Language of document : ECLI:EU:T:2014:9

ARRÊT DU TRIBUNAL (huitième chambre)

16 janvier 2014(*)

« Marque communautaire – Procédure de déchéance – Marque communautaire figurative ALPHATRAD – Usage sérieux de la marque – Importance de l’usage – Article 15, paragraphe 1, deuxième alinéa, sous a), et article 51, paragraphe 1, sous a), du règlement (CE) n° 207/2009 »

Dans l’affaire T‑538/12,

Optilingua Holding SA, établie à Épalinges (Suisse), représentée par Me S. Rizzo, avocat,

partie requérante,

contre

Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), représenté par Mme S. Pétrequin et M. A. Folliard-Monguiral, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’OHMI, intervenant devant le Tribunal, étant

Michele Esposito, demeurant à Cava de’ Tirreni (Italie), représenté par Me R. Stella, avocat,

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la première chambre de recours de l’OHMI du 8 octobre 2012 (affaire R 444/2011‑1), relative à une procédure de déchéance entre M. Michele Esposito et Optilingua Holding SA,

LE TRIBUNAL (huitième chambre),

composé de M. D. Gratsias, président, Mme M. Kancheva (rapporteur) et M. C. Wetter, juges,

greffier : M. E. Coulon,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 13 décembre 2012,

vu le mémoire en réponse de l’OHMI déposé au greffe du Tribunal le 27 février 2013,

vu le mémoire en réponse de l’intervenant déposé au greffe du Tribunal le 6 avril 2013,

vu l’absence de demande de fixation d’une audience présentée par les parties dans le délai d’un mois à compter de la signification de la clôture de la procédure écrite et ayant dès lors décidé, sur rapport du juge rapporteur et en application de l’article 135 bis du règlement de procédure du Tribunal, de statuer sans phase orale de la procédure,

rend le présent

Arrêt

1        Le 25 juillet 1997, la société Alphatrad, devenue Alphatrad France SAS, puis Alphatrad International, a présenté une demande d’enregistrement de marque communautaire à l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), en vertu du règlement (CE) n° 40/94 du Conseil, du 20 décembre 1993, sur la marque communautaire (JO 1994, L 11, p. 1), tel que modifié [remplacé par le règlement (CE) n° 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque communautaire (JO L 78, p. 1)].

2        La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe figuratif suivant :

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3        Les services pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent des classes 35, 38, 41 et 42 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent, pour chacune de ces classes, à la description suivante :

–        classe 35 : « Publicité, gestion des affaires commerciales ; administration commerciale, travaux de bureau ; expertises en affaires ; renseignements d'affaires ; diffusion d’annonces publicitaires ; transcription de communications ; services de dactylographie, de sténographie et de secrétariat ; reproduction de documents ; gestion de fichiers informatiques ; publication de textes publicitaires ; traitement de texte » ;

–        classe 38 : « Communications téléphoniques ; messagerie électronique ; transmission de messages et de télécopie ; transmission de messages et d’images assistée par ordinateur » ;

–        classe 41 : « Publication de textes autres que textes publicitaires ; publication de textes assistée par ordinateur, organisation et conduite de conférences » ;

–        classe 42 : « Location de temps d’accès à un centre serveur de bases de données ; services d’échange de correspondance ; location d’ordinateurs ; programmation pour ordinateurs ; photographie ; services de traductions pour les affaires ; interprétation par téléphone ; services de dessinateurs d’arts graphiques ; dessin industriel ; imprimerie ; élaboration et mise à jour de logiciel ».

4        Le 27 janvier 1999, la marque demandée a été enregistrée sous le numéro 617316.

5        Le 31 juillet 2007, la marque enregistrée a été renouvelée.

6        Le 7 janvier 2009, l’intervenant, M. Michele Esposito, a présenté une demande en déchéance de la marque ayant été renouvelée (ci-après la « marque contestée ») sur le fondement de l’article 50, paragraphe 1, sous a), du règlement n° 40/94 [devenu article 51, paragraphe 1, sous a), du règlement n° 207/2009], au motif qu’elle n’avait pas fait l’objet d’un usage sérieux pour les services pour lesquels elle avait été enregistrée. Il a en outre demandé, conformément à l’article 54, paragraphe 1, du règlement n° 40/94 [devenu article 55, paragraphe 1, du règlement n° 207/2009], que la déchéance soit prononcée avec effet à partir du 3 octobre 2003, date à laquelle il avait créé son entreprise individuelle Alphatrad en Italie.

