Language of document : ECLI:EU:C:2016:487

ARRÊT DE LA COUR (première chambre)

30 juin 2016 (*)

« Renvoi préjudiciel – Articles 20 et 21 TFUE – Directive 2004/38/CE – Article 13, paragraphe 2, premier alinéa, sous c) – Règlement (CEE) no 1612/68 – Article 12 – Droit de séjour des membres de la famille d’un citoyen de l’Union – Mariage entre un citoyen de l’Union et un ressortissant d’un État tiers – Actes de violence conjugale – Divorce précédé du départ du citoyen de l’Union – Maintien du droit de séjour du ressortissant d’un État tiers ayant la garde des enfants communs citoyens de l’Union »

Dans l’affaire C‑115/15,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par la Court of Appeal (England & Wales) (Civil Division) [Cour d’appel (Angleterre et pays de Galles) (division civile), Royaume-Uni], par décision du 25 février 2015, parvenue à la Cour le 6 mars 2015, dans la procédure

Secretary of State for the Home Department

contre

NA,

en présence de :

Aire Centre,

LA COUR (première chambre),

composée de Mme R. Silva de Lapuerta (rapporteur), président de chambre, MM. A. Arabadjiev, J.‑C. Bonichot, C. G. Fernlund et S. Rodin, juges,

avocat général : M. M. Wathelet,

greffier : M. K. Malacek, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 18 février 2016,

considérant les observations présentées :

–        pour NA, par Me A. Gonzalez, solicitor, Me B. Asanovic, barrister, ainsi que par Me T. de la Mare, QC,

–        pour Aire Centre, par Me T. Buley, barrister, et M. R. Drabble, QC, mandatés par Mme L. Barratt, solicitor,

–        pour le gouvernement du Royaume-Uni, par Mme V. Kaye et M. M. Holt, en qualité d’agents, assistés de Mes B. Kennelly et B. Lask, barristers,

–        pour le gouvernement danois, par M. C. Thorning et Mme M. S. Wolff, en qualité d’agents,

–        pour le gouvernement néerlandais, par Mmes M. Bulterman et C. Schillemans, en qualité d’agents,

–        pour le gouvernement polonais, par M. B. Majczyna, en qualité d’agent,

–        pour la Commission européenne, par MM. M. Kellerbauer et M. Wilderspin ainsi que par Mmes E. Montaguti et C. Tufvesson, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 14 avril 2016,

rend le présent

Arrêt

1        La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation des articles 20 et 21 TFUE, de l’article 13, paragraphe 2, premier alinéa, sous c), de la directive 2004/38/CE du Parlement européen et du Conseil, du 29 avril 2004, relative au droit des citoyens de l’Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres, modifiant le règlement (CEE) no 1612/68 et abrogeant les directives 64/221/CEE, 68/360/CEE, 72/194/CEE, 73/148/CEE, 75/34/CEE, 75/35/CEE, 90/364/CEE, 90/365/CEE et 93/96/CEE (JO 2004, L 158, p. 77, ainsi que rectificatifs JO 2004, L 229, p. 35, et JO 2005, L 197, p. 34), ainsi que de l’article 12 du règlement (CEE) no 1612/68 du Conseil, du 15 octobre 1968, relatif à la libre circulation des travailleurs à l’intérieur de la Communauté (JO 1968, L 257, p. 2).

2        Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant le Secretary of State for the Home Department (ministre de l’Intérieur) à NA, ressortissante pakistanaise, au sujet du droit de séjour de cette dernière au Royaume-Uni.

 Le cadre juridique

 Le droit de l’Union

 La directive 2004/38

3        Aux termes du considérant 15 de la directive 2004/38 :

« Il convient d’offrir une protection juridique aux membres de la famille en cas de décès du citoyen de l’Union, de divorce, d’annulation du mariage ou de cessation de partenariat enregistré. Dans le respect de la vie familiale et de la dignité humaine, et sous certaines conditions pour éviter les abus, il est donc nécessaire de prendre des mesures pour veiller à ce que, dans de telles hypothèses, les membres de la famille qui séjournent déjà sur le territoire de l’État membre d’accueil conservent leur droit de séjour sur une base exclusivement individuelle. »

4        L’article 2 de cette directive, intitulé « Définitions », prévoit :

« Aux fins de la présente directive, on entend par :

1)      “citoyen de l’Union” : toute personne ayant la nationalité d’un État membre ;

2)      “membre de la famille” :

a)      le conjoint ;

[...]

3)      “État membre d’accueil” : l’État membre dans lequel se rend un citoyen de l’Union en vue d’exercer son droit de circuler et de séjourner librement. »

5        L’article 3, paragraphe 1, de ladite directive, intitulé « Bénéficiaires », dispose :

« La présente directive s’applique à tout citoyen de l’Union qui se rend ou séjourne dans un État membre autre que celui dont il a la nationalité, ainsi qu’aux membres de sa famille, tels que définis à l’article 2, point 2), qui l’accompagnent ou le rejoignent. »

6        L’article 7, paragraphes 1 et 2, de la même directive, intitulé « Droit de séjour de plus de trois mois », est libellé comme suit :

« 1.      Tout citoyen de l’Union a le droit de séjourner sur le territoire d’un autre État membre pour une durée de plus de trois mois :

a)      s’il est un travailleur salarié ou non salarié dans l’État membre d’accueil ; ou

b)      s’il dispose, pour lui et pour les membres de sa famille, de ressources suffisantes afin de ne pas devenir une charge pour le système d’assistance sociale de l’État membre d’accueil au cours de son séjour, et d’une assurance maladie complète dans l’État membre d’accueil ; ou,

c)      -       s’il est inscrit dans un établissement privé ou public, agréé ou financé par l’État membre d’accueil sur la base de sa législation ou de sa pratique administrative, pour y suivre à titre principal des études, y compris une formation professionnelle et

-      s’il dispose d’une assurance maladie complète dans l’État membre d’accueil et garantit à l’autorité nationale compétente, par le biais d’une déclaration ou par tout autre moyen équivalent de son choix, qu’il dispose de ressources suffisantes pour lui-même et pour les membres de sa famille afin d’éviter de devenir une charge pour le système d’assistance sociale de l’État membre d’accueil au cours de leur période de séjour ; ou

d)      si c’est un membre de la famille accompagnant ou rejoignant un citoyen de l’Union qui lui-même satisfait aux conditions énoncées aux points a), b) ou c).

