Language of document : ECLI:EU:T:2016:136

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (septième chambre)

10 mars 2016 (*)

« Marque communautaire – Procédure d’opposition – Demande de marque communautaire verbale Curodont – Marque nationale verbale antérieure Eurodont – Motif relatif de refus – Risque de confusion – Article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement (CE) nº 207/2009 »

Dans l’affaire T‑53/15,

credentis AG, établie à Windisch (Suisse), représentée par Me D. Breuer, avocat,

partie requérante,

contre

Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), représenté par MM. A. Folliard-Monguiral et J. Ivanauskas, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’OHMI, intervenant devant le Tribunal, étant

Aldi Karlslunde K/S, établie à Karslunde (Danemark), représentée par Mes N. Lützenrath, U. Rademacher, C. Fürsen et N. Bertram, avocats,

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la première chambre de recours de l’OHMI du 13 novembre 2014 (affaire R 353/2014-1), relative à une procédure d’opposition entre Aldi Karlslunde K/S et credentis AG,

LE TRIBUNAL (septième chambre),

composé de M. M. van der Woude, président, Mme I. Wiszniewska-Białecka et M. I. Ulloa Rubio (rapporteur), juges,

greffier : M. E. Coulon,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 28 janvier 2015,

vu le mémoire en réponse de l’OHMI déposé au greffe du Tribunal le 24 avril 2015,

vu le mémoire en réponse de l’intervenante déposé au greffe du Tribunal le 4 mai 2015,

vu l’absence de demande de fixation d’une audience présentée par les parties dans le délai d’un mois à compter de la signification de la clôture de la phase écrite de la procédure et ayant dès lors décidé, sur rapport du juge rapporteur et en application de l’article 135 bis du règlement de procédure du Tribunal du 2 mai 1991, de statuer sans phase orale de la procédure,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 12 octobre 2011, la requérante, credentis AG, a présenté une demande d’enregistrement de marque communautaire à l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), en vertu du règlement (CE) nº 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque communautaire (JO L 78, p. 1).

2        La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe verbal Curodont.

3        Les produits et les services pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent notamment des classes 3 et 44 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent, pour chacune de ces classes, à la description suivante :

–        classe 3 : « Produits de nettoyage et de polissage utilisés en technique dentaire et dans des cabinets dentaires ; dentifrices ; bains de bouche ; cosmétiques » ;

–        classe 44 : « Services de soins hygiéniques pour êtres humains ».

4        La demande de marque communautaire a été publiée au Bulletin des marques communautaires nº 216/2011, du 15 novembre 2011.

5        Le 9 février 2012, l’intervenante, Aldi Karlslunde K/S, a formé opposition, au titre de l’article 41 du règlement nº 207/2009, à l’enregistrement de la marque demandée pour les produits et les services visés au point 3 ci-dessus.

6        L’opposition était fondée sur la marque verbale danoise antérieure Eurodont, déposée le 3 janvier 1994 et enregistrée le 9 septembre 1994 sous le numéro VR 199406075, désignant les produits relevant de la classe 3 et correspondant à la description suivante : « Bains de bouche et dentifrices à usage non médical, en particulier dentifrices et bains de bouche ».

7        Le motif invoqué à l’appui de l’opposition était celui visé à l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement nº 207/2009.

8        Le 29 novembre 2013, la division d’opposition a rejeté l’opposition en concluant à l’absence de risque de confusion.

9        Le 28 janvier 2014, l’intervenante a formé un recours auprès de l’OHMI, au titre des articles 58 à 64 du règlement nº 207/2009, contre la décision de la division d’opposition.

10      Par décision du 13 novembre 2014 (ci-après la « décision attaquée »), la première chambre de recours de l’OHMI a accueilli le recours et a annulé la décision de la division d’opposition. D’une part, elle a considéré que les produits et les services en cause étaient identiques ou similaires. D’autre part, elle a estimé que, compte tenu du fait que le signe demandé reproduisait une partie substantielle du signe antérieur, des similitudes visuelle et phonétique des signes en conflit, de l’absence de différence conceptuelle claire entre les signes en conflit et du caractère distinctif moyen de la marque antérieure, il existait un risque de confusion au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement nº 207/2009.

