Language of document : ECLI:EU:C:2017:12

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. HENRIK SAUGMANDSGAARD ØE

présentées le 12 janvier 2017 (1)

Affaire C‑620/15

A‑Rosa Flussschiff GmbH

contre

Union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales (Urssaf) d’Alsace, venant aux droits de l’Urssaf du Bas‑Rhin,

Sozialversicherungsanstalt des Kantons Graubünden

[demande de décision préjudicielle formée par la Cour de cassation (France)]

« Renvoi préjudiciel – Règlement (CEE) n° 1408/71 – Sécurité sociale – Détermination de la législation applicable – Article 14, paragraphe 2, sous a), i) – Personnes faisant partie du personnel navigant d’une entreprise effectuant des transports internationaux de passagers – Succursale suisse – Règlement (CEE) n° 574/72 – Article 12 bis, paragraphe 1 bis – Certificat E 101 – Effet contraignant »





I –    Introduction

1.        La Cour a déjà constaté, à de multiples reprises, que le certificat E 101 (2) délivré par l’institution compétente (3) d’un État membre, attestant l’affiliation au régime de sécurité sociale de cet État membre d’un travailleur qui se déplace au sein de l’Union européenne, lie tant l’institution compétente que les juridictions de l’État membre d’accueil, de sorte que le travailleur ne saurait être soumis au régime de sécurité sociale de ce dernier État membre (4).

2.        Dans la présente affaire, la Cour de cassation (France), siégeant en assemblée plénière, interroge la Cour, en substance, sur l’applicabilité de cette jurisprudence à des situations où il est constaté par l’institution compétente ou par les juridictions de l’État membre d’accueil que les conditions de délivrance d’un certificat E 101 n’étaient manifestement pas réunies (5).

3.        Le litige au principal oppose une société allemande aux autorités de sécurité sociale françaises au sujet d’un redressement de plus de deux millions d’euros, fondé sur l’application de la loi française relative à la sécurité sociale, du fait du non‑paiement par cette société des cotisations au régime français de sécurité sociale pour des travailleurs salariés travaillant à bord de bateaux de croisière sur des fleuves français. Les autorités françaises estiment que les salariés concernés, ayant été affectés, pendant toute la durée de leur contrat, sur des bateaux naviguant exclusivement en France, étaient soumis au régime de sécurité sociale français, en vertu de l’article 13, paragraphe 2, sous a), du règlement n° 1408/71 (6), énonçant la règle générale selon laquelle la personne qui exerce une activité salariée sur le territoire d’un État membre est soumise à la législation de sécurité sociale de cet État.

4.        Pour sa part, la société revendique l’application de la législation de sécurité sociale suisse aux salariés concernés, en s’appuyant sur des certificats E 101, attestant leur affiliation au régime de sécurité sociale suisse. Ces certificats ont été délivrés par l’institution compétente suisse sur la base de l’article 14, paragraphe 2, sous a), i), dudit règlement, qui prévoit l’exception selon laquelle une personne occupée par une succursale qui fait partie du personnel roulant ou navigant d’une entreprise effectuant des transports internationaux de passagers est soumise à la législation de l’État sur le territoire duquel se trouve cette succursale.

5.        La juridiction de renvoi estime que les conditions de l’activité des salariés en question n’entrent manifestement pas dans le champ d’application matériel de l’article 14 du règlement n° 1408/71. La question qui se pose est donc celle de savoir si, dans de telles circonstances, l’institution compétente ou les juridictions de l’État membre d’accueil peuvent porter une appréciation et, le cas échéant, remettre en cause, à titre exceptionnel, la validité d’un certificat E 101 délivré par l’institution compétente d’un autre État membre.

6.        La demande soulève la question délicate de la mise en balance, dans le domaine de la sécurité sociale, d’une part, des principes de la sécurité juridique et de la libre circulation des travailleurs au sein de l’Union et, d’autre part, de la nécessité d’assurer une application correcte des dispositions pertinentes du règlement n° 1408/71. Cette question a pris de l’ampleur ces dernières années en raison de l’intégration des marchés du travail des États membres (7).

7.        Dans les présentes conclusions, j’expliquerai les motifs pour lesquels je considère que, dans les circonstances de la présente affaire, il n’est pas justifié de procéder à un infléchissement de la jurisprudence de la Cour, de manière à reconnaître une exception à l’effet contraignant du certificat E 101.

II – Le cadre juridique

A –    Le règlement n° 1408/71

8.        L’article 13 du règlement n° 1408/71, intitulé « Règles générales », figurant sous le titre II, intitulé « Détermination de la législation applicable », dispose, à ses paragraphes 1 et 2, sous a) :

« 1.      [...] [L]es personnes auxquelles le présent règlement est applicable ne sont soumises qu’à la législation d’un seul État membre. Cette législation est déterminée conformément aux dispositions du présent titre.

2.      Sous réserve des articles 14 à 17 :

a)      la personne qui exerce une activité salariée sur le territoire d’un État membre est soumise à la législation de cet État, même si elle réside sur le territoire d’un autre État membre ou si l’entreprise ou l’employeur qui l’occupe a son siège ou son domicile sur le territoire d’un autre État membre ».

9.        L’article 14 de ce règlement, intitulé « Règles particulières applicables aux personnes autres que les gens de mer, exerçant une activité salariée » et figurant sous le même titre, dispose, à son paragraphe 2, sous a), i) :

« La règle énoncée à l’article 13, paragraphe 2, point a) est appliquée compte tenu des exceptions et particularités suivantes.

[...]

2.      la personne qui exerce normalement une activité salariée sur le territoire de deux ou plusieurs États membres est soumise à la législation déterminée comme suit :

a)      la personne qui fait partie du personnel roulant ou navigant d’une entreprise effectuant, pour le compte d’autrui ou pour son propre compte, des transports internationaux de passagers ou de marchandises par voies ferroviaire, routière, aérienne ou batelière et ayant son siège sur le territoire d’un État membre, est soumise à la législation de ce dernier État. Toutefois :

i)      la personne occupée par une succursale ou une représentation permanente que ladite entreprise possède sur le territoire d’un État membre autre que celui où elle a son siège est soumise à la législation de l’État membre sur le territoire duquel cette succursale ou représentation permanente se trouve ».

10.      L’article 84 bis du règlement n° 1408/71, intitulé « Relations entre les institutions et les personnes couvertes par le présent règlement », prévoit, à son paragraphe 3:

« En cas de difficultés d’interprétation ou d’application du présent règlement, susceptibles de mettre en cause les droits d’une personne couverte par celui‑ci, l’institution de l’État compétent ou de l’État de résidence de la personne en cause s’adresse à la ou aux institutions du ou des autres États membres concernés. À défaut d’une solution dans un délai raisonnable, les autorités concernées peuvent saisir la commission administrative ».

11.      Le règlement n° 1408/71 a été abrogé et remplacé par le règlement n° 883/2004 (8) avec effet au 1er mai 2010 (9). Les faits pertinents du litige au principal demeurent donc régis, ratione temporis, par le règlement n° 1408/71 (10). 

B –    Le règlement n° 574/72

12.      L’article 12 bis du règlement (CEE) n° 574/72 (11), figurant sous le titre III, intitulé « Application des dispositions du règlement relatives à la détermination de la législation applicable », dispose, à son paragraphe 1 bis :

« Pour l’application des dispositions de l’article 14, paragraphes 2 [...] du règlement, les règles suivantes sont applicables :

[...]

Si, conformément aux dispositions de l’article 14, paragraphe 2, point a), du règlement, une personne qui fait partie du personnel roulant ou navigant d’une entreprise effectuant des transports internationaux est soumise à la législation de l’État membre sur le territoire duquel se trouve, selon le cas, soit le siège ou le domicile de l’entreprise, soit la succursale ou la représentation permanente qui l’occupe, soit le lieu où elle réside et est occupée de manière prépondérante, l’institution désignée par l’autorité compétente de l’État membre concerné lui remet un certificat attestant qu’elle est soumise à sa législation ».

13.      Le règlement n° 574/72 a été abrogé et remplacé par le règlement n° 987/2009 (12) avec effet au 1er mai 2010 (13). Le premier règlement demeure donc applicable, ratione temporis, au litige au principal (14).

C –    L’accord entre la Communauté européenne et ses États membres et la Confédération suisse sur la libre circulation des personnes

14.      L’article 8 de l’accord entre la Communauté européenne et ses États membres, d’une part, et la Confédération suisse, d’autre part, sur la libre circulation des personnes (ci‑après l’ « accord CE‑Suisse ») (15), intitulé « Coordination des systèmes de sécurité sociale », dispose, à son point b) :

« Les parties contractantes règlent, conformément à l’annexe II, la coordination des systèmes de sécurité sociale dans le but d’assurer notamment : [...]

b)      la détermination de la législation applicable ».

15.      L’annexe II de l’accord CE‑Suisse, intitulé « Coordination des systèmes de sécurité », énonce, à son article 1er :

« 1.      Les Parties contractantes conviennent d’appliquer entre elles, dans le domaine de la coordination des systèmes de sécurité sociale, les actes communautaires auxquels il est fait référence tels qu’en vigueur à la date de la signature de l’accord et tels que modifiés par la section A de la présente annexe ou des règles équivalentes à ceux‑ci.

2.      Le terme “État(s) membre(s)” figurant dans les actes auxquels il est fait référence à la section A de la présente annexe est considéré renvoyer, en plus des États couverts par les actes communautaires en question, à la Suisse ».

16.      La section A de ladite annexe fait notamment référence aux règlements n° 1408/71 et n° 574/72.

17.      En vertu de l’article 90, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 883/2004 et de l’article 96, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 987/2009, les règlements n° 1408/71 et n° 574/72 restent en vigueur et leurs effets juridiques sont préservés aux fins, entre autres, de l’accord CE‑Suisse, aussi longtemps que cet accord n’a pas été modifié en fonction des règlements n° 883/2004 et n° 987/2009.

