Language of document : ECLI:EU:C:2017:17

Édition provisoire

ARRÊT DE LA COUR (neuvième chambre)

18 janvier 2017 (*)

« Renvoi préjudiciel – Directive 2003/96/CE – Taxation des produits énergétiques et de l’électricité – Réductions fiscales – Champ d’application matériel – Avantages sur les montants dus pour couvrir les coûts généraux du système électrique – Article 17 – Entreprises grandes consommatrices d’énergie – Avantages accordés à de telles entreprises du seul secteur manufacturier – Admissibilité »

Dans l’affaire C‑189/15,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Consiglio di Stato (Conseil d’État, Italie), par décision du 17 mars 2015, parvenue à la Cour le 24 avril 2015, dans la procédure

Istituto di Ricovero e Cura a Carattere Scientifico (IRCCS) – Fondazione Santa Lucia

contre

Cassa conguaglio per il settore elettrico,

Ministero dello Sviluppo economico,

Ministero dell’Economia e delle Finanze,

Autorità per l’energia elettrica e il gas,

en présence de :

2M SpA,

LA COUR (neuvième chambre),

composée de M. E. Juhász, président de chambre, MM. C. Vajda (rapporteur) et C. Lycourgos, juges,

avocat général : M. M. Campos Sánchez-Bordona,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

considérant les observations présentées :

–        pour l’Istituto di Ricovero e Cura a Carattere Scientifico (IRCCS) – Fondazione Santa Lucia, par Me G. Pellegrino, avvocato,

–        pour le gouvernement italien, par Mme G. Palmieri, en qualité d’agent, assistée de MM. A. Vitale et P. Gentili, avvocati dello Stato,

–        pour la Commission européenne, par Mmes K. Herrmann, M. Owsiany-Hornung et F. Tomat, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 21 avril 2016,

rend le présent

Arrêt

1        La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 17, paragraphe 1, de la directive 2003/96/CE du Conseil, du 27 octobre 2003, restructurant le cadre communautaire de taxation des produits énergétiques et de l’électricité (JO 2003, L 283, p. 51).

2        Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant l’Istituto di Ricovero e Cura a Carattere Scientifico (IRCCS) – Fondazione Santa Lucia [Institut d’hébergement et de soins à caractère scientifique (IRCCS) – Fondation Sainte Lucie, ci-après la « Fondation »] à la Cassa conguaglio per il settore elettrico (Caisse de péréquation pour le secteur de l’électricité, Italie), au Ministero dello Sviluppo economico (ministère du Développement économique, Italie), au Ministero dell’Economia e delle Finanze (ministère de l’Économie et des Finances, Italie) et à l’Autorità per l’energia elettrica e il gas (Autorité pour l’énergie électrique et le gaz, Italie) au sujet du refus des autorités italiennes compétentes d’accorder à la Fondation le bénéfice du régime national d’avantages sur les montants dus pour couvrir les coûts généraux du système électrique italien (ci-après les « coûts généraux du système électrique »).

 Le cadre juridique

 Le droit de l’Union

3        Les considérants 9, 10 et 11 de la directive 2003/96 énoncent :

« (9) Il convient de laisser aux États membres la flexibilité nécessaire pour définir et mettre en œuvre des politiques adaptées aux contextes nationaux.

(10)      Les États membres souhaitent introduire ou maintenir différents types de taxes sur les produits énergétiques et l’électricité. Il y a lieu, dans ce but, de permettre aux États membres de respecter les niveaux minima communautaires de taxation par le cumul de l’ensemble des impôts indirects de leur choix (à l’exception de la [taxe sur la valeur ajoutée (TVA)]).

(11)      Les régimes fiscaux instaurés dans le cadre de la mise en œuvre du présent cadre communautaire de taxation des produits énergétiques et de l’électricité relèvent de la compétence de chacun des États membres. À cet égard, les États membres pourraient décider de ne pas accroître la charge fiscale globale s’ils considèrent que la mise en œuvre d’un tel principe de neutralité fiscale pourrait contribuer à la restructuration et à la modernisation de leurs systèmes fiscaux en favorisant les comportements allant dans le sens d’une plus grande protection de l’environnement et en encourageant une utilisation accrue du facteur travail. »

4        L’article 1er de la directive 2003/96 prévoit :

« Les États membres taxent les produits énergétiques et l’électricité conformément à la présente directive. »

5        Aux termes de l’article 4 de cette directive :

« 1.      Les niveaux de taxation que les États membres appliquent aux produits énergétiques et à l’électricité visés à l’article 2 ne peuvent être inférieurs aux niveaux minima prévus par la présente directive.