 Conclusions des parties

11      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner l’OHMI et l’intervenante aux dépens.

12      L’OHMI et l’intervenante concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

13      À l’appui de son recours, la requérante invoque un moyen unique, tiré de la violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement nº 207/2009.

14      Aux termes de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement nº 207/2009, sur opposition du titulaire d’une marque antérieure, la marque demandée est refusée à l’enregistrement lorsque, en raison de son identité ou de sa similitude avec une marque antérieure et en raison de l’identité ou de la similitude des produits ou des services que les deux marques désignent, il existe un risque de confusion dans l’esprit du public du territoire sur lequel la marque antérieure est protégée. Le risque de confusion comprend le risque d’association avec la marque antérieure.

15      Selon une jurisprudence constante, constitue un risque de confusion le risque que le public puisse croire que les produits ou les services en cause proviennent de la même entreprise ou d’entreprises liées économiquement. Selon cette même jurisprudence, le risque de confusion doit être apprécié globalement, selon la perception que le public pertinent a des signes et des produits ou des services en cause, et en tenant compte de tous les facteurs pertinents en l’espèce, notamment de l’interdépendance de la similitude des signes et de celle des produits ou des services désignés [voir arrêt du 9 juillet 2003, Laboratorios RTB/OHMI – Giorgio Beverly Hills (GIORGIO BEVERLY HILLS), T‑162/01, Rec, EU:T:2003:199, points 30 à 33 et jurisprudence citée].

 Sur le public pertinent

16      Selon la jurisprudence, dans le cadre de l’appréciation globale du risque de confusion, il convient de prendre en compte le consommateur moyen de la catégorie de produits concernée, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé. Il y a également lieu de prendre en considération le fait que le niveau d’attention du consommateur moyen est susceptible de varier en fonction de la catégorie de produits ou de services en cause [voir arrêt du 13 février 2007, Mundipharma/OHMI – Altana Pharma (RESPICUR), T‑256/04, Rec, EU:T:2007:46, point 42 et jurisprudence citée].

17      La marque sur laquelle est fondée l’opposition étant une marque danoise, le territoire au regard duquel le risque de confusion doit être apprécié est celui du Danemark, ainsi que la chambre de recours l’a relevé sans que cela soit contesté par les parties.

18      La requérante conteste l’appréciation de la chambre de recours selon laquelle le public pertinent se compose uniquement des consommateurs moyens présentant un degré d’attention moyen. Elle soutient que, dans la mesure où les dentifrices, les bains de bouche et les produits de nettoyage et de polissage utilisés en technique dentaire et dans des cabinets dentaires sont destinés à être utilisés par des professionnels, le public pertinent est constitué de professionnels présentant un degré d’attention élevé.

19      L’OHMI et l’intervenante soutiennent que le public pertinent des produits et des services en cause est constitué à la fois de professionnels avec un degré d’attention élevé ainsi que des consommateurs moyens présentant un degré d’attention moyen.

20      En l’espèce, c’est à bon droit que la chambre de recours a estimé que le public pertinent des dentifrices, des bains de bouche et des cosmétiques, relevant de la classe 3, et des services de soins hygiéniques pour êtres humains, relevant de la classe 44, visés par la demande de marque, et des bains de bouche et dentifrices à usage non médical, relevant de la classe 3, couverts par la marque antérieure, était constitué de consommateurs moyens présentant un degré d’attention moyen. En effet, il y a lieu de constater qu’il s’agit de produits de consommation courante ayant en général une valeur relativement faible. Ainsi, pour ces produits, l’attention du public pertinent ne saurait être considérée comme étant supérieure à celle dont ce public ferait preuve concernant d’autres produits de consommation courante [voir, en ce sens, arrêt du 15 juillet 2011, Ergo Versicherungsgruppe / OHMI – Société de développement et de recherche industrielle (ERGO), T‑220/09, EU:T:2011:392, point 19 et jurisprudence citée].