18.      Par la décision n° 1/2012 du comité mixte institué par l’accord CE‑Suisse (16), entrée en vigueur le 1er avril 2012, la section A de l’annexe II de l’accord a été mise à jour et fait désormais référence aux règlements n° 883/2004 et n° 987/2009. Les faits pertinents du litige au principal étant antérieurs à la date d’entrée en vigueur de cette décision, ils demeurent donc régis, ratione temporis, par les règlements n° 1408/71 et n° 574/72 (17).

III – Le litige au principal, la question préjudicielle et la procédure devant la Cour

19.      La société A‑Rosa Flussschiff GmbH (ci‑après « A‑Rosa »), société de droit allemand dont le siège est établi en Allemagne, organise des croisières fluviales sur divers fleuves en Europe. A‑Rosa dispose d’une succursale établie en Suisse dont l’activité consiste à gérer tous les aspects opérationnels, juridiques et d’exploitation relatifs aux bateaux naviguant en Europe ainsi que les ressources humaines à l’égard du personnel utilisé sur ces bateaux. La société ne dispose ni d’une filiale ni d’une succursale en France.

20.      A‑Rosa exploite notamment deux bateaux de croisière en France sur le Rhône et la Saône, à bord desquels travaillent des saisonniers ressortissants d’États membres autres que la France et occupant des fonctions hôtelières. Les deux bateaux naviguent exclusivement sur les eaux intérieures françaises.

21.      Le 7 juin 2007, A‑Rosa a été soumise à un contrôle inopiné sur ces deux bateaux, à la suite duquel les institutions de sécurité sociale françaises ont relevé des irrégularités dans la couverture sociale des quelques 90 salariés occupant des fonctions hôtelières à bord des deux bateaux. Les salariés concernés étaient recrutés et employés par la succursale suisse de la société, en vertu de contrats de travail soumis au droit suisse.

22.      Lors de ces opérations de contrôle, A‑Rosa a produit un premier lot de certificats E 101, pour l’année 2007, délivrés le 6 septembre 2007 par la Sozialversicherungsanstalt des Kantons Graubünden (Institution des assurances sociales du canton des Grisons, Suisse, ci‑après l’« institution suisse »), attestant l’affiliation des salariés concernés au régime de sécurité sociale suisse, en vertu de l’article 14, paragraphe 2, sous a), i), du règlement n° 1408/71.

23.      Le 22 octobre 2007, l’Union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales (ci‑après l’« Urssaf ») du Bas‑Rhin a notifié à A‑Rosa un redressement de 2 024 123 euros, intérêts de retard compris, pour non‑paiement des cotisations au régime français de sécurité sociale pour les salariés concernés pour la période allant du 1er avril 2005 au 30 septembre 2007.

24.      Le 7 juillet 2008, A‑Rosa a contesté le redressement devant le tribunal des affaires de sécurité sociale du Bas‑Rhin (France) qui a rejeté le recours par jugement du 9 février 2011. Ce tribunal a notamment considéré, d’une part, que l’activité de la société en France avait un caractère habituel, stable et continu et, d’autre part, que le fait que l’employeur avait produit des certificats E 101 ne pouvait être justificatif d’une annulation du redressement litigieux.

25.      Le 10 mars 2011, A‑Rosa a interjeté appel contre ce jugement devant la cour d’appel de Colmar (France). L’Urssaf d’Alsace, venant aux droits de l’Urssaf du Bas‑Rhin, a demandé à cette juridiction, notamment, de confirmer le jugement du 9 février 2011 du tribunal des affaires de sécurité sociale du Bas‑Rhin.

26.      Par lettre du 27 mai 2011, intitulée « Demande de retrait de formulaires E 101 délivrés à des personnes employées par la société [A‑Rosa] en France », l’Urssaf du Bas‑Rhin a présenté une demande de retrait des certificats E 101 à l’institution suisse, en relevant, notamment, les considérations suivantes :

« Dès lors que l’activité des bateaux s’exerce en permanence et exclusivement en France, les salariés recrutés spécifiquement pour être affectés à bord du bateau auraient dû faire l’objet de déclarations périodiques auprès des organismes de protection sociale français.

[...]

La navigation ne se faisant que sur les eaux territoriales françaises, il en ressort que l’[article 14, paragraphe 2, sous a), du règlement n° 1408/71] qui vise les transports internationaux de passagers n’est pas applicable à la situation des salariés de cette société.

Par conséquent, les formulaires E 101 délivrés pour ces salariés n’auraient pas dû être établis sur le fondement de l’[article 14, paragraphe 2, sous a), du règlement n° 1408/71] »

27.      Par lettre du 18 août 2011, adressée à l’Urssaf du Bas‑Rhin, l’institution suisse a notamment relevé ce qui suit (18) :

« L’entreprise [A‑Rosa] propose des voyages à bord de bateaux de croisière sur le Danube, le Rhône/Saône et sur le Rhin. La compagnie exerce en outre des activités commerciales notables en Suisse. La filiale suisse à Chur s’occupe de l’ensemble des opérations se rapportant à l’exploitation des bateaux de croisière. Le recrutement du personnel a également lieu par l’intermédiaire de la filiale suisse à Chur.

Les voyages sur le Danube et le Rhin traversent notamment plusieurs pays européens. [A‑Rosa] fait en outre valoir que le personnel navigant est également employé à tour de rôle sur différents bateaux et itinéraires. Les salariés employés par [A‑Rosa] réunissent en principe les conditions mentionnées à [l’article 14, paragraphe 2, sous a), du règlement n° 1408/71].

Nous avons attiré l’attention de l’entreprise [A‑Rosa] sur le fait qu’en vertu des dispositions de [l’article 14, paragraphe 2, sous a), du règlement n° 1408/71], les réglementations spéciales relatives aux salariés ne s’appliquent que si ces derniers travaillent pour une entreprise de transports internationaux sur le territoire de deux ou plusieurs États membres. Si les personnes exercent effectivement leur activité à bord des bateaux uniquement sur le territoire français, les dispositions juridiques françaises sont applicables en raison du principe du lieu de l’activité ([l’article 13, paragraphe 2, sous a), du règlement n° 1408/71]).

Nous avons dès à présent fait obligation à l’entreprise [A‑Rosa] [...] de décompter les cotisations de sécurité sociale [conformément] au droit du pays respectif pour les personnes ne travaillant effectivement que dans un État de l’[Union européenne].

Eu égard à l’ensemble des faits et attendu notamment que toutes les cotisations de sécurité sociale ont été décomptées et payées en Suisse en 2007 pour les personnes donnant lieu à une réclamation de votre part, nous vous prions de renoncer à une correction à titre rétroactif de l’assujettissement de l’assurance aux dispositions juridiques françaises »

28.      Au cours de la procédure devant la cour d’appel de Colmar, A‑Rosa a produit un second lot de certificats E 101, pour les années 2005 et 2006, délivrés par l’institution compétente suisse le 14 mai 2012, en vertu de l’article 14, paragraphe 2, sous a), i), du règlement n° 1408/71.

29.      Par arrêt du 12 septembre 2013, la cour d’appel a rejeté pour l’essentiel l’appel interjeté par A‑Rosa. Cette juridiction a notamment considéré que les certificats E 101 produits par la société ne dispensaient pas celle‑ci de ses obligations au regard du régime français de sécurité sociale auquel les salariés concernés devaient être soumis en vertu de l’article 13, paragraphe 2, sous a), du règlement n° 1408/71. À l’égard de l’exception prévue à l’article 14, paragraphe 2, sous a), i), de ce règlement, ladite juridiction a relevé les considérations suivantes :

« [...] [D]’une part, [...] les seules attestations E 101 produites ne sont pas mises en relation avec les emplois effectivement occupés à bord des navires Luna et Stella, et le nom de ces bateaux n’est pas même indiqué.

D’autre part et au surplus, la société appelante ne rapporte pas avoir employé les personnels en cause en dehors des fonctions hôtelières sur ses navires Luna et Stella. Comme elle le précise, elle n’exploitait ces deux navires de croisière que sur le Rhône et la Saône du mois d’avril au mois de novembre, et elle les maintenait à l’amarre à Lyon en période hivernale.

Il s’ensuit que, même si la clientèle a pu être démarchée à l’étranger et avoir contracté avec la société appelante en dehors du territoire français, les transports de personnes par voie fluviale, auxquels les personnels en cause ont été affectés, n’ont été réalisés qu’à l’intérieur des frontières nationales et ils n’ont pas de caractère international.

La société appelante s’est certes fait délivrer des certificats E 101 au visa de l’[article 14, paragraphe 2, sous a), i), du règlement n° 1408/71] étant observé qu’elle a veillé à ne préciser ni les lieux d’exécution des prestations de travail ni les bateaux d’affectation. Elle s’est ainsi réservé la faculté d’employer les personnels recrutés à des transports internationaux, notamment sur les navires qu’elle déclare par ailleurs exploiter sur le Rhin et sur le Danube, et il n’y a pas lieu de mettre en doute la validité des certificats E 101 qui sont produits aux débats.

Mais, dès lors que les personnels en cause n’ont été en définitive employés que pour des croisières en France, la société appelante ne peut bénéficier du régime dérogatoire prévu en matière de transports internationaux de personnes ».

30.      Il ressort de l’arrêt de la cour d’appel de Colmar du 12 septembre 2013 que l’Urssaf d’Alsace a fait appeler en cause l’institution suisse mais que celle‑ci n’a pas comparu et ne s’est pas fait représenter.

31.      Le 21 octobre 2013, A‑Rosa a formé un pourvoi contre cet arrêt devant la Cour de cassation (France) qui, siégeant en assemblée plénière, a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante :

« L’effet attaché au certificat E 101 délivré, conformément aux articles 11, paragraphe 1, et 12 bis, paragraphe 1 bis, du règlement n° 574/72 [...], par l’institution désignée par l’autorité de l’État membre dont la législation de sécurité sociale demeure applicable à la situation du travailleur salarié, s’impose‑t‑il, d’une part, aux institutions et autorités de l’État d’accueil, d’autre part, aux juridictions du même État membre, lorsqu’il est constaté que les conditions de l’activité du travailleur salarié n’entrent manifestement pas dans le champ d’application matériel des règles dérogatoires de l’article 14, paragraphes 1 et 2, du règlement n° 1408/71 ? »

32.      Des observations écrites ont été déposées par A‑Rosa, l’Urssaf d’Alsace, les gouvernements belge et tchèque, l’Irlande, les gouvernements français et chypriote, ainsi que par la Commission européenne. Lors de l’audience qui s’est tenue le 5 octobre 2016, A‑Rosa, l’Urssaf d’Alsace, le gouvernement belge, l’Irlande et le gouvernement français, ainsi que la Commission ont développé leurs observations orales.