2.      Aux fins de la présente directive, on entend par “niveau de taxation” le montant total d’impôts indirects (à l’exception de la TVA) perçu, calculé directement ou indirectement sur la quantité de produits énergétiques et d’électricité au moment de la mise à la consommation. »

6        L’article 8, paragraphe 2, de ladite directive dispose :

« Le présent article est applicable aux utilisations industrielles et commerciales suivantes :

[...]

b)      les moteurs stationnaires ;

c)      les installations et les machines utilisées dans la construction, le génie civil et les travaux publics ;

[...] »

7        L’article 11 de la même directive est libellé comme suit :

« 1.      Dans la présente directive, “consommation professionnelle” désigne la consommation d’une entreprise, au sens du paragraphe 2, qui assure d’une manière indépendante, en tout lieu, la fourniture de biens et de services, quels que soient la finalité ou les résultats de telles activités économiques.

Les activités économiques comprennent toutes les activités de producteur, de commerçant et de prestataire de services, y compris les activités extractives et agricoles ainsi que les professions libérales.

[...]

2.      Aux fins de la présente directive, on ne peut entendre par “entreprise” une entité d’une taille inférieure à celle d’une division d’une entreprise ou d’une entité juridique qui, du point de vue de l’organisation, constitue une exploitation indépendante, c’est-à-dire une entité capable de fonctionner par ses propres moyens.

[...]

4.      Les États membres peuvent limiter le champ d’application du niveau réduit de taxation à la consommation professionnelle. »

8        L’article 17, paragraphe 1, de la directive 2003/96 prévoit :

« Pour autant que les niveaux minima communautaires de taxation prévus par la présente directive soient respectés en moyenne pour chaque entreprise, les États membres pourront appliquer des réductions fiscales sur la consommation de produits énergétiques utilisés pour le chauffage ou pour les besoins prévus à l’article 8, paragraphe 2, points b) et c), et d’électricité dans les cas suivants :

a)      en faveur des entreprises grandes consommatrices d’énergie.

On entend par “entreprise grande consommatrice d’énergie”, une entreprise, telle que définie à l’article 11, dont les achats de produits énergétiques et d’électricité atteignent au moins 3 % de la valeur de la production ou pour laquelle le montant total des taxes énergétiques nationales dues est d’au moins 0,5 % de la valeur ajoutée. Dans le cadre de cette définition, les États membres peuvent appliquer des critères plus restrictifs, tels que des définitions du chiffre d’affaires, du procédé et du secteur industriel.

[...] »

9        L’article 26, paragraphes 1 et 2, de cette directive énonce :

« 1.      Les États membres informent la Commission des mesures qu’ils prennent au titre de l’article 5, de l’article 14, paragraphe 2, et des articles 15 et 17.

2.      Des mesures telles que les exonérations, réductions, différenciations ou remboursements de taxe, prévues par la présente directive, pourraient constituer des aides d’État et doivent, dans ces cas, être notifiées à la Commission en application de l’article 88, paragraphe 3, du traité.

L’information communiquée à la Commission conformément à la présente directive ne dispense pas les États membres de l’obligation de notification prévue par l’article 88, paragraphe 3, du traité. »

10      L’article 1er, paragraphes 1 et 2, de la directive 2008/118/CE du Conseil, du 16 décembre 2008, relative au régime général d’accise et abrogeant la directive 92/12/CEE (JO 2009, L 9, p. 12), dispose :

« 1.      La présente directive établit le régime général des droits d’accise frappant directement ou indirectement la consommation des produits suivants, ci-après dénommés “produits soumis à accise” :

a)      les produits énergétiques et l’électricité relevant de la directive 2003/96/CE ;

[...]

2.      Les États membres peuvent, à des fins spécifiques, prélever des taxes indirectes supplémentaires sur les produits soumis à accise, à condition que ces impositions respectent les règles de taxation communautaires applicables à l’accise ou à la taxe sur la valeur ajoutée pour la détermination de la base d’imposition, le calcul, l’exigibilité et le contrôle de l’impôt, ces règles n’incluant pas les dispositions relatives aux exonérations. »

 Le droit italien

11      Le decreto legislativo n. 26 (décret législatif n° 26), du 2 février 2007 (supplément ordinaire à la GURI n° 68, du 22 mars 2007), a transposé la directive 2003/96 dans le droit interne.

