Language of document : ECLI:EU:C:2011:835

ARRÊT DE LA COUR (cinquième chambre)

15 décembre 2011 (*)

«Manquement d’État – Directive 85/337/CEE – Évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l’environnement – Directive 92/43/CEE – Conservation des habitats naturels – Projets de doublement et/ou d’aménagement de la route M-501 en Espagne – ZPS ES0000056 ‘Encinares del río Alberche y río Cofio’ – SIC proposé ES3110005 ‘Cuenca del río Guadarrama’ et SIC proposé ES3110007 ‘Cuencas de los ríos Alberche y Cofio’»

Dans l’affaire C‑560/08,

ayant pour objet un recours en manquement au titre de l’article 226 CE, introduit le 17 décembre 2008,

Commission européenne, représentée par Mmes S. Pardo Quintillán et D. Recchia ainsi que par M. J.-B. Laignelot, en qualité d’agents, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie requérante,

contre

Royaume d’Espagne, représenté par M. M. Muñoz Pérez, en qualité d’agent, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie défenderesse,

soutenu par:

République de Pologne, représentée par Mme K. Rokicka, en qualité d’agent,

partie intervenante,

LA COUR (cinquième chambre),

composée de M. M. Safjan (rapporteur), président de chambre, M. J.‑J. Kasel et Mme M. Berger, juges,

avocat général: M. N. Jääskinen,

greffier: Mme M. Ferreira, administrateur principal,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 26 mai 2011,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1        Par sa requête, la Commission des Communautés européennes demande à la Cour de constater que, dans le cadre de la mise en œuvre du projet de doublement et/ou d’aménagement de la route M‑501 qui relie les environs de Madrid (Espagne) au sud-ouest de la Communauté de Madrid, le Royaume d’Espagne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de différentes dispositions de la directive 85/337/CEE du Conseil, du 27 juin 1985, concernant l’évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l’environnement (JO L 175, p. 40), telle que modifiée par la directive 2003/35/CE du Parlement européen et du Conseil, du 26 mai 2003 (JO L 156, p. 17, ci-après la «directive 85/337»), ainsi que de la directive 92/43/CEE du Conseil, du 21 mai 1992, concernant la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvages (JO L 206, p. 7).

 Le cadre juridique

 La directive 85/337

2        L’article 1er, paragraphe 1, de la directive 85/337 énonce que celle-ci «concerne l’évaluation des incidences sur l’environnement des projets publics et privés susceptibles d’avoir des incidences notables sur l’environnement».

3        Aux termes du paragraphe 2 du même article, on entend par «projet» «la réalisation de travaux de construction ou d’autres installations ou ouvrages» ainsi que «d’autres interventions dans le milieu naturel ou le paysage, y compris celles destinées à l’exploitation des ressources du sol».

4        L’article 2, paragraphe 1, de ladite directive dispose:

«Les États membres prennent les dispositions nécessaires pour que, avant l’octroi de l’autorisation, les projets susceptibles d’avoir des incidences notables sur l’environnement, notamment en raison de leur nature, de leurs dimensions ou de leur localisation, soient soumis à une procédure de demande d’autorisation et à une évaluation en ce qui concerne leurs incidences. Ces projets sont définis à l’article 4.»

5        Le paragraphe 3 du même article prévoit les conditions et les exigences selon lesquelles les États membres peuvent, dans des cas exceptionnels, exempter en totalité ou en partie un projet spécifique des dispositions prévues par la directive 85/337.

6        L’article 3 de la même directive est libellé comme suit:

«L’évaluation des incidences sur l’environnement identifie, décrit et évalue de manière appropriée, en fonction de chaque cas particulier et conformément aux articles 4 à 11, les effets directs et indirects d’un projet sur les facteurs suivants:

–        l’homme, la faune et la flore,

–        le sol, l’eau, l’air, le climat et le paysage,

–        les biens matériels et le patrimoine culturel,

–        l’interaction entre les facteurs visés aux premier, deuxième et troisième tirets.»

7        L’article 4 de la directive 85/337 dispose:

«1.      Sous réserve de l’article 2 paragraphe 3, les projets énumérés à l’annexe I sont soumis à une évaluation, conformément aux articles 5 à 10.

2.      Sous réserve de l’article 2 paragraphe 3, les États membres déterminent, pour les projets énumérés à l’annexe II:

a)      sur la base d’un examen cas par cas,

ou

b)      sur la base des seuils ou critères fixés par l’État membre,

si le projet doit être soumis à une évaluation conformément aux articles 5 à 10.

[…]»

8        L’annexe III de la directive 85/337 prévoit les critères de sélection que les États membres doivent prendre en considération lorsqu’ils examinent les projets au cas par cas ou lorsqu’ils fixent des seuils ou des critères. Ces critères se rapportent aux caractéristiques des projets, comme leur dimension ou le cumul avec d’autres projets, la localisation des projets, qui concerne notamment la sensibilité environnementale des zones géographiques susceptibles d’être affectées par le projet, en prenant notamment en compte, les zones de protection spéciale (ci-après les «ZPS»), désignées par les États membres conformément aux directives 79/409/CEE du Conseil, du 2 avril 1979, concernant la conservation des oiseaux sauvages (JO L 103, p. 1), et 92/43, ainsi que, les caractéristiques de l’impact potentiel.

9        L’article 5, paragraphe 1, de la directive 85/337 énonce:

«Dans le cas des projets qui, en application de l’article 4, doivent être soumis à une évaluation des incidences sur l’environnement, conformément aux articles 5 à 10, les États membres adoptent les mesures nécessaires pour s’assurer que le maître d’ouvrage fournit, sous une forme appropriée, les informations spécifiées à l’annexe IV, dans la mesure où:

a)      les États membres considèrent que ces informations sont appropriées à un stade donné de la procédure d’autorisation, par rapport aux caractéristiques spécifiques d’un projet donné ou d’un type de projet et par rapport aux éléments environnementaux susceptibles d’être affectés;

b)      les États membres considèrent que l’on peut raisonnablement exiger d’un maître d’ouvrage qu’il rassemble ces données compte tenu, entre autres, des connaissances et des méthodes d’évaluation existantes.»

10      Aux termes du paragraphe 3 dudit article 5:

«Les informations à fournir par le maître d’ouvrage, conformément au paragraphe 1, comportent au minimum:

–        une description du projet comportant des informations relatives au site, à la conception et aux dimensions du projet,

–        une description des mesures envisagées pour éviter et réduire des effets négatifs importants et, si possible, y remédier,

–        les données nécessaires pour identifier et évaluer les effets principaux que le projet est susceptible d’avoir sur l’environnement,

–        une esquisse des principales solutions de substitution qui ont été examinées par le maître d’ouvrage et une indication des principales raisons de son choix, eu égard aux effets sur l’environnement,

–        un résumé non technique des informations visées aux tirets précédents.»

11      L’annexe IV de la directive 85/337 inclut, parmi les informations visées à l’article 5, paragraphe 1, de celle-ci, une description des effets importants du projet proposé sur l’environnement. Cette annexe précise, dans une note en bas de page afférente à son point 4, que cette description devra porter sur les effets directs et, le cas échéant, sur les effets indirects secondaires, cumulatifs, à court, moyen et long terme, permanents, temporaires, positifs et négatifs du projet.

12      En vertu de l’article 6, paragraphe 2, de la directive 85/337, le public est informé de la demande d’autorisation du projet et les États membres doivent veiller à ce que les informations recueillies en vertu de l’article 5 de cette directive soient mises à la disposition du public.

13      L’article 8 de ladite directive dispose que «[l]e résultat des consultations et les informations recueillies conformément aux articles 5, 6 et 7 doivent être pris en considération, dans le cadre de la procédure d’autorisation».

14      En vertu de l’article 9, paragraphe 1, de la même directive, lorsqu’une décision d’accorder ou de refuser une autorisation a été prise, les autorités compétentes en informent le public et mettent à sa disposition, notamment, la teneur de la décision et les conditions dont elle est éventuellement assortie.

15      L’annexe I, point 7, sous b) et c), de la directive 85/337 dispose que les projets visés à l’article 4, paragraphe 1, de celle-ci concernent respectivement la «construction d’autoroutes et de voies rapides» ainsi que la «construction d’une nouvelle route à quatre voies ou plus, ou alignement et/ou élargissement d’une route existante à deux voies ou moins pour en faire une route à quatre voies ou plus, lorsque la nouvelle route ou le tronçon de route aligné et/ou élargi doit avoir une longueur ininterrompue d’au moins 10 kilomètres».

16      L’annexe II, point 10, sous e), de ladite directive mentionne, au titre des projets visés à l’article 4, paragraphe 2, de celle-ci, les projets de «[c]onstruction de routes […] (projets non visés à l’annexe I)».

17      Enfin, ladite annexe II vise, à son point 13, premier tiret, «[t]oute modification ou extension des projets figurant à l’annexe I ou à l’annexe II, déjà autorisés, réalisés ou en cours de réalisation, qui peut avoir des incidences négatives importantes sur l’environnement».

 La directive 79/409

18      Aux termes de son article 1er, paragraphe 1, la directive 79/409 a pour objet la protection, la gestion et la régulation des espèces d’oiseaux vivant naturellement à l’état sauvage sur le territoire européen des États membres auquel le traité CE est d’application et elle réglemente l’exploitation de celles-ci.

19      En vertu de l’article 3, paragraphe 1, de ladite directive, les États membres prennent toutes les mesures nécessaires pour préserver, maintenir ou rétablir une diversité et une superficie suffisantes d’habitats pour toutes les espèces d’oiseaux visées à l’article 1er de celle-ci. Le paragraphe 2, sous a), du même article dispose que la préservation, le maintien et le rétablissement des biotopes et des habitats comportent en premier lieu la création de zones de protection.

20      L’article 4, paragraphe 1, de la même directive dispose:

«Les espèces mentionnées à l’annexe I font l’objet de mesures de conservation spéciale concernant leur habitat, afin d’assurer leur survie et leur reproduction dans leur aire de distribution.

