Language of document : ECLI:EU:T:2011:547

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (cinquième chambre)

29 septembre 2011 (*)

« Aides d’État – Secteur aérien – Aides accordées par les autorités italiennes à Alitalia, à Air One et à Meridiana – Recours en carence – Absence de prise de position de la Commission – Obligation d’agir »

Dans l’affaire T‑442/07,

Ryanair Ltd, établie à Dublin (Irlande), représentée par Mes E. Vahida et I.-G. Metaxas-Maragkidis, avocats,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par MM. L. Flynn, S. Noë et Mme E. Righini, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

soutenue par

Air One SpA, établie à Chieti (Italie), représentée par Mes M. Merola, M. C. Santacroce et G. Belotti, avocats,

partie intervenante,

ayant pour objet une demande visant à faire constater une carence de la Commission en ce qu’elle s’est illégalement abstenue de prendre position sur les plaintes de la requérante concernant, d’une part, une aide prétendument accordée par la République italienne à Alitalia, à Air One et à Meridiana et, d’autre part, une prétendue violation du droit de la concurrence,

LE TRIBUNAL (cinquième chambre),

composé de MM. S. Papasavvas, président, V. Vadapalas (rapporteur) et K. O’Higgins, juges,

greffier : M. N. Rosner, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 17 février 2011,

rend le présent

Arrêt

 Faits à l’origine du litige

1        Le 3 novembre 2005, la requérante, Ryanair Ltd, a transmis une lettre à la Commission des Communautés européennes ayant pour objet une « plainte contre le gouvernement italien concernant une aide d’État à des compagnies aériennes italiennes » (ci-après la « plainte du 3 novembre 2005 »).

2        Dans cette plainte, la requérante faisait référence à la compagnie aérienne Volare ainsi qu’à la compagnie aérienne Alitalia. La requérante alléguait, notamment, que le gouvernement italien avait annulé de très gros montants de dettes accumulées par Alitalia, financé des indemnités de licenciement dues par des compagnies aériennes italiennes et accordé des remises sur les frais de carburant, au moyen de l’imposition de redevances à toutes les compagnies aériennes opérant en Italie. Elle se plaignait également de l’octroi à Alitalia d’un montant supplémentaire de 35 millions d’euros à titre d’indemnisation pour les préjudices occasionnés par les attentats du 11 septembre 2001 aux États-Unis. La requérante demandait, en outre, à ce que la direction générale (DG) « Transport et énergie » de la Commission examine le traitement de faveur permanent accordé par le gouvernement italien à Alitalia, et en particulier l’indemnisation accordée à la suite des attentats du 11 septembre 2001 (ci-après l’« indemnisation 11 septembre ») et la réduction des redevances aéroportuaires. Dans cette plainte, la requérante soulignait, enfin, qu’elle attendait toujours la publication de la décision de la Commission du 7 juin 2005, concernant le plan industriel de restructuration d’Alitalia, laquelle est finalement intervenue le 8 mars 2006 (JO L 69, p. 1, ci-après la « décision du 7 juin 2005 »).

3        Par lettre du 23 novembre 2005, la Commission a, par l’intermédiaire du directeur général de la DG « Transport et énergie », accusé réception de la plainte du 3 novembre 2005, laquelle a été enregistrée le 4 novembre 2005. Dans cette lettre, la Commission n’abordait que la question de l’aide d’État prétendument accordée à Volare.

4        Par lettre du 13 décembre 2005, dont l’objet était « Plainte contre le gouvernement italien concernant plusieurs aides d’État à Alitalia », la requérante a attiré l’attention de la Commission sur le fait que la lettre du 23 novembre 2005, par laquelle la Commission a accusé réception de sa plainte du 3 novembre 2005, n’avait pas abordé la question de l’aide d’État prétendument accordée à Alitalia. La requérante a donc réitéré sa plainte concernant l’indemnisation 11 septembre et la réduction des redevances aéroportuaires. En outre, elle s’est plainte des conditions de transfert d’Alitalia Servizi à Fintecna. La requérante demandait, à nouveau, quand la décision du 7 juin 2005 serait publiée.

5        Le 16 juin 2006, la requérante a envoyé une lettre à la Commission, adressée au directeur du transport aérien au sein de la DG « Transport et énergie », dont l’objet était « Obligations de service public italien » (ci-après « OSP »). La requérante y dénonçait notamment le fait qu’il ressortait d’articles de presse que les compagnies aériennes Air One et Meridiana avaient repris 100 employés sardes d’Alitalia. La requérante demandait expressément à ce que cette question soit ajoutée à sa plainte précédente. Le directeur du transport aérien au sein de la DG « Transport et énergie » a informé la requérante, par lettre du 26 juillet 2006, qu’une procédure formelle d’examen avait été ouverte quant aux OSP vers la Sardaigne, conformément à l’article 4, paragraphe 3, du règlement (CEE) n° 2408/92 du Conseil, du 23 juillet 1992, concernant l’accès des transporteurs aériens communautaires aux liaisons aériennes intracommunautaires (JO L 240, p. 8). S’agissant de la question du transfert des 100 employés sardes d’Alitalia (ci-après le « transfert des 100 employés d’Alitalia »), le directeur du transport aérien a invité la requérante à communiquer des informations complémentaires en lui précisant que, d’ici là, il demanderait à ses collègues de l’unité A 4 « Marché intérieur et concurrence » d’examiner cette question avec les autorités italiennes.

6        Par lettre du 14 août, la requérante a accusé réception de la lettre du 26 juillet 2006 et a indiqué ne pas disposer d’informations plus précises quant au transfert des 100 employés d’Alitalia.

7        Les 10 novembre et 22 décembre 2006, la requérante a envoyé à la Commission deux lettres ayant respectivement pour objet « OSP vers la Sardaigne » et « Nouvelles récentes d’Italie et de Grèce ». Dans la première, elle soulignait l’importance de l’examen par la Commission de l’attribution des liaisons OSP. Dans la seconde, la requérante réitérait ses préoccupations quant à l’évolution de la politique aéroportuaire en Italie.

