Language of document : ECLI:EU:T:2012:117

ARRÊT DU TRIBUNAL (première chambre)

9 mars 2012 (*)

« Dessin ou modèle communautaire – Procédure de nullité – Dessin ou modèle communautaire enregistré représentant un flacon – Dessin ou modèle antérieur – Motif de nullité – Divulgation du dessin ou modèle antérieur – Absence de nouveauté – Articles 5 et 25, paragraphe 1, sous b), du règlement (CE) n° 6/2002 »

Dans l’affaire T‑450/08,

Coverpla, établie à Nice (France), représentée par Mes P. Greffe et M. Chaminade, avocats,

partie requérante,

contre

Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), représenté par M. A. Folliard-Monguiral, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’OHMI, intervenant devant le Tribunal, étant

Heinz-Glas GmbH, établie à Piesau (Allemagne), représentée par Me M. Pütz‑Poulalion, avocat,

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la troisième chambre de recours de l’OHMI du 7 juillet 2008 (affaire R 1411/2007‑3), relative à une procédure de nullité d’un dessin ou modèle communautaire entre Heinz-Glas GmbH et Coverpla,

LE TRIBUNAL (première chambre),

composé de M. J. Azizi, président, Mme E. Cremona (rapporteur) et M. S. Frimodt Nielsen, juges,

greffier : Mme C. Heeren, administrateur,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 6 octobre 2008,

vu le mémoire en réponse de l’OHMI déposé au greffe du Tribunal le 11 février 2009,

vu le mémoire en réponse de l’intervenante déposé au greffe du Tribunal le 4 février 2009,

à la suite de l’audience du 11 janvier 2012,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        La requérante, Coverpla., est titulaire du dessin ou modèle communautaire enregistré sous le numéro 29178-0002 et déposé le 6 mai 2003.

2        Le dessin ou modèle contesté, destiné à être appliqué aux « flacons », relevant de la classe 09-01 au sens de l’arrangement de Locarno du 8 octobre 1968 instituant une classification internationale pour les dessins et modèles industriels, est représenté comme suit :

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3        Le dessin ou modèle contesté a été publié au Bulletin des dessins ou modèles communautaires n° 12/2003, du 19 août 2003.

4        Le 11 mai 2006, l’intervenante, Heinz-Glas GmbH, a présenté devant l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI) une demande en nullité du dessin ou modèle contesté, fondée sur l’article 25, paragraphe 1, sous b), du règlement (CE) n° 6/2002 du Conseil, du 12 décembre 2001, sur les dessins ou modèles communautaires (JO 2002, L 3, p. 1). Dans la demande en nullité, l’intervenante a fait valoir que le dessin ou modèle contesté n’était pas nouveau et qu’il ne remplissait pas les conditions fixées aux articles 4 à 9 du règlement n° 6/2002.

5        À l’appui de sa demande en nullité, l’intervenante a présenté trois documents :

–        une copie d’un croquis, portant sur un flacon de 50 ml dénommé « Empire » et portant la référence  F 3990 (ci‑après le « dessin ou modèle antérieur »), dans lequel figurent, notamment, la signature de son auteur, les dates des 22 mars et 22 juillet 2002, ainsi que l’indication du nom du client, en l’occurrence la société anglaise International Bottle Co. Ltd (ci‑après « IBC ») ;

–        une copie sans en‑tête d’un bon de livraison, daté du 10 septembre 2002, portant la référence du numéro d’article 10 0103990100.03001 et concernant une livraison de 61 452 exemplaires à IBC ;

–        une copie d’une déclaration sur l’honneur établie par M. M. W., ancien employé d’IBC dans le secteur de la distribution, datée du 5 mai 2007, à laquelle est annexée une copie d’un extrait des livres comptables d’IBC. Dans cette déclaration, M. M. W. affirme que, en septembre 2002, IBC a reçu des livraisons concernant un flacon, dénommé « Empire », de diverses contenances, à savoir principalement 50 ml et 100 ml, et portant la référence F 3990, provenant de l’intervenante, et que, à partir de novembre 2002, IBC a vendu la série de ces flacons à différents embouteilleurs, tels que la société Meller Beauty, notamment, sous la désignation « Crimp Empire*Inner Peace Illu », référencé sous le numéro 21995.021, ces embouteilleurs ayant commercialisé lesdits flacons dans des magasins pour divers clients.

