Language of document : ECLI:EU:C:2016:584

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

MME ELEANOR SHARPSTON

présentées le 21 juillet 2016 (1)

Affaire C‑127/15

Verein für Konsumenteninformation

contre

INKO, Inkasso GmbH

[demande de décision préjudicielle formée par l’Oberster Gerichtshof (Cour suprême, Autriche)]

« Protection des consommateurs – Contrats de crédit – Directive 2008/48/CE – Interprétation de l’article 3, sous f), de la directive 2008/48 – Notion d’“intermédiaire de crédit” – Question de savoir si des accords d’échelonnement conclus par une agence de recouvrement au profit de prêteurs constituent des “contrats de crédit liés au délai de paiement consenti, sans frais, pour le règlement d’une dette existante”, au sens de l’article 2, paragraphe 2, sous j), de la directive 2008/48 »





1.        Un agent de recouvrement qui est mandaté par des prêteurs pour recouvrer des créances impayées par des emprunteurs en situation de défaut de paiement pour un contrat de crédit (ci-après le « contrat initial ») en leur présentant des contrats portant sur des délais de paiement agit-il en tant qu’« intermédiaire de crédit » au sens de la directive 2008/48/CE (2) ? Si tel est les cas, les accords qu’il passe se trouvent-ils en dehors du champ d’application de ladite directive lorsque les frais facturés pour ses services ne sont pas supérieurs aux montants que l’emprunteur doit en tout état de cause payer au prêteur au titre du contrat de crédit initial ? Par cette demande de décision préjudicielle, l’Oberster Gerichtshof (Cour suprême, Autriche) demande à la Cour de l’éclairer sur le champ d’application de la directive 2008/48 concernant les contrats de crédit aux consommateurs.

 Cadre juridique

 Directive 2008/48

2.        La directive 2008/48 a plusieurs objectifs. Premièrement, parmi ses objectifs généraux figure l’harmonisation du cadre juridique dans un certain nombre de domaines clés « afin de faciliter l’émergence d’un marché intérieur performant en matière de crédit aux consommateurs » (3) ; « pour inspirer confiance aux consommateurs » (4) ; « pour assurer à tous les consommateurs […] un niveau élevé et équivalent de protection de leurs intérêts et pour créer un véritable marché intérieur » (5). Deuxièmement, des informations devraient être fournies aux consommateurs par les prêteurs, afin qu’ils soient protégés contre les pratiques déloyales ou trompeuses et afin de leur permettre de prendre leurs décisions en toute connaissance de cause, en s’assurant qu’ils reçoivent, préalablement à la conclusion du contrat de crédit, des informations adéquates qu’ils peuvent emporter et examiner, sur les conditions et le coût du crédit, ainsi que sur leurs obligations (6). Troisièmement, la directive vise à régir certaines obligations incombant aux intermédiaires de crédit et à garantir que, de manière générale, les exigences en matière d’information précontractuelle s’appliquent aussi à eux (7). Quatrièmement, elle encourage les États membres à « prendre les mesures appropriées afin de promouvoir les pratiques responsables lors de toutes les phases de la relation de prêt, en tenant compte des caractéristiques particulières de leur marché du crédit. Ces mesures peuvent inclure, par exemple, l’information et l’éducation des consommateurs, y compris des mises en garde sur les risques du défaut de paiement ou du surendettement » (8).

3.        L’article 1er de la directive 2008/48 énonce que celle-ci a pour objet d’harmoniser certains aspects des dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres en matière de contrats de crédit aux consommateurs.

4.        Aux termes de son article 2, la directive 2008/48 s’applique aux contrats de crédit, sauf s’ils sont expressément exclus. L’article 2, paragraphe 2, énumère douze types de contrats de crédit, y compris ceux concernant les biens immobiliers à usage résidentiel (9), qui ne relèvent pas du champ d’application de la directive, parmi lesquels :

« f)      [les] contrats de crédit sans intérêt et sans autres frais et [les] contrats de crédit en vertu desquels le crédit doit être remboursé dans un délai ne dépassant pas trois mois, et pour lesquels ne sont requis que des frais négligeables ;

[…]

j)      [les] contrats de crédit liés au délai de paiement consenti, sans frais, pour le règlement d’une dette existante ;

[…] »

5.        L’article 2, paragraphe 6, de la directive prévoit ce qui suit :

« Les États membres peuvent décider que seuls les articles 1er à 4, 6, 7, 9, l’article 10, paragraphe 1, l’article 10, paragraphe 2, points a) à i), points l) et r), l’article 10, paragraphe 4, les articles 11, 13, 16 et 18 à 32 s’appliquent aux contrats de crédit prévoyant que les délais de paiement ou les modes de remboursement font l’objet d’un accord entre le prêteur et le consommateur lorsque le consommateur est déjà en situation de défaut de paiement pour le contrat de crédit initial, dans les cas où (10) :

a)      un tel accord serait susceptible d’écarter l’éventualité d’une procédure judiciaire pour ledit défaut de paiement ; et

b)      le consommateur ne serait ainsi pas soumis à des dispositions moins favorables que celles du contrat de crédit initial.

[…] »

6.        Les définitions suivantes données à l’article 3 de la directive sont pertinentes :

« a)      “consommateur” : toute personne physique qui, pour les transactions régies par [la directive 2008/48], agit dans un but étranger à son activité commerciale ou professionnelle ;

b)      “prêteur” : toute personne physique ou morale qui consent ou s’engage à consentir un crédit dans le cadre de l’exercice de ses activités commerciales ou professionnelles ;

c)      “contrat de crédit” : un contrat en vertu duquel un prêteur consent ou s’engage à consentir à un consommateur un crédit sous la forme d’un délai de paiement, d’un prêt ou de toute autre facilité de paiement similaire, à l’exception des contrats conclus en vue de la prestation continue de services ou de la livraison de biens de même nature, aux termes desquels le consommateur règle le coût desdits services ou biens, aussi longtemps qu’ils sont fournis, par des paiements échelonnés ;

[…]

f)      “intermédiaire de crédit” : une personne physique ou morale qui n’agit pas en qualité de prêteur et qui, dans le cadre de l’exercice de ses activités commerciales ou professionnelles, contre une rémunération qui peut être pécuniaire ou revêtir toute autre forme d’avantage économique ayant fait l’objet d’un accord :

i)      présente ou propose des contrats de crédit aux consommateurs,

ii)      assiste les consommateurs en réalisant des travaux préparatoires pour des contrats de crédit autres que ceux visés au point i), ou

iii)      conclut des contrats de crédit avec des consommateurs pour le compte du prêteur ;

g)      “coût total du crédit pour le consommateur” : tous les coûts, y compris les intérêts, les commissions, les taxes, et tous les autres types de frais que le consommateur est tenu de payer pour le contrat de crédit et qui sont connus par le prêteur […]. »