2.      Le droit de séjour prévu au paragraphe 1 s’étend aux membres de la famille n’ayant pas la nationalité d’un État membre lorsqu’ils accompagnent ou rejoignent dans l’État membre d’accueil le citoyen de l’Union, pour autant que ce dernier satisfasse aux conditions énoncées au paragraphe 1, points a), b) ou c). »

7        Aux termes de l’article 12 de la directive 2004/38, intitulé « Maintien du droit de séjour des membres de la famille en cas de décès ou départ du citoyen de l’Union » :

« 1.      Sans préjudice du deuxième alinéa, le décès du citoyen de l’Union ou son départ du territoire de l’État membre d’accueil n’affecte pas le droit de séjour des membres de sa famille qui ont la nationalité d’un État membre.

Avant l’acquisition du droit de séjour permanent, les intéressés doivent remplir eux-mêmes les conditions énoncées à l’article 7, paragraphe 1, points a), b), c) ou d).

2.      Sans préjudice du deuxième alinéa, le décès du citoyen de l’Union n’entraîne pas la perte du droit de séjour des membres de sa famille qui n’ont pas la nationalité d’un État membre et qui résidaient dans l’État membre d’accueil en tant que membre de sa famille depuis au moins un an avant le décès du citoyen de l’Union.

Avant l’acquisition du droit de séjour permanent, le droit de séjour des intéressés reste soumis à l’obligation de pouvoir démontrer qu’ils sont travailleurs salariés ou non ou qu’ils disposent, pour eux-mêmes et pour les membres de leur famille, de ressources suffisantes pour ne pas devenir une charge pour le système d’assistance sociale de l’État membre d’accueil pendant la durée de leur séjour, et qu’ils sont entièrement couverts par une assurance maladie dans l’État membre d’accueil, ou qu’ils sont membres de la famille, déjà constituée dans l’État membre d’accueil, d’une personne répondant à ces exigences. Les ressources suffisantes sont celles définies à l’article 8, paragraphe 4.

Les membres de la famille susvisés conservent leur droit de séjour exclusivement à titre personnel.

3.      Le départ du citoyen de l’Union ou son décès n’entraîne pas la perte du droit de séjour de ses enfants ou du parent qui a effectivement la garde des enfants, quelle que soit leur nationalité, pour autant que ceux-ci résident dans l’État membre d’accueil et soient inscrits dans un établissement scolaire pour y suivre un enseignement, jusqu’à la fin de leurs études. »

8        L’article 13, paragraphe 2, de la directive 2004/38, intitulé « Maintien du droit de séjour des membres de la famille en cas de divorce, d’annulation du mariage ou de rupture d’un partenariat enregistré », dispose :

« Sans préjudice du deuxième alinéa, le divorce, l’annulation du mariage ou la rupture d’un partenariat enregistré tel que visé à l’article 2, point 2 b), n’entraîne pas la perte du droit de séjour des membres de la famille d’un citoyen de l’Union qui n’ont pas la nationalité d’un État membre :

a)      lorsque le mariage ou le partenariat enregistré a duré au moins trois ans avant le début de la procédure judiciaire de divorce ou d’annulation ou la rupture, dont un an au moins dans l’État membre d’accueil ; ou

b)      lorsque la garde des enfants du citoyen de l’Union a été confiée au conjoint ou au partenaire qui n’a pas la nationalité d’un État membre, par accord entre les conjoints ou entre les partenaires, tels que visés à l’article 2, point 2 b), ou par décision de justice ; ou

c)      lorsque des situations particulièrement difficiles l’exigent, par exemple le fait d’avoir été victime de violence domestique lorsque le mariage ou le partenariat enregistré subsistait encore ; ou

d)      lorsque le conjoint ou le partenaire qui n’a pas la nationalité d’un État membre bénéficie, par accord entre les époux ou entre les partenaires, tels que visés à l’article 2, point 2 b), ou par décision de justice, d’un droit de visite à l’enfant mineur, à condition que le juge ait estimé que les visites devaient avoir lieu dans l’État membre et aussi longtemps qu’elles sont jugées nécessaires.

Avant l’acquisition du droit de séjour permanent, le droit de séjour des intéressés reste soumis à l’obligation de pouvoir démontrer qu’ils sont travailleurs salariés ou non ou qu’ils disposent, pour eux-mêmes et pour les membres de leur famille, de ressources suffisantes pour ne pas devenir une charge pour le système d’assistance sociale de l’État membre d’accueil pendant la durée de leur séjour, et qu’ils sont entièrement couverts par une assurance maladie dans l’État membre d’accueil, ou qu’ils sont membres de la famille, déjà constituée dans l’État membre d’accueil, d’une personne répondant à ces exigences. Les ressources suffisantes sont celles prévues à l’article 8, paragraphe 4.

Les membres de la famille susvisés conservent leur droit de séjour exclusivement à titre personnel. »

9        L’article 14, paragraphe 2, de ladite directive, intitulé « Maintien du droit de séjour », prévoit :

« Les citoyens de l’Union et les membres de leur famille ont un droit de séjour tel que prévu aux articles 7, 12 et 13 tant qu’ils répondent aux conditions énoncées dans ces articles.

[...] »

 Le règlement no 1612/68

10      Aux termes de l’article 12, premier alinéa, du règlement no 1612/68 :

« Les enfants d’un ressortissant d’un État membre qui est ou a été employé sur le territoire d’un autre État membre sont admis aux cours d’enseignement général, d’apprentissage et de formation professionnelle dans les mêmes conditions que les ressortissants de cet État, si ces enfants résident sur son territoire. »

 Le droit national

11      Il ressort de la décision de renvoi que l’article 13, paragraphe 2, de la directive 2004/38 a été transposé en droit national par l’article 10 de l’Immigration (European Economic Area) Regulations 2006 [règlement de 2006 relatif à l’immigration dans l’Espace économique européen, ci-après le « règlement de 2006 »].