21      Cependant, il convient de considérer que le public pertinent n’est pas constitué uniquement de consommateurs moyens, mais également de professionnels dont le niveau d’attention est élevé en ce qui concerne les produits de nettoyage et de polissage utilisés en technique dentaire et dans les cabinets dentaires, couverts par la marque demandée.

22      Toutefois, s’agissant de l’appréciation du risque de confusion, le public ayant le niveau d’attention le moins élevé doit être pris en considération (voir arrêt ERGO, point 20 supra, EU:T:2011:392, point 21 et jurisprudence citée).

23      Il s’ensuit que, nonobstant la possibilité qu’une partie du public pertinent ait un degré d’attention plus élevé, c’est à bon droit que la chambre de recours a retenu que le public pertinent à l’égard duquel le risque de confusion entre les signes en conflit devait être apprécié était constitué des consommateurs moyens présentant un degré d’attention moyen.

 Sur la comparaison des produits et des services

24      Selon une jurisprudence constante, pour apprécier la similitude entre les produits ou les services en cause, il y a lieu de tenir compte de tous les facteurs pertinents qui caractérisent le rapport entre ces produits ou ces services. Ces facteurs incluent, en particulier, leur nature, leur destination, leur utilisation ainsi que leur caractère concurrent ou complémentaire. D’autres facteurs peuvent également être pris en compte, tels que les canaux de distribution des produits concernés [voir arrêt du 11 juillet 2007, El Corte Inglés/OHMI – Bolaños Sabri (PiraÑAM diseño original Juan Bolaños), T‑443/05, Rec, EU:T:2007:219, point 37 et jurisprudence citée].

25      La requérante ne conteste pas que les dentifrices et bains de bouche, visés par la marque demandée, sont identiques aux bains de bouche et dentifrices à usage non médical, couverts par la marque antérieure. Cependant, elle soutient que la chambre de recours a conclu à tort que les produits de nettoyage et de polissage utilisés en technique dentaire et dans les cabinets dentaires constituaient une vaste catégorie englobant les dentifrices et les bains de bouche et qu’ils seraient, dès lors, identiques à ces derniers. À cet égard, elle soutient qu’ils ne partagent pas les mêmes canaux de distribution. La requérante conteste également l’appréciation de la chambre de recours selon laquelle les cosmétiques seraient identiques aux dentifrices et aux bains de bouche. Enfin, la requérante conteste l’appréciation de la chambre de recours selon laquelle les produits relevant de la classe 3 couverts par la marque antérieure et les services relevant de la classe 44 visés par la marque demandée seraient complémentaires et, donc, similaires.

26      L’OHMI et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.

27      En premier lieu, il y a lieu de relever que les produits de nettoyage et de polissage utilisés en technique dentaire et dans les cabinets dentaires ont la même fonction que les dentifrices et les bains de bouche à usage non médical, à savoir assurer l’hygiène et la santé dentaire. La circonstance, invoquée par la requérante, qu’ils ne partagent pas les mêmes canaux de distribution ne saurait suffire, même à la supposer avérée, à affaiblir le degré à tout le moins très élevé de similitude existant entre ces produits.

28      En deuxième lieu, la requérante fait valoir à juste titre que les dentifrices et les bains de bouche ne sauraient être considérés comme identiques aux cosmétiques et que le raisonnement suivi par la chambre de recours à cet égard est erroné. En effet, les cosmétiques ne sont pas considérés comme une catégorie générale incluant les dentifrices et les bains de bouche au sens de la classification de Nice. Néanmoins, les dentifrices, les bains de bouche et les cosmétiques peuvent être considérés comme similaires dans la mesure où ils sont destinés aux soins quotidiens du corps. Dès lors, il y a lieu de conclure que ces produits sont similaires.