6        Par décision du 4 juillet 2007, la division d’annulation de l’OHMI a fait droit à la demande et a déclaré la nullité du dessin ou modèle contesté. Elle a estimé que le dessin ou modèle antérieur avait été divulgué avant la date de dépôt du dessin ou modèle contesté, que ces deux dessins ou modèles étaient, en substance, identiques et que le dessin ou modèle contesté était dépourvu de nouveauté au sens de l’article 5 du règlement n° 6/2002.

7        Le 28 août 2007, la requérante a formé un recours, au titre des articles 55 à 60 du règlement n° 6/2002, contre la décision de la division d’annulation.

8        Lors de la procédure de recours, l’intervenante a produit de nouveaux documents destinés à réfuter les arguments de la requérante concernant la matérialité de la divulgation.

9        Par décision du 7 juillet 2008 (ci‑après la « décision attaquée »), notifiée à la requérante le 1er août 2008, la troisième chambre de recours de l’OHMI a rejeté le recours. En fondant son appréciation exclusivement sur les éléments de preuve de la divulgation du modèle antérieur examinés par la division d’annulation, elle a estimé que le croquis du dessin ou modèle antérieur, la déclaration sur l’honneur de M. M. W. et le bon de livraison à IBC, se référant tous au même flacon, à savoir celui représenté sur ledit croquis, considérés conjointement, étaient des preuves établissant à suffisance de droit que le dessin ou modèle antérieur avait été divulgué avant la date de dépôt de la demande du dessin ou modèle contesté. Plus particulièrement, la chambre de recours a, premièrement, estimé que le croquis montrait que le « projet exécutif » d’un flacon a bien été réalisé le 22 juillet 2002 et qu’il n’y avait aucun indice montrant qu’il était le produit d’une falsification ou qu’il avait été établi pour les besoins de la cause. Deuxièmement, la chambre de recours a considéré que la déclaration sur l’honneur signée par M. M. W. était une preuve recevable au titre de l’article 65, paragraphe 1, du règlement n° 6/2002, dont le contenu était crédible. À cet égard, elle a précisé que ladite déclaration, mentionnant le même numéro de référence du produit que celui figurant sur le croquis, établissait qu’IBC avait reçu, en septembre 2002, des livraisons de flacons du type de celui représenté sur ledit croquis. Troisièmement, s’agissant du bon de livraison, la chambre de recours a estimé que celui‑ci contribuait à prouver la divulgation du dessin ou modèle antérieur, faisant état de la réception par IBC, le 10 septembre 2002, de 60 000 flacons du type de celui figurant sur le croquis. En entérinant les conclusions de la division d’annulation, la chambre de recours a ensuite précisé que le dessin ou modèle contesté était dépourvu de nouveauté au vu du dessin ou modèle antérieur, les différences les distinguant étant insignifiantes. En conclusion, elle a considéré que les questions, évoquées par la requérante, tenant à l’absence de droits d’auteurs et à la prétendue mauvaise foi de l’intervenante étaient, respectivement, sans pertinence et dépourvue d’importance en l’espèce, alors que la question de la prétendue contrefaçon relevait de la compétence du tribunal des dessins et modèles communautaires.

 Conclusions des parties

10      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        déclarer la validité du dessin ou modèle communautaire contesté.

11      L’OHMI et l’intervenante concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

12      À titre liminaire, s’agissant du second chef de conclusions de la requérante, il convient de préciser que, lors de l’audience, à la suite d’une demande du Tribunal, celle‑ci a précisé que, en effet, elle ne visait qu’à obtenir l’annulation de la décision attaquée et que, par conséquent, elle ne demandait pas au Tribunal de se prononcer sur la validité de son dessin ou modèle, ce dont il a été pris acte dans le procès‑verbal d’audience.

13      À l’appui de son recours, la requérante invoque un moyen unique, tiré, en substance, d’une violation de l’article 5, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 6/2002, relatif à la nouveauté d’un dessin ou modèle communautaire, lu en combinaison avec l’article 7, paragraphe 1, du même règlement.

14      Dans le cadre de ce moyen, la requérante fait, en substance, valoir que les trois éléments de preuve versés au dossier par l’intervenante n’identifient pas, sans contestation possible, le dessin ou modèle antérieur et ne démontrent ni individuellement ni globalement que celui‑ci a été divulgué à une « date certaine ». En outre, elle fait valoir la mauvaise foi de l’intervenante, prétendant que celle‑ci a été complice d’actes de contrefaçon commis par la société anonyme belge Oriflame Management au préjudice de la requérante.