12      Le decreto-legge n. 83 (décret-loi n° 83), du 22 juin 2012 (supplément ordinaire à la GURI n° 147, du 26 juin 2012), converti, avec modifications, en loi (ci‑après le « décret-loi n° 83/2012 »), prévoit des mesures urgentes pour la croissance du pays.

13      L’article 39 du décret-loi n° 83/2012, intitulé « Critères de révision du système des accises sur l’électricité et sur les produits énergétiques et des coûts généraux du système électrique pour les entreprises grandes consommatrices d’énergie – Régimes tarifaires spéciaux pour les grands consommateurs industriels d’énergie électrique », dispose, à ses paragraphes 1 à 3 :

« 1.      Le ministre de l’Économie et des Finances, en concertation avec le ministre du Développement économique, adopte, au plus tard le 31 décembre 2012, un ou plusieurs décrets définissant, en application de l’article 17 de la directive 2003/96 [...], les entreprises grandes consommatrices d’énergie, sur la base de conditions et de critères tenant à des niveaux minimaux de consommation et à l’incidence du coût de l’énergie sur la valeur de l’activité de l’entreprise.

2.      Les décrets visés au paragraphe 1 sont destinés à déterminer ensuite un système simplifié et équitable de taux d’accises sur l’électricité et sur les produits énergétiques employés comme combustibles, dans le respect des conditions prévues par la directive 2003/96 [...] ; ce système doit assurer le maintien des recettes fiscales [...]

3.      Dans les 60 jours de l’adoption des décrets visés au paragraphe 1, l’Autorité pour l’énergie électrique et le gaz fixe les nouveaux montants qui sont dus pour couvrir les coûts généraux du système électrique et leurs critères de répartition à la charge des consommateurs finaux, de manière à tenir compte de la définition d’entreprise grande consommatrice d’énergie contenue dans les décrets visés au paragraphe 1 et dans le respect des conditions visées au paragraphe 2, selon les lignes directrices établies par le ministre du Développement économique [...] »

14      Le decreto ministeriale – Definizione delle imprese a forte consumo di energia (décret ministériel – Définition des entreprises grandes consommatrices d’énergie), du 5 avril 2013 (GURI n° 91, du 18 avril 2013), a été adopté pour l’exécution de l’article 39 du décret-loi n° 83/2012.

15      L’article 3 de ce décret ministériel prévoit que la redéfinition des coûts généraux du système électrique est destinée à instaurer un système d’avantages en faveur des entreprises grandes consommatrices d’énergie à la suite de l’établissement des lignes directrices ministérielles visées à l’article 39, paragraphe 3, du décret-loi n° 83/2012. Le paragraphe 2 dudit article 3 énonce que « les coûts généraux du système électrique sont redéfinis de manière à être décroissants en fonction des consommations d’électricité [...], le cas échéant aussi par référence aux secteurs d’activité désignés par les codes ATECO [système national de classification des activités économiques] ».

16      Les lignes directrices du ministre du Développement économique du 24 juillet 2013 ont été adoptées pour l’exécution de l’article 39, paragraphe 3, du décret-loi n° 83/2012 et de l’article 3 dudit décret ministériel. Elles ont notamment chargé l’Autorité pour l’énergie électrique et le gaz (devenue l’Autorité pour l’énergie électrique, le gaz et le système hydrique) de redéfinir les montants destinés à couvrir les coûts généraux du système électrique, en limitant l’octroi des avantages visés audit article 3 aux seules entreprises énergivores (grandes consommatrices d’électricité) du secteur manufacturier.

17      Ces lignes directrices ont été mises en œuvre par trois décisions de l’Autorité pour l’énergie électrique et le gaz, adoptées au mois d’octobre 2013, qui ont effectivement limité le bénéfice de ces avantages aux seules entreprises du secteur manufacturier.

 Le litige au principal et les questions préjudicielles

18      La Fondation est un institut d’hospitalisation et de soins à caractère scientifique qui est actif, notamment, dans le secteur de la fourniture de services de santé. Selon la juridiction de renvoi, elle peut être qualifiée d’« entreprise », au sens de l’article 11 de la directive 2003/96.

19      Au cours de l’année 2014, la Fondation a saisi le Tribunale amministrativo regionale della Lombardia (tribunal administratif régional de Lombardie, Italie) pour demander l’annulation des actes par lesquels les autorités compétentes lui ont refusé le bénéfice du régime d’avantages sur les montants dus pour couvrir les coûts généraux du système électrique. Cette juridiction a jugé irrecevable le recours de la Fondation pour des raisons tenant à la date d’introduction de celui-ci.