8        Le 2 août 2007, n’ayant pas obtenu de réponse à sa plainte du 3 novembre 2005, la requérante a envoyé une lettre de mise en demeure à la Commission, par laquelle elle a invité formellement celle-ci à agir en vertu de l’article 232 CE (ci-après la « lettre de mise en demeure »). Dans cette lettre, la requérante dressait la liste des lettres envoyées à la Commission ainsi que des mesures qu’elle considérait avoir dénoncées comme étant des aides d’État. En outre, elle invitait la Commission à suivre les procédures concernant le contrôle de sa plainte au titre du règlement (CE) n° 659/1999 du Conseil, du 22 mars 1999, portant modalités d’application de l’article [88 CE] (JO L 83, p. 1), du règlement (CE) n° 1/2003 du Conseil, du 16 décembre 2002, relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux articles 81 [CE] et 82 [CE] (JO 2003, L 1, p. 1), ainsi que du règlement (CE) n° 773/2004 de la Commission, du 7 avril 2004, relatif aux procédures mises en œuvre par la Commission en application des articles 81 [CE] et 82 [CE] (JO L 123, p. 18).

9        Par lettre du 7 août 2007, la Commission a accusé réception de la lettre de mise en demeure et a indiqué qu’elle avait été attribuée à la DG « Transport et énergie ».

 Procédure et conclusions des parties

10      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 30 novembre 2007, la requérante a introduit le présent recours.

11      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 25 mars 2008, Air One a demandé à intervenir dans la présente affaire au soutien partiel des conclusions de la Commission. Par ordonnance du 14 septembre 2009, le président de la sixième chambre a admis cette intervention. Air One a informé le Tribunal, par lettre du 26 octobre 2009, qu’elle ne déposerait pas de mémoire en intervention, mais qu’elle se réservait le droit de développer ses arguments, le cas échéant, lors de l’audience. Par lettre du 8 février 2011, Air One a cependant informé le Tribunal de ce qu’elle ne participerait pas à l’audience.

12      La composition des chambres du Tribunal ayant été modifiée, le juge rapporteur a été affecté à la cinquième chambre, à laquelle l’affaire a, par conséquent, été attribuée.

13      Dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 64 de son règlement de procédure, le Tribunal (cinquième chambre) a, le 5 janvier 2011, posé des questions aux parties, lesquelles y ont répondu dans le délai imparti.

14      Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions posées par le Tribunal à l’audience du 17 février 2011.

15      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        déclarer, conformément à l’article 232 CE, que la Commission s’est illégalement abstenue de prendre position sur les plaintes des 3 novembre et 13 décembre 2005 ainsi que des 16 juin et 10 novembre 2006 ;

–        condamner la Commission à l’intégralité des dépens, y compris ceux encourus par elle dans le cadre de la procédure, même si, à la suite de l’introduction du recours, la Commission prend des mesures qui, selon le Tribunal, rendent ledit recours sans objet, ou si le Tribunal rejette la demande comme irrecevable ;

–        adopter toute mesure que le Tribunal jugerait appropriée.

16      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

17      Par lettre du 15 avril 2008, la requérante a demandé au Tribunal l’adoption de mesures d’organisation de la procédure visant à la production de certains documents mentionnés par la Commission dans le mémoire en défense.

18      Dans les observations sur cette lettre, déposées au greffe du Tribunal le 30 avril 2008, la Commission a conclu à ce que le Tribunal déboute la requérante de la demande de mesures d’organisation de la procédure.

 En droit

19      À titre liminaire, il y a lieu de relever que, dans son recours, la requérante soulève en substance sept moyens tirés d’une carence de la Commission, premièrement, quant au transfert des 100 employés d’Alitalia, deuxièmement, quant aux conditions de transfert d’Alitalia Servizi à Fintecna, troisièmement, quant au financement public des indemnités de licenciement versées par Alitalia et à l’incapacité de l’État italien à obtenir le paiement de dettes d’Alitalia à l’égard d’aéroports italiens, quatrièmement, quant à l’indemnisation 11 septembre, cinquièmement, quant aux remises sur les frais de carburant accordées aux compagnies aériennes italiennes et aux réductions de redevances aéroportuaires dans les aéroports « pivots » dont aurait bénéficié notamment Alitalia, sixièmement, quant aux restrictions visant les activités de la requérante et d’autres compagnies aériennes non italiennes dans les aéroports régionaux et, septièmement, quant à une violation du droit de la concurrence.

20      Toutefois, par lettre du 28 janvier 2011, confirmée lors de l’audience, la requérante s’est désistée des deuxième et septième moyens relatifs aux conditions de transfert d’Alitalia Servizi à Fintecna et à la violation du droit de la concurrence, ce dont le Tribunal a pris acte.

 Sur le moyen tiré d’une carence quant au transfert des 100 employés d’Alitalia

21      La Commission fait valoir que la possibilité d’introduire un recours en carence suppose l’existence d’une plainte déposée par la requérante sur ce point, ce qui ne serait pas le cas en l’espèce. Elle doute, en effet, que les quelques lignes insérées par la requérante dans sa lettre du 16 juin 2006 puissent raisonnablement être considérées comme une plainte. La Commission soutient, en outre, que ce moyen devrait être déclaré irrecevable eu égard à la jurisprudence du Tribunal selon laquelle un recours en carence n’est recevable que si l’institution en cause a été préalablement invitée à agir par une mise en demeure. Selon elle, si la lettre de mise en demeure mentionnait effectivement la question du transfert des 100 employés d’Alitalia, son invitation à agir, formelle et explicite, renvoyait à la plainte du 3 novembre 2005, qui ne portait absolument pas sur cette question. La lettre du 16 juin 2006, dont la requérante considère à présent qu’elle constitue une plainte concernant ledit transfert, n’était mentionnée que comme une des lettres supplémentaires dans lesquelles la requérante « a tenu la Commission informée et lui a demandé à plusieurs reprises d’agir ». À défaut d’être suffisamment explicite et précise pour permettre à la Commission de connaître concrètement le contenu de la décision qu’il lui était demandé de prendre, la lettre de mise en demeure ne pourrait être considérée comme constituant une lettre de mise en demeure, au sens de l’article 232 CE, en ce qui concerne la question du transfert des 100 employés d’Alitalia.

