Language of document : ECLI:EU:C:2015:299

ARRÊT DE LA COUR (grande chambre)

5 mai 2015 (*)

«Recours en annulation – Mise en œuvre d’une coopération renforcée – Brevet unitaire – Règlement (UE) no 1260/2012 – Dispositions en matière de traduction – Principe de non-discrimination – Article 291 TFUE – Délégation de pouvoirs à des organes extérieurs à l’Union européenne – Article 118, second alinéa, TFUE – Base juridique – Principe d’autonomie du droit de l’Union»

Dans l’affaire C‑147/13,

ayant pour objet un recours en annulation au titre de l’article 263 TFUE, introduit le 22 mars 2013,

Royaume d’Espagne, représenté par Mmes E. Chamizo Llatas et S. Centeno Huerta, en qualité d’agents,

partie requérante,

contre

Conseil de l’Union européenne, représenté par MM. T. Middleton et F. Florindo Gijón ainsi que par Mmes M. Balta et L. Grønfeldt, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

soutenu par:

Royaume de Belgique, représenté par Mme C. Pochet ainsi que par MM. J.-C. Halleux et T. Materne, en qualité d’agents,

République tchèque, représentée par MM. M. Smolek et J. Vláčil, en qualité d’agents,

Royaume de Danemark, représenté par M. C. Thorning et Mme M. Wolff, en qualité d’agents,

République fédérale d’Allemagne, représentée par MM. T. Henze et M. Möller ainsi que par Mme J. Kemper, en qualité d’agents,

République française, représentée par MM. G. de Bergues, F.‑X. Bréchot et D. Colas ainsi que par Mme N. Rouam, en qualité d’agents,

Grand-Duché de Luxembourg

Hongrie, représentée par M. M. Fehér et Mme K. Szíjjártó, en qualité d’agents,

Royaume des Pays-Bas, représenté par Mme M. Bulterman et M. J. Langer, en qualité d’agents,

Royaume de Suède, représenté par Mmes A. Falk et C. Meyer-Seitz, en qualité d’agents,

Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord, représenté par M. M. Holt, en qualité d’agent, assisté de Mme J. Stratford, QC, et de M. T. Mitcheson, barrister,

Parlement européen, représenté par Mme M. Gómez-Leal, M. U. Rösslein et Mme M. Dean, en qualité d’agents,

Commission européenne, représentée par Mme I. Martínez del Peral ainsi que par MM. T. van Rijn, B. Smulders et F. Bulst, en qualité d’agents,

parties intervenantes,

LA COUR (grande chambre),

composée de M. V. Skouris, président, M. K. Lenaerts, vice-président, Mme R. Silva de Lapuerta, MM. M. Ilešič (rapporteur), A. Ó Caoimh, C. Vajda et S. Rodin, présidents de chambre, MM. A. Borg Barthet, J. Malenovský, E. Levits, E. Jarašiūnas, C. G. Fernlund et J. L. da Cruz Vilaça, juges,

avocat général: M. Y. Bot,

greffier: Mme M. Ferreira, administrateur principal,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 1er juillet 2014,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 18 novembre 2014,

rend le présent

Arrêt

1        Par sa requête, le Royaume d’Espagne demande l’annulation du règlement (UE) no 1260/2012 du Conseil, du 17 décembre 2012, mettant en œuvre la coopération renforcée dans le domaine de la création d’une protection unitaire conférée par un brevet, en ce qui concerne les modalités applicables en matière de traduction (JO L 361, p. 89, ci-après le «règlement attaqué»).

2        Ce règlement a été adopté par le Conseil de l’Union européenne à la suite de la décision 2011/167/UE du Conseil, du 10 mars 2011, autorisant une coopération renforcée dans le domaine de la création d’une protection par brevet unitaire (JO L 76, p. 53, ci-après la «décision de coopération renforcée»).

 Le cadre juridique

 Le droit international

 La convention sur la délivrance de brevets européens

3        L’article 14 de la convention sur la délivrance de brevets européens, signée à Munich le 5 octobre 1973 et entrée en vigueur le 7 octobre 1977, dans sa version applicable au présent litige (ci-après la «CBE»), intitulé «Langues de l’Office européen des brevets, des demandes de brevet européen et d’autres pièces», énonce:

«(1)      Les langues officielles de l’Office européen des brevets [(ci-après l’‘OEB’)] sont l’allemand, l’anglais et le français.

(2)      Toute demande de brevet européen doit être déposée dans une des langues officielles ou, si elle est déposée dans une autre langue, traduite dans une des langues officielles, conformément au règlement d’exécution. Durant toute la procédure devant l’[OEB], cette traduction peut être rendue conforme au texte de la demande telle qu’elle a été déposée. Si la traduction requise n’a pas été produite dans les délais, la demande est réputée retirée.

(3)      La langue officielle de l’[OEB] dans laquelle la demande de brevet européen a été déposée ou traduite doit être utilisée comme langue de la procédure, sauf si le règlement d’exécution en dispose autrement, dans toutes les procédures devant l’[OEB].

(4)      Les personnes physiques ou morales ayant leur domicile ou leur siège dans un État contractant ayant une langue autre que l’allemand, l’anglais ou le français comme langue officielle, et les nationaux de cet État ayant leur domicile à l’étranger peuvent produire, dans une langue officielle de cet État, des pièces devant être produites dans un délai déterminé. Toutefois, ils sont tenus de produire une traduction dans une langue officielle de l’[OEB] conformément au règlement d’exécution. Si une pièce autre que les pièces composant la demande de brevet européen n’est pas produite dans la langue prescrite ou si une traduction requise n’est pas produite dans les délais, la pièce est réputée n’avoir pas été produite.

(5)      Les demandes de brevet européen sont publiées dans la langue de la procédure.

(6)      Les fascicules de brevet européen sont publiés dans la langue de la procédure et comportent une traduction des revendications dans les deux autres langues officielles de l’[OEB].

[...]

(8)      Les inscriptions au Registre européen des brevets sont effectuées dans les trois langues officielles de l’[OEB]. En cas de doute, l’inscription dans la langue de la procédure fait foi.»

4        L’article 142 de la CBE, intitulé «Brevet unitaire», prévoit:

«(1)      Tout groupe d’États contractants qui, dans un accord particulier, a disposé que les brevets européens délivrés pour ces États auront un caractère unitaire sur l’ensemble de leurs territoires peut prévoir que les brevets européens ne pourront être délivrés que conjointement pour tous ces États.

(2)      Les dispositions de la présente partie sont applicables lorsqu’un groupe d’États contractants a fait usage de la faculté visée au paragraphe 1.»

5        L’article 143 de la CBE, intitulé «Instances spéciales de l’[OEB]», énonce:

«(1)      Le groupe d’États contractants peut confier des tâches supplémentaires à l’[OEB].

(2)      Il peut, pour l’exécution de ces tâches supplémentaires, être créé à l’[OEB] des instances spéciales communes aux États appartenant à ce groupe. Le Président de l’[OEB] assure la direction de ces instances spéciales; les dispositions de l’article 10, paragraphes 2 et 3, sont applicables.»

6        L’article 145 de la CBE, intitulé «Comité restreint du Conseil d’administration», stipule:

«(1)      Le groupe d’États contractants peut instituer un Comité restreint du Conseil d’administration afin de contrôler l’activité des instances spéciales créées en vertu de l’article 143, paragraphe 2; l’[OEB] met à la disposition de ce Comité le personnel, les locaux et les moyens matériels nécessaires à l’accomplissement de sa mission. Le Président de l’[OEB] est responsable des activités des instances spéciales devant le Comité restreint du Conseil d’administration.

(2)      La composition, les compétences et les activités du Comité restreint sont déterminées par le groupe d’États contractants.»

