Language of document : ECLI:EU:T:2013:471

ARRÊT DU TRIBUNAL (huitième chambre)

16 septembre 2013 (*)

« Aides d’État – Compensation de charges de service public dans le cadre d’un projet de réseau de communications électroniques à très haut débit dans le département des Hauts-de-Seine – Décision constatant l’absence d’aide – Absence d’ouverture de la procédure formelle d’examen – Difficultés sérieuses – Arrêt Altmark – Service d’intérêt économique général – Défaillance du marché – Surcompensation »

Dans l’affaire T‑258/10,

Orange, anciennement dénommée France Télécom, établie à Paris (France), représentée initialement par Mes M. van der Woude et D. Gillet, puis par Mes Gillet et H. Viaene, avocats,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par MM. B. Stromsky et C. Urraca Caviedes, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

soutenue par

République française, représentée initialement par MM. G. de Bergues et J. Gstalter, puis par M. D. Colas et Mme J. Bousin, en qualité d’agents,

par

Département des Hauts-de-Seine (France), représenté par Mes J.‑D. Bloch et G. O’Mahony, avocats,

et par

Sequalum SAS, établie à Puteaux (France), représentée par Me L. Feldman, avocat,

parties intervenantes,

ayant pour objet une demande d’annulation de la décision C (2009) 7426 final de la Commission, du 30 septembre 2009, relative à la compensation de charges de service public pour l’établissement et l’exploitation d’un réseau de communications électroniques à très haut débit dans le département des Hauts‑de‑Seine (aide d’État N 331/2008 – France),

LE TRIBUNAL (huitième chambre),

composé de M. L. Truchot (rapporteur), président, Mme M. E. Martins Ribeiro et M. A. Popescu, juges,

greffier : Mme C. Kristensen, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 15 mai 2013,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 27 juin 2008, les autorités françaises ont notifié à la Commission des Communautés européennes un projet d’octroi à un groupement d’entreprises, Sequalum SAS, choisi à l’issue d’une mise en concurrence, d’une compensation de charges de service public de 59 millions d’euros pour l’établissement et l’exploitation d’un réseau de communications électroniques à très haut débit dans le département des Hauts-de-Seine (France) (ci-après le « projet THD 92 »). Le département des Hauts-de-Seine, qui est une collectivité territoriale française sise dans la périphérie immédiate de Paris (France), située au nord-ouest, à l’ouest et au sud-ouest de cette ville, avait en effet décidé, compte tenu de l’hétérogénéité en termes économique, sociologique, topographique et d’infrastructures des communes situées sur son territoire, de procéder au déploiement d’un réseau de communications électroniques à très haut débit (réseau en fibre optique) (ci-après le « réseau THD 92 »), afin de constituer un socle durable en matière de technologies de l’information et de la communication.

2        Cette notification a été complétée par les autorités françaises le 15 juillet 2008.

3        Le 22 juillet 2008, la Commission a reçu un courrier confidentiel envoyé par un opérateur de communications électroniques, exerçant son activité sur le territoire des Hauts-de-Seine, soutenant que le projet THD 92 n’était pas compatible avec le marché commun.

4        Ce courrier a été suivi, le 1er août 2008, par des courriers dans lesquels deux opérateurs de réseaux et de services des communications électroniques, Free et Colt Télécommunications France, ainsi que le syndicat intercommunal de la périphérie de Paris pour l’électricité et les réseaux de communication (ci-après le « Sipperec ») ont contesté auprès de la Commission la compatibilité du projet THD 92 avec les règles applicables aux aides d’État. Le 22 septembre 2008, la requérante, France Télécom, opérateur historique des communications électroniques en France, a également envoyé à la Commission des observations sur certains aspects du projet THD 92. Une version non confidentielle de ces observations a été envoyée aux autorités françaises le 10 octobre 2008.

5        Le 18 août 2008, la Commission a demandé des informations complémentaires aux autorités françaises. Après avoir sollicité de la Commission deux prorogations des délais de réponse, dont la dernière aux fins de pouvoir prendre en compte les observations de France Télécom, les autorités françaises ont transmis à la Commission le 19 novembre 2008 les renseignements sollicités et ont complété leur réponse par un courrier du 28 novembre 2008.

6        Par courriers des 21 novembre 2008 et 16 février 2009, le Sipperec a présenté de nouvelles observations à la Commission sur certains aspects du projet THD 92.

7        Le 23 janvier 2009, la Commission a envoyé aux autorités françaises une nouvelle demande d’informations. Après avoir demandé des délais de réponse supplémentaires, par lettres des 27 février et 3 mars 2009, les autorités françaises ont répondu aux questions posées par la Commission le 13 mai 2009. Cette réponse a été complétée par l’envoi de sept annexes le 2 juin 2009.

8        Dans l’intervalle, le 6 février 2009, France Télécom a communiqué à la Commission ses prévisions relatives au déploiement de son réseau à très haut débit dans les Hauts-de-Seine.

9        Par courriers des 12 novembre, 9 et 10 décembre 2008, 7 et 22 janvier, 4 et l3 février, 12 mars, 26 mai, 8 et 26 juin 2009, Free a exprimé son opposition au projet THD 92, estimant qu’il constituait une aide incompatible avec le marché commun.

10      Le 29 mai 2009, la Commission a demandé aux autorités françaises de lui présenter leurs observations éventuelles relatives au courrier de Free du 26 mai 2009 mentionné au point 9 ci-dessus. Ces observations lui sont parvenues le 17 juin 2009.

11      Le 13 juillet 2009, Colt Télécommunications France a une nouvelle fois informé la Commission de son opposition au projet THD 92.

12      Par courrier reçu par la Commission le 10 août 2009, les autorités françaises ont déposé un complément à leurs réponses précédentes.

13      Par la décision C (2009) 7426 final, du 30 septembre 2009, relative à la compensation de charges de service public pour l’établissement et l’exploitation d’un réseau de communications électroniques à très haut débit dans le département des Hauts-de-Seine (aide d’État N 331/2008 – France), ayant fait l’objet d’un corrigendum le 16 décembre 2009 et d’une publication sur le site Internet de la Commission le 4 janvier 2010, la Commission a constaté que la mesure notifiée ne constituait pas une aide d’État (ci-après la « décision attaquée »). La décision attaquée est fondée, en substance, sur les considérations mentionnées aux points 14 à 17 ci-après.

14      En premier lieu, la Commission a relevé que, pour remédier aux insuffisances techniques des réseaux métalliques existants et au déploiement déséquilibré du réseau à très haut débit sur le territoire départemental, le projet THD 92 visait à atteindre, selon les autorités françaises, trois objectifs principaux. Le premier objectif poursuivi était la couverture universelle du territoire, c’est-à-dire la couverture, à l’issue d’une période de six ans, de la totalité du territoire départemental par une infrastructure de desserte à très haut débit qui serait mise à la disposition de tous les opérateurs dans des conditions objectives, transparentes et non discriminatoires, au lieu d’une concentration sur les zones les plus denses du territoire ignorant celles dans lesquelles un investissement similaire ne serait pas rentable. Le deuxième objectif poursuivi était la neutralité technologique de l’infrastructure déployée. Enfin, le troisième objectif poursuivi était la péréquation des prix pratiqués à l’échelle du département, l’exploitant du réseau THD 92 étant tenu de proposer des tarifs identiques, quelle que soit la localisation des infrastructures mises à disposition sur le territoire départemental, afin que les recettes tirées des zones plus rentables viennent compenser les pertes occasionnées par la construction de l’infrastructure dans les zones non rentables (paragraphes 21, 26 à 28 et 30 de la décision attaquée).

15      En deuxième lieu, la Commission a précisé que les autorités françaises avaient choisi de confier la réalisation du projet THD 92 à un tiers dans le cadre d’une délégation de service public (ci-après la « DSP ») ayant la forme d’une concession, c’est-à-dire en lui accordant une subvention pour couvrir les coûts afférents, le bénéficiaire de la délégation devant par ailleurs se rémunérer sur toute la durée de celle-ci en exploitant l’infrastructure construite. Lors de la procédure de sélection, six candidatures auraient été reçues, examinées et suivies d’une invitation par les autorités françaises à présenter une offre. La requérante a participé à cette procédure, mais a retiré sa candidature avant que celle-ci ne soit arrivée à son terme. À l’issue de la procédure de sélection, l’offre du groupement constitué de Numericable, LD Collectivités et Eiffage, regroupées au sein du consortium Sequalum, a été retenue (paragraphes 31, 35, 36 et 40 de la décision attaquée).

16      S’agissant du contenu de la DSP, la Commission a indiqué, dans la décision attaquée, que, selon la convention signée entre le département des Hauts-de-Seine et le délégataire, ce dernier s’engageait, d’une part, à concevoir, à financer, à construire et à déployer un réseau universel de communications électroniques de desserte en fibre optique et, d’autre part, à l’exploiter en le mettant à la disposition de ses usagers, à savoir des opérateurs de communications électroniques et éventuellement des utilisateurs de réseaux indépendants. La convention aurait une durée de 25 ans, justifiée par la durée d’amortissement des ouvrages construits par le délégataire. La construction du réseau s’échelonnerait sur une durée de six ans, comportant deux phases successives de 36 mois chacune. La Commission a également constaté, dans la décision attaquée, que, afin de compenser les surcoûts induits par la couverture intégrale du département des Hauts-de-Seine ainsi que par la péréquation tarifaire, le délégataire bénéficierait d’une subvention de 59 millions d’euros, dont 25 millions pour la première phase de réalisation et 34 millions pour la seconde phase. Il est également indiqué, dans la décision attaquée, que, selon les autorités françaises, la subvention ne compense que les coûts du déploiement du réseau THD 92 dans les zones non rentables, qui correspondent à 40 % du territoire à couvrir (paragraphes 41, 42 et 50 de la décision attaquée).

17      En troisième lieu, la Commission a estimé, dans la décision attaquée, que le service d’intérêt économique général (ci-après le « SIEG ») ainsi mis en place par les autorités françaises était conforme aux exigences posées par l’arrêt de la Cour du 24 juillet 2003, Altmark Trans et Regierungspräsidium Magdeburg (C‑280/00, Rec. p. I‑7747, ci-après l’« arrêt Altmark »), en faisant également référence aux lignes directrices communautaires pour l’application des règles relatives aux aides d’État dans le cadre du déploiement rapide des réseaux de communication à haut débit (JO 2009, C 235, p. 7, ci-après les « lignes directrices »). En particulier, la Commission a considéré que le groupement bénéficiaire avait effectivement été chargé de l’exécution d’obligations de service public clairement définies, que les paramètres du financement public avaient été préalablement établis de façon objective et transparente, que la compensation prévue ne dépassait pas ce qui était nécessaire pour couvrir les coûts occasionnés par l’exécution des obligations de service public et que la DSP avait été attribuée à l’issue d’une procédure ayant effectivement permis de sélectionner le candidat capable de fournir ce service au moindre coût pour la collectivité. La Commission en a conclu que la mesure notifiée ne constituait pas une aide d’État (paragraphes 116 à 175 et note en bas de page n° 39 de la décision attaquée).

 Procédure et conclusions des parties

18      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 10 juin 2010, la requérante a introduit le présent recours.

19      Par actes déposés au greffe du Tribunal, respectivement, le 21 septembre, le 3 et le 18 octobre 2010, le département des Hauts-de-Seine, Sequalum et la République française ont demandé à intervenir à l’appui des conclusions de la Commission.

20      Par ordonnances du président de la huitième chambre du Tribunal du 25 novembre 2010, le département des Hauts-de-Seine, Sequalum et la République française ont été admis à intervenir. La décision sur le bien-fondé des demandes de traitement confidentiel de la requérante à l’égard des trois intervenants a été réservée. Sequalum n’a pas déposé de mémoire en intervention dans le délai imparti.

21      Par ordonnance du 5 octobre 2012, le président de la huitième chambre du Tribunal a partiellement accueilli les demandes de traitement confidentiel de la requérante.

22      Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (huitième chambre) a décidé d’ouvrir la procédure orale et, au titre des mesures d’organisation de la procédure, a demandé aux parties de répondre à certaines questions ainsi que de produire plusieurs documents. Ces parties ont déféré à ces demandes.

23      Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions orales posées par le Tribunal lors de l’audience du 15 mai 2013.

24      La procédure orale a été close le 15 mai 2013.

25      Par lettre du 29 juillet 2013, la requérante a informé le Tribunal, documents à l’appui, de sa décision de changer, avec effet à compter du 1er juillet 2013, sa raison sociale pour adopter celle d’« Orange ». Par décision du président de la huitième chambre du Tribunal du 14 août 2013, cette lettre a été versée au dossier, ce dont la Commission et les parties intervenantes ont été informées.

26      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner la Commission, le département des Hauts-de-Seine et Sequalum aux dépens de l’instance à l’exception des dépens exposés par la République française et cette dernière à ses propres dépens.

27      La Commission et les intervenants concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours en partie comme irrecevable et en partie comme non fondé ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

28      Au soutien de son recours, la requérante soulève deux moyens, tirés, le premier, de la violation de ses droits procéduraux tels que prévus par l’article 88, paragraphe 2, CE, en raison de l’absence d’ouverture de la procédure formelle d’examen par la Commission et, le second, de la violation de l’article 87, paragraphe 1, CE, au motif que trois des quatre critères posés par l’arrêt Altmark, point 17 supra, pour qu’une mesure puisse échapper à la qualification d’aide d’État ne seraient pas réunis en l’espèce.

 Sur le premier moyen, tiré de la violation des droits procéduraux de la requérante prévus par l’article 88, paragraphe 2, CE

29      La requérante soutient que la Commission a violé ses droits procéduraux en raison de l’absence d’ouverture de la procédure formelle d’examen prévue à l’article 88, paragraphe 2, CE.

30      À titre liminaire, il convient de rappeler que, dans le cadre de la procédure de contrôle des aides d’État, doivent être distinguées, d’une part, la phase préliminaire d’examen des aides instituée à l’article 88, paragraphe 3, CE, qui a seulement pour objet de permettre à la Commission de se former une première opinion sur la mesure notifiée, et, d’autre part, la phase formelle d’examen visée à l’article 88, paragraphe 2, CE. Ce n’est que dans le cadre de celle-ci, qui est destinée à permettre à la Commission d’avoir une information complète sur l’ensemble des données de l’affaire, que le traité prévoit l’obligation, pour la Commission, de mettre en demeure les intéressés de présenter leurs observations (voir arrêt du Tribunal du 10 juillet 2012, Smurfit Kappa Group/Commission, T‑304/08, non encore publié au Recueil, point 45, et la jurisprudence citée).

31      Selon une jurisprudence constante, la procédure prévue à l’article 88, paragraphe 2, CE revêt un caractère indispensable dès lors que la Commission éprouve des difficultés sérieuses pour apprécier si une mesure est constitutive d’une aide d’État (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 10 février 2009, Deutsche Post et DHL International/Commission, T‑388/03, Rec. p. II‑199, point 88, et la jurisprudence citée).

32      La Commission ne peut donc s’en tenir à la phase préliminaire énoncée à l’article 88, paragraphe 3, CE pour prendre une décision favorable à une mesure étatique que si elle est en mesure d’acquérir la conviction, au terme d’un premier examen, que cette mesure soit ne constitue pas une aide au sens de l’article 87, paragraphe 1, CE, soit, si elle est qualifiée d’aide, est compatible avec le traité. En revanche, si ce premier examen a conduit la Commission à la conviction contraire, ou même n’a pas permis de surmonter toutes les difficultés soulevées par l’appréciation de la mesure considérée, la Commission a le devoir de s’entourer de tous les avis nécessaires et d’ouvrir, à cet effet, la procédure prévue à l’article 88, paragraphe 2, CE (arrêt de la Cour du 22 décembre 2008, British Aggregates/Commission, C‑487/06 P, Rec. p. I‑10515, points 186 et 187).

33      Cette obligation résulte directement de l’article 88, paragraphe 3, CE, tel qu’il a été interprété par la jurisprudence, et est confirmée par les dispositions de l’article 4, paragraphe 4, du règlement (CE) n° 659/1999 du Conseil, du 22 mars 1999, portant modalités d’application de l’article [88 CE] (JO L 83, p. 1), lorsque la Commission constate, après un examen préliminaire, que la mesure notifiée suscite des doutes quant à sa compatibilité avec le marché commun (voir arrêt du Tribunal du 18 novembre 2009, Scheucher-Fleisch e.a./Commission, T‑375/04, Rec. p. II‑4155, point 69, et la jurisprudence citée).

34      Dès lors, il appartient à la Commission de déterminer, en fonction des circonstances de fait et de droit propres à l’affaire, si les difficultés rencontrées dans l’examen de la mesure notifiée nécessitent l’ouverture de la procédure formelle d’examen. Cette appréciation doit respecter trois exigences (voir, en ce sens, arrêt Deutsche Post et DHL International/Commission, point 31 supra, point 89, et la jurisprudence citée).

35      Premièrement, l’article 88 CE circonscrit le pouvoir de la Commission de se prononcer sur l’existence d’une aide au terme de la procédure d’examen préliminaire aux seules mesures ne soulevant pas de difficultés sérieuses, de telle sorte que ce critère revêt un caractère exclusif. Ainsi, la Commission ne saurait refuser d’ouvrir la procédure formelle d’examen en se prévalant d’autres circonstances, telles que l’intérêt de tiers, des considérations d’économie de procédure ou tout autre motif de convenance administrative ou politique (voir, en ce sens, arrêt Deutsche Post et DHL International/Commission, point 31 supra, point 90, et la jurisprudence citée).

36      Deuxièmement, lorsqu’elle se heurte à des difficultés sérieuses, la Commission est tenue d’ouvrir la procédure formelle et ne dispose, à cet égard, d’aucun pouvoir discrétionnaire (arrêt Deutsche Post et DHL International/Commission, point 31 supra, point 91).

