Language of document : ECLI:EU:C:2011:533

ARRÊT DE LA COUR (troisième chambre)

28 juillet 2011 (*)

«Pourvoi – Subventions accordées par la République italienne en vue de promouvoir l’achat de décodeurs numériques – Non-inclusion des décodeurs permettant uniquement la réception de programmes de télévision diffusés par satellite – Décision déclarant l’aide incompatible avec le marché commun»

Dans l’affaire C‑403/10 P,

ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduit le 6 août 2010,

Mediaset SpA, établie à Milan (Italie), représentée par Me K. Adamantopoulos, dikigoros, Me G. Rossi, avvocato, et Me E. Petritsi, dikigoros,

partie requérante,

les autres parties à la procédure étant:

Commission européenne, représentée par MM. B. Martenczuk et B. Stromsky, en qualité d’agents, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie défenderesse en première instance,

Sky Italia Srl, établie à Rome (Italie), représentée par Me F. González Díaz, abogado, et Me F. Salerno, avocat,

partie intervenante en première instance,

LA COUR (troisième chambre),

composée de M. K. Lenaerts (rapporteur), président de chambre, M. D. Šváby, Mme R. Silva de Lapuerta, MM. E. Juhász et T. von Danwitz, juges,

avocat général: M. Y. Bot,

greffier: Mme L. Hewlett, administrateur principal,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 4 mai 2011,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1        Par son pourvoi, Mediaset SpA (ci-après «Mediaset») demande l’annulation de l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 15 juin 2010, Mediaset/Commission (T-177/07, non encore publié au Recueil, ci-après l’«arrêt attaqué»), par lequel celui-ci a rejeté son recours tendant à l’annulation de la décision 2007/374/CE de la Commission, du 24 janvier 2007, relative à l’aide d’État C 52/2005 (ex NN 88/2005, ex CP 101/2004) octroyée par la République italienne sous forme de subvention à l’achat de décodeurs numériques (JO L 147, p. 1, ci-après la «décision litigieuse»).

 Les faits à l’origine du litige

2        L’article 4, paragraphe 1, de la loi n° 350, concernant les dispositions pour la formation du budget annuel et pluriannuel de l’État (loi de finances 2004) [legge n. 350 – Disposizioni per la formazione del bilancio annuale e pluriennale dello Stato (legge finanziaria 2004)], du 24 décembre 2003 (supplément ordinaire à la GURI n° 299, du 27 décembre 2003, ci-après la «loi de finances 2004»), disposait:

«Pour l’année 2004, est versée une subvention publique de 150 euros à chaque utilisateur du service de radiodiffusion, en règle pour l’année en cours en matière de paiement de la redevance d’abonnement correspondante, qui achète ou loue un appareil permettant la réception, en clair et sans aucune charge pour l’utilisateur et pour le fournisseur de contenus, des signaux télévisuels numériques terrestres (T-DVB/C-DVB) et de l’interactivité qui y est associée. Le plafond de la subvention accordée est de 110 millions d’euros.»

3        L’article 1er, paragraphe 211, de la loi n° 311, concernant les dispositions pour la formation du budget annuel et pluriannuel de l’État (loi de finances 2005) [legge n. 311 – Disposizioni per la formazione del bilancio annuale e pluriennale dello Stato (legge finanziaria 2005)], du 30 décembre 2004 (supplément ordinaire à la GURI n° 306, du 31 décembre 2004, ci-après la «loi de finances 2005»), prévoyait le renouvellement de cette mesure dans la même limite de dotation de 110 millions d’euros, la subvention pour le décodeur numérique étant toutefois réduite à 70 euros.

4        Ce régime n’est plus en vigueur depuis le 1er décembre 2005.

5        Le processus de numérisation des signaux télévisuels a été lancé en Italie avec la loi n° 66, portant conversion en loi, avec modifications, du décret-loi n° 5 du 23 janvier 2001 (legge n. 66 – Conversione in legge, con modificazioni, del decreto-legge 23 gennaio 2001, n. 5), du 20 mars 2001 (GURI n° 70, du 24 mars 2001, p. 3), qui disposait que le passage au numérique serait achevé et la transmission analogique définitivement arrêtée avant le mois de décembre 2006. À cet égard, l’article 2 bis, point 5, de ladite loi énonce:

«Les transmissions télévisuelles de programmes et de services multimédias par fréquence terrestre devront être émises exclusivement en technologie numérique avant la fin de l’année 2006.»

6        La date prévue pour la cessation de la transmission analogique a par la suite été reportée à deux reprises, dans un premier temps jusqu’en 2008, puis, dans un second temps, jusqu’au 30 novembre 2012.

7        Le 11 mai 2004, Centro Europa 7 Srl a déposé une plainte auprès de la Commission des Communautés européennes contre la subvention octroyée par la République italienne, conformément à l’article 4, paragraphe 1, de la loi de finances 2004, pour l’achat de certains décodeurs numériques terrestres. Par lettre du 10 février 2005, Centro Europa 7 Srl a fourni à la Commission d’autres informations et a fait valoir que cet État membre avait prévu le refinancement de la subvention à l’article 1er, paragraphe 211, de la loi de finances 2005.

8        Le 3 mai 2005, Sky Italia Srl (ci-après «Sky Italia») a également déposé une plainte à l’encontre des mêmes dispositions de la loi de finances 2004 et de la loi de finances 2005 (ci-après, ensemble, la «mesure en cause»).

9        Par lettre datée du 21 décembre 2005, la Commission a communiqué à la République italienne sa décision d’ouvrir la procédure formelle d’examen prévue à l’article 88, paragraphe 2, CE (JO 2006, C 118, p.10) concernant la mesure en cause. Dans cette décision, elle invitait les parties intéressées à lui transmettre leurs observations sur ladite mesure.

10      Le 24 janvier 2007, la Commission a adopté la décision litigieuse.

11      Dans cette décision, la Commission a indiqué, en premier lieu, que la mesure en cause, en ce qu’elle prévoyait l’octroi par la République italienne d’une subvention pour l’achat, au cours des années 2004 et 2005, de certains décodeurs numériques terrestres, constituait une aide d’État au sens de l’article 87, paragraphe 1, CE en faveur des diffuseurs numériques terrestres qui offrent des services de télévision à péage, notamment des services «à la carte», ainsi que des câblo-opérateurs fournissant des services de télévision numérique à péage.

12      En second lieu, la Commission a estimé qu’aucune des dérogations prévues à l’article 87, paragraphe 3, CE n’était applicable à la mesure en cause. En particulier, elle a exclu la possibilité d’appliquer la dérogation prévue à l’article 87, paragraphe 3, sous c), CE, étant donné que la mesure en cause est considérée comme constituant une aide aux diffuseurs numériques terrestres ainsi qu’aux câblo-opérateurs fournissant des services de télévision à péage (ci-après l’«aide en cause»). En effet, même si le passage de la radiodiffusion télévisuelle analogique à la radiodiffusion télévisuelle numérique constituait un objectif d’intérêt commun, la mesure en cause n’était pas proportionnée à la poursuite de cet objectif et n’était pas de nature à éviter des distorsions inutiles de la concurrence. Cette conclusion était notamment fondée sur le fait que la mesure en cause n’était pas technologiquement neutre, dans la mesure où elle ne s’appliquait pas aux décodeurs numériques satellitaires. La Commission a, en revanche, estimé que, pour autant que la mesure en cause soit considérée comme une aide aux producteurs de décodeurs, elle pourrait bénéficier de la dérogation prévue à l’article 87, paragraphe 3, sous c), CE. En effet, premièrement, elle encourageait le développement technologique sous forme de décodeurs au rendement plus élevé, munis de normes qui sont à la disposition de tous les producteurs, deuxièmement, tous les producteurs proposant ce type de décodeurs, y compris ceux établis dans d’autres États membres, pouvaient bénéficier du financement, et, troisièmement, l’encouragement de la demande de décodeurs à la suite de la mesure en cause était l’effet, en lui-même inévitable, de toute politique publique en faveur du passage au numérique, même la plus neutre du point de vue technologique.

13      Partant, la Commission a ordonné la récupération des aides versées en application de la mesure en cause, déclarées incompatibles avec le marché commun et qui avaient été octroyées illégalement. À cette fin, la Commission a fourni certaines indications relatives aux modalités de calcul du montant des aides.

14      Par la décision C (2006) 6630 final, du 24 janvier 2007 (ci-après la «décision relative à l’année 2006»), la Commission a déclaré compatibles avec le marché commun les aides octroyées par la République italienne en vertu de la loi n° 266, concernant les dispositions pour la formation du budget annuel et pluriannuel de l’État (loi de finances 2006) [legge n. 266 – Disposizioni per la formazione del bilancio annuale e pluriennale dello Stato (legge finanziaria 2006)], du 23 décembre 2005 (supplément ordinaire à la GURI n° 302, du 29 décembre 2005), pour l’achat, en 2006, de décodeurs numériques avec interface de programme d’application ouverte. À la différence de la décision litigieuse, les subventions en cause dans la décision relative à l’année 2006 ont été jugées «technologiquement neutres», dans la mesure où celles-ci pouvaient être accordées aux décodeurs de l’ensemble des plateformes numériques, à savoir terrestres, par câble et satellitaires, pour autant qu’ils soient interactifs et interopérables, c’est-à-dire qu’il s’agisse de décodeurs «ouverts», par opposition à des décodeurs dits «propriétaires».

 La procédure devant le Tribunal et l’arrêt attaqué

15      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 23 mai 2007, Mediaset, diffuseur de programmes numériques terrestres, a introduit un recours en annulation contre la décision litigieuse.

16      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 5 septembre 2007, Sky Italia a demandé à intervenir au soutien de la Commission. Par ordonnance du 10 janvier 2008, le président de la deuxième chambre du Tribunal a admis cette intervention.

17      Par l’arrêt attaqué, le Tribunal a rejeté les cinq moyens avancés par Mediaset.

18      À titre liminaire, le Tribunal, aux points 45 à 47 de l’arrêt attaqué, a rejeté comme irrecevable le cinquième moyen tiré d’une erreur manifeste d’appréciation quant à la détermination du champ d’application de l’article 4, paragraphe 1, de la loi de finances 2004, au motif que celui-ci avait été soulevé pour la première fois dans le mémoire en réplique ainsi que lors de l’audience. Ainsi, le Tribunal a considéré que, en vertu des dispositions combinées des articles 44, paragraphe 1, sous c), et 48, paragraphe 2, de son règlement de procédure, selon lesquelles la requête doit contenir l’objet du litige et l’exposé sommaire des moyens invoqués, la production de moyens nouveaux en cours d’instance est interdite, à moins que ces moyens ne se fondent sur des éléments de droit et de fait qui se sont révélés pendant la procédure, et que, en conséquence, ce moyen avait été soulevé tardivement.

