Language of document : ECLI:EU:T:2013:418

DOCUMENT DE TRAVAIL

      ARRÊT DU TRIBUNAL (cinquième chambre)

12 septembre 2013 (*)

« Aides d’État – Transfert à titre gratuit de certaines zones du patrimoine naturel national – Mesures destinées au soutien financier de grands projets de protection de l’environnement – Décision déclarant les aides compatibles avec le marché commun – Notion d’entreprise – Obligation de motivation »

Dans l’affaire T‑347/09,

République fédérale d’Allemagne, représentée initialement par MM. M. Lumma et B. Klein, puis par Mme A. Wiedmann et M. T. Henze, en qualité d’agents,

partie requérante,

soutenue par

République française, représentée par MM. G. de Bergues et J. Gstalter, en qualité d’agents,

par

Royaume des Pays-Bas, représenté initialement par Mme C. Wissels, M. Y. de Vries et Mme M. de Ree, puis par Mmes  Wissels, de Ree, M. J. Langer et Mme M. Noort, en qualité d’agents,

et par

République de Finlande, représentée par M. J. Heliskoski, en qualité d’agent,

parties intervenantes,

contre

Commission européenne, représentée initialement par M. K. Gross, puis par M. F. Erlbacher, Mme A. Stobiecka-Kuik et M. P. Loewenthal, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande d’annulation de la décision C (2009) 5080 final de la Commission, du 2 juillet 2009, relative à l’aide d’État NN 8/2009 accordée par la République fédérale d’Allemagne et concernant le régime des aides d’État consistant, d’une part, en le transfert à titre gratuit de certaines zones du patrimoine naturel national et, d’autre part, en des mesures destinées au soutien financier de grands projets de protection de l’environnement (JO C 230, p. 1),

LE TRIBUNAL (cinquième chambre),

composé de MM. S. Papasavvas, président, V. Vadapalas et K. O’Higgins (rapporteur), juges,

greffier : Mme K. Andová, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 17 janvier 2013,

rend le présent

Arrêt

Faits à l’origine du litige

1        Par lettre du 7 mars 2007, les autorités allemandes ont, en application de l’article 88, paragraphe 3, CE, notifié à la Commission des Communautés européennes deux mesures destinées à la protection de l’environnement (ci-après les « mesures en cause »). La première consistait en un transfert, à titre gratuit, de terrains du patrimoine naturel national (ci-après la « cession de terrains du patrimoine ») et la seconde en un soutien financier à de grands projets de protection de l’environnement (ci-après les « grands projets de protection de l’environnement »). Elles demandaient à la Commission de prendre une décision constatant l’absence d’aide, au sens de l’article 4, paragraphe 2, du règlement (CE) n° 659/1999 du Conseil, du 22 mars 1999, portant modalités d’application de l’article 93 [CE] (JO L 83, p. 1).

2        Après de nombreux échanges de correspondance entre les parties, la Commission a, le 2 juillet 2009, adopté la décision C (2009) 5080 final, relative à l’aide d’État NN 8/2009 accordée par la République fédérale d’Allemagne et concernant le transfert de zones de protection naturelle à de nouveaux propriétaires et les mesures pour la diversité biologique (ci-après la « décision attaquée »).

3        Aux points 3 à 31 de la décision attaquée, la Commission a, tout d’abord, décrit les mesures en cause. S’agissant de la cession de terrains du patrimoine, elle a exposé, en substance, que, eu égard aux coûts significatifs engendrés par l’entretien et le développement des zones du patrimoine naturel national, la République fédérale d’Allemagne avait décidé de transférer, à titre gratuit, jusqu’à 125 000 hectares de ces zones au bénéfice des Länder, des fondations établies par les Länder, de la Deutsche Bundesstiftung Umwelt (la fondation allemande pour l’environnement, ci-après la « DBU ») et d’autres organisations de protection de l’environnement qui assumeraient les coûts relatifs audit transfert, ainsi que les frais d’entretien et les risques liés aux sites contaminés. La Commission a relevé également que la cession desdits terrains entraînerait des obligations contractuelles de droit environnemental à la charge des bénéficiaires encadrées par la voie réglementaire ou par la loi, de la part du gouvernement fédéral ou des Länder, y compris l’obligation de fournir un rapport annuel sur les recettes générées par l’exploitation autorisée des terrains en cause. Dans l’hypothèse où ces recettes dépassent les dépenses effectives, la différence devra être versée à l’État fédéral ou réinvestie dans la conservation du patrimoine. Enfin, la Commission a noté que la cession de terrains du patrimoine n’ayant pas encore été mise en œuvre, d’après les explications des autorités allemandes, les restrictions environnementales à l’utilisation des terrains seraient analogues à celles qui s’appliquaient déjà dans le cadre des grands projets de protection de l’environnement.

4        En ce qui concerne les grands projets de protection de l’environnement, la Commission a indiqué, en substance, qu’ils étaient fondés sur les Förderrichtlinien für Naturschutzgroβprojekte (lignes directrices nationales de soutien des projets pour la protection de la nature, ci-après les « lignes directrices ») du 28 juin 1993 selon lesquelles, d’une part, toute partie intéressée, conjointement avec le Land compétent, aurait la faculté de proposer de grands projets de protection de l’environnement sélectionnés selon des critères de conservation pour une durée déterminée. D’autre part, seules les entités étatiques ou les organisations de protection de l’environnement pouvaient être chargées de la gestion d’un projet. La Commission a relevé en outre que le soutien accordé par le gouvernement fédéral s’élevait à une hauteur maximale de 75 % des coûts éligibles du projet et que les Länder ou les gestionnaires du projet pouvaient compléter le solde des dépenses, mais qu’une part de 10 % devait rester à la charge du gestionnaire réalisant le projet. Au point 25 de la décision attaquée, la Commission a constaté que la contribution des entités privées de conservation provenait normalement de dons, mais que, sous réserve des restrictions environnementales d’exploitation imposées par le gouvernement allemand, elles avaient la possibilité de générer des recettes des terrains qu’elles géraient, notamment par les baux de chasse et de pêche, les ventes de bois provenant des activités d’entretien forestier et le tourisme. Cependant, selon le point 28 de la décision attaquée, les coûts doivent être compensés par les recettes de chaque projet et, dans l’hypothèse où celles-ci dépassent les coûts, le solde doit être remboursé à l’État fédéral.

5        En premier lieu, aux points 33 à 42 de la décision attaquée, dans le cadre de son appréciation des mesures en cause, la Commission constate que les organisations de protection de l’environnement, y compris la DBU et sa filiale la DBU Naturerbe GmbH, malgré leur statut de bénévole, peuvent exercer des activités économiques et donc être considérées comme étant des entreprises au sens de l’article 87, paragraphe 1, CE. Elle estime que certaines activités autorisées dans le cadre des mesures en cause, telles que la vente de bois, les baux de terrains et le tourisme, sont de nature économique.

6        En deuxième lieu, la Commission expose les raisons qui l’ont amenée à conclure à l’existence d’une aide d’État concernant les mesures en cause, à savoir, en substance, la cession à titre gratuit des terrains de valeur, de sorte que l’État membre subirait un manque à gagner, et les subventions qui comportent des ressources d’État. Elle ajoute que les mesures en cause ne remplissent pas les conditions dégagées par la Cour dans son arrêt du 24 juillet 2003, Altmark Trans et Regierungspräsidium Magdeburg (C‑280/00, Rec. p. I‑7747, ci-après l’« arrêt Altmark »), pour les services d’intérêt économique général (ci-après les « SIEG »). En particulier, selon le point 65 de la décision attaquée, les mesures en cause ne rempliraient pas le quatrième critère de l’arrêt Altmark, parce que la compensation des organismes bénéficiaires n’avait pas été déterminée selon une procédure adéquate (arrêt Altmark, point 93).

7        Enfin, la Commission examine la compatibilité des mesures en cause avec le marché commun. Elle conclut, au point 71 de la décision attaquée, que tous les grands projets de protection de l’environnement mis en œuvre dans le passé remplissaient les critères posés par sa décision 2005/842/CE, du 28 novembre 2005, concernant l’application des dispositions de l’article 86, paragraphe 2, [CE] aux aides d’État sous forme de compensations de service public octroyées à certaines entreprises chargées de la gestion de services d’intérêt économique général (JO L 312, p. 67, ci-après la « décision SIEG ») et étaient donc compatibles avec le marché commun. La Commission relève que les mesures en cause respectent vraisemblablement ladite décision, mais que, en l’absence de garantie à cet égard, elle a néanmoins examiné leur conformité avec l’encadrement communautaire des aides d’État sous forme de compensations de service public (JO 2005, C 297, p. 4, ci-après l’« encadrement sur les SIEG »).

