Language of document : ECLI:EU:C:2014:2433

ARRÊT DE LA COUR (dixième chambre)

11 décembre 2014 (*)

«Manquement d’État – Environnement – Directive 1999/31/CE – Articles 6, sous a), 8, 9, sous a) à c), 11, paragraphe 1, et 12 – Directive 2008/98/CE – Articles 13, 23 et 36, paragraphe 1 – Gestion des déchets – Mise en décharge des déchets – Absence d’autorisation de décharge valide – Dysfonctionnements dans l’exploitation de la décharge»

Dans l’affaire C‑677/13,

ayant pour objet un recours en manquement au titre de l’article 258 TFUE, introduit le 18 décembre 2013,

Commission européenne, représentée par Mmes M. Patakia et E. Sanfrutos-Cano, en qualité d’agents, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie requérante,

contre

République hellénique, représentée par Mme E. Skandalou, en qualité d’agent, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie défenderesse,

LA COUR (dixième chambre),

composée de M. C. Vajda (rapporteur), président de chambre, MM. E. Juhász et D. Šváby, juges,

avocat général: M. M. Szpunar,

greffier: M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1        Par sa requête, la Commission européenne demande à la Cour de constater que, en ce qui concerne le site de mise en décharge de Kiato (Grèce):

–        en ne prenant pas les mesures nécessaires pour que la gestion des déchets sur le site en question se fasse sans mettre en danger la santé humaine et sans nuire à l’environnement, et pour interdire l’abandon, le rejet ou l’élimination incontrôlée des déchets du site en question;

–        en tolérant l’exploitation de ce site sans clauses environnementales ni autorisation valide respectant les conditions et le contenu prévus pour l’octroi d’une telle autorisation et, par conséquent, en ne garantissant pas que seuls les déchets déjà traités soient mis en décharge et sans que le détenteur des déchets ou l’exploitant du site puisse prouver, avant la livraison des déchets en question ou au moment de celle-ci, que lesdits déchets peuvent être admis dans le site conformément aux conditions définies dans l’autorisation et qu’ils répondent aux critères d’admission fixés à l’annexe II de la directive 1999/31/CE du Conseil, du 26 avril 1999, concernant la mise en décharge des déchets (JO L 182, p. 1), et

–        en ne veillant pas à ce que les procédures de contrôle et de surveillance pendant la phase d’exploitation satisfassent aux exigences légales minimales,

la République hellénique a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des articles 6, sous a), 8, 9, sous a) à c), 11, paragraphe 1, et 12 de la directive 1999/31 ainsi que des articles 13, 23 et 36, paragraphe 1, de la directive 2008/98/CE du Parlement européen et du Conseil, du 19 novembre 2008, relative aux déchets et abrogeant certaines directives (JO L 312, p. 3).

 Le cadre juridique

 Le droit de l’Union

 La directive 1999/31

2        Selon l’article 1er, paragraphe 1, de la directive 1999/31, celle-ci a pour objet, par des exigences techniques et opérationnelles strictes applicables aux déchets et aux décharges, de prévoir des mesures, des procédures et des orientations visant à prévenir ou à réduire autant que possible les effets négatifs de la mise en décharge des déchets sur l’environnement, et notamment la pollution des eaux de surface, des eaux souterraines, du sol et de l’air, et sur l’environnement de la planète, y compris l’effet de serre, ainsi que les risques qui en résultent pour la santé humaine, pendant toute la durée de vie de la décharge.

3        L’article 2 de cette directive, intitulé «Définitions», est libellé comme suit:

«Aux fins de la présente directive, on entend par:

[...]

h)      traitement, les processus physiques, thermiques, chimiques ou biologiques, y compris le tri, qui modifient les caractéristiques des déchets de manière à en réduire le volume ou le caractère dangereux, à en faciliter la manipulation ou à en favoriser la valorisation;

[...]»

4        L’article 6 de ladite directive, intitulé «Déchets admis dans les différentes catégories de décharges», prévoit:

«Les États membres prennent des mesures pour que:

a)      seuls les déchets déjà traités soient mis en décharge. Cette disposition ne peut s’appliquer aux déchets inertes pour lesquels un traitement n’est pas réalisable techniquement ou à tous autres déchets pour lesquels un tel traitement ne contribue pas à la réalisation des objectifs de la présente directive, fixés à l’article 1er, par une réduction des quantités de déchets ou des risques pour la santé humaine ou l’environnement;

[...]»

5        L’article 8 de la même directive, intitulé «Conditions d’autorisation», dispose:

«Les États membres prennent des mesures pour que:

a)      une autorisation de décharge ne soit délivrée par l’autorité compétente que si les conditions suivantes sont réunies:

i)      sans préjudice de l’article 3, paragraphes 4 et 5, le projet de décharge est conforme à toutes les exigences pertinentes de la présente directive, y compris ses annexes;

ii)      la gestion du site de mise en décharge est confiée à une personne physique techniquement compétente pour gérer le site; la formation professionnelle et technique des exploitants et du personnel de la décharge est assurée;

iii)      l’exploitation de la décharge comporte les mesures nécessaires pour éviter les accidents et en limiter les conséquences;

iv)      avant le début des opérations de dépôt, le demandeur a pris ou prendra les dispositions appropriées, sous forme d’une garantie financière ou par tout moyen équivalent, selon des modalités à arrêter par les États membres, pour faire en sorte que les obligations (y compris les dispositions relatives à la gestion après désaffectation) contractées au titre de l’autorisation délivrée conformément aux dispositions de la présente directive soient exécutées et que les procédures de désaffectation requises par l’article 13 soient suivies. Cette garantie, ou son équivalent, sera maintenue aussi longtemps que l’exigeront les opérations d’entretien et de gestion du site désaffecté, conformément à l’article 13, point d). Les États membres peuvent, à leur choix, déclarer que le présent point ne s’applique pas aux décharges pour déchets inertes;

b)      le projet de décharge soit conforme au plan ou aux plans pertinents de gestion des déchets visés à l’article 7 de la directive 75/442/CEE [du Conseil, du 15 juillet 1975, relative aux déchets (JO L 194, p. 39)];

c)      avant le début des opérations d’élimination, l’autorité compétente inspecte le site pour s’assurer qu’il est conforme aux conditions fixées en la matière par l’autorisation, ce qui ne diminue en rien la responsabilité de l’exploitant en vertu de l’autorisation.»

