Language of document : ECLI:EU:T:2012:583

ARRÊT DU TRIBUNAL (cinquième chambre)

7 novembre 2012 (*)

« Responsabilité non contractuelle – Pêche – Conservation des ressources halieutiques – Reconstitution des stocks de thon rouge – Mesures d’urgence interdisant la pêche par les senneurs à senne coulissante – Préjudice anormal »

Dans l’affaire T‑574/08,

Syndicat des thoniers méditerranéens, établi à Marseille (France),

Marc Carreno, demeurant à Sète (France),

Jean-Louis Donnarel, demeurant à Lourmarin (France),

Jean-François Flores, demeurant à Sète,

Gérald Lubrano, demeurant à Balaruc-les-Bains (France),

Hervé Marin, demeurant à Balaruc-le-Vieux (France),

Nicolas Marin, demeurant à Frontignan (France),

Sébastien Marin, demeurant à Bouzigues (France),

Jean-Marc Penniello, demeurant à Collioure (France),

Serge Antoine José Perez, demeurant à Sorède (France),

représentés par Me C. Bonnefoi, avocat,

Jean-Luc Buono, demeurant à Agde (France),

Gérard Buono, demeurant à Agde,

Roger Louis Paul Del Ponte, demeurant à Balaruc-les-Bains,

Serge Antoine Di Rocco, demeurant à Frontignan,

Jean Gérald Lubrano, demeurant à Balaruc-les-Bains,

Jean Lubrano, demeurant à Port-Vendres (France),

Jean Lucien Lubrano, demeurant à Saleilles (France),

Fabrice Marin, demeurant à Frontignan,

Robert Marin, demeurant à Balaruc-les-Bains,

représentés initialement par Me Bonnefoi, puis par Mes A. Arnaud et P.‑O. Koubi-Flotte, avocats,

parties requérantes,

contre

Commission européenne, représentée par Mmes K. Banks, F. Clotuche-Duvieusart et M. A. Bouquet, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet un recours en indemnité visant à obtenir réparation du préjudice prétendument subi par les parties requérantes à la suite de l’adoption du règlement (CE) n° 530/2008 de la Commission, du 12 juin 2008, établissant des mesures d’urgence en ce qui concerne les senneurs à senne coulissante pêchant le thon rouge dans l’océan Atlantique, à l’est de la longitude 45° O, et dans la Méditerranée (JO L 155, p. 9),

LE TRIBUNAL (cinquième chambre),

composé de MM. S. Papasavvas, président, V. Vadapalas (rapporteur) et K. O’Higgins, juges,

greffier : Mme C. Kristensen, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 3 mai 2012,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Les requérants, à savoir, d’une part, le Syndicat des thoniers méditerranéens (ci-après le « STM »), MM. Marc Carreno, Jean-Louis Donnarel, Jean-François Flores, Gérald Lubrano, Hervé Marin, Nicolas Marin, Sébastien Marin, Jean-Marc Penniello et Serge Antoine José Perez (ci-après le « Syndicat des thoniers méditerranéens e.a. ») et, d’autre part, MM. Jean-Luc Buono, Gérard Buono, Roger Louis Paul Del Ponte, Serge Antoine Di Rocco, Jean Gérald Lubrano, Jean Lubrano, Jean Lucien Lubrano, Fabrice Marin et Robert Marin (ci-après « Jean-Luc Buono e.a. »), sont, à l’exception du STM, actionnaires et/ou gérants de navires faisant partie de la flotte de pêche française autorisés à pratiquer la pêche du thon rouge à la senne coulissante. Des quotas leur ont été alloués pour l’année 2008. Le STM est un syndicat professionnel auquel ne peuvent en principe adhérer que les marins-pêcheurs, à savoir les matelots et les patrons, inscrits maritimes ou ayant des services validés à la caisse de retraite des marins pour une période d’au moins dix ans.

2        En application de l’article 7 du règlement (CE) n° 2371/2002 du Conseil, du 20 décembre 2002, relatif à la conservation et à l’exploitation durable des ressources halieutiques dans le cadre de la politique commune de la pêche (JO L 358, p. 59), la Commission des Communautés européennes a, le 12 juin 2008, adopté le règlement (CE) n° 530/2008, établissant des mesures d’urgence en ce qui concerne les senneurs à senne coulissante pêchant le thon rouge dans l’océan Atlantique, à l’est de la longitude 45° O, et dans la Méditerranée (JO L 155, p. 9).

3        L’article 1er de ce règlement énonce :

« La pêche du thon rouge dans l’océan Atlantique, à l’est de la longitude 45° O, et dans la Méditerranée, par des senneurs à senne coulissante battant pavillon de la Grèce, de la France, de l’Italie, de Chypre et de Malte, ou enregistrés dans ces États membres, est interdite à compter du 16 juin 2008.

Il est également interdit de conserver à bord, de mettre en cage aux fins de l’engraissement ou de l’élevage, de transborder, de transférer ou de débarquer des poissons de ce stock capturés par ces navires à compter [de] cette date. »

4        L’article 3, paragraphe 1, du même règlement se lit comme suit :

« Sans préjudice des dispositions du paragraphe 2, à compter du 16 juin 2008, les opérateurs communautaires refusent les débarquements, les mises en cage à des fins d’engraissement ou d’élevage ainsi que les transbordements dans les eaux ou dans les ports communautaires de thon rouge capturé par des senneurs à senne coulissante dans l’océan Atlantique, à l’est de la longitude 45° O, et dans la Méditerranée. »

5        À l’époque des faits, les requérants, à l’exception du STM, pratiquaient la pêche du thon rouge à la senne coulissante dans la zone de réglementation.

 Procédure et conclusions des parties

6        Par requête déposée au greffe du Tribunal le 24 décembre 2008, les requérants ont introduit le présent recours.

7        Par ordonnance du 25 mars 2010, le président de la sixième chambre du Tribunal, les parties entendues, a ordonné la suspension de la procédure dans la présente affaire jusqu’au prononcé de la décision de la Cour mettant fin à l’instance dans l’affaire C‑221/09, AJD Tuna, et de la décision du Tribunal statuant sur la recevabilité dans les affaires T‑532/08, Norilsk Nickel Harjavalta et Umicore/Commission, et T‑539/08, Etimine et Etiproducts/Commission.

8        La composition des chambres du Tribunal ayant été modifiée, le juge rapporteur a été affecté à la cinquième chambre, à laquelle la présente affaire a, par conséquent, été attribuée.

9        Les décisions, dans l’attente desquelles la procédure dans la présente affaire a été suspendue, étant intervenues par ordonnances du Tribunal du 7 septembre 2010, Norilsk Nickel Harjavalta et Umicore/Commission (T‑532/08, Rec. p. II‑3959) et Etimine et Etiproducts/Commission (T‑539/08, Rec. p. II‑4017), et par arrêt de la Cour du 17 mars 2011, AJD Tuna (C‑221/09, non encore publié au Recueil), les parties ont été invitées à se prononcer, par lettre du 4 avril 2011, sur les conséquences qu’elles tiraient de ces décisions pour la présente affaire.

10      Par lettre déposée au greffe du Tribunal le 12 avril 2011, Me Bonnefoi, qui avait introduit le recours au nom de l’ensemble des requérants, a fait savoir au Tribunal qu’elle ne représentait plus Jean-Luc Buono e.a.