8        En conclusion, la Commission constate que les mesures en cause comportent des aides d’État, mais qu’elles sont compatibles avec le marché commun, conformément à l’article 86, paragraphe 2, CE.

Procédure et conclusions des parties

9        Par requête déposée au greffe du Tribunal le 31 août 2009, la République fédérale d’Allemagne a introduit le présent recours.

10      Par actes déposés au greffe du Tribunal respectivement les 12, 14 et 21 novembre 2009, la République française, le Royaume des Pays-Bas et la République de Finlande ont demandé à intervenir dans la présente procédure au soutien des conclusions de la République fédérale d’Allemagne. Par ordonnance du 28 janvier 2010, le président de la quatrième chambre a admis les interventions. Par la même ordonnance, il a admis l’intervention du Royaume de Danemark, qui avait demandé à intervenir au soutien des conclusions de la République fédérale d’Allemagne le 21 décembre 2009. Le Royaume de Danemark a toutefois renoncé à son intervention le 2 juillet 2010.

11      Le Royaume des Pays-Bas a déposé son mémoire en intervention le 15 mars 2010. La République française et la République de Finlande ont déposé leur mémoire en intervention le 15 avril 2010. Les parties ont déposé leurs observations sur ces différents mémoires dans les délais impartis.

12      La composition des chambres du Tribunal ayant été modifiée, le juge rapporteur a été affecté à la cinquième chambre à laquelle la présente affaire a, par conséquent, été attribuée. Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal a décidé d’ouvrir la procédure orale et d’inviter les parties à produire certains documents. Lors de l’audience, qui s’est déroulée le 17 janvier 2013, les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions du Tribunal.

13      La République fédérale d’Allemagne, soutenue par la République française, le Royaume des Pays-Bas et la République de Finlande, conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée en ce qu’elle qualifie les mesures notifiées d’aides d’État au sens de l’article 87, paragraphe 1, du traité CE ;

–        condamner la Commission aux dépens.

14      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        à titre principal, déclarer le recours irrecevable dans son intégralité ou, à tout le moins, en partie ;

–        à titre subsidiaire, rejeter le recours comme non fondé ;

–        condamner la République fédérale d’Allemagne aux dépens.

Sur la recevabilité

15      Sans soulever formellement une exception d’irrecevabilité au titre de l’article 114 du règlement de procédure du Tribunal, la Commission soutient que le recours est irrecevable dans son intégralité ou, à tout le moins, pour sa majeure partie. Elle fait valoir, en substance, que la décision attaquée est une décision d’approbation ne produisant pas d’effets juridiques de nature à affecter les intérêts de la République fédérale d’Allemagne. Cependant, à la suite d’une question posée par le Tribunal, la Commission a indiqué que, eu égard à l’arrêt de la Cour du 8 septembre 2011, Commission/Pays-Bas (C‑279/08 P, Rec. p. I‑7671), elle ne maintenait pas cette fin de non-recevoir.

16      En l’espèce, il ne saurait être nié que la décision attaquée, qui conclut à l’existence d’une aide d’État en faveur de certaines organisations allemandes de protection de l’environnement, prenant la forme de la cession de zones du patrimoine naturel national et d’un soutien financier en faveur de grands projets de protection de l’environnement, et qui la déclare compatible avec le marché commun, est nécessairement destinée à produire des effets juridiques obligatoires à l’égard de la République fédérale d’Allemagne et constitue, dès lors, un acte attaquable en vertu de l’article 263 TFUE (voir, en ce sens, arrêt Commission/Pays-Bas, point 15 supra, points 37 à 42).

17      Le recours de la République fédérale d’Allemagne est donc recevable dans son intégralité.

 Sur le fond

18      La République fédérale d’Allemagne invoque deux moyens à l’appui de son recours en ce qu’il vise l’annulation partielle de la décision attaquée. Le premier moyen est tiré de la violation de l’article 87, paragraphe 1, CE et le second moyen, invoqué à titre subsidiaire, est tiré d’une violation de l’obligation de motivation prévue par l’article 253 CE.

 Sur le premier moyen, tiré de la violation de l’article 87, paragraphe 1, CE

19      À titre liminaire, il convient de rappeler que la qualification d’aide, au sens de l’article 87, paragraphe 1, CE requiert que toutes les conditions visées à cette disposition soient remplies. Premièrement, il doit s’agir d’une intervention de l’État ou au moyen de ressources d’État. Deuxièmement, cette intervention doit être susceptible d’affecter les échanges entre États membres. Troisièmement, elle doit accorder un avantage à son bénéficiaire en favorisant certaines entreprises ou certaines productions. Quatrièmement, elle doit fausser ou menacer de fausser la concurrence (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 22 février 2006, Le Levant 001 e.a./Commission, T‑34/02, Rec. p. II‑267, point 110, et la jurisprudence citée).

20      En l’espèce, la République fédérale d’Allemagne et les parties intervenantes contestent que la condition relative à l’existence d’un avantage au bénéfice d’une entreprise soit remplie.

21      Il doit être relevé que la notion d’aide, telle qu’elle est définie dans le traité, présentant un caractère juridique et devant être interprétée sur la base d’éléments objectifs, le juge de l’Union européenne doit, en principe et compte tenu tant des éléments concrets du litige qui lui sont soumis que du caractère technique ou complexe des appréciations portées par la Commission, exercer un entier contrôle sur la question de savoir si une mesure entre dans le champ d’application de l’article 87, paragraphe 1, CE (voir, en ce sens, arrêts de la Cour du 16 mai 2000, France/Ladbroke Racing et Commission, C‑83/98 P, Rec. p. I‑3271, point 25, et du Tribunal du 17 octobre 2002, Linde/Commission, T‑98/00, Rec. p. II‑3961, point 40).

22      C’est à la lumière de ces principes qu’il y a lieu d’examiner le bien-fondé des arguments des parties.

23      Le présent moyen est divisé en deux branches, tirées, la première, d’une erreur manifeste d’appréciation en ce que la Commission a considéré les organisations de protection de l’environnement, bénéficiaires des mesures en cause, comme des entreprises au sens de l’article 87, paragraphe 1, CE et, la seconde, d’une erreur de droit en ce que la Commission a constaté l’existence d’un avantage, au sens de la même disposition, octroyé en vertu des mesures en cause auxdites organisations.

 Sur la première branche du premier moyen, tirée de l’interprétation erronée de la notion d’entreprise

24      Dans le cadre de la première branche, la République fédérale d’Allemagne fait valoir, en substance, que la Commission a commis une erreur manifeste d’appréciation en considérant les organisations de protection de l’environnement visées par les mesures en cause comme constituant des entreprises au sens de l’article 87, paragraphe 1, CE. Selon elle et les parties intervenantes, ces organisations, qui ne poursuivent pas un but économique, ont pour objet une activité d’intérêt général et ne produisent des biens ou n’offrent des services que par simple conséquence de leur activité non économique. Partant, elles ne sauraient être qualifiées d’entreprises. La Commission aurait commis une erreur en n’appréciant pas l’ensemble des activités comprises dans les mesures notifiées, qui sont fortement réglementées par la loi nationale. En particulier, elle aurait omis de tenir compte du fait que l’obligation de réinvestissement des recettes exclut qu’un quelconque bénéfice puisse être réalisé par les organisations de protection de l’environnement.

25      Tout d’abord, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, la notion d’entreprise comprend, dans le contexte du droit de la concurrence de l’Union, toute entité exerçant une activité économique, indépendamment du statut juridique de cette entité et de son mode de financement (arrêts de la Cour du 23 avril 1991, Höfner et Elser, C‑41/90, Rec. p. I‑1979, point 21 ; du 17 février 1993, Poucet et Pistre, C‑159/91 et C‑160/91, Rec. p. I‑637, point 17, et du 16 novembre 1995, Fédération française des sociétés d’assurance e.a., C‑244/94, Rec. p. I‑4013, point 14).

26      Selon une jurisprudence constante, constitue une activité économique toute activité consistant à offrir des biens ou des services sur un marché donné (arrêts de la Cour du 24 octobre 2002, Aéroports de Paris/Commission, C‑82/01 P, Rec. p. I‑9297, point 79 ; du 1er juillet 2008, MOTOE, C‑49/07, Rec. p. I‑4863, point 22, et du 3 mars 2011, AG2R Prévoyance, C‑437/09, Rec. p. I‑973, point 42).

27      En revanche, ne présentent pas de caractère économique justifiant l’application des règles de concurrence prévues par le traité CE, les activités qui se rattachent à l’exercice de prérogatives de puissance publique (voir, en ce sens, arrêts de la Cour du 11 juillet 1985, Commission/Allemagne, 107/84, Rec. p. 2655, points 14 et 15 ; du 19 janvier 1994, SAT Fluggesellschaft, C‑364/92, Rec. p. I‑43, point 30, et MOTOE, point 26 supra, point 24).