29      En troisième lieu, s’agissant de la complémentarité des produits et des services en cause, il convient de rappeler que des produits ou des services complémentaires sont ceux entre lesquels existe un lien étroit, en ce sens que l’un est indispensable ou important pour l’usage de l’autre, de sorte que les consommateurs peuvent penser que la responsabilité de la fabrication de ces produits ou de la fourniture de ces services incombe à la même entreprise. Par définition, des produits ou des services adressés à des publics différents ne peuvent pas présenter un caractère complémentaire [voir arrêt du 22 janvier 2009, Commercy/OHMI – easyGroup IP Licensing (easyHotel), T‑316/07, Rec, EU:T:2009:14, points 57 et 58 et jurisprudence citée].

30      À cet égard, il y a lieu de relever, comme l’a fait la chambre de recours, qu’il existe un certain rapport de complémentarité entre les produits, relevant de la classe 3, couverts par la marque antérieure, et les services, relevant de la classe 44, visés par la marque demandée. Ces produits et ces services partagent le même objectif général, à savoir les soins d’hygiène et de beauté. Les services de soins hygiéniques pour êtres humains constituent une vaste catégorie qui a pour objectif de laver et de purifier le corps humain. De même, les dentifrices et les bains de bouche sont destinés à être mis en contact avec le corps humain, en particulier avec la bouche, en vue de la nettoyer, de la parfumer, de la protéger ou de la maintenir en bon état. En outre, le libellé utilisé pour désigner les services de soins hygiéniques est très large et comprend notamment les soins de bouche, le détartrage, le blanchiment des dents ou le soin des dents, qui nécessitent pour leur réalisation l’utilisation de dentifrices et de bains de bouche, de sorte que les produits et les services en cause peuvent être considérés comme complémentaires. Dès lors, il y a lieu d’entériner la conclusion de la chambre de recours selon laquelle les produits et les services en cause sont complémentaires et donc similaires.

31      Il résulte de ce qui précède que les produits et les services en cause sont identiques ou similaires.

 Sur la comparaison des signes

32      L’appréciation globale du risque de confusion doit, en ce qui concerne la similitude visuelle, phonétique ou conceptuelle des signes en conflit, être fondée sur l'impression d’ensemble produite par ceux-ci, en tenant compte, notamment, de leurs éléments distinctifs et dominants. La perception des marques qu’a le consommateur moyen des produits ou des services en cause joue un rôle déterminant dans l’appréciation globale dudit risque. À cet égard, le consommateur moyen perçoit normalement une marque comme un tout et ne se livre pas à un examen de ses différents détails (voir arrêt du 12 juin 2007, OHMI/Shaker, C‑334/05 P, Rec, EU:C:2007:333, point 35 et jurisprudence citée).

 Sur la similitude visuelle

33      La chambre de recours a estimé que les signes en conflit étaient similaires sur le plan visuel.

34      La requérante conteste cette appréciation en faisant valoir que l’élément « euro » du signe antérieur ne saurait être ignoré lors de l’appréciation de la similitude dès lors qu’il est situé au début du signe. Or, le début des signes serait, en principe, la partie qui est le plus susceptible de retenir l’attention du public pertinent.

35      Il y a lieu de constater que le signe antérieur et le signe demandé sont tous les deux composés de huit lettres dont sept sont identiques et dans le même ordre, la seule différence entre ces signes étant leur première lettre, un « c » pour le signe demandé et un « e » pour le signe antérieur. À cet égard, certes, comme le soutient la requérante, la partie initiale des marques verbales peut être susceptible de retenir l’attention du consommateur davantage que les parties suivantes [arrêts du 17 mars 2004, El Corte Inglés / OHMI – González Cabello et Iberia Líneas Aéreas de España (MUNDICOR), T‑183/02 et T‑184/02, Rec, EU:T:2004:79, point 81, et du 16 mars 2005, L’Oreal/OHMI – Revlon (FLEXI AIR), T‑112/03, Rec, EU:T:2005:102, points 64 et 65]. Toutefois, cette considération ne saurait valoir dans tous les cas [arrêt du 6 juillet 2004, Grupo El Prado Cervera/OHMI – Héritiers Debuschewitz (CHUFAFIT), T‑117/02, Rec, EU:T:2004:208, point 48] et ne saurait, en tout état de cause, remettre en cause le principe selon lequel l’examen de la similitude des signes doit prendre en compte l’impression d’ensemble produite par ceux-ci. En l’espèce, l’unique lettre de différence entre les signes en conflit n’est pas susceptible d’écarter la similitude entre ces signes.