IV – Analyse juridique

A –    Observations introductives

33.      Par sa question préjudicielle, la juridiction de renvoi demande à la Cour, en substance, de préciser si l’effet contraignant qu’attache d’ordinaire la jurisprudence de la Cour à un certificat E 101 (19) s’impose à l’institution compétente et aux juridictions de l’État membre d’accueil, lorsqu’il est constaté par celles‑ci que les conditions de l’activité du travailleur salarié n’entrent manifestement pas dans le champ d’application matériel de l’article 14, paragraphes 1 et 2, du règlement n° 1408/71.

34.      À l’appui de sa demande, la juridiction de renvoi relève, notamment, que cette problématique se pose à présent dans de nombreux litiges en raison de l’internationalisation de l’activité des entreprises et de l’adoption de stratégies d’optimisation fiscale et sociale, de nature à remettre en cause les principes de la libre circulation des travailleurs, de la libre prestation des services et l’existence d’une concurrence effective et non faussée dans le marché intérieur. Il ressort, d’ailleurs, des observations fournies à la Cour que la présente demande s’inscrit dans le prolongement de deux arrêts, rendus le 11 mars 2014 par la chambre criminelle de la Cour de cassation (France), remettant en question, dans le cadre des procédures pénales, l’effet contraignant d’un certificat E 101 délivré par l’institution compétente d’un autre État membre (20).

35.      Il convient de relever, tout d’abord, qu’il ressort de la décision de renvoi que les certificats E 101 en question ont été délivrés par l’institution suisse en vertu de l’article 14, paragraphe 2, sous a), i), du règlement n° 1408/71, à savoir l’exception portant sur les personnes qui font partie du personnel roulant ou navigant d’une entreprise effectuant des transports internationaux de passagers ou de marchandises (21). Il en résulte que la question soulevée par la juridiction de renvoi concernant l’effet contraignant du certificat E 101 ne se pose, en l’occurrence, qu’à l’égard de cette disposition. En effet, l’effet contraignant du certificat E 101 ne saurait aller au‑delà du contenu même de ce certificat. Je considère, dès lors, que la question préjudicielle vise, en réalité, cette disposition et non d’autres exceptions prévues audit article (22).

36.      Ensuite, il convient de relever que la juridiction de renvoi n’a fourni aucune indication en ce sens qu’il s’agirait, en l’espèce, comme semblent l’alléguer l’Urssaf d’Alsace et le gouvernement français (23), d’un cas de fraude ou d’abus de droit de la part de A‑Rosa ou des travailleurs concernés. Dans l’analyse qui suit, je partirai donc de la prémisse selon laquelle la question préjudicielle ne tend pas à obtenir des précisions concernant l’applicabilité de la jurisprudence de la Cour sur l’effet contraignant du certificat E 101 en cas d’abus de droit ou de fraude (24).

37.      En revanche, je considère que, par sa question préjudicielle, la juridiction de renvoi souhaite savoir si l’institution compétente ou les juridictions de l’État membre d’accueil peuvent écarter un certificat E 101, aux fins de soumettre le travailleur au régime de sécurité sociale de cet État membre, dans une situation telle que celle en cause au principal dans laquelle cette institution ou ces juridictions constatent que les conditions de l’activité du travailleur salarié n’entrent manifestement pas dans le champ d’application matériel de la disposition sur la base de laquelle le certificat E 101 a été délivré, en l’occurrence l’article 14, paragraphe 2, sous a), i), du règlement n° 1408/71, alors que, malgré cette constatation, l’institution émettrice du certificat n’a pas procédé au retrait ou à l’annulation dudit certificat (25).

38.      À cet égard, il ressort du dossier que, dans le cas d’espèce, il y a eu un dialogue entre les autorités françaises et l’institution suisse émettrice des certificats E 101 concernant le retrait de celles‑ci. Dans ce contexte, l’institution suisse a reconnu auprès des autorités françaises que ledit article 14, paragraphe 2, sous a), ne serait pas applicable aux travailleurs concernés, si ces derniers exerçaient effectivement leur activité à bord des bateaux uniquement sur le territoire français (26).

39.      L’institution suisse n’a cependant procédé à aucune appréciation concrète quant au point de savoir si et dans quelle mesure les travailleurs concernés relevaient de ce cas de figure, aux fins de déterminer, pour chacun de ces certificats, s’il y avait lieu de les retirer ou de les annuler. Qui plus est, cette institution a demandé aux autorités françaises de renoncer à une correction à titre rétroactif de l’assujettissement de l’assurance aux dispositions du droit français, ce qui a implicitement été rejeté par les autorités françaises. En effet, le redressement notifié à A‑Rosa présupposait précisément une telle correction à titre rétroactif (27). En somme, le dialogue entre les autorités françaises et l’institution suisse n’a pas permis de résoudre les problématiques soulevées dans le cas d’espèce et notamment la question du retrait des certificats E 101 et les corrections à effectuer à cet égard.

40.      La question de principe au centre de la présente affaire est celle de déterminer l’autorité nationale compétente en fin de compte, dans une telle situation, pour déterminer la validité du certificat E 101 et, partant, pour déterminer la législation de sécurité sociale applicable à la situation du travailleur concerné, en vertu des dispositions du titre II du règlement n° 1408/71. L’institution émettrice du certificat E 101 a‑t‑elle toujours le dernier mot quant à la force contraignante du certificat ? Ou faut‑il, dans une telle situation, reconnaître à l’institution compétente de l’État membre d’accueil ou, à tous le moins, aux juridictions de cet État membre la possibilité d’écarter le certificat E 101, lorsque l’institution émettrice n’a pas procédé elle‑même au retrait ou à l’annulation du certificat ?

B –    Les réponses proposées

41.      A‑Rosa, le gouvernement tchèque, l’Irlande et le gouvernement chypriote ainsi que la Commission proposent de répondre à la question préjudicielle en ce sens que l’effet contraignant du certificat E 101 s’impose également dans une situation, telle que celle en cause au principal, où l’institution compétente ou les juridictions de l’État membre d’accueil ont constaté que les conditions de l’activité du travailleur salarié n’entrent manifestement pas dans le champ d’application matériel de l’article 14, paragraphe 2, sous a), i), du règlement n° 1408/71. Selon ces parties, il résulte de la jurisprudence de la Cour, initiée par l’arrêt FTS (28), que seule l’institution qui a délivré le certificat E 101, en l’espèce l’institution suisse, est compétente pour décider de l’annulation ou de la non‑application du certificat E 101, par son retrait, si elle constate qu’elle a délivré le certificat par erreur.

42.      En revanche, l’Urssaf d’Alsace et le gouvernement français proposent, en substance, à la Cour de procéder à un infléchissement de cette jurisprudence, en reconnaissant à l’institution compétente et aux juridictions de l’État membre d’accueil la possibilité d’écarter le certificat E 101, en cas d’inapplicabilité manifeste de la disposition sur la base de laquelle le certificat a été délivré. Ces parties invoquent, en premier lieu, les faiblesses que présentent les procédures de dialogue et de conciliation prévues par le règlement n° 1408/71 pour assurer à l’État membre d’accueil un recours effectif, en l’absence de coopération de la part de l’État émetteur du certificat E 101 ou en cas de désaccord avec celui‑ci. En deuxième lieu, ces parties s’appuient sur l’importance reconnue par la jurisprudence de la Cour, dans d’autres contextes, à la prévention de la concurrence déloyale et du dumping social (29).

43.      Pour sa part, le gouvernement belge considère que, dans la situation qui fait l’objet de la présente question préjudicielle, un infléchissement de la jurisprudence de la Cour n’est pas nécessaire, pour que l’institution compétente et les juridictions de l’État membre d’accueil puissent écarter le certificat E 101, en ce qu’il s’agirait simplement de constater, prima facie, que le certificat a été délivré pour une activité différente que celle effectuée par le travailleur visé par ledit certificat.

C –    Sur les règles de conflit de lois prévues par le règlement n° 1408/71 et la jurisprudence de la Cour concernant l’effet contraignant du certificat E 101

44.      Avant d’aborder la question d’un infléchissement de la jurisprudence de la Cour concernant l’effet contraignant du certificat E 101, je crois utile de rappeler les principales caractéristiques du système de conflit de lois établi par les dispositions du titre II du règlement n° 1408/71 ainsi que les considérations sous‑jacentes à cette jurisprudence.

45.      Il convient d’abord de relever que, si le règlement n° 1408/71 vise uniquement à élaborer un système de coordination des législations nationales de sécurité sociale, en respectant les caractéristiques propres à celles‑ci (30), les règles de conflit prévues par ce règlement s’imposent de manière impérative aux États membres (31). Les dispositions du titre II de ce règlement, dont fait partie l’article 14, paragraphe 2, sous a), i), instaurent, selon les termes mêmes de la Cour, un système complet et uniforme de règles de conflit de lois dont le but est de soumettre les travailleurs qui se déplacent à l’intérieur de l’Union au régime de la sécurité sociale d’un seul État membre, de sorte que les cumuls de législations nationales applicables et les complications qui peuvent en résulter soient évités (32).

46.      Ce principe général de l’unicité de la législation applicable en matière de sécurité sociale est consacré à l’article 13, paragraphe 1, du règlement n° 1408/71, qui prévoit que les personnes auxquelles ce règlement est applicable ne sont soumises qu’à la législation d’un seul État membre (33).

