Language of document : ECLI:EU:C:2012:316

ARRÊT DE LA COUR (cinquième chambre)

24 mai 2012 (*)

«Manquement d’État – Environnement – Directive 2000/60/CE – Politique de l’Union dans le domaine de l’eau – Plans de gestion de district hydrographique – Publication et notification à la Commission –Absence – Information et consultation du public concernant les projets de plans de gestion – Absence»

Dans l’affaire C‑366/11,

ayant pour objet un recours en manquement au titre de l’article 258 TFUE, introduit le 8 juillet 2011,

Commission européenne, représentée par MM. I. Hadjiyiannis et A. Marghelis, en qualité d’agents, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie requérante,

contre

Royaume de Belgique, représenté par MM. T. Materne et J.‑C. Halleux, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

LA COUR (cinquième chambre),

composée de M. M. Safjan (rapporteur), président de chambre, M. A. Borg Barthet et Mme M. Berger, juges,

avocat général: Mme J. Kokott,

greffier: M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1        Par sa requête, la Commission européenne demande à la Cour de constater que, en n’ayant pas élaboré, pour le 22 décembre 2009, les plans de gestion de district hydrographique (ci-après les «PGDH»), tant pour les districts hydrographiques entièrement situés sur son territoire national que pour les districts hydrographiques internationaux, et en ne lui ayant pas communiqué, pour le 22 mars 2010, une copie de ces plans, le Royaume de Belgique a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des articles 13, paragraphes 2, 3 et 6, et 15, paragraphe 1, de la directive 2000/60/CE du Parlement européen et du Conseil, du 23 octobre 2000, établissant un cadre pour une politique communautaire dans le domaine de l’eau (JO L 327, p. 1), et que, en outre, en n’ayant pas engagé, pour le 22 décembre 2008 au plus tard, la procédure d’information et de consultation du public concernant les projets de PGDH, le Royaume de Belgique a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 14, paragraphe 1, sous c), de cette directive.

 Le cadre juridique

2        En vertu de son article 1er, la directive 2000/60 a pour objet d’établir un cadre pour la protection des eaux intérieures de surface, des eaux de transition, des eaux côtières et des eaux souterraines.

3        Aux termes de l’article 2, point 15, de cette directive, un district hydrographique est «une zone terrestre et maritime, composée d’un ou plusieurs bassins hydrographiques ainsi que des eaux souterraines et eaux côtières associées, identifiée conformément à l’article 3, paragraphe 1, comme principale unité aux fins de la gestion des bassins hydrographiques».

4        L’article 3, paragraphe 1, de ladite directive prévoit:

«Les États membres recensent les bassins hydrographiques qui se trouvent sur leur territoire national et, aux fins de la présente directive, les rattachent à des districts hydrographiques. [...]»

5        L’article 13 de la directive 2000/60, intitulé «Plans de gestion de district hydrographique», dispose:

«1.      Les États membres veillent à ce qu’un [PGDH] soit élaboré pour chaque district hydrographique entièrement situé sur leur territoire.

2.      Dans le cas d’un district hydrographique international situé entièrement sur le territoire de la Communauté, les États membres en assurent la coordination en vue de produire un seul [PGDH] international. En l’absence d’un tel plan, les États membres produisent un [PGDH] couvrant au moins les parties du district hydrographique international situées sur leur territoire en vue de réaliser les objectifs de la présente directive.

3.      Dans le cas d’un district hydrographique international s’étendant au-delà des limites de la Communauté, les États membres s’efforcent de produire un seul [PGDH] et, s’ils ne peuvent le faire, le plan couvrira au moins la portion du district hydrographique international située sur le territoire de l’État membre concerné.

[...]

6.      Les [PGDH] sont publiés au plus tard neuf ans après la date d’entrée en vigueur de la présente directive.

[...]»