6        Aux termes de l’article 9 de la directive 1999/31, intitulé «Contenu de l’autorisation»:

«En vue d’expliciter et de compléter les dispositions de l’article 9 de la directive [75/442] et de l’article 9 de la directive 96/61/CE [du Conseil, du 24 septembre 1996, relative à la prévention et à la réduction intégrées de la pollution (JO L 257, p. 26)], l’autorisation de décharge contient au moins les indications suivantes:

a)      la catégorie de la décharge;

b)      la liste des types définis et la quantité totale de déchets dont le dépôt dans la décharge est autorisé;

c)      les exigences auxquelles doivent répondre la préparation de la décharge, les opérations de mise en décharge et les procédures de surveillance et de contrôle, y compris les plans d’intervention [annexe III, point 4, B], ainsi que les exigences provisoires concernant les opérations de désaffectation du site et de gestion après désaffectation;

[...]»

7        L’article 11, paragraphe 1, de cette directive, intitulé «Procédure d’admission des déchets», est libellé comme suit:

«Les États membres prennent les mesures nécessaires pour que, avant l’admission des déchets sur le site de décharge:

a)      le détenteur ou l’exploitant, avant la livraison ou au moment de celle-ci, ou lors de la première d’une série de livraisons d’un même type de déchets, puisse prouver, au moyen de la documentation appropriée, que les déchets en question peuvent être admis dans le site conformément aux conditions définies dans l’autorisation et qu’ils répondent aux critères d’admission fixés à l’annexe II;

[...]»

8        L’article 12 de ladite directive, intitulé «Procédures de contrôle et de surveillance en phase d’exploitation», dispose:

«Les États membres veillent à ce que, pendant la phase d’exploitation, les procédures de contrôle et de surveillance satisfassent au moins aux exigences ci-après:

a)      pendant la phase d’exploitation d’une décharge, l’exploitant met en œuvre le programme de contrôle et de surveillance spécifié à l’annexe III;

b)      l’exploitant notifie à l’autorité compétente les effets néfastes sur l’environnement révélés par les procédures de contrôle et de surveillance et se conforme à la décision de l’autorité compétente concernant la nature et le calendrier des mesures correctives à prendre. La mise en œuvre de ces mesures est à la charge de l’exploitant.

Selon une fréquence fixée par l’autorité compétente et en tout cas au moins une fois par an, l’exploitant, sur la base de données agrégées, communique aux autorités compétentes tous les résultats des procédures de surveillance dans le but de démontrer le respect des conditions de l’autorisation et d’accroître les connaissances concernant le comportement des déchets dans les décharges;

c)      le contrôle de qualité des opérations d’analyse effectuées dans le cadre des procédures de contrôle et de surveillance et/ou des analyses visées à l’article 11, point 1 b), est réalisé par des laboratoires compétents.»

9        Le point 3 de l’annexe III de la directive 1999/31 établit, notamment, une obligation de contrôle mensuel des rejets de gaz, qui doit être représentatif de chaque section de la décharge.

 La directive 2008/98

10      Selon l’article 1er de la directive 2008/98, celle-ci établit des mesures visant à protéger l’environnement et la santé humaine par la prévention ou la réduction des effets nocifs de la production et de la gestion des déchets et par une réduction des incidences globales de l’utilisation des ressources et une amélioration de l’efficacité de cette utilisation.

11      L’article 13 de cette directive, intitulé «Protection de la santé humaine et de l’environnement», dispose:

«Les États membres prennent les mesures nécessaires pour assurer que la gestion des déchets se fait sans mettre en danger la santé humaine et sans nuire à l’environnement, et notamment:

a)      sans créer de risque pour l’eau, l’air, le sol, la faune ou la flore;

b)      sans provoquer de nuisances sonores ou olfactives; et

c)      sans porter atteinte aux paysages et aux sites présentant un intérêt particulier.»

12      L’article 23 de ladite directive, intitulé «Délivrance des autorisations», prévoit:

«1.      Les États membres imposent à tout établissement ou toute entreprise comptant procéder au traitement de déchets l’obligation d’obtenir une autorisation des autorités compétentes.

Ces autorisations déterminent au moins:

a)      les types et quantités de déchets pouvant être traités;

b)      pour chaque type d’opération faisant l’objet d’une autorisation, les prescriptions techniques et toutes autres prescriptions applicables au site concerné;

c)      les mesures de sécurité et de précaution à prendre;

d)      la méthode à utiliser pour chaque type d’opération;

e)      les opérations de suivi et de contrôle, selon les besoins;

f)      les dispositions relatives à la fermeture et à la surveillance après fermeture qui s’avèrent nécessaires.

2.      Les autorisations peuvent être accordées pour une durée déterminée et être renouvelables.

3.      Si l’autorité compétente estime que la méthode de traitement envisagée n’est pas acceptable du point de vue de la protection de l’environnement, notamment lorsqu’elle n’est pas conforme à l’article 13, elle refuse d’accorder l’autorisation.

4.      Toute autorisation ayant trait à l’incinération ou la co-incinération de déchets avec valorisation énergétique est subordonnée à la condition que cette valorisation présente une efficacité énergétique élevée.

5.      Pour autant qu’il soit satisfait aux exigences du présent article, les autorisations délivrées en application d’une autre législation nationale ou communautaire peuvent être combinées avec l’autorisation requise en vertu du paragraphe 1 afin de former une autorisation unique, lorsqu’une telle formule permet d’éviter une répétition inutile d’informations et des travaux effectués par l’exploitant ou par l’autorité compétente.»

13      L’article 36, paragraphe 1, de la même directive, intitulé «Application et sanctions», est rédigé dans les termes suivants:

«Les États membres prennent les mesures nécessaires pour interdire l’abandon, le rejet ou la gestion incontrôlée des déchets.»

 Le droit grec

14      Il ressort des observations de la République hellénique que les conditions d’exploitation de la décharge de Kiato sont décrites dans l’arrêté ministériel conjoint 83571 du 20 août 1997 (ci-après l’«arrêté ministériel conjoint de 1997»), lequel a approuvé des clauses environnementales dont la durée de validité était de cinq ans, mais que les autorités compétentes ont continué d’appliquer après leur expiration en 2002. Dans ces clauses environnementales, il est indiqué que la décharge sera exploitée au moins pendant quatorze ans, c’est-à-dire jusqu’à l’année 2016.