47.      Le certificat E 101 a pour objectif d’assurer le respect dudit principe, en visant à éviter, dans des cas précis, l’émergence de conflits de compétence découlant d’une appréciation divergente de la législation de sécurité sociale applicable (34). À cet égard, le certificat E 101 contribue à assurer la sécurité juridique des travailleurs qui se déplacent à l’intérieur de l’Union (35) et, partant, à faciliter la libre circulation des travailleurs et la libre prestation des services au sein de l’Union, ce qui constitue l’objectif poursuivi par le règlement n° 1408/71 (36).

48.      S’agissant de l’effet juridique du certificat E 101, il est de jurisprudence constante que, aussi longtemps que ce certificat n’est pas retiré ou déclaré invalide, il s’impose à l’institution compétente de l’État membre d’accueil en ce sens que cette institution doit tenir compte du fait que le travailleur est déjà soumis à la législation de sécurité sociale de l’État où l’entreprise qui l’emploie est établie. Cette institution ne saurait, par conséquent, soumettre le travailleur en question à son propre régime de sécurité sociale (37). La Cour a encore précisé que le certificat E 101 s’impose également aux juridictions de l’État membre d’accueil, qui ne sont donc pas habilitées à vérifier la validité d’un certificat E 101 en ce qui concerne l’attestation des éléments sur la base desquels un tel certificat a été délivré (38).

49.      Les dispositions du règlement n° 1408/71, telles qu’interprétées par la Cour, établissent ainsi non seulement un système de conflit de lois, mais instaurent parallèlement un système de répartition des compétences entre les États membres (39), en ce sens que l’institution émettrice du certificat E 101 est seule compétente pour apprécier la validité de celui‑ci et pour déterminer, soit de sa propre initiative, soit en réponse à une demande présentée par l’institution compétente d’un autre État membre, si, eu égard aux informations recueillies concernant la situation réelle du travailleur, il y a lieu de retirer ou d’annuler ledit certificat, ce qui aurait pour effet que ce certificat ne s’imposerait plus aux institutions compétentes et aux juridictions des autres États membres (40).

50.      L’insistance de la part de la Cour sur le caractère exclusif de la compétence de l’institution émettrice, quant à l’appréciation de la validité du certificat E 101 (41), est due non pas à une approche formaliste, mais repose, à mon avis, sur la nécessité de garantir le respect du principe de l’unicité de la législation, énoncé à l’article 13, paragraphe 1, du règlement n° 1408/71. En effet, la reconnaissance d’une compétence parallèle en faveur de l’État membre d’accueil impliquerait inévitablement le risque de se trouver confronté à des décisions contraires quant à la législation applicable dans un cas précis et, partant, le risque d’une double couverture de sécurité sociale, avec toutes les conséquences qui en découleraient, dont l’assujettissement du travailleur à une double cotisation (42). Le travailleur ne disposerait, par ailleurs, d’aucune voie de recours pour empêcher une telle issue (43).

51.      Le risque de décisions contradictoires n’est, à mon sens, aucunement négligeable, au vu de la complexité de la réglementation concernée et des intérêts nationaux opposés qui prévalent en matière de sécurité sociale. Comme l’illustre bien le cas d’espèce, la question de la législation de sécurité sociale applicable est susceptible de faire l’objet d’opinions divergentes, même au cas où l’institution compétente ou les juridictions de l’État membre d’accueil estiment que la situation du travailleur ne relève manifestement pas de la disposition sur la base de laquelle le certificat E 101 a été délivré (44).

52.      À supposer même que les cotisations déjà acquittées pourraient être réclamées, la soumission éventuelle du travailleur au régime de sécurité sociale de l’État membre d’accueil serait susceptible de créer une incertitude juridique pour le travailleur. Or, ainsi que l’a relevé la Cour, l’impératif de sécurité juridique s’impose avec une rigueur particulière lorsqu’il s’agit d’une réglementation susceptible de comporter des conséquences financières, afin de permettre aux intéressés de connaître avec exactitude l’étendue des obligations qu’elle leur impose (45). En outre, une telle réclamation impliquerait nécessairement des complications administratives ou judiciaires, ce qui va à l’encontre de l’objectif général du règlement n° 1408/71 de faciliter la libre circulation des travailleurs à l’intérieur de l’Union (46).

53.      Les observations précédentes valent, selon moi, aussi bien pour l’institution compétente de l’État membre d’accueil que pour les juridictions de cet État membre. En effet, les conséquences pour le travailleur concerné ne sont pas moins graves dans l’hypothèse où le certificat E 101 serait écarté à la suite d’une procédure judiciaire (47).

54.      Qui plus est, la possibilité pour les juridictions de l’État membre d’accueil d’écarter un certificat E 101 provenant d’un autre État membre me semble difficile à concilier avec le principe général selon lequel les décisions des autorités d’un État membre sont contrôlées par les juridictions de cet État (48). En effet, dans la mesure où le certificat E 101 atteste l’affiliation du travailleur au régime de sécurité sociale de l’État membre dont relève l’institution émettrice, ce certificat doit être considéré comme un acte de cet État membre (49).

55.      Il résulte de ce qui précède que la jurisprudence existante de la Cour sur l’effet contraignant du certificat E 101 repose sur des considérations générales liées aux principes et aux objectifs sous‑jacents aux règles de conflit de lois du règlement n° 1408/71. Il ne saurait donc être envisagé de procéder à un infléchissement de cette jurisprudence, à moins de démontrer qu’un tel infléchissement est véritablement nécessaire pour assurer l’application correcte de ces règles.

56.      Il en va d’autant plus ainsi que, en révisant le cadre réglementaire portant sur la coordination des systèmes de sécurité sociale avec effet au 1er mai 2010, le législateur européen a opté pour une codification de l’interprétation établie par la jurisprudence de la Cour concernant l’effet contraignant du certificat E 101, en maintenant la compétence exclusive de l’institution émettrice quant à l’appréciation de la validité du certificat E 101 (50).

57.      Il convient ensuite de constater que, contrairement à ce que fait valoir le gouvernement belge (51), la reconnaissance par la Cour de la possibilité pour l’institution compétente ou pour les juridictions de l’État membre d’accueil d’écarter un certificat E 101 délivré par l’institution compétente d’un autre État membre, dans une situation telle que celle en cause au principal, constituerait indubitablement un infléchissement de la jurisprudence de la Cour. En effet, une telle exception de l’effet contraignant du certificat E 101 impliquerait une dérogation à la répartition de compétences entre les États membres, telle qu’établie par cette jurisprudence.

58.      Dans l’analyse qui suit, j’examinerai les deux principaux arguments invoqués par l’Urssaf d’Alsace et par le gouvernement français à l’appui de leurs propositions visant à instaurer une exception à l’effet contraignant du certificat E 101, à savoir, d’une part, les prétendues déficiences des procédures de dialogue et de conciliation prévues par le règlement n° 1408/71 aux fins d’assurer à l’État membre d’accueil un recours effectif pour obtenir le retrait d’un certificat E 101 (section D), et, d’autre part, l’importance reconnue par la jurisprudence de la Cour, dans d’autres contextes, à la prévention de la concurrence déloyale et du dumping social (section E) (52).

D –    Sur les procédures de dialogue et de conciliation établies par le règlement n° 1408/71

59.      S’il n’est pas permis à l’institution compétente ou aux juridictions de l’État membre d’accueil d’écarter le certificat E 101, le règlement n° 1408/71 prévoit, en revanche, une procédure à suivre pour obtenir le retrait ou l’annulation de ce certificat par l’institution émettrice, dans une situation telle que celle en cause au principal, où il est constaté que les conditions de délivrance du certificat ne sont manifestement pas réunies.

60.      Cette procédure se fonde sur le principe de coopération loyale entre les États membres, consacré par l’article 4, paragraphe 3, TUE, qui lie tant l’État membre d’accueil que l’État émetteur du certificat E 101.

61.      D’un côté, le principe de coopération loyale impose à l’institution compétente de l’État membre d’accueil, ainsi qu’il ressort de l’article 84 bis, paragraphe 3, du règlement n° 1408/71, d’engager une procédure de dialogue avec l’institution émettrice du certificat E 101, lorsqu’elle considère que les conditions de délivrance du certificat ne sont pas réunies (53). Il en va notamment ainsi, selon moi, lorsque, comme dans le cas d’espèce, l’institution compétente de l’État membre d’accueil considère que le certificat est incomplet (54). Dans un tel cas, le principe de coopération implique ainsi que l’institution émettrice doit avoir la possibilité de procéder à une rectification du certificat ou, le cas échéant, à son retrait.

62.      Le moment de la délivrance du certificat n’est pas non plus susceptible d’avoir une incidence sur l’obligation de l’institution compétente de l’État membre d’accueil d’engager un dialogue avec l’institution émettrice, lorsqu’elle estime qu’il y a lieu de procéder au retrait du certificat E 101 (55). Pour rappel, s’il est préférable que le certificat E 101 soit délivré avant le début de la période qu’il vise, il peut aussi être délivré au cours de cette période, voir après son expiration (56). Cette conclusion résulte du fait que le certificat à lui seul ne crée ni droit ni relation juridique, mais vise simplement à attester l’affiliation du travailleur, pendant la période visée, au régime de sécurité sociale dont relève l’institution émettrice.

63.      D’un autre côté, le principe de coopération loyale impose à l’institution émettrice du certificat E 101 de procéder à une appréciation correcte des faits pertinents pour l’application des règles relatives à la détermination de la législation applicable en matière de sécurité sociale et donc de garantir l’exactitude des mentions figurant dans le certificat E 101 (57). Dans ce contexte, il incombe à cette institution de reconsidérer le bien‑fondé de la délivrance du certificat E 101 et, le cas échéant, de le retirer, lorsque l’institution compétente de l’État membre d’accueil émet des doutes quant à l’exactitude des faits qui sont à la base dudit certificat et, partant, des mentions qui y figurent, notamment parce que celles‑ci ne correspondent pas aux exigences de l’article 14 du règlement n° 1408/71 (58).

64.      À défaut d’une solution dans un délai raisonnable entre les institutions concernées, l’article 84 bis, paragraphe 3, du règlement n° 1408/71 prévoit la possibilité de saisir la commission administrative pour la sécurité sociale des travailleurs migrants (ci‑après la « commission administrative ») (59). En vertu de l’article 81, sous a), du règlement n° 1408/71, cette commission est chargée, notamment, de traiter toute question administrative ou d’interprétation découlant des dispositions dudit règlement (60).