7.        L’article 5, paragraphe 1, de la directive 2008/48 définit les informations précontractuelles obligatoires qui doivent être fournies aux consommateurs (11). Il énonce ce qui suit :

« Avant que le consommateur ne soit lié par un contrat ou une offre de crédit, le prêteur et, le cas échéant, l’intermédiaire de crédit, lui donnent en temps utile, sur la base des clauses et conditions du crédit proposé par le prêteur et, le cas échéant, des préférences exprimées par le consommateur et des informations fournies par ce dernier, les informations nécessaires à la comparaison des différentes offres pour prendre une décision en connaissance de cause sur la conclusion d’un contrat de crédit. […]

Ces informations portent sur :

a)      le type de crédit ;

b)      l’identité et l’adresse géographique du prêteur ainsi que, le cas échéant, l’identité et l’adresse géographique de l’intermédiaire de crédit concerné ;

c)      le montant total du crédit et les conditions de prélèvement ;

d)      la durée du contrat de crédit ;

[…]

l)      le taux d’intérêt applicable en cas de retard de paiement, ainsi que les modalités d’adaptation de celui-ci et, le cas échéant, les frais d’inexécution ;

m)      un avertissement concernant les conséquences des impayés ;

[…] »

8.        Aux termes de l’article 5, paragraphe 6, de la directive 2008/48, les États membres veillent à ce que les prêteurs et, le cas échéant, les intermédiaires de crédit, fournissent au consommateur des explications adéquates grâce auxquelles celui-ci sera en mesure de déterminer si le contrat de crédit proposé est adapté à ses besoins et à sa situation financière, le cas échéant en expliquant les conséquences d’un défaut de paiement du consommateur (12).

9.        L’article 21 de la même directive impose certaines obligations spécifiques aux intermédiaires de crédit. Les États membres doivent veiller à ce qu’un intermédiaire de crédit indique, notamment, s’il travaille à titre exclusif avec un ou plusieurs prêteurs ou en qualité de courtier indépendant (13). Les intermédiaires de crédit doivent également informer les consommateurs de tout frais dû pour leurs services et communiquer aux prêteurs le détail de tels frais (14).

 Directive 2009/22

10.      La directive 2009/22/CE (15) a pour objet de rapprocher les dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres relatives aux actions en cessation visant à protéger les intérêts collectifs des consommateurs afin de garantir le bon fonctionnement du marché intérieur. Son champ d’application couvre les infractions aux règles nationales affectant les intérêts collectifs des consommateurs qui transposent l’une des directives énumérées dans son annexe I (16). La liste inclut la directive 87/102/CEE (17), qui a désormais été remplacée par la directive 2008/48. Une « entité qualifiée » peut introduire des recours dans l’intérêt collectif des consommateurs (18). Elle est définie comme tout organisme ou organisation dûment constitué conformément au droit d’un État membre, qui a un intérêt légitime à faire respecter les dispositions visées à l’article 1er (19).

 Directive 2014/17/UE

11.      La directive 2014/17/UE (20) a pour objet de créer un marché européen du crédit hypothécaire garantissant un niveau élevé de protection des consommateurs (21). Son article 4, paragraphe 5, définit l’intermédiaire de crédit en termes semblables à ceux utilisés à l’article 3, sous f), de la directive 2008/48. Ses articles 29 à 34 du chapitre 11 introduisent différentes exigences applicables à l’établissement et à la surveillance des intermédiaires de crédit et de leurs représentants désignés (22).

 Droit autrichien

12.      La directive 2008/48 a été transposée en Autriche par le Verbraucherkreditgesetz (loi sur le crédit à la consommation, ci-après le « VKrG »). L’article 6 du VKrG impose l’obligation de fournir les informations précontractuelles visées à l’article 5 de la directive 2008/48. Cette obligation s’applique également aux contrats de crédit dans lesquels le remboursement fait l’objet d’un délai ou d’un échelonnement (article 25 du VKrG). Cette loi ne prévoit pas d’application plus limitée telle que celle qui est rendue possible par l’article 2, paragraphe 6, de la directive 2008/48.

13.      L’Allgemeines Bürgerliches Gesetzbuch (code civil) régit les conséquences de l’inexécution, par un emprunteur, de son prêt. L’article 1333 du code civil énonce ce qui suit :

« 1.      Le préjudice que le débiteur a causé à son créancier par le retard de paiement d’une créance de somme d’argent est compensé par les intérêts légaux […]

2.      Le créancier peut réclamer, outre les intérêts légaux, la réparation d’autres préjudices qu’il a subis en raison de la faute du débiteur, notamment les coûts nécessaires à des mesures de poursuite ou de recouvrement extrajudiciaires adéquates, pour autant que celles-ci sont proportionnées à la créance faisant l’objet de poursuites » (23).

 Faits, procédure et questions préjudicielles

14.      Le Verein für Konsumenteninformation [Association pour l’information des consommateurs, Vienne (Autriche), ci-après le « Verein »] est une association habilitée à former des actions en cessation visant à protéger les intérêts collectifs des consommateurs au sens de la directive 2009/22. Il a demandé en justice qu’il soit enjoint à INKO, Inkasso GmbH, Linz (Autriche) (ci-après « Inko ») de cesser de conclure des accords portant sur des délais de paiement (ci-après l’« accord de remboursement ») pour lesquels il facture des frais sans avoir fourni préalablement aux consommateurs les informations précontractuelles imposées par les articles 6 et 25 du VKrG (24).

15.      Inko propose aux prêteurs un service de recouvrement de créances en cas d’inexécution, par un emprunteur, d’un contrat de crédit. Il se rapproche de tels emprunteurs pour le compte du prêteur et leur propose un accord de remboursement. L’emprunteur se voit donné un délai de trois jours pour choisir entre payer l’intégralité de la créance impayée ou remplir un formulaire préalablement imprimé (ci-après un « accord d’échelonnement ») qui doit être renvoyé à Inko. Par un tel accord, l’emprunteur : i) reconnaît que la créance impayée est due, ainsi que les frais découlant de l’inexécution du contrat initial ; ii) donne son accord à un plan de remboursement ; iii) s’engage à payer la créance par échéances mensuelles ; et iv) accepte que les paiements qu’il effectue soient imputés d’abord sur les frais de Inko, puis sur la créance du prêteur et les intérêts. Les frais et les intérêts (ci-après les « frais de recouvrement ») constituent la rémunération de Inko pour ses services.