12      En particulier, en vertu de l’article 10, paragraphe 5, du règlement de 2006, pour conserver son droit de séjour en cas de divorce, la personne concernée doit remplir certaines conditions, dont celle de cesser d’être membre de la famille, soit d’une personne éligible, soit d’un ressortissant de l’Espace économique européen (EEE) titulaire d’un droit de séjour permanent, à la date du divorce.

13      Conformément au règlement de 2006, il y a lieu d’entendre par « personne éligible », un ressortissant de l’EEE qui réside au Royaume-Uni en qualité de demandeur d’emploi, de travailleur salarié, de travailleur non salarié, de personne économiquement autonome ou d’étudiant.

14      Il ressort également de la décision de renvoi que, en droit national, le droit dérivé de séjour du parent d’un enfant relevant de l’article 12 du règlement no 1612/68 est conféré par l’article 15 A du règlement de 2006 qui prévoit en substance :

« (1) Une personne (ci-après “P”) qui n’est pas une personne exemptée et qui remplit les conditions énoncées aux paragraphes (2), (3), (4), (4 A) ou (5) du présent règlement est en droit de séjourner au Royame-Uni aussi longtemps que P remplit les conditions pertinentes.

[...]

(3)      P remplit les conditions du présent paragraphe si :

(a)      P est l’enfant d’un ressortissant de l’EEE (ci-après le “parent ressortissant de l’EEE”) ;

(b)      P résidait au Royaume-Uni lorsque le parent ressortissant de l’EEE résidait au Royaume-Uni comme travailleur ; et

(c)      P est scolarisé au Royaume-Uni et l’était déjà lorsque le parent ressortissant de l’EEE se trouvait au Royaume-Uni.

(4)      P remplit les conditions du présent paragraphe si :

(a)      P a la garde d’une personne remplissant les conditions énoncées au paragraphe 3 (ci-après la “personne pertinente”) ; et

(b)      la personne pertinente serait incapable de continuer son éducation au Royaume-Uni si P devait quitter le pays.

[...] »

 Le litige au principal et les questions préjudicielles

15      NA est une ressortissante pakistanaise qui, au mois de septembre 2003, s’est mariée avec KA, un ressortissant allemand, et le couple, au mois de mars 2004, a déménagé au Royaume-Uni.

16      La relation des époux s’est détériorée ultérieurement. NA a subi plusieurs actes de violence domestique.

17      Au mois d’octobre 2006, KA a quitté le domicile conjugal et, au mois de décembre 2006, il a quitté le Royaume-Uni.

18      Lorsqu’il résidait au Royaume-Uni, KA a eu le statut de travailleur salarié et celui de travailleur non salarié.

19      Les époux ont eu deux filles, MA et IA. Celles-ci sont nées au Royaume-Uni, respectivement, les 14 novembre 2005 et 3 février 2007, et possèdent la nationalité allemande.

20      KA a prétendu divorcer de NA au moyen d’un talaq émis à Karachi (Pakistan) le 13 mars 2007. Au mois de septembre 2008, NA a engagé une procédure de divorce au Royaume-Uni. Celui-ci est devenu définitif le 4 août 2009. NA a obtenu la garde exclusive des deux enfants.

21      MA et IA sont scolarisées au Royaume-Uni depuis, respectivement, les mois de janvier 2009 et de septembre 2010.

22      Par une décision adoptée dans le cadre de l’examen d’une demande introduite par NA tendant à obtenir un droit de séjour permanent au Royaume-Uni, l’autorité compétente en matière de séjour, le ministre de l’Intérieur, a décidé que NA ne bénéficiait pas d’un droit de séjour au Royaume-Uni.

23      Le recours introduit par NA contre cette décision a été rejeté.

24      NA a saisi l’Upper Tribunal (Immigration and Asylum Chamber) [tribunal supérieur (chambre de l’immigration et de l’asile), Royaume-Uni], qui a examiné les trois fondements juridiques avancés par NA à l’appui de sa demande de droit de séjour sur le territoire du Royaume-Uni.

25      En premier lieu, cette juridiction a jugé que NA ne pouvait prétendre au maintien de son droit de séjour au Royaume-Uni en vertu de l’article 13, paragraphe 2, de la directive 2004/38, au motif que, à la date du divorce, KA n’exerçait plus ses droits tirés des traités dans cet État membre, cette condition ressortant de ladite disposition ainsi que de l’arrêt du 13 février 1985, Diatta (267/83, EU:C:1985:67).

26      NA, considérant qu’une telle condition n’est toutefois pas prévue pour être fondée à se prévaloir du maintien de son droit de séjour au titre de l’article 13, paragraphe 2, de la directive 2004/38, a, dans cette mesure, interjeté appel de cette décision devant la juridiction de renvoi.

27      En second lieu, l’Upper Tribunal (Immigration and Asylum Chamber) [tribunal supérieur (chambre de l’immigration et de l’asile)] a jugé que NA disposait toutefois d’un droit de séjour au Royaume-Uni tiré du droit de l’Union, en vertu, d’une part, de l’article 20 TFUE, tel qu’interprété par la Cour dans l’arrêt du 8 mars 2011, Ruiz Zambrano (C‑34/09, EU:C:2011:124), et, d’autre part, de l’article 12 du règlement no 1612/68.

28      Le ministre de l’Intérieur a interjeté appel du jugement de l’Upper Tribunal (Immigration and Asylum Chamber) [tribunal supérieur (chambre de l’immigration et de l’asile)] sur ce point devant la juridiction de renvoi. En effet, tout en reconnaissant l’existence des droits que MA et IA tirent des articles 20 et 21 TFUE en leur qualité de citoyens de l’Union, le ministre de l’Intérieur, en s’appuyant sur l’arrêt du 10 octobre 2013, Alokpa et Moudoulou (C‑86/12, EU:C:2013:645), estime que ces droits ne seraient violés que si MA et IA se voyaient « dans l’obligation, en fait, de quitter le territoire de l’Union pris dans son ensemble », cette condition faisant défaut en l’occurrence, dès lors que ces enfants ont le droit de séjourner dans l’État membre dont elles ont la nationalité, à savoir la République fédérale d’Allemagne. En ce qui concerne le droit de séjour fondé sur l’article 12 du règlement no 1612/68, selon le ministre de l’Intérieur, cette disposition exige que le parent citoyen de l’Union se trouve dans l’État membre d’accueil à la date à laquelle l’enfant a commencé ses études, cette condition faisant également défaut en l’occurrence.

