Language of document : ECLI:EU:T:2014:604

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (septième chambre)

3 juillet 2014(*)

« Aides d’État – Cinématographe – Aide à la construction et à l’exploitation d’un complexe cinématographique – Décision déclarant l’aide incompatible avec le marché intérieur – Critère de l’investisseur privé en économie de marché – Aide d’État à finalité régionale – Aide destinée à promouvoir la culture – Obligation de motivation »

Dans les affaires jointes T‑319/12 et T‑321/12,

Royaume d’Espagne, représenté par M. A. Rubio González, abogado del Estado,

Ciudad de la Luz, SAU, établie à Alicante (Espagne),

Sociedad Proyectos Temáticos de la Comunidad Valenciana, SAU, établie à Alicante,

représentées initialement par Mes  J. Buendía Sierra, N. Ruiz García, J. Belenguer Mula et M. Muñoz de Juan, puis par Mes J. Buendía Sierra, J. Belenguer Mula, avocats,

parties requérantes,

contre

Commission européenne, représentée par M. É. Gippini Fournier, Mme P. Němečková et M. B. Stromsky, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande d’annulation de la décision (2012) 3025 final de la Commission européenne, du 8 mai 2012, relative à l’aide d’État SA.22668 [C 8/2008 (NN 4/2008)], que l’Espagne a mise à exécution en faveur de la Ciudad de la Luz, SA,

LE TRIBUNAL (septième chambre),

composé de M. M. van der Woude (rapporteur), président, Mme I. Wiszniewska-Białecka et M. I. Ulloa Rubio, juges,

greffier : M. J. Palacio González, administrateur principal,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 11 décembre 2013,

rend le présent

Arrêt

 Faits à l’origine du litige      

 Description du projet Ciudad de la Luz

1        La Communauté autonome de Valence (Espagne) a décidé d’investir dans la création du complexe cinématographique Ciudad de la Luz (ci-après la « CDL »), près d’Alicante (Espagne), le 24 octobre 2000. Elle a notamment fondé sa décision sur deux rapports émanant de sociétés de conseil indépendantes. Le premier rapport, réalisé par la société A., visait à étudier la viabilité économique de la construction et de l’exploitation de nouveaux studios de cinéma. Le second, réalisé par la société de conseil indépendante P., a étudié la possibilité de localiser le projet à Alicante. Le plan de développement d’un complexe cinématographique développé par la société A. dans son rapport (ci-après le « plan de développement de 2000 ») prévoyait une rentabilité positive du projet pour la période allant de 2002 à 2006.

2        La Ciudad de la Luz, SA a été créée le 2 novembre 2000 avec un capital social de 600 000 euros. Son capital social était initialement détenu à hauteur de 75 % par la Communauté autonome de Valence, par l’intermédiaire de la Sociedad Parque Temático de Alicante, SA, devenue depuis la Sociedad Proyectos Temáticos de la Comunidad Valenciana, SA (ci-après la « SPTCV »). Le reste du capital était détenu par la société de production privée Producciones Aguamarga, SL (ci-après « Aguamarga »). La CDL et Aguamarga ont signé un contrat de service le 21 décembre 2000, par lequel Aguamarga s’est engagée à gérer et à promouvoir les studios. La construction du complexe cinématographique a commencé en 2002. La construction devait avoir lieu en trois phases et être terminée en 2010. 

3        Entre novembre 2001 et mai 2004, le capital social de la CDL a été augmenté à trois reprises par émissions d’actions, toutes achetées par la SPTCV. Sur cette période, en incluant les dotations en terrain, la SPTCV a investi dans la CDL un montant total de 104 259 759 euros. La SPTCV a racheté l’ensemble des actions d’Aguamarga le 23 juillet 2004, pour un montant total de 139 059 euros, détenant depuis lors 100 % du capital social de la CDL. Aguamarga a, en revanche, continué à assurer la gestion des studios et la conduite des travaux.

4        En 2004, le plan de développement de 2000 a été révisé en raison, en particulier, de retards dans la construction et de l’augmentation des besoins de financement. La société de conseil indépendante C. a été engagée pour évaluer la viabilité du projet et a conclu à une rentabilité positive de ce dernier pour la période allant de 2004 à 2014 (ci-après le « plan de développement révisé de 2004 »).

5        Sur le fondement du plan de développement révisé de 2004, la SPTCV a accordé plusieurs prêts participatifs et convertibles à la CDL. Au total, en incluant les intérêts non payés et l’apport de terrains, la SPTCV a investi dans la CDL 274 125 946 euros avant la fin de l’année 2010. Sur la même période, la CDL a cumulé 84 millions d’euros de perte.

6        Les premières productions ont débuté en août 2005. En sus du complexe cinématographique, la CDL dispose d’une école de cinéma. En revanche, les investissements immobiliers complémentaires envisagés initialement n’ont pas été développés.

 Procédure administrative

7        Après avoir été saisie, le 22 février 2007 et le 15 juillet 2007, de plaintes distinctes émanant de deux grandes sociétés de l’industrie cinématographique européenne, établies dans deux États membres autres que l’Espagne, et après plusieurs demandes de renseignements adressées au Royaume d’Espagne, la Commission des Communautés européennes a, par sa décision du 13 février 2008, intitulée « Aides d’État – Espagne – Aide d’État C 8/08 (ex NN 4/08; ex CP 60/07) – Complexe cinématographique de Ciudad de la Luz à Alicante – Invitation à présenter des observations en application de l’article 88, paragraphe 2, [CE] » (JO C 134, p. 21), ouvert la procédure prévue à l’article 88, paragraphe 2, CE concernant les mesures que la Communauté autonome de Valence avait prises en faveur de la construction et de l’exploitation de la CDL (ci-après la « décision d’ouverture »).

8        La Commission a mandaté la société de conseil indépendante E. en mai 2011 pour examiner les décisions d’investissement faisant l’objet du litige.

9        Par sa décision 2013/126/UE, du 8 mai 2012, relative à l’aide d’État SA.22668 [C 8/08 (ex NN 4/08)] accordée par le Royaume d’Espagne à la société Ciudad de la Luz, SA (JO 2013, L 85, p. 1, ci‑après la « décision attaquée »), la Commission a estimé que les mesures que la Communauté autonome de Valence avait prises en faveur de la construction et de l’exploitation du complexe cinématographique CDL, ainsi que les incitations aux producteurs de film, constituaient des aides d’État accordées en violation de l’article 108, paragraphe 3, TFUE et incompatibles avec le marché intérieur.

 Décision attaquée

10      Aux considérants 62 à 88 de la décision attaquée, la Commission a estimé, après avoir appliqué le critère de l’investisseur privé, que l’ensemble de l’investissement de la SPTCV dans la Ciudad de la Luz constituait un avantage économique pour la CDL au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE.

11      Premièrement, la Commission a considéré que l’investissement d’Aguamarga à hauteur de 25 % du capital social de la CDL (voir point 2 ci-dessus) ne saurait démontrer qu’un investisseur privé aurait effectué l’investissement de la SPTCV, dans la mesure où cet investissement de 150 000 euros, d’abord, était très faible par rapport au montant total investi, ensuite, n’a été suivi d’aucun investissement complémentaire dans le projet et, enfin, a probablement été réalisé en suivant une logique de prestataire de service et non d’investisseur. Deuxièmement, la Commission a estimé qu’un investisseur privé aurait comparé la rentabilité de son investissement dans la CDL avec des investissements \/  dans d’autres projets et ne se serait pas fondé exclusivement sur les rapports de sociétés de conseils indépendantes commandés par les autorités espagnoles (voir points 1 et 4 ci-dessus). Après avoir conduit sa propre analyse de la rentabilité des décisions d’investissement de 2000 et de 2004, la Commission a conclu que le coût du capital retenu par les autorités espagnoles était largement sous-évalué et qu’un investisseur privé avisé n’aurait pas, en conséquence, entrepris ces investissements.

12      La Commission a ensuite considéré, aux considérants 89 à 93 de la décision attaquée, que l’ensemble des apports reçus par la CDL par le biais de la SPTCV constituait un avantage économique sélectif, était bien financé au moyen de ressources d’État, qu’il menaçait de fausser la concurrence et qu’il affectait les échanges entre États membres. Ainsi, elle a considéré comme satisfaits l’ensemble des critères prévu à l’article 107, paragraphe 1, TFUE.

13      S’agissant de la compatibilité de l’aide, premièrement, la Commission a considéré, aux points 94 à 99 de la décision attaquée, que les aides à CDL ne pouvaient être justifiées au titre des aides régionales, dans la mesure où la condition selon laquelle le bénéficiaire de l’aide devait contribuer par lui-même à hauteur de 25 %, ainsi qu’il est requis au paragraphe 4.2 des lignes directrices concernant les aides d’État à finalité régionale (JO 1998, C 74, p. 9, ci-après les « lignes directrices de 1998 »), n’était pas remplie. Deuxièmement, la Commission a estimé, aux considérants 100 à 109 de la décision attaquée, que ces aides ne sauraient non plus être déclarées compatibles au titre des aides au secteur audiovisuel, car, d’une part, il n’y avait pas d’éléments susceptibles de montrer que ces nouveaux studios étaient nécessaires à la production de films locaux et, d’autre part, il existait des risques importants de distorsion de concurrence. Troisièmement, ainsi qu’il ressort des considérants 110 à 113 de la décision attaquée, la Commission a considéré que ni les aides à la CDL ni les aides aux producteurs de films ne pouvaient être justifiées au titre des aides culturelles.

14      En conséquence, aux considérants 114 à 117 de la décision attaquée, la Commission a conclu que l’ensemble des aides à la CDL avaient été octroyées en violation de l’article 108, paragraphe 3, TFUE. Dans ces conditions, le Royaume d’Espagne devait récupérer l’ensemble des 265 089 599 euros correspondants, ainsi que, le cas échéant, les aides données aux producteurs de films.

 Procédure et conclusion des parties

15      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 19 juillet 2012, le Royaume d’Espagne a introduit un recours dans l’affaire T‑319/12.

16      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 20 juillet 2012, la CDL et la SPTCV ont introduit un recours conjoint dans l’affaire T‑321/12.

17      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 2 novembre 2012, l’Asociación Española de Televisiones Digitales Privadas Autonómicas y Locales a demandé à intervenir au soutien des conclusions de la CDL et de la SPTCV.

18      Par ordonnance du président de la quatrième chambre du Tribunal du 13 mars 2013, la demande d’intervention de l’Asociación Española de Televisiones Digitales Privadas Autonómicas y Locales a été rejetée.

19      La composition des chambres du Tribunal ayant été modifiée, le juge rapporteur a été affecté à la septième chambre, à laquelle la présente affaire a, par conséquent, été attribuée.

20      Les affaires T‑319/12 et T‑321/12 ont été jointes aux fins de la procédurale orale et de l’arrêt, par ordonnance du président de la septième chambre du 5 novembre 2013.

21      La CDL, la SPTCV et le Royaume d’Espagne concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner la Commission aux dépens.

22      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la CDL, la SPTCV et le Royaume d’Espagne aux dépens.

 En droit

23      À l’appui du présent recours en annulation, la CDL, la SPTCV et le Royaume d’Espagne (ci-après, pris ensemble, les « requérants ») avancent, en substance, trois moyens. Par leur premier moyen, les requérants contestent l’existence d’une aide au vu du critère de l’investisseur privé en économie de marché. Par leur deuxième moyen, ils soulèvent l’existence de défauts de motivation et d’erreurs de droit dans l’analyse de la Commission concernant la compatibilité de l’aide avec le marché intérieur en tant qu’aide régionale et en tant qu’aide culturelle. Par leur troisième moyen, les requérants font valoir, notamment, un défaut de motivation et une erreur de droit en ce qui concerne les incitations accordées aux sociétés de production.

24      Sur le fond, la Commission conteste l’ensemble des arguments des requérants. En ce qui concerne la recevabilité, d’une part, elle conteste la qualité et l’intérêt à agir de la SPTCV, qui seront appréciés d’emblée. D’autre part, elle conteste la recevabilité du troisième moyen, pour autant qu’il est avancé par la CDL (voir, à cet égard, point 192 ci-après).

A –  Sur la recevabilité

25      La Commission estime, notamment, que le recours de la SPTCV est irrecevable, car l’ordre de récupération est adressé exclusivement au Royaume d’Espagne. L’autorité publique octroyant l’aide est la Communauté autonome de Valence, la SPTCV n’étant qu’un simple véhicule permettant l’octroi de l’aide. En l’espèce, la SPTCV n’aurait pas démontré, d’une part, qu’elle était directement et individuellement concernée par la décision attaquée et, d’autre part, qu’elle possédait un intérêt propre ne se confondant pas avec celui du Royaume d’Espagne. En outre, sa qualité d’actionnaire unique de la CDL ne saurait lui attribuer la capacité pour agir.