 L’accord relatif à une juridiction unifiée du brevet

7        L’accord relatif à une juridiction unifiée du brevet, signé à Bruxelles le 19 février 2013 (JO C 175, p. 1, ci-après l’«accord JUB»), prévoit, à son article 32, paragraphe 1, sous i):

«La Juridiction a une compétence exclusive pour:

[...]

i)      les actions concernant les décisions prises par l’[OEB] dans l’exercice des tâches visées à l’article 9 du règlement (UE) no 1257/2012 [du Parlement européen et du Conseil, du 17 décembre 2012, mettant en œuvre la coopération renforcée dans le domaine de la création d’une protection unitaire conférée par un brevet (JO L 361, p. 1)].»

8        L’article 89, paragraphe 1, de l’accord JUB stipule:

«Le présent accord entre en vigueur le 1er janvier 2014 ou le premier jour du quatrième mois suivant celui du dépôt du treizième instrument de ratification ou d’adhésion conformément à l’article 84, y compris par les trois États membres dans lesquels le plus grand nombre de brevets européens produisaient leurs effets au cours de l’année précédant celle lors de laquelle la signature du présent accord a lieu, ou le premier jour du quatrième mois après la date d’entrée en vigueur des modifications du règlement (UE) no 1215/2012 [du Parlement européen et du Conseil, du 12 décembre 2012, concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale (JO L 351, p. 1),] portant sur le lien entre ce dernier et le présent accord, la date la plus tardive étant retenue.»

 Le droit de l’Union

 Le règlement no 1257/2012

9        Les considérants 9, 24 et 25 du règlement no 1257/2012 se lisent comme suit:

«(9)      Le brevet européen à effet unitaire [(ci-après le ‘BEEU’)] devrait conférer à son titulaire le droit d’empêcher tout tiers de commettre des actes contre lesquels le brevet assure une protection. Ceci devrait être garanti par la mise en place d’une juridiction unifiée du brevet. Les dispositions de la CBE, l’[accord JUB], y compris ses dispositions définissant la portée de ce droit et ses limitations, et le droit national, notamment les règles de droit international privé, devraient s’appliquer aux matières non couvertes par le présent règlement ou par le règlement [attaqué].

[...]

(24)      La juridiction compétente à l’égard des [BEEU] devrait être mise en place et régie par un instrument instituant un système unifié de règlement des litiges pour les brevets européens et les [BEEU].

(25)      Il est essentiel de mettre en place une juridiction unifiée du brevet compétente pour connaître des affaires relatives au [BEEU], afin de garantir le bon fonctionnement de ce brevet, la cohérence de la jurisprudence et, partant, la sécurité juridique, ainsi qu’un bon rapport coût-efficacité pour les titulaires de brevets. Il est donc extrêmement important que les États membres participants ratifient l’accord [JUB] conformément à leurs procédures constitutionnelles et parlementaires nationales et prennent les mesures nécessaires pour que cette juridiction devienne opérationnelle au plus vite.»

10      L’article 1er du règlement no 1257/2012 dispose:

«1.      Le présent règlement met en œuvre la coopération renforcée dans le domaine de la création d’une protection unitaire conférée par un brevet autorisée par la décision [de coopération renforcée].

2.      Le présent règlement constitue un accord particulier au sens de l’article 142 de la [CBE].»

11      L’article 2, sous e), dudit règlement prévoit:

«Aux fins du présent règlement, on entend par:

[...]

e)      ‘registre de la protection unitaire conférée par un brevet’, le registre faisant partie du registre européen des brevets dans lequel sont enregistrés l’effet unitaire ainsi que toute limitation, toute licence, tout transfert, toute révocation ou extinction des [BEEU]».

12      L’article 3, paragraphe 1, premier alinéa, du même règlement dispose:

«Un brevet européen délivré avec le même jeu de revendications pour tous les États membres participants se voit conférer un effet unitaire dans les États membres participants, à la condition que son effet unitaire ait été enregistré dans le registre de la protection unitaire conférée par un brevet.»

13      L’article 9 du règlement no 1257/2012, intitulé «Tâches administratives dans le cadre de l’Organisation européenne des brevets», prévoit:

«1.      Les États membres participants confient, au sens de l’article 143 de la CBE, les tâches suivantes à l’OEB, qui les exécute en conformité avec son règlement intérieur:

a)      gérer les demandes d’effet unitaire déposées par les titulaires de brevets européens;

b)      insérer le registre de la protection unitaire conférée par un brevet dans le registre européen des brevets et gérer le registre de la protection unitaire conférée par un brevet;

c)      recevoir et enregistrer les déclarations relatives aux licences visées à l’article 8, le retrait des licences et les engagements en matière d’octroi de licences souscrits devant les organismes internationaux de normalisation par le titulaire du [BEEU];

d)      publier les traductions visées à l’article 6 du règlement [attaqué] durant la période de transition visée à ce même article;

e)      collecter et gérer les taxes annuelles afférentes aux [BEEU], pour les années qui suivent l’année de publication de la mention de la délivrance dans le bulletin européen des brevets; collecter et gérer les surtaxes en cas de paiement tardif des taxes annuelles lorsque ce paiement tardif est effectué dans les six mois qui suivent la date d’exigibilité, et distribuer une partie des taxes annuelles collectées aux États membres participants;

f)      gérer le système de compensation pour le remboursement des coûts de traduction visé à l’article 5 du règlement [attaqué];

g)      veiller à ce que les titulaires des brevets européens présentent leurs demandes d’effet unitaire dans la langue de la procédure, telle que définie à l’article 14, paragraphe 3, de la CBE, au plus tard un mois après la publication de la mention de la délivrance au bulletin européen des brevets; et

h)      veiller à ce que l’effet unitaire soit mentionné dans le registre de la protection unitaire conférée par un brevet, lorsqu’une demande d’effet unitaire a été déposée et, durant la période de transition prévue à l’article 6 du règlement [attaqué], a été présentée avec les traductions visées audit article, et à ce que l’OEB soit informé de toutes les limitations, licences, [tous les] transferts ou révocations de [BEEU].

2.      Les États membres participants veillent au respect du présent règlement lors de l’accomplissement de leurs obligations internationales au titre de la CBE et coopèrent dans ce but. En qualité d’États parties à la CBE, les États membres participants assurent la gouvernance et le suivi des activités liées aux tâches visées au paragraphe 1 du présent article et veillent à fixer le niveau des taxes annuelles conformément à l’article 12 du présent règlement et la clé de répartition des taxes annuelles conformément à l’article 13 du présent règlement.

À cette fin, ils instituent un comité restreint du conseil d’administration de l’Organisation européenne des brevets (ci-après dénommé ‘comité restreint’), au sens de l’article 145 de la CBE.

Le comité restreint est composé de représentants des États membres participants et d’un représentant de la Commission à titre d’observateur, ainsi que de suppléants qui les représenteront en leur absence. Les membres du comité restreint peuvent se faire assister par des conseillers ou des experts.

Le comité restreint arrête ses décisions en tenant dûment compte de la position de la Commission et en conformité avec les règles fixées à l’article 35, paragraphe 2, de la CBE.

3.      Les États membres participants garantissent une protection juridictionnelle effective, devant une juridiction compétente d’un ou plusieurs États membres participants, à l’égard des décisions prises par l’OEB dans l’exercice des tâches visées au paragraphe 1.»

 Le règlement attaqué

14      Les considérants 5, 6, 9 et 15 du règlement attaqué se lisent comme suit:

«(5)      [L]es modalités de traduction [des BEEU] devraient garantir la sécurité juridique et stimuler l’innovation et profiter tout particulièrement aux petites et moyennes entreprises (PME). Elles devraient rendre plus facile, moins coûteux, juridiquement sûr, l’accès au [BEEU] et au système de brevet en général.