19      Le Tribunal a ensuite examiné le premier moyen, tiré de la violation de l’article 87, paragraphe 1, CE. Dans le cadre de son examen de la deuxième branche de ce moyen, relative à l’absence d’avantage économique conféré à Mediaset, le Tribunal a constaté, au point 60 de l’arrêt attaqué, que la mesure en cause ne pouvait pas bénéficier à un consommateur qui décidait d’acheter ou de louer un appareil permettant exclusivement la réception de signaux télévisuels numériques satellitaires. Partant, ladite mesure ne répondait pas à l’exigence de neutralité technologique, posée par la Commission, s’agissant des mesures d’aides relatives au marché de la télévision numérique.

20      Le Tribunal a relevé, au point 61 de l’arrêt attaqué, que la question de savoir si les diffuseurs auraient nécessairement financé l’acquisition de décodeurs numériques en l’absence de la mesure en cause, sur laquelle Mediaset fondait plusieurs de ses arguments, n’était pas pertinente quant à l’appréciation de la qualification de ladite mesure d’aide d’État. En effet, au point 62 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a considéré que ce qui importait à cet égard était de savoir si le subventionnement des décodeurs numériques a créé un avantage pour les diffuseurs terrestres tels que Mediaset. Or, aux points 82 à 95 des motifs de la décision litigieuse, la Commission a exposé de manière détaillée l’ensemble des raisons pour lesquelles la mesure en cause constituait, selon elle, un avantage économique en faveur des diffuseurs terrestres tels que Mediaset. Le Tribunal a approuvé ce raisonnement et a relevé, en particulier, que c’est à juste titre que la Commission fait observer que le développement d’une audience représente une partie essentielle de l’activité commerciale des diffuseurs de programmes télévisés et que la mesure en cause a notamment permis auxdits diffuseurs de consolider leur position existante sur le marché, en termes d’image de marque et de fidélisation de la clientèle, par rapport aux nouveaux concurrents.

21      La première branche du premier moyen, relative à la notion de bénéficiaire indirect, examinée aux points 74 à 79 de l’arrêt attaqué, a également été rejetée. Se fondant sur le point 108 de son arrêt du 4 mars 2009, Italie/Commission (T-424/05), le Tribunal a relevé qu’un avantage directement accordé à certaines personnes physiques ou morales qui ne sont pas nécessairement des entreprises peut constituer un avantage indirect et, partant, une aide d’État pour d’autres personnes physiques ou morales qui sont des entreprises. D’ailleurs, si tel n’était pas le cas, l’article 87, paragraphe 2, sous a), CE, selon lequel les aides à caractère social octroyées aux consommateurs individuels, à condition qu’elles soient accordées sans discrimination liée à l’origine des produits, sont compatibles avec le marché commun, serait superfétatoire. Enfin, les arguments de Mediaset quant au fait que la Commission n’aurait pas justifié sa décision de restreindre la notion de bénéficiaires indirects aux diffuseurs numériques terrestres et aux câblo-opérateurs qui offrent des services de télévision à péage, excluant ainsi les diffuseurs numériques terrestres et les câblo-opérateurs qui ne proposent pas de tels services de même que les fabricants de décodeurs, seraient inopérants dès lors que la mesure en cause ne pouvait, en toute hypothèse, bénéficier aux diffuseurs satellitaires.

22      Quant à la troisième branche du premier moyen, tirée de l’absence de caractère sélectif de la mesure en cause, le Tribunal a considéré, aux points 82 à 85 de l’arrêt attaqué, qu’elle était irrecevable car les arguments soulevés à cet égard ne répondaient pas aux exigences de clarté et de précision posées à l’article 44, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure du Tribunal. Le Tribunal a observé que, en reprochant à la Commission d’avoir confondu les notions de sélectivité et de discrimination, Mediaset n’a pas expliqué en quoi le fait qu’une aide s’applique de manière discriminatoire, en ce sens qu’elle ne bénéficie qu’à certaines catégories d’entreprises, ne permettait pas de considérer qu’elle revêt un caractère sélectif au sens de l’article 87, paragraphe 1, CE.

23      Enfin, aux points 95 à 111 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a rejeté l’ensemble des arguments avancés dans le cadre de la quatrième branche du premier moyen, relative à l’absence de distorsion de la concurrence. Il a observé, en substance, que la mesure en cause fausse la concurrence parce qu’elle accorde un avantage aux diffuseurs qui utilisent une technologie plutôt qu’une autre, violant ainsi le principe de neutralité technologique. Les arguments de Mediaset visant à démontrer que cet avantage serait compensé par d’autres circonstances seraient sans pertinence car ils n’affecteraient pas l’existence de cette distorsion à supposer même qu’ils soient établis. Quant à l’argument fondé sur la décision de la Commission C (2007) 4286 final, du 25 septembre 2007, relative à une aide (N 103/2007) à l’acquisition de décodeurs numériques et à l’adaptation des antennes dans la province de Soria, le Tribunal a constaté que, contrairement à la mesure en cause, la mesure visée dans cette décision pouvait bénéficier à l’ensemble des technologies de transmission de la télévision numérique. Le Tribunal a considéré que l’argument de Mediaset fondé sur la sécurité juridique était manifestement dénué de fondement parce que la Commission avait fait part de ses doutes quant à l’absence de violation du principe de neutralité technologique par la mesure en cause dès l’ouverture de la procédure formelle d’examen prévue à l’article 88, paragraphe 2, CE.

24      Le Tribunal a commencé son examen du deuxième moyen, tiré de l’erreur manifeste d’appréciation et de l’erreur de droit lors de l’évaluation de la compatibilité de la mesure en cause avec le marché commun au titre de l’article 87, paragraphe 3, sous c), CE, en rejetant, aux points 114 à 117 de l’arrêt attaqué, l’argument de la Commission selon lequel certains arguments de Mediaset seraient irrecevables parce qu’ils manquent de clarté, avant de procéder au rejet, aux points 125 à 130 de cet arrêt, de la première branche de ce moyen, tirée de l’erreur entachant la conclusion selon laquelle la mesure en cause ne remédie pas aux dysfonctionnements du marché. Le Tribunal a considéré que la Commission a estimé à juste titre que l’existence d’une date contraignante pour le passage au numérique en Italie est de nature à résoudre le problème de coordination entre les opérateurs sur le marché de la télévision terrestre, de sorte que la subvention à l’achat de décodeurs numériques n’était pas nécessaire. Quant aux arguments fondés sur le fait que la mesure en cause donnerait lieu à une compensation pour les consommateurs et favoriserait l’innovation, ainsi qu’au fait que le passage au numérique implique l’existence d’externalités, le Tribunal a observé que ces circonstances ne peuvent néanmoins justifier l’exclusion de la plateforme satellitaire du champ d’application de la mesure en cause, ce qui représente une discrimination technologique injustifiée.

25      En ce qui concerne la seconde branche du deuxième moyen, tirée de l’erreur entachant la conclusion selon laquelle la mesure en cause n’était pas un instrument nécessaire ni proportionnel aux fins de remédier aux dysfonctionnements du marché, le Tribunal a constaté, aux points 133 à 135 de l’arrêt attaqué, que les arguments de Mediaset, selon lesquels cette mesure était nécessaire et proportionnée à ces fins, à supposer même qu’ils soient fondés, ne pourraient justifier l’exclusion des diffuseurs satellitaires du bénéfice de ladite mesure, car c’est précisément l’absence de neutralité technologique qui a conduit la Commission à considérer l’aide en cause comme étant incompatible avec le marché commun.

26      En réponse au troisième moyen, tiré de la violation de l’article 253 CE, le Tribunal a commencé par rappeler, aux points 140 à 147 de l’arrêt attaqué, les exigences de sa jurisprudence en ce qui concerne la motivation et a relevé en particulier que, s’agissant de l’existence d’une distorsion de la concurrence sur le marché commun, la Commission n’est pas tenue de procéder à une analyse économique de la situation réelle des marchés concernés, de la part de marché des entreprises bénéficiaires des aides, de la position des entreprises concurrentes et des courants d’échanges entre États membres. Dans le cas d’aides accordées illégalement, la Commission ne serait pas tenue de faire la démonstration de l’effet réel que ces aides ont eu sur la concurrence et sur les échanges entre États membres car, s’il en était autrement, cette exigence aboutirait à favoriser les États membres qui versent des aides illégales au détriment de ceux qui notifient les aides à l’état de projet. En particulier, il suffirait que la Commission établisse que l’aide litigieuse est de nature à affecter les échanges entre les États membres et fausse ou menace de fausser la concurrence, sans qu’il soit nécessaire de délimiter le marché en cause.

27      S’agissant de l’argument pris de l’insuffisance de motivation de la décision litigieuse concernant la démonstration d’une distorsion ou d’un risque de distorsion de la concurrence, le Tribunal a relevé, au point 148 de l’arrêt attaqué, que, aux points 102 à 114 des motifs de la décision litigieuse, la Commission a examiné l’effet de la mesure en cause sur la concurrence et sur les échanges entre États membres. En particulier, le Tribunal a observé, au point 156 de cet arrêt, qu’il ressort des points 113 et 114 des motifs de la décision litigieuse que la Commission a estimé que les marchés des services de radiodiffusion et des services de réseau sont ouverts à la concurrence internationale et que, dès lors que certains opérateurs de réseau ou certains diffuseurs sont favorisés de façon sélective, la concurrence s’en trouve faussée au détriment d’opérateurs économiques qui pourraient provenir d’autres États membres. Ainsi, le Tribunal a considéré, aux points 155 et 157 dudit arrêt, que la Commission a dûment motivé la décision litigieuse, s’agissant des effets de la mesure en cause sur la concurrence et sur la question de savoir si elle est susceptible d’affecter les échanges entre États membres.

28      Le Tribunal a également relevé, au point 158 de l’arrêt attaqué, que la Commission a examiné, au point 80 des motifs de la décision litigieuse, si la mesure en cause était intervenue au moyen de ressources d’État et, aux points 81 à 101 des motifs de cette décision, si la mesure en cause offrait un avantage économique sélectif aux bénéficiaires. Ainsi, la Commission aurait exposé de manière adéquate, dans la décision litigieuse, les raisons pour lesquelles la mesure en cause devait être qualifiée d’aide d’État. Le Tribunal a également souligné, au point 159 de cet arrêt, qu’il ressort de manière explicite de la décision litigieuse, notamment des points 104, 135 et 140 de celle-ci, que l’incompatibilité de la mesure en cause est étroitement liée à la violation du principe de neutralité technologique. Enfin, s’agissant de la situation des fabricants de décodeurs, le Tribunal a estimé, au point 160 dudit arrêt, que la Commission a motivé la décision litigieuse à suffisance de droit en observant, notamment, au point 168 des motifs de celle-ci, que la mesure en cause était, en toute hypothèse, compatible avec le marché commun en ce qui concerne ces fabricants étant donné qu’ils pouvaient tous en bénéficier.

