Language of document : ECLI:EU:C:2013:395

ARRÊT DE LA COUR (deuxième chambre)

13 juin 2013 (*)

«Pourvoi – Aides d’État – Prêt consenti par la République italienne à la compagnie aérienne Alitalia – Décision déclarant l’aide illégale et incompatible – Vente des actifs d’Alitalia – Décision constatant l’absence d’aide au terme de la phase liminaire d’examen – Recours en annulation – Qualité pour agir – Partie intéressée – Recevabilité – Difficultés sérieuses – Compétence – Obligation de motivation»

Dans l’affaire C‑287/12 P,

ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduit le 7 juin 2012,

Ryanair Ltd, établie à Dublin (Irlande), représentée par Me E. Vahida, avocat, et Me I.-G. Metaxas-Maragkidis, dikigoros,

partie requérante,

les autres parties à la procédure étant:

Commission européenne, représentée par MM. L. Flynn et D. Grespan, en qualité d’agents, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie défenderesse en première instance,

République italienne, représentée par Mme G. Palmieri, en qualité d’agent, assistée de M. P. Gentili, avvocato dello Stato, ayant élu domicile à Luxembourg,

Alitalia – Compagnia Aerea Italiana SpA, établie à Fiumicino (Italie), représentée par Mes G. M. Roberti, G. Bellitti et I. Perego, avvocati,

parties intervenantes en première instance,

LA COUR (deuxième chambre),

composée de Mme R. Silva de Lapuerta, président de chambre, MM. G. Arestis, J.-C. Bonichot, A. Arabadjiev (rapporteur) et J. L. da Cruz Vilaça, juges,

avocat général: Mme J. Kokott,

greffier: M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1        Par son pourvoi, Ryanair Ltd (ci-après «Ryanair») demande l’annulation de l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 28 mars 2012, Ryanair/Commission (T-123/09, non encore publié au Recueil, ci-après l’«arrêt attaqué»), par lequel celui-ci a rejeté son recours tendant à l’annulation partielle de la décision 2009/155/CE de la Commission, du 12 novembre 2008, concernant le prêt de 300 millions EUR consenti par l’Italie à la compagnie Alitalia C 26/08 (ex NN 31/08) (JO 2009, L 52, p. 3, ci-après la «première décision litigieuse»), et à l’annulation de la décision C(2008) 6745 final de la Commission, du 12 novembre 2008, concernant l’aide d’État N 510/2008 – Italie – Vente des actifs de la compagnie aérienne Alitalia (ci-après la «seconde décision litigieuse»).

 Le cadre juridique

2        Il résulte du considérant 2 du règlement (CE) nº 659/1999 du Conseil, du 22 mars 1999, portant modalités d’application de l’article [88 CE] (JO L 83, p. 1), que ce règlement vise à codifier et à étayer la pratique constante développée et établie par la Commission européenne dans l’application de l’article 88 CE, en conformité avec la jurisprudence de la Cour.

3        L’article 1er dudit règlement prévoit:

«Aux fins du présent règlement, on entend par:

[...]

h)      ‘parties intéressées’: tout État membre et toute personne, entreprise ou association d’entreprises dont les intérêts pourraient être affectés par l’octroi d’une aide, en particulier le bénéficiaire de celle-ci, les entreprises concurrentes et les associations professionnelles.»

4        L’article 4 du même règlement, intitulé «Examen préliminaire de la notification et décisions de la Commission», dispose à ses paragraphes 2 à 4:

«2.      Si la Commission constate, après un examen préliminaire, que la mesure notifiée ne constitue pas une aide, elle le fait savoir par voie de décision.

3.      Si la Commission constate, après un examen préliminaire, que la mesure notifiée, pour autant qu’elle entre dans le champ de l’article [87], paragraphe 1, [CE], ne suscite pas de doutes quant à sa compatibilité avec le marché commun, elle décide que cette mesure est compatible avec le marché commun (ci-après dénommée ‘décision de ne pas soulever d’objections’). Cette décision précise quelle dérogation prévue par le traité a été appliquée.

4.      Si la Commission constate, après un examen préliminaire, que la mesure notifiée suscite des doutes quant à sa compatibilité avec le marché commun, elle décide d’ouvrir la procédure prévue à l’article [88], paragraphe 2, [CE] (ci-après dénommée ‘décision d’ouvrir la procédure formelle d’examen’).»

5        Aux termes de l’article 7, paragraphe 4, du règlement n° 659/1999:

«La Commission peut assortir sa décision positive de conditions lui permettant de reconnaître la compatibilité avec le marché commun et d’obligations lui permettant de contrôler le respect de sa décision (ci-après dénommée ‘décision conditionnelle’).»

6        L’article 10 dudit règlement, intitulé «Examen, demande de renseignements et injonction de fournir des informations», prévoit, à son paragraphe 1, que, «[l]orsque la Commission a en sa possession des informations concernant une aide prétendue illégale, quelle qu’en soit la source, elle examine ces informations sans délai».

 Les antécédents du litige et les décisions litigieuses

7        Les faits ayant donné lieu au présent litige tels qu’ils sont exposés aux points 1 à 37 de l’arrêt attaqué peuvent être résumés comme suit.

8        Le 29 décembre 2006, le ministère de l’Économie et des Finances italien a publié un appel à manifestation d’intérêt pour la vente de ses participations dans Alitalia SpA (ci-après «Alitalia»). Cette procédure a été close le 18 juillet 2007 sans avoir abouti, les offres présentées ayant été retirées. Au mois de septembre 2007, Alitalia a fait appel à une banque pour déterminer d’éventuels partenaires pour elle-même. L’offre présentée par Air France-KLM a été retirée le 21 avril 2008, faute d’accord avec les organisations syndicales.

9        Le 23 avril 2008, les autorités italiennes ont informé la Commission de l’approbation, par le décret-loi n° 80, portant mesures urgentes pour assurer le service public du transport aérien (decreto-legge n. 80 – Misure urgenti per assicurare il pubblico servizio di trasporto aereo), du 23 avril 2008 (GURI n° 97, du 24 avril 2008, p. 5), de l’octroi d’un prêt de 300 millions d’euros à Alitalia. N’ayant pas reçu de notification préalablement à l’octroi d’un tel prêt, la Commission a demandé aux autorités italiennes, par lettre du 24 avril 2008, notamment, de confirmer l’existence de ce prêt, de fournir toute information utile permettant d’apprécier une telle mesure au regard des articles 87 CE et 88 CE et de suspendre l’octroi dudit prêt. Le 29 avril 2008, Ryanair a déposé une plainte auprès de la Commission concernant l’existence d’une aide d’État au profit d’Alitalia sous la forme dudit prêt.

10      Par lettre du 30 mai 2008, les autorités italiennes ont informé la Commission de l’adoption, le 27 mai 2008, du décret-loi n° 93, portant dispositions urgentes pour sauvegarder le pouvoir d’achat des ménages (decreto-legge n. 93 – Disposizioni urgenti per salvaguardare il potere di acquisto delle famiglie, GURI n° 124, du 28 mai 2008, p. 3), prévoyant la faculté pour Alitalia d’imputer le montant du prêt en cause sur ses capitaux propres. À la même date, Ryanair a saisi la Commission d’une nouvelle plainte concernant la conversion dudit prêt en capitaux propres.

11      Le 3 juin 2008, les autorités italiennes ont entrepris de nouvelles démarches en vue de trouver un ou plusieurs acquéreurs pour Alitalia.

12      Par lettre du 12 juin 2008, la Commission a notifié aux autorités italiennes sa décision du 11 juin 2008 d’ouvrir la procédure formelle d’examen sur les mesures relatives au prêt en cause et à la possibilité pour Alitalia d’imputer le montant dudit prêt sur ses capitaux propres.