16.      Le Verein fait valoir que Inko doit fournir aux emprunteurs les informations précontractuelles obligatoires préalablement à la conclusion de tels contrats. Inko le conteste. Il soutient que les accords de remboursement sont conclus entre l’emprunteur et le prêteur. N’étant pas partie lui-même à ces accords, il ne serait pas tenu de fournir de quelconques informations précontractuelles. En tout état de cause, les contrats qu’il conclut pour le compte de ses clients ne donnant pas lieu à un délai de paiement contre rémunération, ses activités ne ressortiraient pas au champ d’application de la directive 2008/48.

17.      La juridiction de renvoi considère que le Verein n’est pas parvenu à démontrer que Inko facture des intérêts et des frais qui vont au-delà de ce qui serait acquis aux prêteurs en application du droit autrichien si les emprunteurs acceptaient eux-mêmes, hors d’une intervention de Inko, de payer par échéances. Le Verein a obtenu gain de cause en première instance. Inko a obtenu partiellement gain de cause en appel. Les deux parties ont introduit un recours devant la juridiction de renvoi, laquelle souhaite déterminer si les accords proposés par Inko relèvent du champ d’application de la directive 2008/48 et saisit dès lors la Cour des questions préjudicielles suivantes :

« 1)      Une agence de recouvrement qui, dans le contexte du recouvrement à titre professionnel de créances au nom de ses clients, propose aux débiteurs de ceux-ci la conclusion d’accords d’échelonnement, en facturant pour son activité des frais dont, au final, les [emprunteurs] sont tenus de supporter la charge, agit-elle en tant qu’“intermédiaire de crédit” au sens de l’article 3, sous f), de la directive 2008/48 […] ?

2)      S’il est donné une réponse affirmative à la première question :

Un accord d’échelonnement qui est conclu entre un [emprunteur] et son [prêteur] par l’intermédiaire d’une agence de recouvrement constitue-t-il un “délai de paiement consenti sans frais” au sens de l’article 2, paragraphe 2, sous j), de la directive 2008/48, lorsque, par ledit accord, l’[emprunteur] s’engage seulement à payer la créance non remboursée ainsi que les intérêts et frais auxquels il aurait été en tout état de cause tenu même en l’absence d’accord, sur le fondement de la loi ? »

18.      Le Verein, Inko, les gouvernements allemand, français et lituanien ainsi que la Commission européenne ont présenté des observations écrites. Lors de l’audience du 25 février 2016, ces mêmes parties, à l’exception des gouvernements français et lituanien, ont présenté des observations orales.

 Analyse

 Remarques préliminaires

19.      La procédure au principal concerne une action collective intentée par le Verein pour le compte de consommateurs en général. Il n’existe donc pas d’accord spécifique à examiner et rien n’indique si un accord initial en particulier ressortirait ou non au champ d’application de la directive 2008/48. Il n’est pas non plus indiqué si des agences de recouvrement telles que Inko fournissent des biens ou des services à titre accessoire au sens de l’article 7 de la directive 2008/48.

20.      La qualification des accords entre prêteurs, emprunteurs en situation de défaut de paiement et agences de recouvrement ainsi que les règles qui s’appliquent auxdits accords diffèrent selon les États membres. La situation qui existe en droit autrichien n’est pas parfaitement claire. Ainsi, le Verein soutient que lorsqu’un emprunteur conclut un accord d’échelonnement avec une agence de recouvrement, cet accord met un terme à l’inexécution, par l’emprunteur, du contrat initial, puisque l’emprunteur n’est plus en retard de paiement. Inko n’a pas abordé ce point spécifique. Il considère que, en droit autrichien, les agences de recouvrement ne peuvent pas agir en justice afin de recouvrer les créances impayées pour le compte de prêteurs. Elles ne sont pas parties au contrat initial et il leur est interdit d’acquérir la créance impayée au titre de cet accord. Selon Inko, les entités qui recouvrent des créances impayées agissent simplement à titre d’agent des prêteurs.

21.      Ces questions de droit national relèvent de la compétence des juridictions nationales. Leur résolution n’est pas nécessaire pour que la Cour statue sur la présente affaire, qui concerne le point de savoir si des accords d’échelonnement tels que ceux passés par Inko constituent des contrats de crédit au sens de la directive 2008/48. Il me semble que de tels accords relèvent bien de la définition de « contrats de crédit » au sens de l’article 3, sous c), de ladite directive. L’accord d’échelonnement constitue un « délai de paiement » ou une « autre facilité de paiement similaire » au sens de ladite disposition, puisque le prêteur (du contrat initial) consent à l’emprunteur un crédit supplémentaire ou nouveau sous cette forme au moyen de tels accords de remboursement.

22.      L’article 6 de la directive 2008/48 énumère en détail les exigences en matière d’information précontractuelle applicables aux contrats de crédit prenant la forme d’une facilité de découvert et à certains contrats de crédit particuliers. Rien n’indique dans la demande de décision préjudicielle si les contrats de crédit en cause relèvent du champ d’application de cette disposition et la juridiction de renvoi n’a pas demandé d’éclairage sur ce point. Néanmoins, les dispositions de l’article 5 se retrouvent dans l’article 6 et mon analyse de celui-là s’applique par analogie à celui-ci (25).

 Sur la première question préjudicielle

23.      Par cette question, la juridiction de renvoi cherche à savoir si une agence de recouvrement qui présente, pour le compte de prêteurs, des accords d’échelonnement à des emprunteurs en situation de défaut de paiement, afin de recouvrer des créances impayées contre rémunération, relève de la définition d’intermédiaire de crédit au sens de l’article 3, sous f), de la directive 2008/48.

24.      J’estime qu’une agence de recouvrement qui fournit un tel service relève de cette disposition.

25.      Premièrement, le libellé de l’article 3, sous f), de la directive 2008/48 vient soutenir cette interprétation (26). Il ressort de cette disposition que quatre conditions doivent être réunies pour qu’une personne soit qualifiée d’intermédiaire de crédit au sens de la directive 2008/48. L’entité concernée doit i) être une personne physique ou morale ; ii) ne pas agir en qualité de prêteur ; iii) agir dans le cadre de l’exercice de ses activités commerciales ou professionnelles [et fournir les services énumérés à l’article 3, sous f), i) à iii) de la directive 2008/48] ; et iv) fournir ses services contre rémunération (27).