29      Le Tribunal a également rejeté le quatrième moyen tiré de la violation de l’article 14 du règlement (CE) n° 659/1999 du Conseil, du 22 mars 1999, portant modalités d’application de l’article [88] du traité CE (JO L 83, p. 1), ainsi que des principes de confiance légitime et de sécurité juridique. Il a rappelé, aux points 169 et 170 de l’arrêt attaqué, que la suppression d’une aide illégalement accordée, par voie de récupération, est la conséquence logique de la constatation de son illégalité et que, selon l’article 14, paragraphe 1, du règlement n° 659/1999, la Commission décide, en cas de décision négative concernant une aide illégale, que l’État membre concerné prend toutes les mesures nécessaires pour récupérer l’aide auprès de son bénéficiaire sauf si, ce faisant, elle irait à l’encontre d’un principe général du droit de l’Union.

30      Le Tribunal a observé, au point 173 de l’arrêt attaqué, que, compte tenu du caractère impératif du contrôle des aides opéré par la Commission au titre de l’article 88 CE, les entreprises bénéficiaires d’une aide ne sauraient avoir, en principe, une confiance légitime dans la régularité de l’aide que si celle-ci a été accordée dans le respect de la procédure. Le Tribunal a estimé, aux points 176 et 177 de cet arrêt, que les deux circonstances exceptionnelles invoquées par Mediaset n’étaient pas de nature, en l’espèce, à faire naître chez celle-ci une confiance légitime. Premièrement, la mention figurant au point 3.4.2 de la communication de la Commission au Conseil, au Parlement européen, au Comité économique et social européen et au Comité des régions, du 30 juillet 2004, relative à l’interopérabilité des services de télévision numérique interactive [COM(2004) 541 final], ne constituerait pas une assurance de la part de la Commission quant à la régularité d’une mesure telle que celle en cause. Deuxièmement, l’argument selon lequel la forme indirecte de l’aide en cause aurait pu faire naître une confiance légitime a également été rejeté car, comme tout opérateur économique diligent, Mediaset aurait dû savoir que le caractère indirect de cette aide n’aurait aucune incidence sur la qualification d’aide, ni sur la récupération de celle-ci.

31      Quant à la prétendue violation du principe de sécurité juridique, le Tribunal a observé, au point 181 de l’arrêt attaqué, que, conformément à une jurisprudence constante, aucune disposition n’exige que la Commission, lorsqu’elle ordonne la restitution d’une aide déclarée incompatible avec le marché commun, fixe le montant exact de l’aide à restituer. Il suffirait que la décision de la Commission comporte des indications permettant à son destinataire de déterminer lui-même, sans difficultés excessives, ce montant. En outre, le Tribunal a relevé, aux points 182 et 184 de cet arrêt, que, selon une jurisprudence également constante, en l’absence de dispositions en la matière, la récupération d’une aide déclarée incompatible avec le marché commun doit être effectuée selon les modalités prévues par le droit national et qu’il appartiendra donc au juge national, s’il est saisi, de se prononcer sur le montant de l’aide d’État dont la récupération a été ordonnée par la Commission, le cas échéant après avoir posé à la Cour une question préjudicielle.

 Les conclusions des parties au pourvoi

32      Mediaset demande à la Cour:

–        d’annuler dans son intégralité l’arrêt attaqué;

–        d’accueillir les conclusions présentées en première instance à l’encontre de la décision litigieuse;

–        à titre subsidiaire, de renvoyer l’affaire devant le Tribunal, et

–        de condamner la Commission ainsi que la partie intervenante aux dépens des deux instances.

33      La Commission demande à la Cour:

–        de rejeter le pourvoi comme partiellement irrecevable et partiellement non fondé, et

–        de condamner Mediaset aux dépens.

34      Sky Italia demande à la Cour:

–        de rejeter le pourvoi;

–        de confirmer l’arrêt attaqué, et

–        de condamner Mediaset à supporter les dépens exposés par elle-même.

 Sur le pourvoi

35      À l’appui de son pourvoi, Mediaset invoque huit moyens, dont les deux premiers se rapportent au rejet pour irrecevabilité de certains de ses moyens soulevés en première instance, et les six autres au rejet au fond de ses autres moyens invoqués devant le Tribunal.

36      Selon une jurisprudence constante, l’article 87, paragraphe 1, CE interdit les aides d’État «favorisant certaines entreprises ou certaines productions», c’est-à-dire les aides sélectives (voir arrêts du 15 décembre 2005, Italie/Commission, C-66/02, Rec. p. I-10901, point 94, et du 6 septembre 2006, Portugal/Commission, C-88/03, Rec. p. I-7115, point 52). En ce qui concerne l’appréciation de cette condition de sélectivité, l’article 87, paragraphe 1, CE impose de déterminer si, dans le cadre d’un régime juridique donné, une mesure nationale est de nature à favoriser «certaines entreprises ou certaines productions» par rapport à d’autres, qui se trouveraient, au regard de l’objectif poursuivi par ledit régime, dans une situation factuelle et juridique comparable (voir, en ce sens, arrêts du 8 novembre 2001, Adria-Wien Pipeline et Wietersdorfer & Peggauer Zementwerke, C-143/99, Rec. p. I-8365, point 41; du 29 avril 2004, GIL Insurance e.a., C-308/01, Rec. p. I‑4777, point 68, ainsi que du 3 mars 2005, Heiser, C-172/03, Rec. p. I‑1627, point 40). Aux fins d’apprécier la sélectivité d’une mesure, il convient donc d’examiner si, dans le cadre d’un régime juridique donné, ladite mesure constitue un avantage pour certaines entreprises par rapport à d’autres se trouvant dans une situation factuelle et juridique comparable (arrêt Portugal/Commission, précité, point 56).

37      L’absence de neutralité technologique de la mesure en cause, découlant de l’exclusion des décodeurs numériques satellitaires du bénéfice de la subvention octroyée aux consommateurs par celle-ci, est l’un des principaux éléments de l’analyse effectuée par la Commission dans la décision litigieuse. La Commission considère, en substance, que cette absence de neutralité technologique lui permet de conclure que cette mesure était sélective et faussait la concurrence au sens de l’article 87, paragraphe 1, CE, et qu’il existait une distorsion de concurrence en raison de laquelle elle ne pouvait déclarer l’aide en cause compatible avec le marché commun au sens de l’article 87, paragraphe 3, sous c), CE. Le Tribunal ayant entériné cette analyse dans l’arrêt attaqué, plusieurs des moyens de pourvoi visent à faire constater qu’elle est entachée d’illégalité.

38      C’est à l’aune de ces considérations qu’il convient d’examiner les moyens soulevés par Mediaset à l’appui de son pourvoi.

 Sur le premier moyen, tiré d’une erreur de droit en raison du rejet comme irrecevable du cinquième moyen soulevé en première instance

 Argumentation des parties

39      Mediaset soutient que, en vertu de l’article 44, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure du Tribunal, lu en combinaison avec l’article 48, paragraphe 2, de celui-ci, le Tribunal aurait dû admettre comme recevable le cinquième moyen soulevé en première instance, selon lequel la mesure en cause n’excluait pas les décodeurs numériques satellitaires de son champ d’application, à condition qu’ils utilisent des standards «ouverts» et non pas des standards «propriétaires». En effet, selon Mediaset, il ne s’agissait pas d’un moyen nouveau soulevé pour la première fois lors de l’audience devant le Tribunal, dès lors qu’elle avait déjà relevé cette circonstance dans sa requête, notamment aux points 77, 83, 95, 111, 120, 127 et 140 de celle-ci, ainsi que dans son mémoire en réplique. En outre, la Commission se serait appuyée, dans son mémoire en défense, sur une décision qu’elle venait d’adopter depuis l’introduction du recours, ce qui constituerait un fait nouveau. L’erreur de droit ainsi commise par le Tribunal l’aurait amené à apprécier incorrectement le champ d’application de la mesure en cause et donc à qualifier erronément celle-ci comme n’étant pas neutre sur le plan technologique.

40      La Commission rétorque que, si, comme le soutient Mediaset, le cinquième moyen avancé en première instance était non pas, en réalité, un moyen nouveau, mais l’ampliation des autres moyens contenus dans la requête, le rejet de celui-ci en tant que tel n’aurait porté aucun préjudice à Mediaset, dès lors que le Tribunal a répondu à l’ensemble de ces autres moyens. En outre, la Commission et Sky Italia insistent sur le fait que Mediaset a remis en cause pour la première fois lors de l’audience la constatation faite par la Commission dans la décision litigieuse selon laquelle les décodeurs numériques satellitaires étaient exclus du champ d’application de la mesure en cause. Dans ses écrits, en revanche, elle se serait contentée de faire valoir que l’exclusion des décodeurs numériques satellitaires était justifiée par certaines de leurs caractéristiques et que les décodeurs numériques capables de recevoir aussi bien des signaux terrestres que satellitaires et qui utilisaient des standards «ouverts» pouvaient bénéficier de la subvention.

41      Sky Italia relève également que l’interprétation d’une disposition du droit national par le Tribunal équivaut à une appréciation d’un élément factuel. En tout état de cause, le Tribunal aurait effectivement examiné le champ d’application de la mesure en cause, aux points 55 à 60 de l’arrêt attaqué, et serait parvenu à la conclusion, sur la base des faits constatés, que les décodeurs numériques satellitaires en étaient exclus.

 Appréciation de la Cour

42      Il ressort des dispositions combinées des articles 44, paragraphe 1, sous c), et 48, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal que la requête introductive d’instance doit contenir, notamment, un exposé sommaire des moyens invoqués et que la production de moyens nouveaux en cours d’instance est interdite à moins que ces moyens ne se fondent sur des éléments de droit et de fait qui se sont révélés pendant la procédure (ordonnance du 13 novembre 2001, Dürbeck/Commission, C-430/00 P, Rec. p. I-8547, point 17).

43      En l’espèce, il ne ressort d’aucun des sept points de la requête présentée en première instance, dans lesquels Mediaset soutient qu’elle a contesté le champ d’application de la mesure en cause, ni d’une lecture d’ensemble de cette requête que Mediaset y a soulevé, de manière adéquate, le cinquième moyen selon lequel la mesure en cause n’excluait pas les décodeurs numériques satellitaires de son champ d’application, à condition qu’ils utilisent des standards «ouverts» et non pas des standards «propriétaires».

44      Certes, Mediaset fait valoir, dans certains points de ladite requête, que la mesure en cause ne portait aucun préjudice aux radiodiffuseurs satellitaires et remplissait le critère de la neutralité technologique. Toutefois, l’argumentation avancée à l’appui de cette thèse consiste, en substance, dans le fait qu’il était justifié, selon Mediaset, de ne pas étendre la portée de cette mesure aux décodeurs numériques satellitaires, étant donné, notamment, qu’il n’existait pas d’offre de décodeurs numériques satellitaires à normes «ouvertes» sur le marché et qu’il n’était pas probable qu’une telle offre viendrait à exister pendant la brève période où la mesure en cause devait être appliquée. Le seul scénario évoqué par Mediaset dans sa requête de première instance dans lequel un décodeur numérique satellitaire aurait pu relever de la mesure en cause est celui de la commercialisation d’un décodeur «hybride», c’est-à-dire un décodeur qui serait à la fois un décodeur terrestre et un décodeur satellitaire.