22      À cet égard, il y a lieu de rappeler que, aux termes de l’article 232, deuxième alinéa, CE, un recours en carence n’est recevable que si l’institution en cause a été préalablement invitée à agir. Cette mise en demeure de l’institution est une formalité essentielle et a pour effet, d’une part, de faire courir le délai de deux mois dans lequel l’institution est tenue de prendre position, et, d’autre part, de délimiter le cadre dans lequel un recours pourra être introduit au cas où l’institution s’abstiendrait de prendre position. Bien que non soumise à une condition de forme particulière, il est, néanmoins, nécessaire que la mise en demeure soit suffisamment explicite et précise pour permettre à la Commission de connaître de manière concrète le contenu de la décision qu’il lui est demandé de prendre et faire ressortir qu’elle a pour objet de contraindre celle-ci à prendre parti (arrêt du Tribunal du 3 juin 1999, TF1/Commission, T‑17/96, Rec. p. II‑1757, point 41).

23      Or, force est de constater que la lettre de mise en demeure, qui se réfère expressément à l’article 232 CE, satisfait à toutes les exigences précitées pour être considérée comme une lettre de mise en demeure au sens de l’article 232 CE quant à la question du transfert des 100 employés d’Alitalia.

24      En effet, la requérante précisait avoir déposé une plainte le 3 novembre 2005 et envoyé plusieurs lettres à la Commission pour la tenir informée et pour lui demander d’agir. Après avoir pris le soin de mentionner l’ensemble des lettres envoyées à la Commission, elle a dressé une liste complète des mesures qu’elle estimait avoir dénoncées dans lesdites lettres et qui constituaient, selon elle, une aide d’État illégale. Parmi ces mesures, figurait la question du transfert des 100 employés d’Alitalia pour laquelle la requérante renvoyait d’ailleurs expressément la Commission à la lettre du 16 juin 2006. La requérante mentionnait en outre que l’article 88 CE ainsi que l’article 10, paragraphe 1, et l’article 13, paragraphe 1, du règlement n° 659/1999 imposaient à la Commission de procéder à un examen diligent et impartial d’une plainte dénonçant l’existence d’une aide incompatible avec le marché commun. Elle précisait que la Commission était tenue d’adopter une décision déclarant soit que les mesures étatiques en question ne constituaient pas une aide au sens de l’article 87, paragraphe 1, CE, soit que ces mesures devaient être qualifiées d’aide au sens de l’article 87, paragraphe 1, CE, mais qu’elles étaient compatibles avec le marché commun conformément à l’article 87, paragraphes 2 et 3, CE, soit qu’il y avait lieu d’ouvrir la procédure prévue à l’article 88, paragraphe 2, CE. Enfin, la requérante avertissait la Commission de ce que la lettre de mise en demeure constituait une démarche préalable à l’engagement d’une procédure en carence à son égard au titre de l’article 232 CE. Elle précisait que si la Commission n’avait pas pris position à l’expiration d’un délai de deux mois à compter de la réception de cette lettre de mise en demeure, elle introduirait rapidement devant le Tribunal un recours visant à faire constater la violation du traité CE.

25      Eu égard au contenu de la lettre de mise en demeure, il y a lieu de considérer que cette lettre constituait une mise en demeure, au sens de l’article 232 CE, invitant sans ambiguïté la Commission à agir à l’égard de toutes les mesures exposées. En effet, d’une part, elle permettait à la Commission de déterminer les mesures concrètes qu’elle était invitée à prendre – à savoir examiner ces mesures et adopter une décision. D’autre part, elle avait pour objet de contraindre la Commission à prendre position sur les mesures dénoncées. La Commission ne pouvait, par conséquent, ignorer qu’au moyen de la lettre de mise en demeure la requérante entendait engager, en cas de silence de sa part pendant les deux mois suivant la réception de cette lettre, la procédure en carence prévue à l’article 232 CE, en ce qui concerne toutes ces mesures.

26      Dans ces conditions, le moyen tiré d’une carence quant au transfert des 100 employés d’Alitalia doit être déclaré recevable.

27      La question de savoir si une obligation d’agir pesait sur l’institution quant à ces différentes mesures n’étant pas une condition de recevabilité du recours en carence, mais une question devant être examinée au fond, il y a lieu de déterminer en l’espèce si, comme le soutient la requérante, la Commission s’est illégalement abstenue d’agir quant au transfert des 100 employés d’Alitalia mentionné dans la lettre du 16 juin 2006.

28      À cet égard, il convient de rappeler la jurisprudence constante selon laquelle, afin de statuer sur le bien-fondé de conclusions en carence, il y a lieu de vérifier si, au moment de la mise en demeure de la Commission au sens de l’article 232 CE, il pesait sur l’institution une obligation d’agir (ordonnances du Tribunal du 13 novembre 1995, Dumez/Commission, T‑126/95, Rec. p. II‑2863, point 44 ; du 6 juillet 1998, Goldstein/Commission, T‑286/97, Rec. p. II‑2629, point 24, et arrêt du Tribunal du 15 septembre 1998, Gestevisión Telecinco/Commission, T‑95/96, Rec. p. II‑3407, point 71).