11      Par lettres déposées au greffe du Tribunal le 12 avril 2011 et le 11 avril 2012, Mes Arnaud et Koubi-Flotte ont informé le Tribunal de ce que Jean-Luc Buono e.a. les avaient désignés pour les représenter dans la présente affaire en lieu et place de Me Bonnefoi.

12      Par lettres du 18 avril 2011, le Syndicat des thoniers méditerranéens e.a. ainsi que la Commission ont soumis leurs observations sur les conséquences qu’ils tiraient des ordonnances Norilsk Nickel Harjavalta et Umicore/Commission et Etimine et Etiproducts/Commission, précitées, ainsi que de l’arrêt AJD Tuna, précité, pour la présente affaire. Par lettre du 6 mai 2011, Jean-Luc Buono e.a. ont également soumis leurs observations sur les conséquences qu’ils tiraient de ces décisions.

13      Dans leur requête, les requérants concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        reconnaître la responsabilité de la Commission dans le cadre des conséquences de la mise en œuvre du règlement n° 530/2008 ;

–        condamner la Commission à réparer le préjudice estimé à :

–        323 053 euros ou 564 956 euros (selon la situation avant ou après impôts) pour M. Jean-Luc Buono ;

–        1 euro symbolique pour M. Marc Carreno ;

–        518 707 euros ou 703 707 euros (selon la situation avant ou après impôts) pour M. Roger Louis Paul Del Ponte ;

–        388 047 euros ou 634 207 euros (selon la situation avant ou après impôts) pour M. Serge Antoine Di Rocco ;

–        351 685 euros pour M. Jean-Louis Donnarel ;

–        1 euro symbolique pour M. Jean-François Flores ;

–        212 358 euros pour MM. Jean Lubrano et Jean Lucien Lubrano ;

–        237 160 euros ou 474 320 euros (selon la situation avant ou après impôts) pour M. Jean Gérald Lubrano ;

–        213 588 euros pour M. Gérald Lubrano ;

–        466 665 euros ou 610 820 euros (selon la situation avant ou après impôts) pour MM. Fabrice Marin et Robert Marin ;

–        1 euro symbolique pour MM. Hervé Marin, Nicolas Marin, Robert Marin et Sébastien Marin ;

–        624 000 euros pour M. Jean-Marc Penniello ;

–        838 970 euros pour M. Serge Antoine José Perez ;

–        condamner la Commission à réparer le préjudice moral du STM estimé à un montant forfaitaire de 30 000 euros qui seront affectés à l’information des membres en matière de droit et de réglementation communautaires de la pêche ;

–        condamner la Commission à rembourser tous les frais d’avocat, de procédure, d’huissier, d’expédition, de fourniture et de photocopies nécessités par la présente procédure.

14      Dans la réplique, déposée au greffe du Tribunal le 22 juin 2009, les requérants ont précisé, à la suite d’une remarque faite par la Commission dans son mémoire en défense, qu’ils concluaient également à ce qu’il plaise au Tribunal de condamner la Commission à payer un euro symbolique et à rembourser ses frais d’huissier pour violation du code de bonne conduite administrative pour le personnel de la Commission européenne dans ses relations avec le public, annexé au règlement intérieur de celle-ci (JO 2000, L 308, p. 26).

15      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner les requérants aux dépens.

 En droit

 Sur la recevabilité

16      La Commission, sans soulever une exception formelle au titre de l’article 114 du règlement de procédure du Tribunal, fait observer, d’une part, que le recours est irrecevable en ce qui concerne le STM au motif que ce dernier ne justifierait pas d’un intérêt à agir et, d’autre part, que le recours serait irrecevable en raison du défaut de conformité de la requête aux prescriptions de l’article 21 du statut de la Cour ainsi que de l’article 44, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure.

 Sur l’intérêt à agir du STM

17      La Commission estime que le STM ne justifie d’aucun intérêt à agir en l’espèce. Elle se réfère à la jurisprudence constante selon laquelle un droit d’agir en réparation des dommages au titre de l’article 288 CE n’est reconnu à des associations professionnelles que dans le cas où elles peuvent faire valoir en justice ou bien un intérêt propre distinct de celui de leurs membres ou bien un droit à réparation qui leur a été cédé par d’autres personnes (voir arrêt du Tribunal du 13 décembre 2006, Abad Pérez e.a./Conseil et Commission, T‑304/01, Rec. p. II‑4857, point 52, et la jurisprudence citée). Or, elle souligne que le STM ne fait valoir aucune cession de droits, ni aucun mandat explicite l’habilitant à présenter une demande de réparation des préjudices subis par ses membres. Par ailleurs, la Commission ajoute que le STM n’invoque pas d’autre préjudice propre qu’un préjudice moral évalué à 30 000 euros et aucunement étayé.

18      Le STM conteste ne pas avoir d’intérêt à agir en l’espèce. Il rappelle que la présente procédure a été engagée sur la base d’une décision collective du STM et individuelle de ses membres et souligne que, dans la mesure où le règlement n° 530/2008 a des conséquences sur les senneurs, ces derniers ont un intérêt à agir tant directement, à titre individuel, que par leur système de représentation professionnelle, à savoir le STM, lequel a, selon le droit français, une mission d’intérêt général qui lui confère un intérêt à agir pour lui-même et pour ses membres. Il ajoute qu’il y a bien eu une délibération et un vote au sein des membres du STM, qui représente 21 des 36 senneurs français, pour agir et introduire le recours en responsabilité devant le Tribunal.

19      Le STM conclut en substance que, puisqu’il peut faire valoir en justice un intérêt propre distinct de celui de ses membres, en l’occurrence la défense du métier de senneur et de ses caractéristiques, et qu’il a bien un droit à réparation qui lui a été cédé par ses membres, les conditions fixées par la jurisprudence pour que des associations professionnelles aient le droit d’agir en réparation des dommages visés à l’article 288 CE sont remplies en l’espèce.

20      Il appartient donc au Tribunal de vérifier si le STM justifie d’un droit à agir au titre de l’article 288 CE, en ce qu’il a, soit un intérêt propre distinct de celui de ses membres, soit un droit à réparation qui lui a été cédé par ses membres.

21      En l’espèce, le Tribunal considère que le STM n’a nullement établi, dans le cadre du recours, qu’il relève de l’une de ces hypothèses.