À cet égard, il est tenu compte:

a)      des espèces menacées de disparition;

b)      des espèces vulnérables à certaines modifications de leurs habitats;

c)      des espèces considérées comme rares parce que leurs populations sont faibles ou que leur répartition locale est restreinte;

d)      d’autres espèces nécessitant une attention particulière en raison de la spécificité de leur habitat.

Il sera tenu compte, pour procéder aux évaluations, des tendances et des variations des niveaux de population.

Les États membres classent notamment en [ZPS] les territoires les plus appropriés en nombre et en superficie à la conservation de ces dernières dans la zone géographique maritime et terrestre d’application de la présente directive.»

21      Le paragraphe 4, première phrase, du même article 4 impose aux États membres de prendre «les mesures appropriées pour éviter dans les zones de protection visées aux paragraphes 1 et 2 la pollution ou la détérioration des habitats ainsi que les perturbations touchant les oiseaux, pour autant qu’elles aient un effet significatif eu égard aux objectifs du présent article».

 La directive 92/43 et la jurisprudence de la Cour

22      L’article 2, paragraphes 1 et 2, de la directive 92/43 est libellé comme suit:

«1.      La présente directive a pour objet de contribuer à assurer la biodiversité par la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvages sur le territoire européen des États membres où le traité s’applique.

2.      Les mesures prises en vertu de la présente directive visent à assurer le maintien ou le rétablissement, dans un état de conservation favorable, des habitats naturels et des espèces de faune et de flore sauvages d’intérêt communautaire.»

23      Aux fins dudit objet, conformément à l’article 3, paragraphe 1, premier alinéa, de la directive 92/43, un réseau écologique européen cohérent de zones spéciales de conservation, dénommé «Natura 2000», est constitué par des sites abritant des types d’habitats naturels figurant à l’annexe I et des habitats des espèces figurant à l’annexe II de cette directive. Ce réseau doit «assurer le maintien ou, le cas échéant, le rétablissement, dans un état de conservation favorable, des types d’habitats naturels et des habitats d’espèces concernés dans leur aire de répartition naturelle».

24      Ledit article 3 précise également, à son paragraphe 1, second alinéa, que les ZPS désignées par les États membres conformément aux dispositions de la directive 79/409 sont également comprises dans le réseau Natura 2000.

25      L’article 4, paragraphe 1, de la directive 92/43 dispose que «[s]ur la base des critères établis à l’annexe III (étape 1) et des informations scientifiques pertinentes, chaque État membre propose une liste de sites indiquant les types d’habitats naturels de l’annexe I et les espèces indigènes de l’annexe II qu’ils abritent». Le paragraphe 2 du même article prévoit que, sur la base des critères établis à l’annexe III (étape 2), la Commission établit, en accord avec chacun des États membres, un projet de liste des sites d’importance communautaire, à partir des listes des États membres, faisant apparaître les sites qui abritent un ou plusieurs types d’habitats naturels prioritaires ou une ou plusieurs espèces prioritaires, puis arrête la liste définitive selon la procédure visée à l’article 21 de cette directive.

26      Aux termes de l’annexe III, étape 2, point 1, de ladite directive, «[t]ous les sites identifiés par les États membres à l’étape 1, qui abritent des types d’habitats naturels et/ou espèces prioritaires, sont considérés comme des sites d’importance communautaire».

27      L’article 6, paragraphes 2 à 4, de la directive 92/43 est libellé comme suit:

«2.      Les États membres prennent les mesures appropriées pour éviter, dans les zones spéciales de conservation, la détérioration des habitats naturels et des habitats d’espèces ainsi que les perturbations touchant les espèces pour lesquelles les zones ont été désignées, pour autant que ces perturbations soient susceptibles d’avoir un effet significatif eu égard aux objectifs de la présente directive.

3.      Tout plan ou projet non directement lié ou nécessaire à la gestion du site mais susceptible d’affecter ce site de manière significative, individuellement ou en conjugaison avec d’autres plans et projets, fait l’objet d’une évaluation appropriée de ses incidences sur le site eu égard aux objectifs de conservation de ce site. Compte tenu des conclusions de l’évaluation des incidences sur le site et sous réserve des dispositions du paragraphe 4, les autorités nationales compétentes ne marquent leur accord sur ce plan ou projet qu’après s’être assurées qu’il ne portera pas atteinte à l’intégrité du site concerné et après avoir pris, le cas échéant, l’avis du public.

4.      Si, en dépit de conclusions négatives de l’évaluation des incidences sur le site et en l’absence de solutions alternatives, un plan ou projet doit néanmoins être réalisé pour des raisons impératives d’intérêt public majeur, y compris de nature sociale ou économique, l’État membre prend toute mesure compensatoire nécessaire pour assurer que la cohérence globale de Natura 2000 est protégée. L’État membre informe la Commission des mesures compensatoires adoptées.

Lorsque le site concerné est un site abritant un type d’habitat naturel et/ou une espèce prioritaires, seules peuvent être évoquées des considérations liées à la santé de l’homme et à la sécurité publique ou à des conséquences bénéfiques primordiales pour l’environnement ou, après avis de la Commission, à d’autres raisons impératives d’intérêt public majeur.»

28      L’article 7 de ladite directive dispose:

«Les obligations découlant de l’article 6 paragraphes 2, 3 et 4 de la présente directive se substituent aux obligations découlant de l’article 4 paragraphe 4 première phrase de la directive 79/409/CEE en ce qui concerne les zones classées en vertu de l’article 4 paragraphe 1 […] à partir de la date de mise en application de la présente directive ou de la date de la classification ou de la reconnaissance par un État membre en vertu de la directive 79/409/CEE si cette dernière date est postérieure.»

29      Enfin, aux termes de l’article 12, paragraphe 1, de la même directive:

«Les États membres prennent les mesures nécessaires pour instaurer un système de protection stricte des espèces animales figurant à l’annexe IV point a), dans leur aire de répartition naturelle, interdisant:

a)      toute forme de capture ou de mise à mort intentionnelle de spécimens de ces espèces dans la nature;

b)      la perturbation intentionnelle de ces espèces notamment durant la période de reproduction, de dépendance, d’hibernation et de migration;

c)      la destruction ou le ramassage intentionnels des œufs dans la nature;

d)      la détérioration ou la destruction des sites de reproduction ou des aires de repos.»

30      L’arrêt du 13 janvier 2005, Dragaggi e.a. (C‑117/03, Rec. p. I‑167), a précisé le régime juridique applicable aux sites à partir du moment où ils ont été proposés par les autorités nationales à la Commission pour figurer sur la liste des sites d’importance communautaire et lorsque cette dernière n’a pas encore approuvé cette liste. Aux points 27 à 29 de cet arrêt, la Cour s’est prononcée comme suit:

«27      […] à défaut d’une protection adéquate de ces sites dès cet instant, la réalisation des objectifs de conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvages, tels qu’indiqués notamment au sixième considérant de la directive [92/43] et à l’article 3, paragraphe 1, de celle-ci, risquerait d’être compromise. Une telle situation serait d’autant plus grave que seraient concernés des types d’habitats naturels prioritaires ou des espèces prioritaires, qui, en raison des menaces pesant sur eux, auraient vocation à bénéficier, ainsi qu’il est préconisé au cinquième considérant de la directive, d’une mise en œuvre rapide de mesures visant à leur conservation.

28      En l’occurrence, il convient de rappeler que sur les listes nationales de sites susceptibles d’être identifiés comme sites d’importance communautaire doivent figurer des sites revêtant, au niveau national, un intérêt écologique pertinent au regard de l’objectif de conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvages visé par la directive [92/43] (voir arrêt du 7 novembre 2000, First Corporate Shipping, C‑371/98, Rec. p. I‑9235, point 22).

29      Il s’avère, partant, que, s’agissant des sites susceptibles d’être identifiés comme sites d’importance communautaire, mentionnés sur les listes nationales transmises à la Commission, parmi lesquels peuvent figurer notamment des sites abritant des types d’habitats naturels prioritaires ou des espèces prioritaires, les États membres sont, en vertu de la directive, tenus de prendre des mesures de protection aptes à sauvegarder ledit intérêt écologique.»

31      L’arrêt du 14 septembre 2006, Bund Naturschutz in Bayern e.a. (C‑244/05, Rec. p. I‑8445), a précisé, à son point 46, que le régime de protection appropriée des sites proposés par les États membres exige que ces derniers n’autorisent pas d’interventions susceptibles de compromettre sérieusement les caractéristiques écologiques d’un site tel que défini par les critères d’évaluation énoncés à l’annexe III, étape 1, de la directive 92/43 et que tel est notamment le cas lorsqu’une intervention risque soit de réduire de manière significative la superficie du site, soit d’aboutir à la disparition d’espèces prioritaires présentes sur le site, soit, enfin, d’avoir pour résultat la destruction du site ou l’anéantissement de ses caractéristiques représentatives.

32      Au point 51 dudit arrêt Bund Naturschutz in Bayern e.a., la Cour a également jugé que le régime de protection implique aussi que les États membres sont tenus de prendre, conformément aux dispositions du droit national, toutes les mesures nécessaires pour éviter des interventions qui risquent de compromettre sérieusement les caractéristiques écologiques des sites figurant sur la liste nationale transmise à la Commission.

 Les antécédents du litige

33      La M‑501 est une route municipale qui, à l’origine, ne comptait qu’une seule voie dans chaque sens. Cette route part d’Alcorcón et traverse vers l’ouest les villages de Villaviciosa de Odón, Boadilla del Monte, Chapinería, Navas del Rey, Pelayos de la Presa et San Martín de Valdeiglesias, dans la Communauté de Madrid, reliant ainsi les environs de Madrid au sud-ouest de cette Communauté.

34      En 2005, la Commission a reçu deux plaintes dénonçant le non-respect par le Royaume d’Espagne des directives 79/409, 85/337 et 92/43 en ce qui concerne le projet de doublement de la route M-501 entre les villages d’Alcorcón et de San Martín de Valdeiglesias. La Commission a tenu une réunion à ce propos avec les autorités espagnoles le 14 décembre 2005.