26.      Sous réserve de l’appréciation des faits par la juridiction de renvoi, il ressort de la demande de décision préjudicielle et du spécimen d’accord de remboursement de Inko versé au dossier de ladite juridiction que les activités de Inko consistent à présenter des accords d’échelonnement à des emprunteurs qui sont en situation de défaut de paiement pour le contrat initial. L’article 3, sous f), de la directive 2008/48 vise les activités suivantes des intermédiaires de crédit : est un intermédiaire de crédit celui qui « i) présente ou propose des contrats de crédit aux consommateurs ; ii) assiste les consommateurs en réalisant des travaux préparatoires pour des contrats de crédit autres que ceux visés au point i) ; ou iii) conclut des contrats de crédit avec des consommateurs pour le compte du prêteur ». Ce libellé est suffisamment large pour couvrir les activités de Inko (28).

27.      Deuxièmement, j’estime qu’une telle interprétation est cohérente avec le double objectif de protection du consommateur et de création d’un véritable marché intérieur énoncé dans la directive 2008/48 (29).

28.      Les prêteurs et, le cas échéant, les intermédiaires de crédit sont tenus de fournir les 19 informations précontractuelles obligatoires énumérées à l’article 5, paragraphe 1, de ladite directive avant que le consommateur ne soit lié par le contrat ou l’offre de crédit. Cette énumération comprend des informations concernant la situation de l’emprunteur s’il est en retard de paiement ou ne rembourse pas la créance (30). La plupart des emprunteurs ne s’attendent pas à être en situation de défaut de paiement lorsqu’ils concluent un contrat de crédit ; et l’on sait que tous les emprunteurs ni n’examinent dans le détail ni n’apprécient entièrement les conséquences de la situation de défaut de paiement qui sont expliquées dans les informations précontractuelles. Le délai de trois jours donné dans le spécimen d’accord de Inko est inadéquat pour permettre à un emprunteur d’évaluer sa situation. Lorsqu’un emprunteur est confronté à l’alternative de rembourser intégralement la créance impayée ou de compléter l’accord d’échelonnement, il est probable qu’il n’a pas vraiment le choix. S’il pouvait aisément rembourser le montant impayé (ce qui constitue l’option la moins onéreuse, puisque cela réduit les frais ultérieurs dont il est redevable), il ne serait probablement pas en situation de défaut de paiement. Une durée de trois jours est également insuffisante pour que l’emprunteur compare les coûts générés par l’accord d’échelonnement avec des solutions différentes proposées par d’autres prêteurs.

29.      Il me semble donc qu’il est plus conforme à l’objectif de garantir un niveau élevé de protection du consommateur que l’intermédiaire de crédit soit tenu de fournir les informations énumérées à l’article 5, paragraphe 1, de la directive 2008/48, notamment si cette information n’est pas fournie par le prêteur. Si tel n’est pas le cas, l’emprunteur se voit privé justement de la protection que la directive 2008/48 vise à garantir (31). Pour que l’obligation qui figure à l’article 5, paragraphe 1, de cette directive soit remplie, les informations doivent être fournies à l’emprunteur avant qu’il ne soit lié par l’accord d’échelonnement (32). La raison en est que l’agent de recouvrement est la personne : i) présentant ou proposant l’accord d’échelonnement à l’emprunteur ; ou ii) réalisant des travaux préparatoires en rapport avec un tel accord ; ou iii) concluant un accord d’échelonnement pour le compte de prêteurs au sens de l’article 3, sous f), de la directive 2008/48. Une période plus longue que les trois jours proposés par Inko est clairement nécessaire pour respecter cette obligation. Aux termes de l’article 5, paragraphe 1, de cette directive, l’obligation de fournir les informations précontractuelles incombe au « prêteur et, le cas échéant, [à] l’intermédiaire de crédit ». Ainsi, en théorie, les informations peuvent être fournies par le prêteur avant que l’emprunteur n’accepte l’accord d’échelonnement. Néanmoins, rien n’indique que les prêteurs fournissent effectivement de telles informations précontractuelles. (Même si tel était le cas, cela n’affecterait pas le principe selon lequel les intermédiaires de crédit sont soumis à la même obligation.)

30.      Cette lecture est confortée par l’article 5, paragraphe 6, de la directive 2008/48 qui impose aux États membres de veiller à ce que, au stade précontractuel, les prêteurs et les intermédiaires de crédit fournissent aux emprunteurs des explications adéquates grâce auxquelles ceux-ci seront en mesure d’évaluer des facteurs tels que les conséquences d’un défaut de paiement. Elle est également cohérente avec l’objectif d’encourager les pratiques responsables lors de toutes les phases de la relation de prêt (33).

31.      De même, cette lecture est compatible avec l’objectif de créer un véritable marché intérieur puisque la notion d’intermédiaire de crédit doit avoir la même signification dans tous les États membres. Ainsi, l’obligation de fournir des informations précontractuelles devrait s’appliquer à tous ceux qui fournissent des services de recouvrement de créances tels que ceux proposés par Inko.

32.      Inko soutient qu’un intermédiaire de crédit met en rapport les prêteurs et les emprunteurs. Selon lui, les agences de recouvrement ne pourraient pas être des intermédiaires de crédit, leurs activités étant liées à un contrat de crédit qui existe avant que l’agence de recouvrement ne présente un accord à l’emprunteur. Les obligations qui figurent à l’article 21 de la directive 2008/48 (intitulé « Certaines obligations des intermédiaires de crédit vis-à-vis des consommateurs ») ne pourraient donc pas s’appliquer à une agence de recouvrement. Inko ajoute que la définition de l’intermédiaire de crédit qui figure à l’article 4, paragraphe 5, de la directive 2014/17 est semblable à celle énoncée dans la directive 2008/48 et que les deux dispositions devraient être interprétées de manière cohérente. Il ressortirait du contexte de la directive 2014/17 que les activités des agences de recouvrement ne relèvent pas des dispositions de cette directive qui régissent les activités des intermédiaires de crédit. Enfin, Inko soutient que l’article 3, sous f), de la directive 2008/48 aurait un champ d’application trop large s’il est interprété comme s’appliquant aux agences de recouvrement de créances. Il couvrirait alors des activités professionnelles dont il n’a jamais été envisagé qu’elles soient régies par ladite directive, notamment celles des avocats qui, en Autriche, sont habilités à agir en qualité d’agents de recouvrement.