 La procédure précontentieuse

15      La décharge de Kiato figure dans le plan régional de gestion des déchets solides du Péloponnèse en vigueur depuis le 15 février 2005 et dans ce même plan actualisé, en date du 2 décembre 2010, pour la période transitoire allant jusqu’à la construction d’une installation intégrée d’élimination des déchets. Cette décharge dessert l’ensemble des départements de Corinthie et d’Argolide ainsi que les municipalités de Tripoli, V. Kynouria et N. Kynouria.

16      Par lettre du 12 janvier 2011, la Commission a informé la République hellénique qu’elle avait décidé d’ouvrir d’office un nouveau dossier sur les effets préjudiciables à l’environnement dus à l’exploitation déficiente de la décharge de Kiato afin de déterminer si la République hellénique satisfaisait aux obligations découlant du droit de l’Union en matière d’environnement. La Commission a demandé aux autorités grecques de lui faire savoir si le site était saturé, s’il disposait de clauses environnementales valides et d’une autorisation de décharge et si les services compétents avaient effectué des inspections sur place.

17      La République hellénique a répondu à la lettre de la Commission le 2 mars 2011 en précisant que:

–        le site de mise en décharge était exploité depuis le 20 février 2002;

–        par l’arrêté ministériel conjoint de 1997, le ministère de l’Environnement, de l’Aménagement du territoire et des Travaux publics avait approuvé les clauses environnementales concernant la construction d’un site de mise en décharge dans la région de Sikyonia, dans le département de Corinthie, et que lesdites clauses environnementales étaient valables pour une durée de cinq ans et n’avaient pas été renouvelées;

–        le 6 juin 2006, l’étude intitulée «Études de maturation du projet ʻMise à niveau et extension du site de mise en décharge et voie d’accès au siteʼ», avait été inscrite au programme de financement Thiseas de la région du Péloponnèse, mais qu’un obstacle juridique concernant l’adjudication de l’étude était apparu et que la procédure n’avait pas été menée à son terme;

–        les clauses environnementales indiquaient que la décharge serait exploitée pendant au moins quatorze ans, à savoir jusqu’à l’année 2016, mais qu’une augmentation de la production de déchets ayant été constatée, la durée de vie de la cellule actuelle du site de Kiato avait été réduite de manière significative, bien qu’il soit estimé qu’elle n’était pas encore épuisée. Les autorités grecques précisaient également à cet égard qu’un plan d’aménagement, dont la réalisation allait être prochainement attribuée dans le cadre d’une procédure d’urgence, permettrait d’évaluer avec précision la durée de vie restante de la cellule et que, dans le même temps, l’extension du site grâce à la construction d’une deuxième cellule était examinée;

–        le 24 octobre 2007, le service compétent avait effectué une inspection de contrôle qui avait montré que le site était exploité de manière satisfaisante, selon l’appréciation des autorités grecques;

–        les obligations administratives, à savoir l’existence de clauses environnementales approuvées et d’une autorisation de décharge ainsi que l’envoi de rapports annuels au ministère compétent, n’avaient toutefois pas été satisfaites.

18      Estimant que la République hellénique avait violé les dispositions des directives 1999/31 et 2008/98, la Commission lui a adressé, le 30 septembre 2011, une lettre de mise en demeure par laquelle elle donnait la possibilité à cet État membre de présenter ses observations dans un délai de deux mois.

19      La République hellénique a répondu à la Commission le 28 novembre 2011, l’informant que, le 3 novembre 2011, le service spécial des inspecteurs de l’environnement avait inspecté le site de mise en décharge de Kiato et avait constaté que le site était en activité alors qu’il ne disposait pas d’autorisation de décharge et que la période de validité des clauses environnementales approuvées avait expiré, tout en constatant par ailleurs des infractions auxdites clauses. Dans sa réponse, la République hellénique prévoyait de finaliser, dans un délai de six à huit mois, le plan d’aménagement dans le cadre duquel la durée de vie restante de la cellule existante serait précisément évaluée, l’étude d’impact sur l’environnement relative à l’extension de la cellule existante et l’autorisation de décharge du site.

20      Estimant que les infractions aux articles 6, sous a), 8, 9, 11, paragraphe 1, et 12 de la directive 1999/31 ainsi qu’aux articles 13, 23 et 36, paragraphe 1, de la directive 2008/98 se poursuivaient, la Commission a envoyé, par lettre du 1er juin 2012, un avis motivé à la République hellénique, invitant cette dernière à prendre toutes les mesures nécessaires pour se conformer audit avis dans un délai de deux mois.

21      Cet État membre a répondu à l’avis motivé de la Commission par lettre du 1er août 2012 à laquelle étaient joints des documents des services grecs compétents contenant des renseignements sur l’inspection réalisée le 3 novembre 2011 et les suites qui y avaient été données. La République hellénique y indiquait qu’il ressortait clairement des documents susmentionnés que, dans un avenir très proche, de nouvelles clauses environnementales seraient approuvées, conformément à l’étude d’impact sur l’environnement réalisée, et que, dans le cadre du plan régional révisé, une installation intégrée d’élimination des déchets, qui couvrirait une zone plus vaste que celle actuellement desservie par la décharge de Kiato, serait mise en fonctionnement.

22      Par courrier du 18 janvier 2013, les services de la Commission ont demandé:

–         si l’étude d’impact sur l’environnement et le plan avaient été approuvés et, le cas échéant, d’en recevoir copie;

–        si les nouvelles clauses environnementales du site et l’autorisation de décharge correspondante avaient été approuvées et, le cas échéant, d’en recevoir copie;

–        une copie de tout nouveau rapport d’inspection ayant eu lieu, le cas échéant, après le 3 novembre 2011, et

–        des informations sur la mise en œuvre des différentes actions ou mesures devant être menées ou adoptées conformément aux constatations du rapport d’inspection du 3 novembre 2011.