29      En troisième et dernier lieu, l’Upper Tribunal (Immigration and Asylum Chamber) [tribunal supérieur (chambre de l’immigration et de l’asile)], considérant, d’une part, que le fait de refuser un droit de séjour au Royaume-Uni à NA contraindrait ses enfants, MA et IA, à quitter cet État membre avec leur mère puisque celle-ci s’est vu accorder leur garde exclusive et, d’autre part, qu’une mesure d’éloignement de ces enfants violerait leurs droits tirés de l’article 8 de la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950, a accueilli le recours formé par NA au titre de cette disposition. Le ministre de l’Intérieur n’a pas interjeté appel de cette partie de la décision.

30      Dans ces conditions, la Court of Appeal (England & Wales) (Civil Division) [Cour d’appel (Angleterre et pays de Galles) (division civile), Royaume-Uni] a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1)      Le ressortissant d’un [État] tiers, ex-conjoint d’un citoyen de l’Union, doit-il être en mesure d’établir que son ancien conjoint exerçait les droits tirés des traités dans l’État membre d’accueil au moment du divorce afin de conserver un droit de séjour au titre de l’article 13, paragraphe 2, de la directive 2004/38 ?

2)      Un citoyen de l’Union bénéficie-t-il, en vertu du droit de l’Union, d’un droit de séjour dans un État membre d’accueil au titre des articles 20 et 21 TFUE lorsque le seul État de l’Union dans lequel ce citoyen est en droit de résider est l’État dont il a la nationalité, mais qu’il a été constaté, par une décision émanant d’une juridiction compétente, que son éloignement de l’État membre d’accueil vers l’État dont il a la nationalité se ferait en violation des droits qu’il tire de l’article 8 de la [convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales] et de l’article 7 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne ?

3)      Si le citoyen de l’Union visé au point 2 ci-dessus est un enfant, le parent ayant la garde exclusive de cet enfant dispose-t-il d’un droit dérivé de séjour dans l’État membre d’accueil dans l’hypothèse où cet enfant devrait accompagner le parent à l’occasion de l’éloignement de celui-ci de l’État membre d’accueil ?

4)      Un enfant a-t-il le droit de résider dans l’État membre d’accueil en vertu de l’article 12 du règlement no 1612/68 (à présent l’article 10 du règlement no 492/2011/UE) si le citoyen de l’Union parent de l’enfant, qui a travaillé dans l’État membre d’accueil, a cessé de résider dans cet État membre d’accueil avant que l’enfant n’y entame sa scolarité ? »

 Sur les questions préjudicielles

 Sur la première question

31      Par sa première question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 13, paragraphe 2, premier alinéa, sous c), de la directive 2004/38 doit être interprété en ce sens qu’un ressortissant d’un État tiers, divorcé d’un citoyen de l’Union dont il a subi des actes de violence domestique durant le mariage, peut bénéficier du maintien de son droit de séjour dans l’État membre d’accueil, sur la base de cette disposition, lorsque le divorce est postérieur au départ du conjoint citoyen de l’Union de cet État membre.

32      En vertu de l’article 13, paragraphe 2, premier alinéa, sous c), de la directive 2004/38, le divorce n’entraîne pas la perte du droit de séjour des membres de la famille d’un citoyen de l’Union qui n’ont pas la nationalité d’un État membre « lorsque des situations particulièrement difficiles l’exigent, par exemple le fait d’avoir été victime de violence domestique lorsque le mariage ou le partenariat enregistré subsistait encore ».

33      Il convient d’examiner quelles sont les conditions d’application de cette disposition et, notamment, si, lorsque, comme dans l’affaire au principal, un ressortissant d’un État tiers a été victime durant son mariage d’actes de violence domestique commis par un citoyen de l’Union dont il est divorcé, ce dernier doit séjourner dans l’État membre d’accueil, conformément à l’article 7, paragraphe 1, de la directive 2004/38, jusqu’à la date du divorce, afin que ledit ressortissant soit fondé à se prévaloir de l’article 13, paragraphe 2, premier alinéa, sous c), de cette directive.

34      À cet égard, s’agissant de l’article 13, paragraphe 2, premier alinéa, sous a), de la directive 2004/38, la Cour a déjà jugé que, lorsque le conjoint citoyen de l’Union quitte l’État membre d’accueil, aux fins de s’installer dans un autre État membre ou dans un État tiers, avant la date du début de la procédure judiciaire de divorce, le droit de séjour dérivé du conjoint ressortissant d’un État tiers, sur le fondement de l’article 7, paragraphe 2, de la directive 2004/38, prend fin lors du départ du conjoint citoyen de l’Union et, partant, ne peut plus être maintenu sur le fondement de l’article 13, paragraphe 2, premier alinéa, sous a), de cette directive (voir, en ce sens, arrêt du 16 juillet 2015, Singh e.a., C‑218/14, EU:C:2015:476, point 62).

35      En effet, dans de telles circonstances, le départ du conjoint citoyen de l’Union a déjà entraîné la perte du droit de séjour du conjoint ressortissant d’un État tiers demeurant dans l’État membre d’accueil. Or, une demande de divorce ultérieure ne peut avoir pour effet de faire renaître ce droit, dès lors que l’article 13 de la directive 2004/38 évoque seulement le « maintien » d’un droit de séjour existant (voir arrêt du 16 juillet 2015, Singh e.a., C‑218/14, EU:C:2015:476, point 67).

36      Dans ce contexte, la Cour a jugé que le conjoint citoyen de l’Union d’un ressortissant d’un État tiers doit séjourner dans l’État membre d’accueil, conformément à l’article 7, paragraphe 1, de la directive 2004/38, jusqu’à la date du début de la procédure judiciaire de divorce, pour que ce ressortissant d’un État tiers puisse se prévaloir du maintien de son droit de séjour dans cet État membre, sur la base de l’article 13, paragraphe 2, de cette directive (arrêt du 16 juillet 2015, Singh e.a., C‑218/14, EU:C:2015:476, point 66).