33.      Il me semble que l’« intermédiaire de crédit » est une notion générale qui couvre divers types d’activités (34). Les États membres définissent cette notion de différentes manières et l’appliquent à différents types d’activités (35). Il est vrai que le recouvrement de créances n’est pas une activité associée à un type d’intermédiaire de crédit plus conventionnel (par exemple, à un courtier de crédit à la consommation). Néanmoins, de tels courtiers ne sont que l’un des types d’intermédiaires de crédit mentionnés à l’article 21 de la directive 2008/48. En vertu de cette disposition, l’intermédiaire de crédit est tenu d’indiquer s’il travaille à titre exclusif avec un ou plusieurs prêteurs ou s’il est indépendant ; de communiquer tout frais (éventuel) dû pour ses services ; et d’informer le prêteur desdits frais aux fins du calcul du taux annuel effectif global (TAEG). Logiquement, ces obligations s’appliquent également aux agences de recouvrement de créances lorsque celles-ci proposent des accords d’échelonnement, puisqu’elles travaillent pour des clients et qu’elles fournissent leurs services contre rémunération (36).

34.      La directive 2014/17 introduit un cadre commun concernant les contrats couvrant le crédit aux consommateurs garanti par une hypothèque ou autre crédit relatif à des biens immobiliers à usage résidentiel. Ce cadre contient un régime spécifique pour les intermédiaires de crédit agissant dans ce contexte (37). Il ne découle cependant pas de la similitude des définitions d’« intermédiaire de crédit » qui figurent à l’article 4, paragraphe 5, de la directive 2014/17 et à l’article 3, sous f), de la directive 2008/48 que celui-là restreint le champ d’application de celui-ci. La directive 2008/48 ne s’applique ni aux contrats de crédit garantis par une hypothèque, ni aux contrats de crédit destinés à permettre l’acquisition ou le maintien de droits de propriété [article 2, paragraphe 2, sous a) et b) de la directive 2008/48]. J’estime que la question de savoir si une agence de recouvrement est apte à remplir les obligations qui figurent, notamment, au chapitre 11 de la directive 2014/17 ne peut pas être pertinente aux fins de la définition de la signification donnée à l’article 3, sous f), de la directive 2008/48. Inko a avancé qu’une interprétation large signifierait que les avocats qui ne fournissent pas de services de recouvrement de créances seraient néanmoins couverts par la directive 2008/48. Néanmoins, il y a lieu de rétorquer à cela tout simplement que lorsque des avocats proposent des conseils juridiques, ils n’exercent pas les fonctions énumérées à l’article 3, sous f), i) à iii), de ladite directive (38).

35.      Enfin, le gouvernement lituanien (qui ne propose de réponse qu’à la première question) considère que, aux fins de l’article 3, sous f), de la directive 2008/48, les activités d’un intermédiaire de crédit doivent être exercées préalablement à la conclusion du contrat de crédit. Or, la gestion de créances impayées n’est pas liée à la proposition ou à la préparation du contrat initial.

36.      Je suis en désaccord avec cette analyse. Premièrement, l’article 3, sous f), de la directive 2008/48 ne prévoit pas que les activités des intermédiaires de crédit doivent être exercées préalablement à la conclusion du contrat de crédit. Il est plus cohérent avec le libellé et les objectifs de la directive 2008/48 de ne pas restreindre la notion d’« intermédiaire de crédit » de cette manière. Au contraire, l’obligation de fournir des informations s’applique pendant toute la durée du contrat, notamment lorsque l’emprunteur se voit proposer un accord financier qui relève de la définition de contrat de crédit au sens de l’article 3, sous c), de la directive 2008/48 (39). Deuxièmement, dans le cas d’espèce, l’accord pertinent n’est pas le contrat initial entre le prêteur et l’emprunteur. C’est l’accord d’échelonnement proposé par l’agence de recouvrement de créances qui est le point central (40). Puisque rien n’indique que les contrats initiaux relèvent du champ d’application de la directive 2008/48, il n’est pas possible de présumer que les emprunteurs reçoivent des informations précontractuelles avant que lesdits contrats n’entrent en vigueur. Si des entités telles que Inko ne sont pas des intermédiaires de crédit au sens de l’article 3, sous f), de la directive 2008/48, il n’existe pas non plus d’obligation de fournir les informations avant que l’accord d’échelonnement n’entre en vigueur. Ainsi, les emprunteurs ne bénéficieraient pas de la protection garantie par la directive 2008/48 puisque les informations précontractuelles ne leur seraient fournies à aucune phase de la procédure, notamment lors de la conclusion d’un accord de crédit portant sur des délais de paiement. En tout état de cause, il ressort des explications données par la juridiction de renvoi dans sa décision que les activités de Inko débutent avant que l’emprunteur ne conclue lesdits contrats (41).

37.      J’en conclus donc qu’une agence de recouvrement de créances qui présente à des consommateurs, contre rémunération, des accords d’échelonnement pour le compte de créanciers aux fins du recouvrement de leurs créances impayées constitue un intermédiaire de crédit au sens de l’article 3, sous f), de la directive 2008/48.

 Sur la seconde question préjudicielle

38.      L’accord d’échelonnement conclu par un emprunteur qui s’engage à payer la créance impayée ainsi que les frais et les intérêts de retard qui découlent de son défaut de remboursement au titre du contrat initial (ou au titre des règles nationales applicables) constitue-t-il un accord qui ressortit au champ d’application de la directive 2008/48, dès lors qu’il est un contrat de crédit lié « au délai de paiement consenti, sans frais, pour le règlement d’une dette existante » au sens de l’article 2, paragraphe 2, sous j), de ladite directive ?

39.      Le gouvernement allemand considère qu’un accord par lequel l’emprunteur paye des frais ne peut pas être considéré comme étant consenti « sans frais » au sens de l’article 2, paragraphe 2, sous j), de la directive 2008/48, même lorsque les frais de recouvrement au titre de l’accord d’échelonnement ne sont pas supérieurs à ceux du contrat initial. Les frais prévus dans le contrat initial constituent des frais au sens de l’article 2, paragraphe 2, sous j), de la directive 2008/48. Selon l’analyse du gouvernement français (qui ne répond qu’à la seconde question), les accords d’échelonnement donnent lieu à des frais supplémentaires pour les emprunteurs lorsque : i) l’emprunteur, au titre d’un tel accord, paye davantage que ce qu’il aurait payé si le remboursement avait été effectué selon des modalités différentes ; et ii) les frais de recouvrement de la créance sont supportés directement ou indirectement par l’emprunteur. La Commission fait valoir qu’il est nécessaire de déterminer si l’emprunteur doit payer, au titre de l’accord d’échelonnement, des frais plus élevés que ceux qu’il aurait payés en l’absence d’un tel accord.