37      Troisièmement, la notion de difficultés sérieuses revêt un caractère objectif. L’existence de telles difficultés doit être recherchée tant dans les circonstances d’adoption de l’acte attaqué que dans son contenu, d’une manière objective, en mettant en rapport les motifs de la décision avec les éléments dont la Commission pouvait disposer lorsqu’elle s’est prononcée sur la qualification d’aide de la mesure litigieuse. Il en découle que le contrôle de légalité effectué par le Tribunal sur l’existence de difficultés sérieuses, par nature, ne peut se limiter à la recherche de l’erreur manifeste d’appréciation (voir, en ce sens, arrêt Deutsche Post et DHL International/Commission, point 31 supra, point 92, et la jurisprudence citée).

38      À cet égard, il convient de relever que la partie requérante supporte la charge de la preuve de l’existence de difficultés sérieuses, preuve qu’elle peut fournir à partir d’un faisceau d’indices concordants, relatifs, d’une part, aux circonstances et à la durée de la phase préliminaire d’examen et, d’autre part, au contenu de la décision attaquée (arrêts du Tribunal du 15 mars 2001, Prayon‑Rupel/Commission, T‑73/98, Rec. p. II‑867, point 49, et du 3 mars 2010, Bundesverband deutscher Banken/Commission, T‑36/06, Rec. p. II‑537, point 127).

39      En l’espèce, selon la requérante, l’existence de difficultés sérieuses nécessitant l’ouverture de la procédure formelle d’examen serait révélée par des indices tenant, d’une part, à la procédure préliminaire d’examen et, d’autre part, au contenu de la décision attaquée.

 Indices relatifs à la procédure préliminaire d’examen

40      Selon la requérante, trois circonstances caractérisant la procédure préliminaire d’examen ayant donné lieu à l’adoption de la décision attaquée démontreraient l’existence de difficultés sérieuses rencontrées par la Commission lors de son appréciation de la mesure notifiée.

–       Sur le premier indice, tenant à la durée de la procédure préliminaire d’examen

41      La requérante fait valoir que les délais caractérisant le déroulement de la procédure préliminaire d’examen sont révélateurs de l’existence de difficultés sérieuses. Elle fait observer à cet égard que la Commission a adopté la décision attaquée au terme d’une instruction formelle de quinze mois. Ce délai serait bien supérieur à celui observé dans d’autres affaires dans lesquelles la Commission aurait été sanctionnée pour ne pas avoir ouvert la procédure formelle d’examen. La requérante ajoute que l’allégation de la Commission selon laquelle le délai de deux mois pour clore la procédure préliminaire d’examen commencerait à courir à partir de la notification complète du projet en cause ne trouve de fondement ni dans le règlement n° 659/1999 ni dans la jurisprudence. Elle estime enfin qu’est dénué de toute pertinence le fait qu’il ne se serait jamais écoulé plus de deux mois entre la réception d’une réponse des autorités françaises et une nouvelle demande d’informations de la Commission.

42      Selon une jurisprudence constante, la durée de l’examen préliminaire peut, avec d’autres éléments, constituer un indice des difficultés sérieuses rencontrées par la Commission, si elle excède notablement ce qu’implique normalement un tel examen (arrêts du Tribunal du 10 mai 2000, SIC/Commission, T‑46/97, Rec. p. II‑2125, point 102, et du 10 juillet 2012, TF1 e.a./Commission, T‑520/09, non publié au Recueil, point 54).

43      En vertu de l’article 4, paragraphe 1, du règlement n° 659/1999, l’examen préliminaire débute dès la réception de la notification de la mesure concernée.

44      L’article 4, paragraphe 5, du règlement n° 659/1999 prévoit que les décisions clôturant l’examen préliminaire sont prises dans un délai de deux mois. Selon cette disposition, ce délai court à compter du jour suivant celui de la réception d’une notification complète.

45      Il en résulte, d’une part, que la durée de l’examen préliminaire doit être calculée à partir de la réception d’une notification complète par la Commission (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 20 septembre 2007, Fachvereinigung Mineralfaserindustrie/Commission, T‑375/03, non publié au Recueil, point 119) et, d’autre part, que le délai maximal dont dispose la Commission pour procéder à un examen préliminaire est, en principe, de deux mois (voir, en ce sens, arrêt Deutsche Post et DHL International/Commission, point 31 supra, point 97).

46      Il convient de préciser à cet égard que, en vertu de l’article 2, paragraphe 2, du règlement n° 659/1999, une notification n’est complète que si elle permet à la Commission de prendre une décision conformément à la procédure d’examen préliminaire et à la procédure formelle d’examen. En outre, aux termes de l’article 4, paragraphe 5, de ce même règlement, « [l]a notification est considérée comme complète si, dans les deux mois de sa réception ou de la réception de toute information additionnelle réclamée, la Commission ne réclame pas d’autres informations ».

47      Il résulte de ces dispositions combinées qu’une notification ne peut être regardée comme complète qu’à la réception par la Commission de l’ensemble des informations lui permettant de se forger une première opinion sur la nature et les effets de la mesure concernée. Ces informations sont réputées contenues dans la notification si la Commission ne présente aucune demande d’informations additionnelles dans les deux mois de sa réception. En revanche, si la Commission présente des demandes d’informations additionnelles, la notification doit être regardée comme complète à la date de réception des dernières informations demandées, de sorte que le délai de deux mois prévu à l’article 4, paragraphe 5, du règlement n° 659/1999 ne commence à courir qu’à partir de cette date (arrêt TF1 e.a./Commission, point 42 supra, points 61 et 62).

48      Contrairement à ce que soutient la requérante, il résulte ainsi tant du règlement n° 659/1999 que de la jurisprudence l’ayant interprété que le délai de deux mois imposé à la Commission pour clore la procédure préliminaire d’examen commence à courir à compter de la notification complète du projet en cause. Il ne saurait en particulier être déduit de l’arrêt Bundesverband deutscher Banken/Commission, point 38 supra, cité par la Commission dans le mémoire en défense, que ce délai débute à partir de la notification initiale du projet concerné. En effet, le Tribunal a indiqué au point 132 de cet arrêt que la durée de l’examen de l’apport litigieux avait dépassé le délai prévu pour l’examen préliminaire d’une mesure notifiée, sans toutefois prendre explicitement position quant au fait que quinze mois s’étaient écoulés entre la notification et la décision de la Commission, cette dernière durée n’étant évoquée que par le requérant dans cette affaire (arrêt Bundesverband deutscher Banken/Commission, point 38 supra, point 123) et non par le Tribunal.

49      En l’espèce, la République française a notifié le projet THD 92 à la Commission le 27 juin 2008. Cette notification a été complétée le 15 juillet 2008 (voir points 1 et 2 ci-dessus).

50      Cette notification n’a pas été considérée comme complète par la Commission. En effet, celle-ci a demandé à la République française des informations complémentaires par lettres du 18 août 2008 (voir point 5 ci-dessus) et du 23 janvier 2009 (voir point 7 ci-dessus) ainsi que ses observations sur un courrier de Free par lettre du 29 mai 2009 (voir point 10 ci-dessus).

51      Les autorités françaises ont répondu à ces demandes par courriers reçus par la Commission, respectivement, les 19 et 28 novembre 2008 (voir point 5 ci-dessus), les 13 mai et 2 juin 2009 (voir point 7 ci-dessus) et le 17 juin 2009 (voir point 10 ci-dessus). Le 10 août 2009, les autorités françaises ont déposé un complément à leurs réponses précédentes (voir point 12 ci-dessus).

52      C’est ainsi au plus tôt à compter de la réception des dernières informations complémentaires envoyées par les autorités françaises, à savoir le 10 août 2009, qu’il convient de calculer la durée de la procédure d’examen préliminaire, et non, comme le soutient la requérante, à partir de la notification initiale du 27 juin 2008. Dès lors, les délais intervenus entre celle-ci et la dernière réponse des autorités françaises n’entrent pas dans le calcul de la durée de la procédure préliminaire d’examen.

53      Partant, il convient de considérer que, contrairement à ce que fait valoir la requérante, la décision attaquée, datée du 30 septembre 2009, a été adoptée dans le délai de deux mois prescrit par le règlement n° 659/1999, qui a commencé à courir le jour suivant le 10 août 2009, et non dans le délai de quinze mois allégué par la requérante.

54      Cette constatation ne saurait être remise en cause par l’argument avancé par la requérante lors de l’audience, selon lequel la réponse complémentaire des autorités françaises reçue le 10 août 2009 ne peut constituer le point de départ du délai de deux mois prévu par le règlement n° 659/1999, dans la mesure où la communication de cette réponse serait intervenue à l’initiative de l’État membre et ne constituerait pas la réponse à une demande d’informations de la Commission.

55      En effet, tout d’abord, il ressort de l’article 48, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal que la production de moyens nouveaux en cours d’instance est interdite, à moins que ces moyens ne se fondent sur des éléments de droit et de fait qui se sont révélés pendant la procédure. Cependant, un moyen, ou un argument, qui constitue l’ampliation d’un moyen énoncé antérieurement, directement ou implicitement, dans la requête introductive d’instance et qui présente un lien étroit avec celui-ci doit être déclaré recevable (voir arrêt du Tribunal du 18 janvier 2012, Djebel – SGPS/Commission, T‑422/07, non encore publié au Recueil, points 142 et 143, et la jurisprudence citée).

56      Or, en l’espèce, d’une part, l’argument de la requérante ne peut être considéré comme étant fondé sur des éléments de droit et de fait qui se sont révélés pendant la présente procédure. La réponse des autorités françaises reçue le 10 août 2009 a certes été communiquée à la requérante par la Commission au cours de la présente instance, en exécution d’une mesure d’organisation de la procédure décidée par le Tribunal (voir point 22 ci-dessus). Toutefois, ainsi que la requérante l’a reconnu lors de l’audience, la Commission lui avait transmis ce document en réponse à une demande d’accès aux documents en 2010. La requérante avait donc connaissance de cette réponse des autorités françaises dès 2010.

57      D’autre part, l’argument de la requérante ne constitue pas l’ampliation du moyen portant sur l’indice de l’existence de difficultés sérieuses tenant à la durée de la procédure préliminaire d’examen, tel qu’exposé dans ses écritures, et ne présente pas de lien étroit avec celui-ci. En effet, la requérante a toujours soutenu que le délai de deux mois prévu par le règlement n° 659/1999 débutait le jour de la notification initiale et a même affirmé que le fait de considérer la notification, telle que complétée par les réponses de l’État membre aux questions de la Commission, comme le point de départ de ce délai ne trouvait de fondement ni dans le règlement n° 659/1999 ni dans la jurisprudence (voir point 41 ci-dessus). Dans ces conditions, elle ne saurait valablement soutenir au cours de l’audience, sans revenir sur l’argumentation exposée dans ses écritures, que le dernier complément apporté à la notification des autorités françaises ne peut constituer le point de départ du délai de deux mois au motif qu’il ne répond pas à une demande d’informations de la Commission.

58      L’argument de la requérante contestant la fixation du point de départ du délai de deux mois au 10 août 2009 doit donc être rejeté comme irrecevable.

59      Ensuite, et en tout état de cause, même à supposer, comme le soutient la requérante (voir point 54 ci-dessus), que le 10 août 2009 ne puisse constituer le point de départ de ce délai de deux mois, la durée de la procédure préliminaire d’examen en l’espèce ne pourrait pas davantage être considérée comme ayant notablement dépassé ce qu’implique normalement un tel examen au sens de la jurisprudence.

60      En effet, il n’est pas contesté que, le 29 mai 2009, la Commission a demandé aux autorités françaises de présenter leurs observations sur un courrier de Free daté du 26 mai 2009 et que celles-ci ont répondu par un courrier reçu par la Commission le 17 juin 2009 (voir points 50 et 51 ci-dessus). Ainsi, quand bien même cette réponse des autorités françaises constituerait le point de départ du délai prévu par le règlement n° 659/1999 pour clore la procédure préliminaire d’examen, la décision attaquée aurait été adoptée dans un délai de trois mois et demi, lequel ne saurait être considéré, selon la jurisprudence, comme excédant notablement ce qu’implique normalement un tel examen. Partant, ce dépassement ne saurait constituer un indice de l’existence de difficultés sérieuses (voir, en ce sens, arrêt Bundesverband deutscher Banken/Commission, point 38 supra, point 132).

61      Il résulte de ce qui précède que la requérante n’est pas fondée à prétendre que, en l’espèce, la durée de l’examen préliminaire a notablement dépassé ce qu’implique normalement un tel examen. Cette durée ne saurait donc être regardée comme un indice de difficultés sérieuses prétendument rencontrées par la Commission.

–       Sur le deuxième indice, tenant aux nombreuses objections argumentées des opérateurs concurrents

62      La requérante estime que les objections nombreuses et argumentées formulées par des opérateurs concurrents du délégataire, dont elle rappelle la chronologie, auraient dû, non pas en tant que telles, mais associées aux deux autres indices invoqués relatifs à la procédure préliminaire d’examen, conduire la Commission à ouvrir la procédure formelle d’examen.

63      Il y a lieu de rappeler que la notion de difficultés sérieuses revêt un caractère objectif et que l’existence de telles difficultés doit être recherchée de manière objective, notamment dans les circonstances ayant entouré l’adoption de l’acte attaqué (voir point 37 ci-dessus).

64      Il en résulte, ainsi que le souligne la République française, que ne sauraient être pris en compte aux fins de l’établissement de l’existence de difficultés sérieuses le nombre et l’ampleur des objections émises à l’encontre du projet THD 92. Cette considération s’impose d’autant plus lorsque, comme en l’espèce, au moins l’un des opérateurs à l’origine de ces objections a participé à la procédure de sélection du délégataire chargé de mettre en œuvre ledit projet, sans avoir été retenu.

65      En effet, la prise en compte du nombre et de l’ampleur des objections émises à l’encontre du projet THD 92 reviendrait à faire dépendre l’ouverture de la procédure formelle d’examen de difficultés sérieuses de l’opposition provoquée par un projet national et non des difficultés sérieuses effectivement rencontrées par la Commission. De surcroît, elle aboutirait, comme le fait observer la Commission, à ce que les opposants à un projet puissent aisément retarder son examen par la Commission en l’obligeant par leur intervention à ouvrir la procédure formelle d’examen.

66      En revanche, il n’est pas exclu que la teneur des objections formulées par les cinq opérateurs en cause puisse révéler l’existence de difficultés sérieuses posées par l’examen du projet THD 92. Or, la requérante ne fait valoir aucun élément du contenu de ces objections qui révélerait l’existence en l’espèce de difficultés sérieuses et se limite à souligner le nombre de ces objections ainsi que le fait qu’elles sont argumentées.

67      Partant, il y a lieu de conclure que les objections des opérateurs privés, si nombreuses et concordantes soient-elles, ne sont pas, en tant que telles, de nature à révéler l’existence de difficultés sérieuses.

–       Sur le troisième indice, tenant aux échanges entre la Commission et les autorités françaises

68      La requérante soutient que la fréquence et la teneur des échanges intervenus entre la Commission et les autorités françaises démontrent qu’il n’a pas pu être statué sur la qualification d’aide d’État du projet THD 92 dans les limites d’un examen sommaire. Elle rappelle, à cet égard, la chronologie de ces échanges et précise que la Commission a envoyé aux autorités françaises près d’une cinquantaine de questions portant notamment sur la couverture actuelle et future du département en matière de très haut débit, sur les risques de surcompensation, sur le montant de l’aide et les modalités de son octroi, ainsi que sur les conditions d’accès au réseau THD 92. La requérante ajoute que, selon la jurisprudence, de tels échanges ne constituent pas à eux seuls la preuve de l’existence de difficultés sérieuses, mais qu’ils peuvent, associés à la durée de l’examen préliminaire, en constituer un indice.

69      Lors de l’audience, la requérante a, en outre, insisté sur l’étendue du champ couvert par les demandes d’informations de la Commission, qui aurait dépassé celui de la mesure notifiée. Or, selon la requérante, le Tribunal a, dans l’arrêt Deutsche Post et DHL International/Commission, point 31 supra, conclu que le caractère étendu du champ d’investigation couvert par la Commission constituait un indice probant de l’existence de difficultés sérieuses.

70      À cet égard, il y a lieu de rappeler, tout d’abord, la jurisprudence constante selon laquelle le seul fait que des discussions se soient instaurées entre la Commission et l’État membre notifiant durant la phase d’examen préliminaire et que, dans ce cadre, des informations complémentaires aient pu être demandées par la Commission sur les mesures soumises à son contrôle ne peut pas, en soi, être considéré comme un indice de ce que cette institution se trouvait confrontée à des difficultés sérieuses d’appréciation. Toutefois, il ne saurait être exclu que la teneur des discussions engagées entre la Commission et l’État membre notifiant durant cette phase de la procédure puisse, dans certaines circonstances, révéler l’existence de telles difficultés (voir arrêt TF1 e.a./Commission, point 42 supra, points 76 et 77, et la jurisprudence citée).

71      Ensuite, il ressort également de la jurisprudence que, si le nombre des échanges entre les autorités de l’État notifiant et la Commission constitue un élément à prendre en compte pour déterminer si les échanges sont de nature à révéler l’existence de difficultés sérieuses, il ne suffit pas à lui seul pour établir que la Commission aurait dû ouvrir la procédure formelle d’examen (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 22 septembre 2011, Belgique/Deutsche Post e.a., C‑148/09 P, Rec. p. I‑8573, point 81).

72      En l’espèce, la Commission a envoyé, respectivement le 18 août 2008 et le 23  janvier 2009, deux demandes d’informations à la République française et lui a communiqué les objections des tiers intéressés par le projet THD 92 en lui demandant de présenter ses observations à leur égard (voir point 50 ci-dessus).

73      Compte tenu de la jurisprudence citée aux points 70 et 71 ci-dessus, il convient, dès lors, pour répondre à l’argument en cause de la requérante, d’apprécier la teneur des échanges qui ont eu lieu entre la Commission et les autorités françaises. Seule la première demande d’informations envoyée par la Commission aux autorités françaises en date du 18 août 2008 figure au dossier. Le Tribunal a, en conséquence, demandé à la Commission, dans le cadre d’une mesure d’organisation de la procédure, de produire les autres demandes d’informations concernées ainsi que les réponses fournies auxdites demandes (voir point 22 ci-dessus).