15      L’OHMI et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.

16      Dans son mémoire en réponse, l’intervenante a également excipé de l’irrecevabilité du recours car il aurait été introduit tardivement. Toutefois, lors de l’audience, elle a, en réponse à une question du Tribunal, déclaré qu’elle renonçait à cette exception, ce dont il a été pris acte dans le procès‑verbal d’audience.

17      En vertu de l’article 4, paragraphe 1, du règlement n° 6/2002, la protection d’un dessin ou modèle par un dessin ou modèle communautaire est conditionnée par la nouveauté et par le caractère individuel dudit dessin ou modèle.

18      Selon l’article 5, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 6/2002, un dessin ou modèle enregistré est considéré comme nouveau si aucun dessin ou modèle identique n’a été divulgué au public avant la date de dépôt de la demande d’enregistrement du dessin ou modèle pour lequel la protection est demandée.

19      L’article 5, paragraphe 2, du règlement n° 6/2002 précise, en outre, que des dessins ou modèles sont considérés comme identiques lorsque leurs caractéristiques ne diffèrent que par des détails insignifiants.

20      Aux termes de l’article 7, paragraphe 1, du règlement n° 6/2002, aux fins de l’application notamment dudit article 5, paragraphe 1, sous b), du même règlement, un dessin ou modèle est réputé avoir été divulgué au public s’il a été publié à la suite de l’enregistrement ou autrement, ou exposé, utilisé dans le commerce ou rendu public de toute autre manière, avant la date de dépôt de la demande d’enregistrement du dessin ou modèle pour lequel la protection est demandée, sauf si ces faits, dans la pratique normale des affaires, ne pouvaient raisonnablement être connus des milieux spécialisés du secteur concerné, opérant dans l’Union européenne. Toutefois, le dessin ou modèle n’est pas réputé avoir été divulgué au public s’il a seulement été divulgué à un tiers sous des conditions explicites ou implicites de secret.

21      Il convient également d’observer que le règlement (CE) nº 2245/2002 de la Commission, du 21 octobre 2002, portant modalités d’application du règlement n° 6/2002, ne contient aucune précision s’agissant des preuves qui doivent être fournies en matière de divulgation du dessin ou modèle antérieur par le demandeur en nullité. Plus particulièrement, l’article 28, paragraphe 1, sous b), v), de ce règlement se borne à prévoir que, lorsque la demande en nullité est fondée, notamment, sur l’absence de nouveauté du dessin ou modèle communautaire pour lequel la protection est demandée, elle doit comporter l’indication et la reproduction du dessin ou modèle du demandeur en nullité susceptible de faire obstacle à la nouveauté ou au caractère individuel du dessin ou modèle communautaire pour lequel la protection est demandée, ainsi que des documents prouvant la précédente divulgation du dessin ou modèle antérieur.

22      Par ailleurs, ni le règlement n° 6/2002 ni le règlement n° 2245/2002 ne spécifient la forme obligatoire des éléments de preuve qui doivent être apportés par le demandeur en nullité pour justifier de la divulgation de son dessin ou modèle avant la date de dépôt de la demande d’enregistrement du dessin ou modèle pour lequel la protection est demandée. Ainsi qu’il a été constaté au point 21 ci-dessus, le règlement n° 2245/2002 se borne à énoncer dans son article 28, paragraphe 1, sous b), v) et vi), que « lorsque les motifs de nullité sont fondés sur le fait que le dessin ou modèle communautaire enregistré ne remplit pas les conditions énoncées aux articles 5 et 6 du règlement n° 6/2002, [la demande en nullité contient] les documents prouvant l’existence [du dessin ou modèle antérieur] » et que la demande doit contenir « les faits, preuves et observations présentés à [son] appui ». En outre, l’article 65, paragraphe 1, du règlement n° 6/2002, qui concerne les mesures d’instruction dans les procédures devant l’OHMI, ne prévoit qu’une liste non exhaustive de mesures possibles, ainsi que cela résulte des termes de cette disposition selon lesquels « […] les mesures d’instruction suivantes peuvent notamment être prises […] ».