40.      Que vise l’expression « sans frais » au sens de l’article 2, paragraphe 2, sous j), de la directive 2008/48 ? Les accords proposés par Inko relèvent-ils de cette disposition ?

41.      L’expression « sans frais » qui figure à l’article 2, paragraphe 2, sous j), de la directive 2008/48 n’est pas définie. Il semble cohérent avec l’économie de la directive de l’interpréter à la lumière de l’expression « sans intérêt et sans autres frais […] » qui figure à l’article 2, paragraphe 2), sous f), de cette directive (42). Le terme de « frais » doit également être interprété à la lumière de la définition de « coût total du crédit pour le consommateur » donnée à l’article 3, sous g), de la même directive. Cette définition est rédigée en termes larges puisqu’elle couvre « tous les coûts, y compris les intérêts, les commissions, les taxes, et tous les autres types de frais que le consommateur est tenu de payer pour le contrat de crédit et qui sont connus par le prêteur ». Ces termes sont suffisamment larges pour englober les frais de recouvrement encourus lorsqu’un emprunteur n’exécute pas le contrat initial, que ces frais soient facturés par le prêteur lui-même ou par une agence de recouvrement agissant pour son compte.

42.      L’article 2, paragraphe 2, sous j), de la directive 2008/48 a pour objet d’exclure du champ d’application de cette directive les contrats de crédit dans lesquels l’emprunteur ne subit pas de frais supplémentaires pour la facilité de crédit fournie. Les termes « sans frais » doivent être interprétés à la lumière de leur sens ordinaire et dans le cadre de leur contexte législatif ainsi que des objectifs des règles dont ils font partie (43). Ainsi, j’estime que la question porte sur le point de savoir si les accords d’échelonnement en cause sont sans frais pour l’emprunteur. En termes très simples : de tels accords sont-ils gratuits ?

43.      Les frais de recouvrement dus en cas d’inexécution doivent être définis dans le contrat de crédit initial (44). Il n’est pas inhabituel que des prêteurs délèguent la procédure de recouvrement à un tiers, dès lors qu’il est plus efficace pour eux de procéder ainsi que de recouvrer eux-mêmes les créances impayées. Le recouvrement ayant un coût auquel l’emprunteur en situation de défaut de paiement est tenu au titre du contrat initial, cette procédure ne peut pas être qualifiée de gratuite pour les emprunteurs. Inko ne conteste pas qu’il facture des frais pour ses services. Lesdits services ne peuvent donc pas être qualifiés de mis à dispositions sans frais. La première question porte sur le point de savoir si les accords que Inko passe avec des emprunteurs pour le compte de prêteurs ont pour conséquence un coût pour l’emprunteur au sens de l’article 3, sous g), de la directive 2008/48. Il ressort en effet du spécimen d’accord de remboursement versé au dossier de la juridiction de renvoi que l’emprunteur est effectivement tenu de payer les frais de recouvrement (45).

44.      Il apparaît que le spécimen de formulaire contient des informations comprenant : i) la créance et les frais du prêteur (98,75 euros) ; ii) les frais que Inko facture lorsqu’il accepte d’agir pour le compte d’un prêteur, comprenant : 15,65 euros (frais de traitement) ; 14,28 euros (première mise en demeure) ; 9,36 euros (frais de dossier) – sous-total : 39,29 euros ; et iii) le montant de la nouvelle dette 138,04 euros (obtenu en additionnant 39,29 euros et 98,75 euros). En outre, il existe des frais supplémentaires : intérêts : 0 euro (46) ; les frais de dossier (3,12 euros par mois) ; 15,96 euros par mise en demeure ; et 45 euros de frais de prélèvement – soit, au total, 64,08 euros (47).

45.      Inko ne propose pas un accord qui est sans frais. Celui-ci comporte des implications financières à l’égard desquelles les emprunteurs doivent être en situation de faire un choix éclairé.

46.      Aux fins de l’article 2, paragraphe 2, sous j), de la directive 2008/48, le point de savoir si l’emprunteur paye les frais de l’accord d’échelonnement au prêteur, lequel paye par la suite l’agent de recouvrement, ou directement à l’agent de recouvrement, joue-t-il un rôle ?

47.      Selon moi, cela ne joue aucun rôle.

48.      Il ressort de la demande de décision préjudicielle et des informations qui figurent dans le dossier de la juridiction de renvoi que, dans l’affaire au principal, ce paiement incombe effectivement (indirectement tout au moins) à l’emprunteur, au titre du contrat de crédit initial (48).

49.      Pour que l’accord relève de l’article 2, paragraphe 2, sous j), de la directive 2008/48, les frais en cause doivent-ils être supérieurs à ceux dus au titre de l’accord de crédit initial en cas d’inexécution de l’emprunteur (49) ?

50.      J’estime que cette question appelle une réponse négative.

51.      Une telle condition, qui ne figure nulle part dans le libellé actuel de l’article 2, paragraphe 2, sous j), de la directive 2008/48 me semble être incompatible avec l’objectif de protection du consommateur que poursuit ladite directive. La technique réglementaire employée tout au long de cette directive est fondée sur le principe selon lequel un consommateur qui est correctement et entièrement éclairé est mieux à même d’être responsable de ses accords de prêt (50).

52.      La juridiction de renvoi demande si l’interprétation de l’article 2, paragraphe 2, sous j), de la directive 2008/48 a une influence sur le fonctionnement de l’article 2, paragraphe 6, de cette directive.

53.      J’estime que tel n’est pas le cas. Les deux dispositions établissent des régimes distincts. L’article 2, paragraphe 2, sous j), de la directive 2008/48 n’est pas discrétionnaire, il exclut du champ d’application de cette directive les accords dans lesquels les emprunteurs obtiennent un prêt sans frais.

