviennent d’une filiale établie dans un autre État membre, dès lors que cette législation n’ouvre pas droit, dans cette dernière hypothèse, à l’octroi d’un avoir fiscal attaché à la distribution de ces dividendes par cette filiale.

24      Par sa première question, sous a), la juridiction de renvoi demande à la Cour si une telle législation est susceptible de constituer une restriction aux libertés de circulation dans le chef de la société mère.

25      Par sa première question, sous b), la juridiction de renvoi demande, en cas de réponse négative à cette même question, sous a), si les articles 49 TFUE et 63 TFUE s’opposent néanmoins à une telle législation dès lors qu’il conviendrait de prendre en compte aussi la situation des actionnaires.

26      Bien que la première question, sous b), ne soit posée qu’en cas de réponse négative à la même question, sous a), force est cependant de constater que l’interrogation relative à l’opportunité de la prise en compte de la situation des actionnaires est soulevée afin d’examiner l’existence d’une restriction dans le chef de la société mère elle-même.

27      En effet, la juridiction de renvoi demande si les articles 49 TFUE et 63 TFUE s’opposent à une législation d’un État membre telle que celle en cause au principal au motif que celle-ci dissuaderait les actionnaires d’investir dans le capital de la société mère, affecterait en conséquence la collecte de capitaux par cette société et serait, ainsi, de nature à dissuader ladite société d’allouer des capitaux à des filiales établies dans d’autres États membres ou de créer dans ces États de telles filiales.

28      Il y a lieu, par conséquent, de répondre ensemble aux deux points de la première question.

 Sur la liberté applicable

29      La juridiction de renvoi ayant posé sa première question tant par rapport à l’article 49 TFUE qu’à l’article 63 TFUE, il convient de déterminer au préalable si, et dans quelle mesure, une réglementation nationale telle que celle en cause au principal est susceptible d’affecter les libertés garanties par ces articles.

30      À cet égard, il doit être rappelé que le traitement fiscal de dividendes est susceptible de relever de l’article 49 TFUE relatif à la liberté d’établissement et de l’article 63 TFUE relatif à la libre circulation des capitaux (arrêt du 10 février 2011, Haribo Lakritzen Hans Riegel et Österreichische Salinen, C‑436/08 et C‑437/08, non encore publié au Recueil, point 33 ainsi que jurisprudence citée).

31      Quant à la question de savoir si une législation nationale relève de l’une ou l’autre des libertés de circulation, il résulte d’une jurisprudence à présent bien établie qu’il y a lieu de prendre en considération l’objet de la législation en cause (arrêt Haribo Lakritzen Hans Riegel et Österreichische Salinen, précité, point 34 ainsi que jurisprudence citée).

32      À cet égard, il a déjà été jugé qu’une législation nationale qui a vocation à s’appliquer aux seules participations permettant d’exercer une influence certaine sur les décisions d’une société et de déterminer les activités de celle-ci relève des dispositions du traité relatives à la liberté d’établissement (voir arrêts Test Claimants in the FII Group Litigation, précité, point 37, et du 21 octobre 2010, Idryma Typou, C‑81/09, non encore publié au Recueil, point 47). En revanche, des dispositions nationales qui trouvent à s’appliquer à des participations effectuées dans la seule intention de réaliser un placement financier sans intention d’influer sur la gestion et le contrôle de l’entreprise doivent être examinées exclusivement au regard de la libre circulation des capitaux (arrêt Haribo Lakritzen Hans Riegel et Österreichische Salinen, précité, point 35 ainsi que jurisprudence citée).

33      En l’espèce, le régime fiscal des sociétés mères en cause dans l’affaire au principal, conformément à l’article 145 du CGI, était applicable, pendant les années 1999 et 2000, aux sociétés qui détenaient au moins 10 % du capital de leurs filiales. Pour l’année 2001, ce seuil de participation a été ramené à 5 % du capital de la filiale.

34      Il s’ensuit que la législation nationale en cause au principal était susceptible de s’appliquer non seulement aux sociétés percevant des dividendes sur la base d’une participation conférant une influence certaine sur les décisions de la filiale distributrice et permettant d’en déterminer les activités, mais également à celles percevant des dividendes sur la base d’une participation minoritaire ne conférant pas une telle influence.

35      S’agissant des faits en cause au principal, il y a lieu de relever, d’une part, que la décision de renvoi ne contient pas d’informations sur la nature des participations d’Accor dans le capital de ses filiales distributrices de dividendes.

36      D’autre part, Accor fait valoir, dans ses observations déposées devant la Cour, que le litige au principal concerne les dividendes perçus de filiales établies dans des États membres autres que la République française et qui sont sous son contrôle, tandis que le gouvernement français a également fait état des participations qui ne conféraient pas à Accor une influence certaine sur les décisions des filiales distributrices et ne permettaient pas d’en déterminer les activités.

37      À cet égard, il convient de rappeler que, dans le cadre de la procédure de coopération instituée à l’article 267 TFUE, il appartient non pas à la Cour, mais à la juridiction nationale d’établir les faits qui ont donné lieu au litige et d’en tirer les conséquences pour la décision qu’elle est appelée à rendre (voir, notamment, arrêts du 16 septembre 1999, WWF e.a., C-435/97, Rec. p. I-5613, point 32; du 23 octobre 2001, Tridon, C‑510/99, Rec. p. I-7777, point 28, ainsi que du 11 décembre 2007, Eind, C‑291/05, Rec. p. I‑10719, point 18).