35      Ce projet, qui couvre une distance d’environ 56 km, divisés en cinq tronçons, a été soumis à la procédure d’évaluation des incidences sur l’environnement durant le mois de juin 1996.

36      Après consultation des organismes et des entités susceptibles d’être concernés par les travaux, ledit projet, qui ne couvrait plus que les tronçons 1 et 2 du projet initial, a fait l’objet d’une déclaration d’impact environnemental le 2 avril 1998, laquelle était favorable moyennant le respect de certaines conditions pour le tronçon 1 et défavorable en ce qui concerne le tronçon 2.

37      Le projet de tronçon 1 a été réalisé. En ce qui concerne le tronçon 2, les études ayant conclu que la route affecterait gravement les espèces pour lesquelles la zone avait été classée comme ZPS et proposée en tant que site d’importance communautaire (ci-après le «SICp»), le gouvernement de la Communauté de Madrid a, dans un premier temps, à savoir en novembre 2000, renoncé à exécuter le projet.

38      Le 21 juillet 2005, le gouvernement de la Communauté de Madrid a décidé de procéder à l’exécution du projet concernant le tronçon 2 pour des raisons impérieuses de sécurité routière, sans le soumettre à la procédure d’évaluation des incidences sur l’environnement. Cette décision a fait l’objet d’un recours contentieux administratif devant le Tribunal Superior de Justicia de Madrid qui y a fait droit par un arrêt du 14 février 2008.

39      Le projet de tronçon 4 a fait l’objet d’une déclaration d’impact environnemental le 22 juin 2000, rendue publique par décision du 5 juillet 2000, et il a été exécuté.

40      Les tronçons 3 et 5 de la route M-501 n’ont pas encore été réalisés.

41      La ZPS ES0000056, dénommée «Encinares del río Alberche y río Cofio» (ci-après la «ZPS ‘Encinares del río Alberche y río Cofio’»), a été désignée en janvier 1990. Les projets séparés relatifs aux tronçons 2 et 4 de la route M‑501 affectent directement ce site sur une longueur d’un peu plus de 20 km. En outre, le projet séparé relatif au tronçon 1 affecte indirectement ladite ZPS, notamment en augmentant l’accessibilité de cette zone pour les véhicules des particuliers.

42      Cette ZPS abrite les espèces suivantes figurant à l’annexe I de la directive 79/409, à savoir Aquila adalberti, Aquila chrysaetos, Aegypius monachus, Ciconia nigra, Ciconia ciconia, Hieraaetus fasciatus, Hieraaetus pennatus, Circaetus gallicus, Falco peregrinus, Milvus milvus, Bubo bubo, Gyps fulvus, Caprimulgus europaeus et Alcedo atthis. Ces espèces sont répertoriées en tant qu’espèces «menacées d’extinction» ou espèces «d’intérêt particulier» dans le décret royal 439/1990, du 30 mars 1990, réglementant le registre national des espèces menacées (BOE n° 82, du 5 avril 1990, p. 9468).

43      Le SICp ES3110007, dénommé «Cuencas de los ríos Alberche y Cofio» (ci-après le «SICp ‘Cuencas de los ríos Alberche y Cofio’»), proposé en avril 1999, coïncide avec les limites de la ZPS «Encinares del río Alberche y río Cofio». Il est donc lui aussi affecté directement par les projets séparés relatifs aux tronçons 2 et 4 et indirectement par le projet séparé relatif au tronçon 1.

44      D’après le formulaire officiel correspondant du réseau Natura 2000, le SICp «Cuencas de los ríos Alberche y Cofio» abrite en outre les espèces suivantes d’amphibiens, de mammifères, de reptiles ou d’insectes figurant dans les annexes II et IV de la directive 92/43, à savoir Discoglossus galganoi, Lutra lutra, Lynx pardinus, Microtus cabrerae, Miniopterus schreibersii, Myotis blythii, Myotis myotis, Rhinolophus euryale, Rhinolophus ferrumequinum, Lacerta schreiberi, Mauremys leprosa, Emys orbicularis et Cerambyx cerdo.

45      Le SICp ES3110005, dénommé «Cuenca del río Guadarrama» (ci-après le «SICp ‘Cuenca del río Guadarrama’»), proposé en avril 1999, est directement affecté par quelque 3,5 km du projet séparé relatif au tronçon 1. D’après le formulaire officiel correspondant du réseau Natura 2000, il abrite les espèces suivantes d’insectes, de reptiles ou de mammifères figurant dans les annexes II et IV de la directive 92/43, à savoir Cerambyx cerdo, Apteromantis aptera, Lacerta schreiberi, Lacerta monticola, Mauremys leprosa, Barbastella barbastellus, Myotis blythii, Myotis myotis, Myotis emarginatus, Rhinolophus euryale, Rhinolophus hipposideros, Rhinolophus mehelyi, Canis lupus et Galemys pyrenaicus.

46      Les SICp «Cuencas de los ríos Alberche y Cofio» et «Cuenca del río Guadarrama» ont été retenus en tant que sites d’importance communautaire par la décision 2006/613/CE de la Commission, du 19 juillet 2006, arrêtant, en application de la directive 92/43, la liste des sites d’importance communautaire pour la région biogéographique méditerranéenne (JO L 259, p. 1).

 La procédure précontentieuse et la saisine de la Cour

47      Estimant que le Royaume d’Espagne avait manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des directives 85/337 et 92/43, telle qu’interprétée par les arrêts précités Dragaggi e.a. ainsi que Bund Naturschutz in Bayern e.a., en ce qui concerne les projets séparés de doublement et/ou d’aménagement de la route M-501, la Commission a envoyé à cet État membre, en vertu de l’article 226 CE, une lettre de mise en demeure datée du 18 octobre 2006.

48      En réponse, ledit État membre a contesté avoir enfreint la directive 85/337 et la législation de l’Union en ce qui concerne les SICp «Cuenca del río Guadarrama» et «Cuencas de los ríos Alberche y Cofio» ainsi que la ZPS «Encinares del río Alberche y río Cofio» et il faisait valoir qu’il avait pris de nombreuses mesures pour éviter la détérioration des habitats.

49      Estimant la réponse du Royaume d’Espagne à ladite lettre de mise en demeure insatisfaisante, la Commission a, le 23 mars 2007, adressé un avis motivé à cet État membre, l’invitant à prendre les mesures nécessaires pour se conformer à cet avis dans un délai de deux mois à compter de la réception de celui-ci.

50      Par lettre du 29 mai 2007, les autorités espagnoles ont réitéré les arguments qu’elles avaient développés dans leur réponse à la lettre de mise en demeure.

51      Considérant que le Royaume d’Espagne n’avait pas mis fin aux manquements reprochés, la Commission a décidé, le 18 juillet 2007, d’introduire un recours devant la Cour de justice au titre de l’article 226 CE.

52      Les autorités espagnoles ont, par courrier du 29 octobre 2007, transmis à la Commission une proposition de réalisation de l’évaluation des incidences sur l’environnement pour les tronçons qui n’avaient pas été soumis à cette procédure, afin que soient prises les mesures d’atténuation ou de compensation nécessaires.

53      Par réponse du 12 décembre 2007, la Commission a marqué son accord pour la mise en œuvre de ladite proposition (ci-après l’«accord»), celle-ci étant, selon elle, de nature à mettre fin aux manquements reprochés, tout en soulignant que l’avis favorable ainsi donné l’était sans préjudice des décisions que la Commission pourrait adopter au sujet de la procédure d’infraction.

54      Les autorités espagnoles ayant réitéré leur engagement par lettre du 18 janvier 2008, transmise par courrier du 29 janvier 2008, la Commission a décidé, le 31 janvier 2008, de suspendre temporairement l’exécution de sa décision d’introduire un recours en constatation de manquement, sous réserve de l’exécution intégrale de la proposition du 29 octobre 2007 des autorités espagnoles.

55      Toutefois, compte tenu de la décision des autorités espagnoles, annoncée par lettre du 5 mars 2008, de faire appel de l’arrêt du Tribunal Superior de Justicia de Madrid du 14 février 2008 et de poursuivre les travaux relatifs au tronçon 2, la Commission, estimant ces mesures incompatibles avec la reconnaissance de la situation d’infraction et avec l’engagement des autorités espagnoles de se conformer à leurs obligations en vue de minimiser les dommages déjà causés, a décidé, le 26 juin 2008, de lever la suspension et de saisir la Cour de justice, afin de faire constater que le Royaume d’Espagne a manqué aux obligations qui lui incombent:

–        en vertu des articles 2, paragraphe 1, 3, 4, paragraphes 1 ou 2, selon le cas, et 5 de la directive 85/337 en ce qui concerne les projets séparés de doublement et/ou d’aménagement des tronçons 1, 2 et 4 de la route M‑501; en vertu des articles 6, paragraphe 2, et 8 de la même directive s’agissant des projets séparés de doublement et/ou d’aménagement des tronçons 2 et 4 de cette même route, et en vertu de l’article 9 de ladite directive pour ce qui concerne les projets séparés de doublement et/ou d’aménagement des tronçons 1, 2 et 4 de ladite route;

–        en vertu de l’article 6, paragraphes 3 et 4, de la directive 92/43, lu en combinaison avec l’article 7 de cette directive, en ce qui concerne les projets séparés de doublement et/ou d’aménagement des tronçons 1, 2 et 4 de la route M‑501, pour ce qui est de la ZPS «Encinares del río Alberche y río Cofio»;

–        en vertu de la directive 92/43, telle qu’interprétée par les arrêts précités Dragaggi e.a. et Bund Naturschutz in Bayern e.a., ainsi que de l’article 12, paragraphe 1, sous b) et d), de cette même directive, en ce qui concerne les projets séparés de doublement et/ou d’aménagement du tronçon 1 de la même route, pour ce qui est du SICp «Cuenca del río Guadarrama», et des tronçons 2 et 4 de ladite route pour ce qui est du SICp «Cuencas de los ríos Alberche y Cofio».