7        Par ordonnance du 14 janvier 2009, le Tribunal des marques de Naples (Italie), statuant en référé, a, sur la base de la marque contestée, interdit à l’intervenant l’usage de la dénomination « alphatrad » en relation avec des services de traduction et a ordonné le transfert de son nom de domaine, en l’occurrence www.alphatrad.it, au profit de la requérante. Dans cette ordonnance, ledit Tribunal ne s’est pas prononcé sur l’argument de l’intervenant relatif à la déchéance de la marque contestée.

8        Le 20 octobre 2009, la marque contestée a ensuite été cédée à M. Frédéric Ibanez.

9        Par décision du 30 juin 2010, notifiée le 21 décembre 2010 à la requérante, la division d’annulation de l’OHMI a accueilli la demande de déchéance dans son intégralité et a déclaré la déchéance de la marque contestée avec effet à partir du 3 octobre 2003.

10      Le 18 février 2011, M. Frédéric Ibanez, alors titulaire de la marque contestée, a introduit un recours auprès de l’OHMI, au titre des articles 58 à 64 du règlement n° 207/2009, contre la décision de la division d’annulation.

11      Le 12 juillet 2011, la marque contestée a été cédée à Traducta Switzerland.

12      Le 14 mars 2012, la marque contestée a été cédée à la requérante, Optilingua Holding SA.

13      Par décision du 8 octobre 2012 (ci-après la « décision attaquée »), la première chambre de recours de l’OHMI a rejeté le recours et confirmé la décision de la division d’annulation dans son intégralité. Elle a d’abord relevé que, parmi les documents produits par le titulaire de la marque contestée, seules étaient pertinentes, aux fins de prouver l’importance de l’usage sérieux de ladite marque, neuf lettres ayant pour objet des règlements impayés, datées entre octobre 2004 et mars 2007 – c’est-à-dire pendant la période servant de référence pour la détermination de l’usage sérieux et allant du 7 janvier 2004 au 6 janvier 2009 – et adressées à des clients en France et au Portugal, accompagnées de leurs avis de réception respectifs. Elle a ensuite estimé que ces lettres n’étaient pas suffisantes aux fins de prouver l’importance d’un usage sérieux de la marque contestée en relation avec des services de traduction, dans la mesure où il ne s’agissait pas de documents comptables et qu’elles ne comportaient d’ailleurs pas de montants, hormis en ce qui concernait une seule desdites lettres où figurait le montant résiduel de 338,02 euros, et, après avoir écarté l’argument de la requérante justifiant le faible volume de ventes par le caractère très concurrentiel du marché de la traduction, a conclu que l’usage sérieux de la marque contestée n’avait pas été prouvé. Elle a enfin considéré que, l’intervenant ayant démontré son intérêt à ce que la déclaration de déchéance soit antérieure à sa demande afin de pouvoir obtenir l’annulation de l’ordonnance du Tribunal des marques de Naples rendue à son encontre, la déchéance de la marque contestée devait être déclarée à compter du 3 octobre 2003.

 Conclusions des parties

14      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée dans son intégralité ;

–        condamner l’OHMI et l’intervenant aux dépens.

15      L’OHMI conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

16      L’intervenant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        déclarer irrecevables les nouveaux éléments de preuve produits pour la première fois devant le Tribunal par la requérante ;

–        rejeter le recours dans son entièreté ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

 Sur la recevabilité des éléments de preuve produits pour la première fois devant le Tribunal

17      La requérante produit, pour la première fois devant le Tribunal, neuf nouvelles lettres ayant pour objet des règlements impayés et comportant la marque contestée dans la forme sous laquelle celle-ci a été enregistrée (annexe A.1 de la requête), ainsi que 218 factures non séquentielles comportant l’élément verbal « alphatrad », mais sans les éléments figuratifs composant la marque contestée (annexes A.2 à A.8 de la requête). Elle allègue que ces nouveaux éléments de preuve, retrouvés à la suite de « nouvelles recherches dans [ses] archives », constituent des « documents additionnels » qui doivent être déclarés recevables. Elle fait valoir à cet égard que ces nouvelles pièces ont été produites en réponse aux conclusions de la chambre de recours quant à l’insuffisance de la preuve d’usage et qu’elles sont donc simplement explicatives, dès lors qu’elles élucident et clarifient l’interprétation de la preuve soumise devant l’OHMI.