23      La République hellénique a répondu à ladite lettre par courrier du 18 février 2013 auquel elle a joint:

–        des informations sur l’avancée de la procédure d’adoption d’une nouvelle étude d’impact sur l’environnement sous la forme d’un plan d’aménagement du site de Kiato;

–        la copie du rapport d’inspection établi par la mission de contrôle de la qualité de l’environnement du département de Corinthie le 31 juillet 2012, et

–        un document de la municipalité de Sikyonia contenant des informations sur les actions et les mesures mises en place ou adoptées jusqu’alors et devant l’être dans l’année en cours en vue du bon fonctionnement de la décharge.

24      Après avoir examiné les réponses susmentionnées de la République hellénique à l’avis motivé, la Commission a considéré que les violations du droit de l’Union reprochées à cet État membre se poursuivaient, à l’exception de la violation de l’article 9, sous d), de la directive 1999/31, les rapports concernant les années 2010 et 2011 ayant été notifiés à l’autorité compétente.

25      N’étant pas satisfaite des réponses apportées par la République hellénique, la Commission a décidé d’introduire le présent recours pour violation des dispositions des directives visées dans l’avis motivé, à l’exception de l’article 9, sous d), de la directive 1999/31.

 Sur le recours

 Argumentation des parties

26      À titre liminaire, la Commission relève que la décharge sur le site de Kiato est exploitée depuis l’année 2002 sans clauses environnementales valides ni autorisation de décharge et que des rapports ainsi que des inspections font état de problèmes graves depuis l’année 2007.

27      Selon la Commission, la République hellénique admet dans ses réponses à l’avis motivé qu’elle doit encore adopter une grande partie des mesures nécessaires pour se conformer aux directives 1999/31 et 2008/98.

28      En particulier, il ressortirait expressément du rapport d’inspection du 31 juillet 2012, joint à la dernière réponse de la République hellénique du 18 février 2013, que le site est exploité sans autorisation de décharge ni décision portant renouvellement des clauses environnementales.

29      Il ressortirait également des documents joints aux réponses de la République hellénique à l’avis motivé que, le 3 décembre 2012, une étude d’impact sur l’environnement sous la forme d’un plan d’aménagement a été soumise à l’approbation du service compétent et se trouvait, à cette date, au stade de l’évaluation. Selon la Commission, il résulterait de ce qui précède que les clauses environnementales concernant l’aménagement du site en question, sur la base desquelles l’autorisation de décharge devrait être délivrée, n’ont pas encore été approuvées.

30      Sur la base de ce constat factuel selon lequel la décharge sur le site de Kiato opère sans autorisation de décharge, la Commission fait valoir que la République hellénique a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des articles 8 et 9, sous a) à c), de la directive 1999/31 et de l’article 23 de la directive 2008/98.

31      Pour le même motif, la Commission ajoute que la République hellénique a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 11, paragraphe 1, sous a), de la directive 1999/31, aux termes duquel les déchets ne peuvent être admis dans une décharge que si les conditions stipulées dans l’autorisation de décharge sont respectées.

32      Par ailleurs, il résulterait également de cette absence d’autorisation de décharge que la République hellénique a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 6, sous a), de la directive 1999/31, dès lors qu’elle ne serait pas en mesure de garantir que seuls les déchets déjà traités sont éliminés dans la décharge de Kiato.

33      Outre l’absence d’autorisation de décharge, la Commission relève que l’inspection effectuée le 31 juillet 2012 a constaté les dysfonctionnements suivants dans l’exploitation du site de Kiato:

–        le site était saturé de déchets;

–        le canal de drainage et le puisard étaient détruits et les eaux usées s’infiltraient dans le sol, créant ainsi des problèmes de pollution;

–        selon ces données, il était très probable que, en cas de fortes pluies, d’importantes quantités d’eaux usées s’écouleraient de la décharge dans le torrent Elissonas et causeraient un préjudice irréparable aux nappes aquifères présentes le long du bassin du torrent, et

–        la conclusion dudit rapport était que les conditions d’exploitation d’une décharge n’étaient pas remplies sur le site en question.

34      La Commission évoque également l’avis du 11 décembre 2012, signé par le président de la région du Péloponnèse et joint à la lettre des autorités grecques du 18 février 2013, dans lequel il est fait état d’infractions à la réglementation environnementale et aux clauses environnementales approuvées qui occasionnent de graves dommages à l’environnement. Selon la Commission, cet avis enjoint à l’exploitant du site de prendre immédiatement toutes les mesures correctives décrites dans le projet d’étude d’impact sur l’environnement, lequel n’avait cependant pas encore été approuvé à cette date.

35      La Commission ajoute que, dans la lettre du 14 mai 2012 du ministère de l’Environnement, jointe à la réponse des autorités grecques du 1er août 2012, il est proposé d’infliger une amende en raison des infractions constatées, et notamment du fait qu’il n’a pas été procédé à des analyses de biogaz et qu’il n’existe pas de programme de mesures des affaissements. La Commission déduit de ce qui précède que les conditions concernant les procédures de contrôle et de surveillance pendant l’exploitation de la décharge, prévues à l’article 12 de la directive 1999/31, ne sont pas remplies.

36      En ce qui concerne les mesures correctives proposées, la Commission note que, selon le document du 13 février 2013 du ministère de l’Environnement, joint à la réponse de la République hellénique du 18 février 2013, celles-ci étaient en cours et se poursuivraient en 2013. Toutefois, ce document ne préciserait pas la date à laquelle ces mesures seront adoptées ou finalisées.

37      Au regard de ces dysfonctionnements dans l’exploitation du site de Kiato, la Commission considère que la République hellénique a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des articles 8, 9, sous a) à c), et 12 de la directive 1999/31 ainsi que des articles 13 et 36, paragraphe 1, de la directive 2008/98.

38      Dans son mémoire en réponse, la République hellénique souligne, à titre liminaire, que la résolution du problème en cause nécessite la coopération de nombreux opérateurs, tels que l’administration décentralisée, la région et la commune. Ainsi, le fait que la procédure n’est pas encore achevée ne serait pas imputable à des retards ou à un refus de l’administration de respecter les obligations qui lui incombent.

39      En outre, la République hellénique précise que, pendant toute la durée de la procédure, elle a activement collaboré avec les services de la Commission. Par conséquent, la République hellénique estime que la Commission aurait dû attendre l’approbation du plan d’aménagement de la décharge qui a été soumis et ne pas introduire le présent recours. Pour ces motifs, la République hellénique soutient que le recours de la Commission doit être rejeté.