56      Par acte déposé le 5 mars 2009, le Royaume d’Espagne a soulevé une exception d’irrecevabilité au titre de l’article 91, paragraphe 1, premier alinéa, du règlement de procédure de la Cour. Le 10 novembre 2009, cette dernière a décidé de joindre l’exception d’irrecevabilité au fond en application du paragraphe 4 du même article.

57      Par ordonnance du président de la Cour du 19 mai 2009, la République de Pologne a été admise à intervenir au soutien des conclusions du Royaume d’Espagne.

 Sur le recours

 Sur l’exception d’irrecevabilité

 Argumentation des parties

58      Le Royaume d’Espagne fait valoir que la saisine de la Cour par la Commission méconnaît les termes de l’accord. Ceux-ci auraient été fixés par la proposition des autorités espagnoles du 29 octobre 2007 ainsi que par la réponse de la Commission du 12 décembre suivant et ledit accord aurait été ratifié par la décision du collège des commissaires, du 31 janvier 2008, de suspendre temporairement l’exécution de la décision d’introduire un recours devant la Cour (ci-après la «décision de suspension»), sous réserve de l’exécution intégrale de cette proposition. Selon ledit État membre, il était entendu que les termes de l’accord n’impliquaient en aucune façon l’arrêt immédiat des travaux concernant la route M‑501.

59      Le Royaume d’Espagne souligne que, par la suite, il a, à de multiples reprises, informé la Commission des initiatives prises pour se conformer aux termes dudit accord ainsi que de son intention d’introduire un recours contre l’arrêt du Tribunal Superior de Justicia de Madrid, précité, et des motifs de cette intention, sans susciter de la part de la Commission une quelconque réaction jusqu’à la réception de la requête dans la présente affaire.

60      Sur la base de ces constatations, le Royaume d’Espagne invoque trois moyens.

61      Par son premier moyen, le Royaume d’Espagne soutient que l’accord a donné naissance à l’assurance légitime que, si cet accord était correctement exécuté, la Commission n’attrairait pas le Royaume d’Espagne en justice, confiance légitime que la Commission, en introduisant le recours en manquement, a méconnue. Une violation du principe de confiance légitime pourrait d’autant plus être admise que, d’une part, la Commission n’ayant pas réagi aux correspondances répétées que les autorités espagnoles lui avaient adressées, celles-ci étaient en droit de penser que les initiatives prises assuraient une exécution correcte de cet accord et que, d’autre part, la Commission n’a pas donné de manière précise les motifs réels pour lesquels il a été mis fin à la décision de suspension. Cet État membre ajoute que les motifs invoqués par la Commission pour mettre fin audit accord sont inexacts, puisque, d’une part, le pourvoi en cassation contre l’arrêt du Tribunal Superior de Justicia de Madrid, précité, ne peut être considéré comme une remise en cause indirecte de l’existence de l’infraction et, d’autre part, l’accord n’a jamais imposé un arrêt immédiat des travaux. Enfin, la décision inopinée d’introduire le recours violerait la confiance légitime existant au profit dudit État membre, selon laquelle ce dernier était fondé à croire que l’éventuelle dénonciation de l’accord interviendrait selon une procédure analogue à celle suivie pour son adoption, à savoir à la suite, à tout le moins, d’un échange de lettres permettant aux autorités espagnoles de faire valoir leur point de vue auprès de la Commission et de tenter de réfuter les arguments invoqués par cette institution pour estimer que l’accord avait été violé.

62      Par son deuxième moyen, le Royaume d’Espagne invoque une méconnaissance du principe de coopération loyale prévu à l’article 10 CE. En s’abstenant de toute réponse aux correspondances qui lui avaient été adressées par les autorités espagnoles, la Commission aurait méconnu ce principe, qui imposait à cette dernière l’obligation de mettre ces autorités en mesure de présenter leurs observations ou, à tout le moins, de leur transmettre les observations que la Commission estimait devoir faire au sujet de ces correspondances.

63      Le troisième moyen invoqué par le Royaume d’Espagne au soutien de l’exception d’irrecevabilité qu’il soulève est tiré d’une violation de la procédure prévue à l’article 226 CE. Selon lui, entre l’avis motivé et la requête introductive d’instance, la Commission aurait modifié l’objet du manquement reproché, le manquement aux engagements souscrits au moyen de l’accord constituant, comme la Commission l’aurait reconnu elle-même dans sa requête, la cause déterminante de l’introduction du recours. Dès lors, la Commission n’aurait pas été en droit d’introduire le recours en manquement devant la Cour sans avoir dûment régularisé la procédure précontentieuse en transmettant aux autorités espagnoles une lettre de mise en demeure complémentaire et, le cas échéant, un avis motivé complémentaire, visant le manquement à cet accord. En outre, la conclusion de celui-ci a constitué, selon cet État membre, une étape essentielle de la procédure précontentieuse, car elle répondait à l’un des objectifs essentiels de celle-ci, qui est d’apporter une réponse aux griefs formulés et de permettre à l’État membre concerné de se conformer volontairement et le plus rapidement possible au droit de l’Union. Or, alors même que les autorités espagnoles compétentes auraient exécuté ponctuellement toutes les mesures convenues avec la Commission, celle-ci aurait décidé de poursuivre la procédure et d’introduire le recours devant la Cour, sans donner au Royaume d’Espagne la possibilité de formuler la moindre observation sur la prétendue violation de l’accord. Une telle attitude constituerait une violation de la procédure précontentieuse dont l’objectif est de donner à l’État membre concerné l’occasion de se conformer à ses obligations découlant du droit de l’Union ou de faire utilement valoir ses moyens de défense à l’encontre des griefs formulés par la Commission (voir, notamment, arrêt du 13 décembre 2001, Commission/France, C‑1/00, Rec. p. I‑9989, point 53), et ce d’autant plus que la possibilité pour l’État concerné de présenter ses observations constitue, même s’il estime ne pas devoir en faire usage, une garantie essentielle voulue par le traité et son observation est une forme substantielle de la régularité de la procédure constatant un manquement d’un État membre (arrêt du 29 septembre 1998, Commission/Allemagne, C‑191/95, Rec. p. I‑5449, point 55). Le respect de la procédure prévue à l’article 226 CE aurait donc exigé, avant que la Commission ne saisisse la Cour, la transmission d’une lettre de mise en demeure et d’un avis motivé complémentaires.

64      La République de Pologne, dont l’intervention a exclusivement pour objet de soutenir l’exception d’irrecevabilité soulevée par le Royaume d’Espagne, fait siens les moyens  invoqués par ce dernier à cet égard.

65      La Commission conteste l’existence de l’accord. À la suite de l’engagement des autorités espagnoles de faire cesser la situation d’infraction, la décision de suspension n’a, selon elle, fourni au Royaume d’Espagne qu’une occasion supplémentaire de mettre fin au manquement, conformément à l’objectif de la procédure précontentieuse qui est de donner à l’État membre concerné l’occasion de se conformer à ses obligations découlant du droit de l’Union.

66      En aucune façon cependant, la décision de suspension ne saurait être considérée comme une renonciation aux prérogatives de la Commission dans le cadre de la procédure fondée sur l’article 226 CE, en particulier à la faculté dont elle dispose de saisir la Cour lorsqu’elle estime qu’un État membre persiste à ne pas respecter les obligations que lui impose le droit de l’Union. Lorsque, à l’expiration du délai fixé dans l’avis motivé, l’État membre concerné ne s’est pas conformé à ses obligations découlant du droit de l’Union, la Commission dispose de la faculté de saisir la Cour d’un recours et peut apprécier librement le choix du moment pour ce faire, les considérations qui déterminent ce choix ne pouvant affecter la recevabilité de l’action.

67      La Commission soutient également qu’elle a motivé l’abrogation de la décision de suspension, alors qu’elle n’était nullement tenue de le faire, car le pouvoir d’appréciation que lui confère l’article 226 CE l’autorise à reprendre la procédure précontentieuse au point où elle en était restée, en l’occurrence en introduisant, sans autres formalités, un recours devant la Cour.

68      Par ailleurs, à l’argument du Royaume d’Espagne selon lequel il se serait conformé à l’accord, la Commission oppose la jurisprudence constante selon laquelle l’existence d’un manquement doit être appréciée en fonction de la situation de l’État membre telle qu’elle se présentait au terme du délai fixé dans l’avis motivé et les changements intervenus par la suite ne sauraient être pris en compte par la Cour (arrêts du 13 avril 2000, Commission/Luxembourg, C‑348/99, Rec. p. I‑2917, point 8; du 7 février 2002, Commission/Italie, C‑279/00, Rec. p. I‑1425, point 10, et du 20 novembre 2003, Commission/France, C‑296/01, Rec. p. I‑13909, point 43).

69      Sur le fondement de ces observations liminaires, la Commission dénie l’existence d’une confiance légitime du Royaume d’Espagne dans le fait qu’elle le consulterait de nouveau avant de décider de mettre fin à la décision de suspension. En effet, les autorités espagnoles ne pouvaient ignorer que la Commission pouvait, en vertu des prérogatives que lui confère l’article 226 CE, décider la levée de la suspension et introduire à tout moment, une fois le délai fixé dans l’avis motivé expiré, un recours devant la Cour, sans être tenue de leur donner une nouvelle fois la possibilité de présenter leurs observations. À titre subsidiaire, la Commission affirme avoir eu plusieurs contacts avec lesdites autorités à l’occasion desquels les motifs de la décision d’abroger la décision de suspension ont été discutés.

70      La Commission conteste également toute violation du principe de coopération loyale. Les arguments avancés par le Royaume d’Espagne au soutien de ce moyen étant, selon la Commission, les mêmes que ceux invoqués à l’appui du moyen tiré de la méconnaissance du principe de protection de la confiance légitime, ils doivent être rejetés pour les mêmes motifs.

71      Enfin, la Commission fait valoir que c’est à tort que le Royaume d’Espagne soutient que le manquement qui fait l’objet de la saisine de la Cour concerne la méconnaissance par les autorités espagnoles de leur engagement, c’est-à-dire un manquement différent de celui qui avait donné lieu à la lettre de mise en demeure et à l’avis motivé. En effet, par son recours, la Commission a demandé à la Cour de constater la situation d’infraction dont il est fait grief à cet État membre tant dans la lettre de mise en demeure que dans l’avis motivé.