65.      Dans l’hypothèse où la commission administrative ne parvient pas à concilier les points de vue des institutions concernées au sujet de la législation applicable dans un cas précis, reste la possibilité pour l’État membre d’accueil, sans préjudice des éventuelles voies de recours de nature juridictionnelle existant dans l’État membre dont relève l’institution émettrice (61), d’engager une procédure en manquement en vertu de l’article 259 TFUE contre ce dernier État membre (62). Je tiens à ajouter qu’une telle procédure peut également être engagée par l’intermédiaire de la Commission (63). En l’occurrence, l’ouverture d’une procédure en manquement contre l’État émetteur des certificats E 101 était cependant exclue étant donné que la Confédération suisse n’est pas un État membre de l’Union. En revanche, l’accord CE‑Suisse prévoit la possibilité de saisir le comité mixte, établi en vertu de cet accord, qui est précisément chargé de décider des mesures à prendre, en cas de difficultés sérieuses d’ordre économique ou social (64).

66.      Or, afin d’éviter que des décisions contraires ne soient rendues par les institutions compétentes ou par les juridictions des différents États membres, quant à la législation applicable dans un cas précis, ce qui compromettrait considérablement la sécurité juridique des travailleurs concernés et, partant, porterait atteinte à la libre circulation de ceux‑ci à l’intérieur de l’Union, les procédures de dialogue et de conciliation prévues par le règlement n° 1408/71 excluent toute action unilatérale de la part de l’institution compétente et des juridictions de l’État membre d’accueil.

67.      L’Urssaf d’Alsace et le gouvernement français soutiennent cependant que de telles actions unilatérales sont nécessaires dans une situation, telle que celle en cause au principal, dans laquelle, en dépit de la constatation que les conditions de délivrance du certificat E 101 ne sont manifestement pas réunies, l’institution émettrice n’a pas procédé au retrait du certificat.

68.      Toutefois, cet argument ne saurait être utilement invoqué dans la présente affaire pour justifier une exception à l’effet contraignant du certificat E 101.

69.      En effet, je considère qu’il n’a pas été démontré que les procédures établies par le règlement n° 1408/71 ne sont pas susceptibles d’assurer l’application correcte des règles de conflit de lois prévues par ce règlement, même dans une situation telle que celle en cause au principal, pour autant que ces procédures sont effectivement suivies jusqu’à leur terme par les institutions compétentes des États membres concernées. À cet égard, il convient de constater que, dans le cas d’espèce, les autorités françaises n’ont pas épuisé les voies de recours dont elles disposent en vertu du règlement n° 1408/71.

70.      Premièrement, si les autorités françaises ont certes lancé un dialogue avec l’institution suisse émettrice, en demandant à celle‑ci de retirer les certificats E 101 en question, ces autorités ont toutefois abandonné ce dialogue, ainsi que l’a confirmé le gouvernement français lors de l’audience, à la suite de la réponse de cette institution du 18 août 2011.

71.      Or, par cette réponse, l’institution suisse avait, d’une part, approuvé, me semble‑t‑il, la position des autorités françaises, quant à l’interprétation de l’article 14, paragraphe 2, sous a), i), du règlement n° 1408/71, en reconnaissant que cette disposition n’était pas applicable aux travailleurs concernés, si ces travailleurs exerçaient effectivement leur activité à bord des bateaux uniquement sur le territoire français. D’autre part, cette institution n’avait néanmoins pas procédé au retrait ou à l’annulation des certificats E 101 contestés ni procédé à une appréciation concrète quant au point de savoir, pour chacun de ces certificats, si, eu égard aux constatations faites par les autorités françaises, il y avait lieu de les retirer ou de les annuler (65). En outre, l’institution suisse avait demandé aux autorités françaises de renoncer à une correction à titre rétroactif, ce à quoi ces autorités se sont opposées (66).

72.      Il en résulte qu’un certain nombre de problématiques sont restées non résolues à la suite du dialogue engagé entre les autorités françaises et l’institution suisse. Or, il n’est pas à exclure qu’un accord aurait pu être trouvé entre celles‑ci, si le dialogue avait été poursuivi.

73.      Je note, en outre, que le dialogue avec l’institution émettrice n’a été lancé par les autorités françaises que plus de trois ans et demi après la notification du redressement à A‑Rosa pour le non‑paiement des cotisations au régime français. Effectivement, ces autorités ont soumis les travailleurs concernés au régime de sécurité sociale français de manière unilatérale, sans tenir compte du fait qu’ils étaient en fait déjà soumis au régime de sécurité sociale suisse (67).

74.      Deuxièmement, la possibilité de saisir la commission administrative, prévue à l’article 84 bis, paragraphe 3, du règlement n° 1408/71, en vue de concilier les points de vue des autorités françaises et l’institution suisse, n’a pas été explorée dans le cas d’espèce. Malgré l’absence de caractère contraignant des décisions rendues par cette commission (68), il ne saurait être exclu qu’une solution aurait pu être trouvée sous son auspice. 

75.      Il résulte de ce qui précède que les faits du cas d’espèce ne sauraient servir de révélateur des prétendues déficiences des procédures établies par le règlement n° 1408/71, puisque ces procédures ont effectivement été outrepassées dans le cas d’espèce. Par ailleurs, je ne vois aucun fondement qui permettrait à la Cour de considérer, de manière plus générale, que ces procédures sont globalement inadaptées pour assurer l’application correcte des dispositions de ce règlement.

76.      Je ne vise aucunement à exclure qu’une amélioration des procédures mises en place dans le cadre du règlement n° 1408/71 pourrait être opportune en vue d’assurer une application correcte des dispositions du titre II de ce règlement (69). Cette problématique relève cependant essentiellement de la compétence du législateur européen. À cet égard, je constate que certains changements ont déjà été apportés (70) et que ce sujet fait l’objet des discussions législatives actuelles au niveau européen (71).

77.      Au vu de l’ensemble de ces éléments, j’estime que les arguments invoqués par l’Urssaf d’Alsace et par le gouvernement français concernant les prétendues déficiences des procédures établies par le règlement n° 1408/71 ne sauraient être utilement invoqués pour justifier une exception à l’effet contraignant du certificat E 101.

E –    La jurisprudence sur la prévention de la concurrence déloyale et du dumping social

78.      L’Urssaf d’Alsace et le gouvernement français invoquent la jurisprudence de la Cour selon laquelle, parmi les raisons impérieuses d’intérêt général susceptibles de justifier une restriction à la liberté de prestations des services, figure notamment la prévention de la concurrence déloyale de la part d’entreprises rémunérant leurs travailleurs détachés à un niveau inférieur à celui correspondant au salaire minimal, en ce que cet objectif intègre un objectif de protection des travailleurs au moyen de la lutte contre le dumping social (72).

79.      Ces parties soutiennent que, par analogie, l’objectif de prévention de la concurrence déloyale et du dumping social, justifierait que, exceptionnellement, l’effet attaché à un certificat E 101 ne s’impose ni à l’institution compétente ni aux juridictions de l’État membre. À cet égard, l’Urssaf d’Alsace relève que certaines institutions nationales de sécurité sociale ne « jouent pas le jeu », en ne se livrant pas au moindre contrôle avant de délivrer les certificats E 101 sollicités par un employeur. De même, le gouvernement français estime que certaines institutions ou autorités de l’État émetteur des certificats E 101 peuvent être tentées de délivrer des certificats E 101 qui ne devraient pas l’être en pratiquant une forme de concurrence déloyale à l’encontre d’autres États membres.

80.      Il convient de constater que la jurisprudence invoquée concerne la question de savoir si, en l’absence d’harmonisation en la matière (73), les objectifs, tels que la prévention de la concurrence déloyale et du dumping social, peuvent être pris en considération en tant qu’exigences impérieuses d’intérêt général susceptibles de justifier des restrictions à la libre circulation des travailleurs et de la libre prestation des services dans l’Union.

81.      Dans le contexte de la présente affaire, ce n’est pas tant les actes de certains acteurs économiques qui justifieraient des restrictions à la libre circulation, mais plutôt l’omission de la part d’autres États membres de mettre en place des contrôles suffisants pour assurer l’application correcte des règles de conflit de lois prévues par les dispositions du titre II du règlement n° 1408/71.

82.      Il en résulte que la problématique invoquée par l’Urssaf d’Alsace et par le gouvernement français relative à la concurrence déloyale et le dumping social pourrait effectivement être résolue par le simple respect par les États membres des obligations découlant du règlement n° 1408/71. Or, comme exposé ci‑dessus, les procédures de dialogue et de conciliation mis en place dans le cadre de ce règlement visent précisément à assurer un tel respect de la part des États membres (74).

83.      Au vu de ce constat, je considère que les objectifs de la prévention de la concurrence déloyale et du dumping social ne sauraient utilement être invoqués, dans la présente affaire, pour justifier une exception à l’effet contraignant du certificat E 101.

84.      À cet égard, il convient également de rappeler que, ainsi que l’a affirmé la Commission, les obligations découlant du droit de l’Union s’imposent aux États membres, indépendamment de l’inexécution éventuelle par d’autres États membres des obligations qui leur incombent (75). Un État membre ne saurait ainsi s’autoriser à prendre unilatéralement des mesures correctives ou des mesures de défense destinées à obvier à une méconnaissance éventuelle, par un autre État membre, des règles du droit de l’Union (76). S’il en allait autrement, le système de conflit de lois mis en place par le règlement n° 1408/71 serait mis en péril.

85.      En guise de conclusion, il convient de rappeler que l’analyse exposée dans les présentes conclusions ne vise pas les cas d’abus de droit ou de fraude de la part du travailleur ou de son employeur, eu égard aux données du litige au principal (77). Il ne saurait ainsi être exclu qu’il puisse être nécessaire, à l’avenir, d’apporter des précisions quant à l’applicabilité de la jurisprudence sur l’effet contraignant du certificat E 101 aux situations dans lesquelles un tel abus ou une telle fraude a été constaté.