37      Ces considérations sont transposables aux circonstances de l’affaire au principal, pour ce qui est de l’interprétation de l’article 13, paragraphe 2, premier alinéa, sous c), de la directive 2004/38.

38      En effet, il importe de tenir compte du fait que cette disposition fait partie de l’article 13, paragraphe 2, de la directive 2004/38, de sorte que ladite disposition doit faire l’objet non pas d’une interprétation autonome mais d’une interprétation à la lumière de l’article 13, paragraphe 2, premier alinéa lui-même.

39      À cet égard, il convient de rappeler que, pour déterminer la portée d’une disposition du droit de l’Union, il y a lieu de tenir compte à la fois de ses termes, de son contexte et de ses finalités (arrêt du 10 octobre 2013, Spedition Welter, C‑306/12, EU:C:2013:650, point 17).

40      Il ressort, tout d’abord, des termes employés tant dans l’intitulé que dans le libellé de l’article 13, paragraphe 2, de la directive 2004/38 que le maintien du droit de séjour dont bénéficient, sur la base de cette disposition, les membres de la famille d’un citoyen de l’Union qui n’ont pas la nationalité d’un État membre est prévu notamment en cas de divorce et que, par voie de conséquence, lorsque les conditions énoncées à cette disposition sont remplies, un tel divorce n’entraîne pas la perte d’un tel droit de séjour.

41      Ensuite, en ce qui concerne le contexte de cette disposition, l’article 13, paragraphe 2, de la directive 2004/38 constitue une dérogation au principe selon lequel tirent de la directive 2004/38 des droits d’entrée et de séjour dans un État membre non pas tous les ressortissants d’États tiers, mais uniquement ceux qui sont « membre[s] de la famille », au sens de l’article 2, point 2, de cette directive, d’un citoyen de l’Union ayant exercé son droit de libre circulation en s’établissant dans un État membre autre que l’État membre dont il a la nationalité, un tel principe ayant été établi par la jurisprudence constante de la Cour (voir, notamment, arrêt du 16 juillet 2015, Singh e.a., C‑218/14, EU:C:2015:476, point 51).

42      En effet, l’article 13, paragraphe 2, de la directive 2004/38 vise les cas exceptionnels où le divorce n’entraîne pas la perte du droit de séjour des ressortissants d’États tiers concernés, au titre de la directive 2004/38, alors que, à la suite de leur divorce, lesdits ressortissants ne remplissent plus les conditions énoncées à l’article 7, paragraphe 2, de cette directive, et, notamment, celle relative à la condition de « membre de famille » d’un citoyen de l’Union, au sens de l’article 2, point 2, sous a), de cette directive.

43      Il convient d’ajouter que l’article 12 de la directive 2004/38, qui vise spécifiquement le maintien du droit de séjour des membres de la famille en cas de décès ou de départ du citoyen de l’Union, d’une part, ne prévoit le maintien du droit de séjour des membres de sa famille qui n’ont pas la nationalité d’un État membre que pour le cas du décès du citoyen de l’Union, et non pour celui de son départ de l’État membre d’accueil.

44      D’autre part, force est ainsi de constater que, lors de l’adoption de cette directive, le législateur de l’Union s’est abstenu de prévoir, pour le cas du départ de l’État membre d’accueil du citoyen de l’Union, une protection spécifique, en raison notamment de situations particulièrement difficiles, des membres de sa famille qui n’ont pas la nationalité d’un État membre, analogue à celle prévue à l’article 13, paragraphe 2, sous c), de la directive 2004/38.

45      Enfin, en ce qui concerne la finalité de l’article 13, paragraphe 2, de la directive 2004/38, cette disposition répond à l’objectif, énoncé au considérant 15 de cette directive, d’offrir une protection juridique aux membres de la famille en cas de divorce, d’annulation du mariage ou de cessation de partenariat enregistré, en prenant, à cet effet, les mesures pour veiller à ce que, dans de telles hypothèses, les membres de la famille qui séjournent déjà sur le territoire de l’État membre d’accueil conservent leur droit de séjour sur une base individuelle.

46      À cet égard, il ressort de la genèse de la directive 2004/38 et, plus particulièrement, de l’exposé des motifs de la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative au droit des citoyens de l’Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres [COM/2001/0257 (final)], que, en vertu du droit de l’Union antérieur à la directive 2004/38, l’époux divorcé pouvait être privé du droit de séjour dans l’État membre d’accueil.

47      Dans ce contexte, cette proposition de directive précise que la disposition envisagée, devenue l’article 13, paragraphe 2, de la directive 2004/38, vise à offrir une certaine protection juridique aux ressortissants d’États tiers dont le droit de séjour est lié au lien familial représenté par le mariage et qui pourraient subir, de ce fait, un chantage au divorce, et qu’une telle protection n’est nécessaire qu’en cas de divorce irrévocablement prononcé, dès lors que, en cas de séparation de fait, le droit de séjour du conjoint ressortissant d’un État tiers n’est nullement affecté.

48      Il résulte de ce qui précède qu’il ressort du libellé, du contexte et de la finalité de l’article 13, paragraphe 2, de la directive 2004/38 que la mise en œuvre de cette disposition, y compris le droit tiré de l’article 13, paragraphe 2, premier alinéa, sous c), de la directive 2004/38, est subordonnée au divorce des intéressés.

49      Il en résulte également qu’une interprétation de l’article 13, paragraphe 2, premier alinéa, sous c), de la directive 2004/38, selon laquelle un ressortissant d’un État tiers serait fondé à se prévaloir du droit tiré de cette disposition dès lors que son conjoint, citoyen de l’Union, a séjourné dans l’État membre d’accueil, conformément à l’article 7, paragraphe 1, de la directive 2004/38, non pas jusqu’à la date du début de la procédure judiciaire de divorce, mais, au plus tard, jusqu’à celle où les actes de violence domestique ont eu lieu, est contraire à l’interprétation littérale, systématique et téléologique de l’article 13, paragraphe 2, de la directive 2004/38.