18      L’OHMI et l’intervenant contestent la recevabilité de ces nouveaux éléments de preuve.

19      Or, il est de jurisprudence constante qu’un recours porté devant le Tribunal vise au contrôle de la légalité des décisions des chambres de recours de l’OHMI au sens de l’article 65 du règlement n° 207/2009. Il découle de cette disposition que des faits non invoqués par les parties devant les instances de l’OHMI ne peuvent plus l’être au stade du recours introduit devant le Tribunal et que le Tribunal ne saurait réexaminer les circonstances de fait à la lumière des preuves présentées pour la première fois devant lui. En effet, la légalité d’une décision d’une chambre de recours de l’OHMI doit être appréciée en fonction des éléments d’information dont elle pouvait disposer au moment où elle l’a arrêtée [arrêts de la Cour du 18 juillet 2006, Rossi/OHMI, C‑214/05 P, Rec. p. I‑7057, points 50 à 52, et du 18 décembre 2008, Les Éditions Albert René/OHMI, C‑16/06 P, Rec. p. I‑10053, points 136 à 138 ; arrêt du Tribunal du 25 octobre 2013, Biotronik SE/OHMI – Cardios Sistemas (CARDIO MANAGER), T‑416/11, non publié au Recueil, point 19].

20      Dès lors qu’il n’appartenait pas à la chambre de recours de se livrer à un examen d’office de l’usage sérieux de la marque contestée, les éléments produits pour la première fois devant le Tribunal à titre de preuves de l’usage de la marque contestée (annexes A.1 à A.8 de la requête) et dont, en tout état de cause, la requérante ne soutient pas qu’ils viseraient à étayer l’exactitude d’un fait notoire, doivent être écartés comme irrecevables, sans qu’il soit nécessaire d’examiner leur force probante.

 Sur le fond

21      À l’appui de son recours, la requérante soulève un moyen unique tiré de la violation de l’article 15, paragraphe 1, deuxième alinéa, sous a), du règlement n° 207/2009, en combinaison avec l’article 51, paragraphe 1, sous a), du même règlement. Elle conteste la conclusion de la chambre de recours selon laquelle l’usage sérieux de la marque contestée en relation avec des services de traduction n’a pas été prouvé.

22      L’OHMI et l’intervenant contestent les arguments de la requérante.

23      À titre liminaire, il convient d’observer que les pièces produites devant l’OHMI par la requérante concernent uniquement l’appréciation de l’absence de preuve de l’usage sérieux de la marque contestée quant aux services de traduction, de sorte qu’il y a lieu de considérer que la portée du recours est limitée auxdits services, à savoir les « services de traductions pour les affaires », tels que mentionnés lors de la procédure d’enregistrement et relevant de la classe 42. Partant, le présent arrêt portera sur la légalité de la décision attaquée uniquement en ce qui concerne les « services de traductions pour les affaires », tels que mentionnés lors de la procédure d’enregistrement et relevant de la classe 42. En revanche, il n’y a pas lieu de statuer en ce qui concerne les autres services mentionnés au point 3 ci-dessus, non visés par le présent recours.

24      Aux termes de l’article 51, paragraphe 1, sous a), du règlement n° 207/2009 :

« Le titulaire de la marque communautaire est déclaré déchu de ses droits, sur demande présentée auprès de l’OHMI ou sur demande reconventionnelle dans une action en contrefaçon :

a) si, pendant une période ininterrompue de cinq ans, la marque n’a pas fait l’objet d’un usage sérieux dans [l’Union] pour les produits ou les services pour lesquels elle est enregistrée et qu’il n’existe pas de justes motifs pour le non-usage […] »

25      En vertu de l’article 15, paragraphe 1, deuxième alinéa, sous a), du règlement n° 207/2009, aux fins de prouver l’usage sérieux d’une marque communautaire, est également considéré comme usage de cette marque son usage sous une forme qui diffère par des éléments n’altérant pas le caractère distinctif de ladite marque dans la forme sous laquelle celle-ci a été enregistrée.