38      Dans ces conditions, eu égard à l’objet de la législation en cause au principal, il y a lieu de répondre à la première question posée à la lumière tant de l’article 49 TFUE que de l’article 63 TFUE.

 Sur la liberté d’établissement

39      La liberté d’établissement, que l’article 49 TFUE reconnaît aux ressortissants de l’Union et qui comporte pour eux l’accès aux activités non salariées et leur exercice, ainsi que la constitution et la gestion d’entreprises, dans les mêmes conditions que celles définies par la législation de l’État membre d’établissement pour ses propres ressortissants, comprend, conformément à l’article 54 TFUE, pour les sociétés constituées en conformité avec la législation d’un État membre et ayant leur siège statutaire, leur administration centrale ou leur principal établissement à l’intérieur de l’Union européenne, le droit d’exercer leur activité dans l’État membre concerné par l’intermédiaire d’une filiale, d’une succursale ou d’une agence (voir, notamment, arrêts du 21 septembre 1999, Saint-Gobain ZN, C‑307/97, Rec. p. I‑6161, point 35; du 23 février 2006, Keller Holding, C‑471/04, Rec. p. I‑2107, point 29, ainsi que du 12 septembre 2006, Cadbury Schweppes et Cadbury Schweppes Overseas, C‑196/04, Rec. p. I‑7995, point 41).

40      Même si, selon leur libellé, les dispositions du traité relatives à la liberté d’établissement visent à assurer le bénéfice du traitement national dans l’État membre d’accueil, elles s’opposent également à ce que l’État membre d’origine entrave l’établissement dans un autre État membre de l’un de ses ressortissants ou d’une société constituée en conformité avec sa législation (voir, notamment, arrêts du 16 juillet 1998, ICI, C‑264/96, Rec. p. I‑4695, point 21, ainsi que Cadbury Schweppes et Cadbury Schweppes Overseas, précité, point 42).

41      Dans l’affaire au principal, il est constant que la réglementation en cause instaure une différence de traitement entre les dividendes distribués par une filiale résidente et ceux distribués par une filiale non-résidente.

42      Ainsi, une société mère qui perçoit des dividendes d’une filiale résidente bénéficie, en raison de ces dividendes, d’un avoir fiscal qui est égal à la moitié des sommes versées au titre des dividendes par cette filiale résidente, tandis qu’un tel avoir fiscal n’est pas accordé au titre des dividendes distribués par une filiale non-résidente.

43      À cet égard, il y a lieu de relever qu’il découle de la jurisprudence que, dans l’aménagement de leur système fiscal, et notamment lorsqu’ils instaurent un mécanisme visant à prévenir ou à atténuer l’imposition en chaîne ou la double imposition économique, les États membres doivent respecter les exigences découlant du droit de l’Union, en particulier celles imposées par les dispositions du traité relatives aux libertés de circulation (voir arrêt Test Claimants in the FII Group Litigation, précité, point 45).

44      Il ressort ainsi de la jurisprudence que, quel que soit le mécanisme adopté pour prévenir ou atténuer l’imposition en chaîne ou la double imposition économique, les libertés de circulation garanties par le traité s’opposent à ce qu’un État membre traite de manière moins avantageuse les dividendes d’origine étrangère que les dividendes d’origine nationale, à moins que cette différence de traitement ne concerne des situations qui ne sont pas objectivement comparables ou qu’elle soit justifiée par des raisons impérieuses d’intérêt général (voir, en ce sens, arrêts du 15 juillet 2004, Lenz, C‑315/02, Rec. p. I-7063, points 20 à 49; du 7 septembre 2004, Manninen, C‑319/02, Rec. p. I‑7477, points 20 à 55, ainsi que arrêt Test Claimants in the FII Group Litigation, précité, point 46).

45      Or, à l’égard d’une règle fiscale visant à prévenir ou à atténuer l’imposition des bénéfices distribués, la situation d’une société mère percevant des dividendes d’origine étrangère est comparable à celle d’une société mère percevant des dividendes d’origine nationale dans la mesure où, dans les deux cas, les bénéfices réalisés sont, en principe, susceptibles de faire l’objet d’une imposition en chaîne (voir arrêt Test Claimants in the FII Group Litigation, précité, point 62).

46      Certes, ainsi que l’a relevé le gouvernement français, d’une part, une société mère était exonérée de l’impôt sur les sociétés tant pour les dividendes perçus de ses filiales résidentes que pour ceux provenant de ses filiales non-résidentes et, d’autre part, cette société ne pouvait pas imputer les avoirs fiscaux attachés aux dividendes distribués par ses filiales résidentes sur le montant de l’impôt sur les sociétés dont elle était par ailleurs redevable.

47      Néanmoins, ainsi que l’admet également ce gouvernement, les avoirs fiscaux étaient utilisables lors de la redistribution des dividendes perçus. Ainsi, une société mère pouvait imputer ces avoirs fiscaux sur le précompte qu’elle était tenue d’acquitter lorsqu’elle redistribuait les dividendes.

48      Par conséquent, tout en exonérant les dividendes perçus des filiales non-résidentes de l’impôt dans le chef de la société mère, ledit État membre les soumettait à un traitement moins avantageux que les dividendes provenant des filiales résidentes.