26      La CDL et la SPTCV contestent l’ensemble des arguments de la Commission.

27      À cet égard, il y a lieu de constater que la CDL et la SPTCV ont présenté un seul et même recours. En l’espèce, la Commission ne remet pas en cause la qualité pour agir de la CDL. En effet, en tant que bénéficiaire de l’aide et donc sujette à l’ordre de récupération imposé par la décision attaquée, la recevabilité de son recours ne revêt aucun caractère douteux.

28      Or, selon une jurisprudence désormais bien établie, s’agissant d’un seul et même recours, il n’y a pas lieu d’examiner la qualité pour agir des autres requérants et il n’existe aucune considération d’économie de procédure justifiant que le Tribunal s’écarte, en l’espèce, de cette jurisprudence (voir, en ce sens, arrêts de la Cour du 24 mars 1993, CIRFS e.a./Commission, C‑313/90, Rec. p. I‑1125, point 31, et du Tribunal du 9 juillet 2007, Sun Chemical Group e.a./Commission, T‑282/06, Rec. p. II‑2149, points 50 à 52).

29      Il convient dès lors d’écarter les réserves de la Commission quant à la recevabilité du recours de la SPTCV.

B –  Sur le fond

1.     Sur le premier moyen, tiré d’erreurs de droit et d’erreurs manifestes d’appréciation dans l’application du critère de l’investisseur privé

30      Les requérants avancent trois branches, en substance, à l’appui du présent moyen. Premièrement, ils remettent en cause la méthodologie utilisée par la Commission dans la décision attaquée. Deuxièmement, ils estiment que la Commission aurait fondé son analyse du cas d’espèce sur des paramètres incorrects pour effectuer son calcul de la rentabilité de la CDL. Troisièmement, ils soutiennent que la Commission aurait commis une erreur manifeste d’appréciation en ne prenant pas en compte la zone hôtelière et de service dans la rentabilité du projet. La Commission aurait, en conséquence, violé l’article 107, paragraphe 1, TFUE, l’article 345 TFUE et le principe d’égalité.

31      La Commission rejette l’ensemble des arguments des requérants comme étant non fondés.

a)     Sur la méthodologie utilisée par la Commission

32      À l’appui de cette première branche, en premier lieu, les requérants estiment que la méthodologie utilisée par la Commission dans la décision attaquée, d’une part, n’était pas compatible avec la jurisprudence et, d’autre part, était inappropriée en vue de définir le seuil de rentabilité à atteindre aux fins de l’application du critère de l’investisseur privé.

33      En deuxième lieu, la Commission n’aurait pas respecté la marge d’appréciation de l’État membre conférée par la communication de la Commission aux États membres sur l’application des articles [87 CE] et [88 CE] et de l’article 5 de la directive 80/723/CEE de la Commission aux entreprises publiques du secteur manufacturier (JO 1993, C 307, p. 3, ci-après la « communication de 1993 »).

34      La Commission rejette ces arguments comme étant non fondés.

35      À titre liminaire, il convient de rappeler que, au vu de la jurisprudence, si le contrôle du Tribunal est en principe un contrôle entier en ce qui concerne la question de savoir si une mesure entre dans le champ de l’article 107, paragraphe 1, TFUE (arrêt du Tribunal du 11 juillet 2002, HAMSA/Commission, T‑152/99, Rec. p. II‑3049, point 159), la Cour a jugé que le contrôle juridictionnel est limité en ce qui concerne la question de savoir si une mesure entre dans le champ d’application de l’article 107, paragraphe 1, TFUE lorsque les appréciations portées par la Commission présentent un caractère technique ou complexe (voir arrêt de la Cour du 22 décembre 2008, British Aggregates/Commission, C‑487/06 P, Rec. p. I‑10515, point 114, et la jurisprudence citée).

 Sur le seuil de rentabilité à atteindre aux fins de l’application du critère de l’investisseur privé

36      S’agissant de la question du seuil de rentabilité à atteindre, en l’espèce, aux fins de l’application du critère de l’investisseur privé, d’une part, les requérants estiment que, au vu de la jurisprudence, la Commission aurait dû comparer la rentabilité de la CDL avec le taux de rendement moyen du secteur.

37      D’autre part, ils font valoir que, en tout état de cause, la méthodologie utilisée dans la décision attaquée ne permettait pas de définir quel niveau de rentabilité aurait été considéré comme étant raisonnable par un investisseur privé dans les circonstances de l’espèce.

–       Sur le taux de rendement moyen du secteur et la jurisprudence en matière d’application du critère de l’investisseur privé

38      Il convient de constater d’emblée que la Commission n’a pas utilisé le taux de rendement moyen du secteur afin d’apprécier la rentabilité de la CDL aux fins de l’application du critère de l’investisseur privé. Sans qu’il soit besoin à ce stade de reprendre en détail la méthodologie utilisée par la Commission dans la décision attaquée (voir, à cet égard, points 48 à 66 ci-dessus), il suffit de constater qu’elle a comparé le taux de rendement proposé par les requérants non pas avec le taux de rendement moyen du secteur, mais avec le coût d’opportunité du capital social (ci-après le « coût du capital ») de la CDL, tel que calculé au moyen du modèle d’évaluation des actifs financiers (ci-après le « MEDAF »). Elle a également réalisé différentes analyses visant à tester la fiabilité de ses résultats.

39      Certes, la jurisprudence, ainsi que le soutiennent à bon droit les requérants, n’exige aucunement d’atteindre la rentabilité la plus élevée parmi l’ensemble des investissements possibles dans l’économie, ni même une rentabilité équivalente à la meilleure entreprise du secteur concerné.

40      En effet, afin d’apprécier si une mesure étatique constitue une aide, il convient de déterminer si l’entreprise bénéficiaire reçoit un avantage économique qu’elle n’aurait pas obtenu dans des conditions normales de marché (arrêt de la Cour du 11 juillet 1996, SFEI e.a., C‑39/94, Rec. p. I‑3547, point 60 ; arrêt du Tribunal du 6 mars 2003, Westdeutsche Landesbank Girozentrale et Land Nordrhein-Westfalen/Commission, T‑228/99 et T‑233/99, Rec. p. II‑435, ci-après l’« arrêt WestLB », points 207 et 243). En vue de déterminer si une telle intervention présente le caractère d’aide d’État, il y a lieu d’apprécier si, dans des circonstances similaires, un investisseur privé opérant dans des conditions normales d’une économie de marché, d’une taille qui puisse être comparée à celle des organismes gérant le secteur public, aurait pu être amené à procéder à l’apport de capitaux en question (arrêts de la Cour du 21 mars 1990, Belgique/Commission, C‑142/87, Rec. p. I‑959, point 29, et du 21 mars 1991, Italie/Commission, C‑305/89, Rec. p. I‑1603, points 18 et 19). En particulier, il est pertinent de se demander si un investisseur privé aurait réalisé l’opération en cause aux mêmes conditions et, dans la négative, d’examiner à quelles conditions il aurait pu la réaliser (arrêt du Tribunal du 30 avril 1998, Cityflyer Express/Commission, T‑16/96, Rec. p. II‑757, point 51).

41      Il ressort également de la jurisprudence que le comportement de l’investisseur privé, avec lequel doit être comparé celui d’un investisseur public, n’est pas nécessairement celui de l’investisseur ordinaire plaçant des capitaux en vue de leur rentabilisation à plus ou moins court terme. Ce comportement doit, au moins, être celui d’un holding privé ou d’un groupe privé d’entreprises poursuivant une politique structurelle, globale ou sectorielle, et guidé par des perspectives de rentabilité à plus long terme (arrêt Italie/Commission, point 40 supra, point 20).

42      Dans ces conditions, l’application du critère de l’investisseur privé, tel que défini par la jurisprudence, ne vise pas à déterminer quelle pourrait être la rentabilité maximale obtenue par un investisseur dans un secteur particulier ou dans l’ensemble de l’économie, mais à déterminer si un investisseur privé comparable aurait pu procéder, dans les circonstances de l’espèce, à l’investissement concerné. Il s’agit donc de déterminer si l’investissement concerné procède d’une certaine rationalité économique, au moins sur le long terme. Cette conclusion n’est d’ailleurs pas contestée par la Commission dans ses écritures.

43      Toutefois, déterminer si un investisseur privé aurait procédé à un apport en capital tel que celui en cause en l’espèce ne saurait nécessairement impliquer, d’une part, pour la Commission, de devoir comparer la rentabilité du projet avec la moyenne de la rentabilité du secteur, ni, d’autre part, que la moyenne de la rentabilité du secteur conférerait audit investisseur une certaine marge de sécurité, contrairement à ce que soutiennent les requérants.

44      À cet égard, en premier lieu, il ressort de l’arrêt WestLB, point 40 supra (points 250 et 254) que, si la Commission est habilitée à utiliser, dans le cadre de l’application de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, la valeur du rendement moyen dans le secteur concerné, ce dernier indicateur ne constitue qu’un instrument analytique parmi d’autres en vue de déterminer si l’entreprise bénéficiaire reçoit un avantage économique qu’elle n’aurait pas obtenu dans des conditions normales de marché. En pratique, ainsi que l’a souligné à bon droit la Commission, l’utilisation du rendement moyen du secteur est parfois impossible, en raison du manque de données, voire inopportune, dans la mesure où les États membres pourraient alors justifier tout investissement dans des secteurs en déclin, déficitaires ou caractérisés par une faible rentabilité, sous réserve que leurs perspectives de bénéfices soient situées dans la moyenne du secteur.

45      En outre, ainsi que le Tribunal l’a déjà jugé (arrêt WestLB, point 40 supra, points 251 et 258), l’utilisation du taux de rendement moyen du secteur ne saurait dispenser la Commission de son obligation de faire une analyse complète de tous les éléments pertinents de l’opération litigieuse et de son contexte, y compris de la situation de l’entreprise bénéficiaire et du marché concerné, pour vérifier si l’entreprise bénéficiaire perçoit un avantage économique qu’elle n’aurait pas obtenu dans des conditions normales de marché.

46      En deuxième lieu, s’agissant de l’argument des requérants selon lequel la Commission n’aurait pas suivi sa propre pratique décisionnelle en n’utilisant pas le taux de rendement moyen du secteur, il convient de rappeler que la notion d’aide d’État revêt un caractère juridique et s’interprète au regard d’éléments objectifs (voir arrêt du Tribunal du 16 septembre 2004, Valmont/Commission, T‑274/01, Rec. p. II‑3145, point 37, et la jurisprudence citée). La qualification d’une mesure d’aide d’État ne saurait donc dépendre d’une appréciation subjective de la Commission et doit être déterminée indépendamment de toute pratique administrative antérieure de la Commission, à la supposer établie (voir, en ce sens et par analogie, arrêt de la Cour du 30 septembre 2003, Freistaat Sachsen e.a./Commission, C‑57/00 P et C‑61/00 P, Rec. p. I‑9975, points 52 et 53, et arrêt du Tribunal du 15 juin 2005, Regione autonoma della Sardegna/Commission, T‑171/02, Rec. p. II‑2123, point 177).

47      Dans de telles conditions, les requérants ne sauraient alléguer, sur le fondement de la jurisprudence et de la pratique décisionnelle de la Commission, l’existence d’une violation de l’article 107, paragraphe 1, TFUE due au fait que la Commission n’aurait pas utilisé le rendement moyen du secteur, en l’espèce, aux fins de l’application du critère de l’investisseur privé.

–       Sur la méthodologie utilisée dans la décision attaquée

48      En premier lieu, il convient de souligner qu’il ressort de la décision attaquée que la Commission a étudié, aux points 63 et 64 de la décision attaquée, l’importance à accorder au fait qu’Aguamarga avait investi dans la phase initiale du projet à hauteur de 25 % du capital social de la CDL. Après avoir estimé que l’investissement d’Aguamarga n’était pas pertinent aux fins de l’application du critère de l’investisseur privé, dans la mesure où, notamment, son investissement ressortait d’une logique de prestataire de service et non d’une logique d’investisseur, telle que celle de la SPTCV (voir points 153 à 156 ci-dessous à cet égard), la Commission a souligné, au point 65 de la décision attaquée, que l’existence de rapports commandés auprès de sociétés de conseils indépendantes (voir points 1 et 4 ci-dessus) n’était pas nécessairement suffisante en vue de démontrer qu’un investisseur privé aurait investi dans le projet concerné. Selon la Commission, un investisseur privé avisé n’aurait pas accepté les conclusions de ces rapports sans les avoir étudiés attentivement et ainsi s’être formé son propre jugement avant de prendre sa décision d’investissement.

49      À cet égard, il est opportun de rappeler qu’il appartient à l’État membre de faire apparaître que sa décision était fondée sur des évaluations économiques comparables à celles que, dans les circonstances de l’espèce, un investisseur privé rationnel se trouvant dans une situation la plus proche possible dudit État membre aurait fait établir, avant de procéder audit investissement, aux fins de déterminer la rentabilité future de l’investissement concerné. À cette fin, fournir lors de la procédure administrative des études de sociétés de conseil indépendantes commandées préalablement à la décision d’investissement peut contribuer à démontrer que l’État membre a mis en œuvre la mesure concernée en sa qualité d’actionnaire, ce que la Commission ne conteste pas.