26      Conformément à la règle 22, paragraphe 3, du règlement (CE) n° 2868/95 de la Commission, du 13 décembre 1995, portant modalités d’application du règlement n° 40/94 (JO L 303, p. 1), qui s’applique mutatis mutandis aux procédures de déchéance conformément à la règle 40, paragraphe 5, du même règlement, la preuve de l’usage d’une marque doit porter, à titre d’exigences cumulatives, sur le lieu, la durée, l’importance et la nature de l’usage qui a été fait de la marque [voir, en ce sens, arrêts du Tribunal du 8 juillet 2004, Sunrider/OHMI – Espadafor Caba (VITAFRUIT), T‑203/02, Rec. p. II‑2811, point 37 ; du 27 septembre 2007, La Mer Technology/OHMI – Laboratoires Goëmar (LA MER), T‑418/03, non publié au Recueil, point 52, et du 21 novembre 2013, Recaro/OHMI – Certino Mode (RECARO), T‑524/12, non publié au Recueil, point 18].

27      Selon une jurisprudence constante, une marque fait l’objet d’un usage sérieux lorsqu’elle est utilisée, conformément à sa fonction essentielle qui est de garantir l’identité d’origine des produits ou des services pour lesquels elle a été enregistrée, aux fins de créer ou de conserver un débouché pour ces produits et services, à l’exclusion d’usages de caractère symbolique ayant pour seul objet le maintien des droits conférés par la marque (arrêt de la Cour du 19 décembre 2012, Leno Merken, C‑149/11, non encore publié au Recueil, point 29, et arrêt RECARO, point 26 supra, point 19 ; voir, par analogie, arrêt de la Cour du 11 mars 2003, Ansul, C‑40/01, Rec. p. I‑2439, point 43).

28      L’appréciation du caractère sérieux de l’usage de la marque doit reposer sur l’ensemble des faits et des circonstances propres à établir la réalité de l’exploitation commerciale de celle-ci, en particulier les usages considérés comme justifiés dans le secteur économique concerné pour maintenir ou créer des parts de marché au profit des produits ou des services protégés par la marque, la nature de ces produits ou de ces services, les caractéristiques du marché, l’étendue et la fréquence de l’usage de la marque. Quant à l’importance de l’usage qui a été fait de la marque antérieure, il convient de tenir compte, notamment, du volume commercial de l’ensemble des actes d’usage, d’une part, et de la durée de la période pendant laquelle des actes d’usage ont été accomplis ainsi que de la fréquence de ces actes, d’autre part [arrêt VITAFRUIT, point 26 supra, points 40 et 41, et arrêt du Tribunal du 8 juillet 2004, MFE Marienfelde/OHMI – Vétoquinol (HIPOVITON), T‑334/01, Rec. p. II‑2787, points 35 et 36 ; voir, par analogie, arrêt Ansul, point 27 supra, point 43].

29      Pour examiner, dans un cas d’espèce, le caractère sérieux de l’usage d’une marque antérieure, il convient de procéder à une appréciation globale en tenant compte de tous les facteurs pertinents dudit cas. Cette appréciation implique une certaine interdépendance des facteurs pris en compte. Ainsi, un faible volume de produits commercialisés sous cette marque peut être compensé par une forte intensité ou une grande constance dans le temps de son usage et inversement (arrêt VITAFRUIT, point 26 supra, point 42 ; arrêt HIPOVITON, point 28 supra, point 36, et arrêt RECARO, point 26 supra, point 20).

30      C’est à la lumière de ces principes qu’il convient d’examiner les arguments avancés par la requérante au soutien de son moyen unique.