54.      En revanche, les États membres peuvent choisir d’appliquer ou non le régime de régulation plus souple introduit par l’article 2, paragraphe 6, de la directive 2008/48 (51). Cette disposition prévoit que les États membres peuvent décider que seuls certains articles de la directive 2008/48 s’appliquent aux contrats de crédit prévoyant que les délais de paiement ou les modes de remboursement font l’objet d’un accord entre le prêteur et le consommateur (52) lorsque le consommateur est déjà en situation de défaut de paiement pour le contrat de crédit initial, dans les cas où un tel accord serait susceptible d’écarter l’éventualité d’une procédure judiciaire pour ledit défaut de paiement et le consommateur ne serait ainsi pas soumis à des dispositions moins favorables que celles du contrat de crédit initial. L’article 6 de la directive 2008/48 (qui s’applique, notamment, à « un contrat de crédit ou une offre concernant un contrat de crédit » visé à l’article 2, paragraphe 6, notamment) énonce une liste d’informations obligatoires que le créancier et, le cas échéant, l’intermédiaire de crédit, doivent fournir en temps utile avant que le consommateur ne soit lié. Néanmoins, la République d’Autriche n’ayant pas choisi de faire usage de l’option permise par l’article 2, paragraphe 6, de la directive 2008/48, c’est l’article 5 qui demeure pertinent pour le litige au principal (53).

55.      Dès lors, j’en conclus que, lorsque le contrat de crédit initial stipule qu’il appartient à l’emprunteur de supporter les coûts de recouvrement en cas d’inexécution et que l’emprunteur conclut ensuite un accord d’échelonnement avec le prêteur dans le cadre d’un accord proposé par une agence de recouvrement, un tel accord ne constitue pas un accord de crédit lié au délai de paiement consenti, sans frais, pour le paiement d’une dette existante au sens de l’article 2, paragraphe 2, sous j), de la directive 2008/48, même s’il incombe déjà à l’emprunteur de payer les coûts de recouvrement définis dans l’accord de crédit initial ou même s’il est tenu de payer lesdits coûts au titre des règles nationales.

 Conclusion

56.      À la lumière des considérations qui précèdent, j’estime que les questions dont l’Oberster Gerichtshof (Cour suprême, Autriche) a saisi la Cour appellent les réponses suivantes :

–        Une agence de recouvrement de créances qui présente à des consommateurs, contre rémunération, des accords d’échelonnement pour le compte de créanciers aux fins du recouvrement de leurs créances impayées constitue un intermédiaire de crédit au sens de l’article 3, sous f), de la directive 2008/48/CE du Parlement européen et du Conseil, du 23 avril 2008, concernant les contrats de crédit aux consommateurs et abrogeant la directive 87/102/CEE du Conseil.

–        Lorsque le contrat de crédit initial stipule qu’il appartient à l’emprunteur de supporter les coûts de recouvrement en cas d’inexécution et que l’emprunteur conclut ensuite un accord d’échelonnement avec le prêteur dans le cadre d’un accord proposé par une agence de recouvrement, un tel accord ne constitue pas un accord de crédit lié au délai de paiement consenti, sans frais, pour le paiement d’une dette existante au sens de l’article 2, paragraphe 2, sous j), de la directive 2008/48, même s’il incombe déjà à l’emprunteur de payer les coûts de recouvrement définis dans l’accord de crédit initial ou même si cet emprunteur est tenu de payer lesdits coûts au titre des règles nationales.


1 –      Langue originale : l’anglais.


2 – Directive du Parlement européen et du Conseil du 23 avril 2008 concernant les contrats de crédit aux consommateurs et abrogeant la directive 87/102/CEE du Conseil (JO 2008, L 133, p. 66). La directive a été modifiée par la directive 2011/90/UE de la Commission, du 14 novembre 2011 (JO 2011, L 296, p. 35) et par la directive 2014/17/UE du Parlement européen et du Conseil, du 4 février 2014 (JO 2014, L 60, p. 34) : voir point 11 des présentes conclusions. Ces modifications n’ont pas changé le libellé des dispositions en cause.


3 – Considérant 7 de la directive 2008/48.


4 – Considérant 8 de la directive 2008/48.


5 – Considérant 9 de la directive 2008/48.


6 – Considérants 18 et 19 de la directive 2008/48.


7 – Considérants 13, 16, 17 et 24 de la directive 2008/48.


8 – Considérant 26 de la directive 2008/48.


9 – Voir article 2, paragraphe 2, sous a) et b), de la directive 2008/48.


10 –      Les articles 1er à 3 de la directive 2008/48 traitent de l’objet, du champ d’application et des définitions (chapitre I). Les articles 4 à 7 traitent de l’information et des pratiques précédant la conclusion du contrat de crédit (chapitre II). L’article 5, relatif aux informations précontractuelles (voir points 7 et 8 des présentes conclusions), n’est pas énuméré à l’article 2, paragraphe 6. L’article 9 garantit que, dans le cas de crédits transfrontaliers, les prêteurs des États membres autres que celui dans lequel la solvabilité du consommateur est évaluée ont accès aux bases de données utilisées dans ledit État membre (chapitre III). Les articles 10, 11, 13, 16 et 18 traitent des informations et des droits concernant les contrats de crédit (chapitre IV). L’article 19 régit le calcul du taux annuel effectif global (chapitre V) et les articles 20 et 21 sont consacrés aux prêteurs et aux intermédiaires de crédit (chapitre VI). Enfin, les articles 22 à 28 et 29 à 32 prévoient, respectivement, les dispositions d’exécution (chapitre VII) et les dispositions transitoires et finales (chapitre VIII).


11 – Ces informations doivent être fournies sur un support papier ou sur un autre support durable. Les prêteurs sont réputés avoir respecté l’exigence de fournir les informations précontractuelles obligatoires qui figurent à l’article 5, paragraphe 1, de la directive 2008/48 lorsque l’information est fournie au moyen du formulaire « Informations européennes normalisées en matière de crédit aux consommateurs » qui figure à l’annexe II de la directive 2008/48. Voir, en outre, points 24 à 29 des conclusions que j’ai présentées dans l’affaire Home Credit Slovakia (C‑42/15, EU:C:2016:431).


12 – L’article 6 de la directive 2008/48 énonce les exigences en matière d’information précontractuelle applicables à certains contrats de crédit prenant la forme d’une facilité de découvert et à certains contrats de crédit particuliers. L’article 7 prévoit que les conditions des articles 5 et 6 ne s’appliquent pas aux fournisseurs de biens ou aux prestataires de services agissant en qualité d’intermédiaires de crédit à titre accessoire. Aucun des deux n’est pertinent ici.


13 – Article 21, sous a), de la directive 2008/48.


14 – Article 21, sous b) et c), de la directive 2008/48.


15 – Directive du Parlement européen et du Conseil du 23 avril 2009 relative aux actions en cessation en matière de protection des intérêts des consommateurs (version codifiée) (JO 2009, L 110, p. 30).


16 – Article 1er de la directive 2009/22.


17 – Directive du Conseil du 22 décembre 1986 relative au rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres en matière de crédit à la consommation (JO 1987, L 42, p. 48).