36      Au vu de ces considérations, c’est à bon droit que la chambre de recours a considéré que les signes en conflit étaient similaires sur le plan visuel.

 Sur la similitude phonétique

37      La chambre de recours a estimé que les signes en conflit étaient similaires sur le plan phonétique.

38      La requérante soutient que la prononciation des signes en conflit n’est identique que pour la syllabe « dont ». Elle considère que la prononciation diffère clairement dans le son formé par les premières syllabes « curo » du signe demandé et « euro » du signe antérieur.

39      Il y a lieu de constater que les signes en conflit ont le même nombre de syllabes et que leurs deuxième et troisième syllabes sont identiques. La seule différence entre les signes en conflit réside dans leur première syllabe et résulte de la différence de leur première lettre. Il convient de considérer qu’une différence si limitée ne suffit pas à affaiblir le degré de similitude phonétique globale entre les signes en conflit.

40      Dès lors, c’est à juste titre que la chambre de recours a conclu que les signes en conflit étaient similaires sur le plan phonétique.

 Sur la similitude conceptuelle

41      La chambre de recours a considéré qu’aucun des deux signes considérés dans son ensemble n’avait de signification spécifique et que dès lors il n’existait pas de différence conceptuelle claire entre les signes en conflit.

42      La requérante soutient que, bien que le signe antérieur ne corresponde, dans son ensemble, à aucune expression ayant une signification dans les langues européennes pertinentes, il jouit d’une certaine force évocatrice, dans la mesure où sa partie initiale « euro » évoque l’idée d’« Europe », d’« Union européenne » ou encore de la monnaie unique « euro », et que cette force évocatrice de la marque antérieure serait suffisante pour conclure qu’il y a une différence conceptuelle entre les signes en conflit. Par ailleurs, la requérante fait valoir que le signe demandé présente également un pouvoir évocateur qui l’éloigne du signe antérieur. En particulier, elle affirme que sa partie initiale « curo » évoque le traitement curatif ou la guérison dans certaines des langues pertinentes, telles que l’anglais, un tel effet évocateur étant, en outre, en relation avec les produits visés par l’enregistrement de la marque antérieure.

43      Les signes en conflit sont composés de termes qui, pris dans leur ensemble, ne possèdent pas de signification connue. Aucun des deux signes pris dans son ensemble n’a une signification courante en danois.

44      Or, même si l’élément « euro » peut avoir une certaine force évocatrice et faire référence à l’« Europe », l’« Union européenne » ou la monnaie unique « euro », cet élément ne constitue que la partie initiale du signe antérieur, alors que l’existence d’une similitude conceptuelle entre les signes en conflit doit être appréciée sur la base de la force évocatrice que l’on peut reconnaître à chacun des signes pris dans son ensemble. Il y a lieu de relever que, dans le signe antérieur, l’élément « euro » s’accompagne de l’élément « dont » pour former le terme « eurodont », terme qui n’a aucune signification en langue danoise, de sorte que ce signe, nonobstant la force évocatrice de l’élément « euro », est finalement dépourvu de charge conceptuelle pour le public pertinent (voir, en ce sens, arrêt MUNDICOR, point 35 supra, EU:T:2004:79, point 90).

45      Par ailleurs, il convient de signaler qu’en danois le terme « curo » n’a aucune signification et qu’il est peu probable que le public pertinent fasse le lien entre le début du signe demandé « curo » et le mot anglais « cure ».

