Language of document : ECLI:EU:C:2016:606

ARRÊT DE LA COUR (quatrième chambre)

28 juillet 2016 (*)

« Renvoi préjudiciel – Protection de l’environnement – Gestion des déchets – Directive 2006/21/CE – Article 10, paragraphe 2 – Remblayage des trous d’excavation avec des déchets autres que les déchets d’extraction – Mise en décharge ou valorisation desdits déchets »

Dans l’affaire C‑147/15,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Consiglio di Stato (Conseil d’État, Italie), par décision du 16 décembre 2014, parvenue à la Cour le 26 mars 2015, dans la procédure

Città Metropolitana di Bari, anciennement Provincia di Bari

contre

Edilizia Mastrodonato Srl,

LA COUR (quatrième chambre),

composée de M. T. von Danwitz, président de chambre, MM. C. Lycourgos (rapporteur), E. Juhász, C. Vajda et Mme K. Jürimäe, juges,

avocat général : Mme J. Kokott,

greffier : M. V. Tourrès, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 10 mars 2016,

considérant les observations présentées :

–        pour la Città Metropolitana di Bari, anciennement Provincia di Bari, par Me G. Mariani, avvocato,

–        pour Edilizia Mastrodonato Srl, par Me M. Ingravalle, avvocato,

–        pour le gouvernement italien, par Mme G. Palmieri, en qualité d’agent, assistée de M. P. Grasso, avvocato dello Stato,

–        pour le gouvernement autrichien, par M. G. Eberhard, en qualité d’agent,

–        pour le gouvernement polonais, par MM. B. Majczyna et M. Drwięcki ainsi que par Mme B. Paziewska, en qualité d’agents,

–        pour le gouvernement du Royaume-Uni, par MM. S. Brandon et L. Christie, en qualité d’agents, assistés de M. A. Bates, barrister,

–        pour la Commission européenne, par M. G. Gattinara et Mme E. Sanfrutos Cano, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 21 avril 2016,

rend le présent

Arrêt

1        La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 10, paragraphe 2, de la directive 2006/21/CE du Parlement européen et du Conseil, du 15 mars 2006, concernant la gestion des déchets de l’industrie extractive et modifiant la directive 2004/35/CE (JO 2006, L 102, p. 15).

2        Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant la Città Metropolitana di Bari (Ville métropolitaine de Bari, Italie), anciennement Provincia di Bari (province de Bari, Italie) à Edilizia Mastrodonato Srl au sujet du régime d’autorisation auquel doit être soumise l’activité de comblement d’une carrière désaffectée.

 Le cadre juridique

 Le droit de l’Union

 La directive 1999/31/CE

3        Le considérant 15 de la directive 1999/31/CE du Conseil, du 26 avril 1999, concernant la mise en décharge des déchets (JO 1999, L 182, p. 1), énonce :

« considérant que la valorisation, conformément à la directive 75/442/CEE, des déchets inertes ou des déchets non dangereux appropriés, par leur utilisation pour des travaux d’aménagement ou de réhabilitation et de remblai ou à des fins de construction, peut ne pas constituer une mise en décharge ».

4        Sous l’intitulé « Définitions », l’article 2 de la directive 1999/31 prévoit :

« Aux fins de la présente directive, on entend par :

[…]

g)      décharge, un site d’élimination des déchets par dépôt des déchets sur ou dans la terre (c’est-à-dire en sous-sol), […]

[…] »

5        L’article 3 de cette directive, intitulé « Champ d’application », dispose, à ses paragraphes 1 et 2 :

« 1.      Les États membres appliquent la présente directive à toute décharge au sens de l’article 2, point g).