45      Il y a lieu de constater que ces arguments ne correspondent pas au cinquième moyen soulevé en première instance. En effet, aucun d’eux n’aurait permis au Tribunal de conclure, à le supposer établi, que la mesure en cause pouvait s’appliquer à un décodeur numérique satellitaire autre qu’un décodeur «hybride».

46      Il convient de relever, en particulier, que, au point 95 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a explicitement rejeté l’argument selon lequel Sky Italia pouvait bénéficier de la mesure en cause en offrant des décodeurs «hybrides», en observant qu’un tel argument soulignait la nature sélective de ladite mesure. Ainsi, le Tribunal a pris en compte la circonstance selon laquelle les décodeurs «hybrides» étaient couverts par la mesure en cause, tout en considérant que les décodeurs exclusivement satellitaires en étaient exclus, quelle que fût la nature, «ouverte» ou «propriétaire», des standards qu’ils utilisaient.

47      Enfin, le fait que la Commission s’est appuyée, dans son mémoire en défense déposé devant le Tribunal, sur une décision qu’elle venait d’adopter depuis l’introduction du recours n’a aucune incidence sur la légalité, la portée ou l’interprétation de la décision litigieuse. Il ne s’agit dès lors pas d’un fait nouveau au sens de l’article 48, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal.

48      Il résulte de ce qui précède que le premier moyen doit être rejeté.

 Sur le deuxième moyen, tiré d’une erreur de droit en raison du rejet comme irrecevable de la troisième branche du premier moyen soulevé en première instance

 Argumentation des parties

49      Mediaset considère que le Tribunal a commis une erreur de droit en rejetant comme irrecevable la troisième branche du premier moyen soulevé en première instance, tirée de l’absence de caractère sélectif de la mesure en cause, au motif que cette branche n’aurait pas été exposée de manière suffisamment claire et précise dans la requête de première instance. Cette erreur de droit ressortirait clairement d’une lecture de cette requête, et notamment du point 61 de celle-ci. Par ladite branche, Mediaset aurait reproché à la Commission d’avoir considéré que la mesure en cause était sélective parce que, en raison du fait qu’elle n’était pas technologiquement neutre, elle était discriminatoire.

50      Les arguments de Mediaset sont contestés par la Commission et par Sky Italia, qui soulèvent plusieurs objections. D’abord, la discrimination ne serait pas un argument avancé par la Commission dans la décision litigieuse pour conclure à la sélectivité de la mesure en cause. En tout état de cause, conformément à l’article 87, paragraphe 1, CE, l’exclusion des diffuseurs satellitaires du bénéfice de la mesure en cause serait un élément qui a légitimement permis à la Commission de conclure que ladite mesure était sélective et faussait la concurrence. Par ailleurs, Sky Italia fait valoir que le deuxième moyen exige de la part de la Cour un nouvel examen des faits et qu’il est donc irrecevable.

 Appréciation de la Cour

51      Sans qu’il soit nécessaire de statuer sur la recevabilité du présent moyen, il convient de constater qu’il n’est pas fondé (voir, par analogie, arrêt du 9 juin 2011, Diputación Foral de Vizcaya e.a./Commission, C‑465/09 P à C-470/09 P, point 115).

52      Ainsi qu’il a été rappelé au point 42 du présent arrêt, conformément à l’article 44, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure du Tribunal, la requête introductive d’instance doit contenir, notamment, un exposé sommaire des moyens invoqués.

53      En l’espèce, la troisième branche du premier moyen a été développée dans un seul point de six lignes de la requête présentée en première instance et se résume à l’affirmation selon laquelle l’existence d’une discrimination entre différents opérateurs en ce qui concerne l’octroi d’une subvention n’est pas suffisante pour établir que celle-ci est sélective.

54      Or, il résulte de la jurisprudence rappelée au point 36 du présent arrêt qu’une mesure nationale qui opère une discrimination entre entreprises en ce sens qu’elle est de nature à favoriser certaines d’entre elles par rapport à d’autres est à considérer comme sélective et donc comme une aide d’État au sens de l’article 87, paragraphe 1, CE. Tel est notamment le cas lorsqu’une mesure subventionne l’achat par les consommateurs d’un produit qui est utilisé par une entreprise aux fins de la prestation d’un service alors que l’achat du produit utilisé par une autre entreprise aux fins de la prestation d’un service similaire ne l’est pas.

55      Ainsi, ce n’est que dans la mesure où Mediaset aurait avancé des arguments permettant de considérer que la mesure en cause pourrait ne pas être sélective, tout en étant discriminatoire, que la troisième branche du premier moyen soulevé en première instance aurait été conforme aux exigences de l’article 44, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure du Tribunal. Or, de tels arguments font défaut dans la requête présentée en première instance.

56      Dans ces conditions, le Tribunal était fondé à rejeter la troisième branche du premier moyen soulevé devant lui comme irrecevable, au point 84 de l’arrêt attaqué, au motif que Mediaset n’avait pas expliqué en quoi le fait qu’une aide s’applique de manière discriminatoire ne permet pas de considérer qu’elle revêt un caractère sélectif au sens de l’article 87, paragraphe 1, CE. Il s’ensuit que le deuxième moyen doit être rejeté.

 Sur le troisième moyen, tiré d’une erreur de droit en ce que le Tribunal se serait appuyé sur le seul caractère prétendument sélectif de la mesure en cause pour conclure que celle-ci avait donné lieu à la création d’un avantage économique pour Mediaset

 Argumentation des parties

57      Mediaset soutient que le Tribunal a méconnu le fait que, conformément à l’article 87, paragraphe 1, CE, deux conditions distinctes doivent être réunies pour qu’une mesure nationale comme celle en cause soit qualifiée d’aide d’État. Ainsi, la Commission devrait établir non seulement qu’une mesure d’aide est sélective, au sens qu’elle ne s’applique qu’à certaines entreprises ou à la production de certains produits, mais également qu’elle confère un avantage économique à un bénéficiaire, en ce sens qu’elle favorise celui-ci. En n’ayant pas examiné l’existence d’un tel avantage économique de manière autonome et adéquate, le Tribunal aurait entaché son analyse d’illégalité.

58      Mediaset insiste sur le fait que la mesure en cause n’était pas sélective en raison de l’exclusion des décodeurs numériques satellitaires du bénéfice de la mesure en cause, car ces derniers, et notamment ceux commercialisés par Sky Italia, utilisaient tous une technologie «fermée» ou «propriétaire», alors que seuls les décodeurs numériques utilisant une technologie «ouverte» pouvaient bénéficier de la mesure en cause.

59      La Commission et Sky Italia contestent l’affirmation selon laquelle le Tribunal se serait fondé uniquement sur la sélectivité de la mesure en cause pour constater l’existence d’un avantage économique. En réalité, il aurait précisé que les subventions aux consommateurs versées en vertu de la mesure en cause constituent des avantages pour les radiodiffuseurs terrestres concernés car elles les aident à développer une audience, ce qui représente une partie essentielle de leur activité commerciale, et parce qu’elles sont susceptibles d’orienter le choix des consommateurs en faveur d’un diffuseur de programmes télévisés particulier. Sky Italia fait valoir, de nouveau, que, par le troisième moyen, Mediaset demande de la part de la Cour un nouvel examen des faits. Ainsi, ce moyen serait irrecevable. Sky Italia ajoute que, la République italienne ayant agi en tant que pouvoir public dans le contexte de la présente affaire, plutôt que comme investisseur, une appréciation économique détaillée de la mesure en cause ne s’imposait pas, en toute hypothèse.

60      En réponse aux arguments de Mediaset concernant le caractère réellement sélectif de la mesure en cause et, en particulier, l´allégation selon laquelle Sky Italia n’aurait pas pu bénéficier de celle-ci en toute hypothèse, puisqu’elle n’utilisait pas de décodeurs numériques «ouverts» et interopérables au moment de l’adoption de la mesure en cause, la Commission fait valoir qu´il est impossible de savoir quel aurait été le choix commercial de cette entreprise si des décodeurs numériques satellitaires «ouverts» avaient pu bénéficier de la subvention en cause. En effet, Sky Italia n’aurait lancé ses propres décodeurs «propriétaires» qu’après l’adoption de la loi de finances 2004, de sorte que ce choix a pu être influencé par les critères posés dans la mesure en cause.

 Appréciation de la Cour

61      Sans qu’il soit nécessaire de statuer sur la recevabilité du présent moyen, il convient de constater qu’il n’est pas fondé (voir point 51 du présent arrêt ainsi que jurisprudence citée).

62      Conformément à la jurisprudence rappelée au point 36 du présent arrêt, c’est aux fins d’apprécier la sélectivité d’une mesure qu’il convient de rechercher si cette mesure constitue un avantage pour certaines entreprises par rapport à d’autres se trouvant dans une situation factuelle et juridique comparable. Ainsi, contrairement à ce que soutient Mediaset, les conditions tenant à la sélectivité d’une mesure étatique et à la création d’un avantage économique pour un bénéficiaire ne sont pas complètement autonomes, l’une par rapport à l’autre. En effet, une mesure ne peut être considérée comme sélective que si elle est susceptible de donner lieu à un tel avantage pour un bénéficiaire et non pas pour d’autres personnes dont la situation est comparable à celle de ce bénéficiaire.

63      En outre, contrairement à ce qu’allègue Mediaset, le Tribunal a précisé explicitement, aux points 62 à 68 de l’arrêt attaqué, les avantages économiques, correctement identifiés par la Commission dans la décision litigieuse selon lui, auxquels la mesure en cause a donné lieu pour les radiodiffuseurs terrestres tels que Mediaset.

64      En particulier, le Tribunal a relevé que le développement d’une audience, ce que facilite la mesure en cause, représente une partie essentielle de l’activité commerciale des diffuseurs de programmes télévisés. Il a observé également que la mesure en cause, d’une part, a incité les consommateurs à passer du mode analogique au mode numérique terrestre tout en limitant les coûts que les diffuseurs de télévision numérique terrestre auraient dû supporter et, d’autre part, a permis aux mêmes diffuseurs de consolider leur position existante sur le marché, en termes d’image de marque et de fidélisation de la clientèle, par rapport aux nouveaux concurrents.