50      En revanche, il ne ressort aucunement de la jurisprudence que l’existence de tels rapports est nécessairement suffisante en soi pour considérer que l’entreprise bénéficiaire de ladite mesure n’a pas bénéficié d’un avantage économique au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE. Il appartient en effet à l’État membre d’apprécier le contenu de ces rapports, puis d’endosser, le cas échéant, leurs conclusions. L’État membre concerné ne saurait donc se prévaloir des conclusions de rapports de sociétés de conseil indépendantes, sans avoir lui-même apporté l’ensemble des réponses adéquates aux questions qu’un investisseur privé avisé se serait posées dans les circonstances de l’espèce. Dans ces conditions, il y a lieu de considérer que la Commission pouvait à bon droit estimer , d’une part, que le Royaume d’Espagne aurait dû être plus critique vis-à-vis des conclusions des rapports des sociétés de conseil indépendantes A. et C., contrairement à ce qu’affirment les requérants, et, d’autre part, qu’elle aurait dû apprécier elle-même si un hypothétique investisseur privé aurait investi dans la CDL.

51      En deuxième lieu, la Commission a réalisé, aux considérants 67 à 88 de la décision attaquée, sa propre évaluation du plan de développement de 2000 et du plan de développement révisé de 2004, détaillés dans les rapports A. et C. Elle s’est fondée, tout comme la société de conseil L. engagée lors de la procédure administrative par les autorités espagnoles, sur le MEDAF pour déterminer le coût du capital, c’est-à-dire le taux de rentabilité minimal qu’un investisseur privé aurait exigé au moment où ont été prises les deux décisions d’investissement, en 2000 et en 2004, dans des circonstances similaires. Il convient de souligner à cet égard que les requérants ne remettent pas en cause l’utilisation du MEDAF en vue de déterminer le niveau de rentabilité qu’un investisseur aurait exigé en l’espèce.

52      Selon la Commission, le coût du capital s’établissait à 16,66 % en 2000 et à 14,9 % en 2004, ainsi qu’il ressort du considérant 74 et de l’annexe II (p. 29) de la décision attaquée. Elle a ensuite comparé le coût du capital avec le taux de rentabilité interne du projet. Ainsi que le rappelle la Commission aux considérants 70 et 79 de la décision attaquée, un investisseur privé aurait été disposé à investir dans la CDL si le taux de rentabilité interne escompté avait été supérieur ou égal au coût du capital.

53      En vue d’effectuer la comparaison entre le coût du capital et le taux de rentabilité interne, il ressort du considérant 78 et de l’annexe II (p. 29) de la décision attaquée que la Commission a repris les taux de rentabilité interne de 8,84 % en 2000 et de 5,74 % en 2004, définis dans le rapport L. du 25 avril 2008, tout en émettant certains doutes quant au caractère réaliste des projections proposées dans ledit rapport. La Commission a donc adopté une position favorable aux requérants à cet égard.

54      La Commission a également souligné, au considérant 80 et à l’annexe I (p. 24) de la décision attaquée, que, avec un coût du capital de 14,9 % et en retenant les projections de trésorerie du plan de développement révisé de 2004, la valeur actualisée nette du projet conduisait à une perte d’environ 130 millions d’euros. Il ressort de l’annexe II de la décision attaquée (p. 29) que la valeur actuelle nette du projet en 2000, pour la période allant de 2000 à 2006, selon la Commission, était négative pour un montant de plus de 57 millions d’euros.

55      En troisième lieu, il ressort du considérant 81 de la décision attaquée que la Commission a ensuite réalisé des analyses de fiabilité qui ont montré la robustesse de ses résultats au regard des variations du coût du capital. Il ressort également de l’annexe I de la décision attaquée (p. 22 et 23) que la Commission a comparé ses résultats concernant le coût du capital de la CDL avec divers groupes représentatifs de concurrents. Ces études comparatives ont, selon elle, globalement confirmé ses résultats.

56      En quatrième lieu, il ressort, enfin, du considérant 85 de la décision attaquée que l’ensemble de ces résultats ont été confirmés par une analyse de la société de conseil indépendante E., commandée par la Commission. Selon le rapport de E., le coût du capital se situerait entre 12,5 et 21,4 % pour l’investissement de 2000 et entre 10,9 et 15,9 % pour l’investissement additionnel de 2004.

57      Dans ces conditions, après avoir rejeté les observations du Royaume d’Espagne, la Commission a conclu que, au vu de l’existence d’un coût du capital d’au moins 14 %, un investisseur privé avisé n’aurait pas entrepris les deux investissements successifs dans la CDL, dans la mesure où le taux de rentabilité interne de ce projet était inférieur au coût du capital.

58      Sans qu’il soit besoin d’apprécier à ce stade si la Commission a commis des erreurs manifestes d’appréciation en attribuant telle ou telle valeur aux différents paramètres du MEDAF, ce qui fait l’objet de la deuxième branche du présent moyen (voir point 84 ci-après et suivants), il y a lieu de considérer que la Commission, du point de vue de la méthodologie, n’a commis aucune erreur.

59      En effet, cette méthode lui a permis de déterminer quel serait le niveau de rentabilité exigé par un investisseur privé avisé dans les circonstances de l’espèce. En constatant que le coût du capital était bien supérieur aux taux de rentabilité interne, tels que calculés dans le rapport L. du 25 avril 2008, la Commission pouvait conclure à bon droit qu’un investisseur privé avisé n’aurait pas accepté d’investir dans un projet lui assurant une telle perspective de rentabilité. La Commission a, par ailleurs, souligné à juste titre que le taux de rentabilité interne calculé dans ledit rapport, s’agissant de la décision d’investissement de 2004, c’est-à-dire 5,74 %, était à peine supérieur à un investissement relativement sûr, tel qu’un emprunt d’État pouvant obtenir un rendement de 4,1 %.

60      La Commission a également réalisé deux analyses lui permettant de tester la fiabilité de ses résultats.

61      D’une part, elle a testé l’évolution de la valeur actuelle nette en fonction des variations du coût du capital, ainsi qu’il ressort du considérant 81 de la décision attaquée. Elle a conclu que la valeur actuelle nette devenait négative pour un coût du capital de 5 à 6 %. Pour tout coût du capital supérieur à 10 %, la valeur actuelle nette était fortement négative et relativement stable. Au vu de ses résultats, établissant un coût du capital de 16,66 % en 2000 et de 14,9 % en 2004, elle pouvait effectivement conclure, avec un degré élevé de confiance, que le projet n’était pas rentable.

62      D’autre part, elle a effectué des études comparatives avec des groupes représentatifs de concurrents (annexe I de la décision attaquée, p. 22 et 23). Ces études ont globalement conforté son analyse du coût du capital de la CDL (voir points 120 à 124 ci-après).

63      En outre, la Commission a confronté ses résultats à l’analyse de la société de conseil indépendante E. Les résultats d’E. et de la Commission sont cohérents. En effet, les chiffres retenus par la Commission pour le coût du capital, c’est-à-dire 16,66 % en 2000 et 14,9 % en 2004, appartiennent aux intervalles définis par E. dans son étude (voir point 56 ci-dessus).

64      Par ailleurs, il convient de souligner qu’il ne ressort aucunement de la décision attaquée et des écritures que la Commission aurait estimé que le Royaume d’Espagne devait comparer la rentabilité de la CDL avec la rentabilité de l’ensemble des projets possibles  non similaires ou comparables, tant en termes de profil qu’en terme de taille, contrairement à ce que soutiennent les requérants. Certes, il ressort du considérant 65 de la décision attaquée, ainsi que le soulignent les requérants, que la Commission a estimé qu’un investisseur privé aurait comparé la rentabilité de la CDL avec celle de « projets alternatifs ». Toutefois, elle n’a pas précisé que ces autres projets comportaient l’ensemble des projets alternatifs non similaires ou comparables. Au contraire, au moment de calculer le « facteur β », applicable dans le cadre du calcul du coût du capital (voir points 96 à 119 ci-après), elle s’est fondée sur les « facteurs β » des sociétés B. et Ca. qui étaient, selon elle, des concurrents directs de la CDL. La question de savoir si les deux entreprises servant de comparateur étaient suffisamment similaires sera abordée dans le cadre de la deuxième branche du présent moyen (voir points 103 à 106 ci-après). S’agissant des études comparatives concernant le coût du capital de la CDL, par rapport à divers groupes représentatifs de concurrents, qui n’étaient qu’un des outils, parmi d’autres, utilisé en vue de tester la fiabilité de ses résultats, la Commission a choisi des entreprises appartenant au même secteur d’activité au sens large (voir points 120 à 124 ci-après).

65      En définitive, les requérants n’ont apporté aucun élément permettant de démontrer que la méthodologie de la Commission ne lui permettait pas de déterminer si la rémunération du capital investi était adaptée.

66      Partant, eu égard à ce qui précède (points 36 à 65 ci-dessus), il y a lieu de rejeter l’ensemble des arguments des requérants concernant la méthodologie utilisée par la Commission dans la décision attaquée comme étant non fondés.

 Sur la marge d’appréciation du Royaume d’Espagne

67      S’agissant de la marge d’appréciation de l’État membre, en premier lieu, les requérants font valoir qu’il ressortirait de la communication de 1993, en particulier de ses paragraphes 27 et 28, que des apports en fonds propres ne constituent des aides que si les décisions d’investissement dont ils résultent n’ont manifestement pas été adoptées dans des conditions de marché. En conséquence, une valeur actuelle nette positive serait toujours suffisante.

68      À cet égard, en ce qui concerne le paragraphe 27 de la communication de 1993, il y a lieu de signaler que la Commission y reconnaît qu’une marge d’appréciation doit être laissée à l’investisseur pour procéder à l’analyse du risque de l’investissement, mais elle déclare que, pour effectuer cette appréciation, « les entreprises publiques doivent, tout comme les entreprises privées, appliquer des critères de rentabilité ».

69      Il convient également de constater qu’il ressort du paragraphe 28 de la communication de 1993 ce qui suit :

« [...] Seuls les projets pour lesquels la Commission considère qu’il n’existait pas de raisons objectives ou de bonne foi d’escompter raisonnablement un taux de rendement approprié dans une entreprise privée comparable au moment où la décision d’investissement/financement a été prise peuvent être traités comme aides d’État [...] »

70      Au paragraphe 29 de la communication de 1993, la Commission répète l’idée selon laquelle « toute décision d’investissement commerciale suppose une marge d’appréciation considérable », mais elle intègre cette idée dans une analyse plus générale sur la manière de déterminer si une aide d’État existe ou non (arrêt WestLB, point 40 supra, point 260).

71      En outre, une distinction peut être faite entre l’estimation du rendement probable du projet, dans laquelle une certaine marge d’appréciation existe pour l’investisseur public, et l’examen que cet investisseur fait pour déterminer si le rendement lui semble suffisant pour réaliser l’investissement en cause, pour lequel la marge d’appréciation est moins large, puisqu’il est possible de comparer l’opération en question avec d’autres possibilités de placement du capital à investir (arrêt WestLB, point 40 supra, point 261).

72      Or, d’une part, la Commission a conclu qu’il existait des raisons objectives de considérer qu’un investisseur privé n’aurait pas investi dans le projet, en particulier eu égard au fait que le taux de rentabilité interne du projet était largement inférieur au coût du capital. D’autre part, elle n’a pas substitué son appréciation à celle de l’État membre en ce qui concerne l’analyse du taux de rentabilité interne du projet, dans la mesure où elle a repris intégralement ses projections de flux de trésorerie, ce qui lui était très favorable. La Commission s’est donc contentée, en l’espèce, d’apprécier si un investisseur privé avisé aurait accepté d’investir avec un tel taux de rentabilité interne, en utilisant une méthode non contestée par les requérants, tout en soulignant le caractère, à ses yeux, particulièrement optimistes des projections de flux de trésorerie.

73      Certes, ainsi que le Royaume d’Espagne le souligne, il existe différents outils d’évaluation d’un projet d’investissement. D’un point de vue financier, il est exact qu’un investissement présentant une valeur actuelle nette positive devrait généralement être entrepris, même si un investisseur privé avisé peut être amené à prendre en considération, le cas échéant, d’autres éléments, selon les circonstances de l’espèce.

74      Néanmoins, premièrement, force est de constater que la Commission a trouvé une valeur actuelle nette négative de 130 millions d’euros en 2002. Pour la période allant de 2000 à 2006, la valeur actuelle nette était également négative, selon elle, pour plus de 57 millions d’euros. Elle n’a donc pas remis en cause le principe selon lequel une valeur actuelle nette positive était un indicateur pertinent.

75      Deuxièmement, il convient de constater que les dernières estimations financières fournies par les autorités espagnoles, sur le fondement du rapport L. du 28 septembre 2011, sont caractérisées par des différences faibles, voire quasi  nulles, entre le taux de rentabilité interne et le coût du capital. En effet, si ledit rapport avance un coût du capital de 7,16 % et un taux de rentabilité interne de 8,84 % pour la décision d’investissement de 2000, il avance, respectivement, des chiffres de 5,73 % et 5,74 % pour la décision d’investissement de 2004.