29      En matière d’aides d’État, les situations dans lesquelles la Commission est tenue d’agir quant aux aides illégales sont régies par le règlement n° 659/1999. En vertu de l’article 10, paragraphe 1, de ce règlement, « [l]orsque la Commission a en sa possession des informations concernant une aide prétendue illégale, quelle qu’en soit la source, elle examine ces informations sans délai ». En vertu de l’article 20, paragraphe 2, du même règlement, « [t]oute partie intéressée peut informer la Commission de toute aide illégale prétendue et de toute application prétendue abusive de l’aide ». Aux termes de cette même disposition, « [l]orsque la Commission estime, sur la base des informations dont elle dispose, qu’il n’y a pas de motifs suffisants pour se prononcer sur le cas, elle en informe la partie intéressée ».

30      S’agissant de la façon dont la Commission est tenue d’agir en vertu des articles 10, 13 et 20 du règlement n° 659/1999, il y a lieu rappeler que, aux points 37 à 40 de son arrêt du 17 juillet 2008, Athinaïki Techniki/Commission (C‑521/06 P, Rec. p. I‑5829), la Cour a jugé :

« 37. […L]es articles 10, paragraphe 1, et 20, paragraphe 2, première phrase, du règlement n° 659/1999 octroient [aux parties intéressées] le droit de déclencher la phase préliminaire d’examen prévue à l’article 88, paragraphe 3, CE, en adressant à la Commission des informations concernant une aide prétendue illégale, celle-ci ayant l’obligation d’examiner, sans délai, l’existence éventuelle d’une aide et sa compatibilité avec le marché commun.

38. Si les intéressés ne peuvent pas se prévaloir des droits de la défense lors de cette procédure, ils disposent en revanche du droit d’être associés à celle-ci dans une mesure adéquate tenant compte des circonstances du cas d’espèce […]

39. Une telle association à ladite procédure doit impliquer que, lorsque la Commission les informe, conformément à l’article 20, paragraphe 2, deuxième phrase, du règlement n° 659/1999, qu’il n’y a pas de motifs suffisants pour se prononcer sur le cas, elle est également tenue […] de leur permettre de lui soumettre, dans un délai raisonnable, des observations supplémentaires.

40. Une fois ces observations déposées ou le délai raisonnable expiré, l’article 13, paragraphe 1, du règlement n° 659/1999 impose à la Commission de clôturer la phase préliminaire d’examen par l’adoption d’une décision au titre de l’article 4, paragraphes 2, 3 ou 4, de ce règlement, à savoir une décision constatant l’inexistence de l’aide, de ne pas soulever d’objections ou d’ouvrir la procédure formelle d’examen. Ainsi, cette institution n’est pas autorisée à perpétuer un état d’inaction pendant la phase préliminaire d’examen. Le moment venu, il lui appartient soit d’ouvrir la phase d’examen suivante, soit de classer l’affaire en adoptant une décision en ce sens […] »

31      En l’espèce, il convient donc de vérifier si, par la lettre du 16 juin 2006, la Commission a été saisie d’une plainte ou mise en possession d’informations concernant une aide prétendument illégale.

32      La Commission conteste que la lettre du 16 juin 2006 soit une plainte au motif notamment que la requérante n’a pas utilisé le formulaire type de dénonciation d’une aide d’État prétendument illégale mis à la disposition des parties intéressées et que rien dans la lettre du 16 juin 2006 n’indiquait qu’elle était censée constituer une plainte. En outre, elle nie avoir été obligée d’agir conformément à l’article 10, paragraphe 1, du règlement n° 659/1999, puisque cette lettre ne contenait aucune information concernant une aide illégale au sens de cette disposition.

33      À cet égard, il importe de relever d’emblée que, contrairement aux règles de concurrence prévues aux articles 81 CE et 82 CE, dans le cadre desquelles le dépôt d’une plainte est encadré par les règlements nos 1/2003 et 773/2004, en matière d’aides d’État, le dépôt d’une plainte n’est soumis à aucune condition de forme particulière.

34      S’agissant de l’argument de la Commission selon lequel la lettre du 16 juin 2006 ne saurait constituer une plainte dès lors que la requérante n’a pas utilisé le formulaire type, le Tribunal considère qu’il est dénué de tout fondement. En effet, ainsi que le soutient à juste titre la requérante, l’obligation d’utiliser ce formulaire n’est prévue par aucune règle du droit de l’Union si bien qu’elle ne saurait être érigée en une condition de « recevabilité » pour déposer une plainte en matière d’aides d’État.

35      Quant à l’argument de la Commission selon lequel rien dans la lettre du 16 juin 2006 n’indiquait qu’elle était censée constituer une plainte concernant le transfert des 100 employés d’Alitalia, il doit être rejeté. En effet, bien que cette lettre ait eu pour objet « OSP », force est de constater que la requérante y mentionnait clairement ce transfert comme constituant une aide d’État et demandait expressément à la Commission que cette question soit ajoutée à sa plainte précédente. La requérante demandait, en outre, explicitement à la DG « Transport et énergie » de mener une enquête afin de déterminer quels avantages avaient pu être accordés à Air One et à Meridiana pour les convaincre de reprendre les employés d’Alitalia. Il y a lieu de souligner également que la requérante avait réaffirmé, dans sa lettre du 14 août 2006, que ce transfert pouvait être assimilé à une aide d’État, parce qu’il libérait « Alitalia de son obligation de verser une indemnité de licenciement à ces salariés ». Contrairement à ce que soutient la Commission, il y a donc lieu de considérer que la lettre du 16 juin 2006 avait clairement pour objet de saisir la Commission d’une plainte au sujet du transfert des 100 employés d’Alitalia.