65      S’agissant de la circonstance, invoquée par Mediaset, selon laquelle seuls les décodeurs numériques utilisant une technologie «ouverte» auraient bénéficié de la subvention prévue par la mesure en cause, de sorte qu’aucun décodeur numérique satellitaire disponible sur le marché à l’époque des faits ne pouvait en bénéficier car de tels décodeurs utilisaient tous des technologies «fermées» et «propriétaires», elle n’a aucune incidence sur le bien-fondé de la conclusion retenue par le Tribunal quant au caractère sélectif de cette mesure. Il suffit de relever que la mesure en cause est néanmoins sélective parce qu’elle permet d’octroyer une subvention aux décodeurs numériques terrestres utilisant une technologie «ouverte», alors qu’elle en exclut les décodeurs numériques satellitaires utilisant une telle technologie. Comme le relève à juste titre la Commission, il est impossible de savoir quel aurait été le choix commercial des radiodiffuseurs satellitaires, tels que Sky Italia, quant à l’utilisation d’une technologie «ouverte» ou «fermée», si des décodeurs numériques satellitaires utilisant des standards «ouverts» avaient pu bénéficier de ladite subvention.

66      Il résulte de ce qui précède que le troisième moyen doit être rejeté.

 Sur le quatrième moyen, tiré d’une erreur de droit dans l’interprétation et l’application de l’article 87, paragraphe 1, CE

 Argumentation des parties

67      Mediaset fait valoir, tout d’abord, que le Tribunal a commis une erreur de droit dans l’interprétation et l’application de l’article 87, paragraphe 1, CE, dans la mesure où il aurait entériné la conclusion retenue par la Commission, selon laquelle la mesure en cause a conféré un avantage économique à Mediaset, alors que cette conclusion aurait été fondée sur de simples hypothèses, purement abstraites et totalement dénuées de preuves, quant au fait que ladite mesure donnerait lieu à la «création d’une audience» ainsi qu’à la «pénétration à moindres coûts sur le marché». Ce serait d’ailleurs à mauvais escient que le Tribunal a jugé, au point 65 de l’arrêt attaqué, que le prix du décodeur constitue un paramètre déterminant dans le choix des consommateurs. Le Tribunal aurait dû examiner les effets réels de la mesure en cause, plutôt que de se borner à répéter l’analyse de la Commission quant à la prétendue importance, non avérée, du prix des décodeurs en tant que critère déterminant du choix des consommateurs ainsi que quant au lien entre la mesure en cause et la pénétration du marché par la télévision à péage à moindre coût.

68      Ensuite, Mediaset reproche au Tribunal d’avoir commis une déformation manifeste des faits constatés dans la décision litigieuse, dans la mesure où il aurait mal apprécié l’importance, dans le cadre de celle-ci, de l’avantage pour Mediaset consistant dans le fait que la mesure en cause lui permettait prétendument d’accéder, dans des conditions particulièrement favorables, spécifiquement au marché de la télévision à péage, ce qui aurait faussé la concurrence sur ce marché. Mediaset conteste cette analyse de la Commission en tout état de cause, mais elle souligne, dans le présent contexte, que le Tribunal, du fait de sa lecture erronée de la décision litigieuse, a substitué ses propres motifs à ceux retenus par la Commission et a d’ailleurs adopté une motivation erronée.

69      Enfin, Mediaset fait valoir que le Tribunal a mal compris les arguments avancés dans le cadre de la première branche de son premier moyen. Ainsi, le Tribunal aurait erronément qualifié Mediaset de bénéficiaire indirect de la mesure en cause. En effet, loin de contester qu’une aide aux consommateurs puisse jamais être qualifiée d’aide d’État au sens de l’article 87 CE, Mediaset aurait fait valoir en première instance que, dès lors que le bénéficiaire direct d’un subside est un consommateur, un lien doit être démontré entre ce subside et le prétendu bénéficiaire indirect, lien dont la Commission n’aurait pas établi l’existence en l’espèce. Mediaset conteste la référence faite par le Tribunal, au point 76 de l’arrêt attaqué, à l’article 87, paragraphe 2, sous a), CE relevant qu’elle n’a jamais prétendu qu’une aide aux consommateurs ne peut constituer une aide indirecte à des opérateurs économiques. Son argument aurait trait aux conditions spécifiques applicables à une telle qualification.

70      Selon la Commission et Sky Italia, les questions de savoir si la subvention versée a constitué un avantage économique pour les diffuseurs numériques terrestres, sous forme d’une audience élargie, et si le prix du décodeur constitue un paramètre déterminant dans le choix du téléspectateur relèvent de l’appréciation des faits. Ainsi, les arguments de Mediaset relatifs à ces faits devraient être rejetés comme irrecevables. Dans la mesure où Mediaset invoque une «déformation manifeste des faits» de la part du Tribunal en ce qui concerne l’existence d’un avantage économique pour Mediaset, Sky Italia observe que cette dernière n’a fourni aucune indication susceptible d’établir l’existence d’une telle déformation. En tout état de cause, Sky Italia estime que le Tribunal a examiné les éléments étayant l’existence d’un avantage économique et conclu, à juste titre, que la mesure en cause avait conféré un tel avantage à Mediaset.

71      En outre, même si le prix d’un décodeur n´est pas le seul élément qui détermine le choix du consommateur, il résulte, selon la Commission, des principes élémentaires de la logique économique qu’une réduction significative du prix du décodeur entraîne une augmentation de la demande pour le service à la réception duquel il est nécessaire. Sky Italia relève que la mesure en cause a également incité les consommateurs à passer du mode analogique au mode numérique terrestre, au lieu de choisir une plateforme alternative, comme le satellite. La Commission fait valoir que le fait que le Tribunal ait mentionné la télévision numérique terrestre en général et non les services de télévision à péage en particulier, aux points 62 et 68 de l’arrêt attaqué, n’affecte aucunement la validité de son raisonnement.

72      La Commission affirme qu’elle n’arrive pas à comprendre le but des arguments de Mediaset concernant la notion de bénéficiaire indirect. Elle observe que Mediaset ne semble plus contester le fait qu’une aide aux consommateurs peut constituer une aide d’État, du fait qu’elle profite également à des entreprises qui en sont les bénéficiaires indirects. Quant à l’argument de Mediaset remettant en cause la pertinence de l’article 87, paragraphe 2, sous a), CE, la Commission relève que, ainsi que cela ressort du point 76 de l’arrêt attaqué, cette disposition serait superflue si, comme l’affirmait la requérante en première instance, les aides aux consommateurs ne pouvaient jamais être considérées comme des aides d’État au sens de l’article 87, paragraphe 1, CE, du fait qu’elles profitent indirectement à des entreprises.

 Appréciation de la Cour

73      Ainsi qu’il ressort de l’article 58 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, le pourvoi est limité aux questions de droit. Le Tribunal est dès lors seul compétent pour constater et apprécier les faits pertinents ainsi que pour apprécier les éléments de preuve, sous réserve du cas de la dénaturation de ces faits et de ces éléments (voir, en ce sens, arrêts du 1er juin 1994, Commission/Brazzelli Lualdi e.a., C‑136/92 P, Rec. p. I-1981, points 49 et 66; du 15 octobre 2002, Limburgse Vinyl Maatschappij e.a./Commission, C‑238/99 P, C‑244/99 P, C‑245/99 P, C‑247/99 P, C‑250/99 P à C‑252/99 P et C‑254/99 P, Rec. p. I-8375, point 194, ainsi que du 2 octobre 2003, Salzgitter/Commission, C-182/99 P, Rec. p. I-10761, point 43).

74      Dans la mesure où Mediaset reproche au Tribunal d’avoir entériné la conclusion retenue par la Commission, selon laquelle la mesure en cause a conféré un avantage économique à Mediaset, alors que cette conclusion aurait été fondée sur de simples hypothèses, il suffit de constater qu’elle remet en cause des constatations d’ordre factuel qui relèvent de la seule compétence du Tribunal. En effet, les questions de savoir si la mesure en cause donne lieu à la création d’une audience ainsi qu’à la pénétration à moindres coûts sur le marché, si le prix du décodeur constitue un paramètre déterminant dans le choix de la plateforme par les consommateurs et s’il existe un lien entre la mesure en cause et la pénétration du marché par la télévision à péage à moindre coût relèvent des appréciations factuelles faites par le Tribunal.

75      En outre, ainsi qu’il ressort des points 10 à 13 de l’arrêt attaqué, la Commission a considéré, dans la décision litigieuse, que l’octroi par la République italienne d’une subvention pour l’achat, au cours des années 2004 et 2005, de certains décodeurs numériques terrestres constituait une aide d’État au sens de l’article 87, paragraphe 1, CE en faveur des diffuseurs numériques terrestres qui offrent des services de télévision à péage, ainsi que des câblo-opérateurs fournissant des services de télévision numérique à péage. Dès lors, la portée de la constatation, faite à l’article 1er de la décision litigieuse, quant à l’existence d’une aide incompatible avec le marché commun, et, partant, la portée de l’arrêt attaqué lui-même, ne s’étend qu’à l’avantage économique créé au profit de ces bénéficiaires spécifiques.

76      Il s’ensuit que, dans la mesure où le Tribunal, aux points 62 à 68 de l’arrêt attaqué, a analysé la question de savoir si la mesure en cause a créé un avantage pour les diffuseurs terrestres tels que la requérante, cet examen doit nécessairement être interprété comme se rapportant spécifiquement à l’avantage conféré aux radiodiffuseurs terrestres qui offrent des services à péage. La justesse de cette interprétation de l’arrêt attaqué est encore confirmée par le renvoi, effectué au point 62 de celui-ci, aux points 82 à 95 des motifs de la décision litigieuse, où l’analyse de la Commission se focalise, en effet, sur le marché des services de télévision à péage. En outre, rien dans l’analyse effectuée aux points 62 à 68 de l’arrêt attaqué ne s’oppose à une telle interprétation.

77      Dans ces conditions, l’argument par lequel Mediaset reproche au Tribunal d’avoir commis une déformation manifeste des faits constatés dans la décision litigieuse au motif qu’il aurait mal apprécié l’importance de l’avantage pour Mediaset consistant dans le fait que la mesure en cause lui permettait prétendument d’accéder spécifiquement au marché de la télévision à péage doit être rejeté. En effet, l’analyse effectuée aux points 62 à 68 de l’arrêt attaqué concerne justement ce marché.

78      Enfin, dans la mesure où Mediaset fait valoir que le Tribunal a mal compris les arguments avancés dans le cadre de la première branche de son premier moyen soulevé en première instance, il convient de rappeler les termes de la partie pertinente de sa requête de première instance. Au point 23 de celle-ci, Mediaset a fait valoir qu’elle «ne conteste pas que [...] une mesure d’aide d’État puisse, dans certaines circonstances, conférer un avantage à son bénéficiaire, soit directement, soit indirectement par le biais d’une tierce personne» mais que «le sort juridique des bénéficiaires indirects devrait être différent lorsque le bénéfice direct est octroyé aux consommateurs individuels plutôt qu’aux entreprises». Au point 26 de cette requête, Mediaset a expliqué cette différence de traitement en soutenant que, «lorsque les bénéficiaires directs et premiers de la mesure n’exercent pas une activité économique, en particulier s’ils sont des consommateurs finals, ladite mesure est d’emblée exclue du champ d’application de l’article 87, paragraphe 1, CE».