(6)      L’OEB étant responsable de la délivrance des brevets européens, les modalités de traduction du [BEEU] devraient se fonder sur la procédure en vigueur à l’OEB. Ces modalités devraient avoir pour objectif d’assurer le nécessaire équilibre entre les intérêts des opérateurs économiques, d’une part, et l’intérêt public, d’autre part, en termes de coût des procédures et de disponibilité des informations techniques.

[...]

(9)      En cas de litige concernant une demande de dommages-intérêts, la juridiction saisie devrait tenir compte du fait qu’avant de recevoir une traduction dans sa propre langue, le prétendu contrefacteur a pu agir de bonne foi, sans savoir ou sans avoir de motif raisonnable de savoir qu’il portait atteinte au brevet. La juridiction compétente devrait procéder à une analyse au cas par cas en examinant, entre autres, si le prétendu contrefacteur est une PME n’exerçant d’activités qu’au niveau local et en tenant compte de la langue de la procédure engagée devant l’OEB et, durant la période transitoire, de la traduction accompagnant la demande d’effet unitaire.

[...]

(15)      Le présent règlement est sans préjudice du régime linguistique des institutions de l’Union institué conformément à l’article 342 [...] TFUE et du règlement no 1 du Conseil du 15 avril 1958 portant fixation du régime linguistique de la Communauté économique européenne [(JO 1958, 17, p. 385)]. Le présent règlement se fonde sur le régime linguistique de l’OEB et ne devrait pas être considéré comme dotant l’Union d’un régime linguistique spécifique ni comme constituant un précédent pour l’instauration d’un régime linguistique limité dans le cadre d’un futur instrument juridique de l’Union.»

15      L’article 2, sous b), du règlement attaqué définit la «langue de la procédure», aux fins de ce règlement, comme étant «la langue de la procédure utilisée dans la procédure devant l’OEB, au sens de l’article 14, paragraphe 3, de la [CBE]».

16      Les articles 3 à 7 du règlement attaqué disposent:

«Article 3

Modalités de traduction pour le [BEEU]

1.      Sans préjudice des articles 4 et 6 du présent règlement, dès lors que le fascicule d’un brevet européen qui bénéficie d’un effet unitaire a été publié conformément à l’article 14, paragraphe 6, de la CBE, aucune autre traduction n’est requise.

2.      Toute demande d’effet unitaire visée par l’article 9 du règlement (UE) no 1257/2012 est déposée dans la langue de la procédure.

Article 4

Traduction en cas de litige

1.      En cas de litige concernant une prétendue contrefaçon d’un [BEEU], le titulaire du brevet fournit, à la demande et au choix d’un prétendu contrefacteur, une traduction intégrale du [BEEU] dans une langue officielle de l’État membre participant dans lequel la prétendue contrefaçon a eu lieu ou dans lequel le prétendu contrefacteur est domicilié.

2.      En cas de litige concernant un [BEEU], le titulaire du brevet fournit, au cours de la procédure et à la demande d’une juridiction compétente dans les États membres participants pour les litiges concernant des [BEEU], une traduction intégrale du brevet dans la langue de procédure de cette juridiction.

3.      Le coût des traductions visées aux paragraphes 1 et 2 est supporté par le titulaire du brevet.

4.      En cas de litige concernant une demande de dommages-intérêts, la juridiction saisie évalue et tient compte du fait, en particulier s’il s’agit d’une PME, une personne physique ou une organisation sans but lucratif, une université ou une organisation publique de recherche, qu’avant de recevoir la traduction prévue au paragraphe 1, le prétendu contrefacteur a agi sans savoir ou sans avoir de motif raisonnable de savoir qu’il portait atteinte au [BEEU].

Article 5

Gestion d’un système de compensation

1.      L’article 14, paragraphe 2, de la CBE permettant de déposer une demande de brevet européen dans n’importe quelle langue, les États membres participants, conformément à l’article 9 du règlement (UE) no 1257/2012, confient à l’OEB, au sens de l’article 143 de la CBE, la tâche de gérer un système de compensation pour le remboursement de tous les coûts de traduction jusqu’à un certain plafond pour des demandeurs qui déposent leur demande de brevet auprès de l’OEB dans une langue officielle de l’Union autre que l’une des langues officielles de l’OEB.

2.      Le système de compensation visé au paragraphe 1, est alimenté par les taxes visées à l’article 11 du règlement (UE) no 1257/2012 et est disponible uniquement pour les PME, les personnes physiques, les organisations sans but lucratif, les universités et les organisations publiques de recherche ayant leur domicile ou leur principal établissement dans un État membre. 

Article 6

Mesures transitoires

1.      Durant une période transitoire qui commence à la date d’application du présent règlement, toute demande d’effet unitaire visée à l’article 9 du règlement (UE) no 1257/2012 est accompagnée:

a)      d’une traduction en anglais de l’intégralité du fascicule du brevet européen, si la langue de la procédure est le français ou l’allemand; ou

b)      d’une traduction de l’intégralité du fascicule du brevet européen dans une autre langue officielle de l’Union, si la langue de la procédure est l’anglais.

2.      Conformément à l’article 9 du règlement (UE) no 1257/2012, les États membres participants confient à l’OEB, au sens de l’article 143 de la CBE, la tâche de publier les traductions visées au paragraphe 1 du présent article le plus rapidement possible après la date de dépôt de la demande d’effet unitaire visée à l’article 9 du règlement (UE) no 1257/2012. Le texte de ces traductions n’a pas d’effet juridique et ne peut servir qu’à titre d’information.

3.      Six ans après la date d’application du présent règlement et tous les deux ans par la suite, un comité d’experts indépendants évalue de manière objective si, pour les demandes de brevet et les fascicules, il est possible de disposer de traductions automatiques de haute qualité, à partir du système mis au point par l’OEB, dans toutes les langues officielles de l’Union. Ce comité d’experts est institué par les États membres participants dans le cadre de l’Organisation européenne des brevets et se compose de représentants de l’OEB et des organisations non gouvernementales représentatives des utilisateurs du système européen de brevet que le conseil d’administration de l’Organisation européenne des brevets invite en qualité d’observateurs conformément à l’article 30, paragraphe 3, de la CBE.

4.      La Commission, se fondant sur la première des évaluations prévues au paragraphe 3 du présent article et tous les deux ans par la suite sur la base des évaluations ultérieures, présente un rapport au Conseil et propose, le cas échéant, de mettre fin à la période transitoire.

5.      S’il n’est pas mis fin à la période transitoire sur proposition de la Commission, cette période prend fin douze ans après la date d’application du présent règlement.

Article 7

Entrée en vigueur

1.      Le présent règlement entre en vigueur le vingtième jour suivant celui de sa publication au Journal officiel de l’Union européenne.

2.      Il s’applique à partir du 1er janvier 2014 ou de la date d’entrée en vigueur de l’accord [JUB], si cette date est ultérieure.»

 La procédure devant la Cour et les conclusions des parties

17      Par requête déposée au greffe de la Cour le 22 mars 2013, le Royaume d’Espagne a introduit le présent recours.

18      Par décisions du président de la Cour du 12 septembre 2013, le Royaume de Belgique, la République tchèque, le Royaume de Danemark, la République fédérale d’Allemagne, la République française, le Grand-Duché de Luxembourg, la Hongrie, le Royaume des Pays-Bas, le Royaume de Suède, le Royaume-Uni de Grande Bretagne et d’Irlande du Nord, le Parlement européen et la Commission ont été admis à intervenir au soutien des conclusions du Conseil, conformément à l’article 131, paragraphe 2, du règlement de procédure de la Cour.