36      En tout état de cause, indépendamment de la question de savoir si cette plainte était fondée ou non, en recevant la lettre du 16 juin 2006, dans laquelle le transfert des 100 employés d’Alitalia était clairement identifié comme constituant une aide d’État, allégation répétée dans la lettre du 14 août 2006, le Tribunal considère que la Commission a été mise en possession d’« informations concernant une aide prétendue illégale » au sens de l’article 10, paragraphe 1, du règlement n° 659/1999. Contrairement à ce que la Commission soutient, cette disposition ne paraît pas pouvoir être interprétée en ce sens que la Commission doit recevoir des informations détaillées pour être considérée comme étant en possession d’informations concernant une aide prétendument illégale, ainsi que le corrobore le libellé de l’article 20, paragraphe 2, du même règlement. Cette disposition prévoit, en effet, que « toute partie intéressée peut informer la Commission de toute aide illégale prétendue ». Une fois informée, la Commission doit, si elle estime qu’il « n’y a pas de motifs suffisants pour se prononcer sur le cas », en informer la partie intéressée. Il apparaît donc que le législateur de l’Union n’a pas imposé que les parties intéressées fournissent des informations détaillées à la Commission pour que cette dernière soit considérée comme étant en possession d’informations nécessitant qu’un examen soit engagé.

37      Eu égard au contenu de la lettre du 16 juin 2006, il y a donc lieu de considérer que la Commission était saisie d’une plainte ou, à tout le moins, d’informations concernant une aide d’État prétendument illégale. Dès lors, conformément à la jurisprudence citée au point 30 ci-dessus, elle était tenue d’agir conformément à l’article 10, paragraphe 1, et à l’article 20, paragraphe 2, première phrase, du règlement n° 659/1999 en déclenchant la phase préliminaire d’examen et en examinant ces informations sans délai. Or, cet examen aurait dû conduire la Commission, en vertu de la même jurisprudence, à informer la requérante qu’il n’y avait pas de motifs suffisants pour se prononcer sur le cas ou, en tout état de cause, à adopter une décision au titre de l’article 4, paragraphes 2, 3 ou 4, du règlement n° 659/1999.

38      En l’espèce, il est constant que la Commission n’a pas informé la requérante qu’il n’y avait pas de motifs suffisants pour se prononcer sur le cas, ni adopté de décision au titre de l’article 4, paragraphes 2, 3 ou 4, du règlement n° 659/1999, alors qu’elle était tenue de le faire. Elle s’est donc trouvée en situation de carence le 2 octobre 2007, à l’expiration du délai de deux mois suivant l’invitation à agir contenue dans la lettre de mise en demeure, s’agissant du transfert des 100 employés d’Alitalia.

39      En conséquence, le moyen tiré d’une carence quant audit transfert doit être considéré comme fondé.

 Sur le moyen tiré d’une carence quant au financement public des indemnités de licenciement dues par Alitalia et à l’incapacité de l’État italien à obtenir le paiement de dettes d’Alitalia à l’égard d’aéroports italiens

40      La Commission conteste que la requérante ait déposé une plainte quant à ces mesures. En tout état de cause, elle soutient que ce moyen devrait être déclaré irrecevable pour les mêmes raisons que celles figurant au point 21 ci-dessus, à savoir que la lettre de mise en demeure ne peut être considérée comme constituant une lettre de mise en demeure au sens de l’article 232 CE.

41      S’agissant de l’argument selon lequel le recours serait irrecevable pour autant qu’il est dirigé contre l’abstention de la Commission d’agir quant à la question du financement public des indemnités de licenciement versées par Alitalia et à l’incapacité de l’État italien à obtenir le paiement de dettes d’Alitalia à l’égard d’aéroports italiens, il y a lieu de rappeler qu’il a été jugé au point 25 ci-dessus, que, eu égard au contenu de la lettre de mise en demeure, cette lettre constituait une mise en demeure, au sens de l’article 232 CE, invitant sans ambiguïté la Commission à agir à l’égard de toutes les mesures listées dans cette lettre, parmi lesquelles figuraient la question du financement public des indemnités et celle du non-paiement de dettes d’Alitalia à l’égard d’aéroports italiens.

42      Dans ces conditions, le moyen tiré d’une carence quant à ces deux mesures doit être déclaré recevable.

43      Il convient donc de déterminer en l’espèce si, comme le soutient la requérante, la Commission s’est illégalement abstenue d’agir quant au financement public des indemnités de licenciement dues par Alitalia et à l’incapacité de l’État italien à obtenir le paiement de dettes d’Alitalia à l’égard d’aéroports italiens.

44      À cette fin, il convient de vérifier si, au moment de la mise en demeure de la Commission au sens de l’article 232 CE, il pesait sur l’institution une obligation d’agir (voir point 28 ci-dessus).

45      Or, force est de constater que, d’une part, c’est à juste titre que la Commission fait valoir qu’il n’existe aucune plainte quant à ces deux mesures et que, d’autre part, rien dans les différentes lettres adressées par la requérante à la Commission ne peut être qualifié d’« informations concernant une aide prétendue illégale » au sens de l’article 10, paragraphe 1, du règlement n° 659/1999.

46      En effet, ni la plainte du 3 novembre 2005, qui mentionnait le financement d’indemnités de licenciement dues par des compagnies aériennes en général, ni la lettre du 13 décembre 2005, qui ne mentionnait que les réductions de redevances aéroportuaires pour soutenir Alitalia et le transfert d’Alitalia Servizi à Fintecna, ni les lettres des 16 juin, 10 novembre et 22 décembre 2006 n’indiquaient qu’Alitalia avait bénéficié de ces mesures. Ainsi que le relève la Commission, la seule mention du financement d’indemnités de licenciement dues par Alitalia – et non de dettes envers des aéroports – figurait dans une lettre de la requérante du 5 avril 2006, qui indiquait que « le gouvernement italien a[vait] imposé une taxe nationale à toutes les compagnies aériennes pour financer le montant de 440 millions d’euros d’indemnités de licenciement dû par Alitalia ». Toutefois, une telle phrase ne saurait être qualifiée de plainte ou d’information au sens de l’article 10, paragraphe 1, du règlement n° 659/1999. En effet, bien que le législateur de l’Union n’ait pas imposé que les parties intéressées fournissent des informations détaillées à la Commission pour que cette dernière soit considérée comme étant en possession d’informations nécessitant qu’un examen soit engagé, ainsi que cela ressort du point 36 supra, il faut, à tout le moins, que la partie intéressée précise que la mesure dénoncée est considérée comme constituant une aide prétendue illégale. Or, force est de constater que tel n’est pas le cas en l’espèce. Ce n’est que dans la lettre de mise en demeure que la requérante mentionne, pour la première fois, que ces mesures auraient bénéficié à Alitalia et que de telles mesures constituaient une aide d’État.