2.      Sans préjudice de la législation communautaire existante, sont exclus du champ d’application de la présente directive :

[…]

l’utilisation dans les décharges de déchets inertes appropriés pour des travaux d’aménagement ou de réhabilitation et de remblai ou à des fins de construction,

–        […]

–        le dépôt de terre non polluée ou de déchets inertes non dangereux provenant de la prospection et de l’extraction, du traitement et du stockage de ressources minérales, ainsi que de l’exploitation de carrières. »

 La directive 2006/21

6        L’article 2, paragraphe 1, de la directive 2006/21 dispose :

« Sous réserve des paragraphes 2 et 3, la présente directive s’applique à la gestion des déchets résultant de la prospection, de l’extraction, du traitement et du stockage de ressources minérales, ainsi que de l’exploitation de carrières, ci-après dénommés “déchets d'extraction”. »

7        L’article 10 de la directive 2006/21, intitulé « Trous d’excavation », énonce :

« 1.      Les États membres s’assurent que l’exploitant, lorsqu’il replace les déchets d’extraction dans les trous d’excavation à des fins de remise en état et de construction, qu’ils soient créés par une extraction en surface ou par une extraction souterraine, prend les mesures appropriées pour :

1)      assurer la stabilité des déchets d’extraction, conformément, mutatis mutandis, à l’article 11, paragraphe 2 ;

2)      prévenir la pollution du sol, des eaux de surface et des eaux souterraines, conformément, mutatis mutandis, à l’article 13, paragraphes 1, 3 et 5 ;

3)      assurer la surveillance des déchets d’extraction et du trou d’excavation, conformément, mutatis mutandis, à l’article 12, paragraphes 4 et 5.

2.      La directive 1999/31/CE continue de s’appliquer aux déchets autres que les déchets d’extraction utilisés pour combler les trous d’excavation. »

 La directive 2008/98/CE

8        Le considérant 19 de la directive 2008/98/CE du Parlement européen et du Conseil, du 19 novembre 2008, relative aux déchets et abrogeant certaines directives (JO 2008, L 312, p. 3), dispose :

« Il est nécessaire de modifier les définitions des notions de valorisation et d’élimination pour établir entre elles une distinction claire, basée sur une réelle différence au niveau des incidences environnementales, par le biais d’une substitution de ressources naturelles dans l’économie, en tenant compte des avantages potentiels que revêt pour l’environnement et la santé humaine l’utilisation des déchets comme ressources. Il est en outre possible d’élaborer des lignes directrices permettant de trancher dans les cas où la distinction est difficile à établir dans la pratique ou lorsque la classification de l’activité en tant que valorisation ne correspond pas à l’incidence environnementale réelle de l’opération. »

9        L’article 3 de cette directive énonce :

« Aux fins de la présente directive, on entend par :

[…]

15)      “valorisation” : toute opération dont le résultat principal est que des déchets servent à des fins utiles en remplaçant d’autres matières qui auraient été utilisées à une fin particulière, ou que des déchets soient préparés pour être utilisés à cette fin, dans l’usine ou dans l’ensemble de l’économie. L’annexe II énumère une liste non exhaustive d’opérations de valorisation ;

[…]

19)      “élimination” : toute opération qui n’est pas de la valorisation même lorsque ladite opération a comme conséquence secondaire la récupération de substances ou d’énergie. L’annexe I énumère une liste non exhaustive d’opérations d’élimination ;

[…] »

10      L’article 4 de ladite directive, intitulé « Hiérarchie des déchets », prévoit :

« 1.      La hiérarchie des déchets ci-après s’applique par ordre de priorité dans la législation et la politique en matière de prévention et de gestion des déchets :

a)      prévention ;

b)      préparation en vue du réemploi ;

c)      recyclage ;

d)      autre valorisation, notamment valorisation énergétique ; et

e)      élimination.

2.      Lorsqu’ils appliquent la hiérarchie des déchets visée au paragraphe 1, les États membres prennent des mesures pour encourager les solutions produisant le meilleur résultat global sur le plan de l’environnement. Cela peut exiger que certains flux de déchets spécifiques s’écartent de la hiérarchie, lorsque cela se justifie par une réflexion fondée sur l’approche de cycle de vie concernant les effets globaux de la production et de la gestion de ces déchets.

[…] »

11      L’article 10, paragraphe 1, de la même directive dispose :

« Les États membres prennent les mesures nécessaires pour veiller à ce que les déchets subissent des opérations de valorisation conformément aux articles 4 et 13. »

12      L’article 11 de la directive 2008/98, intitulé « Réemploi et recyclage », énonce, à ses paragraphes 2 et 3 :

« 2.      Afin de se conformer aux objectifs de la présente directive et de tendre vers une société européenne du recyclage, avec un niveau élevé de rendement des ressources, les États membres prennent les mesures nécessaires pour parvenir aux objectifs suivants :

[…]

b)      d’ici 2020, la préparation en vue du réemploi, le recyclage et les autres formules de valorisation de matière, y compris les opérations de remblayage qui utilisent des déchets au lieu d’autres matériaux, des déchets non dangereux de construction et de démolition, à l’exclusion des matériaux géologiques naturels définis dans la catégorie 17 05 04 de la liste des déchets, passent à un minimum de 70 % en poids.