19      Le Royaume d’Espagne demande à la Cour:

–        d’annuler le règlement attaqué;

–        à titre subsidiaire, d’annuler les articles 4 à 6, paragraphe 2, et 7, paragraphe 2, dudit règlement, et

–        de condamner le Conseil aux dépens.

20      Le Conseil, auquel se rallient l’ensemble des parties intervenantes, demande à la Cour:

–        de rejeter le recours et

–        de condamner le Royaume d’Espagne aux dépens.

 Sur le recours

21      Au soutien de son recours, le Royaume d’Espagne invoque cinq moyens, tirés, respectivement, de la violation du principe de non-discrimination en raison de la langue, de la violation des principes énoncés dans l’arrêt Meroni/Haute Autorité (9/56, EU:C:1958:7), du fait de la délégation à l’OEB de tâches administratives relatives au BEEU, d’un défaut de base juridique, de la violation du principe de sécurité juridique et de la violation du principe de l’autonomie du droit de l’Union.

 Sur le premier moyen, tiré de la violation du principe de non-discrimination en raison de la langue

 Argumentation des parties

22      Le Royaume d’Espagne soutient que, en adoptant le règlement attaqué, le Conseil a méconnu le principe de non-discrimination, consacré à l’article 2 TUE, dès lors qu’il instaure, pour le BEEU, un régime linguistique qui porte préjudice aux personnes dont la langue n’est pas l’une des langues officielles de l’OEB. Ledit régime créerait une inégalité de traitement entre, d’une part, les citoyens et les entreprises de l’Union qui disposent des moyens de comprendre, avec un certain degré d’expertise, des documents rédigés dans ces langues et, d’autre part, ceux qui n’en disposent pas et devront effectuer les traductions à leurs frais. Toute limitation à l’utilisation de l’ensemble des langues officielles de l’Union devrait être dûment justifiée, dans le respect du principe de proportionnalité.

23      En premier lieu, l’accès aux traductions des documents accordant des droits à la collectivité ne serait pas garanti. Cela résulterait du fait que le fascicule d’un BEEU sera publié dans la langue de procédure et inclura la traduction des revendications dans les deux autres langues officielles de l’OEB, sans possibilité d’autre traduction, ce qui serait discriminatoire et enfreindrait le principe de sécurité juridique. Le règlement attaqué ne préciserait même pas la langue dans laquelle sera délivré le BEEU ni si cet élément fera l’objet d’une publication. Le fait que le Conseil se soit fondé sur le régime de l’OEB pour établir le régime linguistique du BEEU ne garantirait pas sa compatibilité avec le droit de l’Union.

24      En second lieu, le règlement attaqué serait disproportionné et ne serait pas justifié par des raisons d’intérêt général. Premièrement, il ne serait pas prévu de mettre à disposition une traduction, au moins, des revendications, ce qui impliquerait une grande insécurité juridique et pourrait avoir des effets négatifs sur la concurrence. Deuxièmement, le BEEU serait un titre de propriété intellectuelle essentiel pour le marché intérieur. Troisièmement, ce règlement ne prévoirait pas de régime transitoire qui garantisse une connaissance adéquate du brevet. Ni le développement des traductions automatiques ni l’obligation de présenter une traduction complète en cas de litige ne seraient des mesures suffisantes à cet égard.

25      Il s’en suivrait que l’introduction d’une exception au principe de l’égalité entre les langues officielles de l’Union aurait dû être justifiée par des critères autres que ceux, purement économiques, mentionnés aux considérants 5 et 6 du règlement attaqué.

26      Le Conseil rétorque, en premier lieu, qu’il ne peut être inféré des traités aucun principe selon lequel toutes les langues officielles de l’Union doivent être, en toutes circonstances, traitées sur un pied d’égalité, ce qui est d’ailleurs confirmé à l’article 118, second alinéa, TFUE, qui n’aurait pas de sens s’il n’y avait qu’un seul régime linguistique possible incluant toutes les langues officielles de l’Union.

27      En deuxième lieu, dans le système actuel, toute personne physique ou morale pourrait demander un brevet européen dans n’importe quelle langue, à condition toutefois de produire, dans un délai de deux mois, une traduction dans l’une des trois langues officielles de l’OEB, qui deviendrait la langue de la procédure, les revendications étant ensuite publiées dans les deux autres langues officielles de l’OEB. C’est ainsi qu’une demande ne serait traduite et publiée en langue espagnole que si la validation du brevet est demandée pour le Royaume d’Espagne.

28      En troisième lieu, l’absence de publication en langue espagnole n’aurait qu’un effet limité. Premièrement, le règlement attaqué prévoirait un système de compensation des coûts. Deuxièmement, les brevets seraient généralement gérés par des conseils en propriété industrielle, qui connaissent d’autres langues de l’Union. Troisièmement, l’impact sur l’accès aux informations scientifiques en langue espagnole serait limité. Quatrièmement, seule une faible partie des demandes de brevets européens serait actuellement traduite en langue espagnole. Cinquièmement, ce règlement prévoirait la mise en place d’un système de traduction automatique de haute qualité dans toutes les langues officielles de l’Union. Enfin, sixièmement, l’article 4 dudit règlement fixerait une limite à la responsabilité éventuelle des petites et moyennes entreprises, des personnes physiques, des organisations sans but lucratif, des universités et des organisations publiques de recherche.

29      En quatrième lieu, la limitation du nombre de langues utilisées dans le cadre du BEEU poursuivrait un but légitime, tenant au coût raisonnable de celui-ci.

30      Les parties intervenantes se rallient aux arguments du Conseil. Elles soulignent que la recherche d’un équilibre entre les différents opérateurs économiques a été particulièrement difficile, les différences d’appréciation entre les États membres sur le régime linguistique ayant fait échouer tous les projets antérieurs de brevet unitaire.

 Appréciation de la Cour

31      Il ressort de la jurisprudence de la Cour que les références, dans les traités, à l’emploi des langues dans l’Union ne peuvent être considérées comme la manifestation d’un principe général du droit de l’Union en vertu duquel tout ce qui serait susceptible d’affecter les intérêts d’un citoyen de l’Union devrait être rédigé dans sa langue en toute circonstance (arrêts Kik/OHMI, C‑361/01 P, EU:C:2003:434, point 82, et Polska Telefonia Cyfrowa, C‑410/09, EU:C:2011:294, point 38).

32      En l’occurrence, il ne saurait être contesté que le règlement attaqué opère un traitement différencié des langues officielles de l’Union. En effet, l’article 3, paragraphe 1, dudit règlement, qui définit les modalités de traduction pour le BEEU, se réfère à la publication du fascicule du BEEU conformément à l’article 14, paragraphe 6, de la CBE. En application de cette disposition et de l’article 14, paragraphe 1, de la CBE, les fascicules de brevet européen sont publiés dans la langue de procédure, qui doit être l’une des langues officielles de l’OEB, à savoir les langues allemande, anglaise ou française, et comportent une traduction des revendications dans les deux autres langues officielles de l’OEB. Dès lors qu’il a été satisfait aux exigences prescrites par ces dispositions de la CBE, aucune autre traduction n’est requise aux fins de la reconnaissance de l’effet unitaire du brevet européen concerné.

33      Pour autant qu’un objectif légitime d’intérêt général peut être invoqué et sa réalité démontrée, il importe de rappeler qu’une différence de traitement en raison de la langue doit, en outre, respecter le principe de proportionnalité, c’est-à-dire qu’elle doit être apte à réaliser l’objectif visé et ne pas aller au-delà de ce qui est nécessaire pour l’atteindre (voir arrêt Italie/Commission, C‑566/10 P, EU:C:2012:752, point 93).