23      Il s’ensuit que, d’une part, le demandeur en nullité est libre du choix de la preuve qu’il juge utile de présenter à l’OHMI pour appuyer sa demande en nullité et, d’autre part, l’OHMI est tenu d’analyser tous les éléments présentés pour conclure s’ils sont effectivement une preuve de la divulgation du dessin ou modèle antérieur [voir, en ce sens et par analogie, arrêt du Tribunal du 20 avril 2005, Atomic Austria/OHMI – Fabricas Agrupadas de Muñecas de Onil (ATOMIC BLITZ), T‑318/03, Rec. p. II‑1319, point 40].

24      À l’instar de ce qu’une jurisprudence constante a précisé s’agissant des modalités pour examiner le caractère sérieux de l’usage de la marque antérieure, lors de l’examen de l’absence de caractère nouveau d’un dessin ou modèle, il convient de procéder à une appréciation globale en tenant compte de tous les facteurs pertinents du cas d’espèce. Par ailleurs, la divulgation d’un dessin ou modèle antérieur ne peut pas être démontrée par des probabilités ou des présomptions, mais doit reposer sur des éléments concrets et objectifs qui prouvent une divulgation effective du dessin ou modèle antérieur sur le marché [voir, par analogie, arrêt du Tribunal du 7 juin 2005, Lidl Stiftung/OHMI – REWE-Zentral (Salvita), T‑303/03, Rec. p. II‑1917, point 38, et la jurisprudence citée].

25      En outre, il convient de préciser que, ainsi que le relève l’OHMI, les éléments de preuve fournis par le demandeur en nullité doivent être appréciés les uns par rapport aux autres. En effet, si certains de ces éléments pourraient être insuffisants à eux seuls pour démontrer la divulgation d’un dessin ou modèle antérieur, il n’en demeure pas moins que, lorsqu’ils sont associés ou lus conjointement avec d’autres documents ou informations, ils peuvent contribuer à former la preuve de la divulgation.

26      Enfin, il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, pour apprécier la valeur probante d’un document, il convient de vérifier la vraisemblance et la véracité de l’information qui y est contenue. Il faut tenir compte, notamment, de l’origine du document, des circonstances de son élaboration et de son destinataire, ainsi que se demander si, d’après son contenu, il semble sensé et fiable [arrêts du Tribunal Salvita, point 24 supra, point 42, du 15 décembre 2005, BIC/OHMI (Forme d’un briquet à pierre), T‑262/04, Rec. p. II‑5959, point 78, et du 23 septembre 2009, Cohausz/OHMI – Izquierdo Faces (acopat), T‑409/07, non publié au Recueil, point 49].

27      En l’espèce, il convient de relever, à titre liminaire, que la thèse de la chambre de recours selon laquelle les dessins ou modèles en cause sont identiques, la seule différence entre eux, considérée comme insignifiante par la chambre de recours, « étant la marque commerciale que le client de [l’intervenante] a fait graver, en tous petits caractères, sur le fond de la bouteille » (voir points 19 et 20 de la décision attaquée), n’a pas été contestée par la requérante. Il est donc constant entre les parties que les dessins ou modèles en cause sont identiques.

28      Les parties s’opposent, en revanche, sur la matérialité de la divulgation du dessin ou modèle antérieur avant la date de dépôt de la demande d’enregistrement du dessin ou modèle contesté.

29      C’est à la lumière de l’ensemble des considérations qui précèdent qu’il convient donc d’examiner si c’est à juste titre que la chambre de recours a indiqué, au point 18 de la décision attaquée, que les trois éléments de preuve produits par l’intervenante montraient que le dessin ou modèle représenté par le croquis de l’intervenante avait été divulgué, dans les conditions de l’article 7 du règlement n° 6/2002, dans l’Union, en septembre 2002, soit plusieurs mois avant le dépôt du dessin ou modèle contesté, la divulgation s’étant matérialisée à travers la vente de 61 452 flacons, correspondant au dessin ou modèle représenté dans ledit croquis, à une entreprise située dans l’Union.

30      En l’espèce, les éléments de preuve présentés devant l’OHMI, que la chambre de recours a explicitement considérés, au point 9 de la décision attaquée, comme pertinents pour prouver la divulgation du dessin ou modèle antérieur, sont ceux décrits en détail au point 5 ci‑dessus.

