Language of document : ECLI:EU:C:2011:571

ORDONNANCE DU PRÉSIDENT DE LA COUR

9 septembre 2011 (*)

«Procédure accélérée»

Dans l’affaire C‑256/11,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Verwaltungsgerichtshof (Autriche), par décision du 5 mai 2011, parvenue à la Cour le 25 mai 2011, dans les procédures

Murat Dereci,

Vishaka Heiml,

Alban Kokollari,

Izunna Emmanuel Maduike,

Dragica Stevic

contre

Bundesministerium für Inneres,

LE PRÉSIDENT DE LA COUR,

vu la proposition de Mme R. Silva de Lapuerta, juge rapporteur,

l’avocat général, M. P. Mengozzi, entendu,

rend la présente

Ordonnance

1        La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 20 TFUE et de la directive 2004/38/CE du Parlement européen et du Conseil, du 29 avril 2004, relative au droit des citoyens de l’Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres, modifiant le règlement (CEE) n° 1612/68 et abrogeant les directives 64/221/CEE, 68/360/CEE, 72/194/CEE, 73/148/CEE, 75/34/CEE, 75/35/CEE, 90/364/CEE, 90/365/CEE et 93/96/CEE (JO L 158, p. 77, et rectificatifs JO L 229, p. 35, JO 2005, L 197, p. 34, et JO 2007, L 204, p. 28), ainsi que de la décision n° 1/80 du conseil d’association, du 19 septembre 1980, relative au développement de l’association crée par l’accord créant une association entre la Communauté économique européenne et la Turquie, signé, le 12 septembre 1963, à Ankara par la République de Turquie, d’une part, ainsi que par les États membres de la CEE et la Communauté, d’autre part, et conclu, approuvé et confirmé au nom de cette dernière par la décision 64/732/CEE du Conseil, du 23 décembre 1963 (JO 1964, 217, p. 3685), et du protocole additionnel, signé le 23 novembre 1970 à Bruxelles et conclu, approuvé et confirmé au nom de la Communauté par le règlement (CEE) n° 2760/72 du Conseil, du 19 décembre 1972 (JO L 293, p. 1).

2        Cette demande a été présentée dans le cadre de litiges opposant les requérants au principal au Bundesministerium für Inneres (ministère de l’Intérieur) au sujet du refus opposé par ce dernier aux demandes d’autorisation de séjour formées par ces requérants, assorti, dans le cadre de trois des procédures au principal, d’un ordre d’expulsion et de mesures d’éloignement du territoire autrichien.

3        Il ressort de la décision de renvoi que les requérants au principal sont tous des ressortissants d’États tiers qui désirent vivre avec des membres de leur famille, citoyens de l’Union, résidant en Autriche. Il y a également lieu de préciser que les citoyens de l’Union concernés n’ont jamais fait usage de leur droit de libre circulation et qu’ils ne dépendent pas des requérants au principal pour leur subsistance.

4        En revanche, il y a lieu de relever que les faits de ces affaires au principal présentent des différences s’agissant notamment du caractère légal ou illégal de l’entrée sur le territoire autrichien des requérants au principal, du lieu de résidence actuel de ces derniers ainsi que de la nature du lien familial existant avec le citoyen de l’Union concerné et de l’existence d’une dépendance économique à l’égard de ce dernier.

5        Ainsi, M. Dereci, ressortissant turc, est entré illégalement en Autriche, s’est marié avec une ressortissante autrichienne dont il a eu trois enfants qui possèdent la nationalité autrichienne et qui sont actuellement mineurs. M. Dereci réside actuellement avec sa famille en Autriche. M. Maduike, ressortissant nigérian, est également entré illégalement en Autriche et s’est marié avec une ressortissante autrichienne avec laquelle il réside actuellement dans cet État membre.

6        Mme Heiml, ressortissante sri-lankaise, s’est en revanche mariée avec un ressortissant autrichien avant d’entrer légalement en Autriche où elle réside actuellement avec son mari.

7        Quant à M. Kokollari, entré légalement en Autriche à l’âge de 2 ans avec ses parents qui avaient la nationalité yougoslave, il affirme être à 29 ans à la charge de sa mère, devenue entre-temps ressortissante autrichienne. Il réside actuellement en Autriche. Mme Stevic, ressortissante serbe, est âgée de 52 ans et demande le regroupement familial avec son père, dont il ressort qu’il réside en Autriche depuis de longues années et qu’il a obtenu la nationalité autrichienne au cours de l’année 2007. Elle aurait reçu régulièrement une aide mensuelle de son père et soutient que ce dernier veillera à sa subsistance lors de son séjour en Autriche. Mme Stevic réside actuellement en Serbie, de même que son mari et ses trois enfants majeurs.