18 – Article 2 de la directive 2009/22.


19 – Article 3 de la directive 2009/22. De tels organismes comprennent les organismes publics indépendants chargés de la protection des intérêts des consommateurs et les organisations dont le but est de protéger lesdits intérêts (conformément aux critères fixés par la législation nationale).


20 – Directive du Parlement européen et du Conseil du 4 février 2014 sur les contrats de crédit aux consommateurs relatifs aux biens immobiliers à usage résidentiel et modifiant les directives 2008/48/CE et 2013/36/UE et le règlement (UE) no 1093/2010 (JO 2014, L 60, p. 34).


21 – Considérants 5 à 8 et 15 de la directive 2014/17.


22 – La présente demande de décision préjudicielle n’a pas pour objet un contrat de crédit concernant un bien immobilier à usage résidentiel. Néanmoins, dans ses observations écrites, la partie défenderesse au principal a cherché à se fonder sur la directive 2014/17.


23 –      Le taux d’intérêt légal est fixé à l’article 1000, paragraphe 1, du code civil. Il est actuellement de 4 %.


24 – Dans sa décision, la juridiction de renvoi indique que les montants litigieux sont de 30 500 et 5 500 euros.


25 – Voir point 54 des présentes conclusions.


26 – Voir, également, considérants 16 et 17 de la directive 2008/48.


27 – Voir point 6 des présentes conclusions.


28 – Voir points 14 et 15 des présentes conclusions. Le spécimen d’accord d’échelonnement a été produit par Inko dans la procédure au principal. L’emprunteur y accepte que s’il ne paye pas une échéance, Inko sera en droit de se rapprocher de son employeur afin d’obtenir un remboursement prélevé directement sur son salaire. L’emprunteur est également invité à donner son accord pour effectuer des remboursements à Inko par débit direct.


29 – Voir considérants 7 et 8 de la directive 2008/48.


30 – Parmi les informations précontractuelles obligatoires énumérées à l’article 5, paragraphe 1), de la directive 2008/48 figurent : le taux d’intérêt applicable en cas de retard de paiement, ainsi que les modalités d’adaptation de celui-ci et les frais d’inexécution [article 5, paragraphe 1, sous l), de ladite directive], et un avertissement concernant les conséquences des impayés [article 5, paragraphe 1, sous m), de la même directive].


31 – Voir, notamment, les objectifs d’ensemble qui figurent aux considérants 7 à 9 de la directive 2008/48.


32 – Voir considérants 18 et 19 de la directive 2008/48.


33 – Voir considérant 26 de la directive 2008/48.


34 – Voir proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative à l’harmonisation des dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres en matière de crédit aux consommateurs [COM(2002) 443 final, JO 2002, C 331 E, p. 200, ci-après la « proposition initiale »]. La notion d’« intermédiaire de crédit » y est décrite comme « une notion générique qui peut couvrir plusieurs types d’activités et plusieurs catégories d’intervenants » (p. 8).


35 – Voir document du 15 janvier 2009, élaboré pour le compte de la direction générale « Marché intérieur et services », intitulé « Study on Credit Intermediaries in the Internal Market », points 3.20 à 3.23.


36 – Voir article 21, sous a) et b), de la directive 2008/48. Le TAEG est défini à l’article 3, sous i), de cette directive comme étant le « coût total du crédit ».


37 – Voir, notamment, chapitre 11, articles 29 à 34, de la directive 2014/17.


38 – Voir, en outre, page 9 de la proposition initiale, qui énonce ce qui suit : « Les avocats et les notaires ne sont en principe pas visés, même si le consommateur demande leur conseil sur la portée d’un contrat de crédit ou s’ils aident à formuler ou à authentifier le contrat, pour autant que leur rôle se limite au conseil juridique et qu’ils n’amènent pas leur clientèle à des prêteurs bien déterminés. »


39 – Voir considérant 24 de la directive 2008/48.


40 – Voir point 21 des présentes conclusions.


41 –      Voir point 15 des présentes conclusions.


42 – Le considérant 13 de la directive 2008/48 énonce que celle-ci ne devrait pas s’appliquer à certains types de contrats de crédit dans lesquels les frais pour l’emprunteur sont négligeables ou nuls. La proposition initiale contenait des exemptions pour les contrats prévoyant des délais ou des facilités de paiement, le cas échéant à l’aide d’une carte de paiement ou de débit, couvrant des transactions gratuites et n’excédant pas un délai de trois mois. Il n’existait pas d’équivalent à l’article 2, paragraphe 2, sous j), de la directive 2008/48 qui a été inséré dans la proposition modifiée de directive du Parlement européen et du Conseil relative aux contrats de crédit aux consommateurs modifiant la directive 93/13/CE du Conseil [COM(2005) 483 final].


43 – Voir arrêt du 5 juillet 2012, Content Services (C‑49/11, EU:C:2012:419, point 32).


44 – Voir, notamment, article 5, paragraphe 1, sous l), de la directive 2008/48.


45 – Voir points 16 et 27 des présentes conclusions.


46 – Manifestement, ce chiffre est susceptible d’augmenter au cours de la relation contractuelle.


47 – Il y a lieu de rappeler que les frais peuvent augmenter. La situation dépend du nombre de mises en demeure envoyées. En résumé, le premier volet de frais s’élève à environ 40 % de la créance du prêteur. Dans l’exemple donné dans le spécimen, dans lequel la créance du prêteur et les frais s’élevaient à 98,75 euros, les frais supplémentaires s’élèvent à environ 65 % de celle-ci. Les chiffres indiqués ne constituent qu’une illustration. Le rapport entre les frais de Inko et la créance impayée dépend évidemment du montant de celle-ci dans un cas donné.


48 – Voir point 44 des présentes conclusions.


49 – Voir point 17 des présentes conclusions.


50 – Voir considérants 24 et 26 de la directive 2008/48. Voir, en outre, arrêt du 18 décembre 2014, CA Consumer Finance (C‑449/13, EU:C:2014:2464, point 21).


51 – L’article 2, paragraphe 6, de la directive 2008/48 a été introduit lorsque la directive était négociée au Conseil ; voir page 3 de la communication de la Commission au Parlement européen conformément à l’article 251, paragraphe 2, deuxième alinéa, du traité CE relative à la position commune arrêtée par le Conseil en vue de l’adoption d’une directive du Parlement européen et du Conseil relative aux contrats de crédit aux consommateurs [COM(2007) 546 final].


52 – Voir point 5 des présentes conclusions.


53 – Voir point 22 des présentes conclusions.