40      En ce qui concerne le prétendu manquement aux articles 13 et 36 de la directive 2008/98, la République hellénique rappelle qu’il ressort de la jurisprudence de la Cour que, si l’article 4 de la directive 75/442, qui a été remplacé par l’article 13 de la directive 2008/98, ne précise pas le contenu concret des mesures qui doivent être prises pour assurer l’objectif établi par cette disposition, il n’en reste pas moins que celle-ci lie les États membres quant à l’objectif à atteindre, tout en leur laissant une marge d’appréciation dans l’évaluation de la nécessité de telles mesures, de telle sorte qu’il n’est, en principe, pas possible de déduire directement de la non‑conformité d’une situation de fait avec les objectifs fixés par cette disposition que l’État membre concerné a nécessairement manqué aux obligations imposées par ladite disposition (arrêts Comitato di coordinamento per la difesa della cava e.a., C‑236/92, EU:C:1994:60, point 12; Commission/Italie, C‑365/97, EU:C:1999:544, points 67 et 68; Commission/Grèce, C‑420/02, EU:C:2004:727, points 21 et 22, et Commission/Italie, C‑135/05, EU:C:2007:250, point 37).

41      En outre, la République hellénique considère que, à la lumière de la prochaine approbation, à la date du dépôt de son mémoire en réponse, des clauses environnementales ainsi que des réponses de l’autorité communale, il est établi que les autorités compétentes prennent les mesures nécessaires pour interdire l’abandon, le rejet et l’élimination incontrôlée des déchets et qu’elles s’assurent que la gestion des déchets sur le site de Kiato s’opère sans mettre en danger la santé humaine et sans nuire à l’environnement, comme le prévoient les articles 13 et 36 de la directive 2008/98.

42      En ce qui concerne les obligations établies par les articles 6, sous a), 8, 9, sous a) à c), 11, paragraphe 1, et 12 de la directive 1999/31, la République hellénique fait valoir que le Syndesmos Diacheirisis Stereon Apovliton (Association pour la gestion des déchets solides) a établi et remis à la collectivité territoriale décentralisée du Péloponnèse – Grèce occidentale et mer Ionienne une étude d’impact sur l’environnement intitulée «Plan d’Aménagement en vue du renouvellement de l’arrêté [ministériel conjoint de 1997] portant approbation des clauses environnementales de la région du Péloponnèse, relatif à la création d’une décharge dans la grande région de Sikyonia, dans le département de Corinthie», afin qu’une nouvelle procédure d’autorisation environnementale soit mise en œuvre et qu’une autorisation de décharge soit délivrée, dans le but de respecter les dispositions de la directive 1999/31. Selon la République hellénique, après l’approbation dudit plan, le service compétent délivrera l’autorisation de décharge pour le site de Kiato, conformément à l’article 8 de ladite directive.

43      La République hellénique ajoute que, en tout état de cause, nonobstant l’absence d’autorisation de décharge, telle que prévue à l’article 8 de la directive 1999/31, la décharge continue à fonctionner conformément aux clauses environnementales approuvées par l’arrêté ministériel conjoint de 1997, qui ont expiré en 2002.

44      À cet égard, la République hellénique précise que, selon ledit arrêté ministériel, la décharge ne reçoit que des déchets ménagers de la grande région de Sikyonia et des déchets similaires, et que le procédé d’élimination mis en œuvre est celui de l’enfouissement sanitaire des déchets solides non dangereux.

45      La République hellénique décrit également les mesures adoptées pour prévenir toute contamination des eaux souterraines par les lixiviats, éviter que les eaux pluviales des régions alentour ne s’écoulent sur le site de la décharge, contrôler la possible contamination des sols provenant d’une éventuelle fuite de lixiviats, éviter la pollution des nappes aquifères par les déchets gazeux ainsi que contrôler l’état de la nappe phréatique.

46      Pour ces motifs, la République hellénique estime que les articles 6, 8, 9, sous a) à c), et 11 de la directive 1999/31 n’ont, en substance, pas été méconnus.

47      S’agissant de l’article 12 de la directive 1999/31, la République hellénique fait valoir que l’arrêté ministériel conjoint de 1997 prévoit des mesures pour le contrôle, le suivi et la surveillance de la décharge conformément aux dispositions des directives relatives aux déchets solides. Par conséquent, la République hellénique estime que l’article 12 de la directive 1999/31 n’est, en substance, pas méconnu.

 Appréciation de la Cour

48      Le recours introduit par la Commission se fonde essentiellement sur deux griefs distincts, visant respectivement l’absence d’autorisation de décharge valide pour l’exploitation de la décharge sur le site de Kiato et l’existence de dysfonctionnements dans l’exploitation de cette décharge.

49      À titre liminaire, en ce qui concerne l’argument de la République hellénique tiré de la nécessaire coopération de nombreux opérateurs, tels que l’administration décentralisée, la région et la commune, pour résoudre le problème en cause, il convient de rejeter celui-ci, conformément à la jurisprudence constante de la Cour selon laquelle un État membre ne saurait exciper de dispositions, de pratiques ou de situations de son ordre juridique interne pour justifier l’inobservation des obligations résultant du droit de l’Union (arrêts Commission/Italie, C‑119/04, EU:C:2006:489, point 25, et Commission/Allemagne, C‑503/04, EU:C:2007:432, point 38).

50      Il y a lieu, également, de rejeter l’argument de la République hellénique selon lequel la Commission aurait dû attendre l’approbation du plan d’aménagement de la décharge qui a été soumis et ne pas introduire le présent recours, eu égard à son active collaboration avec les services de la Commission. En effet, selon une jurisprudence constante de la Cour, les règles édictées à l’article 258 TFUE doivent trouver application sans que la Commission soit tenue au respect d’un délai déterminé. Celle-ci dispose ainsi du pouvoir d’apprécier à quelle date il peut y avoir lieu d’introduire un recours, et il n’appartient donc pas à la Cour, en principe, de contrôler une telle appréciation (arrêt Commission/Italie, C‑297/08, EU:C:2010:115, point 87 et jurisprudence citée).

51      Par un premier grief, la Commission fait valoir que, en ne s’assurant pas que la décharge sur le site de Kiato soit exploitée sur la base d’une autorisation de décharge valide, la République hellénique a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des articles 6, sous a), 8, 9, sous a) à c), et 11, paragraphe 1, sous a), de la directive 1999/31 et de l’article 23 de la directive 2008/98.