13      Par l’adoption du décret-loi n° 134, portant dispositions urgentes en matière de restructuration des grandes entreprises en crise (decreto-legge n. 134 – Disposizioni urgenti in materia di ristrutturazione di grandi imprese in crisi), du 28 août 2008 (GURI n° 201, du 28 août 2008, p. 3, ci-après le «décret-loi n° 134»), certaines modifications ont été apportées à la procédure d’administration extraordinaire pour les entreprises particulièrement grandes actives dans le secteur des services publics essentiels. Était notamment prévue l’option de redressement des entreprises exerçant leur activité dans le secteur des services publics essentiels par une cession de leurs actifs selon une procédure de gré à gré à des acquéreurs pouvant garantir une continuité du service à moyen terme, la rapidité d’intervention et le respect des exigences prévues par la législation italienne et les traités ratifiés par la République italienne. Cette possibilité était toutefois assortie d’une obligation de vérification de la conformité du prix de vente des actifs par rapport au prix du marché par un expert indépendant nommé par le ministre du Développement économique italien.

14      Après qu’Alitalia a été placée sous administration extraordinaire, Compagnia Aerea Italiana SpA (ci-après «CAI»), un consortium d’investisseurs, a présenté, le 1er septembre 2008, une offre liminaire non définitive pour l’acquisition de certains actifs des sociétés du groupe dont faisait partie Alitalia (ci-après le «groupe Alitalia»), subordonnée à l’accord des organisations syndicales sur le recrutement d’anciens membres du personnel dudit groupe à de nouvelles conditions de travail.

15      Conformément au décret-loi n° 134, une banque a été nommée en tant qu’expert indépendant afin de vérifier la conformité du prix de vente des actifs par rapport au prix du marché. Un comité de surveillance a été institué, ayant pour fonction, notamment, de donner son accord sur les cessions d’actifs proposées par le commissaire extraordinaire.

16      Le 14 septembre 2008, à la suite de l’échec des négociations avec les organisations syndicales, CAI a retiré son offre liminaire. Le lendemain, la procédure d’administration extraordinaire a été étendue à l’ensemble du groupe Alitalia. Le 22 septembre 2008, le commissaire extraordinaire a lancé un appel à manifestation d’intérêt pour la reprise de la totalité des actifs du groupe Alitalia (ci-après l’«appel à manifestation d’intérêt»). Le 25 septembre 2008, CAI a réitéré son offre aux mêmes conditions.

17      Le 2 octobre 2008, Ryanair a saisi la Commission d’une troisième plainte concernant l’adoption du décret-loi nº 134 et d’autres mesures relatives à la vente des actifs du groupe Alitalia.

18      Par lettre du 14 octobre 2008, les autorités italiennes ont notifié à la Commission le processus de vente des actifs du groupe Alitalia, tout en lui demandant, pour des motifs de sécurité juridique, de confirmer, d’une part, que la procédure d’administration extraordinaire n’impliquait pas l’octroi d’aides d’État aux acquéreurs et, d’autre part, que l’acquisition éventuelle par des parties tierces de certains actifs du groupe Alitalia, sur la base d’une offre déjà formulée, n’impliquait pas des éléments de continuité économique avec l’entreprise placée sous administration extraordinaire de nature à induire le transfert des dettes d’Alitalia vers l’acquéreur, et notamment l’obligation de récupération des aides d’État illégales et incompatibles octroyées à Alitalia.

19      Par lettre du 30 octobre 2008, Ryanair a saisi la Commission d’une plainte complémentaire, dénonçant l’augmentation de la taxe municipale d’embarquement pour chaque passager au départ d’aéroports italiens à 3 euros, dans le but, selon elle, pour les autorités italiennes, de financer le versement d’indemnités de licenciement aux anciens employés d’Alitalia, ainsi qu’un prétendu conflit d’intérêt dévoilé par la presse entre certains actionnaires de CAI et certains actionnaires de l’expert indépendant, qui seraient identiques.

20      Le 31 octobre 2008, CAI a présenté au commissaire extraordinaire une offre ferme pour le rachat de certains actifs relatifs à l’activité de transport aérien de passagers d’Alitalia. Cette offre a été transmise à la Commission par les autorités italiennes le 3 novembre 2008.

21      Par la première décision litigieuse, la Commission a déclaré que le prêt consenti à Alitalia par la République italienne constituait une aide d’État illégale et incompatible avec le marché commun et a ordonné sa récupération auprès de son bénéficiaire.

22      Par la seconde décision litigieuse, adoptée à l’issue d’une phase liminaire d’examen, au titre de l’article 88, paragraphe 3, CE, la Commission a déclaré que la mesure notifiée, telle que modifiée par les engagements pris par les autorités italiennes et définis dans cette décision, n’impliquait pas l’octroi d’aides d’État aux acquéreurs, sous réserve du respect intégral par la République italienne desdits engagements, permettant de garantir que la vente des actifs du groupe Alitalia serait réalisée au prix du marché. Ces engagements consistent en l’absence d’intervention du ministre compétent dans l’action du commissaire extraordinaire, l’appréciation des offres sur la base du prix, l’appréciation des offres d’une manière qui garantisse que le prix ne se trouve pas en dessous du prix du marché et la nomination d’un mandataire chargé de la surveillance.

 La procédure devant le Tribunal et l’arrêt attaqué

23      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 28 mars 2009, Ryanair a introduit un recours tendant à l’annulation partielle de la première décision litigieuse et à l’annulation de la seconde décision litigieuse.

24      Dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 64 de son règlement de procédure, le Tribunal a posé, par écrit, des questions aux parties, auxquelles celles-ci ont répondu dans le délai imparti.

25      Par ordonnances des 16 septembre et 19 octobre 2009, la République italienne et Alitalia – Compagnia Aerea Italiana SpA (ci-après «Alitalia-CAI») ont été autorisées à intervenir. Les parties ont été entendues lors de l’audience du 30 juin 2011.

26      Ryanair a, d’une part, soulevé sept moyens à l’appui de son recours en ce qu’il vise l’annulation de la seconde décision litigieuse.

27      Le premier moyen était tiré du défaut d’ouverture de la procédure formelle d’examen prévue à l’article 88, paragraphe 2, CE, en dépit des difficultés sérieuses prétendument rencontrées par la Commission. Par son deuxième moyen, Ryanair invoquait l’incompétence de la Commission pour adopter la seconde décision litigieuse. Le troisième moyen était tiré d’une erreur manifeste d’appréciation du fait de la prétendue absence d’examen par la Commission de l’ensemble des caractéristiques pertinentes des mesures litigieuses dans leur contexte et d’une violation de l’obligation de motivation par la Commission. Le quatrième moyen était tiré d’une erreur de droit, la Commission ayant prétendument ignoré les options autres que la vente des actifs du groupe Alitalia, et d’une violation de l’obligation de motivation par la Commission, eu égard à l’absence de justification de cette omission. Le cinquième moyen était tiré d’un défaut d’application du critère de l’investisseur privé opérant dans les conditions normales d’une économie de marché (ci-après le «principe de l’investisseur privé») à la vente des actifs du groupe Alitalia. Par son sixième moyen, Ryanair faisait valoir une erreur d’identification de la partie devant rembourser l’aide. Enfin, le septième moyen était tiré d’une violation de l’obligation de motivation en ce qui concerne, notamment, les aspects lacunaires de l’examen de la Commission invoqués par la requérante dans le cadre des troisième et quatrième moyens.

28      D’autre part, Ryanair a soulevé un moyen visant à l’annulation partielle de la première décision litigieuse, tiré d’une violation du principe de bonne administration ainsi que de l’article 14, paragraphe 3, du règlement n° 659/1999.