3.      La Commission fixe les modalités détaillées d’application et de calcul du respect des objectifs définis au paragraphe 2, compte tenu du règlement (CE) no 2150/2002 du Parlement européen et du Conseil du 25 novembre 2002 relatif aux statistiques sur les déchets [JO 2002, L 332, p. 1]. Elles peuvent prévoir des périodes transitoires pour les États membres qui, en 2008, ont recyclé moins de 5 % de chaque catégorie de déchets visée au paragraphe 2. Ces mesures, qui visent à modifier des éléments non essentiels de la présente directive en la complétant, sont arrêtées en conformité avec la procédure de réglementation avec contrôle visée à l’article 39, paragraphe 2, de la présente directive. »

13      L’article 13 de cette directive dispose :

« Les États membres prennent les mesures nécessaires pour assurer que la gestion des déchets se fait sans mettre en danger la santé humaine et sans nuire à l’environnement, et notamment :

a)      sans créer de risque pour l’eau, l’air, le sol, la faune ou la flore ;

b)      sans provoquer de nuisances sonores ou olfactives ; et

c)      sans porter atteinte aux paysages et aux sites présentant un intérêt particulier. »

14      L’article 40 de ladite directive dispose que le délai de transposition de celle-ci expire le 12 décembre 2010.

15      L’annexe I de la directive 2008/98, intitulée « Opérations d’élimination », énumère les opérations suivantes :

« D 1      Dépôt sur ou dans le sol (par exemple, mise en décharge)

[…]

D 3      Injection en profondeur (par exemple, injection de déchets pompables dans des puits, des dômes de sel ou des failles géologiques naturelles)

[…]

D 12      Stockage permanent (par exemple, placement de conteneurs dans une mine)

[…] »

16      L’annexe II de cette directive, intitulée « Opérations de valorisation », énumère les opérations suivantes :

« […]

R 3      Recyclage ou récupération des substances organiques qui ne sont pas utilisées comme solvants (y compris les opérations de compostage et autres transformations biologiques) […]

R 4      Recyclage ou récupération des métaux et des composés métalliques

R 5      Recyclage ou récupération d’autres matières inorganiques […]

[…]

R 10      Épandage sur le sol au profit de l’agriculture ou de l’écologie

[…] »

 Le droit italien

17      L’article 10, paragraphe 3, du décret législatif no 117/2008, du 30 mai 2008, transposant la directive 2006/21 (GURI no 157, du 7 juillet 2008, p. 4) dispose :

« Le comblement des trous et volumes résultant de l’activité d’extraction par des déchets autres que les déchets d’extraction visés par le présent décret est soumis aux dispositions du décret législatif no 36 du 13 janvier 2003, relatif à la mise en décharge des déchets. »

 Le litige au principal et la question préjudicielle

18      Le 16 mars 2010, Edilizia Mastrodonato a présenté une demande en vue de l’agrandissement d’une carrière, accompagnée notamment d’un projet opérationnel de réhabilitation environnementale prévoyant le comblement des zones précédemment exploitées au moyen de 1 200 000 m³ de déchets autres que des déchets d’extraction.

19      Le 21 septembre 2011, l’agrandissement de la carrière a été autorisé par le Servizio regionale Attività estrattive (service régional « Activités extractives »), à la condition que la réhabilitation programmée ait lieu selon les modalités du projet approuvé en même temps.

20      Il ressort de la décision de renvoi qu’une divergence de vues est née entre Edilizia Mastrodonato et la province de Bari quant à la procédure qu’Edilizia Mastrodonato devait suivre afin de pouvoir effectivement procéder au comblement des zones précédemment exploitées.