28      Un sujet de droit, et notamment une entité publique, peut toutefois être considéré comme une entreprise uniquement en ce qui concerne une partie de ses activités, si les activités correspondant à celle-ci doivent être qualifiées d’activités économiques (arrêts Aéroports de Paris/ Commission, point 26 supra, point 74, et MOTOE, point 26 supra, point 25).

29      En effet, dans la mesure où une entité publique exerce une activité économique qui peut être dissociée de l’exercice de ses prérogatives de puissance publique, cette entité, pour ce qui est de cette activité, agit en tant qu’entreprise, tandis que, si ladite activité économique est indissociable de l’exercice de ses prérogatives de puissance publique, l’ensemble des activités exercées par ladite entité demeurent des activités se rattachant à l’exercice de ces prérogatives (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 26 mars 2009, SELEX Sistemi Integrati/Commission, C‑113/07 P, Rec. p. I‑2207, points 71 à 80).

30      Par ailleurs, la circonstance selon laquelle un produit ou un service fourni par une entité publique et se rattachant à l’exercice par celle-ci de prérogatives de puissance publique est fourni contre une rémunération prévue par la loi, et non pas déterminée, directement ou indirectement, par cette entité, ne suffit pas par elle-même à faire qualifier l’activité exercée d’activité économique et l’entité qui l’exerce d’entreprise (voir, en ce sens, arrêt SAT Fluggesellschaft, point 27 supra, points 28 à 32, et arrêt de la Cour du 18 mars 1997, Diego Calì & Figli, C‑343/95, Rec. p. I‑1547, points 22 à 25).

31      C’est à la lumière de cette jurisprudence qu’il convient d’examiner la nature des activités des organisations de protection de l’environnement en l’espèce. Il y a lieu d’observer qu’il est constant entre les parties que l’activité de protection de l’environnement, objet des mesures en cause, a un caractère exclusivement social et ne constitue pas une activité économique. Par conséquent, et ainsi qu’il ressort du point 41 de la décision attaquée, la Commission n’a considéré ces organisations comme étant des entreprises qu’à l’égard des activités pouvant être assimilées à des activités économiques.

32      En effet, il ne peut être exclu que, à côté de leurs fonctions de nature exclusivement sociale dans le cadre des mesures notifiées, les organisations de protection de l’environnement se livrent à des activités ayant une finalité autre que sociale et qui seraient de nature économique.

33      À cet égard, les lignes directrices prévoient, en leur point 6.1, que « [l]’exploitation, la chasse, la pêche et les activités de loisir ne sont autorisées que si elles ne s’opposent pas aux objectifs du projet en matière de protection de la nature. » Il convient de relever que, faisant référence à cette disposition, la Commission, au point 39 de la décision attaquée, constate que les organisations de protection de l’environnement ont la possibilité d’exercer une gamme d’activités qui ne sont limitativement définies en amont ni dans la base juridique ni dans la notification des mesures en cause par la République fédérale d’Allemagne. Ensuite, tout en acceptant que certaines des activités de préservation de la nature puissent être de nature non économique, la Commission constate que, dans d’autres cas, la réalisation de l’objectif de protection de l’environnement sera assurée par l’imposition de restrictions environnementales sur des activités telles que l’agriculture et la sylviculture, la conclusion de baux sur les terrains et le tourisme. Enfin, elle considère qu’il est indifférent que ces dernières activités n’aient qu’une étendue limitée et ne soient pas particulièrement rentables, car la rentabilité n’est pas un critère déterminant afin de qualifier une activité comme étant de nature économique.

34      Il convient, dès lors, d’examiner si les activités autorisées dans le cadre des mesures en cause, telles que la vente de bois, les baux de chasse et de pêche ainsi que le tourisme (ci-après les « activités secondaires »), sont liées aux fonctions primaires de nature exclusivement sociale des organisations de protection de l’environnement ou si elles sortent de ce cadre et constituent des activités de nature économique. Contrairement à ce que prétend la République fédérale d’Allemagne, il est nécessaire, dans chaque cas, d’examiner les activités exercées par ces organisations et de déterminer à quelle catégorie elles appartiennent (voir, par analogie, arrêt de la Cour du 16 juin 1987, Commission/Italie, 118/85, Rec. p. 2599, point 7).

35      En premier lieu, il convient de relever que les lignes directrices ont été formulées de manière très large. Il en va notamment ainsi au point 6.1 des lignes directrices, intitulé « Sicherung der Zweckbestimmung » (garantie en matière de détermination de l’objectif), en ce qui concerne l’exploitation des terrains. Ainsi que le fait valoir la Commission au point 25 de la décision attaquée, les organisations de protection de l’environnement peuvent générer des recettes « notamment, mais pas exclusivement » par les activités secondaires qui y sont énumérées. Il s’agit donc d’une liste nonexhaustive, ce qui est confirmé par la République fédérale d’Allemagne, qui constate dans ses écritures qu’ « [i]l n’est pas exclu que, dans une faible mesure, l’utilisation des terrains du patrimoine naturel procure encore d’autres sources de recettes ». Ainsi, les organisations de protection de l’environnement ont la possibilité d’exercer de nombreuses activités, sous réserve des exigences contenues dans les lignes directives et le plan de développement afférant à chaque terrain visé par les mesures en cause.

36      La Commission fait valoir, à juste titre, que, en raison de cette large définition des activités secondaires, elle n’était pas en mesure d’exclure, au point 39 de la décision attaquée, la nature économique des activités énumérées. Il ressort du dossier que la République fédérale d’Allemagne, contrairement à ce qu’elle prétend, n’a pas fourni de garantie quant à l’absence d’exercice d’activités économiques dans le cadre des mesures en cause. Les prétendues assurances qu’elle invoque dans le mémoire en réplique consistent, en substance, à affirmer que, d’une part, les organisations de protection de l’environnement sont soumises à une procédure de reconnaissance de leur utilité générale en droit fiscal allemand, qui est incompatible avec l’exercice d’une activité économique, et que, d’autre part, lesdites organisations sont exclues comme bénéficiaires des mesures en cause. De plus, il ressort des documents annexés à la requête que cette dernière assurance ne porte que sur les activités sylvicole et de tourisme.

37      Même si, ainsi que le fait valoir la République fédérale d’Allemagne dans la réplique, une telle garantie n’est pas déterminante pour la qualification d’une activité comme étant économique ou non, néanmoins, dans les circonstances de l’espèce, son absence constitue un indice important de la nature économique des activités en cause. En effet, lorsque la Commission examine la question de savoir si une aide est une aide d’État au sens du traité CE, elle doit prendre en compte des éléments objectifs qui s’apprécient à la date à laquelle elle prend sa décision (voir, en ce sens, arrêts de la Cour du 22 juin 2006, Belgique et Forum 187/Commission, C‑182/03 et C‑217/03, p. I‑5479, point 137, et du 1er juillet 2008, Chronopost et La Poste/UFEX e.a., C‑341/06 P et C‑342/06 P, Rec. p. I‑4777, point 95). Ainsi, les éléments postérieurs à la décision attaquée figurant dans la réponse de la République fédérale d’Allemagne aux questions écrites posées par le Tribunal et dans la réplique, qui tendent à démontrer, en particulier, l’étendue limitée des services de tourisme, ne sauraient établir que les activités secondaires relèvent de la qualité de puissance publique. En outre, s’il incombe à l’État membre de faire parvenir à la Commission certains éléments, il appartient à cette dernière d’effectuer une appréciation globale prenant en compte, outre ces éléments, tout autre élément pertinent lui permettant de déterminer si la mesure en cause relève de la qualité d’entreprise ou de celle de puissance publique dudit État membre. Eu égard à la description des activités secondaires dans les lignes directrices, il ne saurait être reproché à la Commission d’avoir tenu compte, dans son examen des mesures notifiées, de l’absence d’assurances de l’État membre en ce sens.

38      En outre, il ressort de la jurisprudence citée au point 25 ci-dessus que le statut des entités concernées en droit national est dénué de pertinence pour déterminer si elles constituent des entreprises en droit de l’Union. Il est donc indifférent que les organisations de protection de l’environnement soient reconnues comme exerçant une activité d’utilité publique en droit allemand.