34      S’agissant, en premier lieu, du but poursuivi par le Conseil, il ressort du considérant 16 du règlement attaqué que l’objectif de celui-ci est la création d’un régime simplifié et uniforme de traduction pour le BEEU établi par le règlement no 1257/2012. Les considérants 4 et 5 du règlement attaqué précisent que, conformément à la décision de coopération renforcée, les modalités de traduction des BEEU devraient être simples et présenter un bon rapport coût-efficacité. Elles devraient par ailleurs garantir la sécurité juridique, stimuler l’innovation et profiter tout particulièrement aux petites et moyennes entreprises, de même que rendre plus facile, moins coûteux et juridiquement sûr l’accès au BEEU et au système de brevet en général. Il ressort de ce qui précède que le règlement attaqué vise à faciliter l’accès à la protection offerte par le brevet, notamment pour les petites et moyennes entreprises.

35      La légitimité d’un tel objectif ne saurait être contestée. Parmi les choix qui se présentent à un inventeur, au moment où il envisage d’obtenir la protection de son invention par la délivrance d’un brevet, figure celui de l’étendue territoriale de la protection souhaitée, lequel se fait sur la base d’une appréciation globale des avantages et des inconvénients de chaque option, qui comporte, notamment, des évaluations économiques complexes relatives à l’intérêt commercial d’une protection dans les divers États par rapport au montant total des frais liés à la délivrance d’un brevet dans ces États, y compris les frais de traduction (voir, en ce sens, arrêt BASF, C‑44/98, EU:C:1999:440, point 18).

36      Or, le système de protection du brevet européen qui résulte de la CBE se caractérise par une complexité et des coûts particulièrement élevés pour un demandeur qui envisage d’obtenir la protection de son invention par la délivrance d’un brevet couvrant le territoire de l’ensemble des États membres. Cette complexité et ces coûts, qui résultent notamment de la nécessité pour le titulaire d’un brevet européen délivré par l’OEB, aux fins de valider ce brevet sur le territoire d’un État membre, de soumette une traduction de ce dernier dans la langue officielle de cet État membre, constituent un obstacle à la protection par le brevet dans l’Union.

37      Par ailleurs, il ne fait aucun doute que les modalités du système actuel de protection de brevets qui résulte de la CBE produisent des effets négatifs sur la capacité d’innovation et de compétitivité des entreprises de l’Union, surtout des petites et moyennes entreprises, qui ne peuvent pas développer de nouvelles technologies protégées par des brevets couvrant l’ensemble de l’Union sans avoir à suivre des procédures complexes et coûteuses, tandis que le régime linguistique établi par le règlement attaqué est capable de rendre plus facile, moins coûteux et juridiquement plus sûr l’accès au BEEU et au système du brevet en général.

38      En deuxième lieu, il convient de vérifier si le régime établi par le règlement attaqué est approprié pour atteindre l’objectif légitime de faciliter l’accès à la protection offerte par le brevet.

39      À cet égard, il y a lieu de rappeler que le règlement attaqué a pour objet de déterminer les modalités de traduction des brevets européens auxquels est conféré un effet unitaire en vertu du règlement no 1257/2012. L’OEB étant responsable de la délivrance des brevets européens, le règlement attaqué se fonde sur les modalités de traduction en vigueur à l’OEB, qui prévoient l’utilisation des langues allemande, anglaise et française, ledit règlement n’exigeant toutefois pas une traduction du fascicule du brevet européen, ou du moins de ses revendications, dans la langue officielle de chaque État dans lequel le BEEU produira ses effets, comme c’est le cas pour le brevet européen. Partant, le régime établi par le règlement attaqué permet effectivement de faciliter l’accès à la protection offerte par le brevet en réduisant les coûts liés aux exigences de traduction.

40      En troisième lieu, il convient de vérifier si le régime établi par le règlement attaqué ne va pas au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre l’objectif légitime poursuivi.

41      À cet égard, la Cour a souligné, au point 92 de l’arrêt Kik/OHMI (C‑361/01 P, EU:C:2003:434), le nécessaire équilibre devant être préservé, d’une part, entre les intérêts des opérateurs économiques et ceux de la collectivité pour ce qui concerne le coût des procédures et, d’autre part, entre les intérêts des demandeurs de titres de propriété intellectuelle et ceux des autres opérateurs économiques pour ce qui concerne l’accès aux traductions des documents accordant des droits ou les procédures impliquant plusieurs opérateurs économiques.

42      S’agissant, premièrement, de la préservation de l’équilibre entre les intérêts des opérateurs économiques et ceux de la collectivité pour ce qui concerne le coût de la procédure de reconnaissance de l’effet unitaire du brevet européen, il y a lieu de relever que si l’Union est attachée à la préservation du multilinguisme, dont l’importance est rappelée à l’article 3, paragraphe 3, quatrième alinéa, TUE et à l’article 22 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, il a été relevé, au point 36 du présent arrêt, que les coûts élevés afférents à la délivrance d’un brevet européen couvrant le territoire de l’ensemble des États membres constituent un obstacle à la protection par le brevet dans l’Union, de telle sorte qu’il était indispensable que les modalités de traduction des BEEU présentent un bon rapport entre leur coût et leur efficacité.

43      Deuxièmement, il y a lieu de souligner que le Conseil a prévu la mise en place de plusieurs mécanismes aux fins de garantir le nécessaire équilibre entre les intérêts des demandeurs de BEEU et ceux des autres opérateurs économiques pour ce qui concerne l’accès aux traductions des documents accordant des droits ou les procédures impliquant plusieurs opérateurs économiques.

44      Ainsi, tout d’abord, afin de faciliter l’accès au BEEU, et notamment de permettre aux demandeurs de déposer devant l’OEB leurs demandes dans n’importe quelle langue de l’Union, l’article 5 du règlement attaqué prévoit un système de compensation pour le remboursement des coûts de traduction jusqu’à un certain plafond pour certains demandeurs, notamment les petites et moyennes entreprises, qui déposent leur demande de brevet auprès de l’OEB dans une langue officielle de l’Union autre que l’une des langues officielles de l’OEB.

45      Ensuite, aux fins de limiter les désavantages pour les opérateurs économiques qui ne disposeraient pas des moyens de comprendre, avec un certain degré d’expertise, des documents rédigés en langues allemande, anglaise ou française, le Conseil a prévu, à l’article 6 du règlement attaqué, une période transitoire, d’une durée maximale de douze ans, jusqu’à ce qu’un système de traduction automatique de haute qualité soit disponible dans toutes les langues officielles de l’Union. Pendant cette période de transition, toute demande d’effet unitaire doit être accompagnée soit d’une traduction en langue anglaise de l’intégralité du fascicule, si la langue de la procédure est la langue allemande ou la langue française, soit d’une traduction de l’intégralité du fascicule dans une autre langue officielle de l’Union, si la langue de la procédure est la langue anglaise.

46      Enfin, afin de protéger les opérateurs économiques qui ne disposeraient pas des moyens de comprendre, avec un certain degré d’expertise, l’une des langues officielles de l’OEB, le Conseil a prévu, à l’article 4 du règlement attaqué, plusieurs dispositions applicables en cas de litige, qui visent, d’une part, à permettre à de tels opérateurs, lorsqu’ils sont suspectés de contrefaçon, d’obtenir, dans les conditions prévues à cet article, une traduction intégrale du BEEU et, d’autre part, en cas de litige concernant une demande de dommages et intérêts, à ce que la juridiction saisie évalue et tienne compte de la bonne foi d’un prétendu contrefacteur.

47      Eu égard à ces éléments, il y a lieu de considérer que le règlement attaqué préserve le nécessaire équilibre entre les différents intérêts en cause et, partant, ne va pas au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre l’objectif légitime poursuivi. Par conséquent, ainsi que M. l’avocat général l’a relevé en substance aux points 61 à 74 de ses conclusions, le choix du Conseil, dans le cadre de l’établissement des modalités de traduction des BEEU, d’opérer un traitement différencié des langues officielles de l’Union, limité aux langues allemande, anglaise et française, est approprié et proportionné au but légitime poursuivi par ce règlement.