47      Par conséquent, il y a lieu de considérer que, au moment de la mise en demeure de la Commission, au sens de l’article 232 CE, il ne pesait pas d’obligation d’agir sur la Commission, si bien qu’aucune carence ne peut lui être reprochée, conformément à la jurisprudence citée au point 28 ci-dessus, s’agissant du financement public des indemnités de licenciement dues par Alitalia et de l’incapacité de l’État italien à obtenir le paiement de dettes d’Alitalia à l’égard d’aéroports italiens.

48      Il en résulte que le moyen tiré d’une carence quant à ces deux mesures doit être rejeté comme étant non fondé.

 Sur le moyen tiré d’une carence quant à l’indemnisation 11 septembre

49      Il convient de souligner d’emblée que la Commission ne conteste pas que la plainte du 3 novembre 2005 constitue une plainte, s’agissant de l’indemnisation 11 septembre, ni que cette plainte, qui a été réitérée dans la lettre de la requérante du 13 décembre 2005, a fait l’objet d’un examen préliminaire de sa part. La Commission affirme, en effet, avoir suivi la plainte en interrogeant les autorités italiennes. La Commission fait cependant valoir que la législation italienne ne constitue pas une mesure d’aide d’État, car il n’y a eu aucun transfert de ressources d’État. Elle ajoute que la question de l’existence d’une législation qui confère une possibilité à l’État, mais qui n’a jamais été appliquée, ne relève pas du contrôle des aides d’État.

50      À cet égard, il importe de relever que, ainsi que cela ressort de la jurisprudence citée au point 30 ci-dessus, l’article 13 du règlement nº 659/1999 impose à la Commission de clore la phase préliminaire d’examen d’une éventuelle aide illégale par l’adoption d’une décision au titre de l’article 4, paragraphes 2, 3 ou 4, de ce règlement.

51      Il s’ensuit que, même si la Commission considérait que la législation italienne ne constituait pas une mesure d’aide d’État et que la question de l’existence d’une législation qui conférait une possibilité à l’État, mais qui n’était pas appliquée automatiquement, ne relevait pas du contrôle des aides d’État, elle était tenue d’adopter une décision au titre de l’article 4, paragraphes 2, 3 ou 4, dudit règlement pour clore cette phase préliminaire d’examen.

52      Dès lors qu’il est constant que la Commission n’a pas adopté de décision en l’espèce, il y a lieu de considérer qu’elle s’est trouvée en situation de carence le 2 octobre 2007, à l’expiration du délai de deux mois suivant l’invitation à agir contenue dans la lettre de mise en demeure, s’agissant de l’indemnisation 11 septembre.

53      En conséquence, le moyen tiré d’une carence quant à l’indemnisation 11 septembre doit être considéré comme fondé.

 Sur le moyen tiré d’une carence quant aux remises sur les frais de carburant accordées aux compagnies aériennes italiennes et aux réductions de redevances aéroportuaires dans les aéroports « pivots » dont aurait bénéficié notamment Alitalia

54      La Commission conteste avoir été obligée d’agir quant à ces mesures dès lors qu’aucune plainte n’a été déposée par la requérante pour les dénoncer. En tout état de cause, elle soutient que ce moyen devrait être déclaré irrecevable pour cause de litispendance dès lors que la question des remises sur les frais de carburant et des réductions de redevances aéroportuaires était également posée dans l’affaire T‑441/07, Ryanair/Commission, laquelle a été introduite antérieurement à la présente affaire. Lors de l’audience, elle a prétendu que le fait que la requérante se soit désistée de son recours dans l’affaire T‑441/07, Ryanair/Commission (ordonnance de radiation du président de la cinquième chambre du Tribunal du 5 octobre 2010, Ryanair/Commission, T‑441/07, non publiée au Recueil), ne devrait pas pour autant conduire le Tribunal à déclarer le présent moyen recevable.

55      Il y a lieu d’écarter d’emblée l’exception de litispendance soulevée par la Commission. En effet, contrairement à ce qu’a soutenu la Commission lors de l’audience, cette exception est devenue sans objet depuis que la requérante s’est désistée de son recours dans l’affaire T‑441/07 (voir, à cet égard, arrêt du Tribunal du 28 novembre 2008, Hôtel Cipriani e.a./Commission, T‑254/00, T‑270/00 et T‑277/00, Rec. p. II‑3269, point 43).

56      Il s’ensuit que le présent moyen doit être déclaré recevable.

57      Il convient donc de déterminer en l’espèce si, comme le soutient la requérante, la Commission s’est illégalement abstenue d’agir quant à ces mesures.

58      À cette fin, il convient de vérifier si, au moment de la mise en demeure de la Commission au sens de l’article 232 CE, il pesait sur l’institution une obligation d’agir (voir point 28 ci-dessus).

59      La Commission fait valoir que la possibilité d’introduire un recours en carence portant sur ces mesures suppose l’existence d’une plainte déposée par la requérante, ce qui ne serait pas le cas en l’espèce. Elle doute, en effet, que le fait d’alléguer en une phrase, dans la plainte du 3 novembre 2005, l’existence de remises sur les frais de carburant et de réductions de redevances aéroportuaires, puisse raisonnablement être considéré comme une plainte.