39      En second lieu, il ressort du dossier que, nonobstant l’obligation de réinvestissement des recettes, les autorités nationales n’ont pas déterminé à l’avance les frais liés aux activités secondaires, ni la méthode pour leur fixation. Il s’ensuit que les organisations de protection de l’environnement fournissent des biens et des services contre rémunération et déterminent librement les prix y afférents. À l’audience, la République fédérale d’Allemagne a confirmé que le bois était proposé sur le marché et que la location des terrains faisait l’objet d’un appel d’offres local par lesdites organisations. De plus, il ressort des écritures de la République fédérale d’Allemagne que les recettes générées par les activités secondaires aident les organisations de protection de l’environnement à couvrir les frais exposés au titre des projets, réduisant ainsi le recours aux subsides publics conformément au principe de modération budgétaire qui prévaut au niveau national. C’est donc à juste titre que la Commission a constaté, au point 40 de la décision attaquée, que les organisations de protection de l’environnement avaient un intérêt à générer des recettes suffisantes pour couvrir les coûts liés à la gestion de terrains du patrimoine et/ou à la mise en œuvre des grands projets de protection de l’environnement.

40      Il résulte des éléments qui précèdent que, par leurs activités secondaires, et notamment la vente de bois ainsi que les baux de chasse et de pêche, les organisations de protection de l’environnement offrent directement des produits et des services sur le marché. Les secteurs d’activités comme l’agriculture, la sylviculture, l’affermage de terrains de chasse ou de plans d’eaux destinés à des activités piscicoles et le tourisme fonctionnent le plus souvent selon les conditions du marché et comportent des entreprises opérant dans un cadre concurrentiel et cherchant à réaliser des bénéfices. En outre, de telles activités n’ont pas toujours été, et ne sont pas nécessairement, exercées par des autorités publiques.

41      Il convient de relever que, même si les biens et les services offerts par les organisations de protection de l’environnement dans le cadre de leurs activités secondaires résultent de leur activité principale de protection de l’environnement, ils ne sont pas rendus obligatoires par cette activité principale. Par exemple, la protection des bourgeons et des écorces contre les attaques des animaux n’impose pas à ces organisations de tenir une offre publique des baux de chasse. Même si la vente des baux de chasse facilite la protection de l’environnement, elle n’est pas intégralement liée à cet objectif d’utilité sociale. Ainsi, en offrant des biens et des services sur des marchés concurrentiels, les organisations de protection de l’environnement poursuivent un intérêt distinct qui est dissociable de l’objectif exclusivement social de protection de l’environnement. L’exercice des activités secondaires ne saurait donc être assimilé à l’exercice de prérogatives de puissance publique par une autorité publique. Contrairement à ce que prétend la République fédérale d’Allemagne, soutenue par la République française, les services fournis par les organisations de protection de l’environnement ne constituent pas un tout indissociable.

42      Les activités secondaires ne comportent pas non plus d’exigences de solidarité. Ainsi que le relève la République fédérale d’Allemagne, dans le domaine de la sécurité sociale, la Cour a considéré que certains organismes chargés de la gestion de régimes légaux d’assurance maladie et d’assurance vieillesse poursuivaient un objectif exclusivement social et n’exerçaient pas une activité économique. La Cour a jugé que tel était le cas des caisses de maladie qui ne faisaient qu’appliquer la loi et n’avaient aucune possibilité d’influer sur le montant des cotisations, l’utilisation des fonds et la détermination du niveau des prestations. En effet, leur activité, fondée sur le principe de la solidarité nationale, est dépourvue de tout but lucratif et les prestations versées sont des prestations légales, indépendantes du montant des cotisations (voir arrêt de la Cour du 16 mars 2004, AOK Bundesverband e.a., C‑264/01, C‑306/01, C‑354/01 et C‑355/01, Rec. p. I‑2493, point 47, et la jurisprudence citée). Ainsi qu’il ressort des points 35 et suivants ci-dessus, tel n’est pas le cas en l’espèce et cette jurisprudence n’est, dès lors, pas transposable. Par conséquent, l’argument de la République fédérale d’Allemagne, selon lequel les mesures en cause s’inscrivent dans le cadre d’une solidarité à l’égard de la nature, ne saurait prospérer.

43      Les organisations de protection de l’environnement doivent être considérées comme des entreprises, en ce qu’elles exercent de telles activités économiques, nonobstant la circonstance que l’offre de biens ou de services est faite sans but lucratif, dès lors que cette offre se trouve en concurrence avec celle d’opérateurs poursuivant un tel but.

44      Certes, des exigences environnementales et, le cas échéant, les statuts des organisations de protection de l’environnement peuvent rendre les services fournis moins compétitifs que des services comparables effectués par d’autres opérateurs non soumis à de telles obligations. Toutefois, cette circonstance ne saurait empêcher que les activités secondaires soient considérées comme étant de nature économique.

45      Il s’ensuit que, ainsi qu’il est constaté à juste titre au point 41 de la décision attaquée, en ce qui concerne les activités secondaires, les organisations de protection de l’environnement doivent être qualifiées d’entreprises au sens des règles découlant du droit de la concurrence telles que prévues par le traité.

46      Au vu de ce qui précède, en ce qui concerne les activités secondaires, il ne saurait donc être reproché à la Commission d’avoir retenu une interprétation erronée de la notion d’entreprise, au sens de l’article 87, paragraphe 1, CE, dans la décision attaquée.

47      Les autres arguments de la République fédérale d’Allemagne et des parties intervenantes ne sont pas susceptibles de remettre en cause cette conclusion.

48      S’agissant premièrement, de l’argument de la République fédérale d’Allemagne selon lequel les organisations de protection de l’environnement ne poursuivent pas un but de nature économique, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence bien établie, l’article 87, paragraphe 1, CE ne distingue pas selon les causes ou les objectifs des interventions étatiques, mais les définit en fonction de leurs effets. Même si la protection de l’environnement constitue l’un des objectifs essentiels de l’Union, la nécessité de prendre en compte cet objectif ne justifie pas l’exclusion des activités secondaires en l’espèce du champ d’application de l’article 87, paragraphe 1, CE, la prise en compte des objectifs environnementaux pouvant, en tout état de cause, intervenir utilement lors de l’appréciation de la compatibilité des mesures d’aide d’État avec le marché commun conformément à l’article 87, paragraphe 3, CE (voir, par analogie, arrêt Commission/Pays-Bas, point 15 supra, point 75, et la jurisprudence citée). Par conséquent, l’absence de but lucratif des organisations en cause dans le cadre des activités secondaires ainsi que le fait qu’elles ne poursuivent pas, par principe, d’objectifs commerciaux sont dénués de pertinence aux fins de leurs qualification d’entreprises lorsqu’elles offrent des biens ou des services sur des marchés, dès lors que cette offre se trouve en concurrence avec celle d’opérateurs poursuivant un but lucratif.

49      Il en va de même en ce qui concerne les arguments de la République fédérale d’Allemagne tirés de l’absence de rentabilité des activités secondaires et du fait que les organisations de protection de l’environnement sont, le plus souvent, financées par des dons et des cotisations. Selon une jurisprudence constante, dans le contexte du droit de concurrence, la notion d’« entreprise » comprend toute entité exerçant une activité économique, indépendamment du statut juridique de cette entité et de son mode de financement (voir arrêt de la Cour du 10 janvier 2006, Cassa di Risparmio di Firenze e.a., C‑222/04, Rec. p. I‑289, point 107, et la jurisprudence citée).

50      Deuxièmement, les arguments de la République fédérale d’Allemagne fondés sur le fait que les organisations de protection de l’environnement sont obligées de réinvestir les recettes générées par les activités secondaires dans le domaine non économique, en l’occurrence de protection de l’environnement, ou de les reverser aux pouvoirs publics, ne sauraient non plus prospérer. Il découle de la jurisprudence citée au point 26 ci-dessus que le caractère économique ou non d’une activité ne dépend pas du statut privé ou public de l’entité qui l’exerce ni de la rentabilité de cette activité. Même si les recettes en l’espèce doivent obligatoirement être réinvesties dans l’activité à caractère social, les activités secondaires constituent une participation au marché susceptible de mettre en cause les objectifs du droit de la concurrence.

51      Contrairement à ce que prétend la République fédérale d’Allemagne et ainsi qu’il a été conclu au point 41 ci-dessus, l’exploitation de terrains du patrimoine n’a pas lieu au « niveau interne » au sens de l’encadrement communautaire des aides d’État à la recherche, au développement et à l’innovation (JO 2006, C 323, p. 1). Il y a lieu de rappeler que, d’une part, c’est seulement dans le cadre de l’article 87, paragraphe 1, CE que doit être appréciée la légalité d’une décision de la Commission constatant l’existence d’une aide d’État et, d’autre part, que, si la Commission est tenue par les encadrements et les communications qu’elle adopte en matière d’aides d’État, c’est uniquement dans la mesure où ces textes ne s’écartent pas d’une bonne application des normes du traité CE, lesdits textes ne pouvant être interprétés dans un sens qui réduise la portée des articles 87 CE et 88 CE ou qui contrevienne aux objectifs visés par ceux-ci (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 11 septembre 2008, Allemagne e.a./Kronofrance, C‑75/05 P et C‑80/05 P, Rec. p. I‑6619, point 65, et la jurisprudence citée). Dans le même sens, la République fédérale d’Allemagne ne saurait s’appuyer, au soutien de son argument, sur une pratique décisionnelle antérieure de la Commission, à supposer celle-ci établie, (voir, par analogie, arrêt de la Cour du 30 septembre 2003, Freistaat Sachsen e.a./Commission, C‑57/00 P et C‑61/00 P, Rec. p. I‑9975, points 52 et 53).