74      Or, ces échanges ne contiennent pas d’éléments susceptibles de révéler l’existence de difficultés sérieuses au sens de la jurisprudence citée aux points 70 et 71 ci-dessus.

75      En effet, d’une part, la demande d’informations du 18 août 2008 comprend, certes, près de 40 questions attestant de l’étendue du champ d’investigation de la Commission, portant sur plusieurs aspects précis des marchés concernés, de l’état de la concurrence sur ces marchés (questions nos 8 à 18), de la couverture actuelle et future du territoire départemental par des réseaux à très haut débit (questions nos 1 à 7), du risque de surcompensation (questions nos 19 à 28), du montant de la subvention et de ses modalités d’octroi (questions nos 29 à 36) ainsi que des conditions d’accès au réseau THD 92 (questions nos 37 et 38). Toutefois, l’ensemble des éléments susvisés abordés dans la demande d’informations du 18 août 2008 et dans les réponses données par les autorités françaises les 19 et 28 novembre 2008 portaient sur le seul projet THD 92, tel que notifié par les autorités françaises, sans dépasser le champ dudit projet. Ils visaient, en effet, à déterminer si le projet en cause remplissait les conditions posées par l’arrêt Altmark, point 17 supra, pour échapper à la qualification d’aide d’État, telles que l’existence d’un SIEG, du fait notamment de la défaillance du marché et de l’absence de surcompensation (voir points 105 à 107 ci-dessus), et ont été, à ce titre, repris en substance dans la décision attaquée. Dans ces conditions, le nombre et l’étendue des questions posées par la Commission ne sauraient, à eux seuls et en l’absence d’autres indices concordants, révéler l’existence de difficultés sérieuses (voir, en ce sens, arrêt Deutsche Post et DHL International/Commission, point 31 supra, points 101 à 106).

76      En outre, contrairement à ce qu’a fait valoir la requérante à l’audience (voir point 69 ci-dessus), il ne ressort nullement de l’arrêt Deutsche Post et DHL International/Commission, point 31 supra, que l’étendue, même très vaste, du champ d’investigation couvert par la Commission lors de la procédure préliminaire d’examen est à elle seule suffisante pour révéler l’existence de difficultés sérieuses. En effet, dans cet arrêt, le champ très vaste d’investigation n’a été qu’un élément pris en compte parmi d’autres, au titre desquels figuraient, en particulier, la mention, par la Commission, de la complexité du dossier, ses hésitations pendant plusieurs mois quant au choix de la base juridique pour l’adoption de sa décision qui n’ont pu être dissipées par des réunions et des demandes d’informations ainsi que son souhait d’éviter l’envoi d’une nouvelle demande d’informations, pour conclure que la procédure menée par la Commission avait notablement excédé ce qu’impliquait normalement un premier examen (voir, en ce sens, arrêt Deutsche Post et DHL International/Commission, point 31 supra, points 101 à 106).

77      D’autre part, la demande d’informations du 23 janvier 2009 ne comprend que neuf questions. Celles-ci visent, essentiellement, à une actualisation des données nécessaires à l’appréciation de la mesure notifiée compte tenu du temps écoulé, de la modification du cadre législatif français, des modifications apportées à la convention de DSP et des observations reçues de la part d’opérateurs tiers. Ces questions visent, également, à obtenir des précisions relatives aux réponses données par les autorités françaises à la première demande d’informations sur deux points précis, à savoir le traitement discriminatoire des concurrents des sociétés actionnaires du délégataire pour l’accès aux nœuds de raccordement optique et le montant de 3 millions d’euros payé par le délégataire à son principal actionnaire en contrepartie de l’usage de certaines infrastructures. Ainsi, l’examen de cette demande ne permet pas de constater l’existence de difficultés sérieuses suscitées par le projet THD 92, dès lors qu’elle ne réitère pas simplement des questions déjà posées et que les demandes de précisions qu’elle contient ne portent que sur un nombre très limité de points déjà abordés dans la première demande d’informations.

78      Par ailleurs, n’est pas non plus considéré par la jurisprudence comme étant révélateur de difficultés sérieuses le fait que plusieurs questions posées dans les demandes d’informations des 18 août 2008 et 23 janvier 2009 laissent entrevoir les doutes que semblait éprouver la Commission à l’égard de la mesure notifiée au regard des dispositions relatives aux aides d’État, dès lors que ces doutes ont pu être dissipés à la suite des réponses des autorités françaises auxdites demandes (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 12 décembre 2006, Asociación de Estaciones de Servicio de Madrid et Federación Catalana de Estaciones de Servicio/Commission, T‑95/03, Rec. p. II‑4739, point 139), voire les positions différentes de la Commission et des autorités françaises relatives à certains aspects du projet notifié (voir, en ce sens, arrêt Fachvereinigung Mineralfaserindustrie/Commission, point 45 supra, points 120 et 125).

79      Ainsi, contrairement à ce que soutient la requérante, les échanges entre la Commission et les autorités françaises ne permettent pas de révéler l’existence de difficultés sérieuses posées par l’examen du projet THD 92.

80      Compte tenu des considérations qui précèdent, il y a lieu de conclure que les prétendus indices relatifs à la procédure préliminaire d’examen invoqués par la requérante ne sont pas de nature à révéler l’existence de difficultés sérieuses qui auraient nécessité l’ouverture de la procédure formelle d’examen.

 Indices relatifs au contenu de la décision attaquée

81      La requérante fait valoir que le contenu de la décision attaquée laisse apparaître trois indices de ce que l’examen préliminaire de la mesure notifiée présentait des difficultés sérieuses et, ainsi, aurait dû susciter des doutes quant à la qualification d’aide d’État de ladite mesure.

82      En premier lieu, la requérante soutient que la Commission ne disposait pas des informations nécessaires pour apprécier correctement la défaillance du marché alléguée par les autorités françaises, alors qu’il lui appartenait de réclamer aux intéressés les données manquantes. En effet, la Commission n’aurait pas disposé des prévisions de déploiement d’un réseau à très haut débit de la requérante jusqu’à la fin de l’année 2009. La Commission aurait d’ailleurs elle-même reconnu dans la décision attaquée qu’elle avait besoin d’informations supplémentaires de la part de la requérante.

83      Sans qu’il soit besoin d’examiner, au titre du présent moyen, la question de savoir si la Commission a conclu à bon droit à l’existence d’une défaillance du marché, qui relève de l’appréciation du second moyen (voir points 142 à 179 ci-dessus), il convient d’observer que, selon les éléments du dossier, la Commission a interrogé la requérante sur son déploiement et ses prévisions de déploiement à la date d’adoption de la décision attaquée. En réponse à cette demande, la requérante s’est toutefois contentée, durant et après la procédure d’attribution de la DSP, d’adresser à la Commission un unique courrier en date du 6 février 2009, pris en compte dans ladite décision, qui faisait état de son déploiement au 31 décembre 2008 et de ses prévisions de déploiement au 31 décembre 2009. Ainsi, la Commission avait entrepris toutes les démarches requises aux fins de disposer, au moment de l’adoption de la décision attaquée, des données actualisées relatives au déploiement actuel et futur de la requérante. Il ne saurait par conséquent être soutenu, pour conclure à l’existence de difficultés sérieuses de nature à justifier l’ouverture de la procédure formelle d’examen, que la Commission ne disposait pas d’informations suffisantes.

84      En deuxième lieu, la requérante fait valoir que les éléments avancés dans le cadre du second moyen font apparaître de nombreuses incohérences et inexactitudes caractérisant l’analyse de la Commission. Selon la requérante, en particulier, la Commission était informée de l’erreur de calcul relative au montant de la subvention correspondant à la première phase du projet THD 92, dès lors qu’elle aurait sollicité des autorités françaises des informations à ce sujet par sa demande du 18 août 2008 (question n° 34). S’agissant de cette erreur de calcul, la requérante précise, dans le cadre de son second moyen, que la somme des montants à verser au délégataire durant la première phase de réalisation du projet THD 92, qui figurent à l’article 28.2 de la convention de DSP, aboutirait à une somme de 30 millions d’euros et non de 25 millions d’euros comme l’indiqueraient à la fois les premiers mots de cet article et le texte de la décision attaquée. La requérante précise que l’avenant à la convention de DSP rectifiant cette erreur n’a pas été notifié à la Commission.

85      À cet égard, il y a lieu d’observer tout d’abord que la requérante se contente de renvoyer aux développements qu’elle a consacrés au second moyen, sans préciser en quoi les prétendues incohérences, inexactitudes et erreurs caractérisant, selon elle, l’analyse de la Commission seraient révélatrices de difficultés sérieuses qui auraient justifié l’ouverture de la procédure formelle d’examen.

86      Ensuite, il convient de relever que la requérante s’est contentée d’identifier une erreur de calcul, soulevée dans le cadre du second moyen, et, pour le surplus, de renvoyer, d’une manière générale, à « l’ensemble des autres incohérences existantes », visées dans le second moyen et qui seraient, prises ensemble avec ladite erreur, de nature à démontrer l’existence de difficultés sérieuses qui auraient justifié l’ouverture de la procédure formelle d’examen.

87      Certes, selon la jurisprudence, lorsqu’un requérant invoque une violation de ses droits procéduraux résultant de ce que la Commission n’a pas ouvert la procédure formelle d’examen, il peut invoquer tout moyen de nature à démontrer que l’appréciation des informations et des éléments dont la Commission disposait, lors de la phase préliminaire d’examen de la mesure notifiée, aurait dû susciter des doutes quant à la qualification de la mesure notifiée comme aide d’État et à sa compatibilité avec le traité. L’utilisation de tels arguments ne saurait pour autant avoir pour conséquence de transformer l’objet du recours, ni d’en modifier les conditions de recevabilité. Au contraire, l’existence de doutes sur cette qualification ou sur cette compatibilité est précisément la preuve qui doit être apportée pour démontrer que la Commission était tenue d’ouvrir la procédure formelle d’examen (voir, en ce sens, arrêt Smurfit Kappa Group/Commission, point 30 supra, point 52, et la jurisprudence citée). Il appartient, dès lors, au Tribunal d’apprécier les moyens contestant la compatibilité de la mesure avec le traité au regard de l’existence d’une difficulté sérieuse au sens de la jurisprudence citée aux points 34 à 37 ci-dessus (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 7 novembre 2012, CBI/Commission, T‑137/10, non encore publié au Recueil, point 66, et la jurisprudence citée).

88      Il découle de ces rappels de jurisprudence qu’il appartient à la partie requérante d’identifier les indices relatifs au contenu de la décision attaquée afin de démontrer l’existence de difficultés sérieuses (voir, en ce sens, arrêt Prayon‑Rupel/Commission, point 38 supra, point 49 ; voir également point 38 ci-dessus). Il y a lieu d’ajouter que, lorsque la partie requérante procède, comme en l’espèce, par un renvoi aux arguments soulevés au titre d’un autre moyen, tiré de la violation de l’article 87, paragraphe 1, CE, il lui appartient d’identifier précisément ceux des arguments soulevés à ce dernier titre qui sont, selon elle, susceptibles de démontrer l’existence de telles difficultés.

89      En l’espèce, la requérante se bornant à faire valoir que « les éléments avancés dans le cadre du [second] moyen [font] apparaître de nombreuses incohérences et inexactitudes caractérisant l’analyse de la Commission », ce qui « aurait dû éveiller un doute certain dans le chef de la Commission », il y a toutefois lieu de considérer que ce renvoi vague et non étayé ne permet pas au Tribunal d’identifier les éléments précis soulevés à l’appui du second moyen qui établiraient, selon la requérante, l’existence de difficultés sérieuses. Partant, il y a lieu d’examiner cette argumentation, à l’exception de l’erreur de calcul identifiée (voir point 86 supra), uniquement dans le cadre de l’appréciation du second moyen soulevé par la requérante.

90      S’agissant de l’argument tiré de la prétendue erreur de calcul du montant de la subvention accordée pour la première phase de réalisation du projet THD 92, il suffit de relever, sans qu’il soit besoin d’examiner, à ce stade, l’incidence de cet argument sur la question de savoir si les conditions de l’arrêt Altmark, point 17 supra, sont remplies en l’espèce, que cet argument n’est pas de nature à révéler l’existence de difficultés sérieuses justifiant l’ouverture de la procédure formelle d’examen.

91      Il y a lieu de rappeler à cet égard les termes de l’article 28.2 de la convention de DSP comme suit :

« La participation de vingt-cinq (25) millions d’euros sera libérée dans les conditions suivantes :

–        cinq (5) millions d’euros dans les 45 jours suivant notification au [d]élégant de la décision de la Commission européenne visée à l’article 44 de considérer la subvention comme non constitutive d’une aide d’État ou comme compatible avec le régime des aides d’État ;

–        cinq cent mille (500 000) euros par tranche de deux (2) millions HT de travaux commandés par le [d]élégataire et sur le point d’être réalisés, jusqu’à un montant commandé de travaux de quatre-vingt-douze (92) millions d’euros HT ;

–        deux (2) millions d’euros suivant la réception des travaux de la première phase. »

92      Il ressort certes de cette disposition que la somme des montants mentionnés dans les trois tirets qu’elle comporte aboutit à un montant de 30 millions d’euros, alors que l’alinéa précédant ces trois tirets indique que le montant de la subvention correspondant à la première phase du projet est de 25 millions d’euros.

93      Cependant, la Commission a mentionné, dans la décision attaquée, la seule somme de 25 millions d’euros, lors de ses références au montant de la subvention correspondant à la première phase du projet THD 92. En effet, ayant relevé la différence entre les deux montants résultant de l’article 28.2 de la convention de DSP, la Commission avait demandé aux autorités françaises de lui préciser, dans sa demande d’informations du 18 août 2008, le montant d’aide qui serait finalement octroyé au délégataire (question n° 34). Les autorités françaises ont confirmé, dans leur réponse à cette question, que le montant total de l’aide était de 59 millions d’euros, résultant de l’addition des montants respectivement indiqués, s’agissant de la première phase, à l’article 28.2 de la convention de DSP (25 millions d’euros), et, s’agissant de la seconde phase, à l’article 28.3 de ladite convention (34 millions d’euros), et que ce plafond était « intangible ». La Commission a ainsi effectué son appréciation en partant de cette prémisse et a finalement autorisé le projet THD 92, en tant que la subvention correspondant à la première phase de sa mise en œuvre s’élevait à 25 millions d’euros.

94      Il découle de ce qui précède que la Commission a elle-même attiré, au cours de la procédure préliminaire, l’attention des autorités françaises sur l’erreur commise par ces dernières dans le calcul du montant de la subvention accordée au titre de la première phase de mise en œuvre du projet THD 92 et qu’elle n’a pas commis cette erreur dans la décision attaquée. Dès lors, contrairement aux allégations de la requérante, cette erreur initialement commise par les autorités françaises n’est pas susceptible de révéler l’existence de difficultés sérieuses justifiant l’ouverture de la procédure formelle d’examen.

95      En troisième lieu, la requérante soutient qu’il ressort des lignes directrices qu’un examen détaillé s’impose lorsqu’un État membre souhaite subventionner le déploiement d’un réseau à très haut débit dans une « zone noire », telle que le département.

96      À cet égard, il convient d’observer, d’une part, que la requérante se contente d’alléguer qu’il ressort des lignes directrices que la Commission doit ouvrir la procédure formelle d’examen dès lors qu’un État membre souhaite subventionner le déploiement d’un réseau à très haut débit dans une zone noire, sans toutefois établir, de façon concrète, les raisons pour lesquelles elle estime que, en l’espèce, l’appréciation du projet THD 92 suscitait, compte tenu du fait que le département serait à considérer comme une zone noire au sens des lignes directrices, des difficultés sérieuses justifiant l’ouverture de ladite procédure. Or, outre le fait que les lignes directrices n’étaient pas applicables au moment de l’adoption de la décision attaquée dès lors qu’elles ont été publiées au Journal officiel de l’Union européenne le même jour que celui de l’adoption de la décision attaquée et qu’elles ne sont applicables qu’à partir du premier jour suivant celui de leur publication (paragraphe 80 des lignes directrices), il ressort de la jurisprudence rappelée au point 34 ci-dessus que c’est en fonction des circonstances de fait et de droit propres à l’affaire en cause que la Commission doit déterminer si les difficultés rencontrées dans l’examen de la mesure notifiée nécessitent l’ouverture de la procédure formelle d’examen. Partant, l’interprétation des lignes directrices proposée par la requérante, qui revient à imposer l’ouverture de la procédure formelle d’examen indépendamment des circonstances concrètes de l’affaire, doit être écartée, eu égard à la jurisprudence constante relative à l’appréciation des difficultés sérieuses.

97      D’autre part, et en tout état de cause, il y a lieu de relever que le paragraphe 78 des lignes directrices, auquel la requérante se réfère, ne permet pas de conclure qu’il convenait d’ouvrir la procédure formelle d’examen. En effet, ledit paragraphe 78 indique que, dans les « zones noires traditionnelles », telles que le département des Hauts-de-Seine, dans lesquelles les services haut débit actuels sont fournis par des infrastructures à haut débit concurrentes (réseaux câblés notamment), l’aide de l’État au déploiement de réseaux à très haut débit fera l’objet d’une « analyse détaillée » nécessitant l’évaluation d’une série de paramètres, tels que les conditions globales du marché ou les barrières globales à l’entrée éventuelle d’investisseurs en réseaux à très haut débit. Toutefois, il ne ressort pas du texte des lignes directrices que cette analyse détaillée implique l’ouverture de la procédure formelle d’examen dès lors, notamment, qu’elle ne requiert pas nécessairement que soient consultées l’ensemble des parties intéressées.

98      Il résulte de ce qui précède qu’aucun des prétendus indices relatifs au contenu de la décision attaquée avancés par la requérante ne révèle l’existence de difficultés sérieuses justifiant l’ouverture de la procédure formelle d’examen.