49      En effet, à la différence des dividendes provenant des filiales résidentes, la législation en cause au principal ne permettait pas de prévenir l’imposition intervenue au niveau de la filiale distributrice, alors que les dividendes perçus tant des filiales résidentes que des filiales non-résidentes étaient, lors de leur redistribution, soumis au précompte. Par conséquent, en ce qui concerne les dividendes perçus des filiales résidentes, lorsqu’ils étaient distribués, l’avoir fiscal s’imputait sur le précompte dû, sans que ledit précompte diminue la masse distribuable des dividendes. En revanche, en ce qui concerne les dividendes perçus des filiales non-résidentes, dans la mesure où la société mère ne bénéficiait pas d’un avoir fiscal sur ces dividendes, l’application du précompte avait pour effet de diminuer la masse des dividendes distribuables.

50      Dans ces conditions, la société mère percevant des dividendes d’une filiale établie dans un autre État membre était amenée soit à distribuer les dividendes amputés du montant du précompte et dont la masse était moindre que lors de la redistribution des dividendes perçus de filiales établies en France, soit, ainsi que le relève M. l’avocat général au point 48 de ses conclusions, à puiser dans ses réserves pour obtenir un montant équivalent à la somme devant être acquittée au titre du précompte mobilier et augmenter ainsi la masse des dividendes distribués.

51      Compte tenu du traitement désavantageux réservé aux dividendes perçus d’une filiale établie dans un autre État membre par rapport à celui auquel sont soumis les dividendes perçus d’une filiale résidente, une société mère pouvait être dissuadée d’exercer ses activités par l’intermédiaire de filiales établies dans d’autres États membres (voir, en ce sens, arrêts du 18 septembre 2003, Bosal, C‑168/01, Rec. p. I‑9409, point 27, et Keller Holding, précité, point 35).

52      Le gouvernement français, tout en admettant l’existence d’une différence de traitement entre les dividendes versés par une filiale établie en France et les dividendes versés par une filiale établie dans un autre État membre en ce qui concerne la possibilité pour la société mère bénéficiaire d’imputer l’avoir fiscal sur le précompte dû par cette dernière lors de la redistribution de ces dividendes à ses propres actionnaires, estime néanmoins que celle-ci ne constituait pas une restriction dans le chef de la société mère.

53      Ce gouvernement relève, d’une part, que la mise en œuvre de l’avoir fiscal découlait d’une décision autonome des organes compétents d’une société mère et non de la réglementation en cause au principal, car ce serait la décision de cette société mère de redistribuer les dividendes versés par une filiale française qui rendait l’avoir fiscal attaché aux dividendes en cause imputable sur le précompte. En se référant à l’arrêt 27 janvier 2000, Graf (C‑190/98, Rec. p. I‑493, points 24 et 25), le gouvernement français fait ainsi valoir que l’effet éventuellement négatif des dispositions en cause au principal dépend d’une décision des organes compétents de la société mère si hypothétique que ces dispositions ne peuvent être considérées comme constituant une entrave aux libertés de circulation.

54      D’autre part, selon le gouvernement français, indépendamment de l’origine des dividendes, le décaissement de la société mère serait identique dans la mesure où le précompte s’imputait sur le résultat distribuable aux actionnaires.

55      Or, des actionnaires non-résidents pourraient, en vertu des conventions relatives à la prévention de la double imposition, conclues par la République française avec l’ensemble des États membres de l’Union, obtenir le remboursement du précompte prélevé par la société mère distributrice des dividendes, de manière à ce que la réglementation en cause au principal n’affecte pas leur situation.

56      En ce qui concerne les actionnaires résidents de la société mère distributrice, le gouvernement français estime que, si l’absence d’un avoir fiscal imputable sur le précompte dû par cette société mère lors de la redistribution par cette dernière de dividendes versés par ses filiales non-résidentes devait être regardée comme un obstacle à la collecte de capitaux auprès des actionnaires français, cette restriction concernerait, en tout état de cause, un mouvement de capitaux purement interne entre une société mère française et ses actionnaires français, ne présentant pas d’élément d’extranéité et ne relevant pas du droit de l’Union.

57      Ces arguments ne sauraient être accueillis.

58      En premier lieu, s’il est vrai que l’avoir fiscal afférent aux dividendes distribués par des filiales résidentes ne pouvait être utilisé que lorsque la société mère décidait de la redistribution de ces dividendes, il est constant que tant la différence de traitement en fonction du lieu d’établissement de la filiale distributrice des dividendes que la possibilité d’imputer l’éventuel avoir fiscal sur le précompte dû lors de la redistribution de ces dividendes découlent directement de la législation française en cause au principal.

59      Dès lors, la possibilité de bénéficier d’un avoir fiscal, imputable sur le précompte lors de la redistribution des dividendes, dépendait non pas d’un événement futur et hypothétique pour une société mère, mais d’une circonstance liée, par définition, à l’exercice de la liberté d’établissement, à savoir du lieu d’établissement de sa filiale.

60      En deuxième lieu, quand bien même, ainsi que l’affirme le gouvernement français, la réglementation en cause au principal n’aurait pas d’effets sur la situation des actionnaires non-résidents, la circonstance que la législation en cause au principal pouvait constituer un obstacle à la collecte des capitaux par une société mère auprès des actionnaires résidents est suffisante pour confirmer le caractère restrictif des dispositions de ladite réglementation.

61      En effet, la circonstance que des actionnaires résidents pouvaient être dissuadés d’acquérir des parts dans une société mère en raison du fait que les dividendes provenant des filiales de celle-ci établies dans un État membre autre que la République française seraient moindres que les dividendes provenant des filiales résidentes pouvait dissuader à son tour cette société mère d’exercer ses activités par l’intermédiaire de filiales non-résidentes.