29      Par l’arrêt attaqué, le Tribunal, tout en estimant la demande d’annulation de la seconde décision litigieuse recevable, l’a rejetée sur le fond. Il a ensuite rejeté comme étant irrecevable la demande tendant à l’annulation de la première décision litigieuse.

 Sur la demande d’annulation de la seconde décision litigieuse

30      S’agissant de la recevabilité de la demande d’annulation de la seconde décision litigieuse, le Tribunal, se référant à l’arrêt du 24 mai 2011, Commission/Kronoply et Kronotex (C-83/09 P, Rec. p. I‑4441), a relevé, aux points 63 à 73 de l’arrêt attaqué, que toute partie intéressée au sens de l’article 1er, sous h), du règlement n° 659/1999, doit être considérée comme directement et individuellement concernée par une décision de ne pas soulever d’objections, fondée sur l’article 4, paragraphe 3, de ce règlement. Le Tribunal a constaté à cet égard que Ryanair et Alitalia sont concurrentes sur les marchés italien et international de transport aérien de passagers et, partant, que ce recours est recevable, sans qu’il soit nécessaire d’examiner les arguments de la requérante qui sont relatifs à l’atteinte substantielle portée à sa position concurrentielle par la mesure notifiée. Concernant l’objet du contrôle, le Tribunal a constaté, aux points 80 et 81 de l’arrêt attaqué, qu’il convenait d’examiner l’ensemble des moyens soulevés par Ryanair visant à l’annulation de la seconde décision litigieuse, afin d’apprécier, notamment, s’ils permettaient d’identifier des difficultés sérieuses en présence desquelles la Commission aurait été tenue d’ouvrir la procédure formelle d’examen prévue à l’article 88, paragraphe 2, CE.

31      Sur le fond, le Tribunal a tout d’abord rejeté le deuxième moyen soulevé par Ryanair, tiré de l’incompétence de la Commission pour adopter une décision conditionnelle après un examen liminaire. Le Tribunal a relevé, aux points 94 à 97 de l’arrêt attaqué, que l’article 7, paragraphe 4, du règlement n° 659/1999 n’était pas applicable en l’espèce dès lors que la Commission a conclu que la mesure notifiée ne constituait pas une aide d’État et que, dès lors, la seconde décision litigieuse pouvait être qualifiée non pas de décision conditionnelle, au sens de ladite disposition, ou de décision qui impose des modifications au projet notifié, mais de décision qui tient compte des engagements pris volontairement par l’État membre concerné lors de la phase de notification de la mesure litigieuse afin de clarifier certains points. Le Tribunal en a conclu que ces engagements font partie intégrante de la mesure notifiée.

32      Le Tribunal a ensuite examiné les moyens tirés de la violation de l’obligation d’ouvrir la procédure formelle d’examen afin de déterminer si, en l’espèce, l’examen effectué par la Commission était de nature à écarter la présence de difficultés sérieuses.

33      Ainsi, le Tribunal a, premièrement, rejeté les arguments soulevés dans le cadre du troisième moyen, tiré de l’absence d’examen par la Commission de toutes les caractéristiques pertinentes des mesures litigieuses dans leur contexte. Le Tribunal a considéré qu’il ne saurait être reproché à la Commission d’avoir mené un examen insuffisant ou incomplet lors de la phase liminaire d’examen quant aux règles dérogeant au droit commun en matière de faillite ou quant aux réductions de charges et aux autres avantages prétendument accordés par la législation italienne à CAI, dès lors que ces mesures n’étaient pas pertinentes.

34      Deuxièmement, le Tribunal a rejeté les arguments formulés dans le cadre du quatrième moyen, tiré du défaut d’examen d’options autres que la vente des actifs du groupe Alitalia. Il a considéré, d’une part, que la Commission a fait application du principe de l’investisseur privé en concluant que la vente de ces actifs est intervenue au prix du marché et, d’autre part, que cette institution a vérifié que cette vente avait comme objectif la maximisation de la valeur desdits actifs, dans l’intérêt des créanciers d’Alitalia et, partant, que le comportement des autorités publiques était guidé par des perspectives de rentabilité à long terme. Le Tribunal a également constaté que, la Commission ayant obtenu la conviction que la vente de ces mêmes actifs se ferait au prix du marché, elle n’avait aucune obligation d’examiner les options autres que la procédure choisie.

35      Troisièmement, le Tribunal a rejeté le cinquième moyen, tiré du défaut d’application à la vente des actifs du groupe Alitalia du critère de l’investisseur privé.

36      D’une part, le Tribunal a relevé que la vente des actifs du groupe Alitalia n’a soulevé aucune question ayant trait à la notion d’obligation de service public et que le critère de la continuité du service était secondaire par rapport à celui du prix. Il a relevé que certaines des 60 offres en réponse à l’appel à manifestation d’intérêt, et notamment celle de CAI, ont été soumises avant même la publication de cet appel, démontrant ainsi que la présence de la condition de la continuité du service dans ce dernier n’a pas été déterminante pour ces offres. Le Tribunal a affirmé que la Commission avait pris en compte le critère de la continuité du service dans un souci de maximisation de la valeur des actifs concernés par la cession, dans le but d’obtenir un prix de cession plus élevé dans l’intérêt des créanciers d’Alitalia et non dans une logique de continuité de l’activité d’un service public.

37      Le Tribunal a relevé, d’autre part, que la Commission avait vérifié que l’appel à manifestation d’intérêt ne contenait aucune clause discriminatoire fondée sur la nationalité et que cette institution avait vérifié que l’offre avait fait l’objet d’une évaluation indépendante, afin de s’assurer que le prix proposé n’était pas inférieur au prix du marché. Le Tribunal a en outre constaté que CAI n’a repris qu’une partie du personnel d’Alitalia, engagé sur la base de conditions et de contrats de travail entièrement nouveaux.

38      Quatrièmement, le Tribunal a rejeté les arguments formulés dans le cadre du sixième moyen, tiré d’une erreur d’identification de la partie devant rembourser l’aide. Il a relevé que la Commission a conclu que la procédure de vente d’actifs n’impliquait pas de continuité économique entre Alitalia et CAI, en l’absence d’identité entre les actionnaires de ces compagnies et puisque CAI ne reprendrait que certains actifs afférents à l’activité de transport de passagers d’Alitalia, qu’elle poursuivait sa propre stratégie d’entreprise et qu’aucun transfert automatique des contrats de travail n’aurait lieu entre ces deux sociétés.

39      Cinquièmement, le Tribunal a rejeté les arguments formulés dans le cadre du premier moyen, tiré du défaut d’ouverture d’une procédure formelle d’examen. Il a constaté que la durée de la phase liminaire d’examen était raisonnable et que les engagements intégrés dans la seconde décision litigieuse prouvent que la Commission a pris les précautions nécessaires tant pour contrôler le respect desdits engagements que pour tirer les conséquences de leur inobservation éventuelle puisque, à défaut, elle s’est réservé le droit d’ouvrir la procédure formelle d’examen.

40      Enfin, le Tribunal a, aux points 176 à 182 de l’arrêt attaqué, examiné et rejeté les moyens tirés de la violation de l’obligation de motivation de la seconde décision litigieuse en ce qui concerne la présence de certains actionnaires de l’expert dans le capital de CAI.

41      Le Tribunal a conclu que la demande d’annulation de la seconde décision litigieuse devait être rejetée dans son ensemble.

 Sur la demande d’annulation de la première décision litigieuse

42      Le Tribunal a relevé, au point 197 de l’arrêt attaqué, que Ryanair n’avait pas démontré que le fait d’ordonner la récupération immédiate de l’aide auprès d’Alitalia et non auprès de CAI a eu pour effet d’affecter substantiellement sa position concurrentielle ni que le délai accordé par la Commission à la République italienne, lequel aurait prétendument permis de contourner l’obligation de récupération auprès de son bénéficiaire, affecterait ses intérêts. Il a considéré que Ryanair n’avait pas non plus démontré que le fait de ne pas avoir ordonné la suspension de l’aide l’aurait affectée. Le Tribunal en a conclu que Ryanair n’avait pas démontré être individuellement concernée par la première décision litigieuse.