50      Ainsi, lorsque, comme dans l’affaire au principal, un ressortissant d’un État tiers a été victime durant son mariage d’actes de violence domestique commis par un citoyen de l’Union dont il est divorcé, ce dernier doit séjourner dans l’État membre d’accueil, conformément à l’article 7, paragraphe 1, de la directive 2004/38, jusqu’à la date du début de la procédure de divorce, afin que ledit ressortissant soit fondé à se prévaloir de l’article 13, paragraphe 2, premier alinéa, sous c), de cette directive.

51      Eu égard aux considérations qui précèdent, il convient de répondre à la première question que l’article 13, paragraphe 2, premier alinéa, sous c), de la directive 2004/38 doit être interprété en ce sens qu’un ressortissant d’un État tiers, divorcé d’un citoyen de l’Union dont il a subi des actes de violence domestique durant le mariage, ne peut bénéficier du maintien de son droit de séjour dans l’État membre d’accueil, sur la base de cette disposition, lorsque le début de la procédure judiciaire de divorce est postérieur au départ du conjoint citoyen de l’Union de cet État membre.

 Sur la quatrième question

52      Par sa quatrième question, qu’il convient d’examiner en deuxième lieu, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 12 du règlement no 1612/68 doit être interprété en ce sens qu’un enfant et le parent ressortissant d’un État tiers qui en a la garde exclusive bénéficient d’un droit de séjour dans l’État membre d’accueil, au titre de cette disposition, dans une situation, telle que celle en cause au principal, où l’autre parent est citoyen de l’Union et a travaillé dans cet État membre, mais a cessé d’y résider avant que l’enfant n’y entame sa scolarité.

53      Conformément à l’article 12 du règlement no 1612/68, les enfants d’un ressortissant d’un État membre qui est ou a été employé sur le territoire d’un autre État membre sont admis aux cours d’enseignement général, d’apprentissage et de formation professionnelle dans les mêmes conditions que les ressortissants de ce dernier État membre, si ces enfants résident sur le territoire de cet État.

54      Le droit d’accès à l’enseignement dans l’État membre d’accueil des enfants de travailleurs migrants, au titre de cette disposition, dépend de l’installation préalable de l’enfant en question dans l’État membre d’accueil, de sorte que les enfants qui se sont installés dans ledit État membre en leur qualité de membres de la famille d’un travailleur migrant, de même que les enfants d’un travailleur migrant qui résident depuis leur naissance dans l’État membre dans lequel leur père ou leur mère est ou a été employé, peuvent se prévaloir d’un tel droit dans cet État membre (voir, en ce sens, arrêt du 23 février 2010, Teixeira, C‑480/08, EU:C:2010:83, point 45).

55      L’article 12 du règlement no 1612/68 vise particulièrement à assurer que les enfants d’un travailleur ressortissant d’un État membre puissent, même si celui-ci n’exerce plus une activité salariée dans l’État membre d’accueil, entreprendre et, le cas échéant, terminer leur scolarité dans ce dernier État (arrêt du 23 février 2010, Teixeira, C‑480/08, EU:C:2010:83, point 51).

56      En effet, ainsi qu’il ressort du libellé même de l’article 12 du règlement no 1612/68, ce droit n’est pas limité aux enfants des travailleurs migrants actifs, mais s’applique également aux enfants des anciens travailleurs migrants. Il en résulte ainsi que le droit des enfants à l’égalité de traitement en ce qui concerne l’accès à l’enseignement ne dépend pas de la circonstance que leur père ou leur mère conserve la qualité de travailleur migrant dans l’État membre d’accueil (voir, en ce sens, arrêt du 23 février 2010, Teixeira, C‑480/08, EU:C:2010:83, point 50).

57      Par ailleurs, la Cour a jugé que le droit que les enfants tirent de l’article 12 du règlement no 1612/68 n’est pas subordonné au droit de séjour de leurs parents dans l’État membre d’accueil, cette disposition exigeant uniquement que l’enfant ait vécu avec ses parents ou avec l’un d’eux dans un État membre pendant que l’un de ses parents au moins y résidait en qualité de travailleur (voir, en ce sens, arrêt du 23 février 2010, Ibrahim et Secretary of State for the Home Department, C‑310/08, EU:C:2010:80, point 40).

58      À cet égard, reconnaître que les enfants des anciens travailleurs migrants peuvent poursuivre leurs études dans l’État membre d’accueil alors que leurs parents n’y résident plus équivaut à leur reconnaître un droit de séjour indépendant de celui attribué à leurs parents, un tel droit trouvant son fondement dans ledit article 12 (arrêt du 23 février 2010, Ibrahim et Secretary of State for the Home Department, C‑310/08, EU:C:2010:80, point 41).

59      Il résulte ainsi de la jurisprudence de la Cour que l’article 12 du règlement no 1612/68 n’exige pas, afin qu’un enfant puisse bénéficier du droit prévu par cette disposition, que le parent, ancien travailleur migrant, réside encore dans l’État membre d’accueil à la date à laquelle l’enfant entame sa scolarité ou ses études, ni que ce parent demeure présent sur le territoire dudit État membre au cours de ces scolarités ou études.

60      En l’occurrence, il ressort de la décision de renvoi que KA, l’époux de la requérante au principal, a résidé au Royaume-Uni en qualité de travailleur salarié ou non salarié depuis la date de l’arrivée du couple dans cet État membre jusqu’à celle du départ de KA du Royaume-Uni, c’est-à-dire tout au long de la période allant du mois de mars 2004 au mois de décembre 2006.

61      Il ressort également de la décision de renvoi que MA et IA, les filles du couple, sont nées au Royaume-Uni et qu’elles vivent dans cet État membre depuis leur naissance.

62      Ainsi, en tant qu’enfants d’un ancien travailleur migrant, qui résident depuis leur naissance dans l’État membre dans lequel leur père a été employé, MA et IA remplissent les conditions requises pour se prévaloir de l’article 12 du règlement no 1612/68.