62      Il y a lieu de constater que, en tant qu’elle présente un lien avec les échanges intracommunautaires, une telle situation est susceptible de relever des dispositions du traité relatives aux libertés fondamentales (arrêt Keller Holding, précité, point 24) et que, en tant qu’elles défavorisaient, sur le plan fiscal, les situations communautaires par rapport aux situations purement internes, les dispositions du CGI en cause au principal constituaient donc une restriction en principe interdite par les dispositions du traité relatives à la liberté d’établissement (voir arrêt du 27 novembre 2008, Papillon, C‑418/07, Rec. p. I‑8947, point 32).

63      Il résulte de la jurisprudence de la Cour qu’une restriction à la liberté d’établissement ne saurait être admise que si elle se justifie par des raisons impérieuses d’intérêt général (voir, notamment, arrêt du 18 juin 2009, Aberdeen Property Fininvest Alpha, C‑303/07, Rec. p. I‑5145, point 57). Or, ni la juridiction de renvoi ni les parties ayant présenté des observations n’ont fait état des éléments susceptibles de justifier ladite restriction. Il convient, par conséquent, de constater que l’article 49 TFUE s’oppose à une législation telle que celle en cause au principal.

 Sur la libre circulation des capitaux

64      Les considérations formulées aux points précédents s’appliquent de la même manière lorsque une société mère a perçu des dividendes sur la base d’une participation qui ne lui confère pas une influence certaine sur les décisions de sa filiale distributrice et ne lui permet pas d’en déterminer les activités.

65      En effet, la différence de traitement mise en cause au point 41 du présent arrêt pouvait avoir pour effet de dissuader les sociétés mères établies en France d’investir leurs capitaux dans des sociétés établies dans un autre État membre et produire également un effet restrictif à l’égard des sociétés établies dans d’autres États membres, en ce qu’elle constituait, à leur encontre, un obstacle à la collecte des capitaux en France.

66      Dans la mesure où les revenus de capitaux d’origine étrangère étaient fiscalement traités de manière moins favorable que les dividendes distribués par les filiales établies en France, les actions des sociétés établies dans d’autres États membres étaient moins attrayantes pour les sociétés mères établies en France que celles de sociétés ayant leur siège dans cet État membre (voir arrêts du 6 juin 2000, Verkooijen, C‑35/98, Rec. p. I‑4071, point 35; Manninen, précité, points 22 et 23, ainsi que Test Claimants in the FII Group Litigation, précité, point 64).

67      Il en résulte que la différence de traitement opérée par la législation en cause au principal constituait une restriction à la libre circulation des capitaux prohibée, en principe, par l’article 63 TFUE.

68      Or, ni la juridiction de renvoi ni les parties ayant présenté des observations n’ont fait référence aux motifs exposés à l’article 65 TFUE et aux raisons impérieuses d’intérêt général susceptibles de justifier une telle restriction.

69      Eu égard à tout ce qui précède, il convient de répondre à la première question que les articles 49 TFUE et 63 TFUE s’opposent à une législation d’un État membre ayant pour objet d’éliminer la double imposition économique des dividendes telle que celle en cause au principal, qui permet à une société mère d’imputer sur le précompte, dont elle est redevable lors de la redistribution à ses actionnaires des dividendes versés par ses filiales, l’avoir fiscal attaché à la distribution de ces dividendes s’ils proviennent d’une filiale établie dans cet État membre, mais n’offre pas cette faculté si ces dividendes proviennent d’une filiale établie dans un autre État membre, dès lors que cette législation n’ouvre pas droit, dans cette dernière hypothèse, à l’octroi d’un avoir fiscal attaché à la distribution de ces dividendes par cette filiale.

 Sur la deuxième question

70      Par sa deuxième question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si, lorsque le régime fiscal en cause au principal ne se traduit pas en lui-même par la répercussion sur un tiers de la taxe due par le redevable de celle-ci, le droit de l’Union s’oppose à ce que l’administration refuse le remboursement des sommes payées par la société mère, au motif soit que ce remboursement entraînerait pour celle-ci un enrichissement sans cause, soit que la somme acquittée par la société mère ne constitue pas pour celle-ci une charge comptable ou fiscale, mais s’impute sur la masse des sommes susceptibles d’être redistribuées à ses actionnaires.

71      Il y a lieu de rappeler, à cet égard, que le droit d’obtenir le remboursement de taxes perçues dans un État membre en violation des règles du droit de l’Union est la conséquence et le complément des droits conférés aux justiciables par les dispositions du droit de l’Union telles qu’elles ont été interprétées par la Cour (voir, notamment, arrêts du 9 novembre 1983, San Giorgio, 199/82, Rec. p. 3595, point 12, ainsi que du 8 mars 2001, Metallgesellschaft e.a., C‑397/98 et C‑410/98, Rec. p. I‑1727, point 84). L’État membre est donc tenu, en principe, de rembourser les taxes perçues en violation du droit de l’Union (arrêts du 14 janvier 1997, Comateb e.a., C‑192/95 à C‑218/95, Rec. p. I‑165, point 20; Metallgesellschaft e.a., précité, point 84; du 2 octobre 2003, Weber’s Wine World e.a., C‑147/01, Rec. p. I‑11365, point 93, ainsi que Test Claimants in the FII Group Litigation, précité, point 202).