8        Par ses questions, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 20 TFUE ou, subsidiairement, en ce qui concerne M. Dereci, soit l’article 13 de la décision n° 1/80, soit l’article 41 du protocole additionnel doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à ce qu’un État membre refuse à un ressortissant d’un État tiers le séjour sur son territoire, alors que ce ressortissant souhaite y résider avec un membre de sa famille qui possède la nationalité de cet État membre, et ce même si ce ressortissant national n’a jamais fait usage de son droit à la libre circulation et qu’il ne dépend pas pour sa subsistance du ressortissant qui a sollicité son admission au séjour.

9        En cas de réponse affirmative à cette question, la juridiction de renvoi demande, notamment, si le droit de séjour qui peut être accordé découle directement du droit de l’Union ou s’il s’agit d’un acte constitutif de l’État membre et, en tout état de cause, dans quelles conditions le ressortissant de l’État tiers peut être privé de ce droit.

10      Dans sa décision, le Verwaltungsgerichtshof demande à la Cour de soumettre le renvoi préjudiciel à une procédure accélérée, en application des articles 23 bis du statut de la Cour de justice de l’Union européenne et 104 bis, premier alinéa, du règlement de procédure de la Cour.

11      Aux termes de l’article 104 bis, premier alinéa, du règlement de procédure, à la demande de la juridiction nationale, le président de la Cour peut exceptionnellement, sur proposition du juge rapporteur, l’avocat général entendu, décider de soumettre un renvoi préjudiciel à une procédure accélérée dérogeant aux dispositions de ce règlement, lorsque les circonstances invoquées établissent l’urgence extraordinaire de statuer sur la question posée à titre préjudiciel.

12      À l’appui de sa demande, la juridiction de renvoi fait valoir que les autorités administratives autrichiennes ont non seulement refusé de délivrer un titre de séjour aux requérants au principal, mais ont également pris une décision d’éloignement du territoire à l’égard de la plupart d’entre eux, ce qui affecterait personnellement ces requérants et les membres de leur famille et aurait des répercussions dans leurs projets de vie.

13      En outre, la juridiction de renvoi relève qu’elle-même comme les autorités administratives autrichiennes sont actuellement saisies d’un nombre important d’affaires similaires et qu’il y a lieu de s’attendre à une augmentation de ce type d’affaires dans un avenir proche, à la suite de l’arrêt du 8 mars 2011, Ruiz Zambrano (C-34/09, non encore publié au Recueil).

14      Selon la juridiction de renvoi, des circonstances analogues auraient justifié l’application de la procédure accélérée dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 25 juillet 2008, Metock e.a. (C-127/08, Rec. p. I‑6241).

15      Il ressort en effet de la décision de renvoi que l’un au moins des requérants au principal, M. Dereci, s’est vu refuser l’effet suspensif de l’appel qu’il a introduit contre son ordre d’expulsion d’Autriche et doit s’attendre à voir exécuter la mesure d’éloignement du territoire à tout moment. Des mesures d’éloignement du territoire ont également été ordonnées par les autorités administratives autrichiennes à l’encontre de Mme Heiml et de M. Kokollari. Cette menace d’éloignement imminent prive les requérants au principal concernés de la possibilité de mener une vie de famille normale en ce qu’elle les place dans une situation d’incertitude concernant des données fondamentales de leur avenir familial (voir ordonnance du président de la Cour du 17 avril 2008, Metock e.a., C‑127/08, point 13).

16      À cet égard, il convient de rappeler que le droit au respect de la vie familiale au sens de l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950, fait partie des droits fondamentaux qui, selon la jurisprudence constante de la Cour, sont protégés dans l’ordre juridique communautaire (arrêts du 11 juillet 2002, Carpenter, C-60/00, Rec. p. I-6279, point 41; du 23 septembre 2003, Akrich, C‑109/01, Rec. p. I-9607, points 58 et 59, ainsi que du 27 juin 2006, Parlement/Conseil, C-540/03, Rec. p. I-5769, point 52), ledit droit ayant, de surcroît, été réaffirmé à l’article 7 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne.

17      La réponse de la Cour aux questions posées par la juridiction de renvoi, lesquelles portent sur le droit de séjour des citoyens de l’Union et des membres de leur famille sur le territoire des États membres, est de nature à lever l’incertitude pesant sur la situation des requérants au principal. Partant, une réponse intervenant dans de très brefs délais contribuerait à mettre fin plus rapidement à cette incertitude qui empêche les intéressés de mener une vie familiale normale (voir ordonnance du président de la Cour Metock e.a., précitée, points 15 et 16).

18      Dès lors, ces circonstances établissent l’urgence extraordinaire de statuer sur les questions posées par la juridiction de renvoi sans qu’il soit nécessaire d’examiner les autres motifs invoqués par la juridiction de renvoi.

Par ces motifs, le président de la Cour ordonne:

Il est fait droit à la demande du Verwaltungsgerichtshof (Autriche) tendant à ce que l’affaire C-256/11 soit soumise à la procédure accélérée prévue aux articles 23 bis du statut de la Cour de justice de l’Union européenne et 104 bis, premier alinéa, du règlement de procédure de la Cour.

Signatures


* Langue de procédure: l’allemand.