31      En premier lieu, la requérante, tout en reconnaissant que les documents fournis devant l’OHMI ne sont pas nombreux et que le volume des ventes n’est pas significatif, soutient en substance que, comme elle l’avait expressément déclaré devant la division d’annulation, ces documents fournis étaient une sélection, à titre d’exemple, de lettres démontrant un usage sérieux de la marque contestée avec une certaine stabilité dans le temps, car se rapportant à une période de deux années et demie. Au soutien de cet argument, elle fait valoir qu’il n’est « pas croyable » qu’elle ait conservé pendant trois années du papier à en-tête avec la marque contestée uniquement pour envoyer deux ou trois lettres par an. Il serait également « invraisemblable » qu’elle ait utilisé ledit papier à en-tête seulement pour des lettres de mise en demeure ou que les arriérés de paiement représentent 100 % de ses ventes sous la marque contestée. Elle en infère que l’on peut « raisonnablement présumer » que les lettres « manquantes » étaient rédigées sur le même papier à en-tête.

32      Or, selon une jurisprudence constante, l’usage sérieux d’une marque ne peut pas être démontré par des probabilités ou des présomptions, mais doit reposer sur des éléments concrets et objectifs qui prouvent une utilisation effective et suffisante de la marque sur le marché concerné [arrêts du Tribunal du 12 décembre 2002, Kabushiki Kaisha Fernandes/OHMI – Harrison (HIWATT), T–39/01, Rec. p. II‑5233, point 47, du 6 octobre 2004, Vitakraft-Werke Wührmann/OHMI – Krafft (VITAKRAFT), T‑356/02, Rec. p. II‑3445, point 28, et du 19 avril 2013, Luna/OHMI – Asteris (Al bustan), T‑454/11, non publié au Recueil, point 29].

33      Dès lors, l’argument de la requérante selon lequel, en substance, la chambre de recours aurait dû présumer l’existence d’autres lettres étayant l’usage sérieux de la marque contestée par la reprise du même papier à en-tête portant cette marque, sans même préciser le nombre de telles lettres, doit être rejeté.

34      En second lieu, la requérante allègue, en substance, que sont avérés en l’espèce les quatre éléments de preuve cumulativement requis pour la preuve de l’usage par la règle 22, paragraphe 3, du règlement n° 2868/95 (voir point 26 ci-dessus).

35      Quant à la période de l’usage, la requérante fait valoir que l’usage pendant la période de référence, dont elle admet que celle-ci s’étend du 7 janvier 2004 au 6 janvier 2009, peut être discontinue et que les neuf lettres retenues par la chambre de recours sont suffisantes à cet égard. Quant au lieu de l’usage, elle soutient qu’est suffisant l’usage dans une partie de l’Union, en l’espèce la France, l’Italie, le Portugal et d’autres pays de l’Union. Quant à la nature de l’usage, elle fait état des neuf lettres retenues par la chambre de recours, ainsi que des neuf autres lettres produites pour la première fois devant le Tribunal, en haut desquelles figure la marque contestée dans une forme figurative qui correspond à celle sous laquelle celle-ci a été enregistrée. Elle invoque également les 218 factures produites pour la première fois devant le Tribunal, dans lesquelles figurerait la marque contestée sous une forme qui ne différerait de celle-ci que par des éléments n’en altérant pas le caractère distinctif, à savoir celle de l’élément verbal « alphatrad ».

36      Quant à l’importance de l’usage, la requérante relève que, selon la jurisprudence, un usage de la marque peut, dans certains cas, présenter un caractère sérieux même si cet usage n’est pas quantitativement important (ordonnance de la Cour du 27 janvier 2004, La Mer Technology, C‑259/02, Rec. p. I‑1159, point 21). Elle estime que, en l’espèce, l’examen conjoint des preuves révèle l’importance de l’usage de la marque contestée, au-delà d’un caractère symbolique. Elle se fonde à cet égard sur 18 lettres fournies « à titre illustratif », qui démontreraient l’usage de la marque contestée dans la forme sous laquelle celle-ci a été enregistrée, ainsi que sur 218 factures, qui confirmeraient le lieu, la durée et la portée de l’usage de la marque contestée pour les services de traduction et les services connexes.