72      Néanmoins, conformément à une jurisprudence constante, le droit de l’Union ne fait pas obstacle à ce qu’un système juridique national refuse la restitution de taxes indûment perçues dans des conditions qui entraîneraient un enrichissement sans cause des ayants droit (arrêts du 24 mars 1988, Commission/Italie, 104/86, Rec. p. 1799, point 6; du 9 février 1999, Dilexport, C‑343/96, Rec. p. I-579, point 47; du 21 septembre 2000, Michaïlidis, C‑441/98 et C‑442/98, Rec. p. I-7145, point 31, ainsi que du 10 avril 2008, Marks & Spencer, C‑309/06, Rec. p. I‑2283, point 41). La protection des droits garantis en la matière par l’ordre juridique de l’Union n’impose donc pas le remboursement des impôts, droits et taxes perçus en violation du droit de l’Union lorsqu’il est établi que la personne astreinte au paiement de ces droits les a effectivement répercutés sur d’autres sujets (voir arrêt Comateb e.a., précité, point 21, ainsi que du 6 septembre 2011, Lady & Kid e.a., C‑398/09, non encore publié au Recueil, point 18).

73      Toutefois, ainsi qu’il découle de la jurisprudence, un tel refus de remboursement étant une limitation d’un droit subjectif tiré de l’ordre juridique de l’Union, il convient de l’interpréter de manière restrictive (arrêts précités Weber’s Wine World e.a., point 95, ainsi que Lady & Kid e.a., point 20).

74      Ainsi il ressort des points 20 et 25 de l’arrêt Lady & Kid e.a., précité, que la seule exception au droit au remboursement des taxes perçues en violation du droit de l’Union concerne l’hypothèse dans laquelle une taxe indue a été directement répercutée par l’assujetti sur l’acheteur.

75      En l’occurrence, la juridiction de renvoi relève elle-même que le régime en cause au principal, concernant d’ailleurs un précompte payé par une société mère à l’occasion de la distribution des dividendes et non pas une taxe perçue lors de la vente de produits, ne se traduit pas par une répercussion dudit précompte sur les tiers, tel l’acheteur visé par la jurisprudence citée ci-dessus.

76      Dans ces conditions, il y a donc lieu de répondre à la deuxième question que le droit de l’Union s’oppose à ce que, lorsqu’un régime fiscal national tel que celui en cause au principal ne se traduit pas en lui-même par la répercussion sur un tiers de la taxe indûment acquittée par le redevable de celle-ci, un État membre refuse le remboursement des sommes payées par la société mère, au motif soit que ce remboursement entraînerait pour celle-ci un enrichissement sans cause, soit que la somme acquittée par la société mère ne constitue pas pour celle-ci une charge comptable ou fiscale, mais s’impute sur la masse des sommes susceptibles d’être redistribuées à ses actionnaires.

 Sur la troisième question

77      Par sa troisième question, la juridiction de renvoi demande si les principes d’équivalence et d’effectivité font obstacle à ce que la restitution à une société mère des sommes de nature à garantir l’application d’un même régime fiscal aux dividendes distribués par les filiales de celle-ci établies en France et à ceux distribués par les filiales de cette société établies dans d’autres États membres, donnant lieu à redistribution par la société mère, soit subordonnée à la condition que le redevable apporte les éléments qu’il est le seul à détenir et relatifs, à l’égard de chaque dividende en litige, notamment au taux d’imposition effectivement appliqué et au montant de l’impôt effectivement acquitté à raison des bénéfices réalisés par les filiales installées dans les autres États membres, alors même que, pour les filiales installées en France, ces éléments, connus de l’administration, ne sont pas exigés.

78      À cet égard, conformément à une jurisprudence constante, il incombe aux juridictions des États membres, par application du principe de coopération loyale énoncé à l’article 4 TUE, d’assurer la protection juridictionnelle des droits que les justiciables tirent du droit de l’Union (voir, en ce sens, arrêts du 16 décembre 1976, Rewe-Zentralfinanz et Rewe-Zentral, 33/76, Rec. p. 1989, point 5, ainsi que Comet, 45/76, Rec. p. 2043, point 12; du 19 juin 1990, Factortame e.a., C‑213/89, Rec. p. I‑2433, point 19, et du 13 mars 2007, Unibet, C‑432/05, Rec. p. I‑2271, point 38).

79      Dès lors, en l’absence de réglementation de l’Union en la matière, il appartient à l’ordre juridique interne de chaque État membre de désigner les juridictions compétentes et de régler les modalités procédurales des recours en justice destinés à assurer la sauvegarde des droits que les justiciables tirent du droit de l’Union, pour autant, d’une part, que ces modalités ne soient pas moins favorables que celles concernant des recours similaires de nature interne (principe d’équivalence) et, d’autre part, qu’elles ne rendent pas en pratique impossible ou excessivement difficile l’exercice des droits conférés par l’ordre juridique de l’Union (principe d’effectivité) (arrêt Test Claimants in the FII Group Litigation, précité, point 203 ainsi que jurisprudence citée).

80      Il appartient également à la juridiction de renvoi de déterminer de quelle manière il convient de remédier en pratique à une violation de l’interdiction des restrictions à la liberté d’établissement et à la libre circulation des capitaux.

81      Or, la troisième question posée implique que, selon la juridiction de renvoi, dans l’hypothèse où les restrictions à la liberté d’établissement et à la libre circulation des capitaux auront été constatées, afin de garantir une égalité de traitement entre les bénéficiaires de dividendes perçus de filiales établies en France et les bénéficiaires de dividendes perçus d’une filiale établie dans un autre État membre, cela supposerait d’accorder à ces derniers l’avoir fiscal dont bénéficient les premiers.