99      Compte tenu des considérations qui précèdent, il y a lieu de rejeter le premier moyen dans son intégralité.

 Sur le second moyen, tiré de la violation de l’article 87, paragraphe 1, CE

100    La requérante fait valoir que la Commission a considéré à tort que trois des quatre critères posés par l’arrêt Altmark, point 17 supra, étaient réunis en l’espèce et a ainsi méconnu la notion d’aide d’État au sens de l’article 87, paragraphe 1, CE.

101    Dans le mémoire en défense, la Commission, soutenue par la République française et par le département des Hauts-de-Seine, fait valoir que ce moyen est irrecevable et, à titre subsidiaire, non fondé. Ainsi, selon la Commission, ce moyen mettant en cause le bien-fondé de la décision attaquée, il ne peut être déclaré recevable que si la position concurrentielle de la requérante doit être considérée comme étant substantiellement affectée par la mesure en cause. Or, la requérante n’aurait pas établi une telle affectation substantielle de sa position concurrentielle. Dans le mémoire en duplique, la Commission a déclaré s’en remettre à la sagesse du Tribunal pour apprécier si les données fournies par la requérante, dans la réplique, sont suffisantes pour établir l’existence d’une affectation substantielle de sa position concurrentielle.

102    Selon la jurisprudence, il appartient au Tribunal d’apprécier si une bonne administration de la justice justifie, dans les circonstances de l’espèce, de rejeter au fond les allégations de la requérante relatives au bien-fondé de la décision attaquée sans statuer sur la fin de non-recevoir soulevée par la Commission, soutenue par la République française et par le département des Hauts-de-Seine (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 26 février 2002, Conseil/Boehringer, C‑23/00 P, Rec. p. I‑1873, point 52).

103    En l’espèce, dans un souci d’économie de procédure, il y a lieu d’examiner les arguments invoqués par la requérante au soutien du second moyen, sans statuer préalablement sur la fin de non-recevoir soulevée, ces arguments ne permettant pas, au demeurant et pour les motifs exposés ci-après, de démontrer que la Commission a, dans la décision attaquée, violé l’article 87, paragraphe 1, CE.

104    À titre liminaire, il convient de rappeler, en premier lieu, les critères posés par la Cour de justice dans l’arrêt Altmark, point 17 supra, dès lors que la Commission a, dans la décision attaquée, rejeté la qualification d’aide d’État de la mesure notifiée en se fondant sur cet arrêt.

105    Selon l’arrêt Altmark, point 17 supra, une intervention étatique ne tombe pas sous le coup de l’article 87, paragraphe 1, CE, dans la mesure où elle doit être considérée comme une compensation représentant la contrepartie des prestations effectuées par les entreprises bénéficiaires pour exécuter des obligations de service public, de sorte que ces entreprises ne profitent pas, en réalité, d’un avantage financier et que ladite intervention n’a donc pas pour effet de mettre ces entreprises dans une position concurrentielle plus favorable par rapport aux entreprises qui leur font concurrence (point 87 de l’arrêt).

106    Cependant, pour que, dans un cas concret, une telle compensation puisse échapper à la qualification d’aide d’État, un certain nombre de conditions doivent être réunies (arrêt Altmark, point 17 supra, point 88).

107    Premièrement, l’entreprise bénéficiaire doit effectivement être chargée de l’exécution d’obligations de service public et ces obligations doivent être clairement définies. Deuxièmement, les paramètres sur la base desquels est calculée la compensation doivent être préalablement établis de façon objective et transparente, afin d’éviter qu’elle ne comporte un avantage économique susceptible de favoriser l’entreprise bénéficiaire par rapport à des entreprises concurrentes. Troisièmement, la compensation ne saurait dépasser ce qui est nécessaire pour couvrir tout ou partie des coûts occasionnés par l’exécution des obligations de service public, en tenant compte des recettes qui y sont relatives ainsi que d’un bénéfice raisonnable pour l’exécution de ces obligations. Le respect d’une telle condition est indispensable afin de garantir que n’est accordé à l’entreprise bénéficiaire aucun avantage qui fausse ou menace de fausser la concurrence en renforçant la position concurrentielle de cette entreprise. Quatrièmement, lorsque le choix de l’entreprise qui va se trouver chargée de l’exécution d’obligations de service public, dans un cas concret, n’est pas effectué dans le cadre d’une procédure de marché public permettant de sélectionner le candidat capable de fournir ces services au moindre coût pour la collectivité, le niveau de la compensation nécessaire doit être déterminé sur la base d’une analyse des coûts qu’une entreprise moyenne, bien gérée et adéquatement équipée afin de pouvoir satisfaire aux exigences de service public requises, aurait encourus pour exécuter ces obligations, en tenant compte des recettes qui y sont relatives ainsi que d’un bénéfice raisonnable pour l’exécution de ces obligations (arrêt Altmark, point 17 supra, points 89 à 93).

108    En second lieu, il convient de préciser que les lignes directrices, même si elles ont été mentionnées dans la décision attaquée (voir point 17 ci-dessus), n’ont pas été appliquées dans cette décision, dès lors qu’elles n’étaient pas encore applicables (voir point 96 ci-dessus). Il a néanmoins été fait référence aux lignes directrices dans certains développements subséquents, non pour les imposer à la Commission ou les opposer à la requérante, mais parce qu’elles codifient la pratique de la Commission relative à l’application des critères de l’arrêt Altmark, point 17 supra, dans le secteur des communications électroniques à haut débit et qu’elles fournissent des indications utiles sur l’application desdits critères dans le secteur des communications électroniques à très haut débit en cause en l’espèce (paragraphe 7 des lignes directrices). En effet, même si les lignes directrices mentionnent uniquement les « réseaux à haut débit » dans leur intitulé, elles contiennent également des dispositions spécifiques aux réseaux à très haut débit, dits « réseaux NGA » (paragraphe 3 des lignes directrices), et l’essentiel de leurs dispositions relatives aux réseaux à haut débit s’appliquent également aux réseaux à très haut débit (paragraphe 59 des lignes directrices).

109    C’est à la lumière de ces rappels et précisions qu’il y a lieu, à titre principal, d’examiner les arguments soulevés par la requérante à l’appui du second moyen. Ces arguments, présentés dans le cadre de quatre branches, portent sur trois des quatre conditions posées par l’arrêt Altmark, point 17 supra. Ainsi, par la première branche, selon laquelle le projet THD 92 ne poursuit pas un objectif d’intérêt général, et par la deuxième branche, selon laquelle ledit projet ne répond pas à une défaillance du marché, la requérante conteste que soit satisfaite la première condition posée par l’arrêt Altmark, point 17 supra, relative à l’exécution d’obligations de service public. La requérante prétend, dans le cadre d’une troisième branche, que le projet THD 92 a été attribué sur la base de critères de sélection non connus au préalable, ce qui ne permettrait pas de conclure que la deuxième condition posée par l’arrêt Altmark, point 17 supra, était respectée en l’espèce. Elle soutient, dans le cadre d’une quatrième branche, que la compensation octroyée dans le cadre du projet THD 92 serait disproportionnée, méconnaissant ainsi la troisième condition posée par l’arrêt Altmark, point 17 supra, relative à la compensation des seuls coûts occasionnés par l’exécution des obligations de service public.

 Sur la première branche, tirée de l’absence d’objectif d’intérêt général

110    La requérante souligne à titre liminaire que, si les États membres disposent d’un certain pouvoir d’appréciation dans la définition de ce qu’ils entendent par SIEG et la Commission dispose à cet égard d’un pouvoir de contrôle de l’erreur manifeste, le contrôle de légalité exercé par le Tribunal sur la décision de la Commission ne saurait être limité à celui de l’erreur manifeste d’appréciation, et ce d’autant plus que les services concernés sont régis par les lignes directrices.

111    La requérante considère à titre principal que le projet THD 92 ne saurait être qualifié de SIEG, en ce qu’il ne poursuit pas d’objectif d’intérêt général, au sens de la jurisprudence et de la pratique décisionnelle de la Commission. Cette considération est fondée sur quatre séries d’arguments.

112    Dans le cadre d’une première série d’arguments, la requérante fait valoir que le projet THD 92 poursuit principalement un objectif de compétitivité du département des Hauts-de-Seine en tant que centre d’affaires international, en faisant baisser les coûts des communications électroniques qui seraient plus élevés que ceux pratiqués dans les pôles d’affaires concurrents. En revanche, les considérations sociales liées à l’objectif de couverture intégrale du territoire seraient purement accessoires.

113    Une deuxième série d’arguments tend ainsi à démontrer que ces considérations sociales ne sont pas garanties en l’espèce. En effet, outre que ces considérations n’ont été invoquées qu’à posteriori devant la Commission, la requérante soutient que le déploiement du réseau à très haut débit dans les zones non rentables est incertain compte tenu de l’organisation du projet THD 92 en deux phases et du déploiement dans les zones non rentables uniquement au cours de la seconde phase dont la mise en œuvre est conditionnelle. La requérante souligne à cet égard que parmi les sept communes du département considérées comme rentables dans leur intégralité, cinq sont couvertes dès la première phase et qu’une grande majorité des établissements publics sont déjà couverts par le réseau « Irisé » et n’ont ainsi plus besoin de l’être par le réseau THD 92 au cours de cette première phase. Elle conteste également la prétendue non-rentabilité sur 40 % du territoire des Hauts-de-Seine, en critiquant son découpage artificiel en microzones, au surplus non conforme à la position de l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP).

114    Une troisième série d’arguments tend ensuite à démontrer que les considérations purement sociales liées à l’objectif de couverture intégrale du territoire départemental prétendument poursuivies par le projet THD 92 ne sont pas justifiées dès lors que les particuliers n’auraient qu’un besoin très restreint en très haut débit, critiquant ainsi la nature même de service public d’une couverture en très haut débit. La requérante fait valoir notamment que les offres prévues seraient d’un débit variable selon qu’il s’agit de zones d’activités ou de zones résidentielles. Elle conteste toute similitude entre le cas d’espèce et les réseaux à haut débit approuvés par la Commission dans d’autres départements français, qui étaient à peine reliés en ADSL (Asymmetric Digital Subscriber Line, ligne numérique à paire asymétrique), et affirme que le projet THD 92 pourrait avoir pour effet d’aggraver les disparités sociales existant entre les différents départements français. La requérante s’interroge encore sur la logique de financement du projet THD 92 qui consisterait en une « subvention croisée inversée », en vertu de laquelle la couverture des zones résidentielles serait organisée afin de dégager des recettes qui permettront au délégataire de respecter la grille tarifaire dans les quartiers d’affaires.

115    La requérante estime enfin, dans le cadre d’une quatrième série d’arguments, qu’un seul territoire ne peut faire l’objet de deux SIEG parallèles. Or, le réseau THD 92 ferait double emploi avec un autre SIEG, le réseau « Irisé », développé antérieurement par le Sipperec. Elle se fonde à cet égard sur un document du Sipperec pour démontrer que la différence de nature des deux réseaux relevée par la Commission est erronée.

116    Il convient de rappeler que, selon la jurisprudence, en droit de l’Union, il n’existe ni définition réglementaire claire et précise de la notion de mission de SIEG, ni concept juridique établi fixant, de manière définitive, les conditions qui doivent être réunies pour qu’un État membre puisse valablement invoquer l’existence et la protection d’une mission de SIEG au sens de la première condition énoncée dans l’arrêt Altmark, point 17 supra (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 12 février 2008, BUPA e.a./Commission, T‑289/03, Rec. p. II‑81, point 165). S’agissant de la compétence pour déterminer la nature et la portée d’une mission de SIEG au sens du traité, ainsi que du degré de contrôle que les institutions de l’Union européenne doivent exercer dans ce contexte, il ressort du paragraphe 22 de la communication de la Commission sur les services d’intérêt général en Europe (JO 2001, C 17, p. 4) et de la jurisprudence du Tribunal que les États membres ont un large pouvoir d’appréciation quant à la définition de ce qu’ils considèrent comme des SIEG et que la définition de ces services par un État membre ne peut être remise en question par la Commission qu’en cas d’erreur manifeste (voir arrêt BUPA e.a./Commission, précité, point 166, et la jurisprudence citée).

117    La marge d’appréciation des États pour définir ce qu’ils qualifient de SIEG et le contrôle limité à l’erreur manifeste de la Commission sont par ailleurs expressément confirmés s’agissant des services de communications électroniques à haut débit par le paragraphe 24 des lignes directrices, applicable, en vertu du paragraphe 59 de ces lignes directrices, également aux réseaux à très haut débit.

118    Il en résulte, selon une jurisprudence constante, que, au regard, d’une part, du pouvoir discrétionnaire dont dispose l’État membre quant à la définition d’une mission de SIEG et aux conditions de sa mise en œuvre et, d’autre part, de la portée du contrôle limitée à l’erreur manifeste que la Commission est habilitée à exercer à ce titre, le contrôle devant être exercé par le Tribunal sur l’appréciation de la Commission à cet égard ne saurait non plus dépasser la même limite et que, dès lors, ce contrôle doit se borner à examiner si la Commission a constaté ou a rejeté à bon droit l’existence d’une erreur manifeste de l’État membre (voir, en ce sens, arrêt BUPA e.a./Commission, point 116 supra, point 220, et la jurisprudence citée, et arrêt CBI/Commission, point 87 supra, points 99 et 100), contrairement à ce que fait valoir la requérante à titre liminaire (voir point 110 ci-dessus).

119    En vertu d’une jurisprudence également constante, même si l’État membre dispose d’un large pouvoir discrétionnaire quant à la détermination de ce qu’il considère comme un SIEG, cela ne le dispense pas, lorsqu’il invoque l’existence et la nécessité de la protection d’une mission de SIEG, de veiller à ce que cette dernière satisfasse à certains critères minimaux communs à toute mission SIEG au sens du traité, tels que précisés par la jurisprudence, et de démontrer que ces critères, notamment le caractère universel et obligatoire de cette mission, sont bien satisfaits dans le cas d’espèce. Inversement, l’absence de preuve fournie par l’État membre que ces critères sont satisfaits ou leur méconnaissance est susceptible de constituer une erreur manifeste d’appréciation que la Commission est tenue de sanctionner, sous peine de commettre elle-même une erreur manifeste. En outre, l’État membre doit indiquer les raisons pour lesquelles il estime que le service en cause mérite, de par son caractère spécifique, d’être qualifié de SIEG et distingué d’autres activités économiques (voir arrêt BUPA e.a./Commission, point 116 supra, point 172, et la jurisprudence citée).

120    En outre, il y a lieu de relever que la Commission a rappelé, au paragraphe 25 des lignes directrices, l’obligation pour les États membres de décrire les raisons pour lesquelles ils estiment que le service en cause mérite, de par son caractère spécifique, d’être qualifié de SIEG et distingué d’autres activités économiques. Selon le même paragraphe des lignes directrices, les États devraient faire en sorte que la mission de SIEG satisfasse à certains critères communs à chaque mission de SIEG et démontrer qu’il est satisfait en l’espèce à ces critères. Au paragraphe 26 des lignes directrices, il est précisé que figure au nombre de ces critères la nature universelle de la mission de SIEG, les États devant s’assurer que l’infrastructure à déployer fournisse une connectivité universelle à l’ensemble des utilisateurs dans une zone donnée.

121    Aux paragraphes 143, 147 et 150 de la décision attaquée notamment, la Commission a évoqué la nature universelle ou quasi universelle des services en cause qui seraient fournis dans l’ensemble du département à tous les opérateurs, reprenant en cela les données fournies par les autorités françaises.

122    En particulier, la Commission a indiqué, dans la décision attaquée, que les autorités françaises avaient annoncé que l’un des objectifs du projet THD 92 était la couverture universelle du département des Hauts-de-Seine à l’issue d’une période de six ans, laquelle a été inscrite en tant qu’obligation contractuelle du délégataire dans la convention de DSP (paragraphes 28 et 57 à 63 de la décision attaquée). Après avoir rappelé la jurisprudence relative au large pouvoir d’appréciation des États membres quant à la nature des services susceptibles d’être qualifiés de SIEG, la Commission a précisé que, aux fins de son analyse de la nature de SIEG du projet THD 92, elle partait de la prémisse que les zones non rentables pour le déploiement de ce réseau représentaient 40 % du territoire des Hauts-de-Seine en termes de prises raccordables (paragraphes 121 à 134 de la décision attaquée). Dans le cadre de cette analyse, elle a considéré tout d’abord que la décision des autorités françaises de développer comme un SIEG un réseau à très haut débit dans les Hauts-de-Seine qui allait bien au-delà des limites des réseaux actuels à haut débit en assurant ainsi une couverture des zones non rentables ne contrastait pas avec la réglementation communautaire en la matière (paragraphe 141 de la décision attaquée). La Commission a estimé ensuite que l’accès aux services de très haut débit pour l’ensemble de la population du département répondait à un besoin général et présentait un intérêt général spécifique par rapport à celui que peuvent revêtir d’autres activités de la vie économique (paragraphes 142 à 145 de la décision attaquée). Cette mise à disposition d’un réseau de communications électroniques autorisant l’accès généralisé de la population aux services de très haut débit présenterait en outre des caractéristiques spécifiques par rapport aux autres services commerciaux et justifierait l’attribution d’une mission particulière par le département des Hauts-de-Seine. La Commission en a conclu que les autorités françaises n’avaient pas commis d’erreur manifeste d’appréciation en qualifiant lesdits services de SIEG (paragraphe 153 de la décision attaquée).

123    Il découle de ces rappels de la décision attaquée que la qualification du projet THD 92 est notamment fondée sur le caractère universel de la couverture du réseau projeté. Il y a lieu de constater qu’aucun des arguments invoqués par la requérante ne permet de remettre en cause cette considération de la Commission.