79      Ce rappel suffit pour écarter l’argument de Mediaset selon lequel elle aurait fait valoir en première instance que, dès lors que le bénéficiaire direct d’un subside est un consommateur, un lien doit être démontré entre ce subside et le prétendu bénéficiaire indirect, lien dont la Commission n’aurait pas établi l’existence en l’espèce. Il suffit également pour rejeter l’argument par lequel Mediaset conteste la référence faite par le Tribunal, au point 76 de l’arrêt attaqué, à l’article 87, paragraphe 2, sous a), CE au motif qu’elle n’a jamais prétendu qu’une aide aux consommateurs ne peut constituer une aide indirecte à des opérateurs économiques.

80      En effet, il ressort des passages de la requête présentée en première instance, cités au point 78 du présent arrêt, que la thèse avancée par Mediaset dans celle-ci consistait justement à faire valoir qu’une aide dont les bénéficiaires directs sont des consommateurs ne peut constituer une aide indirecte à des opérateurs économiques en aucune circonstance, de sorte que la nature du lien entre cette aide et le prétendu bénéficiaire indirect n’aurait pas de pertinence.

81      Dans ces conditions, le Tribunal a correctement compris ces arguments de Mediaset tels qu’ils ont été avancés dans la requête de première instance. En outre, il n’a pas commis d’erreur de droit en les rejetant, aux points 75 et 76 de l’arrêt attaqué, au motif qu’une aide dont les bénéficiaires directs sont des consommateurs peut néanmoins constituer une aide indirecte à des opérateurs économiques. Comme l’a relevé le Tribunal audit point 76, l’article 87, paragraphe 2, sous a), CE serait superfétatoire si les aides octroyées aux consommateurs individuels ne pouvaient jamais constituer des aides d’État car, dans cette hypothèse, la question de leur compatibilité avec le marché commun ne se poserait jamais.

82      Pour le surplus, Mediaset s’est bornée, au point 27 de sa requête de première instance, à contester l’exclusion d’autres bénéficiaires indirects, notamment les fabricants de décodeurs et les radiodiffuseurs numériques terrestres qui n’offrent pas des services à péage. C’est à bon droit que le Tribunal a rejeté cette argumentation comme inopérante, aux points 77 et 78 de l’arrêt attaqué, dès lors qu’elle ne saurait infirmer, à la supposer établie, la conclusion selon laquelle Mediaset a bénéficié indirectement d’une subvention sélective.

83      Eu égard à ce qui précède, le quatrième moyen doit être rejeté.

 Sur le cinquième moyen, tiré d’une erreur de droit dans l’application de l’article 87, paragraphe 3, sous c), CE, ainsi que d’un défaut de motivation, en ce que le Tribunal n’aurait pas traité l’ensemble des moyens pertinents soulevés par Mediaset en première instance

 Argumentation des parties

84      Mediaset relève que le Tribunal a commis une erreur de droit dans l’application de l’article 87, paragraphe 3, sous c), CE et qu’il a entaché l’arrêt attaqué d’un défaut de motivation, en omettant de traiter l’ensemble des moyens pertinents soulevés par elle. En particulier, le Tribunal n’aurait pas examiné, au fond, le moyen avancé par Mediaset aux points 93 à 96 de la requête de première instance et tiré de l’erreur manifeste d’appréciation commise par la Commission, découlant du fait que celle-ci a déclaré l’aide en cause incompatible avec le marché commun sans évaluer correctement le contexte économique entourant celle-ci. En particulier, le Tribunal n’aurait pas analysé «un certain nombre d’arguments importants énumérés au point 95 de la requête».

85      Le Tribunal n’aurait pas non plus apprécié le moyen, présenté aux points 121 à 129 de la requête de première instance, tiré de l’erreur manifeste d’appréciation commise par la Commission en raison de son examen insuffisant et contradictoire des marchés concernés ainsi que de la contradiction manifeste entre son approche dans la décision litigieuse et celle appliquée dans la décision relative à l’année 2006, ce qui aurait également donné lieu à une violation du principe de sécurité juridique. Mediaset souligne que le Tribunal n’a pas non plus motivé de manière suffisante l’arrêt attaqué à cet égard, violant ainsi l’article 36 du statut de la Cour.

86      La Commission conclut au rejet du cinquième moyen, en affirmant que Mediaset ne précise pas de manière suffisamment spécifique lesquels de ses arguments le Tribunal aurait méconnus. Ainsi, ce moyen ne répondrait pas aux exigences requises pour un pourvoi qui doit exposer clairement les moyens sur lesquels la requérante s’appuie. Quant aux arguments relatifs à l’analyse prétendument insuffisante du marché concerné dans le cadre de l’évaluation de la compatibilité de l’aide en cause avec le marché commun, la Commission estime, de nouveau, qu’ils sont présentés de manière trop peu précise et doivent, dès lors, être rejetés comme irrecevables. En tout état de cause, le Tribunal n’aurait pas eu besoin d’entreprendre une analyse plus détaillée du marché concerné car l’exclusion injustifiable de la plateforme satellitaire du bénéfice de la mesure en cause aurait abouti à une distorsion de la concurrence inutile, qui ne pouvait être justifiée par aucun objectif légitime.

87      Sky Italia considère que, par le cinquième moyen, Mediaset demande que la Cour procède à une nouvelle appréciation des faits ainsi qu’à une substitution de sa propre appréciation à celle déjà effectuée par le Tribunal. En toute hypothèse, puisque Mediaset renvoie à ses propres arguments relatifs à la question de l’existence d’une aide, la réponse du Tribunal sur cette dernière question fournirait également une réponse sur la question de la compatibilité de l’aide en cause avec le marché commun.

 Appréciation de la Cour

88      Selon une jurisprudence constante, l’obligation de motivation qui incombe au Tribunal n’impose pas à ce dernier de fournir un exposé qui suivrait, de manière exhaustive et un par un, tous les raisonnements articulés par les parties au litige. La motivation du Tribunal peut donc être implicite à condition qu’elle permette aux intéressés de connaître les motifs de la décision du Tribunal et à la Cour de disposer des éléments suffisants pour exercer son contrôle (voir, notamment, arrêts du 22 mai 2008, Evonik Degussa/Commission, C-266/06 P, point 103; du 20 mai 2010, Gogos/Commission, C-583/08 P, non encore publié au Recueil, point 30, et du 10 février 2011, Activision Blizzard Germany/Commission, C-260/09 P, non encore publié au Recueil, point 84).

89      En outre, il résulte des articles 256 TFUE, 58, premier alinéa, du statut de la Cour et 112, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure de la Cour qu’un pourvoi doit indiquer de façon précise les éléments critiqués de l’arrêt dont l’annulation est demandée ainsi que les arguments juridiques qui soutiennent de manière spécifique cette demande (arrêt du 8 janvier 2002, France/Monsanto et Commission, C‑248/99 P, Rec. p. I-1, point 68 ainsi que jurisprudence citée). Ne répond pas à cette exigence, et doit en conséquence être rejeté comme n’étant pas suffisamment circonstancié, un moyen avancé à l’appui d’un pourvoi dans le cadre duquel le requérant se contente de renvoyer simplement à ses arguments présentés dans un autre contexte (ordonnance du 5 février 1997, Unifruit Hellas/Commission, C-51/95 P, Rec. p. I‑727, point 33).

90      Le Tribunal a observé, au point 115 de l’arrêt attaqué, que les arguments avancés aux points 93 à 96 de la requête présentée devant lui visaient à introduire les arguments exposés à l’appui des trois branches du deuxième moyen. Ainsi, le Tribunal a requalifié ces arguments comme relevant des trois branches en cause. Il a examiné deux de ces branches de manière explicite, aux points 118 à 134 de l’arrêt attaqué, avant de rejeter le deuxième moyen dans son ensemble au point 135 de celui-ci.

91      Compte tenu de la requalification susmentionnée, l’arrêt attaqué comporte bien une réponse aux arguments présentés aux points 93 à 96 de la requête de première instance. Cela étant, et en l’absence d’indications précises quant aux arguments spécifiques que le Tribunal n’aurait pas pris en compte, il y a lieu de considérer, premièrement, que le Tribunal a motivé le rejet des arguments présentés auxdits points à suffisance de droit et, deuxièmement, que les arguments avancés par Mediaset à cet égard dans son pourvoi ne sont pas conformes aux exigences rappelées au point 89 du présent arrêt.

92      Il convient de constater, par ailleurs, que le Tribunal n’a pas répondu de manière explicite, dans le cadre de son examen du deuxième moyen invoqué en première instance, aux arguments avancés aux points 121 à 129 de la requête, qui constituent la troisième branche de ce moyen, laquelle est tirée d’une erreur manifeste d’appréciation et d’un examen insuffisant du marché concerné par rapport au fait que la mesure en cause aurait prétendument faussé la concurrence dans le marché commun, d’une contradiction dans l’approche à laquelle a procédé la Commission ainsi que d’une méconnaissance du principe général de sécurité juridique.

93      Toutefois, aux points 86 à 111 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a examiné de manière détaillée, dans le contexte du premier moyen tiré de la violation de l’article 87, paragraphe 1, CE, concernant l’existence d’une aide, la quatrième branche de ce moyen, tirée de l’absence de distorsion de la concurrence. En rejetant cette quatrième branche du premier moyen dans son ensemble, le Tribunal a analysé des arguments qui sont substantiellement les mêmes que ceux avancés par Mediaset aux points 121 à 129 de sa requête de première instance. En particulier, il a examiné et rejeté les arguments de Mediaset fondés sur la prétendue contradiction entre la décision litigieuse et la décision relative à l’année 2006, au point 99 de l’arrêt attaqué, ainsi que ceux tirés d’une prétendue violation du principe de sécurité juridique, au point 109 de celui-ci, où il a explicitement relevé que l’incompatibilité de la mesure en cause avec le marché commun est étroitement liée à la violation du principe de neutralité technologique.

94      Dans ces conditions, l’arrêt attaqué comporte bien une réponse aux arguments relatifs à la compatibilité de la mesure en cause avec le marché commun, avancés dans le cadre de la troisième branche du deuxième moyen aux points 121 à 129 de la requête de première instance. Il ressort en effet d’une lecture de cet arrêt dans son ensemble que le Tribunal a examiné la question de savoir si la mesure en cause donnait lieu à une distorsion de la concurrence, soulevée par Mediaset dans les arguments en cause, de manière approfondie.

95      Cela étant, et en l’absence d’indications plus précises quant aux arguments que le Tribunal n’aurait pas pris en compte, selon Mediaset, il y a lieu de considérer, premièrement, que le Tribunal a motivé le rejet des arguments présentés aux points 121 à 129 de la requête de première instance à suffisance de droit et, deuxièmement, que les arguments avancés par Mediaset à cet égard dans son pourvoi ne sont pas conformes aux exigences rappelées au point 89 du présent arrêt.