76      En comparaison, la Commission, tout en reprenant à son compte les taux de rentabilité interne avancés par les autorités espagnoles, a calculé des coûts du capital de 16,66 % en 2000 et de 14,9 % en 2004, ce qui constitue une marge conséquente et contraste avec l’analyse des autorités espagnoles. En conséquence, les calculs des autorités espagnoles étaient effectivement moins concluants, en particulier s’agissant de la décision d’investissement de 2004, où la différence entre le coût du capital et le taux de rentabilité interne n’est que de 0,01 %, ainsi que l’a souligné à juste titre la Commission.

77      Dans ces conditions, en toute hypothèse, la Commission n’a pas violé les principes présents dans la communication de 1993 concernant l’étendue de son contrôle.

78      Eu égard à ce qui précède, il convient de rejeter l’ensemble des arguments des requérants, avancés dans la première branche du premier moyen et tirés d’une violation de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, comme étant non fondés.

79      En second lieu, en ce qui concerne la prétendue violation de l’article 345 TFUE et du principe d’égalité de traitement, il y a lieu de rappeler que, selon son article 345, le traité FUE n’influe pas sur le régime de propriété dans les États membres. Ainsi, les États membres restent libres d’entreprendre, directement ou indirectement, des activités économiques au même titre que des entreprises privées. Ce principe d’égalité de traitement entre les secteurs public et privé implique que les États membres peuvent investir dans des activités économiques et que les capitaux mis à la disposition d’une entreprise, directement ou indirectement, par l’État, dans des circonstances qui correspondent aux conditions normales du marché, ne sauraient être qualifiés d’aides d’État (arrêts Belgique/Commission, point 40 supra, point 29, et Italie/Commission, point 40 supra, point 20 ; arrêt du Tribunal du 12 décembre 1996, Air France/Commission, T‑358/94, Rec. p. II‑2109, point 70).

80      Dans ce contexte, la méthodologie de la Commission a précisément visé à déterminer si l’opération litigieuse avait été faite dans des circonstances qui correspondaient aux conditions normales du marché (voir points 36 à 66 ci-dessus).

81      Il convient également de constater que les requérants n’ont avancé aucun argument spécifique, s’agissant de la méthodologie utilisée par la Commission dans la décision attaquée, à l’appui d’une prétendue violation de l’article 345 TFUE et du principe d’égalité de traitement.

82      Dans ces conditions, il ne saurait non plus être considéré que la méthodologie utilisée par la Commission dans la décision attaquée est entachée d’une violation de l’article 345 TFUE et du principe d’égalité de traitement.

83      Partant, il convient de rejeter la première branche du premier moyen dans son ensemble comme étant non fondée.

b)     Sur l’utilisation par la Commission de paramètres erronés dans la décision attaquée

84      La deuxième branche du premier moyen porte principalement sur de prétendues erreurs manifestes d’appréciation de la Commission au sujet des paramètres utilisés par cette dernière dans le MEDAF visant à définir le coût du capital de la CDL. Il convient de rappeler que les requérants ne contestent pas l’utilisation dudit modèle en l’espèce.

85      Ainsi qu’il ressort du considérant 71 de la décision attaquée, le coût du capital, selon le MEDAF, se calcule selon la formule suivante : « Ke = Rf + (Rm - Rf) β ».

86      « Rf » est le taux libre de risque, généralement celui des emprunts d’État. Il ressort du considérant 72 de la décision attaquée que la Commission a retenu le taux à dix ans des emprunts de l’État espagnol en 2004, à savoir 4,1 %. Ce taux de 4,1 % n’est pas contesté par les requérants. D’une part, ces derniers concentrent leurs critiques sur la prime de risque de marché (correspondant à la formule intitulée « Rm - Rf »), c’est-à-dire le surplus de rentabilité, en comparaison d’un actif sans risque, exigé par les investisseurs lorsque ces derniers investissent sur le marché. D’autre part, les requérants remettent en cause l’analyse de la Commission concernant le « facteur β », qui correspond à une mesure du risque systématique (non diversifiable) associé aux actions de la CDL, qui reflète tant le risque commercial que le risque financier.

 Au sujet de la prime de risque du marché

87      S’agissant de la prime de risque du marché, la Commission a souligné, au considérant 72 de la décision attaquée, qu’il était courant de tenir compte de la différence existant entre la rentabilité historique d’un indice boursier diversifié du pays dans lequel avait lieu l’opération et le taux libre de risque. Les requérants contestent le chiffre de 6,8 % retenu par la Commission, en particulier eu égard au fait que cette dernière aurait mal interprété les travaux de P. F., universitaire espagnol, sur lesquels elle s’était fondée pour déterminer la prime de risque du marché.

88      Il convient de constater d’emblée que le grief des requérants porte exclusivement sur l’interprétation de deux études publiées en 2004 et 2009 par P. F., universitaire espagnol dont la compétence n’est pas contestée.

89      Selon les requérants, il convient de se fonder exclusivement sur l’étude de 2009 et, plus particulièrement, sur une remarque de l’auteur dans le passage suivant : « Quelle prime de risque est-ce que j’utilise pour évaluer des sociétés et des projets d’investissement ? Dans la plupart des évaluations que j’ai réalisées au XXIe siècle j’ai utilisé [des primes de risque exigées] d’un montant compris entre 3,8 et 4,3 pour l’Europe et pour les États-Unis. » Les requérants estiment, en conséquence, que la prime de risque du marché était, en étant conservateur, de 4,3 % et non de 6,8 %, ainsi que la Commission l’a décidé au considérant 72 de la décision attaquée.

90      Selon la Commission, l’auteur n’exprime, en conclusion de l’étude de 2009, qu’une préférence personnelle. L’ensemble des éléments concrets avancés dans les études de 2004 et de 2009, en revanche, démontreraient que, dans le cas de l’Espagne, sur la période considérée, c’est-à-dire la période correspondant aux décisions d’investissement de 2000 et de 2004, la prime de risque du marché serait plus élevée.

91      À cet égard, d’une part, il y a lieu de constater que l’étude de 2004 vise principalement à clarifier le concept de prime de risque du marché. Néanmoins, les pages 8 à 11 de cette étude sont pertinentes, puisqu’elles présentent des chiffres concernant l’Espagne. En particulier, le tableau 2, situé en page 10 de l’étude de 2004, contient les primes de risque historique en Espagne pour plusieurs périodes comprises entre 1963 et 2003. Selon la méthode de calcul (moyenne arithmétique ou géométrique), cette prime de risque historique se situait entre 6,8 et 9,3 % pour la période allant de 1991 à 2003, c’est-à-dire la période la plus proche de la période pertinente en l’espèce. C’est sur ces chiffres que la Commission s’est appuyée à titre principal dans la décision attaquée.

92      D’autre part, l’étude de 2009 vise notamment à répertorier les primes de risque de marché utilisées dans 150 ouvrages sur la finance d’entreprise et l’évaluation financière, pour les États-Unis et pour l’Europe. Le tableau 2, situé en page 3 de l’étude de 2009, présente un intérêt particulier, dans la mesure où il calcule une moyenne sur cinq ans de la prime de risque du marché, pour chaque année, sur l’ensemble de la période allant de 1988 à 2008. En 2000, cette moyenne était de 7 %. En 2004, elle était légèrement supérieure à 6 %. Ces éléments ont également été soulignés par la Commission, car ils tendent à confirmer les chiffres tirés de l’étude de 2004.

93      Il ressort du point 92 ci-dessus que l’étude de 2009 porte sur l’Europe et sur les États-Unis, mais n’avance pas de chiffres spécifiques concernant l’Espagne. Il était donc logique pour la Commission d’utiliser, à titre principal, l’étude de 2004, qui comportait des chiffres concernant la seule Espagne. En outre, ces chiffres sont des données historiques, constatées empiriquement et proches de la période considérée dans la présente affaire. En retenant le chiffre de 6,8 %, elle est effectivement dans le bas de l’intervalle, allant de 6,8 à 9,3 %, défini par l’auteur dans l’étude de 2004. La Commission a donc pris une position conservatrice. Au surplus, les chiffres avancés dans l’étude de 2009 tendent à corroborer le chiffre de la Commission, fondé sur l’étude de 2004, en particulier ceux tirés du tableau 2, situé en page 3 de ladite étude.

94      Il convient enfin de souligner que la remarque de l’auteur, en conclusion de l’étude de 2009, sur laquelle se fonde dans une large mesure le raisonnement des requérants, est l’expression d’un constat sur sa propre pratique, passée et actuelle. Cette remarque n’est donc ni la conclusion des recherches de l’auteur ni la moyenne ou le maximum applicable lors de la première décennie du XXIe siècle, contrairement à ce qu’affirment les requérants. Par ailleurs, cette remarque de l’auteur portait sur les États-Unis et l’Europe et non sur la seule Espagne. Le fait que la Commission a commis une erreur, à l’annexe II (p. 27) de la décision attaquée, en avançant que cette remarque portait uniquement sur la pratique de l’auteur en 2009, ainsi que le soutiennent les requérants à juste titre, en citant le rapport L. du 28 septembre 2011, n’est pas susceptible de remettre en cause ce constat.

95      Dans ces conditions, il y a lieu de conclure que les requérants n’ont pas été en mesure de démontrer l’existence d’une erreur manifeste d’appréciation de la Commission concernant la prime de risque du marché.

 Au sujet du choix du « facteur β »

96      S’agissant du choix du facteur β, il ressort du considérant 72 de la décision attaquée que la Commission a dégagé une valeur d’environ 1,5. Ce chiffre correspond à une moyenne ajustée des « facteurs β » de Ca. Group et B., deux entreprises concurrentes de la CDL. Les chiffres concernant ces deux entreprises ont été fournis par des analystes financiers qui ont effectué une analyse approfondie des deux entreprises.

97      Les requérants avancent sept arguments, dont le bien-fondé est contesté par la Commission.

98      En premier lieu, les requérants soulignent que, contrairement aux rapports commandés par les autorités espagnoles, qui se fondent sur des données financières publiques de deux concurrents, Ca. Group et B., fournies par la base de données Bloomberg, la Commission se serait fondée sur des données concernant deux entreprises fournies par des analystes financiers et auxquelles ils n’auraient pas eu accès. En conséquence, ils estiment que, n’ayant pas pu évaluer les chiffres de la Commission, la décision attaquée devrait être annulée en raison d’une violation de leurs droits procéduraux, tels qu’ils sont définis par la jurisprudence.

99      À cet égard, il ressort du considérant 73 de la décision attaquée que lesdites données proviennent de deux études approfondies réalisées par des analystes financiers.

100    S’agissant de l’étude concernant Ca. Group, il convient de constater que le lien Internet permettant d’accéder à ladite étude apparaît, notamment, à l’annexe II (p. 28) de la décision attaquée. L’annexe II de la décision attaquée est un rapport économique interne de la Commission préparé en mars 2010. Ainsi qu’il ressort des réponses écrites aux questions écrites du Tribunal, les requérants ne conteste pas que ce rapport a été transmis aux autorités espagnoles le 24 mai 2011 et qu’elles ont, en conséquence, pu avoir accès à cette étude lors de la procédure administrative. Le fait que ce rapport n’a pas été communiqué immédiatement aux requérants, en toute hypothèse, n’est pas susceptible de remettre en cause ce constat.

101    S’agissant de l’étude concernant B., les requérants soutiennent que le lien Internet permettant d’accéder à ladite étude, également rapporté à l’annexe II (p. 28) de la décision attaquée, était défectueux. Sans qu’il soit besoin de trancher la question de savoir si cette assertion était correcte au moment où le rapport a été communiqué aux requérants, il convient de souligner que ces derniers n’ont à aucun moment demandé à la Commission de leur fournir ladite étude. Certes, ainsi que les requérants l’ont souligné dans leurs réponses écrites aux questions écrites du Tribunal, les autorités espagnoles ont demandé, le 4 février 2011, à recevoir la liste des éléments que le consultant externe devait leur adresser, ainsi qu’à recevoir au préalable tous les éléments qui ne leur avaient pas encore été communiqués, ce qui pouvait inclure l’étude financière concernant B. Il apparaît également, dans deux des rapports produits par L., que cette dernière affirmait n’avoir pu accéder à cette étude. Toutefois, force est de constater que les requérants n’ont jamais explicitement demandé à la Commission, au cours de leurs nombreux échanges, l’accès à ce document précis.

102    Dans ces conditions, il convient de rejeter l’argument des requérants concernant une violation de leurs droits procéduraux comme étant non fondé.

103    En deuxième lieu, la Commission ne se serait fondée, dans la décision attaquée, que sur la situation de deux entreprises concurrentes, Ca. Group et B., dont l’une est une société audiovisuelle de production diversifiée et non un studio de cinéma. Ces deux sociétés ne sauraient être considérées, selon les requérants, comme étant comparables à la CDL.