31      À cet égard, il convient de constater que, ainsi que le relève à juste titre la chambre de recours au point 17 de la décision attaquée, ces documents se réfèrent au même flacon, correspondant à celui qui est représenté sur le croquis. En effet, contrairement à ce que soutient la requérante, il existe une concordance entre les informations figurant sur le croquis, à savoir le numéro d’article 3990, le nom du flacon « Empire » ainsi que le nom du client, IBC, pour lequel il a été conçu, et les indications contenues, respectivement, dans le bon de livraison à IBC et dans la déclaration sur l’honneur d’un ancien employé de celle‑ci [voir, en ce sens et par analogie, arrêt du Tribunal du 13 avril 2011, Bodegas y Viñedos Puerta de Labastida/OHMI – Unión de Cosecheros de Labastida (PUERTA DE LABASTIDA), T‑345/09, non publié au Recueil, point 31]. Par ailleurs, en dépit de sa contestation systématique et réitérée de tous les éléments de preuve fournis par l’intervenante, la requérante n’a apporté aucun élément qui permettrait sérieusement de mettre en doute le fait que le code de produit 3990 et le nom du flacon « Empire » font référence au même produit de l’intervenante que celui représenté dans le croquis.

32      En ce qui concerne, plus particulièrement, le caractère probant des pièces susmentionnées, il convient de relever, premièrement, s’agissant du croquis, que, compte tenu du type de document, de son origine et des circonstances de son élaboration, c’est à juste titre que la chambre de recours l’a pris en considération afin d’identifier le dessin ou modèle de l’intervenante ayant fait l’objet d’une divulgation.

33      Certes, si, ainsi que le souligne la chambre de recours au point 12 de la décision attaquée, ce document, à lui seul, ne saurait prouver la date de divulgation du dessin ou modèle antérieur, il n’en reste pas moins qu’il est assez fiable et qu’il contient des informations utiles, telles que la date de son élaboration, le code du produit, ainsi que le nom du client pour lequel il a été établi, en l’occurrence IBC. Ce sont donc ces informations, lues conjointement avec les autres informations contenues dans les autres documents examinés par la chambre de recours, à savoir le bon de livraison à IBC et la déclaration sur l’honneur de M. M. W., qui permettent d’établir l’existence d’une divulgation du dessin ou modèle antérieur ainsi que la période au cours de laquelle celle‑ci a eu lieu. D’ailleurs, si, ainsi que le soutient la requérante, le croquis et le bon de livraison avaient été forgés explicitement pour les besoins de la cause ou à tout le moins antidatés, il n’apparaît pas clairement, et la requérante ne fournit aucune explication à cet égard, pour quelle raison les références utilisées dans lesdits documents pour identifier le flacon en cause diffèreraient légèrement entre elles. En effet, il aurait été beaucoup plus simple pour l’intervenante, si, comme le prétend la requérante, ces documents avaient été établis spécifiquement pour servir de preuves dans le cadre de la procédure de nullité, d’utiliser des références identiques afin de rendre les éléments de preuve produits en apparence concordants et incontestables.

34      S’agissant, deuxièmement, du bon de livraison à IBC, il convient de relever que, contrairement à ce que prétend la requérante, la circonstance qu’un exemplaire à usage interne, sans en-tête de l’intervenante, a été présenté, plutôt qu’une copie de l’original avec en‑tête, ne constitue pas, en elle‑même, un obstacle à ce que le document concerné soit pris en considération. En effet, la présentation d’une copie de l’original de ce document, avec en‑tête de l’intervenante, la facture d’expédition ayant par ailleurs été déposée devant la chambre de recours, pourrait, le cas échéant, être pertinente si l’exemplaire précédemment fourni faisait apparaître des indices de ce qu’il aurait subi des manipulations afin d’en modifier le contenu. Or, la requérante n’invoque pas d’arguments en ce sens et l’examen du bon de livraison, tel que présenté à la division d’annulation, ne suscite pas non plus d’interrogations à cet égard [voir, en ce sens et par analogie, arrêt du Tribunal du 14 juin 2011, Sphere Time/OHMI – Punch (Montre attachée à une lanière), T‑68/10, non encore publié au Recueil, points 38 et 39].