 Appréciation de la Cour

72      Il convient de rappeler que, ainsi qu’il ressort de la jurisprudence de la Cour, une décision de suspension de la saisine de la Cour ne saurait être considérée comme une renonciation au pouvoir discrétionnaire de saisir la Cour dont dispose la Commission, au moment qu’elle juge opportun, lorsqu’elle estime qu’un État membre persiste à ne pas respecter les obligations qui lui incombent en vertu du droit de l’Union (voir, en ce sens, arrêts du 1er juin 1994, Commission/Allemagne, C‑317/92, Rec. p. I‑2039, point 4; du 25 novembre 1999, Commission/Irlande, C‑212/98, Rec. p. I‑8571, point 12, et du 8 décembre 2005, Commission/Luxembourg, C‑33/04, Rec. p. I‑10629, point 66).

73      Force est, dès lors, de constater que, ainsi que la Commission l’a relevé, ladite décision ne peut être considérée que comme une occasion supplémentaire donnée au Royaume d’Espagne de mettre fin à l’infraction, conformément à l’objectif de la procédure précontentieuse qui est de donner à l’État membre concerné l’occasion de se conformer à ses obligations découlant du droit de l’Union (voir, en ce sens, arrêts du 18 mars 1986, Commission/Belgique, 85/85, Rec. p. 1149, point 11, et du 21 septembre 1999, Commission/Irlande, C‑392/96, Rec. p. I‑5901, point 51).

74      Il en résulte que le moyen tiré de l’existence d’une confiance légitime du Royaume d’Espagne dans le fait que ladite phase contentieuse ne serait pas déclenchée ne saurait prospérer.

75      En outre, la saisine de la Cour n’apparaissant, en l’espèce, que comme la continuation de la procédure en constatation du manquement tel que circonscrit dans l’avis motivé du 23 mars 2007, les moyens tirés de la violation tant du principe de coopération loyale que de la procédure prévue à l’article 226 CE, fondés en substance sur l’allégation selon laquelle la Commission aurait dû, préalablement à l’introduction du recours, donner aux autorités espagnoles l’occasion de présenter leurs observations par l’envoi d’une lettre de mise en demeure et d’un avis motivé complémentaires, ne sont, à l’évidence, pas davantage fondés.

76      Il résulte des considérations qui précèdent que l’exception d’irrecevabilité soulevée par le Royaume d’Espagne doit être rejetée comme non fondée.

 Sur le fond

 Sur la violation de la directive 85/337

–       Argumentation des parties

77      La Commission souligne d’emblée que les autorités espagnoles n’ont, à aucun moment, allégué que les conditions énoncées à l’article 2, paragraphe 3, de la directive 85/337 étaient réunies dans le cas d’espèce.

78      Elle considère que les projets séparés relatifs aux tronçons 1, 2 et 4 de la route M‑501 devaient, tous, en vertu des articles 2, paragraphe 1, et 4, paragraphes 1 ou 2, de ladite directive faire l’objet d’une évaluation de leurs effets sur l’environnement avant que ne soient délivrées les autorisations correspondantes.

79      Rappelant que, selon la jurisprudence de la Cour, la directive 85/337 prévoit l’évaluation des incidences sur l’environnement des projets visés à l’annexe I ou à l’annexe II de celle-ci qui sont susceptibles, en raison de leur nature, de leurs dimensions ou de leur localisation et, le cas échéant, compte tenu de leur interaction avec d’autres projets, d’avoir des incidences notables sur l’environnement (arrêt du 25 juillet 2008, Ecologistas en Acción-CODA, C‑142/07, Rec. p. I‑6097, point 46), la Commission estime que les projets en cause dans le présent litige sont susceptibles d’avoir de telles incidences notables sur l’environnement, étant donné qu’ils couvrent une partie importante du tracé de la route M-501 et qu’ils supposent le doublement de cette route au moins sur certains tronçons ainsi qu’une augmentation du trafic et de la pression que subissent les zones écologiquement sensibles concernées. Dès lors, il aurait été nécessaire d’en évaluer les effets sur l’environnement, compte tenu notamment de leur interaction.

80      Or, les autorités espagnoles soit n’auraient procédé à aucune évaluation des incidences sur l’environnement desdits projets, soit n’auraient évalué ni les effets cumulatifs sur chaque tronçon ni les effets induits à court, moyen et long terme, permanents ou temporaires, positifs ou négatifs du projet, contrairement aux dispositions des articles 3 et 5 de la directive 85/337, lus en combinaison avec l’annexe IV de celle-ci.

81      Parmi les effets directs et indirects des routes sur l’environnement, il y a lieu, selon la Commission, de mentionner le risque de collision des voitures avec des animaux, la perte directe d’habitats, la création d’obstacles au déplacement des populations animales et les perturbations liées au passage de voitures sur la chaussée et de personnes se déplaçant aux abords de celle-ci. S’agissant des atteintes à l’habitat, elles peuvent être dues au bruit, à la pollution, aux nouvelles infrastructures associées à la route ou à la pression accrue des activités humaines aux alentours de cette dernière.

82      À cet égard, la Commission fait valoir, en particulier, que la déclaration d’impact environnemental du 2 avril 1998 n’évalue pas les effets indirects du doublement du tronçon 1 de la M‑501 sur les valeurs environnementales présentes. Quant au tronçon 2, il n’aurait fait l’objet d’aucune évaluation après sa modification. Enfin, le tracé finalement autorisé du tronçon 4 ne correspondrait pas entièrement à celui qui a fait l’objet de la déclaration d’impact. Il aurait donc dû faire l’objet d’une nouvelle évaluation conformément à l’article 4, paragraphe 2, de la directive 85/337, lu en combinaison avec l’annexe II, point 13, de celle-ci. En tout état de cause, l’évaluation du projet séparé relatif au tronçon 4 aurait dû tenir compte des effets cumulatifs de ce projet et des autres projets qui concernent la route M‑501.

83      Par conséquent, en n’ayant pas effectué la nécessaire évaluation des incidences sur l’environnement en ce qui concerne les projets séparés relatifs aux tronçons 2 et 4 de la route M‑501, ou en l’ayant effectuée de manière incomplète en ce qui concerne le projet séparé relatif au tronçon 1 de la même route, le Royaume d’Espagne aurait manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des articles 2, paragraphe 1, 3, 4, paragraphes 1 ou 2, et 5 de ladite directive.

84      En outre, selon la Commission, comme les projets relatifs aux tronçons 2 et 4 de la route M‑501 devaient faire l’objet d’une nouvelle évaluation de leurs incidences sur l’environnement, les autorités espagnoles compétentes ont également enfreint l’article 6, paragraphe 2, de la directive 85/337, dans la mesure où elles n’ont publié ni la demande d’autorisation ni les informations fournies par le promoteur au sujet des projets nouveaux ou modifiés. Ces autorités n’auraient pas non plus pris en considération les résultats des consultations et les informations recueillies en application des articles 5 et 6 de cette directive dans le cadre de la procédure d’autorisation des projets nouveaux ou modifiés relatifs aux tronçons 2 et 4, et ce en violation de l’article 8 de ladite directive.

85      Enfin, en méconnaissance de l’article 9 de la directive 85/337, les autorités espagnoles n’auraient pas publié les décisions d’autorisation des projets séparés correspondant aux tronçons 1, 2 et 4 et n’auraient pas non plus informé le public de l’adoption de ces décisions.

86      Le Royaume d’Espagne conteste l’allégation selon laquelle il n’a pas évalué les effets cumulatifs sur chaque tronçon ni les effets induits à court, moyen et long terme, permanents ou temporaires, positifs ou négatifs des projets.

87      Ainsi qu’il ressortirait de la déclaration d’impact environnemental du 2 avril 1998, qui exige que les mesures nécessaires soient prises pour prévenir ou minimiser les éventuels impacts environnementaux provoqués par les travaux de doublement de la route M‑501, qu’ils soient directs ou induits, non seulement les effets directs, mais aussi les effets secondaires des projets relatifs aux tronçons 1 et 2 auraient été évalués. Le fait que ces évaluations n’incluent pas d’estimation concernant les effets synergiques et cumulatifs d’un doublement complet de la route s’expliquerait par le fait que, d’une part, ce doublement n’était pas prévu et que, d’autre part, la directive 85/337 n’exigerait pas l’étude de tous «les effets indirects secondaires, cumulatifs, à court, moyen et long terme, permanents et temporaires, positifs et négatifs du projet», laissant à l’État membre le soin de décider dans chaque cas si le maître d’ouvrage doit, «le cas échéant», fournir des informations concernant de tels effets.

88      La Commission réplique que les autorités espagnoles n’ont fourni aucun élément ni aucune référence concrets au sujet des critères d’évaluation utilisés dans ladite déclaration d’impact environnemental, notamment en ce qui concerne les effets indirects du doublement du tronçon 1 sur les valeurs environnementales présentes.

89      En outre, selon le Royaume d’Espagne, il n’est pas raisonnable que, à chaque intervention impliquant une infrastructure, tous les effets hypothétiques de la modification intégrale de celle-ci soient analysés, y compris pour les tronçons sur lesquels aucune réalisation n’est prévue.

90      En tout état de cause, les autorités espagnoles se seraient engagées, en application de l’accord, à réaliser une étude environnementale qui inclurait tous les tronçons de la route et évaluerait les éventuels effets cumulatifs et synergiques de la totalité de la voie. Cette étude d’impact environnemental aurait été réalisée en décembre 2008. Par décision du 11 décembre 2009, la Direction générale de l’évaluation environnementale de la Communauté de Madrid aurait adopté une déclaration globale sur ladite étude environnementale.

91      La Commission réplique que la même étude d’impact environnemental a été réalisée non seulement après l’octroi de l’autorisation relative aux projets pour les tronçons 1, 2 et 4 de la route M-501, mais aussi après la mise en œuvre de ces derniers,  en violation de l’article 2, paragraphe 1, de la directive 85/337.