43      Le recours a donc été rejeté dans son ensemble.

 Les conclusions des parties

44      Par son pourvoi, Ryanair demande à la Cour:

–        d’annuler l’arrêt attaqué;

–         de statuer définitivement sur le litige, conformément à l’article 61 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, ou, s’il est considéré que le litige n’est pas en état d’être jugé, de renvoyer l’affaire devant le Tribunal pour qu’il statue, et

–        de condamner la Commission aux dépens.

45      La Commission demande à la Cour de rejeter le pourvoi et de condamner Ryanair aux dépens.

46      Alitalia-CAI conclut au rejet du pourvoi comme étant entièrement ou partiellement irrecevable et, en tout état de cause, dénué de fondement ainsi qu’à la condamnation de Ryanair aux dépens.

47      La République italienne conclut au rejet du pourvoi comme étant irrecevable ou, à titre subsidiaire, comme étant infondé et à la condamnation de Ryanair aux dépens.

 Sur le pourvoi

48      À l’appui de son pourvoi, Ryanair soulève, d’une part, six moyens concernant sa demande d’annulation de la seconde décision litigieuse. Le premier moyen est tiré d’une erreur de droit commise par le Tribunal dans l’examen de la recevabilité du recours. Par son deuxième moyen, Ryanair fait valoir que le Tribunal a commis une erreur de motivation et une erreur de droit en omettant de sanctionner l’incompétence de la Commission pour adopter une décision conditionnelle. Le troisième moyen est tiré d’une erreur de droit en ce que le Tribunal aurait omis d’examiner toutes les caractéristiques pertinentes de la mesure notifiée. Le quatrième moyen est tiré d’une erreur de motivation et d’une erreur de droit que le Tribunal aurait commises en n’examinant pas les possibilités autres que la mesure notifiée. Le cinquième moyen est relatif à une erreur de droit dans l’application du principe de l’investisseur privé. Le sixième moyen est tiré d’une dénaturation des éléments de preuve et d’une erreur commise par le Tribunal en ce qu’il n’a pas considéré que CAI était le successeur économique d’Alitalia.

49      D’autre part, Ryanair soulève un septième moyen, tiré d’un défaut de motivation, en ce qui concerne la demande d’annulation de la première décision litigieuse.

 Sur le premier moyen, tiré d’une erreur de droit dans l’examen de la recevabilité de la demande d’annulation de la seconde décision litigieuse

 Argumentation des parties

50      Par son premier moyen, Ryanair reproche au Tribunal d’avoir procédé à une appréciation erronée de la recevabilité de son recours en tant qu’il est dirigé contre la seconde décision litigieuse en n’ayant pas examiné si sa position concurrentielle était substantiellement affectée par cette décision. Elle soutient, en effet, que le Tribunal a ainsi redéfini l’objet de son recours et réduit la portée de son contrôle de la légalité de cette décision.

51      La Commission soutient que le premier moyen est inopérant. Le Tribunal n’aurait nullement restreint la portée du recours et son approche, conforme à l’arrêt Commission/Kronoply et Kronotex, précité, serait plus favorable à Ryanair que s’il avait examiné si la seconde décision litigieuse devait être annulée sur le fond. En effet, tous ses arguments concernant le bien-fondé de cette décision ont pu être examinés sans qu’elle ait à démontrer qu’elle avait qualité pour les invoquer, au motif que sa requête contenait un «lien» avec la protection de ses droits procéduraux en sa qualité de partie intéressée.

52      Alitalia-CAI considère que ledit moyen doit être déclaré irrecevable. Le Tribunal, en rejetant les exceptions d’irrecevabilité avancées par la Commission et Alitalia-CAI, a statué en faveur de Ryanair et, partant, celle-ci n’aurait pas d’intérêt à agir à cet égard. En outre, le niveau de preuve exigé pour contester une décision de ne pas soulever d’objections serait inférieur à celui qui aurait pu être exigé en cas d’appréciation au fond en vertu de l’article 87 CE.

53      La République italienne, se fondant sur l’arrêt Commission/Kronoply et Kronotex, précité, fait valoir que le premier moyen est non fondé car l’objet du recours demeurait la protection de ses droits procéduraux. En tout état de cause, les arguments avancés par Ryanair aux points 46 à 109 de sa requête en première instance ayant fait l’objet d’un examen approfondi aux points 99 à 187 de l’arrêt attaqué, le refus d’examiner si la mesure notifiée avait substantiellement affecté sa position sur le marché n’aurait produit aucun effet concret sur la portée des constatations du Tribunal. Selon cet État membre, Ryanair fait une lecture erronée des points 129 et 130 de l’arrêt attaqué. Par ailleurs, les points 131 à 137 de cet arrêt prouveraient à titre surabondant que le Tribunal s’est livré à un véritable examen au fond de la seconde décision litigieuse. La République italienne ajoute que Ryanair n’a jamais démontré avoir subi des conséquences immédiates et directes sur sa situation concurrentielle du fait de cette décision.

 Appréciation de la Cour

54      Contrairement à ce que soutient Ryanair, le Tribunal n’a pas méconnu ses arguments visant à contester au fond la seconde décision litigieuse ni procédé à une redéfinition artificielle de l’objet du recours en un recours visant exclusivement à protéger ses droits procéduraux.

55      Au point 64 de l’arrêt attaqué, le Tribunal, se référant au point 48 de l’arrêt Commission/Kronoply et Kronotex, précité, a rappelé que la qualité particulière de partie intéressée au sens de l’article 1er, sous h), du règlement n° 659/1999, liée à l’objet spécifique du recours, suffit pour individualiser, selon l’article 230, quatrième alinéa, CE, le requérant qui conteste une décision de ne pas soulever d’objections. Partant, il s’est borné, aux fins de l’examen de la recevabilité du recours, à examiner, aux points 70 à 73 de l’arrêt attaqué, si Ryanair avait établi à suffisance de droit qu’elle était une partie intéressée.

56      Certes, outre le moyen visant à sauvegarder ses droits procéduraux tirés de l’article 88, paragraphe 2, CE, Ryanair invoquait également des moyens explicitement liés au bien-fondé de la seconde décision litigieuse.

57      Toutefois, il ressort du point 81 de l’arrêt attaqué que le Tribunal a examiné l’ensemble des moyens soulevés par la requérante visant à l’annulation de la seconde décision litigieuse, afin d’apprécier, notamment, s’ils permettent d’identifier des difficultés sérieuses en présence desquelles la Commission aurait été tenue d’ouvrir la procédure formelle d’examen prévue à l’article 88, paragraphe 2, CE. Dans ce but, le Tribunal a examiné les arguments de fond présentés par Ryanair, afin de vérifier si ces arguments étaient de nature à conforter le moyen expressément formé par Ryanair concernant l’existence de difficultés sérieuses justifiant l’ouverture de la procédure visée à cette disposition.

58      Le Tribunal a d’ailleurs constaté, au point 83 de l’arrêt attaqué, que, dans le cadre du premier moyen, la requérante invoquait dix erreurs qui entacheraient l’examen de la Commission et que, dans la mesure où ces prétendues erreurs ou lacunes se rattachent aux autres moyens soulevés dans le recours en première instance, il conviendrait de les examiner dans le cadre de l’appréciation relative à ceux-ci.

59      À cet égard, il ne saurait être valablement soutenu que, ce faisant, le Tribunal a modifié l’objet de la demande d’annulation de la seconde décision litigieuse.