35      En tout état de cause, contrairement à ce qu’allègue la requérante, l’authenticité de ce document ne saurait être mise en cause par l’affirmation qu’il a été établi spécifiquement pour servir de preuve dans le cadre de la procédure de nullité. Au contraire, indépendamment de la circonstance que l’exemplaire versé au dossier ne porte pas d’en‑tête de l’intervenante, ce document a été produit dans le cadre d’opérations commerciales courantes, afin de certifier qu’une livraison avait été effectuée (voir, en ce sens et par analogie, arrêt Montre attachée à une lanière, point 34 supra, point 35). À cet égard, il y a lieu de relever qu’il a été adressé à une société tierce, dont le numéro de client est indiqué, et qu’il porte la date du 10 septembre 2002 ainsi qu’un numéro qui s’inscrit dans une série.

36      En outre, c’est à bon droit que la chambre de recours a considéré, au point 16 de la décision attaquée, que l’argument tiré de la prétendue divergence entre les numéros de référence des flacons tels qu’ils apparaissent dans le bon de livraison et dans le croquis est non fondé. En effet, la référence F 3990 du flacon, telle qu’elle figure sur le croquis, peut être aisément détectée à l’intérieur du code numérique figurant sur le bon de livraison, à savoir 10 0103990100.03001, puisqu’elle compose en partie ledit code, de son sixième à son neuvième chiffre, comme l’a souligné la chambre de recours.

37      Le fait que ce document ne soit ni signé ni revêtu d’un cachet d’IBC, de sorte qu’il ne démontrerait pas que cette dernière a effectivement reçu la livraison à laquelle il se réfère, n’est pas susceptible de remettre en cause ou d’affaiblir son caractère authentique, tel que le prétend la requérante. Il demeure, en effet, un document émanant de l’intervenante dont la valeur probante est caractérisée par le fait qu’il contient un certain nombre d’indications, parmi lesquelles un numéro de client, une date, un numéro qui s’inscrit dans une série ainsi que le nom du produit et la quantité exacte des marchandises livrées, qui non seulement sont vraisemblables, mais ont été entièrement confirmées par la déclaration sur l’honneur établie par un ancien employé, dans le secteur de la distribution, d’IBC.

38      Dans ces circonstances, la valeur probante de ce document ne saurait être affectée par son absence d’en‑tête ou par le fait qu’il ne porte ni de signature ni de cachet d’IBC.

39      S’agissant, troisièmement et enfin, de la déclaration sur l’honneur de M. M. W., il convient de rappeler, tout d’abord, que, parmi les mesures d’instruction pouvant être prises par l’OHMI, l’article 65, paragraphe 1, sous f), du règlement n° 6/2002 mentionne explicitement les déclarations écrites faites sous serment ou solennellement ou qui ont un effet équivalent d’après la législation de l’État dans lequel elles sont faites. Selon une jurisprudence constante, de telles déclarations constituent, en principe, des moyens de preuve recevables dans le cadre de la procédure d’opposition et/ou de nullité [voir, en ce sens et par analogie, arrêts du Tribunal Salvita, point 24 supra, points 40 et 41 ; du 14 décembre 2006, Gagliardi/OHMI – Norma Lebensmittelfilialbetrieb (MANŪ MANU MANU), T‑392/04, non publié au Recueil, point 88, et du 16 décembre 2008, Deichmann‑Schuhe/OHMI – Design for Woman (DEITECH), T‑86/07, non publié au Recueil, point 46]. La recevabilité de ces déclarations comme éléments de preuve n’a d’ailleurs pas été contestée par la requérante en l’espèce.

40      Or, pour apprécier la valeur probante de ce document, il faut vérifier, ainsi qu’il a déjà été précisé au point 26 ci‑dessus, la vraisemblance et la véracité de l’information qui y est contenue, en tenant compte, notamment, de son origine, des circonstances de son élaboration, de son destinataire et se demander si, d’après son contenu, il semble sensé et fiable.

41      En l’espèce, la déclaration sur l’honneur en cause vise à démontrer que le dessin ou modèle antérieur a été effectivement commercialisé avant la date de dépôt du dessin ou modèle contesté. En effet, cette déclaration mentionne que, en septembre 2002, IBC a reçu des livraisons concernant le flacon dénommé « Empire », sous forme de flacons de 50 ml et de 100 ml, et référencé sous le numéro d’article F 3990, provenant de l’intervenante. L’auteur de la déclaration atteste également qu’une série de ces flacons a été vendue la même année, plus précisément à partir de novembre 2002, par IBC, notamment sous la dénomination « Crimp Empire*Inner Peace Illu », à des embouteilleurs, tels que la société Meller Beauty, et que lesdits flacons ont été commercialisés dans des magasins et des chaînes de magasins pour différents clients. Par ailleurs, à cette déclaration était annexé un extrait du livre comptable d’IBC dans lequel figure, notamment, une référence à la facture de vente, en novembre 2002, des flacons ayant la dénomination susmentionnée.