92      Enfin, selon le Royaume d’Espagne, les projets de tronçon 2 et 4 correspondent à ceux qui ont fait l’objet d’une déclaration d’impact et ils ne devaient pas être soumis à une nouvelle évaluation.

93      À cet égard, la Commission réplique que le Royaume d’Espagne reconnaît que le projet relatif au tronçon 4 finalement approuvé correspond à «un tracé qui coïncide pour l’essentiel avec la proposition alternative n° 3, exception faite de 22 % qui étaient pratiquement identiques à un tronçon de la proposition alternative n° 6» et que, par conséquent, ce projet, dans sa totalité, ne correspond à aucune des propositions alternatives ayant fait l’objet d’une évaluation ou, à tout le moins, à la proposition alternative sélectionnée lors de l’évaluation des incidences. Ledit projet correspondrait donc à un nouveau projet ou à un projet modifié qui n’a pas été évalué.

94      Par ailleurs, le Royaume d’Espagne conteste les allégations de la Commission selon lesquelles les décisions d’autorisation des projets séparés correspondant aux tronçons 1, 2 et 4 n’ont pas été publiées et le public n’en a pas été informé. En effet, l’étude et la déclaration des incidences sur l’environnement ont été soumises à la procédure d’enquête publique et les décisions d’appel d’offres pour la conclusion de contrats en vue de l’élaboration de projets concernant la route M‑501 et de l’attribution des marchés de travaux correspondants ainsi que la liste des biens et des droits affectés par les expropriations nécessaires pour la construction de cette route ont été publiées dans les journaux officiels des collectivités concernées.

–       Appréciation de la Cour

95      En premier lieu, la Commission fait grief aux autorités espagnoles d’avoir autorisé et poursuivi la réalisation des projets de doublement des tronçons 1, 2 et 4 de la route M-501 en méconnaissance des articles 2, paragraphe 1, 3, 4, paragraphes 1 ou 2, et 5 de la directive 85/337.

96      À cet égard, il y a lieu de relever d’emblée que le Royaume d’Espagne ne disconvient pas que lesdits projets devaient, en vertu des dispositions combinées des articles 2, paragraphe 1, et 4, paragraphes 1 ou 2, de ladite directive, faire l’objet d’une évaluation de leurs incidences sur l’environnement préalablement à leur autorisation. Elles font cependant valoir que l’évaluation requise a bien été effectuée.

97      S’agissant d’abord des projets de doublement des tronçons 1 et 4 de la route M‑501, la Commission reproche toutefois aux autorités espagnoles de ne pas avoir évalué les effets indirects et cumulatifs.

98      Or, l’article 3 de la directive 85/337 précise, s’agissant du contenu de l’évaluation des incidences sur l’environnement, que celle-ci doit comporter une description des effets directs et indirects d’un projet sur l’environnement (voir arrêts du 16 mars 2006, Commission/Espagne, C‑332/04, point 33; du 28 février 2008, Abraham e.a., C‑2/07, Rec. p. I‑1197, points 43 à 45, ainsi que Ecologistas en Acción-CODA, précité, point 39). Par ailleurs, l’annexe IV de cette directive inclut, parmi les informations à fournir par le maître d’ouvrage en vertu de l’article 5, paragraphe 1, de celle-ci, une description des effets cumulatifs du projet sur l’environnement. De même, pour déterminer si un État membre doit, conformément à l’article 4, paragraphe 2, de la même directive, soumettre un projet énuméré à l’annexe II de celle-ci à évaluation comme étant susceptible d’avoir des incidences notables sur l’environnement au sens de l’article 2, paragraphe 1, de ladite directive, l’annexe III de cette dernière mentionne, parmi les critères de sélection, le cumul avec d’autres projets (voir arrêt du 21 septembre 1999, Commission/Irlande, précité, points 73 à 76).

99      À cet égard, l’absence alléguée par la Commission, dans la déclaration d’impact environnemental du 2 avril 1998, d’éléments concrets concernant les critères utilisés pour l’évaluation des effets indirects du doublement du tronçon 1 n’a pas été sérieusement contredite par le Royaume d’Espagne. Ce dernier s’est, en effet, borné à alléguer sur ce point que ladite déclaration d’impact exige que les mesures nécessaires soient prises pour prévenir les éventuels impacts environnementaux, même induits.

100    Quant à l’objection dudit État membre tirée du caractère déraisonnable de la prise en considération de l’effet cumulatif d’un projet avec d’autres projets, y compris avec ceux pour lesquels aucune réalisation n’est prévue, elle ne saurait à l’évidence prospérer. Il ressort en effet desdites dispositions de la directive 85/337 que l’évaluation de l’effet cumulatif de tous les projets existants s’impose.

101    Ensuite, s’agissant des projets de doublement des tronçons 2 et 4 de la route M‑501, la Commission reproche, en substance, au Royaume d’Espagne le fait que les projets finalement autorisés sont sensiblement différents de ceux qui avaient fait l’objet de la procédure d’évaluation en juin 1996, de sorte qu’ils correspondent à de nouveaux projets ou à des projets modifiés qui n’ont pas été évalués.

102    Concernant le projet de doublement du tronçon 4, il résulte des points 97 à 100 du présent arrêt que les autorités espagnoles n’ont, en tout état de cause, procédé qu’à une évaluation incomplète de ses effets sur l’environnement. Il n’est, dès lors, pas besoin de se prononcer sur le point de savoir si le projet de doublement du tronçon 4 finalement autorisé correspond à un projet modifié par rapport à celui qui avait fait l’objet de la procédure d’évaluation et qui aurait dû, par conséquent, donner lieu à une nouvelle procédure d’évaluation.

103    Concernant le projet de doublement du tronçon 2, il y a lieu de rappeler que l’annexe II, point 13, de la directive 85/337 inclut dans le champ de l’évaluation prescrite à l’article 4, paragraphe 2, de celle-ci «[t]oute modification ou extension des projets figurant à l’annexe I ou à l’annexe II» et que la Cour a itérativement souligné que le champ d’application de cette directive est étendu et son objectif très large (voir arrêts du 16 septembre 2004, Commission/Espagne, C‑227/01, Rec. p. I‑8253, point 46, ainsi que Ecologistas en Acción-CODA, précité, point 28 et jurisprudence citée). La notion de modification de projet doit donc être entendue largement (voir arrêt du 24 octobre 1996, Kraaijeveld e.a., C‑72/95, Rec. p. I‑5403, point 39).

104    Par conséquent, le Royaume d’Espagne ne saurait valablement contester la qualification de «modification de projet» en ce qui concerne le projet de tronçon 2 autorisé en 2005 par rapport à celui qui avait fait l’objet de la déclaration d’impact environnemental du 2 avril 1998, quand, à cet effet, il se borne à objecter que le projet final de construction suppose la définition plus détaillée du projet de tracé préalable qui a été évalué et doit intégrer l’évaluation des incidences réalisée antérieurement.

105    Enfin, s’agissant de l’argumentation dudit État membre selon laquelle une évaluation globale des effets indirects cumulatifs de tous les projets de doublement des tronçons de la route M-501 aurait été effectuée par l’étude d’impact environnemental réalisée en décembre 2008, il ressort de l’article 2, paragraphe 1, de la directive 85/337 que l’évaluation des projets susceptibles d’avoir des incidences notables sur l’environnement, notamment en raison de leur nature, de leurs dimensions ou de leur localisation, doit intervenir avant l’octroi des autorisations correspondantes (voir arrêts du 16 septembre 2004, Commission/Espagne, précité, point 47, et Ecologistas en Acción-CODA, précité, point 33).

106    Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent que, en n’ayant pas procédé à une évaluation préalable ou en ayant procédé à une évaluation préalable incomplète des incidences sur l’environnement des projets de doublement des tronçons 1, 2 et 4 de la route M‑501, le Royaume d’Espagne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des articles 2, paragraphe 1, 3, 4, paragraphes 1 ou 2, et 5 de la directive 85/337.

107    En deuxième lieu, la Commission fait grief au Royaume d’Espagne d’avoir, s’agissant des projets de doublement des tronçons 2 et 4 de la route M‑501, violé les articles 6, paragraphe 2, et 8 de la directive 85/337.

108    Il convient de rappeler que l’article 6, paragraphe 2, de la directive 85/337 impose aux États membres d’informer le public de la demande d’autorisation d’un projet et de la disponibilité des informations recueillies en vertu de l’article 5 de cette directive, parmi lesquelles figure une description des effets indirects et cumulatifs du projet sur l’environnement. L’article 8 de la même directive exige que le résultat des consultations et les informations recueillies conformément aux articles 5, 6 et 7 de celle-ci soient pris en considération dans le cadre de la procédure d’autorisation.

109    Les autorités espagnoles n’ayant pas effectué une évaluation préalable des incidences sur l’environnement des projets de doublement des tronçons 2 et 4 ou, en tout état de cause, n’ayant pas évalué leurs effets indirects et cumulatifs, elles sont nécessairement restées en défaut de se conformer aux prescriptions des articles 6, paragraphe 2, et 8 de ladite directive.

110    Il s’ensuit que le grief tiré de la violation des articles 6, paragraphe 2, et 8 de la directive 85/337 doit également être considéré comme fondé.

111    En dernier lieu, la Commission allègue, s’agissant des projets de doublement des tronçons 1, 2 et 4 de la route M‑501, un grief tiré de la méconnaissance de l’article 9 de la directive 85/337.

112    La défense invoquée par le Royaume d’Espagne, relative à la mise à disposition du public des déclarations d’impact environnemental et à la publication des décisions d’appel d’offres pour la conclusion de contrats en vue de l’élaboration de projets concernant la route M‑501 et de l’attribution de marchés de travaux pour la construction de celle-ci, ne saurait être accueillie. La Cour a, en effet, déjà jugé que le fait pour un État membre de publier la déclaration d’impact environnemental ne remplace pas l’obligation prévue à l’article 9 de la directive 85/337 de communiquer au public l’autorisation ou le refus de réaliser le projet (voir arrêt du 16 mars 2006, Commission/Espagne, précité, point 56).