104    À cet égard, premièrement, il y a lieu de constater que lesdites sociétés avaient été identifiées par les autorités espagnoles, dans leurs observations sur la décision d’ouverture, comme faisant partie des concurrents directs de la CDL, ainsi qu’il ressort du considérant 73 de la décision attaquée. En réponse à une question du Tribunal lors de l’audience, les requérants ont admis que ces deux sociétés étaient comparables à la CDL.

105    Deuxièmement, s’agissant du fait que l’une de ces deux sociétés est une société audiovisuelle de production diversifiée et non un studio de cinéma, à l’instar de la CDL, il y a lieu de souligner que la Commission a soutenu, sans que les requérants le contestent, qu’un groupe avec des actifs diversifiés, tel que Ca. Group, tendait à afficher un « facteur β » plus faible qu’une entreprise plus spécialisée comme la CDL, car la diversification de ses activités tendait à limiter sa sensibilité aux fluctuations du marché, ce qui tendrait donc à avantager les requérants en baissant le « facteur β » de la CDL.

106    Partant, les requérants n’ont pas été en mesure de démontrer l’existence d’une erreur manifeste d’appréciation de la Commission dans le choix des deux entreprises utilisées à titre de comparateurs.

107    En troisième lieu, le rapport relatif à l’entreprise Ca. Group se limiterait, selon les requérants, à signaler le « facteur β » de celle-ci, sans fournir aucune analyse concernant la méthode suivie pour parvenir à ce chiffre.

108    À cet égard, il convient de rappeler que, quand bien même la démarche méthodologique utilisée dans le rapport n’est pas précisée, ce chiffre émane d’une analyse complète de cette société réalisée par des spécialistes de l’analyse financière, ce qui n’est pas le cas des chiffres avancés par les requérants (voir, également, points 110 et 111 ci-après). Il ne peut donc être conclu à l’existence d’une erreur manifeste d’appréciation de la Commission à cet égard.

109    En quatrième lieu, les requérants font valoir que le chiffre de 1,59 retenu par la Commission est incohérent et ne saurait être logiquement fondé uniquement sur ces deux entreprises concurrentes, contrairement à ce qui ressort de la décision attaquée. Ils soulignent que, selon les chiffres du rapport L. du 19 octobre 2009, la moyenne arithmétique des « facteurs β » de Ca. Group et de B. se situe autour de 0,45, selon les ajustements réalisés. Selon les requérants, cette différence ne saurait s’expliquer que par l’inclusion des « facteurs β » des sociétés américaines T., W. et F.

110    À cet égard, il y a lieu de constater que la Commission ne s’est pas fondée sur les « facteurs β » de ces trois sociétés américaines. En effet, il ressort de l’annexe II de la décision attaquée que la Commission s’est fondée sur les « facteurs β » rapportés dans les deux études concernant Ca. Group et B. L’étude concernant Ca. Group a avancé un « facteur β » de 1,8, que la Commission a réajusté à hauteur de 1,68 pour tenir compte des différences de structure financière. L’étude concernant B., qui présente la même structure financière sans dette que la CDL, a avancé un « facteur β » de 1,5. Le chiffre de 1,59 est donc bien la moyenne arithmétique du « facteur β » réajusté de Ca. Group et du « facteur β » de B. La Commission n’a donc pas commis d’erreur manifeste d’appréciation à cet égard.

111    En cinquième lieu, les requérants observent que les données concernant l’entreprise B. datent de 2008 et ne reflètent donc pas les données disponibles au moment des décisions d’investissement.

112    S’il est vrai que les données concernant B. datent effectivement de 2008 et ne sont donc pas exactement contemporaines des décisions d’investissement dans la CDL, premièrement, il convient de souligner que la Commission a démontré de manière convaincante que les données présentées par les requérants, bien que portant sur une période contemporaine des décisions d’investissement, étaient hautement sensibles aux paramètres utilisés. En effet, les « facteurs β » utilisés par les requérants sont des « facteurs β » historiques, par ailleurs largement critiqués par la doctrine, dont P. F., ainsi qu’il ressort de l’annexe II (p. 29) de la décision attaquée. La Commission a fourni des simulations montrant des écarts de résultat importants selon la durée retenue et la périodicité des données.

113    Deuxièmement, ainsi que le souligne la Commission, un « facteur β » de 1 indique un risque moyen sur le marché. Le « facteur β » correspond à une mesure de la volatilité de la rentabilité de l’actif concerné par rapport à celle du marché. Contrairement à ce qu’affirment les requérants, le « facteur β » a donc bien à voir avec le risque de l’investissement concerné. Un « facteur β » de 0,38, tel que proposé par les requérants, indique donc un risque bien inférieur à la moyenne de l’ensemble des entreprises du marché. À cet égard, il y a lieu de rappeler que le projet CDL  est un studio de cinéma, nouvellement créé, dans une zone géographique dont aucun élément ne démontre à l’évidence la capacité à accueillir ce type d’investissement. En outre, la Commission a fourni une liste des « facteurs β » d’un nombre important d’industries tirés d’une étude de A. D., un auteur cité par les requérants. Il ressort de cette liste qu’aucune industrie ne détient un « facteur β » aussi bas que celui proposé par les requérants, à savoir 0,38. Les « facteurs β » les plus faibles sont ceux de secteurs régulés tels que l’électricité (0,7) ou l’eau (0,6). Ces chiffres de 0,6 et 0,7 sont, du reste, largement supérieurs au chiffre avancé par les requérants. Par ailleurs, des secteurs comme la « publicité », la « télévision par câble » ou les « logiciels d’ordinateur » ont des « facteurs β » compris entre 1,2 et 1,9.

114    Dans ces conditions, il y a lieu de considérer que les requérants n’ont pas avancés d’éléments susceptibles d’étayer leur argumentation sur l’existence d’une erreur manifeste d’appréciation commise par la Commission concernant l’utilisation de l’étude de 2008 portant sur B.

115    En sixième lieu, la CDL et la SPTCV remettent en cause l’ajustement à la hausse du « facteur β » que la Commission aurait effectué en raison de la localisation du projet, en particulier eu égard au fait qu’un rapport avait été commandé à une société de conseil indépendante à ce sujet.

116    À cet égard, il ressort du considérant 73 de la décision attaquée que la Commission a considéré que son approche consistant à faire une moyenne arithmétique des « facteurs β » de Ca. Group et de B. était conservatrice, dans la mesure où, d’une part, ces sociétés étaient déjà bien établies, alors que la CDL était un nouveau projet, et, d’autre part, que le projet était implanté dans une région sans producteurs internationaux ou espagnols de films. Elle en a conclu que le « facteur β » de la CDL était probablement plus élevé que celui de ses concurrents existants. Toutefois, il ne ressort aucunement de la décision attaquée que le « facteur β » retenu par la Commission pour la CDL a effectivement été ajusté à la hausse en raison de la localisation du projet. Il convient par ailleurs de souligner qu’aucun autre paramètre de l’analyse financière de la Commission n’a été modifié pour cette raison, nonobstant ses réserves, ainsi qu’elle l’a confirmé dans ses réponses écrites aux questions écrites du Tribunal. L’argument des requérants doit donc être rejeté comme étant non fondé.

117    En septième lieu, la CDL et la SPTCV soulèvent l’existence d’un défaut de motivation s’agissant de l’assertion, au considérant 77 de la décision attaquée, selon laquelle les flux de trésorerie du plan de développement révisé de 2004 semblaient inadéquatement optimistes.

118    À cet égard, il convient de constater que la Commission a précisé au considérant 77 de la décision attaquée qu’elle considérait ces projections comme étant optimistes en raison des pertes engendrées par le projet entre 2002 et 2004. Elle a également fait référence au rapport E., qui avançait un certain nombre d’arguments tendant à démontrer que les flux de trésorerie envisagés dans le plan de développement révisé de 2004 constituaient des attentes maximales. La décision de la Commission ne saurait donc être entachée, sur ce point, d’un défaut de motivation. En toute hypothèse, quand bien même la Commission jugeait ces projections de flux de trésorerie optimistes, elle ne les a pas réajustées et a donc conservé les chiffres fournis par les autorités espagnoles. Partant, il y a également lieu de rejeter ce dernier argument des requérants comme étant non fondé.

119    Eu égard à ce qui précède aux points 96 à 118 ci-dessus, il convient de rejeter l’ensemble des arguments des requérants concernant le facteur β comme étant non fondés.

 Sur l’étude de données concernant le rendement du capital investi en comparaison d’un groupe représentatif de concurrents

120    S’agissant de cette étude, présentée par la Commission en annexe I de la décision attaquée, les requérants contestent l’utilisation, en tant que comparateur, d’une liste de 45 grandes entreprises ayant des « activités de productions cinématographiques de vidéo » (NACE), dont certaines, telles que W. et T., ne sauraient être considérées, selon eux, comme ayant des tailles et profils similaires à la CDL, bien que faisant partie du même secteur d’activité. La Commission aurait dû, selon les requérants, se référer à la rentabilité de projets similaires réalisés par des concurrents directs. La CDL et la SPTCV estiment également que, n’ayant pas pu évaluer les chiffres de la Commission, la décision attaquée devrait être annulée.

121    À cet égard, en premier lieu, il convient de souligner que cette étude de données concernant le rendement du capital investi en comparaison d’un groupe représentatif de concurrents, présentée en annexe I de la décision attaquée, ne visait qu’à confirmer la fiabilité des résultats de la Commission, en comparant le coût du capital de la CDL avec le rendement du capital investi de certaines entreprises opérant dans le même secteur d’activité. La Commission pouvait donc à bon droit utiliser un panel d’entreprises n’ayant pas des tailles et profils exactement semblables à la CDL, en vue de réaliser ladite étude comparative. D’ailleurs, les requérants ne contestent pas que les entreprises concurrentes utilisées appartenaient au même secteur que la CDL. Ils ne contestent pas non plus la pertinence de la méthode utilisée par la Commission.

122    En deuxième lieu, il convient également de constater que la Commission a réalisé une étude particulièrement étoffée, en utilisant, d’une part, des données provenant de deux bases de données différentes et, d’autre part, plusieurs groupes d’entreprises, classées selon leur taille et la nature exacte de leur activité. Il ressort de l’étude que la rentabilité moyenne du capital investi pour l’ensemble de ces entreprises s’établit entre 10,1 et 13,56 %, corroborant globalement les résultats de la Commission concernant la CDL, à savoir un coût du capital de 16,66 % en 2000 et de 14,9 % en 2004.

123    En troisième lieu, s’agissant de l’argument de la CDL et de la SPTCV selon lequel, n’ayant pas eu accès aux listes exactes des sociétés utilisées dans l’étude de données concernant le rendement du capital investi en comparaison d’un groupe représentatif de concurrents, la décision attaquée devrait être annulée, il suffit de rappeler qu’il ressort de la jurisprudence que les entreprises bénéficiaires des aides ou leurs concurrents sont uniquement considérés comme étant des « intéressés » lors de la procédure administrative. Ainsi, la jurisprudence impartit essentiellement aux intéressés le rôle de sources d’information pour la Commission dans le cadre de la procédure administrative engagée au titre de l’article 88, paragraphe 2, CE. Il s’ensuit que les intéressés, loin de pouvoir se prévaloir des droits de la défense reconnus aux personnes à l’encontre desquelles une procédure est ouverte, disposent du seul droit d’être associés à la procédure administrative dans une mesure adéquate tenant compte des circonstances du cas d’espèce (arrêts du Tribunal du 25 juin 1998, British Airways e.a./Commission, T‑371/94 et T‑394/94, Rec. p. II‑2405, points 59 et 60, et WestLB, point 40 supra, point 125). En l’espèce, d’une part, il convient de rappeler que ces listes ont été utilisées dans le cadre d’une étude, présentée en annexe de la décision attaquée, visant seulement à confirmer la fiabilité des résultats de la Commission, au même titre que l’étude concernant l’évolution de la valeur actuelle nette en fonction du coût du capital, mentionnée au considérant 81 de la décision attaquée. D’autre part, il ne ressort pas du dossier que les requérants auraient soumis une demande d’accès auxdites listes à la Commission lors de la procédure administrative. Ce grief doit dès lors être rejeté.

124    Dans ces conditions, les arguments des requérants concernant cette étude de données doivent être rejetés dans leur ensemble comme étant non fondés. Partant, la deuxième branche du premier moyen doit être rejetée dans son ensemble.

c)     Sur l’absence de prise en compte par la Commission de la zone hôtelière et de service

125    La CDL et la SPTCV font valoir, à titre subsidiaire, que la Commission aurait dû prendre en considération, bien que ce ne soit pas nécessaire à la rentabilité de la CDL, le retour sur investissement additionnel créé par la zone hôtelière et de service prévue dans le plan de développement de 2000 et le plan de développement révisé de 2004. Le Royaume d’Espagne le mentionne également.