22      En premier lieu, s’agissant d’un éventuel intérêt propre à agir lié à la défense du métier de senneurs et de ses caractéristiques, force est de constater que le STM se borne à réclamer la réparation d’un préjudice moral qu’il aurait subi et qu’il évalue à un montant forfaitaire de 30 000 euros, montant qui serait affecté à l’information des membres en matière de droit et de réglementation communautaires de la pêche. Toutefois, ainsi que l’a relevé à juste titre la Commission, le STM n’étaye aucunement ce prétendu préjudice moral. En effet, il ne fournit dans sa requête aucune précision, même implicite, quant à ce prétendu préjudice. L’affirmation selon laquelle le montant de 30 000 euros serait affecté à l’information des membres ne saurait être considérée comme permettant d’établir un intérêt à agir pour le STM dès lors qu’une telle indication porte sur l’utilisation future de l’indemnisation et non sur la nature du préjudice prétendument subi. Quant à la demande du STM tendant à ce que la Commission soit condamnée au paiement d’un euro symbolique pour violation du code de bonne conduite administrative pour le personnel de la Commission européenne dans ses relations avec le public, annexé à son règlement intérieur, il suffit de relever que le STM a lui-même reconnu, dans la réponse du 9 janvier 2012 du Syndicat des thoniers méditerranéens e.a. aux questions écrites posées par le Tribunal et lors de l’audience, d’une part, que le règlement intérieur est un acte qui, juridiquement, ne permet pas d’engager la responsabilité pour faute de la Communauté européenne et, d’autre part, qu’il n’avait subi aucun préjudice financier direct et évaluable, ni aucun préjudice moral, du fait d’une violation, par la Commission, de ce règlement intérieur ou du document qui y est annexé.

23      Dès lors que le STM n’a pas étayé le prétendu préjudice moral qui serait lié à la défense du métier de senneur et de ses caractéristiques, il y a lieu de considérer que ce dernier ne justifie pas d’un intérêt à agir propre distinct de celui de ses membres (voir, par analogie, arrêt Abad Pérez e.a./Conseil et Commission, précité, points 52 à 54).

24      En second lieu, s’agissant d’un éventuel droit à réparation qui aurait été cédé au STM par ses membres, il y a lieu de considérer qu’aucun élément du dossier ne permet de conclure à l’existence d’une cession de droits ou d’un mandat explicite habilitant le STM à présenter une demande de réparation des préjudices subis par les membres individuels.

25      D’une part, force est de constater qu’une cession de droits ne ressort nullement du libellé des mandats confiés par les différents membres du STM à Me Bonnefoi. Au contraire, tous lesdits mandats, y compris celui du STM, sont rédigés comme conférant individuellement à Me Bonnefoi le soin de représenter les requérants dans la procédure devant le Tribunal. Or, cela tend à démontrer que le STM ainsi que chacun de ses membres ont souhaité présenter une demande en réparation pour leur propre compte. Cela est au demeurant pleinement corroboré par le point 9 de la requête et par le point 20 de la réponse du 9 janvier 2012 du Syndicat des thoniers méditerranéens e.a., dans lesquels il est indiqué que la procédure a bien été présentée collectivement et individuellement. Or, ainsi que l’a relevé à juste titre la Commission à cet égard, les membres du STM n’auraient pas agi individuellement au côté du STM s’ils avaient cédé leurs droits à réparation à ce dernier.

26      D’autre part, s’agissant de la circonstance selon laquelle il y a eu une délibération et un vote au sein du STM par lequel les membres du STM ont donné leur accord pour qu’une procédure soit engagée devant le Tribunal, il convient de considérer que cette circonstance ne saurait être interprétée comme étant un mandat explicite, donné par les membres du STM, par lequel ceux-ci auraient cédé à ce dernier leurs droits à réparation.

27      Enfin, s’agissant des faits selon lesquels, premièrement, les membres auraient donné leur accord lors d’une réunion du STM pour que Me Bonnefoi prenne la parole face à la presse, deuxièmement, les comptes rendus de la procédure seraient faits au STM et non individuellement à chacun de ses membres et, troisièmement, la procédure serait décrite en réunion du STM, force est de considérer que, à les supposer établis, aucun d’entre eux n’est de nature à démontrer que les membres du STM ont souhaité céder leur droit à réparation à ce dernier. De tels faits démontrent, tout au plus, que les membres du STM ont pu choisir, notamment pour des raisons pratiques, d’être tenus informés du déroulement de la procédure lors de réunions au sein du STM par Me Bonnefoi, laquelle était initialement chargée de représenter chacun d’entre eux.

28      Il s’ensuit que, dans le cadre du recours, le STM n’a pas établi qu’il pouvait se prévaloir de droits à réparation qui lui auraient été cédés par ses membres.

29      Dès lors que le STM ne peut se prévaloir ni d’un intérêt propre distinct de ses membres ni de droits à réparation qui lui auraient été cédés par ses membres, il y a lieu de considérer que le STM ne justifie pas d’un intérêt à agir en l’espèce.

30      Il résulte de ce qui précède que le recours est irrecevable en ce qui concerne le STM.

 Sur la conformité de la requête avec l’article 21 du statut de la Cour et l’article 44, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure

31      La Commission soutient que la requête est confuse. En particulier, alors que les requérants indiquent expressément invoquer une responsabilité non contractuelle de la Communauté du fait de l’adoption d’un acte normatif licite, en l’occurrence le règlement n° 530/2008, ceux-ci avancent un grand nombre d’arguments qui semblent plutôt relever d’une mise en cause de la responsabilité non contractuelle de la Communauté du fait d’un acte illicite.

32      Sans répondre explicitement au grief de la Commission relatif à l’article 44, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure, les requérants renvoient, dans la réplique, aux points 26 à 28 de la requête, qui font suite au titre « La demande faite au Tribunal et le caractère fondé de cette demande », pour définir l’objet du litige.

33      À cet égard, il y a lieu de relever que, en vertu de l’article 21, premier alinéa, du statut de la Cour, applicable à la procédure devant le Tribunal en vertu de l’article 53, premier alinéa, de ce statut, et de l’article 44, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure, toute requête doit indiquer l’objet du litige et contenir un exposé sommaire des moyens invoqués.

34      Cette indication doit être suffisamment claire et précise pour permettre à la partie défenderesse de préparer sa défense et au Tribunal de statuer sur le recours, le cas échéant, sans autres informations à l’appui. Afin de garantir la sécurité juridique et une bonne administration de la justice, il faut, pour qu’un recours soit recevable, que les éléments essentiels de fait et de droit sur lesquels il se fonde ressortent, à tout le moins sommairement, mais d’une façon cohérente et compréhensible, du texte de la requête elle-même (ordonnance du Tribunal du 28 avril 1993, De Hoe/Commission, T‑85/92, Rec. p. II‑523, point 20 ; arrêt du Tribunal du 29 janvier 1998, Dubois et Fils/Conseil et Commission, T‑113/96, Rec. p. II‑125, point 29, et ordonnance du Tribunal du 11 juillet 2005, Internationaler Hilfsfonds/Commission, T‑294/04, Rec. p. II‑2719, point 23).

35      En particulier, une requête visant, comme en l’occurrence, à la réparation de dommages prétendument causés par une institution de l’Union européenne doit, pour satisfaire à ces exigences, contenir les éléments qui permettent d’identifier le comportement que la partie requérante reproche à l’institution, les raisons pour lesquelles elle estime qu’un lien de causalité existe entre le comportement et le préjudice qu’elle prétend avoir subi ainsi que le caractère et l’étendue de ce préjudice (arrêts du Tribunal du 29 octobre 1998, TEAM/Commission, T‑13/96, Rec. p. II‑4073, point 27 ; du 27 juin 2000, Meyer/Commission, T‑72/99, Rec. p. II‑2521, point 30, et du 19 mars 2010, Gollnisch/Parlement, T‑42/06, Rec. p. II‑1135, point 77).