48      Il y a lieu, dès lors, d’écarter le premier moyen.

 Sur le deuxième moyen, tiré de la violation des principes énoncés dans l’arrêt Meroni/Haute Autorité (9/56, EU:C:1958:7)

 Argumentation des parties

49      Le Royaume d’Espagne fait valoir que, en déléguant à l’OEB, aux articles 5 et 6, paragraphe 2, du règlement attaqué, la gestion du système de compensation pour le remboursement des coûts de traduction et la publication des traductions dans le cadre du régime transitoire, le Conseil a violé les principes énoncés dans l’arrêt Meroni/Haute Autorité (9/56, EU:C:1958:7), confirmé par les arrêts Romano (98/80, EU:C:1981:104) et Tralli/BCE (C‑301/02 P, EU:C:2005:306).

50      En premier lieu, ni les considérants du règlement no 1257/2012 ni les considérants du règlement attaqué ne comporteraient de justification objective de cette délégation de pouvoirs.

51      En second lieu, il résulterait de l’arrêt Meroni/Haute Autorité (9/56, EU:C:1958:7) que la délégation ne peut viser que des pouvoirs d’exécution clairement définis, pour lesquels il n’existerait pas de marge d’appréciation et dont l’usage, de ce fait, serait susceptible d’un contrôle rigoureux au regard de critères objectifs fixés par l’autorité délégante. Or, tel ne serait pas le cas en l’espèce.

52      Premièrement, l’article 5 du règlement attaqué confierait la gestion du système de compensation à l’OEB, qui pourrait décider de manière discrétionnaire de la mise en œuvre du droit au remboursement des coûts de traduction que ce système prévoit. En outre, si, selon le Royaume d’Espagne, l’article 9, paragraphe 3, du règlement no 1257/2012 impose aux États membres l’obligation de garantir une protection juridictionnelle effective à l’égard des décisions prises par l’OEB dans l’exercice des tâches visées au paragraphe 1 de cette disposition, et si cette compétence a été confiée en exclusivité à la juridiction unifiée du brevet à l’article 32, paragraphe 1, sous i), de l’accord JUB, l’Organisation européenne des brevets jouirait d’un privilège d’immunité de juridiction et d’exécution et, par conséquent, les actes de l’OEB ne seraient pas susceptibles d’être soumis à un quelconque contrôle juridictionnel.

53      Deuxièmement, la tâche de publier des traductions, prévue à l’article 6, paragraphe 2, du règlement attaqué, serait une activité à l’égard de laquelle il n’existe aucun pouvoir d’appréciation. Elle ne serait toutefois soumise à aucun contrôle juridictionnel.

54      Le Conseil relève, à titre liminaire, que le Royaume d’Espagne ne conteste pas que c’est aux États membres participants, par l’intermédiaire de l’OEB, qu’incombent la gestion du système de compensation et la tâche de publier les traductions. Or, la mise en œuvre du droit de l’Union incomberait en premier lieu aux États membres et, pour les tâches relatives au régime de compensation et à la publication des traductions, il ne serait pas nécessaire d’avoir des conditions uniformes d’exécution au sens de l’article 291, paragraphe 2, TFUE. Les principes énoncés dans les arrêts Meroni/Haute Autorité (9/56, EU:C:1958:7), Romano (98/80, EU:C:1981:104) et Tralli/BCE (C‑301/02 P, EU:C:2005:306) ne seraient pas pertinents. En tout état de cause, lesdits principes n’auraient pas été méconnus.

55      Les parties intervenantes se rallient aux arguments du Conseil.

 Appréciation de la Cour

56      Il y a lieu de relever, à titre liminaire, qu’il ressort des écritures du Royaume d’Espagne que cet État membre soutient que les conditions permettant la prétendue délégation de compétences opérée par le Conseil aux articles 5 et 6, paragraphe 2, du règlement attaqué ne sont pas réunies, ce qui constitue une violation des principes énoncés dans l’arrêt Meroni/Haute Autorité (9/56, EU:C:1958:7).

57      À cet égard, il convient de relever que les articles 5 et 6, paragraphe 2, du règlement attaqué invitent les États membres participants, conformément à l’article 9 du règlement no 1257/2012, à confier les tâches qu’ils déterminent à l’OEB, au sens de l’article 143 de la CBE.

58      Ainsi qu’il résulte de l’article 1er, paragraphe 2, du règlement no 1257/2012, ce règlement constitue un accord particulier au sens de l’article 142 de la CBE, de telle sorte que sont applicables à un tel accord les dispositions de la neuvième partie de cette convention, relative aux accords particuliers, qui comprend les articles 142 à 149 de celle-ci.

59      Selon les articles 143 et 145 de la CBE, un groupe d’États contractants faisant usage des stipulations de la neuvième partie de la CBE peut confier des tâches à l’OEB.

60      C’est aux fins de mettre en œuvre lesdites dispositions que l’article 9, paragraphe 1, sous d) et f), du règlement no 1257/2012 dispose que les États membres participants confient à l’OEB les tâches, d’une part, de publier les traductions visées à l’article 6 du règlement attaqué durant la période de transition visée à ce même article et, d’autre part, de gérer le système de compensation pour le remboursement des coûts de traduction visé à l’article 5 de ce règlement.

61      Or, ces tâches sont intrinsèquement liées à la mise en œuvre de la protection unitaire conférée par un brevet, créée par le règlement no 1257/2012 et dont les modalités de traduction sont fixées par le règlement attaqué.

62      Il y a dès lors lieu de considérer que le fait de confier à l’OEB des tâches supplémentaires résulte de la conclusion par les États membres participants, en leur qualité de parties contractantes de la CBE, d’un accord particulier au sens de l’article 142 de cette convention.

63      Dès lors que, contrairement à ce qu’affirme le Royaume d’Espagne, le Conseil n’a pas délégué aux États membres participants ou à l’OEB des compétences d’exécution qui lui appartiendraient en propre en vertu du droit de l’Union, les principes dégagés par la Cour dans l’arrêt Meroni/Haute Autorité (9/56, EU:C:1958:7) ne sauraient trouver à s’appliquer.

64      Il s’ensuit qu’il y a lieu d’écarter le deuxième moyen.

 Sur le troisième moyen, tiré du défaut de base juridique de l’article 4 du règlement attaqué

 Argumentation des parties

65      Le Royaume d’Espagne soutient que la base juridique utilisée pour introduire l’article 4 dans le règlement attaqué est erronée, cette disposition ne portant pas sur le «régime linguistique» d’un titre européen, conformément à l’article 118, second alinéa, TFUE, mais incorporant certaines garanties procédurales dans le cadre d’une procédure juridictionnelle, qui ne peuvent pas être fondées sur cette disposition du traité FUE.

66      Le Conseil soutient que le règlement attaqué établit effectivement un régime linguistique, puisqu’il détermine les traductions exigibles après la délivrance et l’enregistrement de l’effet unitaire d’un BEEU. Ainsi, l’article 3, paragraphe 1, de ce règlement établirait le régime linguistique du BEEU en précisant, pour ce qui concerne la situation après l’enregistrement de l’effet unitaire, que dès lors que le fascicule du brevet européen a été publié conformément à la CBE, aucune autre traduction n’est requise. L’article 4 dudit règlement comblerait un vide juridique, étant donné que le régime linguistique prévu par la CBE ne régirait pas les exigences linguistiques en cas de litige. En outre, étant donné que les règles de procédure des États membres n’ont pas été harmonisées par le droit de l’Union, il conviendrait de veiller à ce que le prétendu contrefacteur ait toujours le droit d’obtenir la traduction du BEEU concerné dans son intégralité.