46      Dès lors, c’est à juste titre que la chambre de recours a conclu que la comparaison conceptuelle des signes en conflit était dénuée de pertinence.

47      En outre, selon la jurisprudence, des différences conceptuelles séparant les marques en conflit peuvent être de nature à neutraliser dans une large mesure les similitudes visuelle et phonétique existant entre ces marques. Une telle neutralisation, toutefois, requiert qu’au moins une des marques en cause ait, dans la perspective du public pertinent, une signification claire et déterminée, de sorte que ce public est susceptible de la saisir immédiatement, et que l’autre marque n’ait pas une telle signification ou qu’elle ait une signification entièrement différente (voir arrêt MUNDICOR, point 35 supra, EU:T:2004:79, point 93 et jurisprudence citée).

48      À cet égard, même si les termes « euro » et éventuellement « curo » ont une certaine force évocatrice, les signes Eurodont et Curodont n’ont aucune signification dans les langues pertinentes. Par conséquent, aucun des signes pris dans son ensemble ne saurait être considéré comme ayant une signification claire et déterminée que le public sera susceptible de saisir immédiatement au sens de la jurisprudence. Dès lors, la circonstance que les parties initiales des signes en conflit évoqueraient des concepts différents n’est pas de nature à neutraliser les similitudes visuelle et phonétique constatées entre ces signes.

49      Par conséquent, en prenant en compte le fait que les signes en conflit sont similaires sur les plans visuel et phonétique et que leur comparaison sur le plan conceptuel n’est pas possible, la chambre de recours a conclu, à juste titre, à la similitude de ces signes.

 Sur le risque de confusion

50      L’appréciation globale du risque de confusion implique une certaine interdépendance des facteurs pris en compte et, notamment, de la similitude des marques et de celle des produits ou des services désignés. Ainsi, un faible degré de similitude entre les produits ou les services désignés peut être compensé par un degré élevé de similitude entre les marques, et inversement [arrêts du 29 septembre 1998, Canon, C‑39/97, Rec, EU:C:1998:442, point 17, et du 14 décembre 2006, Mast-Jägermeister/OHMI – Licorera Zacapaneca (VENADO avec cadre e.a.), T‑81/03, T‑82/03 et T‑103/03, Rec, EU:T:2006:397, point 74].

51      En l’espèce, la chambre de recours a considéré que le fait que le signe demandé reproduise une partie substantielle du signe antérieur conduit à conclure qu’un risque de confusion ne peut pas être exclu si l’on tient compte également du fait que les produits et les services en cause sont en partie identiques et en partie similaires.

52      La requérante fait valoir que, dès lors que la chambre de recours a erronément conclu à une similitude des produits et des services en cause et des signes en conflit, son analyse globale concernant l’existence d’un risque de confusion est également viciée. Par ailleurs, la requérante considère que les différences conceptuelles entre les signes en conflit sont de nature à neutraliser les similitudes visuelle et phonétique.

53      Il convient de constater que la chambre de recours n’a pas commis d’erreur en concluant à l’existence d’un risque de confusion. En effet, dans la mesure où le public pertinent est constitué de consommateurs moyens présentant un degré d’attention normal, où les produits visés par les marques en conflit sont identiques ou similaires et où les signes en conflit sont similaires, la chambre de recours n’a pas commis d’erreur en concluant à l’existence d’un risque de confusion, même si elle a conclu à tort à l’identité, et non à la similitude, entre les cosmétiques, d’une part, et les dentifrices et les bains de bouche, d’autre part.

54      Par conséquent, il convient de rejeter le moyen unique soulevé par la requérante et, partant, le recours dans son ensemble.

 Sur les dépens

55      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’OHMI et de l’intervenante.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (septième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      credentis AG est condamnée aux dépens.

Van der Woude

Wiszniewska-Białecka

Ulloa Rubio

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le .

Signatures


* Langue de procédure : l’anglais.