6        L’article 14 de la directive 2000/60, relatif à l’information et à la consultation du public, énonce, à son paragraphe 1:

«Les États membres encouragent la participation active de toutes les parties concernées à la mise en œuvre de la présente directive, notamment à la production, à la révision et à la mise à jour des [PGDH]. Les États membres veillent à ce que, pour chaque district hydrographique, soient publiés et soumis aux observations du public, y compris des utilisateurs:

[...]

c)      un projet de [PGDH], un an au moins avant le début de la période de référence du plan.

Sur demande, les documents de référence et les informations utilisées pour l’élaboration du projet de plan de gestion sont mis à disposition.»

7        L’article 15 de la directive 2000/60, intitulé «Notification», dispose à son paragraphe 1:

«Les États membres communiquent des copies des [PGDH] et de toutes les mises à jour subséquentes à la Commission et aux autres États membres concernés dans les trois mois qui suivent leur publication:

a)      pour les districts hydrographiques entièrement situés sur le territoire d’un État membre, tous les plans de gestion couvrant ce territoire national et publiés conformément à l’article 13;

b)      dans le cas des districts hydrographiques internationaux, au moins la partie du plan de gestion intéressant le territoire de l’État membre.»

8        En vertu de son article 25, la directive 2000/60 est entrée en vigueur le jour de sa publication, à savoir le 22 décembre 2000.

 Les antécédents du litige et la procédure précontentieuse

9        Conformément à l’article 13, paragraphes 2 et 6, de la directive 2000/60, les États membres devaient, pour chaque district hydrographique international, produire un PGDH international ou, à défaut, un PGDH couvrant au moins les parties du district hydrographique international situées sur leur territoire au plus tard le 22 décembre 2009. En vertu de l’article 15, paragraphe 1, de cette directive, les États membres devaient ensuite, avant le 22 mars 2010, communiquer à la Commission des copies des PGDH et de toutes les mises à jour subséquentes.

10      Le Royaume de Belgique est concerné par quatre districts hydrographiques, lesquels présentent tous un caractère international, à savoir ceux de l’Escaut, de la Meuse, du Rhin et de la Seine.

11      N’ayant pas été informée par le Royaume de Belgique de l’élaboration des PGDH relatifs à ces districts hydrographiques pour le 22 décembre 2009, et n’ayant reçu aucune copie de ces plans, la Commission a recherché des explications auprès de cet État membre.

12      N’étant pas satisfaite de la réponse obtenue, la Commission a, le 4 juin 2010, mis le Royaume de Belgique en demeure de présenter ses observations.

13      Après examen des observations reçues en réponse à cette lettre de mise en demeure, la Commission a, le 28 octobre 2010, émis un avis motivé invitant le Royaume de Belgique à prendre les mesures nécessaires pour se conformer à celui-ci dans un délai de deux mois à compter de sa réception.

14      Le Royaume de Belgique a répondu à cet avis motivé en informant la Commission de l’état d’avancement des mesures destinées à l’adoption du PGDH de la Région de Bruxelles-Capitale, par lettres des 23 décembre 2010 et 16 mai 2011, et des PGDH de la Région wallonne, par lettre du 7 janvier 2011.

15      Par lettre du 21 novembre 2010, le Royaume de Belgique a indiqué à la Commission que le plan relatif à la mer du Nord était destiné à faire partie du PGDH de l’Escaut.

16      Par lettre du 17 janvier 2011, le Royaume de Belgique a communiqué à la Commission une copie de l’arrêté du gouvernement flamand du 8 octobre 2010, établissant les plans de gestion des bassins hydrographiques pour l’Escaut et la Meuse et le programme des mesures pour la Flandre, conformément aux articles 33 et 64 du décret du 18 juillet 2003 relatif à la politique intégrée de l’eau (Belgisch Staatsblad, 11 janvier 2011, p. 637).

17      Estimant que le Royaume de Belgique ne s’était toujours pas conformé aux exigences de la directive 2000/60, la Commission a introduit le présent recours.

  Sur le recours

 Argumentation des parties

18      La Commission demande, en premier lieu, à la Cour de constater que le Royaume de Belgique a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des articles 13, paragraphes 2, 3 et 6, et 15, paragraphe 1, de la directive 2000/60.