126    En premier lieu, la CDL et la SPTCV soulignent que le projet de la CDL aurait été rentable en prenant en compte la zone hôtelière et de service, même avec un coût du capital estimé à 9,58 % en 2000 et à 6,05 % en 2004. Cette analyse est soutenue, notamment, par six rapports de la société de conseil indépendante Eu., qui a estimé la valeur de chacune des parcelles. La volonté des autorités espagnoles d’inclure l’exploitation de cette zone dans le projet serait prouvée par les appels d’offres ouverts pour la concession des terrains de l’exploitation hôtelière et de la zone commerciale. Selon la CDL et la SPTCV, la Commission en était consciente, car elle aurait posée des questions additionnelles à cet égard au gouvernement espagnol le 26 aout 2009. L’obligation de prendre en compte tous les éléments d’une opération ressortirait d’ailleurs de la jurisprudence.

127    En deuxième lieu, la CDL et la SPTCV soutiennent que les six rapports de la société de conseil indépendante Eu. sont pertinents, bien que réalisés a posteriori, dans la mesure où ils se fondent sur des éléments disponibles au moment où ont été effectués les investissements. En outre, ces rapports auraient été réalisés à la demande de la Commission elle-même.

128    En troisième lieu, la CDL et la SPTCV contestent, sur la base des rapports de la société de conseil indépendante Eu., les conclusions de la Commission selon lesquelles les prix de référence indiqués seraient irréalistes. En particulier, elles font valoir, d’une part, que les prix fixés ont été dûment comparés aux publications professionnelles employées comme référence en Espagne et, d’autre part, que le projet n’est pas localisé dans une simple zone industrielle, mais dans une zone dynamique comprenant de nombreuses infrastructures et bâtiments publics.

129    La Commission rejette l’ensemble de ces arguments comme étant non fondés.

130    À cet égard, il y a lieu de souligner, d’abord, que la Commission a eu tort de considérer, dans ses écritures, que les éventuels revenus supplémentaires provenant de la zone hôtelière et de service ne devaient pas être pris en compte pour la simple raison que les terrains sur lesquels ces investissements auraient pu prendre place appartenaient déjà à la SPTCV. En effet, ces revenus additionnels sont intrinsèquement liés à la construction des studios de cinéma. Sans ces derniers, la zone hôtelière et de service perdrait une part importante de son intérêt commercial. Dans ces conditions, les autorités espagnoles pouvaient à bon droit considérer l’ensemble du complexe comme un investissement unique et inclure la zone hôtelière et de service dans sa décision d’investissement.

131    Ensuite, il y a lieu de souligner que la Commission a effectivement demandé aux autorités espagnoles, lors de la procédure administrative, de fournir des rapports estimant la valeur commerciale des parcelles, ainsi qu’il ressort de la demande d’information de la Commission du 26 août 2009.

132    Enfin, s’agissant de l’argument de la Commission selon lequel elle n’avait pas à prendre en compte, en toute hypothèse, les conclusions des rapports Eu., comme les conclusions des rapports L. concernant la rentabilité du projet dans son ensemble, pour la simple raison qu’ils auraient été réalisés postérieurement à la période d’investissement, à savoir pendant la procédure administrative, il y a lieu de constater que la Commission avance une interprétation erronée de l’arrêt de la Cour du 5 juin 2012, Commission/EDF (C‑124/10 P, non encore publié au Recueil). En effet, la Commission se fonde sur cet arrêt pour considérer que, d’une manière générale, elle n’a pas à prendre en compte les évaluations de nature économique fournies par les États membres, lorsque ces dernières ne sont pas contemporaines des décisions d’investissement concernées.

133    Or, la question soulevée dans l’arrêt Commission/EDF, point 132 supra, concernait l’applicabilité du critère de l’investisseur privé et non celle de savoir si ce critère avait été appliqué correctement par la Commission. La Cour a alors jugé, notamment, au point 85 de l’arrêt Commission/EDF, point 132 supra, que l’existence d’évaluations économiques postérieures n’était pas à même de démontrer, en l’absence de tout élément contemporain de la décision de procéder à un investissement, que l’État avait agi en sa qualité d’actionnaire et non en tant que puissance publique. Il y a donc bien lieu de dissocier, d’une part, la question de savoir si l’État membre concerné agit en sa qualité d’actionnaire ou en tant que puissance publique, et, d’autre part, la question de savoir si son comportement, en sa qualité d’actionnaire, est celui qu’aurait pu adopter un investisseur privé avisé.

134    En l’espèce, la question de savoir si le critère de l’investisseur privé est applicable ne se pose pas, eu égard, notamment, aux différents rapports commandés par les autorités espagnoles au moment des deux décisions d’investissement. D’ailleurs, la Commission n’a jamais contesté que le Royaume d’Espagne agissait en sa qualité d’actionnaire, ayant, d’ailleurs, elle-même appliqué le critère de l’investisseur privé dans la décision attaquée. Dans ces conditions, aux fins de définir si le bénéficiaire de la mesure concernée a effectivement bénéficié d’un avantage, au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, des analyses économiques complémentaires, fournies par l’État membre lors de la procédure administrative, sont susceptibles d’éclairer les éléments existants au moment de la décision d’investissement et doivent être prises en compte par la Commission.

135    En outre, il convient de constater qu’il ressort des rapports de A. et de C. que le développement d’une zone hôtelière et de service était effectivement prévue par lesdits rapports, ce qui est corroboré par l’appel d’offre lancé en 2005, quand bien même ce dernier s’est effectivement avéré infructueux. S’il est probable qu’un investisseur privé avisé n’aurait pas considéré les projets concernant la zone hôtelière et de service comme étant un élément décisif dans sa décision d’investir dans la CDL, ledit investisseur aurait pu légitimement, au vu des éléments existants, considérer cette zone comme une source crédible de revenus additionnels à même de venir en complément, le cas échéant, du complexe cinématographique. L’existence d’une offre abondante d’hôtel dans la région n’est pas à même de remettre en cause cette conclusion, contrairement à ce qu’affirme la Commission, en particulier eu égard au fait que la zone n’était pas exclusivement composée d’hôtels.

136    Toutefois, sans même qu’il soit besoin d’apprécier les réserves émises par la Commission concernant la pertinence des rapports d’expert présentés par les autorités espagnoles lors de la procédure administrative à cet égard, il y a lieu de constater que l’amélioration éventuelle de la rentabilité de l’investissement dans la CDL due à la zone hôtelière et de service n’est, en toute hypothèse, pas suffisante aux fins de l’application du critère de l’investisseur privé, ainsi que la Commission l’a souligné à juste titre dans ses écritures.

137    En effet, il ressort des chiffres avancés par les requérants que l’investissement total serait rentable pour tout coût du capital inférieur à 9,58 % en 2000 et à 6,05 % en 2004. Or, il ressort de la première et de la deuxième branche du présent moyen que les requérants n’ont pas été en mesure d’établir l’existence d’erreurs manifestes d’appréciation de la Commission concernant le calcul du coût du capital. La Commission ayant conclu à l’existence de coûts du capital supérieurs à 14 % en 2000 et 2004, l’amélioration éventuelle de la rentabilité de la CDL due à la zone hôtelière et de service n’est, en toute hypothèse, pas suffisante.

138    En outre, il convient de rejeter comme étant non fondé l’argument des requérants selon lequel la Commission n’aurait pas apprécié l’ensemble des éléments pertinents du litige en n’incluant pas les revenus complémentaires potentiels issus de la zone hôtelière et de service dans la rentabilité de la CDL. En effet, il ressort du considérant 84 et de l’annexe II de la décision attaquée que la Commission a étudié l’ensemble des éléments présentés par les requérants lors de la procédure administrative avant d’arriver à cette conclusion.

139    Dans ces conditions, la troisième branche du premier moyen doit être rejetée comme étant partiellement inopérante et partiellement non fondée. Partant, il y a lieu de rejeter le premier moyen dans son ensemble.

2.     Sur le deuxième moyen, tiré d’erreurs de droit dans l’analyse de la Commission concernant la compatibilité avec le marché intérieur du projet de la CDL en tant qu’aide régionale et en tant qu’aide culturelle

140    Le deuxième moyen des requérants comporte deux branches, tirées d’erreurs de droit et de défauts de motivation concernant l’analyse faite par la Commission de la compatibilité du projet de la CDL avec le marché intérieur au titre, d’une part, des aides régionales et, d’autre part, des aides culturelles.

a)     Sur la compatibilité au titre des aides régionales

141    En premier lieu, les requérants soutiennent que la Commission aurait dû, d’abord, déclarer compatible avec le marché intérieur 36 % du montant total du projet au titre des aides régionales, puis appliquer le critère de l’investisseur privé sur les 64 % restants. La Commission devait donc dissocier l’investissement en deux tranches. Le fait que la Commission n’a pas explicitement abordé dans la décision attaquée cet argument, pourtant avancé à plusieurs reprises par les autorités espagnoles lors de la phase administrative, serait constitutif d’un défaut de motivation.

142    En deuxième lieu, les requérants estiment que le critère selon lequel le bénéficiaire de l’aide doit contribuer au moins à hauteur de 25 % des coûts du projet pour pouvoir bénéficier d’aides régionales (ci-après le « critère de la contribution financière propre du bénéficiaire »), tiré du paragraphe 4.2. des lignes directrices de 1998 et du paragraphe 39 des lignes directrices concernant les aides d’État à finalité régionale pour la période 2007-2013 (JO 2006, C 54, p. 13, ci-après les « lignes directrices de 2006), est respecté en l’espèce. En effet, premièrement, Aguamarga a participé à hauteur de 25 % au capital social de l’entreprise lors de sa création en 2000. Le fait qu’Aguamarga soit sortie de l’actionnariat de la CDL en 2004 ne changerait en rien cet état de fait. Ils estiment, en outre, que l’argument de la Commission selon lequel l’investissement d’un gestionnaire ne saurait être pris en compte ne ressort ni des lignes directrices, ni de la jurisprudence, ni de sa pratique décisionnelle. Deuxièmement, l’investissement de la SPTCV devrait être considéré comme un financement externe aux fins du respect de ce critère de compatibilité. Les requérants estiment que la Commission aurait violé l’article 345 TFUE, la jurisprudence et les lignes directrices en refusant l’éligibilité au titre des aides régionales, eu égard au seul fait que l’investissement provenait d’un investisseur public. En outre, il ressortirait de la pratique décisionnelle de la Commission que des entreprises publiques ont bien reçu, par le passé, des aides compatibles.

143    La Commission rejette l’ensemble de ces arguments comme étant non fondés.

 Sur la nécessité de dissocier l’investissement

144    S’agissant de l’argument concernant la nécessité de dissocier l’investissement, il y a lieu de souligner que les requérants ont effectivement développé cet argument à plusieurs reprises lors de la procédure administrative. D’ailleurs, ainsi que les requérants le mentionnent à juste titre, la Commission n’avait pas exclu, au considérant 107 de la décision d’ouverture, qu’une partie de l’aide en cause soit déclarée compatible avec le marché intérieur au titre des aides régionales. La Commission n’a pas mentionné cet argument des requérants dans la décision attaquée.

145    En premier lieu, il convient de constater que les requérants confondent l’existence d’une aide au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE et sa compatibilité avec le marché intérieur au titre de l’article 107, paragraphe 3, sous a), TFUE et des lignes directrices. En effet, au regard des règles du traité, la Commission ne saurait évaluer la compatibilité avec le marché intérieur d’une aide dont l’existence n’aurait pas été établie au préalable. Dans ces conditions, pour autant que l’investissement des autorités espagnoles dans la CDL soit bien un investissement unique, la Commission était dans l’obligation, d’abord, d’analyser l’entièreté dudit investissement au regard du critère de l’investisseur privé et, ensuite, seulement en cas de constatation de l’existence d’une aide, d’apprécier sa compatibilité avec le marché intérieur.

146    À cet égard, il y a lieu de rappeler, ainsi que le souligne la Commission à juste titre, qu’analyser séparément plusieurs investissements imputables aux autorités de l’État membre concerné et destinés à un même bénéficiaire est possible lorsque ces investissements sont suffisamment dissociables (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 15 septembre 1998, BP Chemicals/Commission, T‑11/95, Rec. p. II‑3235, points 179 et 180).

147    En l’espèce, les décisions d’investissement de 2000 et de 2004 font partie du même processus d’investissement, dans la mesure où la deuxième décision portait sur la question de savoir s’il fallait continuer à investir dans le projet au regard du plan de développement révisé de 2004. Par ailleurs, les requérants n’ont à aucun moment, lors des phases administratives et judiciaires, souligné la nécessité de séparer ces deux décisions d’investissement. Elles n’ont pas non plus proposé de dissocier les 450 000 euros d’investissements initiaux de l’ensemble des investissements postérieurs.

148    Dans ces conditions, la Commission a correctement procédé à une analyse en deux étapes, en étudiant d’abord l’existence d’une aide, puis sa compatibilité avec le marché intérieur. Il n’y avait donc pas lieu d’appliquer le critère de l’investisseur privé pour 64 % du montant total de l’investissement de la SPTCV dans la CDL, contrairement à ce que soutiennent les requérants.