60      Dans la défense, la Commission soulignait que, en tout état de cause, elle avait agi en ce qui concerne le fond de cette plainte. Elle indiquait, au point 42 de la défense, avoir reçu la plainte du 3 novembre 2005 à cette même date. Elle précisait avoir examiné cette plainte et envoyé une lettre aux autorités italiennes, le 13 février 2006, leur demandant de lui communiquer des informations au sujet du nouveau système de redevances applicable dans tous les aéroports italiens. Par conséquent, un examen préliminaire aurait commencé immédiatement selon la Commission. Elle ajoutait, en outre, au point 46 de la défense, que plusieurs échanges de correspondance avaient eu lieu, depuis la première lettre de la requérante, entre elle et les autorités italiennes, pour qu’elle reçoive toutes les informations nécessaires pour décider d’ouvrir ou non une procédure d’examen. Or, selon une jurisprudence constante, le fait d’interroger les autorités nationales prouverait que « la Commission n’est pas restée inactive après la réception de la plainte de la requérante ». S’agissant de la durée de l’examen préliminaire, la Commission estimait que la durée de 21 mois, qui s’était écoulée entre la plainte du 3 novembre 2005 et la lettre de mise en demeure, n’était pas excessive compte tenu des circonstances propres à l’affaire, de son contexte, de ses différentes étapes procédurales, de sa complexité et de son enjeu pour les différentes parties intéressées.

61      Toutefois, en réponse à une question écrite du Tribunal et lors de l’audience, la Commission a tenu à apporter des précisions quant à la question des remises sur les frais de carburants et des redevances aéroportuaires qui, de son aveu même, avait été traitée de façon ambiguë dans la défense. Elle a affirmé que sa ligne de défense principale, quant à ces mesures, était celle exposée au point 41 de la défense, à savoir que, à défaut de plainte dénonçant ces mesures, aucune obligation d’agir ne lui incombait. En outre, elle a affirmé en substance que le point 42 de la défense ne devait pas être compris en ce sens qu’elle avait traité la plainte de la requérante du 3 novembre 2005 comme une plainte donnant droit à un examen. Ledit point 42 signifie uniquement, selon la Commission, qu’elle a agi dans le cadre d’une procédure parallèle, engagée à la suite du dépôt de plaintes de la part d’autres plaignants que la requérante, au cours de laquelle il y a eu un échange de correspondance avec les autorités italiennes. La Commission a souligné, lors de l’audience, qu’il était regrettable qu’elle n’ait pas mentionné l’existence de cette procédure parallèle, mais elle a soutenu que cela ne changeait rien en l’espèce dès lors que, eu égard au contenu de la plainte du 3 novembre 2005, aucune obligation d’agir ne lui incombait.

62      À cet égard, il convient de relever que, s’agissant de la question des remises sur les frais de carburant, c’est à juste titre que la Commission fait valoir qu’il n’existe aucune plainte. Au demeurant, force est de constater que rien dans les différentes lettres adressées par la requérante à la Commission ne peut être qualifié d’« informations concernant une aide prétendue illégale » au sens de l’article 10, paragraphe 1, du règlement n° 659/1999.

63      En effet, alors que la plainte du 3 novembre 2005 se bornait à mentionner de façon générale que le gouvernement italien avait annulé de très gros montants de dettes accumulées par Alitalia, financé des indemnités de licenciement dues par des compagnies aériennes italiennes et accordé des remises sur les frais de carburant, au moyen de l’imposition de redevances à toutes les compagnies aériennes opérant en Italie, les lettres ultérieures de la requérante ne faisaient aucunement mention de cette question des remises dont aurait bénéficié notamment Alitalia. Or, la seule phrase contenue dans la plainte du 3 novembre 2005 ne saurait être qualifiée de plainte ou d’information au sens de l’article 10, paragraphe 1, du règlement n° 659/1999 dès lors que la requérante ne précise aucunement que ces remises devaient être considérées comme constituant une aide prétendue illégale. Ce n’est que dans la lettre de mise en demeure que la requérante mentionne, pour la première fois, que ces mesures auraient bénéficié à Alitalia et que de telles mesures constituaient une aide d’État.

64      Par conséquent, il y a lieu de considérer que, au moment de la mise en demeure de la Commission, au sens de l’article 232 CE, il ne pesait pas d’obligation d’agir sur la Commission quant aux remises sur les frais de carburant, si bien qu’aucune carence ne peut lui être reprochée à cet égard, conformément à la jurisprudence citée au point 28 ci-dessus.

65      S’agissant de la question de la réduction des redevances aéroportuaires dont aurait bénéficié notamment Alitalia, il y a lieu de rejeter l’argument de la Commission selon lequel aucune plainte n’a été déposée à cet égard.

66      En effet, d’une part, dans la plainte du 3 novembre 2005, la requérante demandait à ce que la DG « Transport et énergie » examine le traitement de faveur permanent accordé par le gouvernement italien à Alitalia, et en particulier la réduction des redevances aéroportuaires. D’autre part, dans la lettre du 13 décembre 2005, la requérante a attiré l’attention de la Commission sur le fait que la lettre du 23 novembre 2005, par laquelle la Commission a accusé réception de sa plainte du 3 novembre 2005, n’avait pas abordé la question de l’aide d’État prétendument accordée à Alitalia s’agissant notamment desdites redevances. La requérante a donc réitéré, dans la lettre du 13 décembre 2005, sa plainte concernant la réduction des redevances aéroportuaires en faveur d’Alitalia. Contrairement à ce que soutient la Commission, il y a donc lieu de considérer que les lettres des 3 novembre et 13 décembre 2005 avaient clairement pour objet de saisir la Commission d’une plainte au sujet des réductions de redevances aéroportuaires dans les aéroports « pivots » dont aurait bénéficié notamment Alitalia.

67      En tout état de cause, indépendamment de la question de savoir si cette plainte était fondée ou non, en recevant ces deux lettres, le Tribunal considère que la Commission a été mise en possession d’« informations concernant une aide prétendue illégale » au sens de l’article 10, paragraphe 1, du règlement n° 659/1999. Dès lors, conformément à la jurisprudence citée au point 30 ci-dessus, elle était tenue d’agir conformément à l’article 10, paragraphe 1, et à l’article 20, paragraphe 2, première phrase, du règlement n° 659/1999 en déclenchant la phase préliminaire d’examen et en examinant ces informations sans délai. Or, cet examen aurait dû conduire la Commission, en vertu de la même jurisprudence, à informer la requérante qu’il n’y avait pas de motifs suffisants pour se prononcer sur le cas ou, en tout état de cause, à adopter une décision au titre de l’article 4, paragraphes 2, 3 ou 4, du règlement n° 659/1999.