96      Au vu de ce qui précède, le cinquième moyen doit être rejeté.

 Sur le sixième moyen, tiré d’une erreur de droit dans l’interprétation et l’application de l’article 87, paragraphe 3, sous c), CE

 Argumentation des parties

97      Mediaset soutient que le Tribunal a commis une erreur de droit dans l’interprétation et l’application de l’article 87, paragraphe 3, sous c), CE, du fait qu’il a jugé que la Commission avait licitement déclaré la mesure en cause incompatible avec le marché commun au seul motif que celle-ci excluait les décodeurs satellitaires de son champ d’application et, par l’application de ce critère sélectif, violait le principe de neutralité technologique. En outre, Mediaset reproche au Tribunal d’avoir approuvé l’approche de la Commission consistant à présumer l’existence d’un avantage économique au profit de Mediaset, sans entreprendre l’analyse économique et factuelle qui s’imposait, notamment en ce qui concerne la distorsion de la concurrence sur le marché de la télévision à péage.

98      Le Tribunal aurait également approuvé, à tort, l’approche de la Commission suivant laquelle ledit avantage est, par définition, toujours incompatible avec le marché commun, sans apprécier l’importance de ce prétendu avantage à la lumière des principes de proportionnalité et de nécessité, afin d’identifier ses effets nets sur la concurrence sur le marché pertinent, ainsi que l’exige l’article 87, paragraphe 3, sous c), CE. Une telle analyse aurait notamment dû comprendre la réalisation d’un test comparatif approprié des avantages nets apportés par la mesure en cause et des coûts nets en termes de distorsions spécifiques sur le marché de la télévision à péage.

99      La Commission et Sky Italia rétorquent que l’exclusion injustifiée de la plateforme satellitaire du bénéfice de la mesure en cause constitue un élément de distorsion suffisant pour fonder l’incompatibilité de l’aide en cause avec le marché commun. Sky Italia invoque à l’appui de cette thèse le point 69 de l’arrêt du Tribunal du 6 octobre 2009, Allemagne/Commission (T-21/06). Quant à la prétendue absence d’analyse des effets de distorsion sur le marché de la télévision à péage, la Commission souligne que le seul fait que Sky Italia, qui était le principal concurrent de Mediaset, soit exclue du bénéfice de l’aide implique, en soi, l’existence d’une distorsion de la concurrence sur le marché. Selon Sky Italia, Mediaset vise, par le sixième moyen, à obtenir une nouvelle appréciation des faits.

 Appréciation de la Cour

100    Mediaset soutient, en substance, que le Tribunal a commis une erreur de droit dans l’application de l’article 87, paragraphe 3, sous c), CE parce qu’il n’a pas sanctionné le fait pour la Commission d’écarter l’application de cette disposition au seul motif que la mesure en cause était sélective dès lors qu’elle n’était pas technologiquement neutre.

101    Cela étant, et compte tenu de la circonstance, relevée au point 73 du présent arrêt, selon laquelle le Tribunal est seul compétent pour constater et apprécier les faits pertinents ainsi que pour apprécier les éléments de preuve, il y a lieu d’examiner, dans le cadre du présent pourvoi, si la sélectivité d’une aide d’État découlant du fait qu’elle n’est pas technologiquement neutre peut suffire, dans une situation factuelle appropriée, à rendre l’article 87, paragraphe 3, sous c), CE inapplicable.

102    Aux termes de ladite disposition, peuvent être considérées comme compatibles avec le marché commun les aides destinées à faciliter le développement de certaines activités ou de certaines régions économiques, quand elles n’altèrent pas les conditions des échanges dans une mesure contraire à l’intérêt commun.

103    Il convient de constater que la mesure en cause permettait aux consommateurs, selon les constatations de fait effectuées par le Tribunal, de bénéficier d’un subside uniquement quand ils achetaient un décodeur numérique terrestre utilisant des standards «ouverts» et non pas lorsqu’ils achetaient un décodeur numérique satellitaire utilisant de tels standards. Or, une telle mesure est nécessairement susceptible, en raison du fait qu’elle met le consommateur dans une situation plus favorable lors de l’achat d’un tel décodeur terrestre que lors de l’achat d’un tel décodeur satellitaire, de favoriser la commercialisation et les ventes de décodeurs terrestres et, ainsi, d’affecter les conditions des échanges dans le marché commun.

104    Il s’ensuit qu’un tel élément de sélectivité sur le plan technologique affectant une mesure d’aide peut suffire en soi pour donner lieu à une distorsion suffisante pour fonder l’incompatibilité de cette mesure avec le marché commun.

105    Dans ces conditions, le Tribunal n’a commis aucune erreur de droit en rejetant les arguments avancés par Mediaset en première instance, notamment aux points 127 à 129 et 133 de l’arrêt attaqué, au motif que les différentes circonstances invoquées par celle-ci ne pourraient justifier l’exclusion des diffuseurs satellitaires du bénéfice de la mesure en cause.

106    Quant à la prétendue absence d’examen spécifique de l’avantage économique conféré et de la distorsion de la concurrence créée sur le marché de la télévision à péage, il convient de rappeler, ainsi que cela a été relevé aux points 75, 76 et 93 du présent arrêt, que, compte tenu de la portée de la décision litigieuse, l’analyse économique effectuée par le Tribunal dans l’arrêt attaqué, notamment aux points 95 à 111 de celui-ci, où il a examiné la question de savoir si la mesure en cause donnait lieu à une distorsion de la concurrence, doit être regardée comme prenant en compte, en particulier, la situation sur ce marché.

107    Étant donné que le Tribunal a examiné, contrairement à ce qu’allègue Mediaset, si la mesure en cause donnait lieu à une distorsion de la concurrence sur le marché de la télévision à péage, il suffit de constater, pour le surplus, que le contenu spécifique de cette analyse relève de l’appréciation factuelle effectuée par le Tribunal, laquelle, conformément à la jurisprudence rappelée au point 73 du présent arrêt, ne peut être examinée par la Cour dans le cadre d’un pourvoi.

108    Il s’ensuit que le sixième moyen doit être rejeté dans son ensemble.

 Sur le septième moyen, tiré d’une erreur de droit et d’un défaut de motivation découlant du fait que le Tribunal n’aurait pas répondu de manière adéquate au troisième moyen soulevé en première instance

 Argumentation des parties

109    Mediaset reproche au Tribunal d’avoir commis une erreur de droit et d’avoir entaché l’arrêt attaqué d’un défaut de motivation en raison du fait qu’il n’aurait pas répondu de manière adéquate à son troisième moyen invoqué en première instance, présenté aux points 133 et suivants de sa requête et tiré du caractère inapproprié et contradictoire de la motivation de la décision litigieuse, en ce qui concerne l’analyse de la compatibilité de la mesure en cause avec le marché commun. Elle conteste, en particulier, l’absence d’analyse du marché de la télévision à péage et reproche au Tribunal de s’être appuyé exclusivement, à cet égard, sur une prétendue violation de la neutralité technologique. Selon Mediaset, le Tribunal a mal interprété ses arguments et les a donc rejetés de manière erronée, notamment au point 159 de l’arrêt attaqué.

110    Selon la Commission, le seul argument de fond que la requérante soulève dans le cadre du présent moyen semble être le caractère prétendument insuffisant de l’examen par le Tribunal d’une distorsion spécifique de la concurrence sur le marché de la télévision à péage. Or, elle avait déjà présenté cet argument dans le cadre du sixième moyen de pourvoi. La Commission renvoie donc à sa réponse audit moyen. D’après Sky Italia, Mediaset vise, une fois de plus, par le septième moyen, à obtenir une nouvelle appréciation des faits. En toute hypothèse, le Tribunal aurait examiné les effets de la mesure en cause sur le marché de la télévision à péage, aux points 150 à 155 de l’arrêt attaqué.

 Appréciation de la Cour

111    Il convient de souligner, à titre liminaire, que le septième moyen porte sur le bien-fondé du rejet par le Tribunal du troisième moyen avancé en première instance, présenté aux points 133 et suivants de la requête, lequel est tiré d’une violation de la forme substantielle tenant à la motivation des actes, conformément à l’article 253 CE. Le septième moyen concerne donc l’examen par le Tribunal d’un moyen tiré d’une prétendue violation de l’obligation de motivation, qui est un moyen distinct de ceux qui portent sur la légalité au fond d’un acte (voir, en ce sens, arrêt du 2 avril 1998, Commission/Sytraval et Brink’s France, C‑367/95 P, Rec. p. I-1719, points 66 et 67).

112    Dans la mesure où Mediaset aurait eu l’intention de contester également, par le présent moyen, les appréciations au fond concernant la compatibilité de la mesure en cause avec le marché commun, effectuées dans l’arrêt attaqué, ce moyen se confond avec les cinquième et sixième moyens précédemment examinés dans le présent arrêt. En tout état de cause, le septième moyen n’identifie pas, de façon suffisamment précise, des illégalités entachant le raisonnement au fond présenté dans l’arrêt attaqué, conformément aux exigences de la jurisprudence citée au point 89 du présent arrêt.

113    En outre, selon une jurisprudence constante, la motivation exigée par l’article 253 CE doit être adaptée à la nature de l’acte en cause et doit faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de l’institution, auteur de l’acte, de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise et à la juridiction compétente d’exercer son contrôle. L’exigence de motivation doit être appréciée en fonction des circonstances de l’espèce, notamment du contenu de l’acte, de la nature des motifs invoqués et de l’intérêt que les destinataires ou d’autres personnes concernées directement et individuellement par l’acte peuvent avoir à recevoir des explications (arrêt Commission/Sytraval et Brink’s France, précité, point 63 ainsi que jurisprudence citée).

114    Mediaset reproche au Tribunal, en particulier, de ne pas avoir examiné l’existence d’un défaut de motivation de la décision litigieuse concernant la compatibilité de l’aide en cause avec le marché commun, en raison du fait qu’il a examiné les prétendues distorsions de la concurrence exclusivement au regard de l’article 87, paragraphe 1, CE alors que Mediaset aurait également relevé l’existence d’un défaut de motivation concernant l’examen de ces distorsions au regard de l’article 87, paragraphe 3, sous c), CE.

115    Il convient de rappeler, à cet égard, que, au point 167 des motifs de la décision litigieuse, lequel figure sous l’intitulé «Éviter les distorsions inutiles de la concurrence» et relève de l’examen de la compatibilité de la mesure en cause avec le marché commun, au regard de l’article 87, paragraphe 3, sous c), CE, la Commission renvoie explicitement à la section de la décision litigieuse relevant de son examen de l’existence d’une aide au regard de l’article 87, paragraphe 1, CE, intitulée «Distorsion de la concurrence» et figurant aux points 102 à 112 des motifs de ladite décision. Or, ainsi que l’observe la Commission, le Tribunal a explicitement contrôlé la suffisance de cette dernière partie de la motivation de la décision litigieuse, aux points 148 à 155 de l’arrêt attaqué.