52      La République hellénique ne conteste pas le fait que la décharge sur le site de Kiato est exploitée sans autorisation de décharge valide. Elle précise, à cet égard, qu’une étude d’impact sur l’environnement a été remise à l’autorité compétente en vue de mettre en œuvre une nouvelle procédure d’autorisation environnementale, et que, nonobstant l’absence d’autorisation, la décharge continue à fonctionner conformément aux clauses environnementales approuvées par l’arrêté ministériel conjoint de 1997, qui ont expiré en 2002.

53      À cet égard, il importe de rappeler que l’existence d’un manquement doit être appréciée en fonction de la situation de l’État membre telle qu’elle se présentait au terme du délai fixé dans l’avis motivé et que les changements intervenus par la suite ne sauraient être pris en compte par la Cour quand bien même ils constitueraient une application correcte de la règle de droit de l’Union faisant l’objet dudit recours en manquement (arrêt Commission/Portugal, C‑37/09, EU:C:2010:331, point 41 et jurisprudence citée).

54      Il découle de cette jurisprudence que, dans la présente affaire, il ne peut être tenu compte d’une éventuelle procédure d’autorisation environnementale réalisée après l’expiration du délai fixé dans l’avis motivé. Aux fins de la présente procédure, il doit, par conséquent, être considéré comme établi que la décharge sur le site de Kiato est exploitée sans autorisation de décharge valide. Sur la base de ce constat factuel, il y a lieu d’examiner si la République hellénique a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des articles 6, sous a), 8, 9, sous a) à c), et 11, paragraphe 1, sous a), de la directive 1999/31 et de l’article 23 de la directive 2008/98.

55      En premier lieu, l’article 6, sous a), de la directive 1999/31 dispose que les États membres prennent des mesures pour que seuls les déchets déjà traités soient mis en décharge. Selon l’article 2, sous h), de cette directive, la notion de «traitement» vise les processus physiques, thermiques, chimiques ou biologiques, y compris le tri, qui modifient les caractéristiques des déchets de manière à en réduire le volume ou le caractère dangereux, à en faciliter la manipulation ou à en favoriser la valorisation.

56      Or, la Commission affirme que l’absence d’autorisation de décharge pour l’exploitation de la décharge sur le site de Kiato implique que la République hellénique n’est pas en mesure de garantir que seuls les déchets déjà traités sont éliminés dans ladite décharge, obligation qui lui incombe en vertu de l’article 6, sous a), de la directive 1999/31.

57      Il convient de rappeler que, conformément à une jurisprudence constante de la Cour, dans le cadre d’une procédure en manquement, il incombe à la Commission d’établir l’existence du manquement allégué et d’apporter à la Cour les éléments nécessaires à la vérification par celle‑ci de l’existence de ce manquement, sans que la Commission puisse se fonder sur une présomption quelconque (arrêt Commission/Portugal, EU:C:2010:331, point 28 et jurisprudence citée).

58      En application de cette jurisprudence, il y a lieu de rejeter l’argument de la Commission tiré d’une violation de l’article 6, sous a), de la directive 1999/31, dès lors que celle-ci n’a pas établi à suffisance de droit que l’absence d’autorisation de décharge valide pour l’exploitation de la décharge sur le site de Kiato implique que la République hellénique n’est pas en mesure de garantir que seuls des déchets déjà traités sont éliminés dans ladite décharge.

59      En deuxième lieu, les articles 8 et 9, sous a) à c), de la directive 1999/31 définissent respectivement les conditions et le contenu de l’autorisation de décharge qui doit être délivrée en vue de l’exploitation d’une décharge. Par conséquent, il y a lieu de constater que, en tolérant que la décharge sur le site de Kiato soit exploitée sans autorisation de décharge valide, la République hellénique a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de ces dispositions.

60      En troisième lieu, selon l’article 11, paragraphe 1, sous a), de la directive 1999/31, les États membres prennent les mesures nécessaires pour que, avant l’admission des déchets sur le site de décharge, le détenteur ou l’exploitant puisse prouver que les déchets en question peuvent être admis dans le site conformément aux conditions définies dans l’autorisation et qu’ils répondent aux critères d’admission fixés à l’annexe II de cette directive. Dès lors que la décharge sur le site de Kiato opère sans autorisation de décharge valide et que l’article 11, paragraphe 1, sous a), de la directive 1999/31 établit une obligation de prouver que les déchets peuvent être admis sur le site conformément aux conditions définies dans ladite autorisation, il y a lieu de constater que la République hellénique a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de cette disposition.

61      En quatrième lieu, l’article 23 de la directive 2008/98 prévoit que les États membres imposent à tout établissement ou toute entreprise comptant procéder au traitement de déchets l’obligation d’obtenir une autorisation des autorités compétentes. En l’absence d’une telle autorisation pour l’exploitation de la décharge sur le site de Kiato, la République hellénique a également manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de cette disposition.

62      Il résulte de ce qui précède que le premier grief de la Commission doit être partiellement accueilli dès lors que, en ne s’assurant pas que la décharge sur le site de Kiato soit exploitée sur la base d’une autorisation de décharge valide, la République hellénique a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des articles 8, 9, sous a) à c), et 11, paragraphe 1, sous a), de la directive 1999/31 ainsi que de l’article 23 de la directive 2008/98, et être partiellement rejeté dans la mesure où il vise l’article 6, sous a), de la directive 1999/31.

63      Par un second grief, la Commission fait valoir que, eu égard aux dysfonctionnements dans l’exploitation de la décharge sur le site de Kiato, la République hellénique a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des articles 8, 9, sous a) à c), et 12 de la directive 1999/31 ainsi que des articles 13 et 36, paragraphe 1, de la directive 2008/98.

64      Dès lors qu’il a déjà été constaté, dans le contexte de l’examen du premier grief, que la République hellénique a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des articles 8 et 9, sous a) à c), de la directive 1999/31, il y a lieu de restreindre l’examen du second grief aux obligations établies à l’article 12 de la directive 1999/31 ainsi qu’aux articles 13 et 36, paragraphe 1, de la directive 2008/98.