52      Troisièmement, c’est à tort que la République fédérale d’Allemagne invoque les appréciations de la Cour dans l’arrêt du 11 juillet 2006, FENIN/Commission (C‑205/03 P, Rec. p. I‑6295), qui sont intervenues dans un autre contexte, afin de faire valoir la nature non économique des activités secondaires en l’espèce, compte tenu du fait qu’elles seraient structurées de manière à exclure toute rentabilité. Dans cet arrêt, la Cour a déclaré que c’était le fait d’offrir des biens ou des services sur un marché donné qui caractérisait la notion d’activité économique et que, dès lors, le fait qu’une entité achète un produit pour en faire usage dans le cadre d’une autre activité de nature purement sociale ne suffisait pas à conférer à cette entité la qualité d’entreprise. À la différence du cas d’espèce où l’activité sociale se trouve en amont, dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt FENIN/Commission, précité, il n’y avait pas lieu de dissocier l’activité d’achat du produit de l’utilisation ultérieure afin d’apprécier la nature économique ou non de cette activité d’achat. Ainsi qu’il ressort des points 40 et suivants ci-dessus, les activités secondaires ne sont pas indissociables de l’activité non économique de protection de l’environnement et les arguments de la République fédérale d’Allemagne sont dépourvus de pertinence à cet égard.

53      En outre, les arrêts de la Cour Cassa di Risparmio di Firenze e.a., point 49 supra, et du 6 octobre 2009, SPÖ Landesorganisation Kärnten, (C‑267/08, Rec. p. I‑9781), invoqués par la République fédérale d’Allemagne, confirment cette approche fonctionnelle. Quant à la circonstance selon laquelle les organisations de protection de l’environnement ne poursuivent pas de but lucratif dans le cadre des activités secondaires, mais jouissent des biens qui résultent de leur activité sociale, il y a lieu de relever qu’elle ne fait pas obstacle à ce que les organisations qui effectuent des opérations sur le marché soient considérées comme des entreprises, dès lors que l’offre de services correspondante se trouve en concurrence avec celle d’autres opérateurs qui poursuivent un but lucratif (arrêt Cassa di Risparmio di Firenze e.a., point 49 supra, points 122 et 123). Contrairement aux circonstances de l’espèce (voir point 40 ci-dessus), dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt SPÖ Landesorganisation Kärnten, précité, les activités considérées, à savoir la publicité externe par la section d’un parti politique, étaient destinées à contribuer à la formation de l’opinion publique en vue de participer à l’exercice du pouvoir politique et ne concernaient pas un quelconque marché.

54      Quatrièmement, la référence au protocole n° 26 sur les services d’intérêt général, annexé au traité UE et au traité FUE (JO 2010, C 83, p. 308), est dépourvue de pertinence en l’espèce. En effet, l’entrée en vigueur du traité et de ses protocoles, le 1er décembre 2009, est intervenue cinq mois après l’adoption de la décision attaquée. En tout état de cause, le protocole se borne, d’une part, à mentionner l’importance des SIEG et le large pouvoir discrétionnaire des autorités nationales pour les fournir, les faire exécuter et les organiser et, d’autre part, à préciser, que les dispositions du traité ne portent en aucune manière atteinte à la compétence des États membres pour fournir, faire exécuter et organiser des services non économiques d’intérêt général. Il ne saurait dès lors démontrer en quoi les activités secondaires de nature économique (voir point 46 ci-dessus) devraient être qualifiées de services non économiques d’intérêt général et donc être soustraites aux règles du droit de la concurrence de l’Union, ainsi que le prétend la République fédérale d’Allemagne. Cette dernière ne démontre pas davantage le caractère non économique de ses missions d’intérêt général.

55      Par ailleurs, le fait que, dans sa communication au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions, accompagnant la communication intitulée « Un marché unique pour l’Europe du 21e siècle » ‑ Les services d’intérêt général, y compris les services sociaux d’intérêt général : un nouvel engagement européen [COM (2007) 725 final du 20 novembre 2007], la Commission a fait part de son intention d’utiliser le protocole comme référence pour vérifier la cohérence et la proportionnalité des politiques et initiatives de l’Union dans l’attente de l’entrée en vigueur du traité FUE ne saurait remettre en cause cette conclusion.

56      Cinquièmement, l’argument de la République fédérale d’Allemagne selon lequel la Commission a manqué à son obligation d’aménager le régime juridique en cause aux exigences de la convention sur l’accès à l’information, la participation du public au processus décisionnel et l’accès à la justice en matière d’environnement, signée à Aarhus le 25 juin 1998 (ci-après la « convention d’Aarhus ») et approuvée au nom de la Communauté européenne par la décision 2005/370/CE du Conseil, du 17 février 2005 (JO L 124, p. 1), ne saurait davantage prospérer. Il y a lieu de relever que, en souscrivant à la convention d’Aarhus, l’Union s’est engagée à assurer, dans le champ d’application du droit de l’Union, un accès de principe aux informations sur l’environnement détenues par les autorités publiques. L’argument de la République fédérale d’Allemagne repose en conséquence sur une interprétation erronée de la convention d’Aarhus. Ainsi que le fait valoir à juste titre la Commission, ladite convention ne contient aucune disposition concernant le soutien public des organisations de protection de l’environnement.

57      La première branche du premier moyen doit, dès lors, être rejetée.

 Sur la deuxième branche du premier moyen, tirée d’une erreur de droit dans l’application de la notion d’avantage

58      Ainsi qu’il ressort du point 19 ci-dessus, les conditions visées à l’article 87, paragraphe 1, CE étant cumulatives, il convient d’examiner la deuxième branche du premier moyen par laquelle la République fédérale d’Allemagne conteste l’existence d’un avantage au bénéfice d’une entreprise.

59      Il ressort de l’examen de la première branche du premier moyen que, en l’espèce, les organisations de protection de l’environnement doivent être considérées comme des entreprises dans la mesure où elles exercent des activités économiques dans le cadre des mesures en cause.

60      La République fédérale d’Allemagne, soutenue par les parties intervenantes, prétend que les organisations de protection de l’environnement ne tirent aucun avantage des mesures en cause et que les conditions issues du quatrième critère de l’arrêt Altmark, point 6 supra, sont remplies de sorte que la Commission a commis une erreur en leur appliquant l’article 87, paragraphe 1, CE.

61      Il convient de rappeler qu’il découle de l’article 87, paragraphe 1, CE que la notion d’aide est une notion objective qui est fonction de la seule question de savoir si une mesure étatique confère ou non un avantage à une ou certaines entreprises (arrêt du Tribunal du 27 janvier 1998, Ladbroke Racing/Commission, T‑67/94, Rec. p. II‑1, point 52).

62      En particulier, pour déterminer si les mesures en cause peuvent constituer des aides d’État, ce sont essentiellement les effets de ces mesures pour les entreprises bénéficiaires qu’il y a lieu de prendre en considération, et non la situation des organismes publics ou privés octroyant l’aide (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 22 mars 1977, Steinike & Weinlig, 78/76, Rec. p. 595, point 21).

63      Au point 47 de la décision attaquée, sous le titre « Avantage économique », la Commission a considéré que les deux mesures en cause conféraient un avantage à leurs bénéficiaires en raison de la mise à disposition gratuite des terrains visés, qui pouvaient être exploités afin d’obtenir des recettes, même si cette mise à disposition pouvait être conditionnée par des restrictions environnementales. Selon la Commission, lorsqu’il y a cession à titre gratuit ou à un prix réduit de la propriété de terrains, les mesures en cause comportent un autre avantage éventuel consistant en la valeur de ces terrains. La Commission a indiqué, au même point, que la pertinence de cet avantage serait exposée plus en détail aux points 79 à 81 de la décision attaquée. Au point 80 de la décision attaquée, qui figure dans les développements consacrés à l’analyse de la compatibilité des mesures en cause avec l’encadrement sur les SIEG et qui porte sur la cession de terrains du patrimoine, la Commission a écarté ce deuxième avantage potentiel lié à la valeur des terrains en retenant, essentiellement, que l’avantage tenait aux revenus réguliers générés par l’exercice d’activités économiques et non à la valeur de cession des terrains.