42      Il ressort de cette déclaration sur l’honneur qu’elle contient, d’une part, des indications sur la commercialisation, par le biais d’actes de vente, d’abord, entre deux professionnels du secteur de conditionnement et, ensuite, entre l’un de ces professionnels, IBC, et des embouteilleurs, et donc, d’autre part, sur la divulgation du type de flacon incorporant le dessin ou modèle antérieur représenté sur le croquis, ainsi que sur la période au cours de laquelle celle‑ci a eu lieu.

43      À cet égard, la requérante n’avance aucun argument pouvant sérieusement mettre en doute la valeur probante de cette déclaration. Plus particulièrement, l’intérêt qu’aurait IBC à ce que la nullité du dessin ou modèle contesté soit déclarée n’apparaît pas clairement. Au contraire, le fait qu’une telle déclaration ait été effectuée par l’ancien employé d’une société totalement étrangère à la procédure renforce, faute de preuve contraire, la vraisemblance et la véracité des informations qui y sont contenues (voir, en ce sens et par analogie, arrêt Montre attachée à une lanière, point 34 supra, points 33 et 34).

44      S’agissant, enfin, de l’argument de la requérante selon lequel la chambre de recours n’aurait pas tenu compte des principes de droit français pour ce qui est de la notion de « date certaine », force est de constater, ainsi qu’indiqué ci-dessus, qu’il existe une concordance entre les dates indiquées dans les documents présentés par l’intervenante et qu’il n’y a aucun indice pour considérer que ces dates ne sont pas vraisemblables ou qu’un ou plusieurs desdits documents ont été antidatés. En outre, il convient de rappeler que l’ordre juridique de l’Union n’entend pas en principe définir ses qualifications en s’inspirant d’un ordre juridique national ou de plusieurs d’entre eux sans précision expresse (voir, par analogie, arrêt de la Cour du 18 décembre 2007, Société Pipeline Méditerranée et Rhône, C‑314/06, Rec. p. I‑12273, point 21, et la jurisprudence citée). Par ailleurs, et en tout état de cause, rien dans le règlement n° 6/2002 ni dans le règlement nº 2245/2002 ne permet de conclure que la force probante des éléments de preuve concernant la divulgation d’un dessin ou modèle devrait être analysée à la lumière de la législation nationale d’un État membre (voir, par analogie, arrêt Salvita, point 24 supra, point 42).

45      Partant, il y a lieu de conclure que, considérées dans leur ensemble, les preuves fournies par l’intervenante soutiennent les conclusions de la chambre de recours selon lesquelles le dessin ou modèle antérieur a été divulgué au public avant la date de dépôt du dessin ou modèle contesté.

 Sur la prétendue mauvaise foi de l’intervenante

46      La requérante soutient, en substance, qu’il y a eu une collusion entre l’intervenante et Oriflame Management dans la mise en œuvre par cette dernière d’actes de contrefaçon au préjudice de la requérante. Il s’ensuivrait que l’intervenante serait de mauvaise foi. Plus particulièrement, la requérante allègue qu’elle aurait fait parvenir, en date du 24 juillet 2003, à la société Pi design, à la demande d’Oriflame Management, dix exemplaires du dessin ou modèle contesté ainsi que le croquis de ce dernier et qu’elle aurait découvert, deux ans plus tard, qu’Oriflame Management avait commercialisé un parfum dénommé « Northern Lights » dans un flacon identique dans ses dimensions et proportions à celui représenté dans le dessin ou modèle contesté. Pour ces raisons, elle précise avoir introduit une action en contrefaçon à l’encontre d’Oriflame Management devant le tribunal de commerce de Paris. Ce serait dans le cadre de cette procédure qu’elle aurait appris que le flacon commercialisé par Oriflame Management avait été fabriqué par l’intervenante.

47      La portée de l’argument soulevé par la requérante, ainsi que sa finalité, ne sont cependant pas claires. En effet, l’action en contrefaçon concernerait uniquement Oriflame Management alors que l’intervenante n’aurait que réalisé le flacon prétendument contrefait sur commande de cette dernière, par ailleurs postérieurement à la divulgation de son dessin ou modèle antérieur.