36      En l’espèce, il ressort de la requête que les requérants font grief à la Commission d’avoir adopté le règlement n° 530/2008 sans avoir prévu une indemnisation pour les conséquences engendrées par ledit règlement. En outre, il est clairement exposé, au point 26 de la requête, que la demande des requérants vise à ce que soit engagée la responsabilité sans faute de la Communauté, dont les conditions sont rappelées aux points 27 et 28 de la requête. Enfin, comme il ressort des points 48 à 62 de la requête, les requérants prétendent que leur préjudice est réel, anormal et spécial puisqu’ils n’ont pas pu continuer à travailler et à gagner leur vie, alors que leurs quotas n’étaient pas atteints au moment de l’adoption du règlement n° 530/2008. Or, selon eux, c’est bien en raison de l’adoption de ce règlement qu’ils ont subi une réduction anticipée et importante de leurs droits à quota conférés en application du règlement (CE) n° 40/2008 du Conseil, du 16 janvier 2008, établissant, pour 2008, les possibilités de pêche et les conditions associées pour certains stocks halieutiques et groupes de stocks halieutiques, applicables dans les eaux communautaires et, pour les navires communautaires, dans les eaux soumises à des limitations de capture (JO L 19, p. 1).

37      Il est vrai que, ainsi que l’a relevé la Commission, bien que les requérants invoquent expressément une responsabilité sans faute du fait de l’adoption d’un acte licite, ils font référence, dans certains passages de la requête, à des principes, tels que ceux de sécurité juridique et de non-discrimination, qui relèvent en principe du régime de responsabilité non contractuelle de la Communauté du fait d’un acte illicite.

38      Force est toutefois de constater qu’il ressort de la lecture de la requête que ces principes ne sont évoqués que dans le seul contexte de la responsabilité de la Commission du fait de l’adoption d’un acte licite, en l’occurrence le règlement n° 530/2008.

39      En effet, il y a lieu de souligner, notamment, que, bien que les requérants indiquent au point 33 de la requête qu’une atteinte au principe de sécurité juridique est clairement établie dès lors que le règlement n° 530/2008 a été adopté dans de brefs délais, ils précisent, au point 34 de la requête, que « la naissance des sources de préjudice ne réside pas dans un comportement spécifiquement fautif de la Commission […] mais sur la mise en synergie sans cohérence [d’actes individuellement licites] et sans tirer les conséquences de l’existence de cette mise en synergie, qui fait grief », que « [c]’est cela [qu’ils demandent au] Tribunal de reconnaître et [que] c’est sur ce point [qu’ils fondent leur] recours en responsabilité ».

40      Ils précisent également au point 35 de la requête que « la Commission n’a pas commis d’acte directement illégal, mais [qu’]elle a omis la nécessaire mise en cohérence de l’ensemble des politiques pouvant être concernées par la pêche au thon rouge pour ne mettre en synergie que deux d’entre elles, [à savoir] le marché commun des produits de la pêcherie et la protection de l’environnement ». S’agissant du principe de non-discrimination, mentionné aux points 61 à 63 de la requête, il convient de constater que les requérants font référence à ce principe dans le but de démontrer le caractère intolérable du préjudice qu’ils ont subi, ainsi que cela ressort du point 63 de la requête, du point C. 2, deuxième tiret, des observations du 18 avril 2011 du Syndicat des thoniers méditerranéens e.a. sur les conséquences à tirer de l’arrêt AJD Tuna, précité, ainsi que du point 19 de la réponse du Syndicat des thoniers méditerranéens e.a. du 9 janvier 2012 aux questions écrites posées par le Tribunal.

41      Le fait que les requérants se bornent à invoquer la responsabilité sans faute du fait de l’adoption d’un acte licite est, par ailleurs, pleinement corroboré non seulement par le point 26 de la requête, mais aussi par le point 76 de celle-ci, figurant dans la partie de la requête intitulée « Conclusions », dans lequel les requérants soulignent que « la Cour s’est jusqu’à présent tenue, aux termes d’une jurisprudence constante, à préciser certaines des conditions auxquelles une […] responsabilité [du fait d’un acte licite] pourrait se trouver engagée dans 1’hypothèse où le principe de la responsabilité de la Communauté du fait d’un acte licite devrait être reconnu en droit [communautaire] » et que « [c]e sont ces conditions [qu’ils ont] voulu démontrer dans le cadre de la présente affaire ».

42      Il s’ensuit que les requérants ont, de la sorte, suffisamment décrit la nature et l’étendue du préjudice allégué ainsi que les raisons pour lesquelles ils estimaient qu’un lien de causalité existait entre le comportement reproché à la Commission et ce préjudice. Il ressort, en outre, de l’argumentation développée par la Commission sur le bien-fondé du recours qu’elle a pu utilement préparer sa défense sur les conditions d’engagement de la responsabilité non contractuelle de la Communauté. Partant, le Tribunal est en mesure de statuer sur le présent recours en pleine connaissance de cause des éléments du dossier et dans le respect du principe du contradictoire.

43      Il résulte de tout ce qui précède que le recours doit être déclaré recevable en ce que la requête répond aux exigences formelles de l’article 21 du statut de la Cour ainsi que de l’article 44, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure et irrecevable en ce qui concerne le STM dès lors que ce dernier ne justifie pas d’un intérêt à agir.

 Sur le fond

44      À l’appui du recours, les requérants, lesquels étaient tous représentés lors du dépôt de la requête par Me Bonnefoi, ont fait valoir, en substance, que la responsabilité sans faute de la Communauté devait être engagée dès lors que le règlement n° 530/2008 a été adopté sans qu’ait été prévue une indemnisation pour réparer les conséquences que ce dernier a engendrées.

45      Dans ses observations du 18 avril 2011 sur les conséquences à tirer de l’arrêt AJD Tuna, précité, ainsi que dans sa réponse à une question écrite du Tribunal, le Syndicat des thoniers méditerranéens e.a. ont précisé que, à la suite dudit arrêt AJD Tuna, ils se bornaient, comme dans la requête, à invoquer la responsabilité sans faute de la Communauté du fait d’un acte licite.

46      Dans ses observations du 6 mai 2011 sur les conséquences à tirer de l’arrêt AJD Tuna, précité, Jean-Luc Buono e.a. font valoir que les trois conditions pour l’engagement de la responsabilité non contractuelle du fait d’un acte illicite sont remplies en l’espèce. S’agissant de la condition relative à l’illégalité du comportement de la Commission, ils ont notamment indiqué que « [l]a discrimination commise par la Commission et reconnue par la Cour constitue incontestablement une faute en application de la jurisprudence », que « cette faute oblige à réparation » et que « c’est ainsi que les [r]equérants tirent […] les conséquences de cet arrêt AJD Tuna en sollicitant du Tribunal qu’il reconnaisse la responsabilité extra contractuelle de la Commission ». Ils ont ajouté que, selon eux, l’« argumentation et les conclusions qui précèdent [visant à ce que soit engagée la responsabilité pour faute de la Communauté] ne sauraient être considérées comme des conclusions et moyens nouveaux dans la mesure où elles étaient déjà évoquées dans les motifs de la requête ». Il ont précisé que, « pour le cas toutefois où, par impossible, le Tribunal considérerait qu’il s’agit de conclusions et moyens nouveaux, il conviendrait de les déclarer recevables dans la mesure où leur production a été appelée par l’issue de l’arrêt AJD Tuna ». Par ailleurs, ils font remarquer que leur demande indemnitaire se situe toujours dans les délais de recours de plein contentieux, si bien qu’il serait contraire à l’exigence d’une bonne administration de la justice de les obliger à introduire un nouveau recours pour des conclusions dont l’objet indemnitaire est inchangé par rapport à la requête initiale. En outre, en réponse à une question écrite du Tribunal, Jean-Luc Buono e.a. ont réitéré leur point de vue selon lequel un moyen tiré de la responsabilité pour faute avait été invoqué dans la requête, ainsi que cela résulterait sans ambiguïté du point 33 de celle-ci, lequel mentionne explicitement l’atteinte portée au principe de sécurité juridique, qui constitue incontestablement une faute. Selon eux, le moyen tiré de la responsabilité pour faute ne serait donc que le développement de demandes déjà formulées dans la requête.