60      En effet, lorsqu’un requérant demande l’annulation d’une décision de ne pas soulever d’objections, il met en cause essentiellement le fait que la décision prise par la Commission à l’égard de l’aide en cause a été adoptée sans que cette institution ouvre la procédure formelle d’examen, violant par là même ses droits procéduraux. Afin qu’il soit fait droit à sa demande d’annulation, le requérant peut invoquer tout moyen de nature à démontrer que l’appréciation des informations et des éléments dont la Commission dispose, lors de la phase liminaire d’examen de la mesure notifiée, aurait dû susciter des doutes quant à sa compatibilité avec le marché commun. L’utilisation de tels arguments ne saurait pour autant avoir pour conséquence de transformer l’objet du recours ni d’en modifier les conditions de recevabilité. Au contraire, l’existence de doutes sur cette compatibilité est précisément la preuve qui doit être apportée pour démontrer que la Commission était tenue d’ouvrir la procédure formelle d’examen visée à l’article 88, paragraphe 2, CE ainsi qu’à l’article 6, paragraphe 1, du règlement n° 659/1999 (arrêt Commission/Kronoply et Kronotex, précité, point 59).

61      En tout état de cause, il y a lieu de constater que les arguments avancés par Ryanair aux points 46 à 109 de sa requête en première instance ont fait l’objet d’un examen approfondi aux points 99 à 187 de l’arrêt attaqué.

62      Par conséquent, le premier moyen du pourvoi doit être rejeté comme étant non fondé.

 Sur le deuxième moyen, tiré du défaut de sanction de l’incompétence de la Commission pour adopter, sur le fondement de l’article 4, paragraphe 2, du règlement n° 659/1999, une décision conditionnelle

 Argumentation des parties

63      Ryanair fait valoir que le Tribunal n’a pas examiné son argument selon lequel des obligations et des mécanismes de contrôle ne pouvaient être ajoutés à une mesure au terme d’un examen liminaire. En constatant l’inapplicabilité de l’article 7, paragraphe 4, du règlement n° 659/1999, le Tribunal aurait en outre fourni une motivation inadéquate. Il aurait commis une erreur dans la définition juridique des preuves et violé le droit applicable car les engagements en question seraient des conditions qui compliquent le contrôle de la mesure notifiée et justifient un examen approfondi de cette dernière, ainsi que le prévoit cette disposition. Légitimer ainsi une pratique nouvelle de la Commission constituerait une violation de l’article 58 du statut de la Cour. Selon Ryanair, ces engagements causent un déplacement majeur des critères de sélection vers le prix. L’appel à manifestation d’intérêt aurait mis l’accent sur d’autres critères, à savoir être en mesure de garantir la continuité du service de transport à moyen terme, la rapidité de la transaction et respecter les exigences fixées par le droit italien. À titre subsidiaire, Ryanair qualifie lesdits engagements de modifications apportées par l’État membre du type de celles visées à l’article 7, paragraphes 2 et 3, du règlement n° 659/1999.

64      La Commission rétorque qu’un État membre notifiant est habilité à lui proposer des engagements qui expliquent comment la mesure notifiée doit être comprise ou appliquée. Le point de vue de Ryanair serait excessivement rigide, formaliste et contraire au principe de bonne administration. Il impliquerait en outre que la Commission serait tenue, dans de nombreux cas, d’ouvrir des procédures formelles d’examen sans fondement sérieux.

65      Selon Alitalia-CAI, le deuxième moyen est non fondé. Le dialogue entre les autorités nationales et la Commission après la notification de la mesure en cause serait habituel et conforme à l’État de droit puisqu’il est une expression du principe de la coopération loyale. Ce processus garantirait que la Commission reçoive toutes les assurances nécessaires afin d’exclure que les mesures notifiées, telles qu’éventuellement clarifiées et intégrées, puissent soulever des doutes quant à leur nature et à leur compatibilité. Ce moyen serait en outre irrecevable car Ryanair demande à la Cour de réexaminer si des faits présentés par les autorités nationales durant l’enquête liminaire peuvent être considérés comme des modifications significatives de la mesure notifiée et donc comme des «conditions» au sens de l’article 7, paragraphe 4, du règlement n° 659/1999.

66      La République italienne ajoute à ces considérations que l’appel d’offre indiquait que le prix de cession ne pourrait être inférieur au prix du marché établi par un expert indépendant. Il aurait été ensuite renvoyé, à titre secondaire, aux trois critères invoqués par Ryanair. En outre, l’argument selon lequel les engagements en cause étaient des modifications substantielles serait nouveau.

 Appréciation de la Cour

67      À titre liminaire, il y a lieu de constater que la Commission ayant conclu, par la seconde décision litigieuse, à l’absence d’aide, c’est à bon droit que le Tribunal a considéré, au point 95 de l’arrêt attaqué, que la seconde décision litigieuse ne peut être qualifiée de décision conditionnelle, au sens de l’article 7, paragraphe 4, du règlement n° 659/1999, mais que, en revanche, elle peut être qualifiée de «décision tenant compte des engagements comportementaux pris volontairement par l’État lors de la phase de notification de la mesure litigieuse afin de clarifier certains points» et que, dès lors, lesdits engagements font partie intégrante de la mesure notifiée.

68      En outre, pour déterminer si un acte de la Commission en matière d’aides d’État constitue une décision au titre de l’article 4 du règlement n° 659/1999, il convient de vérifier si, compte tenu de la substance de celui-ci et de l’intention de la Commission, cette institution a définitivement fixé, par l’acte examiné, au terme de la phase liminaire d’examen, sa position sur la mesure dénoncée (voir arrêt du 17 juillet 2008, Athinaïki Techniki/Commission, C-521/06 P, Rec. p. I‑5829, point 46).

69      En l’occurrence, il y a lieu d’observer que la seconde décision litigieuse contient une telle prise de position définitive. En effet, il y a été constaté, au terme d’un examen des circonstances de l’espèce, ainsi que le Tribunal l’a relevé au point 94 de l’arrêt attaqué, que la Commission a conclu que la mesure notifiée, compte tenu des engagements pris par la République italienne, ne constitue pas une aide d’État et n’entre donc pas dans le champ d’application de l’article 87, paragraphe 1, CE. La Commission a ainsi clairement pris position en ce sens que, selon elle, la mesure notifiée, telle que précisée dans ses observations complémentaires, n’était pas constitutive d’une aide d’État. Par conséquent, il convient de qualifier la seconde décision litigieuse de décision adoptée au titre de l’article 4, paragraphe 2, du règlement n° 659/1999, aux termes duquel, «[s]i la Commission constate, après un examen liminaire, que la mesure notifiée ne constitue pas une aide, elle le fait savoir par voie de décision».

70      C’est donc à juste titre que le Tribunal a constaté, aux points 94 et 95 de l’arrêt attaqué, que l’article 7, paragraphe 4, du règlement n° 659/1999 n’était pas applicable en l’espèce et qu’il s’ensuit que la seconde décision litigieuse ne peut être qualifiée de décision conditionnelle, au sens de cette disposition, imposant des conditions ou des obligations à l’État membre, ni de décision qui impose des modifications au projet notifié, ainsi que l’a fait valoir Ryanair.

71      Il y a lieu de relever, en outre, que les décisions adoptées sans ouverture de la procédure formelle d’examen sont des actes intervenant à l’issue d’un examen sommaire, conduit dans un laps de temps réduit et, dans la plupart des cas, dans le cadre d’un dialogue exclusif entre la Commission et l’État membre intéressé. En effet, conformément à la finalité de l’article 88, paragraphe 3, CE et au devoir de bonne administration qui lui incombe, la Commission peut, notamment, engager un dialogue avec l’État notifiant ou des tiers afin de surmonter, au cours de la procédure liminaire, des difficultés éventuellement rencontrées. Or, ainsi que le Tribunal l’a relevé au point 78 de l’arrêt attaqué, cette faculté présuppose que la Commission puisse adapter sa position en fonction des résultats du dialogue engagé, sans que cette adaptation doive être a priori interprétée comme établissant l’existence de difficultés sérieuses.