21      Le 19 janvier 2012, Edilizia Mastrodonato a adressé à la province de Bari une communication de début d’activité, conformément à la procédure simplifiée applicable aux opérations de valorisation des déchets. Le 15 novembre 2012, le chef de service de la Polizia Provinciale – Protezione Civile e ambiente (police provinciale – protection civile et environnement) de la province de Bari a refusé que le projet de comblement d’Edilizia Mastrodonato soit soumis à une telle procédure simplifiée, au motif que ledit comblement constituait, en réalité, un projet d’élimination de déchets spéciaux inertes d’un volume de 1 200 000 m³ par leur mise en décharge, qui devait faire l’objet d’une procédure normale d’autorisation, conformément à l’article 10, paragraphe 3, du décret législatif no 117/2008, transposant l’article 10, paragraphe 2, de la directive 2006/21.

22      Cette décision a été infirmée par le Tribunale amministrativo regionale Puglia (tribunal administratif régional des Pouilles, Italie). Celui-ci a, en effet, considéré que l’opération de comblement projetée pouvait être réalisée selon une procédure simplifiée, nonobstant le libellé de l’article 10, paragraphe 3, du décret législatif no 117/2008. Selon cette juridiction, cette disposition devait en effet être interprétée à la lumière des développements du droit de l’Union en matière de déchets. Or, l’article 3, point 15, et l’article 11 de la directive 2008/98 laisseraient apparaître qu’une opération de remblaiement, même au moyen de déchets autres que ceux d’extraction, peut consister non en une élimination, mais en une valorisation de déchets pour laquelle le droit italien permet le recours à la procédure simplifiée.

23      Saisi d’un recours formé par la province de Bari contre la décision du Tribunale amministrativo regionale Puglia (tribunal administratif régional des Pouilles), le Consiglio di Stato (Conseil d’État, Italie) est appelé à interpréter l’article 10, paragraphe 3, du décret législatif no 117/2008 et, par voie de conséquence, l’article 10, paragraphe 2, de la directive 2006/21. Il constate que, à la différence du Tribunale amministrativo regionale Puglia (tribunal administratif régional des Pouilles), la province de Bari soutient que, conformément à ces deux dispositions, seul le comblement réalisé au moyen de déchets d’extraction ne constitue pas une élimination de déchets et peut, dès lors, faire l’objet, en droit italien, d’une procédure simplifiée.

24      Dans ces conditions, le Consiglio di Stato (Conseil d’État) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante :

« Convient-il d’interpréter l’article 10, paragraphe 2, de la directive 2006/21 en ce sens que l’activité de comblement de la décharge – en cas d’utilisation de déchets autres que ceux d’extraction – est toujours soumise à la réglementation en matière de déchets de la directive 1999/31, même dans le cas où il s’agit non pas d’opérations d’élimination de déchets, mais de valorisation ? »

 Sur la question préjudicielle

25      Par sa question préjudicielle, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 10, paragraphe 2, de la directive 2006/21 doit être interprété en ce sens qu’il a pour effet de soumettre aux prescriptions de la directive 1999/31 l’opération de comblement d’une carrière par des déchets autres que ceux d’extraction lorsque cette opération constitue une valorisation de ces déchets.

26      Comme le prévoit son article 2, paragraphe 1, la directive 2006/21 s’applique à la gestion des déchets résultant de la prospection, de l’extraction, du traitement et du stockage des ressources minérales ainsi que de l’exploitation des carrières.

27      L’article 10 de ladite directive s’intitule « Trous d’excavation ». Son paragraphe 1 impose aux États membres de s’assurer que l’exploitant prenne certaines mesures lorsqu’il replace les déchets d’extraction dans les trous d’excavation à des fins de remise en état et de construction. Par opposition, le paragraphe 2 dudit article prévoit que la directive 1999/31 « continue de s’appliquer aux déchets autres que les déchets d’extraction utilisés pour combler les trous d’excavation ».

28      Il y a lieu de constater que les versions linguistiques de l’article 10, paragraphe 2, de la directive 2006/21 diffèrent quant au point de savoir si les déchets autres que ceux d’extraction relèvent nécessairement de la directive 1999/31. En effet, si, dans les versions en langues grecque, française et italienne, notamment, cette disposition énonce que la directive 1999/31 continue de s’appliquer aux déchets autres que ceux d’extraction utilisés à des fins de comblement, dans ses versions en langues allemande et anglaise, notamment, la même disposition prévoit que la directive 1999/31 continue, le cas échéant (« gegebenenfalls » et « as appropriate »), de s’appliquer à de tels déchets.