47      En réponse à une question écrite du Tribunal, la Commission a soutenu que les requérants, aux points 26, 27, 34, 35, 38 et 76 de la requête et à la page 2 de la réplique, ont défini l’objet de leur recours comme visant à mettre en cause la responsabilité sans faute de la Communauté. En invoquant désormais l’existence d’une faute commise par l’institution justifiant la demande indemnitaire, Jean-Luc Buono e.a. modifient les moyens soulevés à l’appui du recours indemnitaire à un stade postérieur à la duplique et avancent des arguments nouveaux qui élargissent l’objet du litige à un moment où celui-ci est déjà fixé et ne saurait plus en principe évoluer.

 Sur le moyen tiré de la responsabilité non contractuelle de la Communauté du fait d’un acte illicite

48      Contrairement à ce que soutiennent Jean-Luc Buono e.a., et ainsi que cela ressort des points 36 à 41 ci-dessus et de la réponse du 9 janvier 2012 du Syndicat des thoniers méditerranéens e.a., il y a lieu de considérer que le recours introduit par les requérants vise uniquement à ce que soit engagée la responsabilité non contractuelle de la Communauté du fait d’un acte licite. L’argument de Jean-Luc Buono e.a., selon lequel la référence au principe de sécurité juridique faite au point 33 de la requête démontrerait que le recours vise également la responsabilité pour faute, ne saurait être accueilli. En effet, il suffit de relever à cet égard que, ainsi que cela a été souligné au point 38 ci-dessus, ce principe a été invoqué dans le seul contexte de la responsabilité de la Commission du fait de l’adoption d’un acte licite pour démontrer le caractère intolérable du préjudice.

49      Il y a donc lieu de considérer que le moyen tiré de la responsabilité de la Commission du fait d’un acte illicite n’a été invoqué qu’après la clôture de la procédure écrite et que, contrairement à ce que soutiennent Jean-Luc Buono e.a., ce moyen ne constitue pas l’ampliation d’un moyen énoncé antérieurement dans la requête et ne présente pas un lien étroit avec un tel moyen. Partant, il est un moyen nouveau fondé sur l’arrêt AJD Tuna, précité.

50      Il convient de rappeler que, conformément à l’article 48, paragraphe 2, du règlement de procédure, la production de moyens nouveaux en cours d’instance est interdite à moins que ces moyens ne se fondent sur des éléments de droit et de fait qui se sont révélés pendant la procédure.

51      Jean-Luc Buono e.a. font valoir que ce moyen devrait être déclaré recevable, en vertu de cette dernière disposition, au motif que sa production a été appelée par l’arrêt AJD Tuna, précité.

52      À cet égard, il convient de relever que, pour qu’un élément de droit ou de fait nouveau puisse justifier la production d’un moyen nouveau en cours d’instance, cet élément doit ne pas avoir existé ou ne pas avoir été connu du requérant au moment de l’introduction du recours. En outre, le fait pour une partie d’avoir pris connaissance d’une donnée factuelle pendant la procédure devant le Tribunal ne signifie pas que cette donnée constitue un élément de fait qui s’est révélé pendant la procédure. Il faut encore que la partie n’ait pas été en mesure d’avoir connaissance de cette donnée antérieurement [arrêts du Tribunal du 6 juillet 2000, AICS/Parlement, T‑139/99, Rec. p. II‑2849, point 62, et du 9 décembre 2010, Tresplain Investments/OHMI – Hoo Hing (Golden Elephant Brand), T‑303/08, non encore publié au Recueil, point 167].

53      En l’espèce, il est constant que Jean-Luc Buono e.a. ont pris connaissance de l’arrêt AJD Tuna, précité, après l’introduction de leur recours. Contrairement à ce que prétend en substance la Commission, il ne ressort nullement de cet arrêt que seules les interdictions prenant effet le 23 août 2008, prévues à l’article 2 dudit règlement, seraient invalidées et que celles prenant effet le 16 août 2008, prévues à l’article 1er du même règlement, demeureraient valides à la suite de l’arrêt de la Cour. Au contraire, le Tribunal a jugé que, à la suite de l’arrêt AJD Tuna, précité, le règlement n° 530/2008 était invalide dans son ensemble (voir, à cet égard, ordonnance du Tribunal du 14 février 2012, Italie/Commission, T‑305/08, non publiée au Recueil, points 18 à 20). Par conséquent, alors que ledit règlement demeurait en vigueur, en raison de la présomption de légalité des actes des institutions de l’Union qui, selon une jurisprudence constante de la Cour, implique que ceux-ci produisent des effets juridiques aussi longtemps qu’ils n’ont pas été retirés, annulés dans le cadre d’un recours en annulation ou déclarés invalides à la suite d’un renvoi préjudiciel ou d’une exception d’illégalité, ce règlement a cessé de produire des effets juridiques à la suite de l’arrêt AJD Tuna, précité (voir, à cet égard, arrêt de la Cour du 21 décembre 2011, France/People’s Mojahedin Organization of Iran, C‑27/09 P, non encore publié au Recueil, point 74, et la jurisprudence citée). Dès lors, force est de considérer que cet arrêt AJD Tuna, prononcé par la Cour à une date ultérieure à celle de l’introduction du présent recours, doit être regardé comme un élément permettant la production d’un moyen nouveau, au sens de la jurisprudence visée au point 52 ci-dessus et de l’article 48, paragraphe 2, du règlement de procédure, celui-ci ayant modifié la situation de droit existante lors du dépôt de la requête.

54      Au vu de ce qui précède, il convient de déclarer recevable le moyen tiré de la responsabilité non contractuelle de la Communauté du fait d’un acte illicite, exposé pour la première fois par Jean-Luc Buono e.a. dans les observations du 6 mai 2011 sur les conséquences à tirer de l’arrêt AJD Tuna, précité.

55      Le Tribunal rappelle que, en matière de responsabilité non contractuelle, l’Union doit réparer, conformément aux principes généraux communs aux droits des États membres, les dommages causés par ses institutions ou par ses agents dans l’exercice de leurs fonctions.