72      Par conséquent, le Tribunal a pu conclure, à bon droit, au point 96 de l’arrêt attaqué, que la Commission a pu légalement adopter, sur le fondement de l’article 4, paragraphe 2, du règlement n° 659/1999, une décision, telle que la seconde décision litigieuse, par laquelle, tout en constatant l’absence d’une aide d’État, elle prend acte des engagements pris par l’État membre.

73      Le deuxième moyen doit, par conséquent, être rejeté comme étant non fondé.

 Sur le troisième moyen, tiré de ce que le Tribunal aurait omis d’examiner toutes les caractéristiques pertinentes de la mesure notifiée

 Argumentation des parties

74      Par son troisième moyen, Ryanair fait valoir, en substance, premièrement, que la motivation du point 114 de l’arrêt attaqué est «affectée d’un défaut de logique» en ce que le Tribunal n’a pas pris en compte la circonstance que la République italienne a donné certaines assurances aux syndicats au moyen des mesures sociales introduites par le décret-loi n° 134. Cette intervention aurait incité CAI à réitérer son offre. Deuxièmement, certains aspects de ce décret-loi n’auraient pas été examinés par la Commission dans la seconde décision litigieuse ni par le Tribunal dans l’arrêt attaqué, ce qui constituerait un défaut de motivation. Troisièmement, le Tribunal aurait commis une erreur de droit en ce qu’il n’a pas constaté que la Commission a violé l’article 10 du règlement n° 659/1999, selon lequel, «[l]orsque la Commission a en sa possession des informations concernant une aide prétendue illégale, quelle qu’en soit la source, elle examine ces informations sans délai», en n’ayant pas examiné les informations relatives à une aide d’État illégale.

75      La Commission rétorque que le premier argument repose sur une interprétation erronée du point 114 de l’arrêt attaqué et que Ryanair n’a pas démontré une dénaturation des éléments de preuve. La Commission souligne que, aux points 105 à 116 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a répondu à l’allégation selon laquelle les aspects du décret-loi n° 134 invoqués par Ryanair concernaient la procédure d’administration extraordinaire, ce décret-loi et les dispositions légales en matière de chômage et de sécurité sociale. Cette institution considère que le Tribunal n’avait par ailleurs aucune obligation d’examiner l’aide prétendument illégale accordée à Alitalia dans le contexte de la seconde décision litigieuse. Étant donné qu’il a été jugé que la vente des actifs du groupe Alitalia ne comportait aucune aide et qu’aucune continuité n’existait entre Alitalia et CAI, cette dernière n’aurait pas pu bénéficier d’une aide que ledit décret-loi aurait pu octroyer à Alitalia.

76      Alitalia-CAI relève, premièrement, que le raisonnement de Ryanair concernant son premier argument repose sur des suppositions. En outre, la circonstance que CAI ait soumis de nouveau la même offre prouverait que les négociations avec les syndicats n’ont pas eu d’effet sur les conditions de la vente. Deuxièmement, Alitalia-CAI fait valoir que les aspects invoqués par Ryanair n’avaient pas été avancés par celle-ci durant la phase d’enquête liminaire et que, en tout état de cause, les prétendus avantages auraient concerné Alitalia et non CAI. Troisièmement, Alitalia-CAI conteste toute violation de l’article 10 du règlement n° 659/1999 puisque la Commission se concentrait à juste titre sur la mesure notifiée. En tout état de cause, le troisième moyen ferait référence à une aide potentielle alléguée qui n’affecterait pas l’étendue de la seconde décision litigieuse.

77      La République italienne souligne, premièrement, que CAI n’avait aucune obligation d’engager les employés d’Alitalia et que ceux qu’elle engagerait signeraient de nouveaux contrats. Par ailleurs, le décret-loi n° 134 était déjà en vigueur lorsque l’offre a été présentée pour la première fois et cela n’aurait empêché ni l’échec des négociations avec les syndicats ni la soumission ultérieure d’une offre identique. Le deuxième argument de Ryanair serait manifestement irrecevable puisqu’elle n’avait jamais mis en cause l’article 3 du décret-loi n° 134 auparavant. Il serait, en tout état de cause, dépourvu de fondement car les mesures qu’il prévoit ne concernaient pas CAI. Le troisième argument serait irrecevable car il ne contiendrait aucun élément portant spécifiquement sur les appréciations du Tribunal.

 Appréciation de la Cour

78      Par la première branche de son troisième moyen, Ryanair cherche en réalité à remettre en cause l’appréciation des éléments de fait et de preuve. Or, conformément aux articles 256, paragraphe 1, TFUE et 58, premier alinéa, du statut de la Cour, le pourvoi est limité aux questions de droit. Le Tribunal est, dès lors, seul compétent pour constater et apprécier les faits pertinents ainsi que pour apprécier les éléments de preuve, sous réserve du cas de la dénaturation de ces faits et de ces éléments de preuve (arrêt du 28 juillet 2011, Mediaset/Commission, C‑403/10 P, point 73 et jurisprudence citée).

79      S’agissant de la deuxième branche du troisième moyen, force est de constater que les arguments invoqués par Ryanair visent en réalité à obtenir de la Cour qu’elle substitue son appréciation des faits à celle du Tribunal. Conformément à ce qui a été rappelé au point précédent, de tels arguments doivent être considérés comme irrecevables. Dans ces conditions, l’argument de Ryanair tiré d’un défaut de motivation ne saurait être accueilli.

80      La troisième branche du troisième moyen ne saurait davantage être accueillie. En effet, sur le fondement des constatations effectuées aux points 112 et 113 de l’arrêt attaqué, qui ne sont pas contestées par Ryanair dans le cadre du présent pourvoi, le Tribunal a conclu, au point 115 de cet arrêt, que, en ce qui concerne les circonstances entourant l’adoption des amendements à la procédure d’administration extraordinaire, il ne saurait être reproché à la Commission d’avoir mené un examen insuffisant ou incomplet lors de la phase liminaire d’examen quant aux réductions de charges et aux autres avantages prétendument accordés par la législation italienne à CAI, dès lors que ces mesures n’étaient pas pertinentes pour la question de savoir si un avantage avait pu être accordé à l’acquéreur des actifs du groupe Alitalia. Dans ces conditions, il ne saurait être reproché au Tribunal d’avoir violé l’article 10 du règlement n° 659/1999.

81      Le troisième moyen doit, par conséquent, être rejeté comme étant partiellement irrecevable et partiellement non fondé.

 Sur le quatrième moyen, tiré de l’absence d’examen des options autres que la mesure notifiée

 Argumentation des parties

82      Par son quatrième moyen, Ryanair considère, premièrement, comme erronée la motivation figurant au point 120 de l’arrêt attaqué, en ce qu’elle assimilerait la maximisation de la valeur des actifs dans l’intérêt des créanciers d’Alitalia et l’«objectif d’assurer la rentabilité à long terme d’une entreprise détenue par les autorités publiques». Deuxièmement, le Tribunal aurait violé le droit de l’Union en ne tenant pas compte des possibilités autres que la mesure notifiée et aurait, au point 123 de l’arrêt attaqué, considéré à tort qu’il s’agissait d’une simple question de preuve. Troisièmement, les preuves de l’existence de solutions de rechange auraient été à la disposition de la Commission lors de l’adoption de la seconde décision litigieuse, principalement en vertu du décret-loi n° 134 et des plaintes de Ryanair. Quatrièmement, le Tribunal aurait violé l’article 10 du règlement n° 659/1999 en n’ayant pas sanctionné l’absence d’indication, dans la seconde décision litigieuse, des raisons pour lesquelles les options autres que la mesure notifiée n’ont pas été examinées.