65      Si, dans le cadre d’une procédure en manquement au titre de l’article 258 TFUE, il incombe à la Commission d’établir l’existence du manquement allégué en apportant à la Cour les éléments nécessaires à la vérification par celle-ci de l’existence de ce manquement, sans pouvoir se fonder sur une présomption quelconque, il convient de tenir compte du fait que, s’agissant de vérifier l’application correcte en pratique des dispositions nationales destinées à assurer la mise en œuvre effective des directives, notamment celles adoptées dans le domaine de l’environnement, la Commission, qui ne dispose pas de pouvoirs propres d’investigation en la matière, est largement tributaire des éléments fournis par d’éventuels plaignants, des organismes publics ou privés, de la presse ainsi que par l’État membre concerné lui-même (arrêts Commission/Italie, EU:C:2007:250, point 28, ainsi que Commission/Italie, EU:C:2010:115, point 101 et jurisprudence citée).

66      À cet effet, tout document officiel émis par les autorités de l’État membre concerné peut être considéré comme une source valable d’information aux fins de l’engagement par la Commission de la procédure visée à l’article 258 TFUE (voir, en ce sens, arrêt Commission/Italie, EU:C:2007:250, point 29).

67      À l’appui de son second grief, la Commission invoque le rapport d’inspection joint à la réponse de la République hellénique du 18 février 2013, dans lequel il est constaté que le site est saturé de déchets, que le canal de drainage et le puisard sont détruits et les eaux usées s’infiltrent dans le sol, et que, en cas de fortes pluies, il est très probable que d’importantes quantités d’eaux usées s’écoulent dans le torrent Elissonas, causant un préjudice irréparable aux nappes aquifères présentes le long du bassin du torrent. La Commission précise que la conclusion dudit rapport était que les conditions d’exploitation d’une décharge n’étaient pas remplies sur le site en question.

68      La Commission évoque également l’avis du 11 décembre 2012 signé par le président de la région du Péloponnèse et joint à la lettre de la République hellénique du 18 février 2013, dans lequel il est fait état d’infractions à la réglementation environnementale et aux clauses environnementales approuvées qui occasionnent de graves dommages à l’environnement. Selon la Commission, cet avis enjoint à l’exploitant du site de prendre immédiatement toutes les mesures correctives décrites dans le projet d’étude d’impact sur l’environnement, lequel n’était cependant pas approuvé à l’expiration du délai fixé dans l’avis motivé.

69      La Commission ajoute que, dans la lettre du 14 mai 2012 du ministère de l’Environnement, jointe à la réponse de la République hellénique du 1er août 2012, il est proposé d’infliger une amende en raison des infractions constatées, et notamment du fait qu’il n’a pas été procédé à des analyses de biogaz et qu’il n’existe pas de programme de mesures des affaissements.

70      Or, dans le cadre de la procédure en manquement visée à l’article 258 TFUE, lorsque la Commission a fourni suffisamment d’éléments faisant apparaître certains faits situés sur le territoire de l’État membre défendeur, il incombe à celui-ci de contester de manière substantielle et détaillée les données ainsi présentées et les conséquences qui en découlent (arrêts Commission/Italie, EU:C:2007:250, point 30, ainsi que Commission/Italie, EU:C:2010:115, point 102 et jurisprudence citée).

71      Dans son mémoire en réponse, la République hellénique se contente d’alléguer, sans produire le moindre élément de preuve, que la décharge est exploitée conformément aux clauses environnementales approuvées par l’arrêté ministériel conjoint de 1997, qui ont expiré en 2002. Ainsi, la République hellénique fait valoir que, selon ledit arrêté ministériel, la décharge ne reçoit que des déchets ménagers de la grande région de Sikyonia et des déchets similaires. Elle décrit également diverses mesures adoptées pour prévenir toute contamination des eaux souterraines par les lixiviats, éviter que les eaux pluviales des régions alentour ne s’écoulent sur le site de la décharge, contrôler la possible contamination des sols provenant d’une éventuelle fuite de lixiviats, éviter la pollution des nappes aquifères par les déchets gazeux ainsi que contrôler l’état de la nappe phréatique.

72      Au regard du caractère circonstancié des éléments produits par la Commission, qui consistent en des documents officiels émis par les autorités grecques elles-mêmes, et compte tenu de la jurisprudence rappelée au point 70 du présent arrêt, la République hellénique ne saurait valablement contester les faits invoqués par la Commission en se bornant à alléguer que ceux-ci ne sont pas établis.

73      Il résulte de ce qui précède que les dysfonctionnements dans l’exploitation de la décharge sur le site de Kiato allégués par la Commission doivent être considérés comme établis, de sorte qu’il y a lieu d’examiner si ces faits sont constitutifs de manquements aux obligations incombant à la République hellénique en vertu de l’article 12 de la directive 1999/31 ainsi que des articles 13 et 36, paragraphe 1, de la directive 2008/98.

74      En premier lieu, selon l’article 12, sous a), de la directive 1999/31, les États membres veillent à ce que, pendant la phase d’exploitation d’une décharge, l’exploitant mette en œuvre le programme de contrôle et de surveillance spécifié à l’annexe III de cette directive.

75      Comme le relève la Commission, il ressort de la lettre du 14 mai 2012 du ministère de l’Environnement, mentionnée aux points 35 et 69 du présent arrêt, qu’il n’a pas été procédé à des analyses de biogaz sur la décharge du site de Kiato. Or, le point 3 de l’annexe III de la directive 1999/31 établit une obligation de contrôle mensuel des rejets de gaz, qui doit être représentatif de chaque section de la décharge. Par conséquent, il y a lieu de constater que la République hellénique a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 12 de la directive 1999/31.

76      En deuxième lieu, l’article 13 de la directive 2008/98 dispose que les États membres prennent les mesures nécessaires pour s’assurer que la gestion des déchets se fait sans mettre en danger la santé humaine et sans nuire à l’environnement, et notamment sans créer de risque pour l’eau, l’air, le sol, la faune ou la flore.

77      La Cour a déjà décidé que, si l’article 4, paragraphe 1, de la directive 2006/12/CE du Parlement européen et du Conseil, du 5 avril 2006, relative aux déchets (JO L 114, p. 9), qui a été remplacé par l’article 13 de la directive 2008/98, ne précise pas le contenu concret des mesures qui doivent être prises pour s’assurer que les déchets soient éliminés sans mettre en danger la santé de l’homme et sans porter préjudice à l’environnement, il n’en reste pas moins que cette disposition lie les États membres quant à l’objectif à atteindre, tout en leur laissant une marge d’appréciation dans l’évaluation de la nécessité de telles mesures (arrêt Commission/Portugal, EU:C:2010:331, point 35 et jurisprudence citée).