67      Les parties intervenantes se rallient aux arguments du Conseil.

 Appréciation de la Cour

68      Selon une jurisprudence constante, le choix de la base juridique d’un acte de l’Union doit se fonder sur des éléments objectifs susceptibles de contrôle juridictionnel, parmi lesquels figurent, notamment, le but et le contenu de cet acte (arrêts Commission/Conseil, C‑377/12, EU:C:2014:1903, point 34 et jurisprudence citée, ainsi que Royaume-Uni/Conseil, C‑81/13, EU:C:2014:2449, point 35).

69      En l’occurrence, s’agissant de la finalité du règlement attaqué, il convient de relever que, selon le titre et l’article 1er de ce règlement, celui-ci met en œuvre la coopération renforcée dans le domaine de la création d’une protection unitaire conférée par un brevet en ce qui concerne les modalités applicables en matière de traduction. Ainsi qu’il ressort du considérant 16 du règlement attaqué, l’objectif de celui-ci est la création d’un régime simplifié et uniforme de traduction pour les BEEU.

70      Pour ce qui concerne le contenu du règlement attaqué, il y a lieu de relever que l’article 3, paragraphe 1, de ce règlement prévoit que, sans préjudice des dispositions relatives aux traductions en cas de litige et des dispositions transitoires, dès lors que le fascicule d’un brevet européen qui bénéficie d’un effet unitaire a été publié conformément à l’article 14, paragraphe 6, de la CBE, aucune autre traduction n’est requise. Selon cette dernière disposition, les fascicules de brevet européen sont publiés dans la langue de la procédure et comportent une traduction des revendications dans les deux autres langues officielles de l’OEB.

71      Il résulte des considérations qui précèdent que le règlement attaqué établit, conformément à l’article 118, second alinéa, TFUE, le régime linguistique pour le BEEU, défini par renvoi à l’article 14, paragraphe 6, de la CBE.

72      À cet égard, il convient de relever que l’article 118, second alinéa, TFUE n’exclut pas, lors de la détermination du régime linguistique d’un titre européen, qu’il soit fait référence au régime linguistique de l’organisation dont relève l’organe qui sera chargé de délivrer le titre auquel sera attaché un effet unitaire. Il est, par ailleurs, sans pertinence que le règlement attaqué n’établisse pas une réglementation exhaustive du régime linguistique applicable au BEEU. En effet, l’article 118, second alinéa, TFUE n’exige pas que le Conseil harmonise l’ensemble des aspects du régime linguistique des titres de propriété intellectuelle créés sur la base du premier alinéa de cet article.

73      S’agissant de l’article 4 du règlement attaqué, il convient de constater que celui-ci relève directement du régime linguistique du BEEU, dans la mesure où il définit les règles spéciales régissant la traduction du BEEU dans le contexte spécifique d’un litige. En effet, le régime linguistique du BEEU étant défini par l’ensemble des dispositions du règlement attaqué, et plus précisément par celles des articles 3, 4 et 6, visant à régir des situations différentes, l’article 4 de ce règlement ne pourrait pas être détaché, pour ce qui concerne la base juridique, du reste des dispositions de celui-ci.

74      Eu égard aux considérations qui précèdent, l’argument du Royaume d’Espagne selon lequel l’article 118, second alinéa, TFUE ne saurait servir de base juridique à l’article 4 du règlement attaqué doit, partant, être rejeté.

75      Il y a lieu, dès lors, d’écarter le troisième moyen.

 Sur le quatrième moyen, tiré de la violation du principe de sécurité juridique

 Argumentation des parties

76      Le Royaume d’Espagne fait valoir que le Conseil a violé le principe de sécurité juridique. Tout d’abord, le règlement attaqué limiterait les possibilités d’information des opérateurs économiques, puisque le fascicule du BEEU ne serait publié que dans la langue de procédure, à l’exclusion des autres langues officielles de l’OEB. Ensuite, ce règlement ne prévoirait pas les modalités, notamment linguistiques, de l’octroi du BEEU. En outre, il n’indiquerait pas, dans le cadre de la gestion du système de compensation, le plafond des coûts ni son mode de fixation. Par ailleurs, les dispositions de l’article 4 dudit règlement ne suffiraient pas à pallier l’absence d’information relative au BEEU. En effet, la traduction du BEEU fournie en cas de litige n’aurait pas de valeur juridique et cette disposition ne prévoirait pas les conséquences concrètes de l’hypothèse dans laquelle un contrefacteur a agi de bonne foi. Enfin, le système de traduction automatique n’aurait pas existé au moment de l’adoption du règlement attaqué et il n’y aurait pas de garantie qu’il puisse fonctionner dans un domaine où la rigueur de la traduction est primordiale.

77      Le Conseil estime que les allégations du Royaume d’Espagne méconnaissent les principes de l’administration indirecte et de subsidiarité, sur lesquels le droit de l’Union est fondé. Le règlement attaqué laisserait aux États membres le soin de réglementer concrètement des aspects tels que le système de compensation ou les traductions automatiques. Le principe de sécurité juridique n’exigerait pas que toutes les règles soient fixées jusque dans les moindres détails dans le règlement de base, certaines règles pouvant être déterminées par les États membres ou définies dans des actes délégués ou des actes d’exécution. Par ailleurs, l’article 4, paragraphe 4, de ce règlement fixerait les éléments essentiels et les critères en vue de leur application par la juridiction nationale.

78      Les parties intervenantes se rallient aux arguments du Conseil.

 Appréciation de la Cour

79      Selon une jurisprudence constante, le principe de sécurité juridique exige que les règles du droit soient claires, précises et prévisibles dans leurs effets, afin que les intéressés puissent s’orienter dans des situations et des relations juridiques relevant de l’ordre juridique de l’Union (voir arrêts France Télécom/Commission, C‑81/10 P, EU:C:2011:811, point 100 et jurisprudence citée, ainsi que LVK – 56, C‑643/11, EU:C:2013:55, point 51).

80      Premièrement, l’argument du Royaume d’Espagne selon lequel le règlement attaqué limite les possibilités d’information des opérateurs économiques revient à contester le régime linguistique établi par ledit règlement, en ce qu’il ne prévoit pas la traduction du BEEU dans toutes les langues officielles de l’Union. Or, une telle argumentation a déjà été rejetée dans le cadre du premier moyen.

81      Deuxièmement, s’agissant de l’argument selon lequel le règlement attaqué ne prévoirait pas les modalités, notamment linguistiques, de l’octroi de l’effet unitaire, une lecture conjointe des dispositions pertinentes de ce règlement et du règlement no 1257/2012 permet d’exclure toute violation du principe de sécurité juridique.

82      En effet, l’article 3, paragraphe 2, du règlement attaqué dispose que toute demande d’effet unitaire visée à l’article 9 du règlement no 1257/2012 est déposée dans la langue de la procédure. À cet égard, la langue de la procédure est définie à l’article 2, sous b), du règlement attaqué comme étant la langue de la procédure devant l’OEB, au sens de l’article 14, paragraphe 3, de la CBE.

83      Selon l’article 3, paragraphe 1, du règlement no 1257/2012, l’effet unitaire doit être enregistré dans le registre de la protection unitaire conférée par un brevet, un tel registre faisant partie, selon l’article 2, sous e), de ce règlement, du registre européen des brevets, qui est tenu par l’OEB. Or, les inscriptions au registre européen des brevets sont effectuées dans les trois langues officielles de l’OEB, conformément à l’article 14, paragraphe 8, de la CBE.