48      En tout état de cause, pour autant que cet argument puisse être compris comme un grief à l’égard de la décision attaquée, il convient de considérer que, dans le cadre de l’examen du motif de nullité invoqué par l’intervenante devant les instances de l’OHMI, la question de la prétendue mauvaise foi de cette dernière est dépourvue de pertinence, car, ainsi que le souligne à juste titre la chambre de recours au point 25 de la décision attaquée, en l’espèce il ne s’agit pas de se prononcer sur un comportement, qu’il s’agisse de celui du titulaire du dessin ou modèle contesté ou de celui du titulaire du dessin ou modèle antérieur, mais sur le caractère nouveau du dessin ou modèle contesté [voir, en ce sens et par analogie, arrêt du Tribunal du 18 mars 2010, Grupo Promer Mon Graphic/OHMI – PepsiCo (Représentation d’un support promotionnel circulaire), T‑9/07, Rec. p. II‑981, point 31]. Par ailleurs, ainsi que le souligne à juste titre l’OHMI, bien que la notion de bonne ou de mauvaise foi ait été explicitement mentionnée dans plusieurs articles du règlement n° 6/2002, aucune mention de cette notion n’a été faite parmi les motifs de nullité énoncés à l’article 25 du règlement n° 6/2002, ni parmi les moyens de défense invocables dans les actions en nullité devant l’OHMI.

49      À cet égard, il convient également de rappeler que c’est la date de la divulgation au public du dessin ou modèle invoqué au soutien de la demande en nullité qui constitue l’un des critères d’application de l’article 25, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 6/2002. Or, d’après les allégations de la requérante, les agissements ayant prétendument abouti à la contrefaçon de son dessin ou modèle de la part d’Oriflame Management, avec une prétendue complicité de l’intervenante, auraient débuté en avril 2003, la requérante n’indiquant en revanche pas à quelle date le modèle contrefait a été commercialisé, donc bien après la divulgation du dessin ou modèle antérieur qui, ainsi que l’a constaté à bon droit la chambre de recours, a eu lieu en septembre 2002. Dès lors, la requérante ne démontre pas l’incidence de la prétendue mauvaise foi de l’intervenante par rapport à la divulgation par celle‑ci du dessin ou modèle antérieur ou à la crédibilité des preuves qu’elle a fournies à ce propos.

50      Il s’ensuit que, pour autant qu’il puisse être compris comme un grief à l’égard de la décision attaquée, l’argument concernant la prétendue mauvaise foi de l’intervenante doit être écarté.

 Sur la demande de mesures d’instruction

51      L’intervenante demande au Tribunal d’entendre trois témoins afin d’établir, respectivement, la date précise de divulgation du dessin ou modèle antérieur sur le marché britannique, la date précise à laquelle le croquis a été réalisé et la signification des abréviations et sigles figurant sur celui‑ci, ainsi que, enfin, la signification des codes numériques figurant sur le bon de livraison, les factures et les attestations produits en tant que moyens de preuve.

52      Or, au vu de ce qui a été relevé ci‑dessus, l’audition de témoins afin de savoir quelle a été la date précise de divulgation du dessin ou modèle antérieur sur le marché britannique ou celle à laquelle le croquis de ce dessin ou modèle a été réalisé ou, encore, quelle est la signification des abréviations et sigles y figurant ou des codes numériques figurant sur les document produits par l’intervenante, n’est ni indispensable ni nécessaire pour la solution du litige. Par conséquent, la demande de mesures d’instruction est rejetée comme étant inopérante.

53      Au vu de tout ce qui précède, il y a donc lieu de rejeter le moyen unique avancé par la requérante et, de ce fait, le recours dans son intégralité, sans qu’il soit besoin d’examiner, ainsi que le demandent l’OHMI et l’intervenante, la recevabilité et l’incidence des documents produits par l’intervenante devant la chambre de recours, mais qui n’ont pas été pris en considération par celle-ci et qui n’ont dès lors pas été utilisés pour fonder la décision attaquée.

 Sur les dépens

54      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

55      La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’OHMI et de l’intervenante.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (première chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.





2)      Coverpla est condamnée aux dépens.

Azizi

Cremona

Frimodt Nielsen

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 9 mars 2012.

Signatures


* Langue de procédure : le français.