37      Or, selon la jurisprudence, s’il n’est pas nécessaire que l’usage de la marque soit toujours quantitativement important pour être qualifié de sérieux (voir, par analogie, arrêt Ansul, point 27 supra, point 39), il n’en demeure pas moins que la notion d’usage sérieux exclut des usages de caractère symbolique ayant pour seul objet le maintien des droits conférés par la marque (voir, par analogie, arrêt Ansul, point 27 supra, point 43).

38      En l’espèce, il convient tout d’abord de rappeler que les neuf lettres et 218 factures produites pour la première fois devant le Tribunal (voir point 17 ci-dessus) par la requérante ont été écartées comme irrecevables (voir point 20 ci-dessus). Partant, il y a lieu, aux fins d’apprécier l’usage sérieux de la marque contestée, de prendre en compte uniquement les neuf lettres de mise en demeure produites devant la division d’annulation et retenues par la chambre de recours (voir point 13 ci-dessus).

39      Ensuite, s’il convient certes d’observer que ces neuf lettres de mise en demeure contiennent la marque figurative contestée, quoique sous une forme noire et blanche difficilement lisible, force est toutefois de constater que ces neuf lettres, dont les dates auxquelles elles ont été établies s’étalent sur plusieurs années, ne font état que d’un usage symbolique et sporadique qui ne saurait être tenu pour un usage sérieux, même quantitativement peu important et discontinu, de la marque contestée.

40      En outre, il y a lieu de souligner que, parmi ces neuf lettres de mise en demeure, une seule, rédigée en portugais, mentionne un montant réclamé de 338,02 euros qui ne saurait, à lui seul, prouver l’importance de l’usage de la marque contestée.

41      De surcroît, force est de relever que la requérante n’a fourni aucun document comptable indiquant un quelconque chiffre d’affaires ni aucune facture recevable réclamant le paiement d’un montant précis.

42      Par ailleurs, quant à l’allégation selon laquelle les lettres de mise en demeure seraient fournies à titre illustratif, de sorte qu’elles ne sauraient représenter le montant des prestations réelles des services de la requérante sous la marque contestée, il convient d’observer, à l’instar de l’OHMI, que, par contraste avec les circonstances propres à l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt LA MER, point 26 supra (points 87 et 88), il ne ressort pas du dossier que les lettres de mise en demeure produites par la requérante soient numérotées de manière croissante par ordre chronologique, de sorte qu’aucune conclusion ne peut en être tirée sur l’importance de l’usage de la marque contestée.

43      Enfin, il y a lieu de considérer, à l’instar de l’OHMI, que l’enregistrement de la marque contestée ne couvre pas des services de recouvrement de créances mais, notamment, des « services de traductions pour les affaires », dont l’usage aurait aisément pu être prouvé en produisant, par exemple, des factures ou des brochures reproduisant la marque contestée. Or, la requérante n’a fourni aucune preuve de cette nature.

44      Il s’ensuit que l’usage sérieux de la marque contestée en relation avec les services pour lesquels elle est enregistrée n’a pas été prouvé, faute de preuve quant à l’importance dudit usage. Conformément aux principes rappelés au point 26 ci-dessus, l’examen de la preuve de cet usage au regard des exigences cumulatives concernant la période, la nature et le lieu dudit usage n’est donc pas nécessaire en l’espèce, comme l’a indiqué à juste titre la chambre de recours au point 45 de la décision attaquée.

45      Au vu d’une appréciation globale des éléments de preuve de l’usage de la marque contestée produits par la requérante et recevables devant le Tribunal, il convient de confirmer la conclusion de la chambre de recours, telle qu’elle figure au point 46 de la décision attaquée, selon laquelle l’usage sérieux de la marque contestée en relation avec les « services de traductions pour les affaires » relevant de la classe 42 n’a pas été prouvé.

46      En conséquence, il y a lieu de rejeter le moyen unique comme non fondé et, partant, le recours dans son intégralité.

 Sur les dépens

47      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’OHMI et de l’intervenant.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (huitième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Optilingua Holding SA est condamnée aux dépens.

Gratsias

Kancheva

Wetter

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 16 janvier 2014.

Signatures


* Langue de procédure : le français.