84      Troisièmement, s’agissant de la prétendue absence de plafond des coûts ou de mode de fixation dudit plafond, il suffit de constater, ainsi que M. l’avocat général l’a relevé, en substance, aux points 110 et 111 de ses conclusions, que, selon l’article 9, paragraphe 2, du règlement no 1257/2012, les États membres participants, en qualité d’États parties à la CBE, assurent la gouvernance et le suivi des activités liées aux tâches visées à l’article 9, paragraphe 1, de ce règlement et, à cette fin, instituent un comité restreint du conseil d’administration de l’Organisation européenne des brevets, au sens de l’article 145 de la CBE, de telle sorte qu’une décision relative au plafond des coûts ou au mode de fixation dudit plafond sera du ressort des États membres participants dans le cadre d’un tel comité restreint. Aucune violation du principe de sécurité juridique ne saurait dès lors être constatée à cet égard.

85      Quatrièmement, la circonstance que ce ne soit que le brevet dans la langue où il a été délivré qui produise des effets juridiques et non la traduction qui, en application de l’article 4 du règlement attaqué, doit être fournie en cas de litige ne crée aucune insécurité juridique, dès lors que les opérateurs en cause sont en mesure de connaître avec certitude la langue qui fait foi aux fins d’évaluer l’étendue de la protection conférée par le BEEU.

86      Cinquièmement, l’absence d’indication des conséquences concrètes de l’hypothèse dans laquelle un prétendu contrefacteur a agi de bonne foi ne viole pas davantage le principe de sécurité juridique. Au contraire, ainsi qu’il résulte du considérant 9 du règlement attaqué, cette circonstance permet à la juridiction compétente de procéder à une analyse au cas par cas en examinant, notamment, si le prétendu contrefacteur est une petite ou moyenne entreprise n’exerçant d’activités qu’au niveau local et en tenant compte de la langue de la procédure devant l’OEB et, durant la période transitoire, de la traduction accompagnant la demande d’effet unitaire.

87      Sixièmement, quant aux allégations du Royaume d’Espagne sur l’absence de garantie du bon fonctionnement du système de traduction automatique, qui ne serait pas opérationnel au moment de l’adoption du règlement attaqué, il convient de relever que ce qui est mis en cause, en réalité, est le choix du législateur de l’Union d’avoir prévu une période transitoire de douze ans pour la mise en place de la composante du régime linguistique se rapportant à la traduction automatique des demandes de brevets et des fascicules dans toutes les langues officielles de l’Union. Or, même s’il est vrai qu’une garantie pour le bon fonctionnement dudit système, qui sera opérationnel à la fin d’une période transitoire, fait défaut, cela ne suffit pas pour fonder l’annulation du règlement attaqué pour violation du principe de la sécurité juridique, dans la mesure où une telle garantie ne pourrait être donnée. Dès lors, l’argument du Royaume d’Espagne doit être rejeté comme inopérant.

88      Dans ces conditions, aucune violation du principe de sécurité juridique ne peut être constatée.

89      Il y a lieu, dès lors, d’écarter le quatrième moyen.

 Sur le cinquième moyen, tiré de la violation du principe de l’autonomie du droit de l’Union

 Argumentation des parties

90      Le Royaume d’Espagne soutient que l’article 7 du règlement attaqué est contraire au principe de l’autonomie du droit de l’Union, dès lors qu’il distingue entre, d’une part, l’entrée en vigueur dudit règlement et, d’autre part, l’application de celui-ci, en fixant cette date au 1er janvier 2014 tout en indiquant que cette date sera reportée si l’accord JUB n’est pas entré en vigueur conformément à son article 89, paragraphe 1. En l’espèce, il aurait été donné aux parties contractantes de l’accord JUB le pouvoir de déterminer la date d’applicabilité d’une norme de l’Union et, par conséquent, l’exercice de sa compétence. Le Royaume d’Espagne ajoute que les exemples du Conseil tirés de la pratique législative sont dépourvus de pertinence.

91      Le Conseil affirme qu’il ressort d’une lecture conjointe des considérants 9, 24 et 25 du règlement no 1257/2012 que le choix politique opéré par le législateur de l’Union afin de garantir le bon fonctionnement du BEEU, la cohérence de la jurisprudence et, partant la sécurité juridique, ainsi qu’un bon rapport coût-efficacité pour les titulaires de brevets a été de lier le BEEU au fonctionnement d’un organe juridictionnel distinct, lequel devrait être établi avant que soit délivré le premier BEEU. Il n’existerait à cet égard aucun obstacle juridique à l’établissement d’un lien entre le BEEU et la juridiction unifiée du brevet, lequel serait suffisamment motivé aux considérants 24 et 25 du règlement no 1257/2012. Il existerait d’ailleurs, dans la pratique législative, plusieurs exemples de liens entre l’applicabilité d’un acte de l’Union et un événement étranger à cet acte.

92      Les parties intervenantes se rallient aux observations du Conseil.

 Appréciation de la Cour

93      Il y a lieu de relever que l’article 7, paragraphe 2, du règlement attaqué dispose qu’il «s’applique à partir du 1er janvier 2014 ou de la date d’entrée en vigueur de l’accord [JUB], si cette date est ultérieure».

94      Selon la jurisprudence de la Cour, l’applicabilité directe d’un règlement, prévue à l’article 288, deuxième alinéa, TFUE, exige que son entrée en vigueur et son application en faveur ou à la charge des sujets de droit se réalisent sans aucune mesure portant réception dans le droit national, sauf si le règlement en cause laisse le soin aux États membres de prendre eux-mêmes les mesures législatives, réglementaires, administratives et financières nécessaires pour que les dispositions dudit règlement puissent être appliquées (voir arrêts Bussone, 31/78, EU:C:1978:217, point 32, ainsi que ANAFE, C‑606/10, EU:C:2012:348, point 72 et jurisprudence citée).

95      Tel est le cas en l’occurrence, le législateur de l’Union ayant lui-même laissé le soin aux États membres, aux fins que les dispositions du règlement attaqué puissent être appliquées, d’une part, d’adopter plusieurs mesures dans le cadre juridique fixé par la CBE et, d’autre part, de procéder à la mise en place de la juridiction unifiée du brevet, laquelle, ainsi qu’il est rappelé aux considérants 24 et 25 du règlement no 1257/2012, est essentielle afin de garantir le bon fonctionnement de ce brevet, la cohérence de la jurisprudence et, partant, la sécurité juridique ainsi qu’un bon rapport coût-efficacité pour les titulaires de brevets.

96      Il résulte des considérations qui précèdent qu’il y a lieu d’écarter le cinquième moyen.

97      Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il convient de rejeter le recours dans son ensemble ainsi que la demande d’annulation partielle du règlement attaqué formulée à titre subsidiaire par le Royaume d’Espagne.

 Sur les dépens

98      Aux termes de l’article 138, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Le Conseil ayant conclu à la condamnation du Royaume d’Espagne et celui-ci ayant succombé en ses moyens, il convient de décider que cet État membre supportera, outre ses propres dépens, ceux exposés par le Conseil.

99      En application de l’article 140, paragraphe 1, du même règlement, les États membres et les institutions qui sont intervenus au litige supporteront leurs propres dépens.

Par ces motifs, la Cour (grande chambre) déclare et arrête:

1)      Le recours est rejeté.

2)      Le Royaume d’Espagne supporte, outre ses propres dépens, ceux exposés par le Conseil de l’Union européenne.

3)      Le Royaume de Belgique, la République tchèque, le Royaume de Danemark, la République fédérale d’Allemagne, la République française, le Grand-Duché de Luxembourg, la Hongrie, le Royaume des Pays-Bas, le Royaume de Suède, le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord, le Parlement européen et la Commission européenne supportent leurs propres dépens.

Signatures


* Langue de procédure: l’espagnol.