68      En l’espèce, il n’est pas contesté que la Commission n’a pas entamé un examen, ni, a fortiori, informé la requérante qu’il n’y avait pas de motifs suffisants pour se prononcer sur le cas ou adopté de décision au titre de l’article 4, paragraphes 2, 3 ou 4, du règlement n° 659/1999, alors qu’elle était tenue de le faire. Elle s’est donc trouvée en situation de carence le 2 octobre 2007, à l’expiration du délai de deux mois suivant l’invitation à agir contenue dans la mise en demeure du 2 août 2007.

69      En conséquence, le présent moyen doit être considéré comme fondé en ce qu’il concerne les réductions de redevances aéroportuaires dans les aéroports « pivots » dont aurait bénéficié notamment Alitalia.

 Sur le moyen tiré d’une carence quant aux restrictions visant les activités de la requérante et d’autres compagnies aériennes non italiennes dans les aéroports régionaux

70      La Commission conteste avoir été obligée d’agir quant à ces restrictions. Elle fait en substance valoir que ni la lettre du 10 novembre ni celle du 22 décembre 2006 ne mentionnaient ces restrictions comme étant constitutives d’aides d’État. En tout état de cause, elle soutient que ce moyen devrait être déclaré irrecevable pour les mêmes raisons que celles figurant au point 21 ci-dessus, à savoir que la lettre de mise en demeure ne peut être considérée comme constituant une lettre de mise en demeure au sens de l’article 232 CE.

71      S’agissant de l’argument selon lequel le recours serait irrecevable pour autant qu’il est dirigé contre l’abstention de la Commission d’agir quant aux restrictions visant les activités de la requérante et d’autres compagnies aériennes non italiennes dans les aéroports régionaux, il y a lieu de rappeler qu’il a été jugé au point 25 ci-dessus, que, eu égard au contenu de la lettre de mise en demeure, cette lettre constituait une mise en demeure, au sens de l’article 232 CE, invitant sans ambiguïté la Commission à agir à l’égard de toutes les mesures listées dans cette lettre, parmi lesquelles figurait la question de ces restrictions.

72      Dans ces conditions, le présent moyen doit être déclaré recevable.

73      Il convient donc de déterminer en l’espèce si, comme le soutient la requérante, la Commission s’est illégalement abstenue d’agir quant aux restrictions visant les activités de la requérante et d’autres compagnies aériennes non italiennes dans les aéroports régionaux.

74      À cette fin, il convient de vérifier si, au moment de la mise en demeure de la Commission au sens de l’article 232 CE, il pesait sur l’institution une obligation d’agir (voir point 28 ci-dessus).

75      Or, force est de constater, d’une part, que c’est à juste titre que la Commission fait valoir qu’il n’existe aucune plainte ni aucun élément portant sur ces restrictions et que, d’autre part, rien dans les différentes lettres adressées par la requérante à la Commission ne peut être qualifié d’« informations concernant une aide prétendue illégale » au sens de l’article 10, paragraphe 1, du règlement n° 659/1999.

76      Par conséquent, il y a lieu de considérer que, au moment de la mise en demeure de la Commission, au sens de l’article 232 CE, il ne pesait pas d’obligation d’agir sur la Commission, si bien qu’aucune carence ne peut lui être reprochée, conformément à la jurisprudence citée au point 28 ci-dessus, s’agissant des restrictions visant les activités de la requérante et d’autres compagnies aériennes non italiennes dans les aéroports régionaux.

77      Il en résulte que le moyen tiré d’une carence quant à ces restrictions doit être rejeté comme étant non fondé.

78      Il résulte de tout ce qui précède qu’il y a lieu de faire droit aux seules conclusions en carence relatives aux aides prétendument accordées par la République italienne s’agissant du transfert des 100 employés d’Alitalia, de l’indemnisation 11 septembre et des réductions de redevances aéroportuaires dans les aéroports « pivots » dont aurait bénéficié notamment Alitalia, sans qu’il soit nécessaire d’adopter les mesures d’organisation de la procédure sollicitées par la requérante.

 Sur les dépens

79      Aux termes de l’article 87, paragraphe 3, premier alinéa, du règlement de procédure du Tribunal, si les parties succombent respectivement sur un ou plusieurs chefs, le Tribunal peut répartir les dépens ou décider que chaque partie supporte ses propres dépens. En l’espèce, chacune des parties ayant succombé partiellement, le Tribunal estime qu’il sera fait une juste appréciation des circonstances de la cause en décidant que chacune d’elles supportera ses propres dépens. Par ailleurs, la partie intervenante supportera, conformément à l’article 87, paragraphe 4, alinéa 3, du même règlement, ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (cinquième chambre)

déclare et arrête :

1)      La Commission des Communautés européennes a manqué aux obligations qui lui incombaient en vertu du traité CE en s’abstenant d’adopter une décision quant au transfert des 100 employés d’Alitalia, dénoncé dans la lettre du 16 juin 2006, que lui a adressée Ryanair Ltd, quant à l’indemnisation accordée à la suite des attentats du 11 septembre, dénoncée dans les lettres des 3 novembre et 13 décembre 2005, que lui a adressées Ryanair, et quant aux réductions de redevances aéroportuaires dans les aéroports « pivots » dont aurait bénéficié notamment Alitalia, dénoncées dans lesdites lettres des 3 novembre et 13 décembre 2005.

2)      Le recours est rejeté pour le surplus.

3)      Chacune des parties, y compris Air One SpA, supportera ses propres dépens.

Papasavvas

Vadapalas

O’Higgins

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 29 septembre 2011.

Signatures


* Langue de procédure : l’anglais.