20      Saisi en appel, le Consiglio di Stato (Conseil d’État, Italie) a considéré que le recours de la Fondation était recevable. Par conséquent, il a examiné l’affaire au fond, laquelle soulève des questions relatives, notamment, au droit de l’Union.

21      La juridiction de renvoi s’estimant en mesure de résoudre les questions relatives aux articles 107 et 108 TFUE que pose le litige au principal, sans interroger la Cour, sa demande de décision préjudicielle porte, en particulier, sur l’interprétation de l’article 17, paragraphe 1, la directive 2003/96.

22      La juridiction de renvoi se demande si les avantages liés aux coûts généraux du système électrique relèvent du champ d’application de cet article 17, paragraphe 1, qui concerne des réductions fiscales. À cet égard, elle explique que lesdits coûts sont destinés à financer des objectifs d’intérêt général, tels que la promotion des sources d’énergie renouvelables (composante A3) et de l’efficacité énergétique (composante UC7), les coûts de la sûreté nucléaire et les compensations territoriales (composantes A2 et MCT), les régimes tarifaires spéciaux pour la Société nationale des chemins de fer (composante A4), les compensations destinées aux petites entreprises du secteur de l’électricité (composante UC4), le soutien à la recherche appliquée au secteur d’électricité (composante A5) ainsi que la couverture du « bonus électricité » (composante As) et des avantages accordés aux entreprises grandes consommatrices d’électricité (composante Ae). Selon ladite juridiction, les coûts généraux du système électrique sont mis à la charge des consommateurs d’électricité et répartis entre ceux-ci, y compris les entreprises, par leur inscription sur les factures d’électricité.

23      Dans la mesure où les avantages liés aux coûts généraux du système électrique doivent être considérés comme des réductions fiscales, la juridiction de renvoi demande si l’article 17, paragraphe 1, de la directive 2003/96 permet aux États membres, qui introduisent de telles réductions au titre de cette disposition, de les accorder uniquement à certaines entreprises énergivores opérant dans des secteurs désignés par les autorités nationales, afin de poursuivre des objectifs d’intérêt général.

24      Dans ces conditions, le Consiglio di Stato (Conseil d’État) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1)      Le champ d’application de la directive [2003/96] couvre-t-il effectivement une législation nationale (telle celle qui est en cause au principal) qui, d’une part, donne des “entreprises grandes consommatrices d’énergie” une définition compatible avec celle de cette directive et, d’autre part, accorde à ce type d’entreprises des avantages sur les montants dus pour couvrir les coûts généraux du système électrique (et non des avantages en matière de taxation des produits énergétiques et de l’électricité en tant que telle) ?

2)      Le droit [de l’Union] et, en particulier, les articles 11 et 17 de la directive [2003/96] s’opposent-ils à un régime réglementaire et administratif (tel celui qui est en vigueur dans le droit italien et est décrit dans la présente ordonnance) qui, d’une part, introduit un système d’avantages sur la consommation de produits énergétiques (l’électricité) des entreprises “grandes consommatrices d’énergie”, au sens de l’article 17 précité, et, d’autre part, limite le bénéfice de ces avantages aux seules entreprises “énergivores” du secteur manufacturier, fermant cette possibilité aux entreprises qui opèrent dans d’autres secteurs productifs ? »

 Sur les questions préjudicielles

 Sur la première question

25      Par sa première question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 17, paragraphe 1, de la directive 2003/96 doit être interprété en ce sens que relèvent de la notion de « réductions fiscales » les avantages accordés, par le droit national, aux entreprises grandes consommatrices d’énergie, telles que définies à cette disposition, sur des montants, tels que ceux en cause dans le litige au principal, dus pour couvrir les coûts généraux du système électrique.

26      La réponse à cette question dépend du point de savoir si les montants dus pour couvrir les coûts généraux du système électrique revêtent un caractère fiscal et, plus particulièrement, constituent des impôts indirects, visés à l’article 4, paragraphe 2, de la directive 2003/96.

27      En effet, d’une part, l’article 17, paragraphe 1, de cette directive subordonne l’application de réductions fiscales sur la consommation de produits énergétiques et d’électricité au respect des niveaux minima communautaires de taxation prévus par ladite directive. D’autre part, l’article 4, paragraphe 2, de la directive 2003/96 définit la notion de « niveau de taxation », aux fins de cette directive, comme étant le montant total d’impôts indirects perçu.