56      Selon une jurisprudence constante, l’engagement de la responsabilité non contractuelle de l’Union pour comportement illicite de ses organes est subordonné à la réunion d’un ensemble de conditions, à savoir que le requérant prouve l’illégalité du comportement reproché à l’institution, la réalité du préjudice et l’existence d’un lien de causalité entre le comportement allégué et le préjudice invoqué (arrêts de la Cour du 29 septembre 1982, Oleifici Mediterranei/CEE, 26/81, Rec. p. 3057, point 16, et du Tribunal du 14 décembre 2005, Beamglow/Parlement e.a., T‑383/00, Rec. p. II‑5459, point 95).

57      Dès lors que l’une des trois conditions d’engagement de la responsabilité non contractuelle de l’Union n’est pas remplie, les prétentions indemnitaires doivent être rejetées, sans qu’il soit nécessaire d’examiner si les deux autres conditions sont réunies (arrêt du Tribunal du 20 février 2002, Förde-Reederei/Conseil et Commission, T‑170/00, Rec. p. II‑515, point 37 ; voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 15 septembre 1994, KYDEP/Conseil et Commission, C‑146/91, Rec. p. I‑4199, point 81). Par ailleurs, le juge de l’Union n’est pas tenu d’examiner ces conditions dans un ordre déterminé (arrêt de la Cour du 9 septembre 1999, Lucaccioni/Commission, C‑257/98 P, Rec. p. I‑5251, point 13).

58      Le Tribunal examinera d’abord si Jean-Luc Buono e.a. ont prouvé la réalité du préjudice.

59      S’agissant de la condition relative à la réalité du préjudice, la responsabilité de l’Union ne saurait être engagée que si le requérant a effectivement subi un préjudice « réel et certain » ainsi qu’évaluable (voir, en ce sens, arrêts de la Cour du 27 janvier 1982, Birra Wührer e.a./Conseil et Commission, 256/80, 257/80, 265/80, 267/80 et 5/81, Rec. p. 85, point 9, et De Franceschi/Conseil et Commission, 51/81, Rec. p. 117, point 9 ; arrêt du Tribunal du 16 janvier 1996, Candiotte/Conseil, T‑108/94, Rec. p. II‑87, point 54). En revanche, un préjudice purement hypothétique et indéterminé ne donne pas droit à réparation (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 11 juillet 1997, Oleifici Italiani/Commission, T‑267/94, Rec. p. II‑1239, point 73). Il incombe au requérant d’apporter des éléments de preuve au juge de l’Union afin d’établir l’existence et l’ampleur d’un tel préjudice (arrêt de la Cour du 21 mai 1976, Roquette frères/Commission, 26/74, Rec. p. 677, points 22 à 24, et du Tribunal du 9 janvier 1996, Koelman/Commission, T‑575/93, Rec. p. II‑1, point 97).

60      Jean-Luc Buono e.a. font valoir que la faute commise par la Commission, à savoir la permission accordée aux senneurs espagnols de pêcher jusqu’au 23 juin 2008 alors que les autres pêcheurs européens avaient dû interrompre leur pêche le 16 juin 2008, leur a causé un préjudice certain consistant en la part non pêchée et non vendue de leurs quotas pour l’année 2008. Selon eux, il ne fait aucun doute que, s’ils avaient été autorisés à pêcher aussi longtemps que les pêcheurs espagnols, ils auraient capturé la totalité des quotas qui leur avaient été alloués pour l’année 2008. Pour évaluer leur préjudice, ils multiplient notamment le prix auquel ils auraient pu vendre le thon rouge par le pourcentage de quota non pêché.

61      Cependant, le Tribunal considère que ces éléments ne démontrent pas que Jean-Luc Buono e.a. ont subi un dommage réel et certain.

62      En effet, Jean-Luc Buono e.a. partent de la prémisse erronée selon laquelle ils auraient un droit de pêcher et qu’ils auraient nécessairement épuisé leur quota. Or, il suffit de relever à cet égard que, contrairement à ce que sous-entendent Jean-Luc Buono e.a., ces quotas ne confèrent aucune garantie aux pêcheurs de pouvoir pêcher la totalité du quota qui leur a été alloué. Un quota constitue uniquement une limite théorique de capture maximale qui ne doit, en aucun cas, être dépassée (voir, par analogie, arrêt du Tribunal du 19 octobre 2005, Cofradía de pescadores « San Pedro de Bermeo » e.a./Conseil, T‑415/03, Rec. p. II‑4355, point 118). En tout état de cause, il ne saurait être exclu que, dans l’hypothèse où l’interdiction de pêche les concernant avait pris effet le 23 juin 2008, ils n’auraient pas atteint leur quota pour des raisons indépendantes de leur volonté.

63      Partant, le préjudice ainsi invoqué, calculé en fonction de la part de quota non pêchée, ne reflète qu’une situation hypothétique et ne saurait être considéré comme étant réel et certain, au sens de la jurisprudence citée au point 59 ci-dessus.

64      Il en résulte que Jean-Luc Buono e.a. n’ont pas démontré que la condition relative à la réalité du préjudice est remplie en l’espèce.

65      Une telle constatation suffit à exclure tout droit à indemnité de ce chef, sans qu’il y ait lieu pour le Tribunal d’examiner si les deux autres conditions sont réunies en l’espèce. En effet, le caractère cumulatif desdites conditions implique que, dès lors que l’une de celles-ci n’est pas satisfaite, la responsabilité non contractuelle de l’Union ne saurait être engagée du fait d’un acte illicite de ses organes (voir point 57 ci-dessus).

66      Dès lors, le moyen tiré de la responsabilité non contractuelle de la Communauté du fait d’un acte illicite doit être rejeté comme non fondé.

 Sur le moyen tiré de la responsabilité non contractuelle de la Communauté du fait d’un acte licite

67      Par ce moyen, les requérants font en substance grief à la Commission non d’avoir adopté un règlement illégal, mais d’avoir adopté le règlement n° 530/2008 sans qu’aucune indemnisation n’ait été prévue pour les senneurs à senne coulissante qui se sont vu interdire la pêche du thon rouge alors que leurs quotas n’avaient pas été atteints. Ainsi que cela ressort de la requête et de la réponse du 9 janvier 2012 du Syndicat des thoniers méditerranéens e.a. aux questions écrites posées par le Tribunal, les requérants mentionnent que l’adoption du règlement n° 530/2008 a eu notamment pour conséquence de porter atteinte au principe de sécurité juridique, au droit de travailler ainsi qu’au droit de propriété. Les requérants indiquent également que la Commission a adopté le règlement n° 530/2008 sans mettre en cohérence l’ensemble des aspects de la politique de la pêche. Selon eux, les exigences de protection de l’environnement doivent être intégrées dans la définition et la mise en œuvre de la pêche non comme une finalité, mais uniquement comme élément permettant de promouvoir un développement durable. Ils ajoutent que la Commission aurait omis de tenir compte des éléments d’une politique sociale au seul profit d’une politique de gestion des stocks.

68      Selon eux, l’ensemble de ces éléments démontrerait que, dans les circonstances de l’espèce, les trois conditions pour l’engagement de la responsabilité sans faute de la Communauté, à savoir la réalité du préjudice, le lien de causalité entre celui-ci et l’acte reproché aux institutions ainsi que le caractère anormal et spécial du préjudice, sont remplies.