113    Il s’ensuit que le grief tiré de la violation de l’article 9 de la directive 85/337 doit être considéré comme fondé.

114    En conséquence, il convient de constater que, en ne satisfaisant pas aux exigences prévues:

–        aux articles 2, paragraphe 1, 3, 4, paragraphes 1 ou 2, selon le cas, et 5 de la directive 85/337 en ce qui concerne les projets séparés de doublement et/ou d’aménagement des tronçons 1, 2 et 4 de la route M-501;

–        aux articles 6, paragraphe 2, et 8 de la même directive s’agissant des projets séparés de doublement et/ou d’aménagement des tronçons 2 et 4 de ladite route, et

–        à l’article 9 de ladite directive pour ce qui concerne les projets séparés de doublement et/ou d’aménagement des tronçons 1, 2 et 4 de la même route,

le Royaume d’Espagne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des dispositions susmentionnées.

 Sur la violation de la directive 92/43

–       Argumentation des parties

115    La Commission rappelle que, en vertu de l’article 6, paragraphe 3, de la directive 92/43, les autorités espagnoles avaient l’obligation d’évaluer les répercussions de tout projet qui, bien que non directement lié ou nécessaire à la gestion de la ZPS «Encinares del río Alberche y río Cofio», était susceptible d’affecter ce site de manière significative, individuellement ou en conjugaison avec d’autres projets.

116    Or, s’agissant des projets séparés relatifs aux tronçons 1, 2 et 4 de la route M‑501, soit il n’y aurait pas eu d’évaluation des répercussions du projet sur la ZPS «Encinares del río Alberche y río Cofio», soit l’évaluation n’aurait pas dûment tenu compte des effets des différents projets sur ce site.

117    En ce qui concerne plus particulièrement le tronçon 1 de la route M‑501, les effets indirects de l’élargissement de celle-ci sur la ZPS «Encinares del río Alberche y río Cofio» n’auraient pas été évalués dans la déclaration d’impact environnemental du 2 avril 1998. Cette déclaration conclut, en effet, qu’elle «est favorable au tracé compris entre les points kilométriques 9+800 et 21+800, c’est-à-dire jusqu’à la limite de l’espace déclaré [ZPS] pour les oiseaux», sans qu’à aucun moment les effets indirects que le doublement de ce tronçon est susceptible d’avoir sur le site aient été étudiés, notamment en ce qui concerne l’augmentation du trafic vers cette zone et l’accroissement probable de la pression urbanistique.

118    Quant au tronçon 2, un nouveau projet aurait été autorisé en 2005, sans avoir été soumis à une évaluation de ses répercussions sur ladite ZPS. Il ne serait donc pas possible d’analyser le respect par les autorités espagnoles des autres conditions découlant de l’article 6, paragraphes 3 et 4, de la directive 92/43.

119    Pour ce qui est du tronçon 4, le tracé finalement autorisé devrait être considéré comme n’ayant fait l’objet d’aucune évaluation de ses incidences sur l’environnement, dans la mesure où il ne correspondrait pas totalement à la proposition alternative sélectionnée lors de l’évaluation contenue dans la déclaration d’impact du 22 juin 2000. En tout état de cause, cette déclaration d’impact n’évaluerait pas les répercussions que le projet relatif au tronçon 4 peut avoir sur ladite ZPS en combinaison avec le projet relatif aux tronçons 1 et 2.

120    Enfin, selon la Commission, qui s’appuie sur une étude du Conseil supérieur de recherches scientifiques réalisée en septembre et en novembre 2000, l’exécution des projets séparés relatifs au doublement et/ou à l’aménagement du tronçon 1, d’une part, et des tronçons 2 et 4, d’autre part, de la route M‑501 constitue, du fait du défaut d’adoption de mesures de protection adéquates, une menace pour l’intérêt écologique des SICp «Cuenca del río Guadarrama» et «Cuencas de los ríos Alberche y Cofio», en particulier pour l’intégrité des espèces présentes sur ces sites, identifiées dans les formulaires officiels correspondants du réseau Natura 2000, et de leurs habitats.

121    Selon le Royaume d’Espagne, l’exécution des différents projets de travaux de remodelage et d’amélioration de certains tronçons de la route M‑501 a été menée à bien au moyen de l’adoption de mesures correctrices et de réparation appropriées qui ont assuré la conservation des sites dans les conditions exigées par la directive 92/43, même si les déclarations des incidences sur l’environnement ou les projets ont été adoptés avant la désignation de sites d’importance communautaire. La Commission ne saurait se borner à alléguer le contraire et, si elle persistait à le faire, il lui appartiendrait de prouver le bien-fondé de ses allégations.

122    En outre, en ce qui concerne l’expression «évaluation appropriée de ses incidences sur le site» figurant à l’article 6, paragraphe 3, de la directive 92/43, la Cour aurait précisé, aux points 49 et 50 de son arrêt Ecologistas en Acción-CODA, précité, qu’une évaluation formelle peut être remplacée par des mesures équivalentes lorsqu’elles satisfont aux exigences minimales énoncées aux articles 3 ainsi que 5 à 10 de la directive 85/337 et que c’est à la juridiction nationale d’apprécier dans chaque cas si les enquêtes, les auditions et les analyses auxquelles les autorités nationales ont procédé constituent, pour les projets en cause, une évaluation des incidences sur l’environnement au sens de cette directive. Par conséquent, il ne pourrait être allégué un manquement à la directive 92/43 en raison de la seule inexistence d’une évaluation formelle préalable des incidences des projets, dès lors que ladite évaluation a été prise en compte dans tous les projets, soit dans les déclarations des incidences sur l’environnement, conformément à la législation nationale, soit par la prise en considération de mesures correctrices et compensatoires relatives aux valeurs environnementales présentes.

123    Les déclarations des incidences sur l’environnement des tronçons exécutés de la route M‑501 auraient été émises alors qu’était en vigueur la mesure nationale de transposition de la directive 92/43, à savoir le décret royal 1997/1995, du 7 décembre 1995, établissant des mesures pour contribuer à garantir la biodiversité au moyen de la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvages (BOE n° 310, du 28 décembre 1995, p. 37310). Dès lors, ces déclarations auraient établi les mesures visant à assurer la conservation des sites d’intérêt communautaire concernés et à éviter la détérioration des habitats naturels et des habitats d’espèces, en se conformant ainsi à l’article 6 de ladite directive.

124    La mise en œuvre réelle de ces mesures prévues lors des différentes opérations aurait été évaluée dans l’étude sur l’environnement du doublement de la route M‑501, élaborée en 2008 en application de l’accord, et cette étude démontrerait que les mesures qui ont été ou qui sont en train d’être exécutées non seulement assurent le maintien des sites protégés, mais favorisent et améliorent aussi les habitats naturels et des espèces.

125    Par ailleurs, en ce qui concerne le tronçon 2, il aurait existé des «raisons impérieuses d’intérêt public majeur» pour la réalisation de celui-ci. Les études de trafic réalisées auraient mis en évidence le fait que l’intensité du trafic sur ce tronçon non doublé avait considérablement augmenté, ce qui provoquait une congestion de cette voie et une augmentation des accidents sur celle-ci. C’est la raison pour laquelle, conformément aux dispositions de l’article 6, paragraphe 4, premier alinéa, de la directive 92/43, l’organe administratif compétent, à savoir le Conseil du gouvernement de la Communauté de Madrid, «malgré les conclusions négatives de l’évaluation des incidences sur le site et en l’absence de solutions alternatives», aurait estimé que le projet devait être réalisé. Les exigences de cette directive auraient néanmoins été respectées, parce que «toute mesure compensatoire nécessaire pour assurer que la cohérence globale de Natura 2000 est protégée» aurait été prise. En particulier, un plan d’intégration environnementale aurait été élaboré, qui inclut de nombreuses mesures correctrices et de compensation pour empêcher une détérioration significative des zones concernées. De telles mesures satisferaient aux exigences formulées par la Cour (voir arrêt Bund Naturschutz in Bayern e.a., précité, points 44 et 45).

126    Selon la Commission, au contraire, aucune évaluation des répercussions environnementales des projets, telle que prévue à l’article 6 de la directive 92/43, n’a été effectuée avant que les projets relatifs aux tronçons 1, 2 et 4 aient été autorisés. Il ne serait donc pas possible d’analyser le respect, par les autorités espagnoles, des conditions découlant du paragraphe 4 de cet article.

127    Par ailleurs, la Commission fait valoir, d’une part, que l’étude d’impact environnemental réalisée en décembre 2008 ne fait que confirmer les incidences significatives que les travaux exécutés au niveau des tronçons 1, 2 et 4 ont entraînées sur les valeurs environnementales présentes dans les SICp «Cuencas de los ríos Alberche y Cofio» ainsi que «Cuenca del río Guadarrama» et, d’autre part, que les «mesures correctrices» ou les «mesures préventives» adoptées n’ont pas permis d’éviter ces incidences. Ces mesures seraient, en outre, d’une efficacité relative pour remédier à celles-ci.

128    Le Royaume d’Espagne rétorque que les incidences constatées ne sont pas exorbitantes et n’altèrent pas de manière irréversible l’intégrité environnementale des lieux affectés. Ces effets seraient neutralisés par les différentes interventions de réparation et de compensation déjà réalisées, entièrement ou partiellement. La situation écologique et environnementale aurait même été améliorée dans certains cas. En outre, des documents et des études postérieures, notamment la déclaration environnementale globale du projet de «Doublement de la route M‑501, tronçon M‑40 jusqu’aux limites de la Communauté de Madrid», réalisée en décembre 2009, établiraient l’application effective des mesures compensatoires et réparatrices ainsi que leurs bons résultats dans la plupart des cas. Enfin, les effets relevés par la Commission dans l’étude d’impact environnemental de décembre 2008 seraient des effets éventuels qu’engendrerait le doublement hypothétique de toute la route M‑501.