149    En deuxième lieu, s’agissant de la question de la motivation, il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, la motivation exigée par l’article 296 TFUE doit être adaptée à la nature de l’acte en cause et doit faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de l’institution, auteur de l’acte, de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise et à la juridiction compétente d’exercer son contrôle. L’exigence de motivation doit être appréciée en fonction des circonstances de l’espèce, notamment du contenu de l’acte, de la nature des motifs invoqués et de l’intérêt que les destinataires ou d’autres personnes concernées directement et individuellement par l’acte peuvent avoir à recevoir des explications. Il n’est pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, dans la mesure où la question de savoir si la motivation d’un acte satisfait aux exigences de l’article 296 TFUE doit être appréciée au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée (voir arrêt de la Cour du 2 avril 1998, Commission/Sytraval et Brink’s France, C‑367/95 P, Rec. p. I‑1719, point 63, et la jurisprudence citée).

150    En l’espèce, il convient de rappeler que la Commission n’a pas fait référence à l’argument des requérants concernant la nécessité de dissocier l’investissement dans la décision attaquée.

151    Toutefois, la Commission n’est pas tenue d’écarter chacun des arguments invoqués. Il lui suffit d’exposer les faits et les considérations juridiques revêtant une importance essentielle dans l’économie de la décision (arrêts de la Cour du 11 janvier 2007, Technische Glaswerke Ilmenau/Commission, C‑404/04 P, point 30, et du 1er juillet 2008, Chronopost et La Poste/UFEX e.a., C‑341/06 P et C‑342/06 P, Rec. p. I‑4777, point 96). Dans la mesure où cet argument est fondé sur une méconnaissance manifeste des règles du traité en matière d’aide d’État, il doit être considéré que la question soulevée par les autorités espagnoles lors de la phase administrative fait partie des éléments que la Commission n’avait pas nécessairement besoin d’aborder dans la décision attaquée, au regard de ses obligations tirées de l’article 296 TFUE.

 Sur le respect du critère de la contribution financière propre du bénéficiaire

152    S’agissant de l’argument des requérants concernant le respect du critère de la contribution financière propre du bénéficiaire, il ressort du point 4.2 des lignes directrices de 1998, comme du paragraphe 39 des lignes directrices de 2006, que, afin que l’investissement soit viable, soit fondé sur des bases saines et respecte les plafonds d’aides applicables, le bénéficiaire doit apporter une contribution financière d’au moins 25 % des coûts admissibles, soit au travers de ses ressources personnelles, soit par financement extérieur sous une forme qui ne fasse l’objet d’aucune aide publique. La note en bas de page n° 20 des lignes directrices de 1998 et la note en bas de page n° 42 des lignes directrices de 2006 précisent que ne pourront pas être acceptés, en vue de la satisfaction de ce critère, par exemple, des prêts bonifiés, des prêts participatifs publics ou des participations publiques qui ne répondent pas au critère de l’investisseur privé en économie de marché, des garanties publiques contenant des éléments d’aide ni des aides publiques accordées dans le cadre de la règle de minimis.

153    En l’espèce, en premier lieu, s’agissant de l’investissement d’Aguamarga, il ressort des considérants 16, 17 et 21 de la décision attaquée que cette société est une société privée chargée de la réalisation de certains travaux de construction, ainsi que de la promotion de la CDL et de la gestion des studios. Aguamarga a investi à hauteur de 25 % du capital initial en 2000, pour un montant de 150 000 euros. Après plusieurs augmentations de capital auxquelles elle n’a pas souscrit, Aguamarga a revendu sa participation de 0,2 % de la CDL à la SPTCV, pour un montant de 139 059 euros, en juillet 2004. Aguamarga a, en revanche, conservé la gestion de la CDL en tant que mandataire, moyennant le versement d’une rémunération, conformément à son contrat de gestion pluriannuel.

154    Il ressort du considérant 97 de la décision attaquée que la Commission a considéré que l’investissement d’Aguamarga ne pouvait répondre au critère de 25 % de contribution financière propre du bénéficiaire. Elle a souligné, notamment, qu’Aguamarga était la société chargée de la gestion du projet, en contrepartie du versement d’honoraires, et qu’elle n’avait consenti aucun autre investissement dans le projet que son investissement initial, contrairement à l’investisseur public.

155    À cet égard, il y a lieu de souligner que, dès novembre 2001, c’est-à-dire un an après la création de la CDL, la participation d’Aguamarga ne représentait déjà plus que 1,6 % du capital social, à la suite de l’augmentation de capital de 9 millions d’euros entièrement souscrite par la SPTCV. Certes, ainsi que le soutiennent les requérants, le fait qu’Aguamarga soit concomitamment actionnaire et prestataire de service, à l’origine, n’empêche pas, en soi, de prendre en compte son investissement aux fins de la satisfaction du critère de la contribution financière propre du bénéficiaire. Toutefois, si l’investissement d’Aguamarga représentait 25 % du capital social initial, l’investissement prévu, à cette date, s’élevait déjà à hauteur de 101,7 millions d’euros, ainsi qu’il ressort du considérant 25 de la décision attaquée. Alors qu’Aguamarga n’a jamais participé à aucun investissement ultérieur, l’investissement total dans la CDL s’est élevé, en définitive, à 274 millions d’euros.

156    Il ressort du point 152 ci-dessus que le critère de la contribution financière propre du bénéficiaire est nécessaire pour garantir la viabilité des investissements subventionnés avec l’aide régionale, c’est-à-dire qu’il vise, en substance, à s’assurer que l’investissement procède d’une certaine rationalité économique. Au vu des circonstances de l’espèce, il y a lieu de considérer que la Commission n’a pas commis d’erreur manifeste d’appréciation en considérant que l’investissement d’Aguamarga n’était pas susceptible de donner cette assurance.

157    En deuxième lieu, s’agissant de la question de savoir si l’investissement de la SPTCV devait être considéré comme un financement externe aux fins du respect du critère de la contribution financière propre du bénéficiaire, les lignes directrices de 1998 et de 2006 posent explicitement le principe selon lequel cet apport doit être exempt d’éléments d’aide.

158    Or, en l’espèce, il a été constaté dans le cadre du premier moyen que les requérants n’avaientt pas été en mesure de démontrer l’existence d’une erreur manifeste d’appréciation dans l’analyse de la Commission concluant à l’existence d’une aide. Ce n’est donc pas en raison du seul fait que l’investissement concerné provenait d’un investisseur public, contrairement à ce qu’affirment les requérants, mais bien parce que cet investissement public était constitutif d’une aide d’État, au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, que l’investissement de la SPTCV ne pouvait être pris en compte aux fins de la satisfaction du critère de la contribution propre du bénéficiaire. S’agissant des références des requérantes à la pratique décisionnelle de la Commission, il suffit de rappeler, ainsi qu’il a déjà été mentionné au point 46 ci-dessus, que la pratique décisionnelle de la Commission concernant d’autres affaires ne saurait affecter la légalité de la décision attaquée, qui ne peut s’apprécier qu’au regard des règles du traité (voir arrêt de la Cour du 20 mai 2010, Todaro Nunziatina & C., C‑138/09, Rec p. I‑4561, point 21).

159    Dans ces conditions, il convient de rejeter l’ensemble des arguments des requérants concernant le respect du critère de la contribution financière propre du bénéficiaire. Partant, la première branche du deuxième moyen doit être rejetée dans son ensemble comme étant non fondée.

b)     Sur la compatibilité au titre des aides culturelles

160    En premier lieu, les requérants avancent, en substance, un défaut de motivation concernant tant l’analyse par la Commission du caractère culturel de l’aide que son analyse des critères de proportionnalité, d’adéquation et de nécessité. En deuxième lieu, les requérants se fondent notamment sur la pratique antérieure de la Commission pour conclure au caractère erroné de l’analyse de cette dernière concernant le contenu culturel de la mesure concernée. En troisième lieu, les requérants contestent la compétence de la Commission, ainsi que le fond de son analyse, s’agissant du critère de proportionnalité. En quatrième lieu, les requérants soutiennent que le centre d’étude, au minimum, aurait dû être considéré comme étant éligible au titre des aides culturelles.

161    La Commission rejette l’ensemble des arguments des requérants comme étant non fondés.

162    En premier lieu, les requérants soulève l’existence d’un défaut de motivation de la décision attaquée concernant, premièrement, le contenu culturel de la mesure en cause.

163    À cet égard, il ressort du considérant 110 de la décision attaquée que la Commission a considéré, d’abord, que les arguments présentés par les autorités espagnoles lors de la procédure administrative n’étaient pas susceptibles de remettre en cause la conclusion avancée dans la décision d’ouverture selon laquelle la dérogation culturelle ne pouvait être appliquée, en l’espèce, à la construction et au fonctionnement d’un complexe de studios cinématographiques nouvellement construit et de grande taille. La Commission en a déduit que l’aide à la CDL ne pouvait être déclarée compatible au titre de la communication de la Commission au Conseil, au Parlement européen, au Comité économique et social et au Comité des régions concernant certains aspects juridiques liés aux œuvres cinématographiques et autres œuvres audiovisuelles (JO 2002, C 43, p. 6, ci-après la « communication sur le cinéma »).

164    Aux considérants 110, 111 et 113 de la décision d’ouverture, la Commission a considéré que le projet de la CDL ne visait pas la conservation du patrimoine. Elle a souligné que tout type de contenu audiovisuel, même des publicités, pouvait y être développé. Dans ces conditions, il ne semblait pas possible de considérer que la CDL visait à promouvoir la culture européenne. Elle a également souligné que les autorités espagnoles, à ce stade, n’avaient fourni aucun élément à même de démontrer que les films tournés à la CDL avaient été sujets à des critères culturels vérifiables définis au préalable. Tous les éléments tendaient donc à démontrer que la CDL choisissait ses films sur une base purement commerciale.

165    Ensuite, au considérant 111 de la décision attaquée, la Commission a précisé que l’article 107, paragraphe 3, sous d), TFUE, qui peut s’appliquer, le cas échéant, aux financements exclus par la communication sur le cinéma, ne pouvait s’appliquer en l’espèce, dans la mesure où, d’une part, la mesure concernée aurait dû viser la réalisation d’un objectif culturel et, d’autre part, elle n’était ni nécessaire, ni proportionnelle, ni appropriée.

166    Il ressort de ce qui précède que les requérants ont eu connaissance, de façon claire et non équivoque, du raisonnement de la Commission, au sens de la jurisprudence. Il convient également de rappeler que la Commission n’est pas tenue d’écarter chacun des arguments invoqués au cours de la procédure administrative (voir point 151 ci-dessus). Dans la mesure où la Commission a considéré qu’aucun élément supplémentaire convaincant n’avait été porté à sa connaissance lors de la procédure formelle d’examen, cette dernière pouvait à bon droit, au considérant 110 de la décision attaquée, se contenter de renvoyer à la conclusion préliminaire de la décision d’ouverture, sans violer, en l’espèce, son obligation de motivation. Enfin, il convient de constater, au regard des écritures des requérants et des points 171 à 175 ci-après, que ces derniers ont été à même de pleinement contester la légalité de la décision attaquée sur ce point.

167    Deuxièmement, s’agissant de la motivation concernant les critères de proportionnalité, d’adéquation et de nécessité, la Commission, au considérant 111 de la décision attaquée, a explicitement renvoyé à son analyse desdits critères, au considérant 107 de la décision attaquée, développée dans son analyse de compatibilité de l’aide avec le marché intérieur au titre de l’article 107, paragraphe 3, sous c), TFEU.

168    Aux considérants 103 à 106 de la décision attaquée, la Commission a souligné qu’il existait un marché hautement concurrentiel sur lequel intervenait une série de grands studios cinématographiques européens et non européens. En conséquence, il n’existerait aucun élément probant démontrant une défaillance du marché sur la base d’une insuffisance de l’offre. Sur le marché de la production locale, le fait que les producteurs de la région de Valence ne disposent pas de telles infrastructures ne créerait pas pour autant une défaillance de marché. Le fait de considérer que la CDL compenserait une défaillance du marché en ce qui concerne la production locale de films en Espagne irait, d’ailleurs, à l’encontre de l’objectif déclaré par les autorités espagnoles, à savoir concurrencer les grands studios internationaux. La Commission souligne également que le rapport C. de 2004 estimait que les studios locaux n’étaient que des concurrents « indirects », tandis que la CDL serait en concurrence pour attirer les grandes productions cinématographiques. Bien que les producteurs de cinéma espagnols aient signalé certains avantages en termes de coûts potentiellement générés par la CDL, ils n’ont pas soutenu que l’existence de studios locaux présentant de telles caractéristiques s’avérait essentielle pour la production cinématographique locale. Dans ces conditions, la Commission a conclu à l’absence de défaillance de marché.

169    Il ressort du considérant 107 de la décision attaquée, d’abord, que, dans la mesure où il n’y avait pas de défaillance de marché bien définie en l’espèce, ainsi qu’il ressortait des considérants 103 à 106 de la décision attaquée, il ne pouvait pas davantage y avoir de mesure adéquate et proportionnelle pour combler cette défaillance. Ensuite, la Commission a constaté que les autorités espagnoles n’avaient fourni aucun élément de comparaison avec d’autres mesures d’effet équivalent à même de promouvoir la production locale, si tel était bien l’objectif.