63      Dès lors, dans des circonstances telles que celles en cause au principal, l’enfant d’un ancien travailleur migrant, qui réside depuis sa naissance dans l’État membre d’accueil, bénéficie du droit, d’une part, de commencer ou de poursuivre ses études dans cet État membre, au titre de l’article 12 du règlement no 1612/68 et, d’autre part, par voie de conséquence, d’un droit de séjour fondé sur la même disposition. Le fait que le parent, ancien travailleur migrant, réside ou ne réside plus dans ledit État membre à la date à laquelle cet enfant a entamé sa scolarité n’a aucune incidence à cet égard.

64      Enfin, selon la jurisprudence de la Cour, le droit d’accès à l’enseignement implique un droit de séjour autonome de l’enfant d’un travailleur migrant ou d’un ancien travailleur migrant, lorsque cet enfant souhaite poursuivre ses études dans l’État membre d’accueil, ainsi qu’un droit de séjour correspondant en faveur du parent assurant effectivement la garde de cet enfant (arrêt du 13 juin 2013, Hadj Ahmed, C‑45/12, EU:C:2013:390, point 46).

65      En effet, dans des circonstances telles que celles en cause dans l’affaire au principal, où les enfants jouissent, en vertu de l’article 12 du règlement no 1612/68, du droit de poursuivre leur scolarité dans l’État membre d’accueil, tandis que le parent assurant leur garde risque de perdre son droit de séjour, le refus d’accorder audit parent la possibilité de demeurer dans l’État membre d’accueil pendant la scolarité de ses enfants pourrait être de nature à priver ces derniers d’un droit qui leur a été reconnu par le législateur de l’Union (voir, en ce sens, arrêt du 17 septembre 2002, Baumbast et R, C‑413/99, EU:C:2002:493, point 71).

66      En l’occurrence, il ressort de la décision de renvoi que NA a obtenu la garde exclusive de ses enfants.

67      Par conséquent, en tant que parent assurant effectivement la garde de MA et de IA, NA bénéficie également d’un droit de séjour au titre de l’article 12 du règlement no 1612/68.

68      Eu égard aux considérations qui précèdent, il y a lieu de répondre à la quatrième question que l’article 12 du règlement no 1612/68 doit être interprété en ce sens qu’un enfant et le parent ressortissant d’un État tiers qui en a la garde exclusive bénéficient d’un droit de séjour dans l’État membre d’accueil, au titre de cette disposition, dans une situation, telle que celle en cause au principal, où l’autre parent est citoyen de l’Union et a travaillé dans cet État membre, mais a cessé d’y résider avant que l’enfant n’y entame sa scolarité.

 Sur les deuxième et troisième questions

69      Par ses deuxième et troisième questions, qu’il convient d’examiner ensemble, la juridiction de renvoi demande, en substance, si les articles 20 et/ou 21 TFUE doivent être interprétés en ce sens qu’ils confèrent un droit de séjour dans l’État membre d’accueil tant à un citoyen de l’Union mineur, qui réside depuis sa naissance dans cet État membre dont il n’a pas la nationalité, qu’au parent, ressortissant d’un État tiers, ayant la garde exclusive dudit mineur, lorsque les intéressés concernés bénéficient d’un droit de séjour dans ledit État membre au titre du droit national ou du droit international.

70      À titre liminaire, il convient de rappeler que, selon la jurisprudence constante de la Cour, l’article 20 TFUE confère à toute personne ayant la nationalité d’un État membre le statut de citoyen de l’Union, lequel a vocation à être le statut fondamental des ressortissants des États membres (voir arrêts du 20 septembre 2001, Grzelczyk, C‑184/99, EU:C:2001:458, point 31, et du 8 mars 2011, Ruiz Zambrano, C‑34/09, EU:C:2011:124, point 41 et jurisprudence citée).

71      Sur ce fondement, la Cour a déjà jugé que l’article 20 TFUE s’oppose à des mesures nationales ayant pour effet de priver les citoyens de l’Union de la jouissance effective de l’essentiel des droits conférés par leur statut de citoyen de l’Union (arrêt du 8 mars 2011, Ruiz Zambrano, C‑34/09, EU:C:2011:124, point 42).

72      Le critère relatif à la privation de l’essentiel des droits conférés par le statut de citoyen de l’Union revêt un caractère très particulier en ce qu’il vise des situations dans lesquelles, en dépit du fait que le droit secondaire relatif au droit de séjour des ressortissants d’États tiers n’est pas applicable, un droit de séjour ne saurait, exceptionnellement, être refusé à un ressortissant d’un État tiers, membre de la famille d’un citoyen de l’Union, sous peine de méconnaître l’effet utile de la citoyenneté de l’Union dont jouit ce dernier si, comme conséquence d’un tel refus, ce citoyen se voyait obligé, en fait, de quitter le territoire de l’Union pris dans son ensemble, en le privant ainsi de la jouissance effective de l’essentiel des droits conférés par ce statut (voir arrêt du 15 novembre 2011, Dereci e.a., C‑256/11, EU:C:2011:734, points 66 et 67).

73      S’agissant d’une situation telle que celle en cause dans l’affaire au principal, il importe, tout d’abord, de tenir compte du fait que tant la requérante au principal que ses filles bénéficient d’un droit de séjour au Royaume-Uni au titre de l’article 12 du règlement no 1612/68, ainsi qu’il a été constaté au point 68 du présent arrêt.

74      Or, la première condition requise pour pouvoir prétendre à un droit de séjour dans l’État membre d’accueil au titre de l’article 20 TFUE, tel qu’interprété par la Cour aux termes de l’arrêt du 8 mars 2011, Ruiz Zambrano (C‑34/09, EU:C:2011:124), à savoir que l’intéressé ne bénéficie pas d’un droit de séjour dans cet État membre au titre du droit secondaire de l’Union, fait en l’occurrence défaut.

75      En ce qui concerne l’article 21 TFUE, il doit être rappelé que, en vertu de cette disposition, le droit de séjourner sur le territoire des États membres est reconnu à tout citoyen de l’Union « sous réserve des limitations et conditions prévues par les traités et par les dispositions prises pour leur application ».

76      En particulier, de telles limitations et conditions sont celles prévues à l’article 7, paragraphe 1, de la directive 2004/38 et, notamment, celle de disposer de ressources suffisantes afin de ne pas devenir une charge pour le système d’assistance sociale de l’État membre d’accueil au cours du séjour, et d’une assurance maladie complète, au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), de cette directive.