124    En effet, s’agissant de la première série d’arguments (voir point 112 ci-dessus), il suffit de relever qu’elle est fondée sur une prémisse erronée selon laquelle le projet THD 92 poursuivrait, à titre principal, un objectif de compétitivité du département des Hauts-de-Seine et seulement, à titre accessoire, un objectif de couverture universelle. En effet, ainsi que cela a été relevé au point 123 ci-dessus, il ressort des termes dépourvus d’équivoque de la décision attaquée que le projet THD 92, tel que notifié à la Commission, poursuivait un objectif de couverture universelle du département, ainsi qu’en atteste en particulier le mémoire de notification des autorités françaises. En outre, la requérante a elle-même cité des extraits de plusieurs rapports préparatoires au projet THD 92 datant de 2005 et de 2006, dont il résulte que ce projet ne poursuivait pas un objectif purement économique de compétitivité du département, mais qu’il visait également l’ensemble des foyers, des citoyens et des services publics du département.

125     S’agissant de la deuxième série d’arguments avancée par la requérante (voir point 113 ci-dessus), laquelle vise à remettre en cause la nature universelle de la couverture du département des Hauts-de-Seine par le réseau THD 92 eu égard à la division de sa réalisation en deux phases, il convient de rappeler que la requérante fait principalement valoir que la première phase ne porterait que sur des zones rentables et que la seconde phase portant elle sur des zones non rentables ne serait pas nécessairement mise en œuvre.

126    Il convient de préciser que c’est à tort que la requérante déduit l’absence d’universalité du projet THD 92 de l’éventualité que le département des Hauts‑de‑Seine ne subventionne pas la seconde phase dudit projet.

127    À cet égard, il y a lieu de rappeler que la convention de DSP prévoit le déploiement du réseau THD 92 en deux phases, d’une durée de trois ans chacune, au terme desquelles ce réseau desservira l’ensemble du territoire départemental (article 12 de la convention de DSP). Selon cette même convention, le département s’engage à verser au délégataire un montant de 25 millions d’euros pour la première phase de réalisation du projet et un montant de 34 millions d’euros pour la seconde phase, sous réserve, s’agissant de ce second montant, de l’adoption d’une délibération du conseil général des Hauts-de-Seine en ce sens, intervenant elle-même à la suite de la transmission d’un rapport sur le bilan d’exécution de la première phase (article 28.1 et article 28.3 de la convention de DSP). Il en découle que cette division en deux phases, comme le souligne la Commission, sans que cela soit contesté par la requérante, vise à protéger les intérêts financiers du département et à faire ainsi dépendre le versement de la seconde partie de la subvention d’une vérification préalable par le département de l’exécution des travaux prévus.

128    En outre, il y a lieu de considérer que, même si cette division en deux phases peut avoir pour conséquence que le projet THD 92 ne soit pas mené à son terme, en raison de la résiliation de la convention de DSP demandée par le délégataire à la suite de l’absence d’octroi de la subvention pour la seconde phase (article 28.3 de la convention de DSP), il s’agit uniquement d’une modalité contractuelle destinée à éviter qu’une collectivité ne finance le projet d’un contractant et ne continue à être liée à celui-ci, alors même qu’il n’exécute pas ses obligations contractuelles. Il y a lieu de relever à cet égard qu’il existe dans la convention de DSP d’autres clauses permettant une cessation anticipée de la DSP (voir articles 49 et 50 de la convention de DSP).

129    Il ne saurait ainsi en être déduit que les modalités pratiques de paiement de la subvention par les autorités françaises, prévues à l’article 28 de la convention de DSP, sont de nature à faire naître des doutes quant à l’objectif de couverture universelle du projet THD 92, d’autant que la convention de DSP prévoit plusieurs garanties visant à assurer le respect de l’obligation de déploiement d’un réseau universel. En effet, au sein du titre V de la convention de DSP intitulé « Responsabilités, assurances, garanties », l’article 43, qui est consacré au « Pouvoir de sanction du délégant », prévoit une mise en demeure du délégataire en cas d’inexécution de tout ou partie de ses obligations résultant de la convention de DSP (article 43.1 de ladite convention), le paiement de pénalités en cas de retard dans le déploiement du réseau, tel que prévu par l’article 12 de la convention de DSP (article 43.2 de ladite convention), et même la mise en régie du service en cause en cas de manquements graves du délégataire à ses obligations contractuelles (article 43.4 de la même convention). De même, en cas de difficultés nécessitant la réalisation de travaux, en vertu de l’article 38 de la convention de DSP, ceux-ci pourront être exécutés d’office par le département, éventuellement en mobilisant la garantie à première demande (voir également paragraphe 46 de la décision attaquée). Ainsi que l’a confirmé le département des Hauts-de Seine lors de l’audience et sans que cela soit contesté par la requérante, les mesures prévues par ces dispositions peuvent être mises en œuvre aux fins de sanctionner un manquement du délégataire à l’obligation de couverture universelle du département.

130     Il résulte des considérations qui précèdent que la requérante n’a pas établi la limitation du projet THD 92 à la première phase.

131    Dans ces conditions, dès lors que le projet THD 92 doit couvrir, ainsi que la requérante l’admet dans ses écritures, des zones non rentables au cours de la seconde phase, l’absence de couverture des zones non rentables au cours de la première phase, à la supposer établie, ne permettrait pas, en toute hypothèse, de remettre en cause l’objectif annoncé par les autorités françaises et validé par la Commission de couverture universelle du département des Hauts-de-Seine. Partant, il y a lieu de rejeter comme inopérants l’argument de la requérante selon lequel les zones non rentables ne seront couvertes par le réseau THD 92 qu’au cours de la seconde phase, de même que, incidemment, celui critiquant la méthode de définition des zones non rentables au regard de la position de l’ARCEP.

132     S’agissant de la troisième série d’arguments invoquée par la requérante, relative aux moindres besoins des particuliers en matière de très haut débit (voir point 114 ci-dessus), il y a lieu de constater que ces arguments ne permettent pas d’établir l’existence de tels besoins de moindre importance.

133    Premièrement, contrairement à ce qu’affirme la requérante, l’existence de besoins moindres des particuliers en matière de très haut débit ne saurait être déduite de la lettre produite en annexe de la requête émanant d’un opérateur, Completel, et adressée au conseil général des Hauts-de-Seine en réponse à la consultation publique qu’il a organisée dans le cadre du projet THD 92. Cette lettre indique certes que « [l]es besoins des particuliers peuvent être actuellement largement satisfaits au moyen de la technologie ADSL, et cela pour plusieurs années » et qu’« il est donc inutile de déployer un réseau [en] fibre optique coûteux à destination des immeubles d’habitation alors que ces derniers jouissent d’une solution à la fois économique et techniquement satisfaisante ». Cependant, outre le fait que cette position est isolée, en l’absence de production par la requérante d’autres courriers similaires fournis en réponse à la consultation du département, l’auteur de cette position ne présente pas les garanties d’objectivité requises pour faire du courrier en cause un élément probant. En effet, Completel est, d’une part, une société appartenant au même groupe que Numericable, qui est un des actionnaires du consortium Sequalum, et, d’autre part, un opérateur dont les services sont exclusivement destinés aux entreprises et aux organismes publics.

134    Deuxièmement, il y a lieu d’écarter l’argument selon lequel l’existence de besoins moindres des particuliers en matière de haut débit serait attestée par le fait que le projet THD 92 prévoirait une offre dont le débit serait équivalent à celui de l’ADSL, c’est-à-dire au haut débit, dans les zones résidentielles. En effet, il suffit de rappeler, d’une part, que le projet THD 92 vise, comme sa dénomination l’indique, au déploiement d’un réseau en fibre permettant la fourniture d’un très haut débit et donc d’un débit bien supérieur à celui de l’ADSL et, d’autre part, que le délégataire se limitera à proposer une offre de gros à tous les opérateurs, chaque opérateur étant alors libre de décider du débit à fournir. Par conséquent, la distinction de l’offre en termes de débit, selon qu’elle vise les zones résidentielles ou les zones d’activités, si elle existe, ne résulte pas du projet THD 92 et ainsi ne révèle pas de prétendus besoins moindres des particuliers en très haut débit.

135    Troisièmement, l’argument de la requérante relatif à l’absence de similitude entre le projet THD 92 et les réseaux à haut débit approuvés par la Commission dans d’autres départements français n’est pas susceptible d’entraîner l’annulation de la décision attaquée. Par cet argument, la requérante critique plus particulièrement la pertinence de la référence faite par la Commission, dans la décision attaquée (paragraphe 153 et note en bas de page n° 54 de ladite décision), à l’une de ses décisions antérieures relative à un projet de réseau de télécommunications à haut débit dans les Pyrénées-Atlantiques [décision de la Commission du 16 novembre 2004 relative au projet de réseau de télécommunications haut débit des Pyrénées-Atlantiques (aide d’État N 381/2004 – France) (paragraphes 53 à 56)]. La requérante soutient à cet égard, en substance, que les besoins en haut débit des particuliers constatés dans cette décision, ainsi que dans la décision de la Commission, du 3 mai 2005, relative à la mise en place d’une infrastructure haut débit sur le territoire de la région Limousin (Dorsal) (aide d’État N 382/2004 ‑ France) (paragraphes 41 à 44), s’expliquent par la quasi-absence de réseau à haut débit dans les régions en cause, alors que, en l’espèce, les habitants du département des Hauts-de-Seine disposeraient d’un réseau à haut débit. Toutefois, il y a lieu de constater que l’appréciation par la Commission du caractère universel du projet THD 92 a été fondée sur les circonstances propres dudit projet, telles qu’exposées au paragraphe 122 ci-dessus, et non sur une comparaison de ces circonstances avec celles de ses affaires antérieures. Ainsi, la référence faite, au paragraphe 153 et à la note en bas de page n° 54 de la décision attaquée, à la décision de la Commission concernant l’aide d’État N 381/2004, susmentionnée, est sans incidence sur la conclusion tirée par la Commission au même paragraphe 153, selon laquelle les autorités françaises n’ont pas commis d’erreur manifeste d’appréciation en qualifiant le service en question de SIEG.

136    La requérante prétend en outre, dans la réplique, que cette justification de l’exclusion de la société de l’information est « quelque peu exagérée ». À cet égard, il suffit de rappeler que, s’agissant de la qualification d’un service de SIEG, les États membres jouissent d’un large pouvoir d’appréciation et que la définition d’un service comme SIEG ne peut être remise en cause par la Commission qu’en cas d’erreur manifeste (voir points 116 à 118 ci-dessus). Or, il y a lieu de considérer que, par cette allégation, la requérante n’a pas démontré que la Commission aurait omis de sanctionner une erreur manifeste commise par les autorités françaises.

137    Quatrièmement, il y a lieu d’observer que, contrairement à ce que soutient la requérante pour écarter la pertinence de deux décisions antérieures de la Commission, l’approbation du projet THD 92 n’accentuerait pas les disparités sociales entre les départements français. En effet, comme le fait observer à juste titre la Commission, l’argument de la requérante, s’il était accueilli, conduirait à faire subsister les inégalités au sein de l’Union, en ce qu’il conduirait à interdire toute initiative locale, régionale ou même nationale destinée à limiter l’exclusion d’une partie de la population de la société de l’information, au motif que, en améliorant le sort de la population défavorisée de l’entité géographique considérée, de telles initiatives seraient susceptibles de rompre l’égalité des situations entre les personnes défavorisées de ces entités et de celles résidant dans une autre localité, une autre région ou un autre État.

138    Cinquièmement, il y a lieu d’écarter l’argument de la requérante, relatif à la subvention croisée inversée, selon lequel les particuliers n’auraient été inclus dans le champ des services de communications à très haut débit qu’en vue de permettre de diminuer les prix demandés aux entreprises dans les zones d’activités. À cet égard, il suffit de constater qu’une telle allégation n’est pas établie et que, en tout état de cause, une telle subvention croisée ne permet pas à elle seule de conclure que les particuliers n’ont pas ou peu de besoins en très haut débit.

139     S’agissant de la quatrième série d’arguments contestant la possibilité d’une coexistence de deux SIEG sur un même territoire et soulignant que le réseau THD 92 fait double emploi avec le réseau « Irisé » dont il gênerait le développement, il suffit de constater, sans qu’il y ait lieu de se prononcer sur la différence de nature des deux réseaux concernés, que cet argument est fondé sur une prémisse erronée. En effet, le réseau « Irisé », ainsi que le reconnaît la requérante elle-même, n’assure pas une couverture universelle du territoire des Hauts-de-Seine. La requérante reconnaît en particulier que le réseau « Irisé » couvre 60 collèges et 33 lycées sur les 99 collèges et 58 lycées que compte le département. En outre, l’article 13 de la convention de DSP prévoit expressément une obligation de mise en cohérence des réseaux d’initiative publique en précisant les actions interdites au délégataire aux fins de ne pas porter atteinte au réseau « Irisé ». En tout état de cause, l’existence de deux réseaux destinés au déploiement du très haut débit dans le département des Hauts-de-Seine n’est pas de nature à remettre en cause l’objectif de couverture universelle du territoire départemental poursuivi par le réseau THD 92.

140    Il résulte de tout ce qui précède que la requérante n’a pas établi que la Commission a commis une erreur manifeste d’appréciation en qualifiant le projet THD 92 de SIEG.

141    La première branche du second moyen doit par conséquent être rejetée.

 Sur la deuxième branche, tirée de l’absence de défaillance du marché

142    La requérante estime que le projet THD 92 a été établi en l’absence de véritable défaillance du marché. La Commission aurait ainsi méconnu à la fois sa pratique décisionnelle et les lignes directrices (paragraphe 24 desdites lignes). Au soutien de cette allégation, la requérante fait valoir cinq arguments.

143    Premièrement, la requérante conteste l’existence de zones non rentables dans le département des Hauts-de-Seine et affirme que, quand bien même de telles zones existeraient, elles seraient marginales.

144    Deuxièmement, la requérante estime que la défaillance à laquelle il importe de remédier, à savoir l’absence de connexion Internet à haut débit, est inexistante, dans la mesure où l’ADSL est accessible sur l’ensemble du territoire départemental et où, dans les zones non rentables, le réseau THD 92 ne permettra pas d’offrir un débit supérieur à celui de l’ADSL.

145    Troisièmement, la requérante conteste les données prises en compte par la Commission. Celles-ci seraient, d’une part, trop anciennes, car recueillies en 2004 et en 2005. D’autre part, la Commission n’aurait disposé que des prévisions provisoires, conditionnelles et, ainsi qu’elle l’aurait elle-même reconnu dans la décision attaquée (note en bas de page n° 45 de ladite décision), incomplètes émanant de la requérante, alors qu’il appartenait à la Commission, en vertu des lignes directrices (paragraphe 68 desdites lignes) de s’informer des prévisions de déploiement triennal de la requérante. La requérante reproche en particulier à la Commission de ne pas s’être fondée sur les données fournies par l’ARCEP, le régulateur compétent en la matière, dans sa décision 2009-1106, du 22 décembre 2009 (ci-après la « décision de l’ARCEP »).

146    Quatrièmement, la Commission aurait erronément interprété les documents sur lesquels elle s’était fondée. Elle aurait ainsi présenté l’avis qu’elle a demandé à l’ARCEP comme donnant une impression plutôt négative de la situation et aurait fait abstraction de l’évolution positive attendue par l’ARCEP (paragraphe 127 de la décision attaquée). La Commission se serait par ailleurs limitée à des « spéculations dénigrantes » sur les projets de la requérante et sur sa capacité à convertir les prises adressables en prises raccordables, ainsi que sur sa capacité à couvrir l’ensemble du territoire. De telles considérations ne pourraient en aucun cas servir de fondement à une décision de la Commission. La Commission aurait commis à cet égard une importante erreur de calcul au paragraphe 128 de la décision attaquée, en indiquant que le ratio entre les 95 000 prises raccordables et les 460 000 prises adressables était de 2 %, alors qu’il était en réalité de 20 %. Cette erreur affecterait une partie essentielle de son raisonnement. En outre, contrairement à ce qu’indique la Commission dans la décision attaquée (paragraphe 125 de ladite décision), le manque de rentabilité du projet THD 92 n’aurait pas été à l’origine de l’absence de présentation d’offres par la requérante, dans le cadre de l’appel d’offres relatif au projet THD 92. La requérante ajoute que l’ensemble des données fournies par les opérateurs révèlent un choix commercial judicieux, ceux-ci ayant opté pour un déploiement progressif prudent commençant par les zones considérées comme les plus rentables pour se poursuivre par les zones considérées comme moins rentables.

147    Cinquièmement, l’autorisation de la subvention par la Commission ne s’expliquerait pas par la nécessité de pallier une défaillance du marché, mais par le désir de « sponsoriser un troisième acteur » sur le marché au détriment de la requérante.

148    Il y a lieu, à titre liminaire, de préciser le rôle que joue le critère de la défaillance du marché dans la qualification d’un service de SIEG et, partant, dans son absence de qualification d’aide d’État. La République française soutient en effet qu’un service donné pourrait être qualifié de SIEG même en l’absence de défaillance du marché, ce qui permettrait en l’espèce de rejeter l’ensemble des arguments de la requérante remettant en cause l’existence d’une telle défaillance comme inopérants. Elle se fonde à cet égard sur la marge d’appréciation dont disposent les États membres pour définir un objectif d’intérêt général, en soulignant que ceux-ci peuvent déterminer des missions d’intérêt général même lorsque des opérateurs sont déjà présents sur le marché considéré.

149    À cet égard, il convient de relever que, si le critère de la défaillance du marché est, certes, spécifiquement mentionné dans la jurisprudence et les lignes directrices (arrêts du Tribunal du 6 octobre 2009, FAB/Commission, T‑8/06, non publié au Recueil, points 79 à 82, et Allemagne/Commission, T‑21/06, non publié au Recueil, points 53 à 60 ; voir également paragraphes 39, 43 et 44 des lignes directrices) comme intervenant dans l’appréciation de la compatibilité d’une aide au regard de l’article 87, paragraphe 3, CE, il joue également un rôle dans la détermination de l’existence d’une aide d’État et, en particulier, dans celle de l’existence d’un SIEG.