116    Dans ces conditions, et de la même manière qu’il a été jugé, au point 95 du présent arrêt, que le Tribunal a motivé le rejet des arguments avancés aux points 121 à 129 de la requête de première instance à suffisance de droit en répondant, aux points 95 à 111 de l’arrêt attaqué, à des arguments analogues relatifs à l’existence d’une aide, il y a lieu de considérer que l’examen de la motivation de la décision litigieuse, effectué par le Tribunal aux points 148 à 155 de cet arrêt, suffit pour rejeter le septième moyen en ce qu’il se rapporte aux distorsions de la concurrence.

117    Enfin, dans la mesure où Mediaset conteste l’absence d’analyse, dans l’arrêt attaqué, du marché de la télévision à péage et reproche au Tribunal de s’être appuyé exclusivement, en ce qui concerne l’incompatibilité de la mesure en cause avec le marché commun, sur une prétendue violation de la neutralité technologique, il convient de relever que le Tribunal a jugé, au point 159 de cet arrêt, que, selon la décision litigieuse, l’incompatibilité de la mesure en cause est étroitement liée à la violation du principe de neutralité technologique. Il renvoie, à cet égard, aux points 104, 135 et 140 des motifs de la décision litigieuse ainsi qu’au point 109 dudit arrêt.

118    Il s’ensuit que le Tribunal a clairement exposé, dans l’arrêt attaqué, les raisons pour lesquelles il a considéré que la décision litigieuse était motivée à suffisance de droit en ce qui concerne l’incompatibilité de la mesure en cause avec le marché commun, notamment sur la base d’un lien, constaté par la Commission, entre cette incompatibilité et la neutralité technologique.

119    Au vu de ce qui précède, le septième moyen doit être rejeté dans son ensemble.

 Sur le huitième moyen, tiré d’une violation de l’article 14 du règlement n° 659/1999

 Argumentation des parties

120    Mediaset estime que le Tribunal a violé l’article 14 du règlement n° 659/1999, en omettant de répondre à son moyen selon lequel la décision litigieuse est incompatible avec le principe de sécurité juridique, en raison du fait que ses dispositions ne permettent pas d’établir une méthodologie de récupération adéquate de l’aide incompatible identifiée. En outre, le Tribunal aurait commis une erreur de droit en rejetant le moyen distinct, avancé en première instance, tiré d’une violation du principe de sécurité juridique au motif qu’il appartiendrait au droit national et, partant, au juge national de déterminer le montant de l’aide à récupérer. Enfin, Mediaset conteste l’application du principe de la récupération en l’espèce, en affirmant que la décision litigieuse ne permet pas le rétablissement de la situation antérieure au versement de l’aide en cause.

121    La Commission rappelle que, conformément à l’article 14, paragraphe 1, du règlement n° 659/1999, elle est tenue d’ordonner la récupération d’une aide illégale, sauf si cela va à l’encontre d’un principe général du droit de l’Union. Le Tribunal aurait examiné cette question dans l’arrêt attaqué et aurait conclu qu’aucun principe général de ce droit ne s’opposait à cette récupération. Quant à la quantification de l’aide illégale, le Tribunal aurait estimé à juste titre que, conformément à la jurisprudence, la Commission n’est pas obligée de quantifier une telle aide dans sa décision relative à la récupération de celle-ci. Elle devrait seulement donner des indications permettant à l’État membre concerné, en coopération avec elle-même, de quantifier l’aide illégale sans difficultés excessives. Or, la décision litigieuse contiendrait, aux points 191 et suivants de ses motifs, des indications détaillées sur la façon de quantifier l’aide illégale en cause. Dans ses commentaires d’ordre très général, la requérante n’expliquerait pas pourquoi ces indications seraient insuffisantes, ni pourquoi la récupération de cette aide aurait été impossible. Les événements ultérieurs auraient d’ailleurs prouvé que la quantification de celle-ci était possible. En coopération avec la Commission, les autorités italiennes auraient effectivement quantifié ladite aide, laquelle, majorée des intérêts, aurait été remboursée par la requérante.

 Appréciation de la Cour

122    Le Tribunal a rappelé, à titre liminaire, au point 169 de l’arrêt attaqué, que, selon une jurisprudence bien établie, la suppression d’une aide illégalement accordée, par voie de récupération, est la conséquence logique de la constatation de l’illégalité de cette aide. En effet, l’obligation pour l’État membre concerné de supprimer une aide considérée par la Commission comme incompatible avec le marché commun vise au rétablissement de la situation antérieure, faisant perdre au bénéficiaire l’avantage dont il a effectivement bénéficié par rapport à ses concurrents (voir arrêts du 7 mars 2002, Italie/Commission, C‑310/99, Rec. p. I-2289, point 99, ainsi que du 29 avril 2004, Allemagne/Commission, C‑277/00, Rec. p. I-3925, point 75 et jurisprudence citée).

123    Ainsi, aux termes de l’article 14, paragraphe 1, du règlement n° 659/1999, «[e]n cas de décision négative concernant une aide illégale, la Commission décide que l’État membre concerné prend toutes les mesures nécessaires pour récupérer l’aide auprès de son bénéficiaire [...] La Commission n’exige pas la récupération de l’aide si, ce faisant, elle allait à l’encontre d’un principe général de droit communautaire». Selon le paragraphe 3 du même article, «[...] la récupération s’effectue sans délai et conformément aux procédures prévues par le droit national de l’État membre concerné, pour autant que ces dernières permettent l’exécution immédiate et effective de la décision de la Commission. À cette fin et en cas de procédure devant les tribunaux nationaux, les États membres concernés prennent toutes les mesures prévues par leurs systèmes juridiques respectifs, y compris les mesures provisoires, sans préjudice du droit communautaire».

124    Ainsi, la Commission est toujours tenue d’ordonner la récupération d’une aide qu’elle déclare incompatible avec le marché commun, sauf si une telle récupération va à l’encontre d’un principe général du droit de l’Union.

125    Selon Mediaset, toutefois, le principe de sécurité juridique s’oppose, en l’espèce, à la récupération de l’aide illégale car les dispositions de la décision litigieuse ne permettent pas d’établir une méthodologie de récupération adéquate de celle-ci. Le Tribunal aurait donc commis une erreur de droit dans l’application de ce principe en considérant que celui-ci ne s’opposait pas à ladite récupération dans les circonstances de l’espèce.

126    À cet égard, c’est à juste titre que le Tribunal a rappelé, aux points 181 à 183 de l’arrêt attaqué, qu’aucune disposition du droit de l’Union n’exige que la Commission, lorsqu’elle ordonne la restitution d’une aide déclarée incompatible avec le marché commun, fixe le montant exact de l’aide à restituer. Il suffit que la décision de la Commission comporte des indications permettant à son destinataire de déterminer lui-même, sans difficultés excessives, ce montant (voir, notamment, arrêts du 12 octobre 2000, Espagne/Commission, C-480/98, Rec. p. I-8717, point 25, et du 18 octobre 2007, Commission/France, C-441/06, Rec. p. I-8887, point 29). La récupération d’une aide déclarée incompatible avec le marché commun doit être effectuée selon les modalités prévues par le droit national (arrêt du 13 juin 2002, Pays-Bas/Commission, C-382/99, Rec. p. I-5163, point 90 et jurisprudence citée). D’ailleurs, l’obligation pour un État membre de calculer le montant précis des aides à récupérer s’inscrit dans le cadre plus large de l’obligation de coopération loyale liant mutuellement la Commission et les États membres dans la mise en œuvre des règles du traité CE en matière d’aides d’État (arrêt Pays-Bas/Commission, précité, point 91).

127    Ainsi, selon la jurisprudence de la Cour, la Commission peut valablement se limiter à constater l’obligation de restitution des aides en question et laisser aux autorités nationales le soin de calculer le montant précis des sommes à restituer (arrêt du 12 mai 2005, Commission/Grèce, C-415/03, Rec. p. I-3875, point 40).

128    À la lumière de ce qui précède, le Tribunal n’a commis aucune erreur de droit en considérant, aux points 184 et 185 de l’arrêt attaqué, qu’il appartenait au juge national, s’il était saisi, de se prononcer sur le montant de l’aide à récupérer, et en rejetant ainsi l’argument de Mediaset tiré d’une prétendue violation du principe de sécurité juridique.

129    Dans la mesure où Mediaset soutient qu’il était effectivement impossible ou, du moins, excessivement difficile, au sens de la jurisprudence citée au point 126 du présent arrêt, d’établir une méthodologie de récupération adéquate de l’aide en cause sur la base de la décision litigieuse, il y a lieu de constater qu’elle soulève une question d’appréciation factuelle pour laquelle le Tribunal est seul compétent, conformément à la jurisprudence citée au point 73 du présent arrêt. Pour autant que Mediaset fait valoir que le Tribunal n’a pas examiné cette prétendue impossibilité dans l’arrêt attaqué, elle soutient, en substance, que ce dernier est entaché d’un défaut de motivation.

130    À cet égard, il convient de rappeler que, conformément à la jurisprudence citée au point 88 du présent arrêt, l’exigence de motivation n’impose pas au Tribunal de fournir un exposé qui suivrait exhaustivement et un par un tous les raisonnements articulés par les parties au litige. Or, il ressort des points 126 à 128 du présent arrêt, où la Cour a contrôlé la légalité des points 181 à 184 de l’arrêt attaqué, que le Tribunal a jugé, sans commettre d’erreur de droit, qu’il appartenait au juge national de fixer le montant de l’aide à récupérer. Cela étant, et compte tenu du fait, relevé au point 12 de l’arrêt attaqué, que la Commission a fourni des indications dans la décision litigieuse, plus particulièrement aux points 191 à 207 des motifs de celle-ci, quant aux modalités de calcul de l’aide à récupérer, il y a lieu de conclure que le Tribunal a motivé cet aspect de cet arrêt à suffisance de droit.

131    Compte tenu de ce qui précède, le huitième moyen doit être rejeté.

132    Ainsi, tous les moyens soulevés par Mediaset ayant été rejetés, il y a lieu de rejeter le pourvoi dans son ensemble.

 Sur les dépens

133    L’article 122, premier alinéa, du règlement de procédure de la Cour prévoit que, lorsque le pourvoi n’est pas fondé, celle-ci statue sur les dépens. Aux termes de l’article 69, paragraphe 2, dudit règlement, rendu applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 118 du même règlement, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

134    En l’espèce, Mediaset ayant succombé en ses moyens et conclusions, il convient de la condamner à supporter, outre ses propres dépens, ceux exposés par la Commission et par Sky Italia, conformément aux conclusions de celles-ci.

Par ces motifs, la Cour (troisième chambre) déclare et arrête:

1)      Le pourvoi est rejeté.

2)      Mediaset SpA est condamnée à supporter, outre ses propres dépens, ceux exposés par la Commission européenne et par Sky Italia Srl.

Signatures


* Langue de procédure: l’anglais.