29      Il convient de relever que, selon une jurisprudence constante de la Cour, la formulation utilisée dans l’une des versions linguistiques d’une disposition du droit de l’Union ne saurait servir de base unique à l’interprétation de cette disposition ou se voir attribuer un caractère prioritaire par rapport aux autres versions linguistiques. Les dispositions du droit de l’Union doivent, en effet, être interprétées et appliquées de manière uniforme, à la lumière des versions établies dans toutes les langues de l’Union. En cas de disparité entre les diverses versions linguistiques d’un texte du droit de l’Union, la disposition en cause doit être interprétée en fonction de l’économie générale et de la finalité de la réglementation dont elle constitue un élément (arrêt du 17 mars 2016, Kødbranchens Fællesråd, C‑112/15, EU:C:2016:185, point 36 et jurisprudence citée).

30      À cet égard, et comme Mme l’avocat général l’a relevé au point 31 de ses conclusions, il y a lieu de souligner que l’article 10, paragraphe 2, de la directive 2006/21 précise que la directive 1999/31 « continue de s’appliquer » aux déchets autres que ceux d’extraction employés à des fins de comblement, ce qui suppose que le comblement d’un trou d’excavation ne relève de la directive 1999/31 que pour autant qu’il répond aux conditions d’application de cette directive.

31      Or, la directive 1999/31 ne s’applique qu’aux déchets éliminés et non à ceux qui ont fait l’objet d’une valorisation. En effet, ainsi que Mme l’avocat général l’a relevé au point 38 de ses conclusions, l’article 3, paragraphe 1, de cette directive prévoit qu’elle s’applique à toute décharge, laquelle est définie, à l’article 2, sous g), de ladite directive, comme un site d’élimination des déchets par leur dépôt sur ou dans la terre.

32      Cette interprétation est corroborée par le fait que, compte tenu de l’économie générale de la directive 2006/21, qui est de réglementer uniquement la gestion des déchets résultant des industries extractives, l’article 10, paragraphe 2, de cette directive ne saurait être interprété de sorte qu’il ait pour conséquence d’étendre implicitement le champ d’application de la directive 1999/31, tel qu’il est clairement défini à l’article 3, paragraphe 1, de celle-ci.

33      Il s’ensuit que les déchets autres que ceux d’extraction ne peuvent relever du champ d’application de la directive 1999/31 que si ceux-ci sont mis en décharge en vue de leur élimination et non si ces déchets font l’objet d’une valorisation. C’est en ce sens qu’il convient d’interpréter l’article 3, paragraphe 2, deuxième tiret, de cette directive qui exclut de son champ d’application l’utilisation dans les décharges de déchets inertes appropriés pour des travaux d’aménagement ou de réhabilitation et de remblai ou à des fins de construction.

34      Dès lors, l’article 10, paragraphe 2, de la directive 2006/21 doit être interprété en ce sens qu’il n’a pas pour effet de soumettre aux prescriptions de la directive 1999/31 l’opération de comblement d’une carrière par des déchets autres que ceux d’extraction lorsque cette dernière constitue une opération non d’élimination, mais de valorisation de ces déchets.

35       Afin de fournir une réponse utile à la juridiction de renvoi, il convient encore de déterminer dans quelles conditions l’opération de comblement d’une carrière par des déchets autres que ceux d’extraction peut être considérée comme une opération de valorisation.

36      Le terme « valorisation » n’étant pas défini par la directive 1999/31, il convient de se référer à la définition de la « valorisation » telle qu’elle figure à l’article 3, point 15, de la directive 2008/98. Cette directive, qui a abrogé, avec effet au 12 décembre 2010, les dispositions pertinentes de la directive 2006/12/CE du Parlement européen et du Conseil, du 5 avril 2006, relative aux déchets (JO 2006, L 114, p. 9) et dont le délai de transposition arrivait à échéance à la même date, est applicable ratione temporis au litige au principal, la communication de début d’activité adressée par Edilizia Mastrodonato à la province de Bari, en vertu de la procédure simplifiée applicable aux opérations de valorisation des déchets, étant datée du 19 janvier 2012 (voir, par analogie, arrêt du 23 mars 2006, Commission/Autriche, C‑209/04, EU:C:2006:195, points 56 et 57).