150    En effet, la communication de la Commission sur les services d’intérêt général en Europe, mentionnée au point 116 ci-dessus, dispose en son paragraphe 14 que, « si les pouvoirs publics estiment que certains services sont d’intérêt général et que les mécanismes du marché pourraient ne pas être à même d’assurer une fourniture satisfaisante de ces services, ils peuvent établir un certain nombre de prestations de services spécifiques destinées à répondre à ces besoins sous forme d’obligations de service d’intérêt général ». 

151    En outre, les lignes directrices, codifiant en cela la pratique de la Commission, disposent en leur paragraphe 24 ce qui suit :

« […L]a Commission considérera que, dans les zones où les investisseurs privés ont déjà investi dans une infrastructure de réseau [à] haut débit (ou sont en train d’étendre leur réseau d’infrastructure) et fournissent déjà des services compétitifs d’accès au haut débit avec une couverture appropriée, la mise en place d’une infrastructure à haut débit parallèle, compétitive et financée par des fonds publics ne devrait pas être qualifiée de SIEG au sens de l’article 86 [CE]. Toutefois, dès lors qu’il peut être démontré que des investisseurs privés pourraient ne pas être en mesure d’assurer, dans un avenir proche, une couverture adéquate pour l’ensemble des citoyens ou des utilisateurs et qu’ils risqueraient ainsi de priver de connexion une partie importante de la population, une compensation de service public peut être accordée à une entreprise chargée d’un SIEG pour autant que les conditions énoncées aux [paragraphes 25 à 29 des lignes directrices] [sont] réunies. »

152    Par ailleurs, cette même exigence est réitérée, s’agissant plus particulièrement du déploiement d’un réseau à très haut débit, aux paragraphes 77 et 78 des lignes directrices. Certes, selon le paragraphe 77 des lignes directrices, aucune intervention de l’État n’est, en principe, nécessaire dans des zones déjà couvertes par des infrastructures à haut débit concurrentes dans lesquelles les opérateurs existants pourraient transformer leurs réseaux à haut débit classiques en réseaux à très haut débit. Toutefois, selon le paragraphe 78 de ces mêmes lignes directrices, un État membre peut démontrer que les opérateurs du haut débit existants n’ont pas l’intention d’investir dans des réseaux à très haut débit dans les trois années à venir.

153    Il ressort de ces dispositions que l’appréciation de l’existence d’une défaillance du marché constitue un préalable à la qualification d’une activité de SIEG et ainsi à la constatation de l’absence d’aide d’État.

154    Dans la décision attaquée, la Commission a appliqué le critère de la défaillance du marché au cas d’espèce. Elle a considéré, sous le titre « Mesures justifiées par une mission de service public d’intérêt économique général », que les services en question n’étaient pas fournis à l’heure actuelle par des opérateurs tiers d’une façon complète et satisfaisante sur le marché concerné. En effet, aucun opérateur commercial n’aurait à ce jour déployé dans les Hauts-de-Seine un réseau de desserte à très haut débit couvrant l’ensemble des usagers résidentiels et professionnels du département (paragraphe 147 de la décision attaquée).

155    La Commission a ainsi rejeté les allégations d’opérateurs privés tiers formulées au cours de la procédure administrative, selon lesquels il n’existerait aucune raison justifiant une intervention publique, les besoins du public étant sur le point d’être satisfaits par des déploiements de réseaux en fibre entrepris par eux-mêmes. Elle a notamment constaté que, lors de la procédure d’attribution de la DSP, tous les groupements ayant présenté une candidature se sont fondés sur l’existence, dans le département, de zones non rentables dont la couverture aurait nécessité l’octroi d’une subvention publique. De même, il ressortirait d’une réponse de l’ARCEP à une demande d’avis formulée par les autorités françaises à l’instigation de la Commission à la suite d’un courrier de la requérante du 6 février 2009 qu’aucun opérateur n’a à ce jour déployé un réseau universel en fibre optique dans les Hauts-de-Seine. Enfin, quant au courrier de Free du 26 mai 2009, selon lequel cet opérateur aurait déployé d’ici à la fin de 2012 un réseau à très haut débit couvrant les 36 communes du département, la Commission a constaté que les autorités françaises l’avaient considéré comme étant dépourvu de crédibilité, dès lors que les objectifs de couverture précédents annoncés par cet opérateur en 2007 n’avaient pas été atteints (paragraphes 122 à 134 de la décision attaquée).

156    C’est à la lumière de ces rappels qu’il convient d’examiner les arguments de la requérante, dont aucun n’apparaît de nature à remettre en cause les considérations émises par la Commission, dans la décision attaquée, quant à l’existence d’une défaillance du marché.

157    Ainsi, en premier lieu, doivent être écartés les arguments de la requérante visant à contester les prémisses du raisonnement de la Commission relatif à l’existence d’une défaillance du marché, à savoir, d’une part, l’existence de zones non rentables dans le département (voir point 143 ci-dessus) et, d’autre part, le type de débit défaillant (voir point 144 ci-dessus).

158    En effet, premièrement, s’agissant de l’allégation de la requérante selon laquelle les zones non rentables n’existeraient pas dans le département des Hauts-de-Seine ou, à tout le moins, seraient marginales, il suffit de constater qu’elle n’est étayée par aucun élément probant.

159    D’une part, la requérante se contente de faire état des propos tenus postérieurement à l’adoption de la décision attaquée devant l’Assemblée nationale française par le secrétaire d’État chargé de la prospective et du développement de l’économie numérique, selon lesquels « l’argent public n’était pas nécessaire dans des zones très denses ». Or, une telle déclaration ne suffit pas à établir l’absence ou la faible proportion de zones non rentables dans le département des Hauts-de-Seine, dès lors que le département n’est nullement visé par ladite déclaration et que, au surplus, aucun lien certain n’est mentionné ni a fortiori établi entre densité de population et rentabilité d’une zone.

160    D’autre part, la requérante renvoie, sans autrement étayer son argumentation, à la décision de l’ARCEP qui aurait classé l’ensemble des communes du département en zones très denses. Outre le fait que cette décision est postérieure à l’adoption de la décision attaquée, il convient d’observer que l’ARCEP a inclus dans le champ d’application de sa décision des zones non rentables. Elle a en effet défini les zones très denses comme « les communes à forte concentration de population, pour lesquelles, sur une partie significative de leur territoire, il est économiquement viable pour plusieurs opérateurs de déployer leurs propres infrastructures, en l’occurrence leurs réseaux de fibre optique, au plus près des logements ». Ainsi, l’ARCEP a elle-même admis qu’il existait, au sein des communes globalement rentables, des sous-zones non rentables. La décision de l’ARCEP ne peut dès lors être interprétée comme ayant établi la pertinence de la commune comme zone de référence permettant de définir la rentabilité d’un territoire. Il ne saurait par ailleurs être déduit du fait que l’ensemble des communes situées dans le département des Hauts-de-Seine sont classées dans la catégorie des zones très denses que le département tout entier doive être considéré comme rentable. Cette décision n’est donc pas de nature à établir que les zones non rentables n’existent pas dans le département des Hauts-de-Seine.

161    Deuxièmement, s’agissant de l’allégation selon laquelle le débit prévu par le projet THD 92 serait déjà assuré par l’ADSL accessible sur l’ensemble du territoire du département, il suffit de rappeler, comme sa dénomination l’indique d’ailleurs clairement, que le projet en cause concerne le très haut débit et non simplement le haut débit (voir point 134 ci-dessus). Par conséquent, la simple existence d’installations de haut débit, telles que l’ADSL, ne saurait être de nature, en tant que telle, à démontrer l’absence d’une défaillance du marché portant sur le très haut débit. Cette considération est, par ailleurs, conforme aux paragraphes 77 et 78 des lignes directrices (voir point 152 ci-dessus).

162    En deuxième lieu, doivent également être rejetés les arguments de la requérante visant à contester les données prises en compte par la Commission dans le cadre de son appréciation de la défaillance du marché (voir point 145 ci-dessus).

163    À cet égard, il y a lieu de préciser que l’existence d’une défaillance du marché doit être appréciée au moment où le service destiné à pallier cette défaillance est institué. Cette appréciation doit également comporter une analyse prospective de la situation du marché pour toute la durée d’application du SIEG, pendant laquelle la défaillance du marché doit également être vérifiée. Néanmoins, dès lors que, en vertu d’une jurisprudence constante, les appréciations portées par la Commission ne doivent être examinées qu’en fonction des seuls éléments dont elle disposait au moment où elle les a effectuées (arrêt de la Cour du 11 septembre 2003, Belgique/Commission, C‑197/99 P, Rec. p. I‑8461, point 86, et arrêt du Tribunal du 15 décembre 2009, EDF/Commission, T‑156/04, Rec. p. II‑4503, point 125), l’appréciation de la défaillance du marché est nécessairement limitée aux éléments dont la Commission disposait à la date d’adoption de la décision attaquée.

164    Dans ces conditions, en l’espèce, tout d’abord, il y convient de relever que la requérante ne saurait reprocher à la Commission de s’être fondée sur des données anciennes, puisque datant de 2004 et de 2005. En effet, ces données correspondent à la période pendant laquelle le département des Hauts-de-Seine procédait à des études en vue d’instituer un SIEG dans le secteur des communications électroniques à très haut débit, avant le vote de la délibération à l’origine de la procédure de DSP datant du 24 mars 2006.

165    Ensuite, quant aux données prétendument incomplètes relatives au déploiement de la requérante, il convient de relever que la Commission a pris en compte l’ensemble des données qui lui avaient été fournies par cet opérateur à la date d’adoption de la décision attaquée.

166    En effet, d’une part, la requérante ne saurait reprocher à la Commission de ne pas avoir pris en compte ses prévisions triennales de déploiement, ainsi que l’y obligeaient les lignes directrices. Selon la requérante, il découlerait desdites lignes directrices que la Commission doit prendre en compte, aux fins de vérifier l’existence d’une défaillance du marché, les prévisions de déploiement dans un « avenir proche », c’est-à-dire dans une période de trois ans (note en bas de page n° 31 des lignes directrices). Or, tout d’abord, les lignes directrices n’étaient pas applicables en l’espèce (voir points 96 et 108 ci-dessus), ainsi que la Commission le relève dans la décision attaquée (note en bas de page n° 45 de ladite décision), sans que cela soit contesté par la requérante. Ensuite, il a déjà été relevé au point 83 ci-dessus que la requérante s’est contentée, durant et après la procédure d’attribution de la DSP, de présenter à la Commission un unique courrier, en date du 6 février 2009, pris en compte dans ladite décision, qui faisait état du déploiement de la requérante au 31 décembre 2008 et des prévisions de déploiement au 31 décembre 2009. En particulier, elle n’a présenté aucun autre plan d’investissements futurs ni même aucune prévision de déploiement au-delà du 31 décembre 2009. En outre, ce courrier faisait suite à une demande de la Commission qui interrogeait la requérante sur son déploiement et ses prévisions de déploiement au moment de l’adoption de la décision attaquée. La Commission avait ainsi entrepris toutes les démarches requises aux fins de disposer, au moment de l’adoption de la décision attaquée, des données actualisées relatives au déploiement actuel et futur de la requérante.

167    D’autre part, il ne saurait être reproché à la Commission de ne pas avoir pris en considération les prévisions de déploiement de la requérante annoncées dans des articles de presse parus postérieurement à la décision attaquée et communiqués en annexe de la requête. Il peut être relevé à cet égard que, en tout état de cause, seul un des articles reproduits dans cette annexe mentionne le département des Hauts-de-Seine, au surplus de manière vague et non étayée, en évoquant l’équipement de toutes les communes des Hauts-de-Seine en 2012.

168    Enfin, quant aux données figurant dans la décision de l’ARCEP, outre le fait que cette décision est également postérieure à la décision attaquée, il suffit d’observer, d’une part, que la requérante ne mentionne aucun élément de ladite décision venant au soutien de son allégation d’absence de défaillance du marché. D’autre part et en tout état de cause, il ressort certes de cette décision que l’ensemble des communes situées dans le département des Hauts-de-Seine sont classées dans la catégorie des zones très denses définies comme étant celles à forte concentration de population pour lesquelles, sur une partie significative de leur territoire, il est économiquement viable pour plusieurs opérateurs de déployer leurs propres infrastructures, en l’occurrence leurs réseaux de fibre optique, au plus près des logements (page 15 de la décision de l’ARCEP). Toutefois, l’ARCEP ne donne aucune indication dans sa décision sur la réalité ou la prévision tangible d’un déploiement de la fibre optique sur l’ensemble de ces communes. Elle indique même, dans cette décision (section I, point 1, de ladite décision), que « les principaux opérateurs, qui ont annoncé des plans d’investissements importants, ont retardé la mise en œuvre de ces investissements compte tenu des désaccords qui persistent entre eux sur les modalités de mise en œuvre de l’accès à la fibre optique et particulièrement les conditions de déploiement de la fibre dans les immeubles ». 

169    En troisième lieu, s’agissant des prétendues erreurs d’interprétation des données prises en compte par la Commission, il convient de relever que, dans son avis du 25 février 2009, donné à la suite d’une demande de la Commission, l’ARCEP a indiqué ce qui suit :

« Votre demande porte plus particulièrement sur la première question qui traite des couvertures actuelle et future des réseaux [à] très haut débit dans ce département.

Au vu des informations dont dispose l’[ARCEP], plusieurs opérateurs ont annoncé et engagé des déploiements de réseaux [à] très haut débit en fibre optique jusqu’à l’abonné (FttH) dans le département des Hauts-de-Seine. France Télécom est l’opérateur le plus avancé dans ces déploiements. À ce stade, il apparaît que les opérateurs ont principalement réalisé la partie horizontale de leurs réseaux, c’est-à-dire le tirage des câbles de fibre optique le long des voies de circulation pour amener la fibre optique à proximité des immeubles. L’[ARCEP] estime, sur la base des chiffres renseignés par les opérateurs, que, [à la] fin [de] 2008, les immeubles d’habitation à proximité de la fibre optique représentaient près de 460 000 logements, dits ʻadressablesʼ.

À partir des déploiements horizontaux engagés, les opérateurs conduisent actuellement les travaux de raccordement et d’équipement des immeubles […]

Parmi les immeubles adressables, certains sont déjà équipés en fibre optique, ou en passe de l’être dans un délai court, car la convention a déjà été signée avec le propriétaire. L’[ARCEP] estime, au vu des informations dont elle dispose, que l’ensemble de ces immeubles regroupait près de 95 000 logements [à la] fin [de] 2008. Avec la promulgation de la loi et la publication des décrets, ce parc de logements a vocation à augmenter régulièrement, au rythme des immeubles qui seront démarchés par les opérateurs, et [à] tendre ainsi à terme vers le parc de logements adressables. »

170    Il ressort de ce passage, d’une part, que, à la fin de l’année 2008, dernière année complète avant l’adoption de la décision attaquée, le parc d’abonnés des prises raccordables s’élevait à près de 95 000 logements et que les prises adressables déployées par la requérante concernaient 460 000 logements. D’autre part, ce passage décrit une évolution, en cours, en relevant que le parc des logements raccordables, de l’ordre de 95 000 à la fin de l’année 2008, tendrait, à terme, vers celui des logements adressables, soit 460 000 logements. Il y a lieu d’observer, à cet égard, que ce nombre de prises raccordables dont le déploiement était prévu, selon les données contenues dans la décision de l’ARCEP, reste ainsi sensiblement en deçà des obligations du délégataire, correspondant au déploiement de 827 900 prises raccordables.

171    Dans ces conditions, premièrement, dès lors que, malgré la mention positive finale selon laquelle les prises adressables seraient converties à terme en prises raccordables par la requérante, l’ARCEP indique clairement que, à la fin de l’année 2008, le parc d’abonnés des prises raccordables ne dépassait pas 95 000 logements et les prises adressables déployées par la requérante concernaient 460 000 logements, la Commission n’a commis aucune erreur en mentionnant cette dernière considération au paragraphe 127 de la décision attaquée.

172    En outre, il convient, à cet égard, d’écarter l’argument présenté par la requérante à l’audience selon lequel la Commission, faute de compréhension exacte des termes de « prise adressable », de « prise raccordable » et de « prise raccordée » employés par l’ARCEP, aurait pu adopter une décision erronée. En effet, sans qu’il soit besoin de définir lesdits termes, il suffit de constater que, à supposer même que la Commission ait employé, dans la décision attaquée, une notion plus large de « prise raccordable » que celle employée par l’ARCEP, une telle erreur aurait eu pour seule conséquence d’exagérer le nombre de prises raccordables dont le déploiement était envisagé par la requérante. Or, une telle erreur, à la supposer avérée, n’est pas de nature à établir l’absence d’une défaillance du marché, mais viendrait, au contraire, à l’appui de l’allégation inverse tendant à démontrer une défaillance du marché.

173    Deuxièmement, s’agissant de l’argument relatif à l’erreur de calcul alléguée par la requérante, il y a lieu de rappeler que, dans la décision attaquée, la Commission a estimé que la perspective du déploiement d’un ou de plusieurs réseaux universels en fibre optique dans les Hauts-de-Seine était très incertaine, en se fondant sur les réticences des opérateurs que démontrerait la disparité entre le nombre de prises raccordables et le nombre de prises adressables d’ores et déjà déployées par certains opérateurs. Elle a ainsi évoqué un très faible ratio entre prises raccordables et prises adressables de la requérante, le nombre de prises raccordables représentant 2 % du nombre de prises adressables (paragraphes 127 à 130 de la décision attaquée).

174    La Commission a reconnu dans le mémoire en défense que le paragraphe 128 de la décision attaquée comportait une erreur de plume, en ce qu’il convenait de lire « prise raccordée », ainsi qu’il ressortait du paragraphe 97 de la décision attaquée, au lieu de « prise raccordable ». Dès lors, le ratio de 2 % mentionné audit paragraphe concernerait le rapport entre prises raccordées et prises adressables.