V –    Conclusion

86.      Au vu des considérations qui précèdent, je propose à la Cour de répondre à la question préjudicielle posée par la Cour de cassation (France) de la manière suivante :

Aussi longtemps qu’il n’est pas retiré ou déclaré invalide par l’institution l’ayant délivré, le certificat E 101, délivré conformément à l’article 12 bis, paragraphe 1 bis, du règlement (CEE) n° 574/72 du Conseil, du 21 mars 1972, fixant les modalités d’application du règlement (CEE) n° 1408/71 relatif à l’application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés et à leur famille qui se déplacent à l’intérieur de la Communauté, attestant l’affiliation du travailleur salarié au régime de sécurité sociale de cet État membre, en vertu de l’article 14, paragraphe 2, sous a), i), du règlement (CEE) n° 1408/71 du Conseil, du 14 juin 1971, relatif à l’application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés, aux travailleurs non salariés et aux membres de leur famille qui se déplacent à l’intérieur de la Communauté, s’impose à l’institution compétente et aux juridictions de l’État membre d’accueil, même s’il est constaté par celles‑ci que les conditions de l’activité du travailleur salarié n’entrent manifestement pas dans le champ d’application matériel de cette dernière disposition.


1 – Langue originale : le français.


2 –      Le certificat E 101, intitulé « attestation concernant la législation applicable », correspond à un formulaire‑type rédigé par la commission administrative pour la sécurité sociale des travailleurs migrants, visée par le titre IV du règlement n° 1408/71. Voir décision n° 202 de la commission administrative, du 17 mars 2005, concernant les modèles de formulaires nécessaires à l’application des règlements (CEE) n° 1408/71 et (CEE) n° 574/72 du Conseil (E 001, E 101, E 102, E 103, E 104, E 106, E 107, E 108, E 109, E 112, E 115, E 116, E 117, E 118, E 120, E 121, E 123, E 124, E 125, E 126, E 127) (2006/203/CE) (JO 2006, L 77, p. 1). À partir du 1er mai 2010, le certificat E 101 est devenu, sous l’empire des nouveaux règlements (CE) n° 883/2004 du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 sur la coordination des systèmes de sécurité sociale (JO 2004, L 166, p. 1) et n° 987/2009 (CE) du Parlement européen et du Conseil du 16 septembre 2009 fixant les modalités d’application du règlement n° 883/2004 (JO 2009, L 284, p. 1), le document portable A1.


3 – Voir, en ce qui concerne le terme « institution compétente », article 1er, sous o), du règlement (CEE) n° 1408/71 du Conseil du 14 juin 1971 relatif à l’application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés, aux travailleurs non salariés et aux membres de leur famille qui se déplacent à l’intérieur de la Communauté, tel que modifié par le règlement (CEE) n° 1390/81 du Conseil, du 12 mai 1981 (JO 1981, L 143, p. 1), le règlement (CE) n° 1606/98 du Conseil, du 29 juin 1998 (JO 1998, L 209, p. 1), et le règlement (CE) n° 631/2004 du Parlement européen et du Conseil, du 31 mars 2004 (JO 2004, L 100, p. 1) (ci-après le « règlement n° 1408/71 »).


4 – Voir, notamment, arrêts du 10 février 2000, FTS (C‑202/97, EU:C:2000:75), du 30 mars 2000, Banks e.a. (C‑178/97, EU:C:2000:169), ainsi que du 26 janvier 2006, Herbosch Kiere (C‑2/05, EU:C:2006:69).


5 – Ce thème fait également l’objet d’autres affaires, toujours pendantes devant la Cour. Voir, notamment, affaire C‑474/16, Belu Dienstleistung et Nikless. Voir également, en ce sens, les affaires C‑359/16, Altun e.a., et C‑356/15, Commission/Belgique.


6 – Voir note en bas de page 3.


7 –      En 2012 et 2013, le nombre total de certificats A1 délivrés (le nouveau document remplaçant le certificat E 101) s’élevait, respectivement, à 1,53 million et à 1,74 million. Plus particulièrement, le nombre de certificats A1 délivrés aux personnes qui exercent une activité dans deux ou plusieurs États membres, a augmenté de manière significative, à savoir de 168 279 en 2010, à 370 124 en 2013, ce qui constitue une augmentation de 120 % pour cette période. Voir Pacolet, J., et De Wispelaere, F., Posting of workers – Report on A1 portable documents issued in 2012 and 2013, publié par la Commission en décembre 2014, p. 8.


8 – Voir note en bas de page 2. Il convient de mentionner que les règles spécifiques applicables aux personnes travaillant dans le secteur des transports internationaux ne sont pas reprises dans ce règlement. Ces personnes sont désormais couvertes par la disposition prévue à l’article 13 de ce règlement portant sur les personnes travaillant dans deux ou plusieurs États membres. Voir guide pratique de la Commission, du mois de décembre 2013, sur la législation applicable dans l’Union européenne (UE), dans l’Espace économique européen (EEE) et en Suisse, p. 24 et 31.


9 – Voir article 91 du règlement n° 883/2004 ainsi qu’article 97 du règlement n° 987/2009.


10 – Voir, également, points 13, 17 et 18 des présentes conclusions.


11 –      Règlement du Conseil du 21 mars 1972 fixant les modalités d’application du règlement n° 1408/71 (JO 1972, L 74, p. 1), tel que modifié par le règlement (CE) n° 647/2005 du Parlement européen et du Conseil, du 13 avril 2005 (JO 2005, L 117, p. 1) (ci-après le « règlement n° 574/72 »).


12 – Voir note en bas de page 2.


13 – Voir article 96, paragraphe 1, du règlement n° 987/2009.


14 – Voir, également, points 11, 17 et 18 des présentes conclusions.


15 – Accord signé à Luxembourg le 21 juin 1999 et approuvé au nom de la Communauté européenne par la décision 2002/309/CE, Euratom, du Conseil et de la Commission concernant l’Accord de coopération scientifique et technologique, du 4 avril 2002, relative à la conclusion de sept accords avec la Confédération suisse (JO 2002, L 114, p. 1).


16 – Décision n° 1/2012, du 31 mars 2012, remplaçant l’annexe II dudit accord sur la coordination des systèmes de sécurité sociale (JO 2012, L 103, p. 51).


17 –      Voir, également, annexe II, section A, points 3 et 4, de l’accord CE‑Suisse, dans sa version modifiée, qui renvoie toujours aux règlements n° 1408/71 et n° 574/72, « lorsque des affaires qui ont eu lieu par le passé sont concernées ».


18 – Une traduction de la version originale, en langue allemande, de ladite lettre a été fournie par le gouvernement français.


19 – Voir, notamment, arrêts du 10 février 2000, FTS (C‑202/97, EU:C:2000:75), du 30 mars 2000, Banks e.a. (C‑178/97, EU:C:2000:169) ainsi que du 26 janvier 2006, Herbosch Kiere (C‑2/05, EU:C:2006:69).


20 – Arrêts n° 1078 (FR:CCASS:2014:CR01078) et n° 1079 (FR:CCAS:2014:CR01079) du 11 mars 2014. Par ces arrêts, la chambre criminelle de la Cour de cassation a condamné pour travail dissimulé deux sociétés de transport aérien, respectivement, britannique et espagnole, alors que ces sociétés avaient présenté des certificats E 101 attestant l’affiliation des travailleurs concernés aux régimes de sécurité sociale d’autres États membres. Cette juridiction a considéré qu’il n’y avait pas lieu de poser une question préjudicielle à la Cour.


21 – Voir points 22 et 28 des présentes conclusions.


22 – Plus particulièrement, j’estime que la présente affaire ne concerne pas les exceptions énoncées à l’article 14, paragraphe 1, du règlement n° 1408/71 portant sur les personnes détachées sur le territoire d’autres États membres.


23 – Lors de l’audience, l’Urssaf d’Alsace a fait valoir que, en l’espèce, la fraude avait été constatée par toutes les juridictions françaises. Pour sa part, le gouvernement français affirme, dans ses observations écrites, qu’il est probable que la société A‑Rosa a dissimulé le fait que les salariés concernés ne travaillaient que dans un seul État membre, lors de la demande des certificats qu’elle a présentée postérieurement au contrôle de l’Urssaf, dans le but de faire échapper les salariés ressortissants d’États membres de l’Union à la législation française. Selon ce gouvernement, la Cour des comptes française aurait évalué que la fraude liée aux travailleurs détachés non déclarés entraînerait pour le régime de sécurité sociale français une perte de recettes sociales de 380 millions d’euros.


24 – En vertu d’une jurisprudence constante de la Cour, dans le cadre de la procédure préjudicielle prévue à l’article 267 TFUE, le juge national est seul compétent pour constater et apprécier les faits du litige au principal. Voir, notamment, arrêt du 28 juillet 2016, Kratzer (C‑423/15, EU:C:2016:604, point 27).


25 – Je tiens à signaler que, en l’occurrence, les parties au litige au principal ainsi que les parties intervenantes devant la Cour ont exprimé des points de vue divergents sur le point de savoir si la situation des travailleurs concernés relève ou non de l’article 14 du règlement n° 1408/71. A‑Rosa fait valoir que la situation des travailleurs relève tant du paragraphe 1 que du paragraphe 2 de cet article 14, en alléguant que les salariés concernés étaient embauchés pour travailler sur l’ensemble des bateaux de croisière de la société quelle que soit leur localisation géographique. En revanche, l’Urssaf d’Alsace est d’avis qu’aucun de ces deux paragraphes n’est applicable en l’espèce, avis partagé par l’Irlande. Pour sa part, la Commission partage l’analyse des juridictions françaises en ce qui concerne l’inapplicabilité manifeste de l’article 14, paragraphe 2, sous a), du règlement n° 1408/71. En revanche, elle estime que c’est à tort que la juridiction de renvoi a fondé sa question préjudicielle sur la prémisse selon laquelle les salariés n’entrent manifestement pas dans le champ d’application du paragraphe 1, sous a), de cet article. Enfin, le gouvernement chypriote soutient que, dès lors que l’institution compétente a délivré les certificats E 101, on doit supposer que ceux‑ci ont été délivrés conformément à la réglementation et reflètent les circonstances effectives.