37      Or, l’article 3, point 15, de la directive 2008/98 définit notamment la « valorisation » des déchets comme l’opération dont le résultat principal est que les déchets considérés servent à des fins utiles en remplaçant d’autres matières qui auraient été utilisés à une fin particulière. Le considérant 19 de ladite directive s’inscrit dans une même perspective lorsqu’il précise que la notion de « valorisation » se distingue, au niveau des incidences environnementales, de la notion d’« élimination » par le biais d’une substitution de ressources naturelles dans l’économie.

38      Ainsi, il y a lieu de considérer que cette définition correspond à celle développée dans la jurisprudence de la Cour, selon laquelle la caractéristique essentielle d’une opération de valorisation de déchets réside dans le fait que son objectif principal est que les déchets puissent remplir une fonction utile, en se substituant à l’usage d’autres matériaux qui auraient dû être utilisés pour remplir cette fonction, ce qui permet de préserver les ressources naturelles (arrêt du 27 février 2002, ASA, C‑6/00, EU:C:2002:121, point 69).

39      Il s’ensuit que l’économie des ressources naturelles doit être l’objectif principal de l’opération de valorisation. Inversement, lorsque l’économie de matières premières n’est qu’un effet secondaire d’une opération dont la finalité principale est l’élimination des déchets, elle ne saurait remettre en cause la qualification de cette opération comme opération d’élimination (voir, en ce sens, arrêt du 13 février 2003, Commission/Luxembourg, C‑458/00, EU:C:2003:94, point 43).

40      À cet égard, il ressort de l’article 3, points 15 et 19, de la directive 2008/98 que les annexes I et II de cette directive ont pour objet de récapituler les opérations d’élimination et de valorisation les plus courantes et non d’énumérer de manière exhaustive toutes les opérations d’élimination ou de valorisation des déchets au sens de ladite directive. 

41      Cela étant, toute opération de traitement des déchets doit pouvoir être qualifiée d’« élimination » ou de « valorisation » et, ainsi qu’il ressort de l’article 3, point 19, de la directive 2008/98, une même opération ne peut être qualifiée simultanément d’« élimination » et de « valorisation ». Dans ces conditions, lorsque, comme dans l’affaire au principal, une opération de traitement des déchets ne peut être rattachée à une seule des opérations ou des catégories d’opérations mentionnées aux annexes I et II de cette directive, au vu du seul libellé des opérations en cause, il y a lieu de la qualifier au cas par cas à la lumière des objectifs et des définitions de ladite directive (voir, par analogie, arrêt du 27 février 2002, ASA, C‑6/00, EU:C:2002:121, points 62 à 64).

42      Il appartient à la juridiction de renvoi d’apprécier, au vu de l’ensemble des éléments pertinents de l’affaire au principal et en tenant compte de l’objectif de protection de l’environnement poursuivi par la directive 2008/98, si l’opération de comblement de la carrière en cause au principal vise à titre principal à valoriser les déchets autres que ceux d’extraction qui sont destinés à être utilisés au cours de cette opération de comblement.

43      Tel peut être le cas si, d’une part, il est acquis que le comblement de ladite carrière aurait été réalisé même dans l’hypothèse où de tels déchets n’auraient pas été disponibles et où il aurait, dès lors, été nécessaire de recourir à d’autres matériaux (voir, par analogie, arrêt du 27 février 2002, ASA, C‑6/00, EU:C:2002:121, point 69).

44      Dans ce contexte, la juridiction de renvoi doit avoir égard aux conditions de l’opération de comblement afin de déterminer si cette opération aurait été réalisée, même en l’absence de déchets autres que d’extraction. Ainsi, par exemple, le fait que l’exploitant de la carrière en cause au principal acquiert ces déchets contre un paiement au profit du producteur ou du détenteur de ceux-ci peut indiquer que l’opération en cause a comme objectif principal la valorisation desdits déchets (voir, en ce sens, arrêt du 13 février 2003, Commission/Luxembourg, C‑458/00, EU:C:2003:94, point 44).