64      Il convient d’observer que, ainsi que les parties en conviennent en substance, il n’existe pas en l’espèce d’avantage lié à la propriété et à la possibilité de revente de terrains. Ainsi qu’il ressort du point 63 ci-dessus, la prétendue contradiction relevée par la République fédérale d’Allemagne et par la République française entre la notion d’avantage telle qu’elle figure au point 47 de la décision attaquée et celle figurant au point 80 de la même décision n’est pas fondée.

65      Par conséquent, il convient d’examiner l’unique avantage pris en considération par la Commission dans la décision attaquée, à savoir la possibilité de tirer des recettes des activités exercées sur les terrains.

66      En premier lieu, la République fédérale d’Allemagne fait valoir que les organisations de protection de l’environnement ne tirent aucun bénéfice de l’utilisation des terrains et que la manière dont les mesures en cause sont structurées exclut qu’elles puissent tirer un avantage économique quelconque des recettes générées.

67      À cet égard, force est de constater que l’article 87 CE interdit les aides accordées par l’État ou au moyen de ressources d’État sous quelque forme que ce soit, sans établir de distinction selon que les avantages relatifs aux aides sont octroyés de manière directe ou indirecte. La jurisprudence a ainsi admis qu’un avantage directement accordé à certaines personnes physiques ou morales qui ne sont pas nécessairement des entreprises peut constituer un avantage indirect et, partant, une aide d’État pour d’autres personnes physiques ou morales qui sont des entreprises (voir, en ce sens, arrêts de la Cour du 19 septembre 2000, Allemagne/Commission, C‑156/98, Rec. p. I‑6857, points 22 à 35, et du 13 juin 2002, Pays-Bas/Commission, C‑382/99, Rec. p. I‑5163, points 60 à 66).

68      Par ailleurs, il y a lieu de rappeler que sont notamment considérées comme étant des aides les interventions qui, sous des formes diverses, allègent les charges grevant normalement le budget d’une entreprise et qui, par là, sans être des subventions au sens strict du mot, sont de même nature et ont des effets identiques (voir, notamment, arrêts de la Cour du 15 mars 1994, Banco Exterior de España, C‑387/92, Rec. p. I‑877, point 13, et du 17 juin 1999, Belgique/Commission, C‑75/97, Rec. p. I‑3671, point 23).

69      En l’espèce, l’avantage accordé par l’État membre aux organisations de protection de l’environnement consiste dans la mise à disposition gratuite de terrains permettant une exploitation commerciale. Ainsi que l’a relevé la Commission, au point 49 de la décision attaquée, les bénéficiaires des mesures en cause sont actifs dans des secteurs économiques tels que la sylviculture, le tourisme, la chasse ou la pêche, qui sont des marchés concurrentiels sur lesquels des échanges intra-communautaires ont lieu. Au point 52 de la décision attaquée, la Commission constate qu’au moins une de ces activités, à savoir la vente de bois, concerne la commercialisation d’une marchandise susceptible d’être exportée entre États membres. En ce qui concerne les autres activités, étant donné la situation géographique des terrains visés par les mesures en cause, dispersés sur l’ensemble du territoire allemand, il ne saurait être exclu que ces terrains conviennent au tourisme international ou que les baux de chasse génèrent un intérêt sur le plan international. Eu égard à l’absence de description exhaustive des activités qui pourraient être exercées sur les terrains, et malgré l’effet limité des mesures en cause, la Commission a considéré que les échanges entre États membres étaient susceptibles d’être affectés par l’avantage conféré aux organisations de protection de l’environnement.

70      Il convient de constater que les mesures en cause favorisent les organisations de protection de l’environnement par rapport à d’autres entreprises actives dans les secteurs en cause et qui devraient investir dans des terrains afin d’exercer les mêmes activités économiques. Ainsi qu’il découle de la jurisprudence citée aux points 62 et 68 ci-dessus, c’est l’effet sur le marché qui est décisif pour l’application des règles de concurrence dans le contexte des aides d’État. En effet, la nécessité de prendre en compte les exigences tenant à la protection de l’environnement, pour légitimes qu’elles soient, ne justifie pas l’exclusion de telles mesures sélectives du champ d’application de l’article 87, paragraphe 1, CE (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 22 décembre 2008, British Aggregates/Commission, C‑487/06 P, Rec. p. I‑10515, points 85 et 92, et la jurisprudence citée).

71      Il y a lieu, par conséquent, de rejeter l’argument de la République fédérale d’Allemagne tiré du fait que toutes les recettes réalisées par les organisations de protection de l’environnement seront affectées à un domaine non économique et que ces organisations n’en conserveront aucun profit.

72      S’agissant de l’argument du Royaume des Pays-Bas selon lequel la Commission n’a pas démontré en quoi consisterait l’éventuelle distorsion de concurrence en l’espèce, il convient de rappeler que, aux fins de la qualification d’une mesure nationale d’aide d’État, il y a lieu non pas d’établir une incidence réelle de l’aide sur les échanges entre États membres et une distorsion effective de concurrence, mais seulement d’examiner si l’aide est susceptible d’affecter ces échanges et de fausser la concurrence. En particulier, lorsqu’une aide accordée par un État membre renforce la position d’une entreprise par rapport à d’autres entreprises concurrentes dans les échanges intracommunautaires, ces derniers doivent être considérés comme influencés par l’aide (voir arrêt du Tribunal du 10 septembre 2009, Banco Comercial dos Açores/Commission, T‑75/03, non publié au Recueil, point 86, et la jurisprudence citée).

73      C’est donc à bon droit que la Commission a retenu l’existence d’un avantage accordé aux organisations de protection de l’environnement.

74      En deuxième lieu, la République fédérale d’Allemagne, soutenue par les parties intervenantes, fait valoir, en substance, que la Commission a erronément appliqué le quatrième critère de l’arrêt Altmark, point 6 supra, à la situation de l’espèce. En particulier, l’application stricte dudit critère ne serait pas possible dans le contexte de la protection de l’environnement, où des considérations autres qu’économiques devraient être prises en compte pour l’octroi des mesures en cause. Selon elle, l’application correcte de ce critère démontrerait qu’aucun avantage n’était accordé aux organisations de protection de l’environnement dans un cas de compensation pour des services non économiques d’intérêt général.

75      Il convient de rappeler que le test Altmark vise à déterminer l’existence d’une aide d’État au sens de l’article 87, paragraphe 1, CE. En vertu de la quatrième condition énoncée dans l’arrêt Altmark (point 6 supra, point 93), lorsque le choix de l’entreprise à charger de l’exécution d’obligations relevant des SIEG n’est pas effectué moyennant une procédure de marché public, le niveau de la compensation nécessaire doit être déterminé sur la base d’une analyse des coûts qu’une entreprise moyenne, bien gérée et adéquatement équipée en moyens afin de pouvoir satisfaire aux exigences de service public requises, aurait encouru pour exécuter ces obligations, en tenant compte des recettes qui y sont relatives ainsi que d’un bénéfice raisonnable pour l’exécution de ces obligations.

76      À cet égard, il y a lieu de constater, tout d’abord, qu’il ressort tant des considérations énoncées aux points 35 à 45 ci-dessus, relatives aux activités secondaires de nature économique, et aux points 66 à 70 ci-dessus, relatives à l’octroi d’un avantage aux organisations de protection de l’environnement agissant en tant qu’entreprises, que la prémisse du présent grief est erronée. Ainsi qu’il a été constaté au point 54 ci-dessus, la République fédérale d’Allemagne ne démontre pas le caractère non économique des activités secondaires, objet de la décision attaquée. Par ailleurs, la République fédérale d’Allemagne ne conteste pas l’appréciation des mesures en cause dans la décision attaquée ni au regard de la décision SIEG ni au regard de l’encadrement sur les SIEG. Dès lors, la Commission pouvait valablement examiner les mesures en cause au regard du quatrième critère issu de l’arrêt Altmark, point 6 supra, qui exige de déterminer les coûts, les recettes et les bénéfices afférents à l’exécution d’une obligation relevant des SIEG.

77      Il convient donc d’examiner l’application dudit critère par la Commission dans la décision attaquée.

78      Au point 65 de la décision attaquée, la Commission constate que « [d]ans le cadre des mesures notifiées, les organisations de protection de l’environnement sont sélectionnées selon une procédure publique ouverte et transparente. Cependant, la procédure d’appel d’offres n’est pas fondée sur le prix le plus avantageux des services offerts ni sur l’offre la plus avantageuse économiquement, mais plutôt sur les qualifications des organisations de protection de l’environnement et – uniquement en ce qui concerne les grands projets de protection de l’environnement – des mérites environnementaux des projets. Contrairement aux exigences de la jurisprudence Altmark, le niveau de la compensation ne découle pas d’une procédure de marché public et le système ne permettrait pas d’assurer la fourniture de ces services au moindre coût pour l’État. Même si les autorités allemandes nous ont assuré que, dans l’hypothèse où deux organisations soumettaient une offre pour le même projet, la plus avantageuse économiquement serait choisie, cette possibilité demeura purement théorique (parce que les projets devraient se différencier) et ne concernerait, en tout état de cause, qu’un petit pourcentage des projets. Le montant de la compensation ne serait pas non plus déterminé par le biais d’une analyse comparative. Par conséquent, il y a lieu de conclure que le quatrième critère de l’arrêt Altmark n’est pas rempli et que, dès lors, la jurisprudence Altmark ne permet pas de qualifier les mesures en cause comme n’étant pas des aides. »

79      Cette conclusion doit être validée et les arguments de la République fédérale d’Allemagne et des parties intervenantes ne sont pas de nature à la remettre en cause.