83      Selon la Commission, le premier argument est fondé sur une interprétation erronée du point 120 de l’arrêt attaqué, qui mentionne en réalité «le comportement des autorités publiques [...] guidé par des perspectives de rentabilité à long terme». En toute hypothèse, cet argument serait inopérant en raison des deux autres motifs exposés au même point. Cette institution réfute le deuxième argument et considère que, en l’absence de tout avantage pour CAI, celle-ci ayant acquis les actifs du groupe Alitalia à leur valeur de marché, la Commission était tenue de conclure que le prix d’achat ne comporte pas d’aide. Le troisième argument serait manifestement irrecevable car Ryanair ne relèverait aucune erreur de droit et se bornerait à répéter ce qu’elle considère comme étant des manquements de la part de la Commission. Le quatrième argument serait inopérant car, en l’absence d’obligation d’examiner des options autres que la mesure notifiée, il serait indifférent qu’il existe ou non des preuves de l’existence de telles options.

84      Alitalia-CAI fait valoir que le premier argument est irrecevable car il constitue une répétition d’éléments factuels, à savoir les prétendues options à la mesure notifiée. Cet argument serait en outre non fondé car la seule question juridique pertinente en l’occurrence serait la cohérence de l’examen par le Tribunal de l’évaluation faite par la Commission quant à la mesure notifiée à la lumière du principe de l’investisseur privé. En outre, les options évoquées par Ryanair seraient inexistantes ou irréalistes.

85      La République italienne ne voit aucune incompatibilité entre la vente des actifs d’une entreprise au meilleur prix, d’une part, et les perspectives à long terme, d’autre part, et souligne à cet égard que les autorités italiennes avaient l’intention de vendre les actifs d’Alitalia non pas à un «prix de faillite», mais au prix du marché. Dans ce contexte, la Commission n’avait pas de raison d’examiner d’autres options, d’autant plus que Ryanair ne lui en aurait pas soumis. Les options suggérées à présent ne seraient d’ailleurs que des hypothèses théoriques et dépourvues de rationalité économique.

 Appréciation de la Cour

86      S’agissant de l’argument de Ryanair selon lequel le point 120 de l’arrêt attaqué comporte une erreur de motivation, il suffit de relever qu’il est dirigé contre un motif surabondant de l’arrêt attaqué. Or, des griefs dirigés contre des motifs surabondants d’un arrêt du Tribunal doivent être rejetés d’emblée, puisque ceux-ci ne sauraient entraîner son annulation (voir, notamment, arrêt du 21 mars 2013, Commission/Buczek Automotive, C‑405/11 P, point 65 et jurisprudence citée).

87      Dans ces conditions, il y a lieu de considérer que, si la Commission constate l’absence de tout avantage pour l’entreprise concernée, ce qui la conduit à constater l’absence d’une aide d’État, elle ne saurait être considérée comme tenue d’examiner les solutions de rechange au choix opéré par l’État membre notifiant.

88      Il découle de ces considérations que c’est sans commettre une erreur de droit que le Tribunal a jugé que la Commission n’avait aucune obligation d’examiner les options autres que la procédure choisie par les autorités italiennes.

89      Partant, il convient de rejeter le quatrième moyen comme étant non fondé.

 Sur le cinquième moyen, tiré d’une erreur de droit dans l’application du principe de l’investisseur privé

 Argumentation des parties

90      Ryanair estime que le Tribunal n’a pas respecté le principe de l’investisseur privé. Elle invoque à cet égard une motivation insuffisante et dénonce une motivation erronée du point 133 de l’arrêt attaqué. Selon Ryanair, il s’agissait de savoir si la continuité du service exprimée dans l’appel à manifestation d’intérêt a été perçue par les acquéreurs potentiels, et non par les autorités italiennes, comme une obligation de service public. Le Tribunal aurait dénaturé les preuves en s’appuyant sur des assurances ex post de la République italienne et en ne jugeant pas que la continuité du service était une obligation majeure et un critère de sélection. En outre, cette obligation de service public comporterait des frais et serait donc susceptible de diminuer le prix des offres. Ryanair invoque une dénaturation des preuves au point 136 de l’arrêt attaqué car seule l’une des 60 offres soumises concernait l’activité principale d’Alitalia dans son ensemble et l’obligation de continuité du service. La motivation du point 137 de cet arrêt serait erronée car la Commission aurait l’obligation d’enquêter sur l’absence d’aide et le Tribunal aurait dû sanctionner l’absence d’un tel examen.

91      La Commission doute de la recevabilité du premier argument, invoqué de façon générale, et fait valoir que Ryanair ne conteste pas l’existence et le rôle des mécanismes garantissant que l’offre ne soit pas à un prix inférieur au prix du marché. En outre, Ryanair n’aurait pas démontré que le Tribunal a dénaturé les éléments du dossier en constatant, au point 134 de l’arrêt attaqué, que le prix était le critère prédominant. Le dernier argument serait erroné car la Commission ne pourrait qu’avoir l’obligation d’examiner la compensation pour l’exécution d’obligations de service public.

92      Alitalia-CAI souligne l’absence de preuve d’influence sur le prix de la condition de continuité du service. L’arrêt attaqué constate, à juste titre, que l’offre de CAI devait être faite au prix du marché et que, par conséquent, les intérêts des créanciers étaient garantis. Elle relève que son offre n’a pas été influencée par la prétendue condition de service public ou d’autorité publique.

93      La République italienne fait valoir que, puisqu’il ressort clairement de l’appel à manifestation d’intérêt que le prix de l’offre devait être celui du marché et que les autres critères étaient secondaires, la perception des soumissionnaires n’aurait pu être différente de celle des autorités italiennes. En outre, la thèse selon laquelle la nécessité d’assurer la continuité du service aurait influencé à la baisse le prix des offres ne serait qu’une conjecture.

 Appréciation de la Cour

94      À supposer que le moyen de Ryanair soit recevable, dans la mesure où il met en cause les appréciations factuelles faites par le Tribunal, il est, en tout état de cause, non fondé.

95      En effet, Ryanair ne conteste pas l’existence et le rôle des mécanismes nationaux assurant l’appréciation de l’offre d’une manière qui garantisse que le prix ne se trouve pas en dessous du prix du marché et ne démontre pas que l’exigence de continuité du service serait constitutive d’une obligation de service public, mais se borne à prétendre que le Tribunal aurait dû conclure que la continuité du service était une obligation majeure et un critère de sélection.

96      À cet égard, il y a lieu de relever que le Tribunal a considéré, au point 134 de l’arrêt attaqué, d’une part, que le critère déterminant appliqué par l’expert indépendant serait celui du prix, étant donné que tant le décret-loi n° 134 que l’appel à manifestation d’intérêt disposaient que le prix de vente des actifs ne pouvait pas être inférieur au prix du marché, tel que déterminé par l’expert indépendant, et, d’autre part, que le critère de continuité du service était un critère secondaire par rapport à celui du prix, dans le cadre de l’évaluation des offres par le commissaire extraordinaire. Il a estimé, au point 137 de cet arrêt, qu’une obligation de continuité du service n’avait pas nécessairement pour corollaire l’existence d’une obligation de service public à la charge de l’opérateur dont l’offre serait retenue. Or, ces constatations n’ont pas été mises en cause par Ryanair.

97      En tout état de cause, cette dernière n’a pas apporté la preuve devant le Tribunal que la nécessité d’assurer une continuité du service de transport aérien à moyen terme aurait pour résultat de diminuer le prix des actifs du groupe Alitalia en dessous du prix du marché. C’est donc à juste titre que le Tribunal a, au point 134 de l’arrêt attaqué, rejeté cet argument.