45      D’autre part, le comblement de la carrière en cause au principal ne pourra être considéré comme une opération de valorisation que si, selon l’état le plus récent des connaissances scientifiques et techniques, les déchets utilisés sont appropriés à cet effet.

46      En effet, l’article 10, paragraphe 1, et l’article 13 de la directive 2008/98 imposent aux États membres de prendre les mesures nécessaires pour que les opérations de valorisation se déroulent dans le respect de l’environnement et de la santé humaine, ce qui suppose que les déchets puissent remplacer d’autres matériaux dans les mêmes conditions de précaution pour l’environnement (voir, par analogie, arrêt du 22 décembre 2008, Commission/Italie, C‑283/07, non publié, EU:C:2008:763, point 61 et jurisprudence citée).

47      En ce qui concerne le caractère approprié de l’utilisation des déchets autres que ceux d’extraction pour le comblement de la carrière en cause au principal, il ressort de l’article 3, paragraphes 1 et 2, deuxième à quatrième tirets, de la directive 1999/31 que des déchets non inertes ainsi que des déchets dangereux ne sont pas appropriés pour des travaux d’aménagement ou de réhabilitation et de remblai ou à des fins de construction. Ainsi, une telle utilisation des déchets non inertes ou dangereux ne saurait être considérée comme une valorisation et relève donc du champ d’application de cette directive.

48      L’utilisation de déchets non appropriés afin de combler les trous d’excavation d’une carrière entraînerait des effets sensiblement plus néfastes pour l’environnement que si l’opération de comblement était réalisée au moyen d’autres matériaux. Or, comme le rappelle le considérant 19 de la directive 2008/98, il n’est pas envisageable de classer une activité comme une opération de valorisation si cette classification ne correspond pas à l’incidence environnementale réelle de l’opération, laquelle est censée, en vertu de la hiérarchie des déchets, établie à l’article 4, paragraphe 1, de cette directive, être meilleure en cas de valorisation qu’en cas d’élimination des déchets.

49      Compte tenu de ce qui a été exposé aux points 41 à 46 du présent arrêt, il incombe à la juridiction de renvoi de vérifier si, d’une part, Edilizia Mastrodonato procéderait au comblement des trous d’excavation de la carrière qui lui appartient même si elle devait renoncer à utiliser des déchets autres que ceux d’extraction pour ce faire et si, d’autre part, les déchets dont l’utilisation est projetée sont appropriés à une telle opération de comblement. L’opération en cause au principal ne pourra être qualifiée de « valorisation » que pour autant qu’il est satisfait à ces deux conditions cumulatives.

50      À cet égard, il ressort de la réponse de la juridiction de renvoi à la demande d’éclaircissement de la Cour que les déchets en cause dans l’affaire au principal sont de natures très diverses et qu’ils comprennent probablement des déchets non inertes voire des déchets dangereux, lesquels, comme il a été établi au point 47 du présent arrêt, ne sont pas appropriés à une opération de comblement d’une carrière. Il appartient toutefois au juge national, qui est seul compétent pour apprécier les faits du litige, de déterminer si le projet de comblement des trous d’excavation de la carrière appartenant à Edilizia Mastrodonato satisfait aux exigences rappelées au point précédent.

51      Compte tenu des considérations qui précèdent, il y a lieu de répondre à la question posée que l’article 10, paragraphe 2, de la directive 2006/21 doit être interprété en ce sens qu’il n’a pas pour effet de soumettre aux prescriptions de la directive 1999/31 l’opération de comblement d’une carrière par des déchets autres que ceux d’extraction lorsque cette opération constitue une valorisation de ces déchets, ce qu’il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier.

 Sur les dépens

52      La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (quatrième chambre) dit pour droit :

L’article 10, paragraphe 2, de la directive 2006/21/CE du Parlement européen et du Conseil, du 15 mars 2006, concernant la gestion des déchets de l’industrie extractive et modifiant la directive 2004/35/CE, doit être interprété en ce sens qu’il n’a pas pour effet de soumettre aux prescriptions de la directive 1999/31/CE du Conseil, du 26 avril 1999, concernant la mise en décharge des déchets, l’opération de comblement d’une carrière par des déchets autres que ceux d’extraction lorsque cette opération constitue une valorisation de ces déchets, ce qu’il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier.

Signatures


* Langue de procédure : l’italien.