80      Premièrement, la République fédérale d’Allemagne fait valoir, en se fondant sur l’arrêt du Tribunal du 12 février 2008, BUPA e.a./Commission (T‑289/03, Rec. p. II‑81, ci-après l’« arrêt BUPA »), que la finalité dudit critère, à savoir éviter d’indemniser des coûts résultant d’un manque d’efficience du bénéficiaire des ressources d’État, est atteinte en l’espèce.

81      Cet argument, selon lequel il serait suffisant en l’espèce de créer une situation de concurrence par une procédure d’appel d’offres ouverte, exempte de discrimination et dans laquelle les critères d’attribution relèveraient des exigences de la protection de l’environnement, ne saurait prospérer. Certes, le Tribunal a jugé que, au regard de la nature particulière de la mission des SIEG dans certains secteurs, notamment dans celui de la solidarité (voir point 42 ci-dessus), il convenait de faire preuve de souplesse quant à l’application de l’arrêt Altmark, point 6 supra, en se référant à l’esprit et à la finalité des conditions qui y figuraient et qui ont présidé à leur énoncé, de manière adaptée aux données particulières du cas d’espèce (arrêt BUPA, point 80 supra, point 160). Ainsi qu’il ressort des points 246 à 248 dudit arrêt, le Tribunal a conclu que, compte tenu de la neutralité du système de compensation national en cause, par rapport aux recettes et aux bénéfices des assureurs, et de la particularité des surcoûts liés à un profil de risque négatif desdits assureurs, le quatrième critère de l’arrêt Altmark, point 6 supra, ne pouvait pas être appliqué de manière stricte dans le cas concret. En particulier, à défaut de connaître la situation future des différents assureurs actifs sur le marché national donné, le Tribunal a considéré qu’il était impossible d’identifier avec précision les bénéficiaires potentiels de paiements et de procéder à une comparaison concrète de leur situation avec un opérateur efficient. Tel n’est pas le cas en l’espèce, où une analyse comparative des coûts et des recettes liés à la fourniture des SIEG devrait être possible. En tout état de cause, le Tribunal a clairement précisé, au point 249 de l’arrêt BUPA, point 80 supra, que la Commission était tenue de s’assurer que la compensation prévue n’impliquait pas la possibilité d’indemniser des coûts qui pouvaient résulter d’un manque d’efficience des assureurs.

82      En l’espèce, force est de constater qu’il n’appartient pas au Tribunal de se prononcer sur la qualité des organisations de protection de l’environnement sélectionnées par l’État membre pour réaliser des projets environnementaux, ni sur le caractère suffisant des contrôles d’efficience mis en place au niveau national. Toutefois, en se fondant sur la qualification technique du point de vue de la protection de l’environnement, la République fédérale d’Allemagne ne saurait prétendre avoir respecté le quatrième critère de l’arrêt Altmark, point 6 supra, dans le cadre des mesures en cause. En l’espèce, si deux organisations soumettent une offre pour le même projet, c’est la plus avantageuse économiquement qui devrait être choisie. Cependant, la République fédérale d’Allemagne n’a pas démontré avoir effectué une analyse comparative des coûts qui seront encourus pour les deux types de mesures en cause, tel qu’exigé par le quatrième critère de l’arrêt Altmark, point 6 supra (voir point 75 ci-dessus). Force est également de constater que le contrôle des recettes et des dépenses tel que proposé en l’espèce, nonobstant l’obligation de tenir une compatibilité séparée, d’une part, pour l’activité sociale et, d’autre part, pour les activités secondaires des organisations de protection de la nature (voir points 84 et 85 de la décision attaquée), n’est pas suffisant.

83      S’agissant, tout d’abord, de l’argument de la République fédérale d’Allemagne selon lequel un manque d’efficience est impossible dans le cadre de la cession de terrains du patrimoine qui serait a priori un modèle sans valeur, force est de constater que le contrôle de l’efficience au moyen d’une analyse comparative, tel qu’exposée au point 75 ci-dessus, s’avère également important pour cette mesure. Ainsi que le fait valoir la Commission, le choix d’une éventuelle organisation de protection de l’environnement non efficiente entraînerait une charge indue pour la collectivité. En outre, eu égard au chevauchement éventuel entre les deux mesures en cause, le transfert de terrains à une telle organisation pourrait influer sur le choix de l’organisation pour les grands projets de protection de l’environnement.

84      Ensuite, la Commission observe, à juste titre, que les grands projets de protection de l’environnement ne font pas l’objet d’un marché public. En effet, chaque organisation présente son projet sur la base de sa structure de coûts et aucune analyse comparative de ces coûts au sens du quatrième critère de l’arrêt Altmark, point 6 supra, n’est effectuée par les autorités nationales (voir points 78 et 82 ci-dessus). Partant, la sélection des projets intervient selon des critères techniques de protection de l’environnement et non selon le rapport qualité/prix. Par ailleurs, ce n’est que dans le cas exceptionnel où deux candidats proposent le même projet qu’un contrôle limité serait effectué. En outre, il ressort des écritures de la République fédérale d’Allemagne que ce contrôle interviendrait très rarement, car chaque projet se rapporte à une autre superficie et, par conséquent, « il ne s’agirait plus de la même décision d’attribution ».

85      S’agissant, enfin, de l’argument de la République fédérale d’Allemagne selon lequel il est procédé à des contrôles adéquats de l’efficience conformément au point 7.4 des lignes directrices, force est de constater que ces contrôles ne sauraient satisfaire au quatrième critère de l’arrêt Altmark, point 6 supra. Ainsi que cette dernière l’a expliqué lors de l’audience, lesdits contrôles ont lieu tous les trois ans et concernent l’évolution des populations animales ou de la végétation, les moyens engagés et les résultats, ainsi que le contrôle budgétaire par la Cour des comptes fédérale. Dès lors, les contrôles interviennent après l’octroi des mesures en cause et ne permettent pas de démontrer qu’une appréciation économique effective du projet, y compris une analyse comparative des coûts, a été réalisée.

86      Deuxièmement, et contrairement à ce que prétend la République fédérale d’Allemagne, les activités secondaires sur les terrains du patrimoine doivent être considérées comme étant une compensation, puisqu’elles subventionnent les charges grevant normalement le budget des organisations de protection de l’environnement et dont elles seraient autrement tenues de solliciter la prise en charge sous forme de dons, et cela malgré le fait que lesdites organisations n’en conservent aucun profit (voir, par analogie, arrêt de la Cour du 20 novembre 2003, GEMO, C‑126/01, Rec. p. I‑13769, points 29 à 34).

87      Troisièmement, s’agissant de l’argument de la République de Finlande selon lequel, d’une part, l’obligation de tenir une comptabilité séparée pour les différentes activités et, d’autre part, les autres conditions imposées en l’espèce excluent la possibilité d’une compensation excessive et d’un profit quelconque, il convient de relever qu’une telle obligation n’a pas pour conséquence d’écarter l’application du quatrième critère de l’arrêt Altmark, point 6 supra. Contrairement à ce que prétend cet État membre, la constatation figurant au point 85 de la décision attaquée, selon laquelle les promoteurs des projets ne sont pas incités à procéder à des subventions croisées ou à une fixation des prix préjudiciable, ne garantit pas la sélection du coût le plus bas pour la collectivité. Par ailleurs, il convient de noter que cette observation, qui concerne la cession de terrains du patrimoine, ne s’applique qu’au stade de l’analyse des mesures en cause dans le cadre de l’encadrement sur les SIEG, ce qui présuppose la présence d’une aide au sens de l’article 87, paragraphe 1, CE.

88      Quatrièmement, les décisions administratives invoquées par la République fédérale d’Allemagne et les parties intervenantes ne démontrent pas que la Commission contredit sa pratique concernant les mécanismes de protection de l’environnement. En tout état de cause, il suffit de rappeler que la Commission a l’obligation de tenir compte, dans l’évaluation des mesures en cause, de tous les éléments pertinents et de leur contexte (arrêt du Tribunal du 17 décembre 2008, Ryanair/Commission, T‑196/04, Rec. p. II‑3643, point 59). Ainsi, le fondement juridique d’une décision donnée ne peut être remis en question en raison d’un changement par rapport à la pratique habituelle antérieure de la Commission (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 4 mars 2009, Associazione italiana del risparmio gestito et Fineco Asset Management/Commission, T-445/05, Rec. p. II‑289, point 145).