170    Dans ces conditions, il y a lieu de considérer que la Commission a respecté ses obligations quant à la motivation de la décision attaquée, s’agissant tant du contenu culturel de la mesure concernée que des critères de proportionnalité, d’adéquation et de nécessité.

171    En deuxième lieu, sur le fond, les requérants contestent tant l’analyse faite par la Commission du contenu culturel que son appréciation des critères de proportionnalité, d’adéquation et de nécessité.

172    Premièrement, s’agissant de l’appréciation par la Commission du contenu culturel de la mesure concernée, les requérants font plusieurs parallèles avec certaines décisions antérieures de la Commission, dans le but de démontrer que la CDL aurait dû bénéficier de la dérogation culturelle, dans la mesure où il n’existait pas d’infrastructure similaire en Espagne.

173    À cet égard, il a déjà été rappelé, au point 158 ci-dessus, que la légalité de la décision attaquée ne saurait être appréciée en fonction de décisions antérieures de la Commission.

174    En toute hypothèse, il ressort du point 2.3, sous b), 1) de la communication sur le cinéma que l’aide doit viser un produit culturel et que chaque État membre doit édicter des critères nationaux vérifiables à cet égard.

175    Or, les requérants n’ont pas été en mesure, lors des phases administratives et judiciaires, de démontrer l’existence et l’application en l’espèce de tels critères. Le premier des quatre critères de compatibilité édictés par la communication sur le cinéma n’était donc pas satisfait en l’espèce. En outre, les requérants n’ont apporté aucun élément probant à même de remettre en cause la conclusion de la Commission selon laquelle la CDL suivait une logique exclusivement commerciale. Leurs arguments, en substance, se sont limités à faire valoir que les films avaient intrinsèquement, en tout état de cause, une valeur culturelle.

176    En outre, contrairement à ce qu’affirme la Commission, sa conclusion dans la présente affaire n’implique pas qu’aucune infrastructure culturelle ne pourrait être déclarée compatible avec le marché intérieur, ce qui ne ressort d’ailleurs aucunement de la décision attaquée, mais que le projet de la CDL, en l’espèce, ne pouvait être déclaré compatible avec le marché intérieur au titre de la communication sur le cinéma ou, plus largement, de l’article 107, paragraphe 3, sous d), TFUE.

177    Partant, il convient de confirmer l’appréciation de la Commission s’agissant du contenu culturel de la mesure concernée.

178    Deuxièmement, s’agissant de l’appréciation de la Commission selon laquelle la mesure concernée n’était ni nécessaire, ni proportionnelle, ni appropriée, il ressort de la jurisprudence que, afin qu’une aide puisse bénéficier d’une des dérogations prévues à l’article 107, paragraphe 3, TFUE, l’aide doit non seulement être conforme à l’un des objectifs visés par l’article 107, paragraphe 3, sous a), b), c) ou d), TFUE, mais elle doit également être nécessaire pour atteindre ces objectifs (arrêt de la Cour du 17 septembre 1980, Philip Morris Holland/Commission, 730/79, Rec. p. 2671, point 17).

179    S’agissant de l’argument des requérants selon lequel la Commission aurait outrepassé ses compétences en considérant que la mesure concernée ne respectait pas le critère de proportionnalité, il convient de rappeler qu’il appartient à la Commission, dans le respect des règles du traité, d’apprécier la compatibilité d’une aide avec le marché intérieur au titre de l’article 107, paragraphe 3, TFUE.

180    En l’espèce, la Commission a renvoyé, au considérant 111 de la décision attaquée, à son application du critère de proportionnalité effectuée dans le cadre de son appréciation de la compatibilité au titre des aides sectorielles. Dans ce contexte, ainsi qu’il a été mentionné au point 169 ci-dessus, elle a estimé qu’il ne pouvait pas y avoir de mesure proportionnelle à même de combler une défaillance de marché inexistante. Cette appréciation doit être confirmée dans le cadre d’une mesure ne visant pas à supporter la production d’un bien culturel (voir points 173 à 177 ci-dessus). Dans ces conditions, contrairement à ce qu’affirment les requérants, il ne saurait être conclu du simple fait qu’une infrastructure semblable aux studios de la CDL n’existait pas en Espagne, au moment des décisions d’investissement de 2000 et de 2004, que la Commission, en concluant à l’absence de caractère proportionnel de la mesure en cause, aurait excédé sa compétence, conférée par l’article 107, paragraphe 3, TFUE, ou aurait commis, à cet égard, une erreur manifeste d’appréciation.

181    En troisième lieu , s’agissant de la question de savoir si la Commission aurait dû dissocier le centre d’étude des autres composantes du projet aux fins de l’appréciation de l’exemption au titre des aides culturelles, il ressort d’une jurisprudence constante que, lorsque la Commission décide d’ouvrir une procédure formelle d’examen, il revient à l’État membre et au bénéficiaire potentiel d’une aide nouvelle d’apporter à la Commission les éléments de nature à démontrer que cette aide est compatible avec le marché intérieur (arrêt de la Cour du 16 décembre 2010, AceaElectrabel Produzione/Commission, C‑480/09 P, Rec. p. I‑13355, point 99).

182    Or, en l’espèce, force est de constater que cet argument n’a pas été avancé lors de la procédure formelle d’examen, ce qui n’est d’ailleurs pas contesté par les requérants. En outre, il convient de souligner que la durée de l’instruction de l’affaire ou le nombre de demandes d’information adressées par la Commission aux États membres a largement permis aux requérants d’avancer ledit argument. L’argument des requérants concernant le centre d’étude doit donc être rejeté comme étant non fondé.

183    Eu égard à ce qui précède (points 162 à 182 ci-dessus), il y a lieu de rejeter le deuxième moyen des requérants dans son ensemble comme étant non fondé.

3.     Sur le troisième moyen, concernant des erreurs de droit et une absence de motivation s’agissant des incitations octroyées aux sociétés de production

184    En premier lieu, les requérants soulèvent un défaut de motivation concernant tant le raisonnement de la Commission que l’identification des mesures. Ils estiment, en outre, que la décision attaquée, sur ce point, doit être déclarée inexistante, eu égard à l’ampleur des irrégularités commises par la Commission. En deuxième lieu, ils soulignent que, au cas où la décision attaquée porterait sur les contrats de parrainage que la CDL octroie aux sociétés de production, ces derniers, qui ne constituent pas des aides et, en toute hypothèse, remplissent les conditions de la communication sur le cinéma, sont donc compatibles avec l’article 107, paragraphe 3, sous d), TFUE.

185    La Commission estime que les arguments des requérants sont non fondés. S’agissant de la recevabilité, elle estime le troisième moyen de la CDL irrecevable, dans la mesure où ce moyen se réfère à des éléments de la décision qui ne la concernent pas directement et individuellement, et qui ne produisent pas d’effets juridiques dans sa sphère d’activité.

186    Il ressort du considérant 112 de la décision attaquée que la Commission a approuvé un régime d’aide à la production cinématographique à destination des petites et moyennes entreprises dans la Communauté autonome de Valence en décembre 2008 [décision C (2008) 8648 de la Commission, du 15 décembre 2008 (Espagne – Régime d’aide pour la production audiovisuelle pour les petites et moyennes entreprises, Aide d’État 309/2008)].

187    Il ressort des éléments du dossier que la Commission a également autorisé deux autres régimes d’aides à la production cinématographique dans la Communauté autonome de Valence, en avril 2008 [décision C (2008) 1104 final de la Commission, du 2 avril 2008 (Aides pour l’amortissement des coûts de production des longs métrages de Valence, Aide d’État 379/2007)], puis en juillet 2009 [décision C (2009) 6137 de la Commission, du 30 juillet 2009 (Espagne – Aide aux productions de longs métrages de Valence, Aide d’État 108/2009)].

188    La Commission a considéré, dans la décision attaquée, que toute subvention octroyée avant décembre 2008 par la Communauté autonome de Valence aux sociétés de production, sous réserve de filmer à la CDL, était constitutive d’une aide d’État illégale. Elle a précisé que ces aides devaient être déclarées incompatibles avec le marché intérieur, car elles ne respectaient pas le quatrième critère de compatibilité de la communication sur le cinéma, à savoir l’interdiction d’octroyer des aides à des activités de production spécifiques.

189    À cet égard, d’abord, il convient de souligner qu’il ressort sans ambiguïté des considérants 26 à 39 de la décision d’ouverture que la Commission s’interrogeait non seulement sur les subventions octroyées par la Communauté autonome de Valence aux sociétés de production, sous réserve de filmer à la CDL, mais aussi sur les rabais et contrats de parrainage offerts par la CDL elle-même. La décision attaquée ne faisant référence qu’aux subventions octroyées par la Communauté autonome de Valence, les incitations offertes par la CDL n’étaient, en conséquence, pas concernées. La nature des mesures touchées par la prohibition édictée par la Commission, au considérant 112 de la décision attaquée, ne faisait donc pas de doutes, contrairement à ce que soutiennent les requérants.

190    Ensuite, s’agissant du caractère d’aide d’État de ces mesures au regard du traité, il convient de constater qu’il s’agit de subventions directes aux sociétés de production. Ces subventions directes aux sociétés de production ont, en outre, fait l’objet de plusieurs décisions de compatibilité de la Commission par lesquelles elle a confirmé leur nature d’aide (voir points 186 et 187 ci-dessus). Dans ces conditions, eu égard au contexte de la décision attaquée, il doit être considéré que la décision attaquée est suffisamment motivée et que le caractère d’aide d’État, au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, ne faisait pas de doute.

191    Enfin, s’agissant, de la compatibilité de ces mesures au titre de la communication sur le cinéma, la Commission a clairement explicité la raison pour laquelle ces mesures devaient être déclarées incompatibles, à savoir le non-respect du quatrième critère de compatibilité de la communication sur le cinéma, ainsi qu’il ressort du considérant 112 de la décision attaquée. En outre, ainsi qu’il a été mentionné au point 175 ci-dessus, le quatrième critère de la communication sur le cinéma interdit toute aide visant une activité spécifique de production, ce qui, in fine, interdit de conditionner une aide au tournage dans un studio spécifique tel que la CDL. La décision est donc, sur ce point également, correctement motivée et étayée.

192    Eu égard à ce qui précède (points 184 à 191 ci-dessus), il y a lieu de rejeter l’ensemble des arguments des requérants concernant les aides aux sociétés de production comme étant non fondés. Il convient donc également de rejeter le troisième moyen comme non fondé. Dans ces conditions, il n’est pas nécessaire de statuer sur la recevabilité de ce moyen (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 26 février 2002, Conseil/Boehringer, C‑23/00 P, Rec. p. I‑1873, point 52).

193    En conséquence, les recours doivent être rejetés dans leur ensemble.

 Sur les dépens

194    Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Les requérants ayant succombé, il y a lieu de les condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la Commission.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (septième chambre)

déclare et arrête :

1)      Les recours sont rejetés.

2)      La Ciudad de la Luz, SA, la Sociedad Proyectos Temáticos de la Comunidad Valenciana, SA et le Royaume d’Espagne supporteront, outre leurs propres dépens, ceux de la Commission européenne.

van der Woude

Wiszniewska-Białecka

Ulloa Rubio

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 3 juillet 2014.

Signatures

Table des matières


Faits à l’origine du litige

Description du projet Ciudad de la Luz

Procédure administrative

Décision attaquée

Procédure et conclusion des parties

En droit

A –  Sur la recevabilité

B –  Sur le fond

1.  Sur le premier moyen, tiré d’erreurs de droit et d’erreurs manifestes d’appréciation dans l’application du critère de l’investisseur privé

a)  Sur la méthodologie utilisée par la Commission

Sur le seuil de rentabilité à atteindre aux fins de l’application du critère de l’investisseur privé

–  Sur le taux de rendement moyen du secteur et la jurisprudence en matière d’application du critère de l’investisseur privé

–  Sur la méthodologie utilisée dans la décision attaquée

Sur la marge d’appréciation du Royaume d’Espagne

b)  Sur l’utilisation par la Commission de paramètres erronés dans la décision attaquée

Au sujet de la prime de risque du marché

Au sujet du choix du « facteur β »

Sur l’étude de données concernant le rendement du capital investi en comparaison d’un groupe représentatif de concurrents

c)  Sur l’absence de prise en compte par la Commission de la zone hôtelière et de service

2.  Sur le deuxième moyen, tiré d’erreurs de droit dans l’analyse de la Commission concernant la compatibilité avec le marché intérieur du projet de la CDL en tant qu’aide régionale et en tant qu’aide culturelle

a)  Sur la compatibilité au titre des aides régionales

Sur la nécessité de dissocier l’investissement

Sur le respect du critère de la contribution financière propre du bénéficiaire

b)  Sur la compatibilité au titre des aides culturelles

3.  Sur le troisième moyen, concernant des erreurs de droit et une absence de motivation s’agissant des incitations octroyées aux sociétés de production

Sur les dépens


* Langue de procédure : l’espagnol.