26 – Voir point 27 des présentes conclusions.


27 – Le redressement notifié à A‑Rosa le 22 octobre 2007 portait ainsi sur la période allant du 1er avril 2005 au 30 septembre 2007. Voir point 23 des présentes conclusions.


28 – Arrêt du 10 février 2000, FTS (C‑202/97, EU:C:2000:75).


29 – Ces parties invoquent également un troisième argument portant sur la nécessité de lutter contre l’abus de droit et la fraude. Étant donné qu’il ne ressort pas de la décision de renvoi que, en l’espèce, un cas d’abus ou de fraude serait constitué, j’estime qu’il n’y a pas lieu de traiter cet argument dans la présente affaire. Voir, à cet égard, point 36 des présentes conclusions.


30 – Voir quatrième considérant du règlement n° 1408/71 ainsi que arrêt du 3 avril 2008, Derouin (C‑103/06, EU:C:2008:185, point 20).


31 – Voir arrêt du 14 octobre 2010, van Delft e.a., (C‑345/09, EU:C:2010:610, point 52).


32 – Voir arrêt du 4 octobre 2012, Format Urządzenia i Montaże Przemysłowe (C‑115/11, EU:C:2012:606, point 29 et jurisprudence citée).


33 – Voir point 8 des présentes conclusions. Voir, sur le principe de l’unicité de la législation, arrêt du 26 octobre 2016, Hoogstad (C‑269/15, EU:C:2016:802, points 35 et 36) ainsi que huitième considérant dudit règlement.


34 – Voir, en ce sens, conclusions de l’avocat général Lenz dans l’affaire Calle Grenzshop Andresen (C‑425/93, EU:C:1995:12, point 60).


35 –      Il ressort des travaux préparatoires de l’article 12 bis, paragraphe 1 bis, du règlement n° 574/72 que cet article a été inséré « [d]ans un souci de sécurité juridique ». Voir exposé des motifs de la proposition ayant abouti à l’adoption du règlement n° 647/2005 modifiant le règlement n° 574/72 [COM(2003) 468 final, point 2]. Voir, également, arrêt du 12 février 2015, Bouman (C‑114/13, EU:C:2015:81, point 27).


36 – Voir, en ce sens, arrêt du 26 janvier 2006, Herbosch Kiere (C‑2/05, EU:C:2006:69, point 20). Voir, également, deuxième considérant dudit règlement ainsi qu’arrêt du 26 mai 2005, Allard (C‑249/04, EU:C:2005:329, point 31).


37 – Voir notamment, en ce sens, arrêts du 10 février 2000, FTS (C‑202/97, EU:C:2000:75, point 55), du 30 mars 2000, Banks e.a. (C‑178/97, EU:C:2000:169, point 42) ainsi que du 26 janvier 2006, Herbosch Kiere (C‑2/05, EU:C:2006:69, point 26). Voir, en outre, arrêt de la Cour AELE du 14 décembre 2004, Tsomakas Athanasios m.fl. v Staten v/Rikstrygdeverket (E‑3/04, EFTA Court Report 2004, p. 95, point 31), qui assimile aux certificats E 101 des déclarations officielles équivalentes (« equivalent official statements »). Si la Cour ne s’est pas encore explicitement prononcée sur le caractère contraignant d’un certificat E 101 délivré sur la base de l’exception prévue à l’article 14, paragraphe 2, sous a), du règlement n° 1408/71, la Cour a toutefois précisé que sa jurisprudence en la matière vise les situations dans lesquelles les certificats E 101 ont été délivrés en vertu des dispositions du titre III du règlement n° 574/72 par rapport à des travailleurs relevant du titre II du règlement n° 1408/71, sans avoir opéré aucune distinction entre les dispositions qui y sont prévues. Voir arrêts du 12 février 2015, Bouman (C‑114/13, EU:C:2015:81, point 26), ainsi que du 9 septembre 2015, X et van Dijk (C‑72/14 et C‑197/14, EU:C:2015:564, point 43).


38 – Voir arrêt du 26 janvier 2006, Herbosch Kiere (C‑2/05, EU:C:2006:69, points 30 à 32).


39 – Voir, en ce sens, conclusions de l’avocat général Jacobs dans l’affaire FTS (C‑202/97, EU:C:1999:33, point 60).


40 – Les juridictions supérieures des États membres ont bien pris acte de la jurisprudence de la Cour. Voir, notamment, arrêt du 2 juin 2003 de la Cour de cassation (Belgique), dans l’affaire S.02.0039.N, et arrêt du 24 octobre 2006 du Bundesgerichtshof (Cour fédérale de justice, Allemagne), dans l’affaire 1 StR 44/06.


41 – Voir, en ce sens, arrêts du 10 février 2000, FTS (C‑202/97, EU:C:2000:75, points 53 à 55) ; du 30 mars 2000, Banks e.a. (C‑178/97, EU:C:2000:169, points 40 à 42), et du 26 janvier 2006, Herbosch Kiere (C‑2/05, EU:C:2006:69, points 24 à 26 et 30 à 32). Voir, également, arrêts du 12 février 2015, Bouman (C‑114/13, EU:C:2015:81, points 26 et 27), ainsi que du 9 septembre 2015, X et van Dijk (C‑72/14 et C‑197/14, EU:C:2015:564, points 40 et 41).


42 – Ce risque s’est effectivement matérialisé en l’espèce, en ce que les autorités françaises ont soumis les travailleurs concernés au régime de sécurité sociale français, malgré le fait qu’ils étaient déjà soumis au régime de sécurité sociale suisse. Voir, à cet égard, point 73 des présentes conclusions.


43 – Si le travailleur peut certes employer les voies de recours de nature administrative et juridictionnelle existant dans les États membres concernés, rien n’empêcherait qu’il se retrouve confronté, en fin de compte, à deux décisions définitives contraires.


44 – Voir note en bas de page 25 des présentes conclusions.


45 – Voir arrêt du 15 décembre 1987, Danemark/Commission (348/85, EU:C:1987:552, point 19).


46 – Voir, en ce sens, conclusions de l’avocat général Lenz dans l’affaire Calle Grenzshop Andresen (C‑425/93, EU:C:1995:12, point 61), ainsi que conclusions de l’avocat général Jacobs dans l’affaire FTS (C‑202/97, EU:C:1999:33, point 53).


47 – Ainsi que l’a relevé l’avocat général Szpunar dans ses conclusions dans l’affaire Bouman (C‑114/13, EU:C:2014:123, point 30), la limitation du contrôle juridictionnel de la part de l’État d’accueil se justifie par des raisons de sécurité juridique.


48 – Voir, en ce sens, conclusions de l’avocat général Jacobs dans l’affaire FTS (C‑202/97, EU:C:1999:33, point 60). Cette même considération pourrait expliquer l’exclusion du champ d’application du règlement (UE) n° 1215/2012 du Parlement européen et du Conseil, du 12 décembre 2012, concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale (JO 2012, L 351, p. 1), notamment, des matières fiscales et administratives ainsi que de la responsabilité de l’État pour des actes ou des omissions commis dans l’exercice de la puissance publique (acta jure imperii). Voir article 1er, paragraphe 1, de ce règlement.


49 – Dans ce contexte, le certificat E 101 exprime l’appréciation juridique de l’institution compétente émettrice d’une situation factuelle, à savoir l’appréciation selon laquelle la situation du travailleur visé par le certificat entre dans le champ d’application de l’une des règles dérogatoires prévues au titre II du règlement n° 1408/71. Voir, en ce sens, conclusions de l’avocat général Lenz dans l’affaire Calle Grenzshop Andresen (C‑425/93, EU:C:1995:12, point 59).


50 – Voir article 5 du règlement n° 987/2009, intitulé « Valeur juridique des documents et pièces justificatives établis dans un autre État membre », prévoyant, à son paragraphe 1, que les documents établis par l’institution d’un État membre qui attestent de la situation d’une personne aux fins de l’application des règlements n° 883/2004 et n° 987/2009, ainsi que les pièces justificatives y afférentes, s’imposent aux institutions d’autres États membres aussi longtemps qu’ils ne sont pas retirés ou déclarés invalides par l’État membre où ils ont été établis. Voir, également, considérant 12 du règlement n° 987/2009, où il est fait référence, notamment, à la jurisprudence de la Cour ainsi qu’aux décisions de la commission administrative. Pour rappel, le nouveau cadre réglementaire n’est pas applicable, ratione temporis, au cas d’espèce. Voir points 11, 13, 17 et 18 des présentes conclusions.


51 – Voir point 43 des présentes conclusions.


52 – Voir point 42 des présentes conclusions.


53 – Voir, également, article 5, paragraphe 2, du règlement n° 987/2009, prévoyant que, en cas de doute sur la validité du document ou l’exactitude des faits qui sont à la base des mentions y figurant, l’institution de l’État membre qui reçoit le document demande à l’institution émettrice les éclaircissements nécessaires et, le cas échéant, le retrait dudit document. L’institution émettrice réexamine ce qui l’a amenée à établir le document et, au besoin, le retire. Pour rappel, le règlement n° 987/2009 n’est pas applicable, ratione temporis, au cas d’espèce. Voir point 13 des présentes conclusions.


54 –      Tant l’Urssaf d’Alsace que le gouvernement français ont mis en avant la circonstance que les certificats E 101 en question ne comportaient pas la mention du nom des bateaux sur lesquels étaient affectés les travailleurs concernés ni les lieux d’exécution de leurs prestations.


55 –      Dans la décision de renvoi, la juridiction de renvoi a mis en avant le fait que, dans le cas d’espèce, les certificats E 101 ont été délivrés par l’institution suisse en deux lots et, dans une certaine mesure, à titre rétroactif.