77      À cet égard, la Cour a déjà jugé que les termes « disposent » de ressources suffisantes, figurant à cette disposition, doivent être interprétés en ce sens qu’il suffit que les citoyens de l’Union aient la disposition de telles ressources, sans que cette disposition comporte la moindre exigence quant à la provenance de celles-ci, ces dernières pouvant être fournies, notamment, par le ressortissant d’un État tiers (arrêt du 16 juillet 2015, Singh e.a., C‑218/14, EU:C:2015:476, point 74).

78      Il s’ensuit que, pour autant qu’elles remplissent les conditions fixées par cette directive et, notamment à l’article 7, paragraphe 1, de celle-ci, soit elles-mêmes, soit par l’intermédiaire de leur mère, ce qu’il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier, en tant que citoyennes allemandes, MA et IA peuvent bénéficier d’un droit de séjour au Royaume-Uni, au titre de l’article 21 TFUE et de la directive 2004/38.

79      Enfin, la Cour a jugé que, lorsque l’article 21 TFUE et la directive 2004/38 confèrent un droit de séjour dans l’État membre d’accueil au ressortissant mineur en bas âge d’un autre État membre qui remplit les conditions fixées à l’article 7, paragraphe 1, sous b), de cette directive, ces mêmes dispositions permettent au parent qui a effectivement la garde de ce ressortissant de séjourner avec celui-ci dans l’État membre d’accueil (voir arrêt du 10 octobre 2013, Alokpa et Moudoulou, C‑86/12, EU:C:2013:645, point 29).

80      En effet, la Cour a constaté que le refus de permettre au parent, ressortissant d’un État membre ou d’un État tiers, qui a effectivement la garde d’un citoyen de l’Union mineur auquel l’article 21 TFUE et la directive 2004/38 reconnaissent un droit de séjour, de séjourner avec ce citoyen dans l’État membre d’accueil priverait de tout effet utile le droit de séjour de celui-ci, étant donné que la jouissance du droit de séjour par un enfant en bas âge implique nécessairement que cet enfant ait le droit d’être accompagné par la personne assurant effectivement sa garde et, dès lors, que cette personne soit en mesure de résider avec lui dans l’État membre d’accueil pendant ce séjour (voir, arrêts du 19 octobre 2004, Zhu et Chen, C‑200/02, EU:C:2004:639, point 45, ainsi que du 10 octobre 2013, Alokpa et Moudoulou, C‑86/12, EU:C:2013:645, point 28).

81      Eu égard aux considérations qui précèdent, il convient de répondre aux deuxième et troisième questions de la manière suivante :

–        L’article 20 TFUE doit être interprété en ce sens qu’il ne confère un droit de séjour dans l’État membre d’accueil ni à un citoyen de l’Union mineur, qui réside depuis sa naissance dans cet État membre dont il n’a pas la nationalité, ni au parent, ressortissant d’un État tiers, ayant la garde exclusive dudit mineur, lorsque ceux-ci bénéficient d’un droit de séjour dans cet État membre au titre d’une disposition du droit dérivé de l’Union.

–        L’article 21 TFUE doit être interprété en ce sens qu’il confère audit citoyen de l’Union mineur un droit de séjour dans l’État membre d’accueil, pour autant qu’il remplisse les conditions énoncées à l’article 7, paragraphe 1, de la directive 2004/38, ce qu’il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier. Si tel est le cas, cette même disposition permet au parent qui a effectivement la garde de ce citoyen de l’Union de séjourner avec celui-ci dans l’État membre d’accueil.

  Sur les dépens

82      La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (première chambre) dit pour droit :

1)      L’article 13, paragraphe 2, premier alinéa, sous c), de la directive 2004/38/CE du Parlement européen et du Conseil, du 29 avril 2004, relative au droit des citoyens de l’Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres, modifiant le règlement (CEE) no 1612/68 et abrogeant les directives 64/221/CEE, 68/360/CEE, 72/194/CEE, 73/148/CEE, 75/34/CEE, 75/35/CEE, 90/364/CEE, 90/365/CEE et 93/96/CEE, doit être interprété en ce sens qu’un ressortissant d’un État tiers, divorcé d’un citoyen de l’Union dont il a subi des actes de violence domestique durant le mariage, ne peut bénéficier du maintien de son droit de séjour dans l’État membre d’accueil, sur la base de cette disposition, lorsque le début de la procédure judiciaire de divorce est postérieur au départ du conjoint citoyen de l’Union de cet État membre.

2)      L’article 12 du règlement (CEE) no 1612/68 du Conseil, du 15 octobre 1968, relatif à la libre circulation des travailleurs à l’intérieur de la Communauté, doit être interprété en ce sens qu’un enfant et le parent ressortissant d’un État tiers qui en a la garde exclusive bénéficient d’un droit de séjour dans l’État membre d’accueil, au titre de cette disposition, dans une situation, telle que celle en cause au principal, où l’autre parent est citoyen de l’Union et a travaillé dans cet État membre, mais a cessé d’y résider avant que l’enfant n’y entame sa scolarité.

3)      L’article 20 TFUE doit être interprété en ce sens qu’il ne confère un droit de séjour dans l’État membre d’accueil ni à un citoyen de l’Union mineur, qui réside depuis sa naissance dans cet État membre dont il n’a pas la nationalité, ni au parent, ressortissant d’un État tiers, ayant la garde exclusive dudit mineur, lorsque ceux-ci bénéficient d’un droit de séjour dans cet État membre au titre d’une disposition du droit dérivé de l’Union.

L’article 21 TFUE doit être interprété en ce sens qu’il confère audit citoyen de l’Union mineur un droit de séjour dans l’État membre d’accueil, pour autant qu’il remplisse les conditions énoncées à l’article 7, paragraphe 1, de la directive 2004/38, ce qu’il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier. Si tel est le cas, cette même disposition permet au parent qui a effectivement la garde de ce citoyen de l’Union de séjourner avec celui-ci dans l’État membre d’accueil.

Signatures


* Langue de procédure : l’anglais.