69      À titre liminaire, il y a lieu de rappeler que la jurisprudence consacrant, au titre de l’article 288, deuxième alinéa, CE, l’existence du régime de responsabilité non contractuelle de la Communauté, du fait du comportement illégal de ses institutions, et les conditions d’application de ce régime, est fermement établie. Cependant, il n’en va pas de même en ce qui concerne le régime de responsabilité non contractuelle de la Communauté en l’absence de comportement illégal (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 9 septembre 2008, FIAMM e.a./Conseil et Commission, C‑120/06 P et C‑121/06 P, Rec. p. I‑6513, point 167).

70      Ainsi qu’elle l’a notamment rappelé au point 18 de l’arrêt du 15 juin 2000, Dorsch Consult/Conseil et Commission (C‑237/98 P, Rec. p. I‑4549), la Cour s’est jusqu’à présent bornée, aux termes d’une jurisprudence constante, à préciser certaines des conditions auxquelles une telle responsabilité pourrait se trouver engagée dans l’hypothèse où le principe de la responsabilité de la Communauté du fait d’un acte licite devrait être reconnu en droit communautaire. C’est à ce seul titre que la Cour a rappelé à cet égard, au point 19 de l’arrêt Dorsch Consult/Conseil et Commission, précité, que, si une telle responsabilité venait à être reconnue dans son principe, elle requerrait à tout le moins la réunion de trois conditions cumulatives, constituées par la réalité du préjudice, l’existence d’un lien de causalité entre celui-ci et l’acte concerné ainsi que le caractère anormal et spécial du préjudice (voir, en ce sens, arrêt FIAMM e.a./Conseil et Commission, précité, point 169).

71      La Cour, tout en rappelant que c’est aux principes généraux communs aux droits des États membres que l’article 288, deuxième alinéa, CE renvoie, en matière de responsabilité non contractuelle de la Communauté du fait des dommages causés par ses institutions ou par ses agents dans l’exercice de leurs fonctions, a considéré que le principe de responsabilité non contractuelle de la Communauté n’était qu’une expression du principe général, connu dans les ordres juridiques des États membres, selon lequel une action ou une omission illégale entraînait l’obligation de réparer le préjudice causé (voir, en ce sens, arrêt FIAMM e.a./Conseil et Commission, précité, point 170, et la jurisprudence citée).

72      La Cour a indiqué, par ailleurs, que la conception restrictive de la responsabilité de la Communauté du fait de l’exercice de ses activités normatives s’expliquait par la considération que, d’une part, l’exercice de la fonction législative, même là où il existait un contrôle juridictionnel de la légalité des actes, ne devait pas être entravé par la perspective d’actions en dommages et intérêts chaque fois que l’intérêt général de la Communauté exigeait de prendre des mesures normatives susceptibles de porter atteinte aux intérêts des particuliers et que, d’autre part, dans un contexte normatif caractérisé par l’existence d’un large pouvoir d’appréciation, indispensable à la mise en œuvre d’une politique communautaire, la responsabilité de la Communauté ne pouvait être engagée que si l’institution concernée avait méconnu de manière manifeste et grave les limites qui s’imposaient à l’exercice de ses pouvoirs (voir, en ce sens, arrêt FIAMM e.a./Conseil et Commission, précité, point 174, et la jurisprudence citée).

73      Ainsi, si l’examen comparatif des ordres juridiques des États membres a permis à la Cour de constater très tôt une convergence de ces ordres juridiques dans la consécration d’un principe de responsabilité en présence d’une action ou d’une omission illégale de l’autorité, y compris d’ordre normatif, il n’en va nullement de même en ce qui concerne l’existence éventuelle d’un principe de responsabilité en présence d’un acte ou d’une omission licites de l’autorité publique, en particulier lorsque ceux-ci sont d’ordre normatif (voir, en ce sens, arrêt FIAMM e.a./Conseil et Commission, précité, point 175).

74      S’agissant plus particulièrement du droit de propriété et du libre exercice des activités professionnelles, la Cour a de longue date reconnu leur caractère de principes généraux du droit communautaire, tout en soulignant toutefois qu’ils n’apparaissaient pas comme des prérogatives absolues, mais qu’ils devaient être pris en considération par rapport à leur fonction dans la société. Ainsi, elle a jugé que, si des restrictions pouvaient être apportées à l’usage du droit de propriété et au libre exercice d’une activité professionnelle, notamment dans le cadre d’une organisation commune de marché, c’était à la condition que ces restrictions répondent effectivement à des objectifs d’intérêt général poursuivis par la Communauté et ne constituent pas, au regard du but poursuivi, une intervention démesurée et intolérable qui porterait atteinte à la substance même des droits ainsi garantis (arrêt FIAMM e.a./Conseil et Commission, précité, point 183).

75      Il s’ensuit qu’un acte normatif communautaire dont l’application conduit à des restrictions au droit de propriété et au libre exercice d’une activité professionnelle qui porteraient une atteinte démesurée et intolérable à la substance même desdits droits, le cas échéant à défaut, précisément, d’avoir prévu une indemnisation propre à éviter ou à corriger ladite atteinte, pourrait engager la responsabilité extracontractuelle de la Communauté (arrêt FIAMM e.a./Conseil et Commission, précité, point 184).

76      C’est à la lumière des éléments qui précèdent qu’il convient d’examiner le moyen tiré de la responsabilité non contractuelle de la Communauté du fait d’un acte licite.

77      Les requérants font notamment valoir que le règlement n° 530/2008 a réduit de façon anticipée et importante leurs droits à quotas conférés par le règlement n° 40/2008. Ils estiment que leur préjudice est anormal et spécial au motif que, d’une part, « il dépasse les limites des risques inhérents aux activités de pêche par des interruptions de périodes de plus en plus fréquentes qui poussent les armements à vouloir faire le plus de captures possible dans le plus bref délai puisque le temps de pêche est une variable qui n’est plus transparente ni stable » et que, d’autre part, la Commission a adopté « la mesure d’arrêt brutal inattendue de la pêche sans tenir compte de la situation spécifique des pêcheurs de thon rouge en Méditerranée […], sans attendre que les quotas de capture autorisés soient atteints et sans prévoir une mesure compensatoire ou une mesure d’indemnisation pour ceux qui, légitimement et indépendamment de raisons relevant de leur seul comportement ou incurie, n’auraient pas effectué leur quota ».

78      En vue de déterminer si le préjudice en cause présente un caractère anormal, il y a lieu d’apprécier s’il dépasse les limites des risques économiques inhérents aux activités dans le secteur de la pêche (arrêt de la Cour du 6 décembre 1984, Biovilac/CEE, 59/83, Rec. p. 4057, point 27 ; arrêts du Tribunal du 28 avril 1998, Dorsch Consult/Conseil et Commission, T‑184/95, Rec. p. II‑667, point 80, et du 6 décembre 2001, Area Cova e.a./Conseil et Commission, T‑196/99, Rec. p. II‑3597, point 172).

79      Or, contrairement à ce que soutiennent les requérants, force est de constater que ce préjudice ne saurait être considéré comme dépassant les limites des risques inhérents au secteur de la pêche.