98      S’agissant de l’argument de Ryanair selon lequel le Tribunal aurait, au point 136 de l’arrêt attaqué, dénaturé les éléments de preuve, il convient de le rejeter. En effet, à supposer que, ainsi que le fait valoir Ryanair, seule l’une des 60 offres soumises concernait l’activité principale d’Alitalia dans son ensemble et l’obligation de continuité du service, cette circonstance n’est pas en soi de nature à démontrer que cette obligation constituait une obligation de service public.

99      Dans ces conditions, il y a lieu de considérer comme inopérant l’argument selon lequel, si une obligation de service public avait été imposée, la Commission aurait eu l’obligation d’enquêter sur l’absence d’aide et le Tribunal aurait dû sanctionner l’absence d’un tel examen.

100    Il résulte de ce qui précède que le cinquième moyen doit être rejeté.

 Sur le sixième moyen, tiré d’un défaut d’identification de l’entreprise devant rembourser l’aide

 Argumentation des parties

101    Ryanair invoque une dénaturation des preuves commise par le Tribunal en admettant que CAI n’était pas le successeur économique d’Alitalia. Cette dernière n’aurait pas été démantelée et seule une partie de l’activité de fret très accessoire aurait été arrêtée. L’intention de CAI aurait été de poursuivre l’intégralité de l’activité de transport de passagers d’Alitalia.

102    La Commission considère que le Tribunal a, à juste titre, constaté l’absence de continuité économique et que Ryanair n’a pas démontré qu’il y avait dénaturation des éléments de preuve concernant la vente des actifs du groupe Alitalia et la poursuite des activités, mais se limite à répéter les éléments déjà invoqués en première instance.

103    Selon Alitalia-CAI, le sixième moyen est irrecevable car il concerne des aspects factuels. L’appréciation faite par le Tribunal serait, en tout état de cause, conforme à la jurisprudence et à la pratique de la Commission relative à la continuité économique entre entreprises.

104    La République italienne considère que discuter de l’existence ou non d’une continuité économique entre Alitalia et CAI est superflu parce que cette continuité est précisément exclue par la procédure de cession, qui n’a en tout état de cause pas permis à CAI de payer un prix inférieur au prix du marché.

 Appréciation de la Cour

105    D’une part, il y a lieu de constater que, au point 141 des motifs de la seconde décision litigieuse, la Commission a constaté que l’offre présentée par CAI ne concernait que l’activité de transport aérien de passagers. Ainsi que l’a relevé le Tribunal au point 160 de l’arrêt attaqué, cette institution a constaté que CAI ne reprendrait que certains actifs y afférents. En outre, il ressort du point 66 des motifs de la seconde décision litigieuse que l’offre de CAI comprenait la totalité des créneaux horaires correspondant aux actifs acquis dans le cadre de la procédure. Il n’en ressort donc pas que l’offre de CAI couvrait 100 % de l’utilisation des créneaux horaires d’Alitalia pour le transport de passagers. D’autre part, il ressort du point 141 des motifs de cette décision que cette offre concernait environ la moitié des 180 aéronefs d’Alitalia et que la nouvelle compagnie n’exploitera qu’une partie des créneaux horaires correspondants.

106    Il résulte de ce qui précède que le Tribunal n’a pas dénaturé les éléments qui lui ont été soumis.

107    Le sixième moyen doit donc être rejeté.

 Sur le septième moyen, tiré d’un défaut de motivation en ce qui concerne l’appréciation de la recevabilité de la demande d’annulation partielle de la première décision litigieuse

 Argumentation des parties

108    Ryanair soutient que le Tribunal, au point 197 de l’arrêt attaqué, n’a pas suffisamment motivé l’absence de recevabilité de son recours, violant ainsi son obligation de motivation et dénaturant les preuves qui tendaient à démontrer que la première décision litigieuse avait substantiellement affecté sa position concurrentielle.

109    La Commission et Alitalia-CAI soutiennent que le moyen est en partie non fondé et en partie irrecevable. La République italienne considère, notamment, que, s’il est confirmé qu’il n’existait pas de continuité économique entre Alitalia et CAI, l’examen du septième moyen devient superflu.

 Appréciation de la Cour

110    Il y a lieu de rappeler que l’obligation de motiver les arrêts, qui incombe au Tribunal en vertu des articles 36 et 53, premier alinéa, du statut de la Cour, n’impose pas à celui-ci de fournir un exposé qui suivrait exhaustivement et un par un tous les raisonnements articulés par les parties au litige. La motivation peut donc être implicite, à condition qu’elle permette aux intéressés de connaître les motifs sur lesquels le Tribunal se fonde et à la Cour de disposer des éléments suffisants pour exercer son contrôle dans le cadre d’un pourvoi (arrêt du 21 décembre 2011, A2A/Commission, C-320/09 P, point 97 et jurisprudence citée).

111    En l’espèce, il suffit de constater que le raisonnement exposé par le Tribunal aux points 193 à 199 de l’arrêt attaqué est de nature à permettre tant à Ryanair de connaître les raisons pour lesquelles le Tribunal a rejeté sa demande d’annulation partielle de la première décision litigieuse qu’à la Cour de disposer des éléments suffisants pour exercer son contrôle juridictionnel.

112    À cet égard, le Tribunal a relevé, au point 194 de l’arrêt attaqué, que, conformément à une jurisprudence constante, une décision concerne individuellement l’entreprise qui était à l’origine de la plainte qui a conduit à l’ouverture de la procédure d’enquête et dont la position sur le marché a été significativement affectée par l’aide qui fait l’objet de cette décision. Le Tribunal, au point 196 de l’arrêt attaqué, a reconnu le rôle actif joué par Ryanair dans la procédure qui a précédé l’adoption de la première décision litigieuse. Il a en revanche affirmé, au point 197 de cet arrêt, que cette compagnie n’avait pas démontré l’existence d’une atteinte portée par la première décision litigieuse à sa position concurrentielle.

113    En outre, il y a lieu de relever que, contrairement à ce que fait valoir Ryanair, cette dernière ne peut reprocher au Tribunal de ne pas avoir expliqué les raisons pour lesquelles les effets des éléments contestés de la première décision litigieuse sur Ryanair n’étaient pas matériellement différents de ceux auxquels les autres compagnies aériennes sont confrontées. Au contraire, ainsi que l’a fait valoir la République italienne, il incombait à Ryanair de démontrer que le prêt avait servi à Alitalia et à CAI pour acquérir des parts de marché détenues par elle-même ou pour conserver des parts de marché qui auraient sinon été détenues par elle-même.

114    Le septième moyen doit donc être rejeté comme étant non fondé.

115    Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent que le pourvoi doit être rejeté dans son intégralité comme étant non fondé.

 Sur les dépens

116    Aux termes de l’article 138, paragraphe 1, du règlement de procédure de la Cour, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, de ce règlement, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La Commission et Alitalia-CAI ayant conclu à la condamnation de Ryanair et cette dernière ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de la condamner à supporter, outre ses propres dépens, la totalité des dépens exposés par la Commission et par Alitalia-CAI dans le cadre du présent pourvoi.

117    Conformément à l’article 140, paragraphe 1, dudit règlement, également applicable à la procédure de pourvoi en vertu dudit article 184, paragraphe 1, les États membres qui sont intervenus au litige supportent leurs propres dépens. Partant, la République italienne supportera ses propres dépens.

Par ces motifs, la Cour (deuxième chambre) déclare et arrête:

1)      Le pourvoi est rejeté.

2)      Ryanair Ltd est condamnée à supporter, outre ses propres dépens, les dépens exposés par la Commission européenne et par Alitalia – Compagnia Aerea Italiana SpA.

3)      La République italienne supporte ses propres dépens.

Signatures


* Langue de procédure: l’anglais.