175    Toutefois, cette erreur de plume ne permet pas de remettre en cause l’appréciation de la Commission relative au déploiement de la requérante. En effet, il ressort du paragraphe 129 de la décision attaquée, qui suit le paragraphe contenant ladite erreur, que, à supposer même que la requérante convertisse, à l’avenir, l’ensemble de ses prises adressables en prises raccordables, d’une part, 60 % du territoire du département des Hauts-de-Seine ne serait toujours pas couvert et, d’autre part, le réseau THD 92 permettrait d’atteindre une couverture supplémentaire d’environ 40 % de ce même territoire. Il en découle que la Commission a conclu à un déploiement insuffisant de la requérante en se fondant non sur le ratio de 2 % entaché d’une erreur de plume, mais sur l’hypothèse de la transformation de toutes les prises adressables de la requérante en prises raccordables. L’argument tiré de l’erreur de calcul doit dès lors être rejeté comme inopérant.

176    Troisièmement, il y a lieu d’observer que la Commission a repris la mention positive finale de l’avis de l’ARCEP en fondant sa conclusion, selon laquelle seuls 40 % du territoire des Hauts-de-Seine seraient couverts par la requérante, sur le fait que l’ensemble des prises adressables de la requérante seraient converties en prises raccordables (paragraphe 129 de la décision attaquée). La reprise de cette mention positive finale conduit ainsi à écarter également l’allégation de « spéculations dénigrantes » de la Commission à l’égard de la requérante.

177    Quatrièmement, il convient de rejeter comme inopérant l’argument selon lequel, en indiquant que la requérante avait retiré son offre, la Commission aurait erronément exposé le motif pour lequel la requérante aurait renoncé à présenter sa candidature à l’appel d’offres relatif au projet THD 92. En effet, à supposer même que la Commission ait erronément exposé ce motif au paragraphe 125 de la décision attaquée, une telle erreur ne permettrait pas de remettre en cause les données chiffrées relatives au déploiement de la requérante sur le territoire des Hauts-de-Seine, valablement retenues par la Commission (voir point 170 ci-dessus).

178    Il résulte de tout ce qui précède que la requérante n’a pas établi que la Commission avait approuvé à tort l’existence d’une défaillance du marché alléguée par les autorités françaises. Doit par conséquent également être rejeté l’argument selon lequel cette défaillance alléguée du marché dissimulerait une volonté de la Commission et des autorités françaises de porter atteinte à la position de marché de la requérante, et ce d’autant plus que la requérante n’a fourni aucun élément concret au soutien d’une telle allégation.

179    Dans ces conditions, la deuxième branche du second moyen doit être rejetée.

 Sur la troisième branche, tirée de l’absence de prévisibilité des critères de sélection et des paramètres de la compensation

180    La requérante reproche à la Commission de ne pas avoir tenu compte du caractère imprévisible des critères de sélection du délégataire de service public. En effet, la méthode de vérification mise en place par les experts du département afin de vérifier l’absence de surcompensation de la subvention sollicitée par le délégataire n’aurait pas été connue à l’avance de la requérante, des autres soumissionnaires, ni même du délégataire. Il s’ensuivrait, d’une part, que les critères de sélection du délégataire n’auraient pas été prévisibles et, d’autre part, que les paramètres sur la base desquels la compensation a été calculée n’auraient pas été établis de façon objective et transparente.

181    L’argumentation de la requérante portant principalement sur le respect par le projet THD 92 de la deuxième condition posée par l’arrêt Altmark, point 17 supra, il y a lieu de rappeler que, selon cette deuxième condition, requise pour exclure la qualification d’aide d’État, les paramètres sur la base desquels est calculée la compensation doivent être préalablement établis de façon objective et transparente, afin d’éviter qu’elle ne comporte un avantage économique susceptible de favoriser l’entreprise bénéficiaire par rapport à des entreprises concurrentes (voir point 107 ci-dessus).

182    En l’espèce, au paragraphe 157 de la décision attaquée, la Commission a estimé que cette deuxième condition de l’arrêt Altmark, point 17 supra, était satisfaite, eu égard aux considérations suivantes :

« En l’espèce, les paramètres du financement public ont été définis de façon objective et transparente dans le programme de consultation ainsi que dans le règlement de consultation. En effet, le programme de consultation prévoyait que tous les candidats devraient fournir des tableaux de financement permettant de [connaître] les paramètres utilisés pour définir les zones rentables et non rentables et [de savoir] à partir de quel [taux de retour interne] une zone devenait non rentable ; la contribution que les zones rentables apportaient à la couverture partielle ou totale du besoin de financement des zones non rentables ; et le besoin résiduel qui devait, le cas échéant, être versé par le [d]épartement. Sur la base de ces tableaux, les candidats devaient être en mesure de justifier leur demande pour une subvention qui ne saurait en tout état de cause dépasser le plafond de [70 millions d’euros]. »

183    À cet égard, il ressort des éléments du dossier que les autorités françaises avaient, dans le cadre du programme de consultation communiqué aux candidats à la DSP, décrit en détail les aspects financiers de la DSP en précisant notamment le montant maximal qui sera versé à l’issue de la première phase du déploiement du réseau (25 millions d’euros) ainsi que le montant total maximal de la subvention (70 millions d’euros), les données financières à fournir par le candidat en vue d’évaluer son offre et surtout les modalités de calcul du montant définitif de la subvention (point 5.3 du programme de consultation). Il est ainsi indiqué dans ce document que le montant de la subvention qui sera octroyée, c’est-à-dire le « niveau de participation » du département des Hauts-de-Seine, résultera de la déduction des recettes nettes attendues des zones rentables du « coût brut des sujétions de service public », étant précisé que ce dernier coût également appelé « charge globale » correspond à la somme des charges pour chaque zone non rentable. Les montants de ces charges sont obtenus, toujours selon ce document, en rapportant aux pertes attendues pour une zone les recettes nettes obtenues lorsque le taux de retour interne (ci-après le « TRI ») est atteint, telles que diminuées des recettes nettes prévisionnelles.

184    Il en résulte que, conformément à ce qu’exige la jurisprudence rappelée au point 181 ci-dessus, les éléments intervenant dans le calcul de la compensation, c’est‑à‑dire les paramètres sur la base desquels celle-ci est calculée, ont été établis dans le programme de consultation de la DSP, soit préalablement à l’octroi de l’avantage, et communiqués aux bénéficiaires potentiels de la subvention, incluant le bénéficiaire effectif ainsi que ses concurrents. Le fait que le montant définitif de la subvention n’ait pas été divulgué à ce stade est indifférent, dès lors que la jurisprudence pertinente exige uniquement la communication des paramètres de calcul de la subvention et non du montant de cette subvention. Est a fortiori indifférent le fait que ce montant était inférieur à celui proposé initialement par le délégataire retenu, et ce d’autant plus que, comme le souligne à juste titre la Commission dans la duplique, une telle diminution ne porte pas atteinte au fondement jurisprudentiel de la deuxième condition de l’arrêt Altmark, point 17 supra, tel que rappelé au point 181 ci-dessus. En effet, elle n’est pas de nature à favoriser le bénéficiaire de la subvention par rapport à ses concurrents.

185    Cette conclusion relative au respect de la deuxième condition de l’arrêt Altmark, point 17 supra, n’est pas remise en cause par l’allégation de la requérante selon laquelle elle n’aurait pas eu connaissance du calcul de la rentabilité des zones du département en fonction d’îlots regroupés autour de sous-répartiteurs optiques. En effet, il y a lieu de rappeler que, selon la jurisprudence relative à la deuxième condition de l’arrêt Altmark, point 17 supra, la transparence des paramètres du calcul de la compensation d’obligations de service public vise à éviter de favoriser le bénéficiaire par rapport à ses concurrents (voir point 181 ci-dessus). Or, cette méthode de calcul de la rentabilité des zones du département a été appliquée au seul bénéficiaire, postérieurement à sa sélection conformément aux critères de sélection établis, en vue de déterminer le montant définitif de la subvention qui lui serait accordée. Dès lors, d’une part, l’utilisation de cette méthode de calcul n’ayant pas servi de critère de sélection du délégataire, l’absence de sa communication préalable ne saurait remettre en cause le caractère transparent et prévisible des critères de sélection. D’autre part, cette méthode ayant été appliquée à la suite de la sélection du délégataire dans le but exclusif de fixer le montant définitif de la subvention, son application n’est pas de nature à favoriser le délégataire par rapport à ses concurrents.

186    Il résulte de tout ce qui précède qu’il ne saurait être reproché à la Commission d’avoir considéré que les paramètres de calcul de la compensation avaient été établis de façon objective et transparente.

187    Par conséquent, la troisième branche du second moyen doit être rejetée.

 Sur la quatrième branche, tirée de l’existence d’une surcompensation

188    La requérante estime à titre liminaire que le contrôle exercé par le Tribunal sur le respect de la troisième condition de l’arrêt Altmark, point 17 supra, ne doit pas être limité à celui de l’erreur manifeste d’appréciation, quand bien même le contrôle que la Commission est habilitée à exercer serait un contrôle restreint. Elle présente ensuite plusieurs arguments aux fins d’établir l’existence d’une surcompensation dans le cadre du projet THD 92.

189    Premièrement, la requérante met en doute le montant exact de la subvention qui sera accordée au délégataire durant la première phase du projet THD 92. En effet, la somme des montants à verser au délégataire durant cette première phase, qui figurent à l’article 28.2 de la convention de DSP, aboutirait à une somme de 30 millions d’euros et non de 25 millions d’euros comme l’indiqueraient à la fois les premiers mots de cet article et le texte de la décision attaquée. La requérante précise que l’avenant à la convention de DSP rectifiant cette erreur n’a pas été notifié à la Commission, qui n’a dès lors pas pu se prononcer sur sa compatibilité avec les dispositions relatives aux aides d’État.

190    Deuxièmement, la requérante fait valoir que le projet THD 92 donne lieu à une surcompensation manifeste lors de la première phase, dans la mesure où la mission de SIEG consistant dans le déploiement d’un réseau à très haut débit dans des zones non rentables n’interviendrait que lors de la seconde phase. Elle ajoute que la Commission affirme que la première phase du projet THD 92 ne serait pas limitée aux zones rentables, sans fournir le moindre élément de preuve, et qu’il n’existe aucune garantie d’absence de surcompensation dans le processus de sélection du délégataire et dans la convention de DSP.

191    Troisièmement, la requérante critique le TRI sur lequel le projet THD 92 se fonde. En l’espèce, ce TRI serait fixé par le délégataire et non en fonction des taux généralement pratiqués dans le secteur. Or, le délégataire aurait retenu un TRI de 10,63 %, supérieur au taux de 9 % considéré comme acceptable par la Commission et différent de ceux généralement pratiqués dans le secteur (entre 8,1 et 10,6 %) et de celui calculé par le Sipperec (20,3 %). La requérante s’interroge à cet égard sur la compensation prévue pour les zones dont le TRI est compris entre 9 et 10,63 %. Elle reproche également à la Commission un manque de transparence en ce que la décision attaquée s’écarte des conditions imposées dans l’appel d’offres concernant la rentabilité des zones et ainsi des données chiffrées fournies à cet égard par le délégataire, en retenant un taux plus élevé de 11 %.

192    Par ailleurs, la convention de DSP elle-même envisagerait l’éventualité d’un TRI encore supérieur, lorsqu’elle prévoit un mécanisme de partage des bénéfices selon lequel le délégataire doit reverser un quart du résultat d’exploitation réalisé à partir d’un TRI de 11,64 % (article 28.5 et annexe 5 de la convention de DSP). La requérante ajoute que ce mécanisme ne permettra pas d’éviter une surcompensation additionnelle étant donné qu’il ne peut être enclenché que tardivement, à partir d’un TRI considéré comme très rentable dans le secteur, et que le taux de reversement prévu est insuffisant.

193    Enfin, les chiffres présentés dans la décision attaquée ne tiendraient pas compte de la possibilité de péréquation entre les zones rentables et celles prétendument non rentables, ni même du fait que le délégataire aura la possibilité d’accéder aux infrastructures de génie civil existantes de Numericable, du réseau « Irisé » (puisque déployées par LD Collectivités), voire de la requérante.

194    Il convient de rappeler la jurisprudence constante relative au troisième critère posé par l’arrêt Altmark, point 17 supra, selon laquelle la compensation ne saurait dépasser ce qui est nécessaire pour couvrir tout ou partie des coûts occasionnés par l’exécution des obligations de service public, en tenant compte des recettes qui y sont relatives ainsi que d’un bénéfice raisonnable pour l’exécution de ces obligations (voir arrêt de la Cour du 2 septembre 2010, Commission/Deutsche Post, C‑399/08 P, Rec. p. I‑7831, point 43, et la jurisprudence citée ; voir également point 107 ci-dessus).

195    En outre, selon une jurisprudence également constante relative à la troisième condition de l’arrêt Altmark, point 17 supra, au regard du pouvoir discrétionnaire dont dispose l’État membre quant à la définition d’une mission SIEG et aux conditions de sa mise en œuvre, y compris pour apprécier les surcoûts occasionnés par son exécution qui dépend de faits économiques complexes, la portée du contrôle que la Commission est habilitée à exercer à ce titre est limitée à celui de l’erreur manifeste. Il en découle que, contrairement à ce que fait valoir la requérante (voir point 188 ci-dessus), le contrôle devant être exercé par le Tribunal sur l’appréciation de la Commission à cet égard ne saurait non plus dépasser la même limite. En outre, ce contrôle implique que le juge de l’Union détermine si les éléments de preuve apportés par un requérant sont suffisants pour priver de plausibilité les appréciations des faits économiques complexes retenus dans une décision litigieuse. Sous réserve de cet examen de la plausibilité, il n’appartient pas au Tribunal de substituer son appréciation des faits économiques complexes pertinents à celle de l’auteur de la décision. Dans un tel contexte, le contrôle du Tribunal porte sur la vérification tant du respect par la Commission des règles de procédure et de motivation que de l’exactitude matérielle des faits retenus et de l’absence d’erreur de droit, d’erreur manifeste d’appréciation ou de détournement de pouvoir (voir arrêt BUPA e.a./Commission, point 116 supra, points 220 et 221, et la jurisprudence citée).

196    Dans la décision attaquée, la Commission a indiqué que, afin de compenser les surcoûts induits par l’obligation de service public mise à sa charge, le délégataire bénéficierait d’une subvention de 59 millions d’euros, dont 25 millions pour la première phase de réalisation du projet THD 92 et 34 millions pour la seconde phase (paragraphe 50 de la décision attaquée). Elle a considéré que cette subvention était conforme au troisième critère de l’arrêt Altmark, point 17 supra (paragraphe 163 de la décision attaquée). En particulier, elle a estimé qu’un certain nombre de clauses de sauvegarde figurant dans la convention de DSP visaient à assurer que le délégataire ne recevrait pas plus que ce qui était nécessaire pour couvrir les coûts occasionnés par le service public en cause ainsi qu’un bénéfice raisonnable. En effet, selon la Commission, le plan d’affaires du délégataire avait été contrôlé et vérifié de façon approfondie par les experts du département sur la base de critères et de paramètres très détaillés, ce qui avait permis de vérifier la vraisemblance des estimations du candidat. Ces vérifications avaient ainsi démontré que le montant d’aide convenu finalement avec le délégataire se situait en dessous du montant que celui-ci aurait pu réclamer (paragraphes 73 à 77 et 160 de la décision attaquée). En outre, la Commission a considéré que le délégataire ne bénéficiait pas d’un accès privilégié aux infrastructures déjà accordé par la requérante et les communes concernées à Numericable, mais d’une cession du droit irrévocable d’usage de Numericable sur ces infrastructures horizontales moyennant une rémunération (paragraphes 159 à 162 de la décision attaquée).

197    C’est à la lumière de ces rappels de la jurisprudence et de la décision attaquée qu’il convient d’examiner les arguments de la requérante.

198    En premier lieu, doit être rejeté l’argument selon lequel le montant de la subvention accordée pour la première phase du projet THD 92 serait excessif en raison de l’erreur de calcul figurant dans la convention de DSP (voir point 189 ci-dessus).

199    En effet, il découle des considérations exposées, dans le cadre de l’examen du premier moyen soulevé par la requérante (voir points 91 à 93 ci-dessus), que la Commission a mentionné, dans la décision attaquée, la seule somme de 25 millions d’euros, lors de ses références au montant de la subvention correspondant à la première phase du projet THD 92, qu’elle a effectué son appréciation en partant de cette prémisse et qu’elle a finalement autorisé le projet THD 92, en tant que la subvention correspondant à la première phase de sa mise en œuvre s’élevait à 25 millions d’euros.

200    Il ne saurait ainsi être reproché à la Commission d’avoir autorisé une subvention d’un montant de 30 millions d’euros pour la première phase du projet. Contrairement à ce que fait valoir la requérante, le fait que les autorités françaises aient, à la suite de l’autorisation donnée par la décision attaquée, conclu un avenant à la convention de DSP, de manière notamment à faire correspondre les composantes du montant de 25 millions d’euros à cette somme totale, confirme précisément que seul un montant de 25 millions d’euros avait été autorisé par la Commission dans la décision attaquée.

201    En deuxième lieu, doit également être rejeté l’argument de la requérante selon lequel le montant de la subvention accordée pour la première phase du projet THD 92 serait excessif dans la mesure où le déploiement prévu au cours de cette première phase ne porterait que sur des zones rentables du département.

202    Il suffit de rappeler la jurisprudence selon laquelle la compensation ne saurait dépasser ce qui est nécessaire pour couvrir tout ou partie des coûts occasionnés par l’exécution des obligations de service public, en tenant compte des recettes qui y sont relatives ainsi que d’un bénéfice raisonnable pour l’exécution de ces obligations (voir point 194 ci-dessus). Il en résulte, selon la jurisprudence relative à l’article 86, paragraphe 2, CE (arrêt de la Cour du 19 mai 1993, Corbeau, C‑320/91, Rec. p. I‑2533, point 17), transposable à l’appréciation de l’existence d’une aide au sens de l’article 87, paragraphe 1, CE (voir, en ce sens, arrêt BUPA e.a./Commission, point 116 supra, point 160), que, si la compensation ne doit couvrir que les coûts de déploiement d’une infrastructure dans les zones non rentables, les recettes générées par l’exploitation commerciale de l’infrastructure dans les zones rentables peuvent être affectées au financement du SIEG dans les zones non rentables.