–       Appréciation de la Cour

129    La Commission allègue, en premier lieu, une violation des dispositions combinées des articles 6, paragraphes 3 et 4, ainsi que 7 de la directive 92/43, pour ce qui est des projets de doublement des tronçons 1, 2 et 4 de la route M‑501 en ce qui concerne la ZPS «Encinares del río Alberche y río Cofio».

130    La Commission fait valoir, d’une part, que l’autorisation des projets de doublement des tronçons 1 et 4 n’est pas fondée sur une évaluation appropriée de leurs incidences sur ladite ZPS.

131    Il convient de rappeler que l’article 6, paragraphe 3, de la directive 92/43 prévoit une procédure d’évaluation visant à garantir qu’un plan ou projet non directement lié ou nécessaire à la gestion du site concerné, mais susceptible d’affecter ce dernier de manière significative, n’est autorisé que pour autant qu’il ne portera pas atteinte à l’intégrité de ce site (voir arrêts du 7 septembre 2004, Waddenvereniging et Vogelbeschermingsvereniging, C‑127/02, Rec. p. I‑7405, point 34, ainsi que du 26 octobre 2006, Commission/Portugal, C‑239/04, Rec. p. I‑10183, point 19).

132    S’agissant de la notion d’«évaluation appropriée» au sens de l’article 6, paragraphe 3, de la directive 92/43, la Cour a jugé que cette évaluation doit être conçue de telle façon que les autorités compétentes puissent acquérir la certitude qu’un plan ou un projet est dépourvu d’effets préjudiciables à l’intégrité du site concerné, étant donné que, lorsqu’il subsiste une incertitude quant à l’absence de tels effets, lesdites autorités sont tenues de refuser l’autorisation sollicitée (voir arrêt du 20 septembre 2007, Commission/Italie, C‑304/05, Rec. p. I‑7495, point 58).

133    Or, il résulte des points 99 à 103 du présent arrêt que les autorités espagnoles n’ont pas évalué les effets indirects et cumulatifs sur l’environnement des projets de doublement des tronçons 1 et 4 de la route M‑501.

134    Il en découle que lesdites autorités ne peuvent être considérées comme ayant évalué les répercussions que lesdits projets pouvaient avoir sur la ZPS «Encinares del río Alberche y río Cofio», de façon à acquérir la certitude qu’ils ne pouvaient produire, individuellement ou en conjugaison avec d’autres projets, des effets préjudiciables à l’intégrité de cette ZPS.

135    La Commission estime, d’autre part, que le projet de doublement du tronçon 2 a été finalement autorisé sans avoir fait l’objet d’une évaluation appropriée de ses incidences sur la ZPS «Encinares del río Alberche y río Cofio».

136    Selon le Royaume d’Espagne, le projet de doublement du tronçon 2 a été autorisé, malgré les conclusions négatives de l’évaluation de ses incidences sur ladite ZPS figurant dans la déclaration d’impact environnemental du 2 avril 1998, pour des «raisons impératives d’intérêt public majeur» liées à l’augmentation considérable du trafic et donc des risques d’accidents, conformément à l’article 6, paragraphe 4, de la directive 92/43.

137    Il ressort toutefois des points 103 et 104 du présent arrêt que le projet de doublement du tronçon 2 autorisé en 2005 diffère sensiblement de celui qui a fait l’objet de l’évaluation défavorable dont les conclusions figurent dans ladite déclaration d’impact environnemental et il aurait donc dû faire l’objet d’une nouvelle évaluation.

138    Or, l’article 6, paragraphe 4, de la directive 92/43 ne saurait s’appliquer qu’après que les incidences d’un plan ou d’un projet ont été analysées conformément au paragraphe 3 de cet article. En effet, la connaissance de ces incidences au regard des objectifs de conservation relatifs au site en question constitue un préalable indispensable à l’application dudit article 6, paragraphe 4, car, en l’absence de ces éléments, aucune condition d’application de cette disposition dérogatoire ne saurait être appréciée. L’examen d’éventuelles raisons impératives d’intérêt public majeur et celui de l’existence d’alternatives moins préjudiciables à l’environnement requièrent en effet une mise en balance de ces raisons impératives et des atteintes portées au site par le plan ou le projet considéré. En outre, afin de déterminer la nature d’éventuelles mesures compensatoires, les atteintes audit site doivent être identifiées avec précision (voir arrêt du 20 septembre 2007, Commission/Italie, précité, point 83).

139    Il s’ensuit que le grief tiré de la violation des dispositions combinées des articles 6, paragraphes 3 et 4, et 7 de la directive 92/43, en ce qui concerne les projets de doublement des tronçons 1, 2 et 4 de la route M‑501, doit être considéré comme fondé pour ce qui est de la ZPS «Encinares del río Alberche y río Cofio».

140    En second lieu, la Commission fait grief au Royaume d’Espagne d’avoir exécuté les projets de doublement des tronçons 1, 2 et 4 de la route M‑501 sans avoir pris, en méconnaissance des dispositions de la directive 92/43 et, en particulier, de l’article 12, paragraphe 1, sous b) et d), de celle-ci, les mesures nécessaires pour éviter la perturbation intentionnelle des espèces animales protégées vivant sur les sites d’importance communautaire.

141    Il résulte, en effet, des arrêts précités Dragaggi e.a. ainsi que Bund Naturschutz in Bayern e.a. que, dès la transmission à la Commission de la liste des sites proposés comme sites d’importance communautaire, les États membres doivent prendre les mesures de protection aptes à sauvegarder leur intérêt écologique et que, partant, ces derniers ne sauraient autoriser des interventions risquant de compromettre sérieusement leurs caractéristiques écologiques.

142    Or, les SICp «Cuenca del río Guadarrama» et «Cuencas de los ríos Alberche y Cofio», qui ont été retenus par la Commission comme sites d’importance communautaire le 19 juillet 2006, avaient été proposés par le Royaume d’Espagne en avril 1999 et la Commission, s’appuyant sur l’étude d’impact environnemental réalisée en décembre 2008, relève l’existence d’incidences significatives que les travaux exécutés au niveau des tronçons 1, 2 et 4 ont entraînées sur les valeurs environnementales présentes dans ces SICp.

143    L’argumentation invoquée en défense par le Royaume d’Espagne ne saurait sérieusement réfuter l’allégation de la Commission. Le fait même que cet État membre fasse état de mesures de réparation qui auraient été prises confirme que l’exécution des projets de doublement des tronçons 1, 2 et 4 de la route M‑501 a porté atteinte à l’intérêt écologique desdits SICp.

144    Il s’ensuit que le grief tiré de la violation des dispositions de la directive 92/43 et, en particulier, de l’article 12, paragraphe 1, sous b) et d), de celle-ci, en raison du fait que les autorités espagnoles n’ont pas pris les mesures de protection propres à préserver l’intérêt écologique des SICp «Cuenca del río Guadarrama» et «Cuencas de los ríos Alberche y Cofio», doit être considéré comme fondé.

145    En conséquence, il convient de constater que, en ne satisfaisant pas aux exigences prévues:

–        à l’article 6, paragraphes 3 et 4, de la directive 92/43, lu en combinaison avec l’article 7 de celle-ci, en ce qui concerne les projets séparés de doublement et/ou d’aménagement des tronçons 1, 2 et 4 de la route M‑501, pour ce qui est de la ZPS «Encinares del río Alberche y río Cofio», et

–        à l’article 12, paragraphe 1, sous b) et d), de cette même directive, en ce qui concerne les projets séparés de doublement et/ou d’aménagement du tronçon 1 de ladite route, pour ce qui est du SICp «Cuenca del río Guadarrama», et des tronçons 2 et 4, pour ce qui est du SICp «Cuencas de los ríos Alberche y Cofio»,

le Royaume d’Espagne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des dispositions susmentionnées.

 Sur les dépens

146    En vertu de l’article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La Commission ayant conclu à la condamnation du Royaume d’Espagne et celui-ci ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de le condamner aux dépens.

147    Conformément au paragraphe 4, premier alinéa, du même article, la République de Pologne, qui est intervenue au litige, supporte ses propres dépens.

Par ces motifs, la Cour (cinquième chambre) déclare et arrête:

1)      En ne satisfaisant pas aux exigences prévues:

–        aux articles 2, paragraphe 1, 3, 4, paragraphes 1 ou 2, selon le cas, et 5 de la directive 85/337/CEE du Conseil, du 27 juin 1985, concernant l’évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l’environnement, telle que modifiée par la directive 2003/35/CE du Parlement européen et du Conseil, du 26 mai 2003, en ce qui concerne les projets séparés de doublement et/ou d’aménagement des tronçons 1, 2 et 4 de la route M-501;

–        aux articles 6, paragraphe 2, et 8 de la directive 85/337, telle que modifiée par la directive 2003/35, s’agissant des projets séparés de doublement et/ou d’aménagement des tronçons 2 et 4 de ladite route;

–        à l’article 9 de la directive 85/337, telle que modifiée par la directive 2003/35, pour ce qui concerne les projets séparés de doublement et/ou d’aménagement des tronçons 1, 2 et 4 de la même route;

–        à l’article 6, paragraphes 3 et 4, de la directive 92/43/CEE du Conseil, du 21 mai 1992, concernant la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvages, lu en combinaison avec l’article 7 de celle-ci, en ce qui concerne les projets séparés de doublement et/ou d’aménagement des tronçons 1, 2 et 4 de la route M‑501, pour ce qui est de la zone de protection spéciale ES0000056 «Encinares del río Alberche y río Cofio», et

–        à l’article 12, paragraphe 1, sous b) et d), de cette même directive, en ce qui concerne les projets séparés de doublement et/ou d’aménagement du tronçon 1 de la route M-501, pour ce qui est du site d’importance communautaire proposé ES3110005 «Cuenca del río Guadarrama», et des tronçons 2 et 4 de la même route, pour ce qui est du site d’importance communautaire proposé ES3110007 «Cuencas de los ríos Alberche y Cofio»,

le Royaume d’Espagne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des dispositions susmentionnées.

2)      Le Royaume d’Espagne est condamné aux dépens.

3)      La République de Pologne supporte ses propres dépens.

Signatures


* Langue de procédure: l’espagnol.