80      À titre liminaire, il convient de relever, tout d’abord, que les quotas de pêche sont alloués aux États membres, lesquels sont ensuite chargés de répartir les possibilités de pêche du thon rouge qui leur sont allouées, ensuite, que la finalité de ces quotas de pêche consiste à assurer à chaque État membre une part du total admissible des captures communautaires (ci-après le « TAC ») et, enfin, que, bien que les droits de pêche répartis entre États membres soient exercés par les senneurs, ces droits doivent être considérés comme n’étant acquis qu’au profit des États membres et non des senneurs auxquels les États membres ont alloué des quotas individuels pour fixer une limite des possibilités de pêche auxquelles chaque senneur peut accéder. Par ailleurs, il importe de rappeler que, contrairement à ce que sous-entendent les requérants, ces quotas ne confèrent aucune garantie aux pêcheurs de pouvoir pêcher la totalité du quota qui leur a été alloué. En effet, un quota constitue uniquement une limite théorique de capture maximale qui ne doit, en aucun cas, être dépassée (voir, par analogie, arrêt Cofradía de pescadores « San Pedro de Bermeo » e.a., précité, point 118).

81      S’agissant du caractère imprévisible de l’arrêt de la pêche du thon rouge dénoncé par les requérants, force est de relever qu’il ressort, tant de la requête que de la réplique, que ces derniers connaissaient le cadre règlementaire dans lequel ils exerçaient leur activité et la possibilité que cette pêche soit soumise à des restrictions. En effet, ils ont notamment mentionné que le thon rouge faisait l’objet de mesures spécifiques et que le règlement (CE) n° 1559/2007 du Conseil, du 17 décembre 2007, établissant un plan pluriannuel de reconstitution des stocks de thon rouge dans l’Atlantique Est et la Méditerranée et modifiant le règlement (CE) n° 520/2007 (JO L 340, p. 8), était applicable pour l’année 2008. En outre, les requérants ont indiqué, au point 19 de la requête, que le règlement n° 530/2008 a été adopté en application de l’article 7 du règlement n° 2371/2002. Or, l’article 7 de ce règlement dispose, en son premier paragraphe, que, « [s]’il existe des preuves qu’il existe une menace grave pour la conservation des ressources aquatiques vivantes ou pour l’écosystème marin résultant des activités de la pêche et nécessitant une intervention immédiate, la Commission peut, sur demande dûment justifiée d’un État membre ou d’office, arrêter les mesures d’urgence pour une période maximale de six mois […] » et, en son troisième paragraphe, que « [l]es mesures d’urgence prennent effet immédiatement » et « sont notifiées aux États membres concernés et publiées au Journal officiel ».

82      Il découle des éléments qui précèdent que, si les requérants pouvaient pratiquer la pêche du thon rouge dans l’Atlantique Est et la Méditerranée, l’adoption d’un plan de reconstitution des stocks de thon rouge et le contingentement de la pêche de cette espèce par la détermination d’un TAC, par le règlement n° 1559/2007, avertissait nécessairement les requérants de ce que cette pêche était soumise à des restrictions et que l’arrêt des campagnes de pêche avant la date prévue pouvait intervenir à tout moment.

83      À cet égard, force est d’ailleurs de relever que les requérants ont en substance souligné, au point 53 de la requête, que l’activité de pêche du thon rouge subissait des périodes d’interruptions de plus en plus fréquentes (voir point 77 ci-dessus), ce qui tend à confirmer que l’arrêt anticipé de la pêche n’était pas inhabituel et imprévisible pour les requérants. Cela est au demeurant pleinement corroboré par le point 75 de l’arrêt AJD Tuna, précité, selon lequel « la possibilité de prendre des mesures ayant pour effet d’arrêter les campagnes de pêche avant la date normale est prévue, notamment, aux articles 7, paragraphe 1, et 26, paragraphe 4, du règlement [n° 2371/2002, si bien que les] opérateurs communautaires, dont l’activité consiste à acheter des thons rouges aux fins d’élevage et d’engraissement, ne peuvent invoquer le bénéfice de la protection de la confiance légitime car ils sont en mesure de prévoir que de telles mesures peuvent être prises ». Il apparaît donc clairement que l’arrêt des campagnes de pêche avant le terme prévu est une mesure prévisible dans le secteur d’activité en cause en l’espèce.

84      Enfin, il apparaît que le préjudice invoqué par les requérants consiste, en substance, en un manque à gagner, qui repose sur la prémisse selon laquelle ils bénéficiaient d’un droit de pêcher le thon rouge, et ce pour la totalité de leur quota.

85      Toutefois, d’une part, il convient de souligner que, pour l’année 2008, le TAC spécifique pour le thon rouge et le quota communautaire ont été directement pris en compte dans le règlement n° 40/2008, lequel a divisé le quota communautaire en quotas nationaux alloués aux différents États membres pratiquant traditionnellement la pêche au thon rouge et a attribué un volume résiduel de captures accessoires à l’ensemble des autres États membres. D’autre part, en vertu de l’article 4, paragraphes 1 et 2, du règlement n° 1559/2007, chaque État membre prend les mesures nécessaires pour que l’effort de pêche de ses navires soit proportionné aux possibilités de pêche au thon rouge dont il dispose dans l’Atlantique Est et la Méditerranée. À cet effet, chaque État membre établit un plan de pêche annuel. Il découle de ces dispositions que, bien que les droits de pêche répartis entre États membres soient exercés par les senneurs, ces droits doivent être considérés comme n’étant acquis qu’au profit des États membres et non des senneurs auxquels les États membres ont alloué des quotas individuels qui ne confèrent aucune garantie aux pêcheurs de pouvoir pêcher la totalité du quota qui leur a été alloué (voir point 80 ci-dessus). Ceux-ci ne sauraient donc se prévaloir d’un droit subjectif dont la violation leur ouvrirait un droit à réparation sur la base de l’article 288, deuxième alinéa, CE (voir, par analogie, arrêt Cofradía de pescadores « San Pedro de Bermeo » e.a., précité, points 87 et 88).

86      Eu égard aux développements qui précèdent, il y a lieu de considérer que le préjudice invoqué par les requérants ne dépassait pas les limites des risques économiques inhérents aux activités dans le secteur concerné. Il n’était donc pas « anormal » au regard des conditions en vertu desquelles la responsabilité non contractuelle de la Communauté pourrait, le cas échéant, être engagée du fait d’un acte licite.

87      Une telle constatation suffit à exclure tout droit à indemnité de ce chef, sans qu’il soit nécessaire pour le Tribunal de se prononcer sur la condition de spécialité du préjudice allégué. En effet, le caractère cumulatif desdites conditions implique que, dès lors que l’une de celles-ci n’est pas satisfaite, la responsabilité non contractuelle de la Communauté ne saurait être engagée du fait d’un acte licite de ses institutions (arrêt du 15 juin 2000, Dorsch Consult/Conseil et Commission, précité, point 54).

88      Il s’ensuit que le moyen tiré de la responsabilité de la Commission du fait d’un acte licite doit être rejeté.

89      Il résulte de l’ensemble des développements qui précèdent que le recours doit être rejeté dans son intégralité.

 Sur les dépens

90      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Les requérants ayant succombé, il y a lieu de les condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la Commission.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (cinquième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Les requérants sont condamnés aux dépens.

Papasavvas

Vadapalas

O’Higgins

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 7 novembre 2012.

Signatures


** Langue de procédure : le français.