82      Il importe de rappeler que les autorités fiscales d’un État membre sont en droit d’exiger du contribuable les preuves qu’elles jugent nécessaires pour apprécier si les conditions d’un avantage fiscal prévu par la législation en cause sont réunies et, en conséquence, s’il y a lieu ou non d’accorder ledit avantage (voir, en ce sens, arrêts du 3 octobre 2002, Danner, C‑136/00, Rec. p. I‑8147, point 50; du 26 juin 2003, Skandia et Ramstedt, C-422/01, Rec. p. I‑6817, point 43; du 27 janvier 2009, Persche, C‑318/07, Rec. p. I‑359, point 54; Haribo Lakritzen Hans Riegel et Österreichische Salinen, précité, point 95, ainsi que du 30 juin 2011, Meilicke e.a., C-262/09, non encore publié au Recueil, point 45).

83      À cet égard, Accor a fait valoir que le système d’avoir fiscal serait fondé sur le seul assujettissement de la filiale distributrice à l’impôt sur les sociétés, dans la mesure où l’avoir fiscal serait toujours égal à 50 % des dividendes distribués. Par conséquent, Accor estime qu’il serait suffisant d’apporter la preuve que la filiale distributrice a été assujettie à l’impôt sur les sociétés dans son État membre d’établissement.

84      La Commission, tout en considérant qu’il est légitime de tenir compte de l’imposition acquittée par la filiale dans son État membre d’établissement, considère qu’il n’y a pas, dans le cadre du régime en cause au principal, de stricte correspondance entre le montant d’impôt payé et le montant de l’avoir fiscal et qu’il serait suffisant de se référer au taux légal de l’imposition dans l’État d’établissement de la filiale.

85      Les gouvernements français et du Royaume-Uni estiment que, afin de remédier au prétendu impact discriminatoire du régime en cause au principal, il conviendrait d’appliquer un avoir fiscal dont le montant permettrait de neutraliser l’impôt payé dans l’État membre d’établissement de la filiale et qui devrait être calculé en fonction du montant de l’impôt auquel les bénéfices sous-jacents aux dividendes versés par la filiale ont été assujettis dans cet État. Le gouvernement français relève que le système de l’avoir fiscal et du précompte consistait à atténuer la double imposition économique des dividendes distribués dans le respect de l’exigence de neutralité fiscale et que l’atténuation de la double imposition économique prenait en compte le niveau de l’impôt sur les sociétés auquel avaient effectivement été soumises en amont les filiales françaises. Ainsi, selon ce gouvernement, l’avoir fiscal ne pouvait pas dépasser le montant de l’impôt sur les sociétés perçu au taux normal sur les bénéfices sous-jacents aux dividendes distribués et, dans l’hypothèse où les bénéfices sous-jacents avaient bénéficié d’un taux d’imposition réduit au point que l’avoir fiscal vienne à dépasser l’impôt sur les sociétés payé en amont, un précompte devenait exigible à hauteur de l’excédent de l’avoir fiscal sur l’impôt sur les sociétés.

86      Il appartient à la juridiction de renvoi, seule compétente pour interpréter le droit national, de trancher la question de savoir dans quelle mesure le régime en cause au principal se fondait sur une stricte correspondance entre le montant de l’impôt payé sur les bénéfices sous-jacents à la distribution des dividendes et le montant de l’avoir fiscal.

87      Néanmoins, il convient de préciser que, s’il découle de la jurisprudence que le droit de l’Union impose à un État membre, qui connaît un système de prévention de la double imposition économique dans le cas des dividendes versés à des résidents par des sociétés résidentes, d’accorder un traitement équivalent aux dividendes versés à des résidents par des sociétés non-résidentes (voir arrêt Test Claimants in the FII Group Litigation, précité, point 72), ce droit n’impose pas aux États membres de favoriser les contribuables ayant investi dans des sociétés étrangères par rapport à ceux ayant investi dans des sociétés nationales (voir, en ce sens, arrêts du 6 décembre 2007, Columbus Container Services, C‑298/05, Rec. p. I‑10451, points 39 et 40, ainsi que Haribo Lakritzen Hans Riegel et Österreichische Salinen, précité, point 89).

88      Ainsi, il a été jugé que le droit de l’Union n’interdit pas à un État membre de prévenir l’imposition en chaîne de dividendes perçus par une société résidente en appliquant des règles qui exonèrent ces dividendes de l’imposition lorsqu’ils sont versés par une société résidente, tout en évitant, au moyen d’une méthode d’imputation, l’imposition en chaîne desdits dividendes lorsqu’ils sont versés par une société non-résidente, pour autant toutefois que le taux d’imposition sur les dividendes d’origine étrangère n’est pas supérieur au taux d’imposition appliqué aux dividendes d’origine nationale et que le crédit d’impôt est au moins égal au montant acquitté dans l’État de la société distributrice jusqu’à hauteur du montant d’imposition appliqué dans l’État membre de la société bénéficiaire (voir arrêts précités Test Claimants in the FII Group Litigation, points 48 et 57, ainsi que Haribo Lakritzen Hans Riegel et Österreichische Salinen, point 86, et ordonnance du 23 avril 2008, Test Claimants in the CFC and Dividend Group Litigation, C‑201/05, Rec. p. I‑2875, point 39).

89      La Cour a jugé que, lorsque les bénéfices sous-jacents aux dividendes d’origine étrangère sont soumis, dans l’État de la société distributrice, à un impôt inférieur à l’impôt prélevé par l’État membre de la société bénéficiaire, ce dernier doit accorder un crédit d’impôt total correspondant à l’impôt acquitté par la société distributrice dans son État d’établissement (arrêts précités Test Claimants in the FII Group Litigation, point 51, ainsi que Haribo Lakritzen Hans Riegel et Österreichische Salinen, point 87).