203    Partant, la couverture de zones rentables ne signifie pas nécessairement que la subvention accordée est excessive, dès lors qu’elle est source de revenus pouvant servir à financer la couverture de zones non rentables et ainsi permettre de diminuer le montant de la subvention accordée.

204    En l’espèce, la requérante ne contestant pas que des zones non rentables seront couvertes au cours de la seconde phase du projet THD 92 (voir point 190 ci-dessus), elle ne saurait déduire de la prétendue couverture des seules zones rentables au cours de la première phase, à la supposer avérée, l’existence d’une surcompensation.

205    En troisième lieu, il y a lieu d’écarter l’ensemble des arguments de la requérante relatifs au TRI retenu par les autorités françaises et approuvé par la Commission.

206    À cet égard, il convient, au préalable, de préciser, ainsi que cela ressort des éléments du dossier, que le TRI peut être défini, en substance, comme étant l’un des concepts fondamentaux de la finance d’entreprise, qui vise à déterminer si un investissement donné est rentable pour un investisseur. Il est calculé en rapportant principalement la somme investie dans un projet aux revenus qui en sont retirés.

207    En l’espèce, la décision attaquée expose, aux paragraphes 72 à 77, la méthodologie appliquée aux fins de déterminer le montant de la subvention accordée au délégataire. En particulier, le paragraphe 72 de la décision attaquée précise, s’agissant du TRI, ce qui suit :

« En substance, le délégataire a considéré comme ʻnon rentablesʼ les zones dont le TRI est inférieur à 9 %, le TRI moyen du projet étant de 10,63 % […] À cet égard, deux autres catégories ont été distinguées : la première dont le TRI est compris entre 9 et 10,63 %, et la seconde dont le TRI est supérieur ou égal à 10,63 %. Il [en] résultait que le TRI global hors subvention était de 6,57 %, soit 0,57 point au-dessus du taux d’emprunt prévu au plan d’affaires du délégataire. Au total, les performances des zones dont la rentabilité est supérieure au TRI [du p]rojet (10,63 %) ne sauraient, à elles seules, compenser le manque de recettes des autres zones. Ainsi, le délégataire a sollicité un besoin de financement de 70,5 millions d’euros pour obtenir un TRI de 9 % pour l’ensemble des zones non rentables. Toutefois, lors des négociations, la contribution à dégager par les recettes des zones rentables au-delà du TRI du projet de 10,63 % a été chiffrée à [11,5 millions d’euros]. Par conséquent, le besoin de financement résiduel a été ajusté et la participation publique a été fixée à hauteur de [59 millions d’euros] (soit 70,5 moins 11,5). »

208    Il découle de ce paragraphe de la décision attaquée, d’une part, que les autorités françaises, de même que la Commission, ont clairement distingué deux taux devant être pris en compte, à savoir, d’une part, un TRI de 9 % et, d’autre part, un TRI de 10,63 %. À cet égard, les parties se rejoignent pour considérer, d’une part, que le TRI de 10,63 % correspond au taux moyen de rentabilité recherché par le délégataire pour la totalité du projet THD 92 et susceptible d’être atteint grâce à la subvention et, d’autre part, que le TRI de 9 % correspond au seuil au-delà duquel le délégataire dégage un bénéfice.

209    D’autre part, il y a lieu de constater que, ainsi que cela ressort également du paragraphe 72 de la décision attaquée, le délégataire a établi trois catégories de zones en fonction du TRI, selon qu’il est inférieur à 9 %, se situe entre 9 et 10,63 % ou est supérieur à 10,63 %. La première zone correspond ainsi à une zone non rentable, pour laquelle le délégataire a sollicité un financement de 70,5 millions d’euros. Ce montant a toutefois été réduit à 59 millions d’euros, eu égard à l’excédent de rentabilité de la troisième zone, dont le TRI est supérieur à 10,63 %.

210    Dans ces conditions, tout d’abord, contrairement à ce qu’a fait valoir la requérante dans ses écritures, il y a lieu de considérer, d’une part, que seul le taux de 9 % a été retenu comme indicateur de la rentabilité des zones du département et, d’autre part, que les zones dont le TRI se situe entre 9 et 10,63 % ne font pas l’objet d’une compensation. En effet, s’il ressort du paragraphe 72 de la décision attaquée que seules sont prises en compte, aux fins de compenser les pertes subies par le délégataire dans les zones non rentables dont le TRI est inférieur à 9 %, les recettes dégagées par les zones dont le TRI est supérieur à 10,63 %, il ne saurait pour autant en être déduit que les zones dont le TRI est compris entre 9 et 10,63 % doivent faire l’objet d’un financement, ainsi que l’a d’ailleurs précisé la Commission, soutenue par la République française, le département des Hauts‑de‑Seine et Sequalum, en réponse à une question écrite du Tribunal, sans que cela soit spécifiquement contesté par la requérante à l’audience.

211    Ensuite, il y a lieu d’observer que la requérante a précisé, lors de l’audience, que la fixation même du TRI cible moyen pour la réalisation du projet THD 92 à 10,63 % constituait une surcompensation. En effet, selon la requérante, un TRI de 9 % aurait été suffisant, dès lors qu’il aurait permis au délégataire de dégager un bénéfice. Or, avec un TRI de 9 %, le montant de la subvention aurait pu être réduit d’environ 40 %, ainsi que cela ressortirait de l’analyse économique de l’offre du groupement Numericable réalisée pour le compte du département par un cabinet de conseil, présentée par la requérante en annexe de sa réponse aux questions écrites du Tribunal (ci-après « l’analyse économique de l’offre du groupement Numericable »).

212    Cette argumentation ne saurait être retenue.

213    En effet, le TRI cible de 10,63 % se situe à peu de choses près dans la fourchette comprise entre 8,1 et 10,6 % retenue dans le secteur. Il est, en outre, sensiblement inférieur au taux retenu par le Sipperec (20,3 %), qui est l’établissement public chargé notamment des réseaux de communications dans la région parisienne. Il est également inférieur au taux de 12,83 % retenu par l’ARCEP pour les déploiements de boucle locale optique (paragraphe 51 et notes en bas de page nos 13 et 25 de la décision attaquée). Par ailleurs, ce taux se situe dans la fourchette des taux, allant de 9 à 11 %, caractéristiques du secteur, selon l’analyse économique de l’offre du groupement Numericable.

214    Dans ces conditions, et compte tenu, d’une part, de la jurisprudence, rappelée au point 194 ci-dessus, selon laquelle la compensation ne saurait dépasser ce qui est nécessaire pour couvrir tout ou partie des coûts occasionnés par l’exécution des obligations de service public, en tenant compte des recettes qui y sont relatives ainsi que d’un bénéfice raisonnable pour l’exécution de ces obligations, et, d’autre part, du contrôle limité à l’erreur manifeste d’appréciation (voir point 195 ci-dessus), il y a lieu de considérer que c’est sans commettre d’erreur manifeste d’appréciation que la Commission a pu, dans la décision attaquée, considérer que la fixation d’un TRI cible de 10,63 % ne dépassait pas ce qui était nécessaire pour couvrir les coûts occasionnés par l’exécution des obligations de service public.

215    Enfin, il résulte clairement de l’extrait du paragraphe 72 de la décision attaquée reproduit au point 207 ci-dessus que, contrairement à ce que fait valoir la requérante, la péréquation entre les zones rentables et non rentables a été prise en compte dans la décision attaquée, dès lors que les recettes des zones rentables estimées à 11,5 millions d’euros sont venues en déduction de la subvention initialement proposée par le délégataire (voir point 209 ci-dessus).

216    De même, contrairement à ce que prétend la requérante, la Commission a pris en compte, dans le cadre de son évaluation du montant de la subvention accordée, les économies résultant de l’utilisation par le délégataire de certaines infrastructures de la requérante dont l’usage avait été octroyé à Numericable. En effet, au paragraphe 76 de la décision attaquée, la Commission a constaté, reprenant en cela les informations communiquées par les autorités françaises que, « [s]i les coûts de premier investissement sont nettement inférieurs à ceux constatés sur le marché, ce[la] est dû aux économies retirées de l’utilisation des fourreaux de Numericable qui sont répercutées sur le coût d’investissement, ce qui écarte tout risque de surcompensation » (paragraphe 76 de la décision attaquée). Elle a ensuite indiqué que les autorités françaises avaient souligné que « le montant global que le délégataire devra[it] verser à Numericable pour l’usage des infrastructures de cette dernière pour une période de 25 ans (3 millions d’euros) a[vait] clairement été pris en considération dans la détermination du montant de la subvention » (paragraphe 93 de la décision attaquée), puis rappelé, dans le cadre de son analyse du respect de la troisième condition posée par l’arrêt Altmark, point 17 supra, la rémunération de 3 millions d’euros versée par le délégataire en contrepartie de la cession du droit irrévocable d’usage de Numericable sur les infrastructures en cause (paragraphe 162 de la décision attaquée).

217    En quatrième lieu, s’agissant des arguments de la requérante relatifs au mécanisme de partage des bénéfices (voir point 192 ci-dessus), il convient de constater qu’il ne saurait être déduit de l’article 28.5 de la convention de DSP contenant la clause dite « de retour à meilleure fortune », également validée par la Commission, que cette dernière aurait admis l’existence, d’une part, d’un TRI largement supérieur au TRI du projet de 10,63 % et, d’autre part, d’une surcompensation potentielle compte tenu de l’inefficacité du mécanisme prévu par cette disposition.

218    À cet égard, il y a lieu de rappeler, d’une part, que l’article 28.5 de la convention de DSP intitulé « Conditions de remboursement de la subvention » est libellé comme suit :

« En cas de constatation d’un [r]ésultat d’[e]xploitation cumulé supérieur de plus de quinze pour cent (15 %) à celui figurant au [p]lan d’[a]ffaires figurant en annexe 5 de la présente convention, le [d]élégataire sera tenu de reverser au [d]épartement vingt-cinq pour cent (25 %) de la somme excédentaire dudit [r]ésultat d’[e]xploitation, dans la limite de la subvention, dont le montant aura été actualisé au taux de refinancement de la [Banque centrale européenne] (valeur de référence janvier 2008).

Pour autant que les conditions [sont] remplies, cette clause sera mise en œuvre la neuvième (9e), quatorzième (14e), dix-neuvième (19e) et la vingt-cinquième (25e) année suivant l’entrée en vigueur de la [c]onvention [de DSP].

[...] »

219    D’autre part, les paragraphes 51 à 53 de la décision attaquée décrivent le mécanisme de l’article 28.5 de la convention de DSP comme suit :

« 51. Clause de retour à meilleure fortune : Au cas où le résultat d’exploitation cumulé est supérieur de plus de 15 % à celui figurant au plan d’affaires (annexe 5 de la convention), le délégataire sera tenu de reverser au [d]épartement 25 % de la somme excédentaire dudit résultat d’exploitation, dans la limite de la subvention, dont le montant aura été actualisé au taux de refinancement de la [Banque centrale européenne]. Cette clause sera mise en œuvre la neuvième, quatorzième, dix-neuvième et la vingt-cinquième année suivant l’entrée en vigueur de la [c]onvention (article 28.5). Selon les autorités françaises, ce reversement de 25 % des excédents commerciaux s’explique par le faible niveau du TRI […] du projet, fixé à 10,63 %, comparé aux taux habituellement rencontrés dans le secteur des communications électroniques (les TRI constatés dans ce secteur étant de l’ordre de 15 à 20 %). En effet, un résultat d’exploitation cumulé de 15 % supérieur au plan d’affaires ne porterait ce TRI qu’à environ 11,64 %, l’ARCEP retenant un TRI bien plus élevé de 12,83 % comme référence pour les déploiements de boucle locale optique.

52. D’après les autorités françaises, le seuil de 15 % n’est par ailleurs qu’un seuil de déclenchement des reversements, l’assiette de ces derniers étant bien la totalité de l’excédent cumulé par rapport au plan d’affaires. Le mécanisme de quatre ‘rendez-vous’ donnant lieu chacun à un reversement dans la limite de 25 % de l’excédent total aurait en outre été justifié par les incertitudes sur les évolutions de la délégation sur une durée de 25 ans. Exiger un reversement de 100 % de l’excédent dès sa constatation pourrait mettre en danger la pérennité de l’exploitation et supprimerait toute incitation à la performance pour le délégataire. À cet égard, les autorités françaises soulignent que, à chaque rendez-vous, le taux de reversement est appliqué à la surperformance cumulée, c’est-à-dire en y intégrant l’excédent des périodes antérieures ayant déjà donné lieu à reversements.

53. Il en résulterait que le résultat mécanique des quatre rendez-vous prévus par la [c]onvention serait le remboursement intégral de la participation publique dès lors que le délégataire parvient à porter son TRI à 12,59 %. »

220    Il découle de l’article 28.5 de la convention de DSP que cette disposition établit un mécanisme destiné à éviter la surcompensation en imposant au délégataire, dès lors que son résultat d’exploitation cumulé est supérieur de plus de 15 % à celui figurant au plan d’affaires, de reverser au département 25 % de cette somme excédentaire. Il en ressort également que ce mécanisme, qui doit être déclenché à quatre reprises à intervalle de cinq ans et, pour la première fois, au terme des neuf premières années de mise en œuvre du projet THD 92, impose un tel reversement au-delà d’un TRI d’environ 11,64 %.

221    Or, il y a lieu de considérer tout d’abord que, en ne remettant pas en cause le mécanisme prévu par cette disposition, la Commission n’a pas autorisé la possibilité d’un TRI de 11,64 %, qui correspondrait selon la décision attaquée, sans que cela soit contesté par la requérante, à un résultat d’exploitation cumulé supérieur de 15 % au plan d’affaires. En effet, la Commission a simplement pris en compte l’hypothèse d’une rentabilité supérieure à celle prévue initialement, en permettant que, dans ce cas, la subvention soit partiellement remboursée. En outre, comme le souligne la Commission dans le mémoire en défense, sans que la requérante le conteste, la clause de retour à meilleure fortune est habituelle dans les conventions de DSP.

222    Il doit être considéré ensuite que la requérante n’a pas établi l’erreur manifeste d’appréciation qu’aurait commise la Commission en n’ayant pas déduit de cette clause l’existence d’un risque de surcompensation.

223    En effet, d’une part, la requérante se contente de faire valoir que le TRI permettant le déclenchement du mécanisme en cause serait un TRI très rentable dans le secteur. Or, quand bien même un TRI de 11,64 % serait un TRI relativement élevé et, ainsi que cela ressort de l’analyse économique de l’offre du groupement Numericable, un TRI considéré comme étant « très rentable », il n’en demeure pas moins que, ainsi que cela ressort du point 213 ci-dessus, ce taux de 11,64 % est sensiblement inférieur à de nombreux taux admis dans le secteur concerné.

224    D’autre part, la requérante fait valoir que le taux de remboursement, fixé à 25 % de la somme dépassant le résultat d’exploitation, est insuffisant pour éviter une surcompensation en cas de bénéfices importants. Or, comme le précise la Commission au paragraphe 52 de la décision attaquée et dans ses écritures, sans que cela soit contesté par la requérante, ce taux de 25 % doit être appliqué quatre fois, au cours de la durée de la DSP, aux excédents cumulés, c’est-à-dire à la somme de l’excédent de la période en cause et de celui ou de ceux de la ou des périodes antérieures ayant déjà donné lieu à reversement. Dès lors, la somme des quatre remboursements potentiels en application de la clause dépasse le quart des excédents cumulés. Ainsi, à supposer que les conditions du reversement soient remplies lors de chaque application de la clause, le premier excédent sera remboursé en intégralité, le deuxième à 75 %, le troisième à 50 % et le dernier à 25 %. Par conséquent, le taux de remboursement est, en fait, bien supérieur à 25 %.

225    Il résulte de tout ce qui précède que la quatrième branche du second moyen ainsi que, dès lors, le second moyen dans son intégralité doivent être rejetés.

226    Compte tenu de l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de rejeter le recours dans son intégralité.

 Sur les dépens

227    Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la Commission.

228    Aux termes de l’article 87, paragraphe 4, premier alinéa, du règlement de procédure, les États membres qui sont intervenus au litige supportent leurs dépens. Aux termes de l’article 87, paragraphe 4, troisième alinéa, du règlement de procédure, le Tribunal peut ordonner qu’une partie intervenante autre que celles mentionnées au premier alinéa supportera ses propres dépens. Le département des Hauts-de-Seine, Sequalum et la République française, intervenus au soutien de la Commission, supporteront donc leurs propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (huitième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Orange supportera, outre ses propres dépens, ceux exposés par la Commission européenne.

3)      Le département des Hauts-de-Seine, Sequalum SAS et la République française supporteront leurs propres dépens.

Truchot

Martins Ribeiro

Popescu

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 16 septembre 2013.

Signatures

Table des matières


Antécédents du litige

Procédure et conclusions des parties

En droit

Sur le premier moyen, tiré de la violation des droits procéduraux de la requérante prévus par l’article 88, paragraphe 2, CE

Indices relatifs à la procédure préliminaire d’examen

– Sur le premier indice, tenant à la durée de la procédure préliminaire d’examen

– Sur le deuxième indice, tenant aux nombreuses objections argumentées des opérateurs concurrents

– Sur le troisième indice, tenant aux échanges entre la Commission et les autorités françaises

Indices relatifs au contenu de la décision attaquée

Sur le second moyen, tiré de la violation de l’article 87, paragraphe 1, CE

Sur la première branche, tirée de l’absence d’objectif d’intérêt général

Sur la deuxième branche, tirée de l’absence de défaillance du marché

Sur la troisième branche, tirée de l’absence de prévisibilité des critères de sélection et des paramètres de la compensation

Sur la quatrième branche, tirée de l’existence d’une surcompensation

Sur les dépens


* Langue de procédure : le français.