78      Par conséquent, il n’est, en principe, pas possible de déduire directement de la non‑conformité d’une situation de fait avec les objectifs fixés à l’article 13 de la directive 2008/98 que l’État membre concerné a nécessairement manqué aux obligations imposées par cette disposition, à savoir prendre les mesures nécessaires pour s’assurer que les déchets soient éliminés sans mettre en danger la santé de l’homme et sans porter préjudice à l’environnement. Toutefois, la persistance d’une telle situation de fait, notamment lorsqu’elle entraîne une dégradation significative de l’environnement pendant une période prolongée sans intervention des autorités compétentes, peut révéler que les États membres ont outrepassé la marge d’appréciation que leur confère cette disposition (arrêts Commission/Portugal, EU:C:2010:331, point 36 et jurisprudence citée, ainsi que Commission/Grèce, C‑600/12, EU:C:2014:2086, points 51 et 52).

79      À ce sujet, la Cour a jugé qu’une dégradation de l’environnement est inhérente à la présence de déchets dans une décharge, peu important la nature des déchets en cause (arrêt Commission/Portugal, EU:C:2010:331, point 37 et jurisprudence citée).

80      En l’occurrence, il est établi que la décharge sur le site de Kiato est exploitée sans autorisation de décharge valide depuis l’année 2002. Il est également établi, par le rapport d’inspection du 31 juillet 2012, que les conditions d’exploitation d’une décharge ne sont pas remplies sur le site en question et, par l’avis du 11 décembre 2012 signé par le président de la région du Péloponnèse, que l’exploitation de ladite décharge est entachée d’infractions à la réglementation environnementale qui occasionnent de graves dommages à l’environnement. Il résulte de ce qui précède que l’exploitation de la décharge sur le site de Kiato, sans autorisation de décharge valide, a entraîné une dégradation significative de l’environnement pendant une période prolongée sans intervention des autorités compétentes, de telle sorte que la République hellénique a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 13 de la directive 2008/98.

81      En troisième lieu, l’article 36, paragraphe 1, de la directive 2008/98 prévoit que les États membres prennent les mesures nécessaires pour interdire l’abandon, le rejet ou la gestion incontrôlée des déchets. Sur la base des éléments factuels rappelés au point 80 du présent arrêt, il y a lieu de constater que, en ne prenant pas les mesures nécessaires pour interdire la gestion incontrôlée des déchets dans la décharge du site de Kiato, la République hellénique a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 36, paragraphe 1, de la directive 2008/98.

82      Il résulte de ce qui précède que le second grief de la Commission doit être accueilli dès lors que, eu égard aux dysfonctionnements dans l’exploitation de la décharge sur le site de Kiato, la République hellénique a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 12 de la directive 1999/31 ainsi que des articles 13 et 36, paragraphe 1, de la directive 2008/98.

83      Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent que, en ce qui concerne le site de mise en décharge de Kiato:

–        en ne prenant pas les mesures nécessaires pour que la gestion des déchets sur le site en question se fasse sans mettre en danger la santé humaine et sans nuire à l’environnement, et pour interdire l’abandon, le rejet ou l’élimination incontrôlée des déchets du site en question, la République hellénique a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des articles 13 et 36, paragraphe 1, de la directive 2008/98;

–        en tolérant l’exploitation de ce site sans autorisation de décharge valide respectant les conditions et le contenu prévus pour l’octroi d’une telle autorisation et, par conséquent, sans que le détenteur des déchets ou l’exploitant du site puisse prouver, avant la livraison des déchets en question ou au moment de celle-ci, que lesdits déchets peuvent être admis dans le site conformément aux conditions définies dans l’autorisation, la République hellénique a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des articles 8, 9, sous a) à c), et 11, paragraphe 1, sous a), de la directive 1999/31 ainsi que de l’article 23 de la directive 2008/98, et

–        en ne veillant pas à ce que, pendant la phase d’exploitation d’une décharge, l’exploitant mette en œuvre le programme de contrôle et de surveillance spécifié à l’annexe III de la directive 1999/31, la République hellénique a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 12, sous a), de cette directive.

 Sur les dépens

84      Aux termes de l’article 138, paragraphe 1, du règlement de procédure de la Cour, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La Commission ayant conclu à la condamnation de la République hellénique et celle-ci ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de la condamner aux dépens.

Par ces motifs, la Cour (dixième chambre) déclare et arrête:

1)      En ce qui concerne le site de mise en décharge de Kiato:

–        en ne prenant pas les mesures nécessaires pour que la gestion des déchets sur le site en question se fasse sans mettre en danger la santé humaine et sans nuire à l’environnement, et pour interdire l’abandon, le rejet ou l’élimination incontrôlée des déchets du site en question, la République hellénique a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des articles 13 et 36, paragraphe 1, de la directive 2008/98/CE du Parlement européen et du Conseil, du 19 novembre 2008, relative aux déchets et abrogeant certaines directives;

–        en tolérant l’exploitation de ce site sans autorisation de décharge valide respectant les conditions et le contenu prévus pour l’octroi d’une telle autorisation et, par conséquent, sans que le détenteur des déchets ou l’exploitant du site puisse prouver, avant la livraison des déchets en question ou au moment de celle-ci, que lesdits déchets peuvent être admis dans le site conformément aux conditions définies dans l’autorisation, la République hellénique a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des articles 8, 9, sous a) à c), et 11, paragraphe 1, sous a), de la directive 1999/31/CE du Conseil, du 26 avril 1999, concernant la mise en décharge des déchets ainsi que de l’article 23 de la directive 2008/98, et

–        en ne veillant pas à ce que, pendant la phase d’exploitation d’une décharge, l’exploitant mette en œuvre le programme de contrôle et de surveillance spécifié à l’annexe III de la directive 1999/31, la République hellénique a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 12, sous a), de cette directive.

2)      Le recours est rejeté pour le surplus.

3)      La République hellénique est condamnée aux dépens.

Signatures


* Langue de procédure: le grec.