90      Lorsque, en revanche, ces bénéfices sont soumis, dans l’État de la société distributrice, à un impôt supérieur à l’impôt prélevé par l’État membre de la société bénéficiaire, ce dernier n’est contraint d’accorder un crédit d’impôt que dans la limite du montant de l’impôt sur les sociétés dû par la société bénéficiaire. Il n’est pas tenu de rembourser la différence, c’est-à-dire le montant acquitté dans l’État de la société distributrice qui excède le montant de l’impôt dû dans l’État membre de la société bénéficiaire (voir arrêts précités Test Claimants in the FII Group Litigation, point 52, ainsi que Haribo Lakritzen Hans Riegel et Österreichische Salinen, point 88).

91      S’agissant du régime en cause au principal, si un État membre devait attribuer aux bénéficiaires de dividendes provenant d’une société établie dans un autre État membre un avoir fiscal qui représenterait invariablement la moitié du montant de ces dividendes, ainsi que le demande Accor, cela reviendrait à accorder à ces dividendes un traitement plus favorable que celui dont bénéficient les dividendes provenant du premier État membre, lorsque le taux d’imposition auquel la société distributrice de ces dividendes était assujettie dans son État d’établissement est inférieur au taux d’imposition appliqué dans le premier État membre.

92      Par conséquent, un État membre doit pouvoir être en mesure de déterminer le montant de l’impôt sur les sociétés acquitté dans l’État d’établissement de la société distributrice et devant faire l’objet de l’avoir fiscal accordé à la société mère bénéficiaire. Dès lors, contrairement à ce qu’a fait valoir Accor, il n’est pas suffisant d’apporter la preuve que la société distributrice a été imposée, dans son État membre d’établissement, sur les bénéfices sous-jacents aux dividendes distribués, sans fournir les informations relatives à la nature et au taux de l’impôt ayant effectivement frappé lesdits bénéfices.

93      Dans ces conditions, les charges administratives, et notamment le fait que l’administration fiscale nationale réclame des informations relatives à l’impôt ayant effectivement frappé les bénéfices de la société distributrice de dividendes dans son État d’établissement, ne sauraient ni être considérées comme étant excessives ni enfreindre les principes d’équivalence et d’effectivité.

94      En effet, s’agissant du principe d’équivalence, d’une part, la juridiction de renvoi relève elle-même dans le libellé de la troisième question que, en ce qui concerne les dividendes distribués par les filiales établies en France, les informations relatives au taux d’imposition effectivement appliqué et au montant de l’impôt effectivement acquitté sont connus de l’administration.

95      D’autre part, ainsi que le relève M. l’avocat général au point 102 de ses conclusions, il découle de la jurisprudence rappelée au point 82 du présent arrêt que le droit de l’Union ne s’oppose pas à ce qu’il incombe en premier lieu à la société mère concernée de fournir les justificatifs pertinents.

96      Si la société mère bénéficiaire de dividendes ne dispose pas elle-même de l’ensemble des informations relatives à l’impôt sur les sociétés ayant frappé les dividendes distribués par sa filiale établie dans un autre État membre, de telles informations sont connues, en principe, de cette dernière société. Or, dans ces conditions, toute difficulté dans le chef de la société mère de fournir les informations requises relatives à l’impôt acquitté par sa filiale distributrice de dividendes est liée non pas à la complexité intrinsèque de celles-ci, mais au défaut de coopération éventuel de la part de la filiale qui en dispose. Par conséquent, la défaillance du flux d’informations à laquelle la société mère se trouve confrontée n’est pas un problème dont l’État membre concerné devrait répondre (voir, en ce sens, arrêt Haribo Lakritzen Hans Riegel et Österreichische Salinen, précité, point 98).

97      En outre, contrairement à ce que soutient Accor, la circonstance que l’administration fiscale puisse avoir recours au mécanisme d’assistance mutuelle prévue par la directive 77/799/CEE du Conseil, du 19 décembre 1977, concernant l’assistance mutuelle des autorités compétentes des États membres dans le domaine des impôts directs et indirects (JO L 336, p. 15), telle que modifiée par la directive 92/12/CEE du Conseil, du 25 février 1992 (JO L 76, p. 1, ci-après la «directive 77/799»), n’implique pas qu’elle serait tenue de dispenser la société mère bénéficiaire de dividendes de lui apporter la preuve de l’impôt acquitté par la société distributrice dans un autre État membre (voir arrêts précités Haribo Lakritzen Hans Riegel et Österreichische Salinen, point 100, ainsi que Meilicke e.a., point 50).

98      En effet, la directive 77/799 prévoyant la faculté pour les administrations fiscales nationales de demander des informations qu’elles ne peuvent obtenir elles-mêmes, la Cour a relevé que la référence, à l’article 2, paragraphe 1, de la directive 77/799, au terme «peut» est de nature à indiquer que, si lesdites administrations ont la possibilité de demander des informations à l’autorité compétente d’un autre État membre, une telle demande ne constitue nullement une obligation. Il appartient à chaque État membre d’apprécier les cas spécifiques dans lesquels des informations concernant les transactions effectuées par les assujettis établis sur son territoire font défaut et de décider si ces cas justifient la présentation d’une demande d’information à un autre État membre (arrêt du 27 septembre 2007, Twoh International, C‑184/05, Rec. p. I‑7897, point 32, ainsi que arrêts précités Persche, point 65; Haribo Lakritzen Hans Riegel et Österreichische Salinen, point 101, et Meilicke e.a., point 51).