19      À cet égard, la Commission souligne que les districts hydrographiques internationaux de l’Escaut, de la Meuse et de la Seine, situés entièrement sur le territoire de l’Union européenne, relèvent de l’article 13, paragraphe 2, de la directive 2000/60, alors que le district hydrographique international du Rhin, partagé avec la Confédération suisse, relève de l’article 13, paragraphe 3, de cette directive.

20      Selon la Commission, dès lors que les PGDH internationaux ne portent, en règle générale, que sur les aspects internationaux de la gestion d’un district hydrographique, ils doivent être complétés par des PGDH nationaux. L’adoption de tels PGDH relevant en Belgique de la compétence des régions, chacune d’entre elles aurait donc dû adopter un PGDH pour la ou les parties des districts hydrographiques situées sur son territoire.

21      Le gouvernement flamand ayant établi ses PGDH pour l’Escaut et la Meuse par l’arrêté du 8 octobre 2010 mentionné au point 16 du présent arrêt, la Commission précise que, dans ces conditions, la Région flamande n’est pas concernée par le présent recours, non plus que l’État belge, qui a adopté et communiqué un plan relatif à la mer du Nord, destiné à être intégré au PGDH de l’Escaut.

22      En revanche, à la date d’introduction du présent recours, la Région wallonne n’aurait pas encore adopté ses PGDH de l’Escaut, de la Meuse, du Rhin et de la Seine. En outre, la Région de Bruxelles-Capitale n’aurait pas encore adopté son PGDH de l’Escaut.

23      La Commission demande, en second lieu, à la Cour de constater que le Royaume de Belgique a manqué aux obligations lui incombant en vertu de l’article 14, paragraphe 1, sous c), de la directive 2000/60, selon lequel les États membres devaient veiller à ce que, pour chaque district hydrographique, soient publiés et soumis aux observations du public les projets de PGDH avant le 22 décembre 2008.

24      S’agissant de la Région de Bruxelles-Capitale, il découlerait des informations fournies par le Royaume de Belgique dans le cadre de la procédure précontentieuse que la consultation du public a commencé le 28 février 2011 et qu’elle s’est s’achevée le 28 août 2011. S’agissant de la Région flamande, la consultation du public et la participation de celui-ci aux projets de PGDH auraient effectivement eu lieu entre le 16 décembre 2008 et le 15 juin 2009. Dans ces conditions, la Commission précise que ces deux régions ne sont pas concernées par son recours au titre de l’article 14, paragraphe 1, sous c), de la directive 2000/60.

25      En revanche, le Royaume de Belgique aurait indiqué, en réponse à la lettre de mise en demeure de la Commission, que, dans la Région wallonne, la consultation et la participation du public interviendraient pendant le premier semestre de l’année 2011, pour une durée de six mois.

26      Cet État membre aurait ainsi reconnu avoir manqué à ses obligations au titre de l’article 14, paragraphe 1, sous c), de la directive 2000/60, d’autant que la Commission, à la date d’introduction du présent recours, n’aurait reçu aucune confirmation de la mise en œuvre de cette consultation et de la participation du public dans la Région wallonne.

27      Le Royaume de Belgique ne conteste pas que la Région de Bruxelles-Capitale ne dispose pas d’un PGDH couvrant la partie du district hydrographique de l’Escaut située sur son territoire. Ce retard s’expliquerait en partie par la transposition tardive de la directive 2000/60 par l’ordonnance du gouvernement de la Région de Bruxelles-Capitale du 20 octobre 2006, établissant un cadre pour la politique de l’eau (Moniteur belge du 3 novembre 2006, p. 58772), ainsi que par une réorganisation majeure de la politique de l’eau dans cette région.