56 –      Voir arrêt du 30 mars 2000, Banks e.a. (C‑178/97, EU:C:2000:169, point 53). Voir, aussi, point 6 de la décision n° 181 de la commission administrative, du 13 décembre 2000, concernant l’interprétation des articles 14, paragraphe 1, 14 bis, paragraphe 1, et 14 ter, paragraphes 1 et 2, du règlement n° 1408/71 (2001/891/CE) (JO 2001, L 329, p. 73). Voir, également, point 1. de la décision n° 126 de la commission administrative du 17 octobre 1985 concernant l’application des articles 14, paragraphe 1, point a), 14 bis, paragraphe 1, point a), et 14 ter, paragraphes 1 et 2, du règlement n° 1408/71 (JO 1986, C 141, p. 3), d’où il ressort que l’institution visée aux articles 11 et 11 bis du règlement n° 574/72 est tenue de délivrer une attestation concernant la législation applicable (formulaire E 101), même si la délivrance de cette attestation est demandée après le début de l’activité exercée sur le territoire de l’État autre que l’État compétent.


57 – Voir, notamment, arrêt du 10 février 2000, FTS (C‑202/97, EU:C:2000:75, point 51). La Cour a en outre précisé que l’application du système de conflit de lois instauré par le règlement n° 1408/71 ne dépend que de la situation objective dans laquelle se trouve le travailleur intéressé (arrêt du 14 octobre 2010, van Delft e.a., C‑345/09, EU:C:2010:610, point 52). S’agissant des éléments qui doivent être pris en compte lors de la détermination de la législation applicable, voir arrêt du 4 octobre 2012, Format Urządzenia i Montaże Przemysłowe (C‑115/11, EU:C:2012:606, points 45 et 46), d’où il ressort, notamment, que l’institution compétente est tenue de fonder ses constatations sur la situation réelle du travailleur salarié et, le cas échéant, de refuser de délivrer le certificat E 101.


58 – Voir, en ce sens, arrêt du 10 février 2000, FTS (C‑202/97, EU:C:2000:75, point 56). Voir, également, point 7, sous a) et c), de la décision n° 181 de la commission administrative, op. cit. Si cette décision n’est pas directement applicable au cas d’espèce du fait que les certificats E 101 en question ont été délivrés en vertu de l’article 14, paragraphe 2, sous a), i), du règlement n° 1408/71, disposition non visée par cette décision, ladite décision n° 181 reflète, dans une large mesure, la jurisprudence de la Cour qui vaut pour l’ensemble des situations dans lesquelles un certificat E 101 a été délivré en vertu des dispositions du titre III du règlement n° 574/72. Voir, à cet égard, note en bas de page 37 des présentes conclusions.


59 – Voir, également, point 9 de la décision n° 181 de la commission administrative, op. cit., et arrêts du 10 février 2000, FTS (C‑202/97, EU:C:2000:75, point 57), du 30 mars 2000, Banks e.a. (C‑178/97, EU:C:2000:169, point 44) et du 26 janvier 2006, Herbosch Kiere (C‑2/05, EU:C:2006:69, point 28).


60 – Conformément à l’article 80, paragraphe 3, du règlement n° 1408/71, les décisions de la commission administrative sur les questions d’interprétation du règlement ne peuvent être prises qu’à l’unanimité.


61 – Voir, également, article 81, sous a), du règlement n° 1408/71, d’où il ressort que la compétence de la commission administrative est sans préjudice du droit des autorités, institutions et personnes intéressées de recourir aux procédures et aux juridictions prévues par les législations des États membres, par ce règlement et par le traité.


62 – Voir, en ce sens, arrêts du 10 février 2000, FTS (C‑202/97, EU:C:2000:75, point 58), du 30 mars 2000, Banks e.a. (C‑178/97, EU:C:2000:169, point 45) et du 26 janvier 2006, Herbosch Kiere (C‑2/05, EU:C:2006:69, point 29). 


63 – Lors de l’audience, le représentant de la Commission a indiqué que, à sa connaissance, aucun État membre n’a jamais demandé à la Commission d’entamer une procédure en manquement à l’encontre d’un autre État membre au motif que les institutions relevant de ce dernier État membre n’auraient pas respecté leur obligation de garantir l’exactitude des mentions figurant aux certificats E 101. Ce constat peut étonner, au regard des intérêts nationaux importants qui semblent être en jeu, selon les observations présentées, notamment, par l’Urssaf d’Alsace et par le gouvernement français.


64 – Voir article 14 et, notamment, son paragraphe 2, de l’accord CE‑Suisse.


65 – Voir point 27, 38 et 39 des présentes conclusions. Voir, sur le champ d’application de l’exception prévue à l’article 14, paragraphe 2, sous a), du règlement n° 1408/71, arrêt du 19 mars 2015, Kik (C‑266/13, EU:C:2015:188, point 59), où la Cour a précisé que cette exception concerne les personnes exerçant un travail de nature essentiellement itinérante qui se déroule dans des conditions telles que son exercice ne peut pas être rattaché à un lieu en particulier.


66 – Je note que les règlements no 1408/71 et no 574/72 ne donnent aucune indication quant aux corrections à effectuer en cas de retrait ou d’annulation d’un certificat E 101. Voir, à cet égard, guide pratique de la Commission, op. cit., p. 36 à 37, d’où il ressort que, « [s]i les informations fournies lors du processus initial pour déterminer la législation applicable n’étaient pas intentionnellement erronées, les changements découlant du réexamen ne prendront effet qu’à compter de la date de celui‑ci ».


67 – Voir points 21 à 26 des présentes conclusions.


68 – Selon la jurisprudence de la Cour, la commission administrative n’est pas habilitée à arrêter des actes revêtant un caractère normatif et une décision de cette commission n’est pas de nature à obliger les institutions de sécurité sociale à suivre certaines méthodes ou à adopter certaines interprétations lorsqu’elles procèdent à l’application des règles de l’Union. Voir, en ce sens, arrêts du 14 mai 1981, Romano (98/80, EU:C:1981:104, point 20) et du 8 juillet 1992, Knoch (C‑102/91, EU:C:1992:303, point 52).


69 –      Avant tout, l’absence de caractère contraignant des décisions rendues par la commission administrative me semble représenter une certaine faiblesse du système actuel, circonstance qui exclut, d’ailleurs, a priori que le bien‑fondé des décisions de cette commission puissent faire l’objet du contrôle par les juridictions de l’Union.


70 – Voir, notamment, article 71, paragraphe 2, du règlement n° 1408/71, tel que modifié par le règlement n° 465/2012, selon lequel la commission administrative statue à la majorité qualifiée telle qu’elle est définie par les traités, sauf pour l’adoption de ses statuts, ainsi que la décision A1 de la commission administrative, du 12 juin 2009, concernant l’établissement d’une procédure de dialogue et de conciliation relative à la validité des documents, à la détermination de la législation applicable et au service des prestations au titre du règlement n° 883/2004 (JO 2010, C 106, p. 1), laquelle est entrée en vigueur le 1er mai 2010. Voir, également, décision H5 de la commission administrative, du 18 mars 2010, concernant la coopération dans le domaine de la lutte contre les fraudes et les erreurs dans le cadre des règlements n° 883/2004 et n° 987/2009 (JO 2010, C 149, p. 5).


71 – Voir, à cet égard, point 9 de la résolution du Parlement européen, du 14 septembre 2016, sur le dumping social dans l’Union européenne [2005/2255(INI)] [P8_TA‑PROV(2016)0346], où il est souligné, notamment, que les autorités compétentes de l’État membre d’accueil, en concertation avec celles de l’État d’envoi, devraient pouvoir vérifier la fiabilité du formulaire A1 en cas de doutes sérieux quant à la réalité du détachement. Voir, également, rapport y afférent de la commission de l’emploi et des affaires sociales du Parlement, du 18 août 2016 (A8‑0255/2016).


72 – Il est notamment fait référence aux arrêts du 23 novembre 1999, Arblade e.a. (C‑369/96 et C‑376/96, EU:C:1999:575, point 38) ; du 3 avril 2008, Rüffert (C‑346/06, EU:C:2008:189, point 42 et jurisprudence citée) ; du 7 octobre 2010, dos Santos Palhota e.a. (C‑515/08, EU:C:2010:589, points 47 et 48 ainsi que jurisprudence citée) ; du 19 décembre 2012, Commission/Belgique (C‑577/10, EU:C:2012:814, point 45) ; et du 3 décembre 2014, De Clercq e.a. (C‑315/13, EU:C:2014:2408, point 69). Il est, en outre, fait référence à l’arrêt du 2 décembre 1997, Dafeki (C‑336/94, EU:C:1997:579), où la Cour a constaté, au point 21 de cet arrêt, que, dans les procédures visant à déterminer les droits aux prestations sociales d’un travailleur migrant, les institutions nationales compétentes en matière de sécurité sociale et les juridictions nationales d’un État membre sont tenues de respecter les certificats et actes analogues relatifs à l’état des personnes qui émanent des autorités compétentes des autres États membres, à moins que leur exactitude ne soit sérieusement ébranlée par des indices concrets se rapportant au cas individuel en cause.


73 – Voir, notamment, arrêts du 2 décembre 1997, Dafeki (C‑336/94, EU:C:1997:579, point 16), du 7 octobre 2010, dos Santos Palhota e.a. (C‑515/08, EU:C:2010:589, point 25), et du 19 décembre 2012, Commission/Belgique (C‑577/10, EU:C:2012:814, points 43 et 44).


74 –      Voir points 59 à 66 des présentes conclusions.


75 – Voir, en ce sens, arrêt du 26 février 1976, Commission/Italie (52/75, EU:C:1976:29, point 11), où la Cour souligne que le traité ne s’est pas borné à créer des obligations réciproques entre les différents sujets auxquels il s’applique, mais a établi un ordre juridique nouveau qui règle les pouvoirs, droits et obligations desdits sujets, ainsi que les procédures nécessaires pour faire constater et sanctionner toute violation.


76 –      Voir arrêt du 23 mai 1996, Hedley Lomas (C‑5/94, EU:C:1996:205, point 20).


77 –      Voir point 36 des présentes conclusions. Il résulte d’une jurisprudence constante que les justiciables ne sauraient frauduleusement ou abusivement se prévaloir des normes de l’Union. Voir arrêt du 28 juillet 2016, Kratzer (C‑423/15, EU:C:2016:604, point 37 et jurisprudence citée).