99      S’agissant du respect du principe d’effectivité, il y a lieu de relever, premièrement, que les justificatifs requis devraient permettre aux autorités fiscales de l’État membre d’imposition de vérifier, de façon claire et précise, si les conditions d’obtention d’un avantage fiscal sont réunies, mais ils ne devraient pas revêtir une forme particulière, l’appréciation ne devant pas être effectuée de manière trop formaliste (voir, en ce sens, arrêt Meilicke e.a., précité, point 46).

100    Deuxièmement, il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier si les éléments relatifs au taux d’imposition effectivement appliqué et au montant de l’impôt effectivement acquitté sur les bénéfices sous-jacents à la distribution des dividendes ne s’avèrent pas en pratique impossibles ou excessivement difficiles à obtenir, eu égard notamment à la législation de l’État membre de l’établissement de la société distributrice se rapportant à la prévention de la double imposition et à l’enregistrement de l’impôt sur les sociétés devant être acquitté ainsi qu’à la conservation des documents administratifs ou comptables.

101    La demande de production desdits éléments doit en outre intervenir pendant la période de conservation légale des documents administratifs ou comptables, telle que prévue par le droit de l’État membre d’établissement de la filiale. Ainsi que le relève Accor, il ne pourrait pas lui être demandé, afin de bénéficier de l’avoir fiscal, de fournir des documents qui couvrent une période excédant de manière conséquente la durée de l’obligation légale de conservation des documents administratifs et comptables.

102    Compte tenu de ce qui précède, il convient de répondre à la troisième question que les principes d’équivalence et d’effectivité ne font pas obstacle à ce que la restitution à une société mère des sommes de nature à garantir l’application d’un même régime fiscal aux dividendes distribués par les filiales de celle-ci établies en France et à ceux distribués par les filiales de cette société établies dans d’autres États membres, donnant lieu à redistribution par ladite société mère, soit subordonnée à la condition que le redevable apporte les éléments qu’il est le seul à détenir et relatifs, pour chaque dividende en litige, notamment au taux d’imposition effectivement appliqué et au montant de l’impôt effectivement acquitté à raison des bénéfices réalisés par les filiales installées dans les autres États membres, alors même que, à l’égard des filiales installées en France, ces mêmes éléments, connus de l’administration, ne sont pas exigés. La production de ces éléments ne peut cependant être requise que sous réserve qu’il ne s’avère pas pratiquement impossible ou excessivement difficile d’apporter la preuve du paiement de l’impôt par les filiales établies dans les autres États membres, eu égard notamment aux dispositions de la législation desdits États membres se rapportant à la prévention de la double imposition et à l’enregistrement de l’impôt sur les sociétés devant être acquitté ainsi qu’à la conservation des documents administratifs. Il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier si ces conditions sont satisfaites dans l’affaire au principal.

 Sur les dépens

103    La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (première chambre) dit pour droit:

1)      Les articles 49 TFUE et 63 TFUE s’opposent à une législation d’un État membre ayant pour objet d’éliminer la double imposition économique des dividendes telle que celle en cause au principal, qui permet à une société mère d’imputer sur le précompte, dont elle est redevable lors de la redistribution à ses actionnaires des dividendes versés par ses filiales, l’avoir fiscal attaché à la distribution de ces dividendes s’ils proviennent d’une filiale établie dans cet État membre, mais n’offre pas cette faculté si ces dividendes proviennent d’une filiale établie dans un autre État membre, dès lors que cette législation n’ouvre pas droit, dans cette dernière hypothèse, à l’octroi d’un avoir fiscal attaché à la distribution de ces dividendes par cette filiale.

2)      Le droit de l’Union s’oppose à ce que, lorsqu’un régime fiscal national tel que celui en cause au principal ne se traduit pas en lui-même par la répercussion sur un tiers de la taxe indûment acquittée par le redevable de celle-ci, un État membre refuse le remboursement des sommes payées par la société mère, au motif soit que ce remboursement entraînerait pour celle-ci un enrichissement sans cause, soit que la somme acquittée par la société mère ne constitue pas pour celle-ci une charge comptable ou fiscale, mais s’impute sur la masse des sommes susceptibles d’être redistribuées à ses actionnaires.

3)      Les principes d’équivalence et d’effectivité ne font pas obstacle à ce que la restitution à une société mère des sommes de nature à garantir l’application d’un même régime fiscal aux dividendes distribués par les filiales de celle-ci établies en France et à ceux distribués par les filiales de cette société établies dans d’autres États membres, donnant lieu à redistribution par ladite société mère, soit subordonnée à la condition que le redevable apporte les éléments qu’il est le seul à détenir et relatifs, pour chaque dividende en litige, notamment au taux d’imposition effectivement appliqué et au montant de l’impôt effectivement acquitté à raison des bénéfices réalisés par les filiales installées dans les autres États membres, alors même que, à l’égard des filiales installées en France, ces mêmes éléments, connus de l’administration, ne sont pas exigés. La production de ces éléments ne peut cependant être requise que sous réserve qu’il ne s’avère pas pratiquement impossible ou excessivement difficile d’apporter la preuve du paiement de l’impôt par les filiales établies dans les autres États membres, eu égard notamment aux dispositions de la législation desdits États membres se rapportant à la prévention de la double imposition et à l’enregistrement de l’impôt sur les sociétés devant être acquitté ainsi qu’à la conservation des documents administratifs. Il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier si ces conditions sont satisfaites dans l’affaire au principal.

Signatures


* Langue de procédure: le français.