89      Par conséquent, il doit être constaté que la Commission n’a pas méconnu la quatrième condition énoncée dans l’arrêt Altmark, point 6 supra, et que le présent grief doit être rejeté dans sa totalité.

90      Au vu de l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a dès lors lieu de conclure que c’est à bon droit que la Commission a déclaré, dans la décision attaquée, que toutes les conditions visées par l’article 87, paragraphe 1, CE étaient remplies. Dès lors, le premier moyen doit être rejeté comme étant non fondé.

91      Le Tribunal estime, néanmoins, nécessaire d’examiner également le deuxième moyen, invoqué à titre subsidiaire, tiré de la violation de l’article 253 CE.

 Sur le deuxième moyen tiré de la violation de l’obligation de motivation

92      Par son deuxième moyen, la République fédérale d’Allemagne soutient que la décision attaquée est insuffisamment motivée, en ce qu’elle ne permet pas de comprendre en quoi consiste l’avantage accordé aux organisations de protection de la nature par les mesures en cause. Selon elle, la décision est contradictoire dans la mesure où, en son point 47, la Commission a relevé un élément d’avantage potentiel qui découlerait de la valeur des terrains transférés, tandis que, selon ses points 79 à 82, le seul avantage procuré aux bénéficiaires des mesures en cause consisterait en les revenus tirés des activités économiques qui peuvent être exercées sur ces terrains. De plus, en décrivant ces activités, au point 81 de la décision attaquée, la Commission mentionnerait que les recettes ne sont pas à la libre disposition des organisations de protection de l’environnement, qui n’auraient d’ailleurs pas droit à une compensation raisonnable.

93      Selon une jurisprudence constante, l’obligation de motivation constitue une formalité substantielle, qui doit être distinguée de la question du bien-fondé de la motivation, celui-ci relevant de la légalité au fond de l’acte litigieux (arrêt de la Cour du 22 mars 2001, France/Commission, C‑17/99, Rec. p. I‑2481, point 35, et arrêt du Tribunal du 18 janvier 2005, Confédération nationale du Crédit mutuel/Commission, T‑93/02, Rec. p. II‑143, point 67).

94      La motivation exigée par l’article 253 CE doit être adaptée à la nature de l’acte en cause et faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de l’institution, auteur de l’acte, de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise et à la juridiction compétente d’exercer son contrôle. Cette exigence doit être appréciée en fonction des circonstances de l’espèce, notamment du contenu de l’acte, de la nature des motifs invoqués et de l’intérêt que les destinataires ou d’autres personnes concernées directement et individuellement par l’acte peuvent avoir à recevoir des explications. Il n’est pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, dans la mesure où la question de savoir si la motivation d’un acte satisfait aux exigences de l’article 253 CE doit être appréciée au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte, ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 2 avril 1998, Commission/Sytraval et Brink’s France, C‑367/95 P, Rec. p. I‑1719, point 63, et la jurisprudence citée).

95      Il résulte, en particulier, de ces principes que la Commission est tenue de démontrer que la mesure constitue une aide d’État et qu’elle est incompatible avec le marché commun. Elle n’est, en revanche, pas tenue de répondre point par point aux arguments dénués de pertinence, invoqués par les autorités nationales concernées ou par des tiers intervenants (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 28 mars 2012, Ryanair/Commission, T‑123/09, non encore publié au Recueil, points 182 et 183, et la jurisprudence citée).

96      À cet égard, il convient d’écarter les arguments de la République fédérale d’Allemagne et des parties intervenantes selon lesquels la Commission a erronément constaté la présence de SIEG et qualifié les activités secondaires d’activités de nature économique. Ces arguments remettent en cause le bien-fondé de la motivation de la décision attaquée. À titre surabondant, il convient de noter que le Tribunal a déjà examiné, en substance, ces arguments dans le cadre du premier moyen.

97      Il y a lieu de revenir sur les termes de la décision attaquée pertinents pour savoir si la Commission a suffisamment motivé la décision attaquée en ce qui concerne l’avantage que tirent les organisations de protection de l’environnement des mesures en cause. Il convient d’observer que la prétendue contradiction invoquée par la République fédérale d’Allemagne ne concerne qu’une seule de ces deux mesures.

98      En l’espèce, il a été constaté par la Commission, au point 47 de la décision attaquée, que les mesures en cause accordaient un avantage aux bénéficiaires, lesquels pouvaient réaliser des recettes par le biais des activités économiques susceptibles d’être exercées sur les terrains visés. Dans le cadre de la cession de terrains du patrimoine, la Commission identifie un autre avantage potentiel et renvoie à l’analyse figurant aux points 79 à 81 de la décision attaquée. Cependant au point 80 de la décision attaquée, la Commission ne retient pas cet autre avantage lié à la valeur des terrains cédés, en raison de la manière dont les mesures en cause sont structurées et de la réglementation nationale relative à l’aliénation et à l’utilisation des terrains. Au même point, elle a conclu à l’existence d’un seul avantage dans le cadre de cette mesure et « aux fins d’analyse de l’absence de surcompensation au sens de l’encadrement sur les SIEG, [a estimé] qu’il [convenait] de fonder cette analyse non pas sur la valeur potentielle des terrains, mais sur les revenus qui [pouvaient] en être tirés ». Enfin, aux points 81 et 82 de la décision attaquée, eu égard au fait que les organisations de protection de l’environnement devaient consacrer les recettes générées à des buts non économiques ou les reverser à l’État membre, la Commission a constaté qu’elles n’en tireraient même pas une compensation raisonnable comme le permettrait le troisième critère de l’arrêt Altmark, point 6 supra.

99      Par ailleurs, dans le cadre de son appréciation des éléments d’aide, la Commission a exposé, au point 41 de la décision attaquée, que les organisations de protection de l’environnement étaient des entreprises en ce qu’elles exerçaient des activités économiques sur les terrains visés, au point 49 de la décision attaquée, que ces secteurs étaient concurrentiels et, au point 52 de la décision attaquée, que les activités secondaires avaient un effet sur le commerce intracommunautaire.

100    Il ressort de ces différents passages de la décision attaquée que la Commission a clairement identifié l’avantage au sens de l’article 87, paragraphe 1, CE. Contrairement à ce qu’allègue la République fédérale d’Allemagne, la décision contient une motivation qui fait apparaître le raisonnement de la Commission selon lequel les mesures en cause avantageraient ces organisations de protection de l’environnement par rapport aux autres entreprises sur les marchés pertinents. Dès lors, la République fédérale d’Allemagne ne saurait prétendre ne pas comprendre en quoi consiste l’avantage octroyé auxdites organisations.

101    À titre surabondant, il convient de rappeler qu’une contradiction dans la motivation d’une décision, qui n’est, en tout état de cause, pas établie en l’espèce (voir point 64 ci-dessus), constitue une violation de l’obligation qui découle de l’article 253 CE de nature à affecter la validité de l’acte en cause s’il est établi que, en raison de cette contradiction, le destinataire de l’acte n’est pas en mesure de connaître les motifs réels de la décision, en tout ou en partie, et que, de ce fait, le dispositif de l’acte est, en tout ou en partie, dépourvu de tout support juridique (arrêt du Tribunal du 30 mars 2000, Kish Glass/Commission, T‑65/96, Rec. p. II‑1885, point 85).

102    Tel ne saurait être le cas d’une éventuelle divergence dans la décision attaquée en ce qui concerne le nombre d’avantages accordés par la cession de terrains du patrimoine. En effet, même à la supposer avérée, une telle divergence ne saurait impliquer que la République fédérale d’Allemagne n’est pas en mesure de connaître les motifs de la décision attaquée, lesquels ressortent de celle-ci.

103    Il convient de rejeter le deuxième moyen et, dès lors, le recours dans son ensemble.

 Sur les dépens

104    Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La République fédérale d’Allemagne ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la Commission.

105    Aux termes de l’article 87, paragraphe 4, premier alinéa, du même règlement, les États membres qui sont intervenus au litige supportent leurs dépens. Dès lors, la République française, le Royaume des Pays-Bas et la République de Finlande, en tant que parties intervenantes, supporteront leurs propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (cinquième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      La République fédérale d’Allemagne supportera ses propres dépens ainsi que ceux de la Commission européenne.

3)      La République française, le Royaume des Pays-Bas et la République de Finlande supporteront leurs propres dépens.

Papasavvas

Vadapalas

O’Higgins

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 12 septembre 2013.

Signatures


* Langue de procédure : l’allemand.