28      Le Royaume de Belgique expose les différentes actions entreprises pour respecter les obligations qui lui incombent en vertu de la directive 2000/60 et annonce que, s’agissant de la Région de Bruxelles-Capitale, le PGDH de l’Escaut sera adopté au cours du mois de décembre 2011 et que, en ce qui concerne la Région wallonne, les PGDH de l’Escaut, de la Meuse, du Rhin et de la Seine seront adoptés au second semestre de l’année 2012.

29      En conclusion, le Royaume de Belgique souligne qu’il met tout en œuvre pour se conformer aux obligations qui lui incombent en vertu des articles 13, paragraphes 2, 3 et 6, et 15, paragraphe 1, de la directive 2000/60.

 Appréciation de la Cour

30      Il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, l’existence d’un manquement doit être appréciée en fonction de la situation de l’État membre telle qu’elle se présentait au terme du délai fixé dans l’avis motivé et que les changements intervenus par la suite ne sauraient être pris en compte par la Cour (voir, notamment, arrêts du 17 janvier 2008, Commission/Allemagne, C‑152/05, Rec. p. I‑39, point 15, et du 15 mars 2012, Commission/Chypre, C‑340/10, non encore publié au Recueil, point 27).

31      En l’occurrence, le Royaume de Belgique ne conteste pas que l’adoption des PGDH relève, en Belgique, de la compétence des régions, chacune d’entre elles devant produire un PGDH pour la ou les parties des districts hydrographiques situées sur son territoire.

32      Or, à cet égard, il est constant que, à l’expiration du délai imparti dans l’avis motivé, la Région de Bruxelles-Capitale n’avait pas produit le PGDH de l’Escaut et que la Région wallonne n’avait pas produit les PGDH de l’Escaut, de la Meuse, du Rhin et de la Seine. À cette date, le Royaume de Belgique n’avait donc pas encore communiqué à la Commission les copies de tous les PGDH lui incombant.

33      Il est également constant que, à l’expiration du délai imparti dans l’avis motivé, la Région wallonne n’avait pas pris toutes les mesures d’information et de consultation du public requises à l’article 14, paragraphe 1, sous c), de la directive 2000/60.

34      Dans ces conditions, le recours introduit par la Commission doit être considéré comme fondé.

35      Par conséquent, il convient de constater que, en n’ayant pas élaboré, dans le délai prescrit, l’ensemble des PGDH, tant pour les districts hydrographiques entièrement situés sur son territoire national que pour les districts hydrographiques internationaux, et en n’ayant pas communiqué à la Commission, dans le délai prescrit, une copie de ces PGDH, le Royaume de Belgique a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des articles 13, paragraphes 2, 3 et 6, et 15, paragraphe 1, de la directive 2000/60, et que, en outre, en n’ayant pas engagé, dans le délai prescrit, l’ensemble des procédures d’information et de consultation du public concernant les projets de PGDH, le Royaume de Belgique a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 14, paragraphe 1, sous c), de cette directive.

 Sur les dépens

36      Aux termes de l’article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La Commission ayant conclu à la condamnation du Royaume de Belgique et celui-ci ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de le condamner aux dépens.

Par ces motifs, la Cour (cinquième chambre) déclare et arrête:

1)      En n’ayant pas élaboré, dans le délai prescrit, l’ensemble des plans de gestion de district hydrographique, tant pour les districts hydrographiques entièrement situés sur son territoire national que pour les districts hydrographiques internationaux, et en n’ayant pas communiqué à la Commission européenne, dans le délai prescrit, une copie de ces plans, le Royaume de Belgique a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des articles 13, paragraphes 2, 3 et 6, et 15, paragraphe 1, de la directive 2000/60/CE du Parlement européen et du Conseil, du 23 octobre 2000, établissant un cadre pour une politique communautaire dans le domaine de l’eau, et, en outre, en n’ayant pas engagé, dans le délai prescrit, l’ensemble des procédures d’information et de consultation du public concernant les projets de plans de gestion de district hydrographique, le Royaume de Belgique a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 14, paragraphe 1, sous c), de cette directive.

2)      Le Royaume de Belgique est condamné aux dépens.

Signatures


* Langue de procédure: le français.