28      Le gouvernement italien considère que les montants dus pour couvrir les coûts généraux du système électrique sont de nature non pas fiscale, mais tarifaire, dès lors qu’ils sont couverts au travers des composantes du tarif de l’électricité.

29      Toutefois, il y a lieu de rappeler que la qualification d’une imposition, d’une taxe, d’un droit ou d’un prélèvement au regard du droit de l’Union incombe à la Cour en fonction des caractéristiques objectives de l’imposition, indépendamment de la qualification qui lui est donnée dans le droit national (voir arrêts du 12 décembre 2006, Test Claimants in the FII Group Litigation, C‑446/04, EU:C:2006:774, point 107, ainsi que du 24 juin 2010, P. Ferrero e C. et General Beverage Europe, C‑338/08 et C‑339/08, EU:C:2010:364, point 25).

30      Il convient, dès lors, d’examiner les caractéristiques objectives des montants dus pour couvrir les coûts généraux du système électrique.

31      En premier lieu, il importe de relever que, ainsi qu’il ressort de la décision de renvoi, les montants dus pour couvrir les coûts généraux du système électrique sont prévus par le droit italien et, notamment, à l’article 39, paragraphe 3, du décret-loi n° 83/2012.

32      En outre, aux fins de la qualification des montants dus pour couvrir les coûts généraux du système électrique d’impôt, il importe qu’il existe une obligation de payer ces montants et que, en cas de non-respect de cette obligation, le redevable soit poursuivi par les autorités compétentes, étant entendu que, dans le cas d’un impôt indirect, la personne qui est juridiquement redevable de ces paiements n’est pas nécessairement le consommateur final sur lequel lesdits montants ont été répercutés (voir par analogie, en ce qui concerne la TVA, arrêt du 14 janvier 2016, Commission/Belgique, C‑163/14, EU:C:2016:4, point 44).

33      Tel semble être le cas des montants dus pour couvrir les coûts généraux du système électrique. En effet, il apparaît, à la lumière des observations du gouvernement italien, que les entités utilisant les services du réseau électrique ont une obligation juridique de verser ces montants à la Caisse de péréquation pour le secteur de l’électricité. Il appartient toutefois à la juridiction de renvoi de confirmer l’existence d’une telle obligation ainsi que celle du contrôle du respect de cette dernière par les autorités compétentes.

34      En deuxième lieu, ainsi qu’il ressort également de la décision de renvoi, les montants dus pour couvrir les coûts généraux du système électrique sont destinés à financer non pas nécessairement les coûts de production et de distribution de l’électricité, mais des objectifs d’intérêt général, selon les critères de répartition fixés par les autorités publiques, sur la base des lignes directrices du ministre du Développement économique du 24 juillet 2013 et des décisions de l’Autorité pour l’énergie et le gaz adoptées au mois d’octobre 2013, dans le cadre du système électrique national. Parmi ces objectifs figurent la promotion des sources d’énergie renouvelables et de l’efficacité énergétique, la sûreté nucléaire et les compensations territoriales, les régimes tarifaires spéciaux pour la Société nationale des chemins de fer, les compensations destinées aux petites entreprises du secteur de l’électricité, le soutien à la recherche appliquée au secteur de l’électricité ainsi que la couverture du « bonus électricité » et des avantages accordés aux entreprises grandes consommatrices d’électricité.

35      Dans ce contexte, il y a lieu de relever que le fait que les montants dus pour couvrir les coûts généraux du système électrique ne sont pas destinés au budget général national, mais, ainsi que le mentionne le gouvernement italien, sont versés sur les comptes de gestion de la Caisse de péréquation pour le secteur de l’électricité, afin d’être affectés à certaines catégories d’opérateurs pour des usages particuliers, ne saurait en soi exclure qu’ils relèvent du domaine de la fiscalité (voir, par analogie, arrêt du 15 avril 2010, CIBA, C‑96/08, EU:C:2010:185, point 23).

36      En troisième lieu, en ce qui concerne, plus particulièrement, des impôts indirects, il y a lieu de relever que de tels droits sont typiquement répercutés sur le consommateur final du bien ou du service fourni par son inclusion dans le montant figurant sur la facture adressée à celui-ci (voir, en ce sens, arrêt du 14 janvier 2016, Commission/Belgique, C‑163/14, EU:C:2016:4, point 39).

37      À cet égard, la juridiction de renvoi relève que les coûts généraux du système électrique sont mis à la charge des consommateurs d’électricité et répartis entre ceux-ci, y compris des entreprises, par leur inscription sur les factures d’électricité. Cela est confirmé à l’article 39, paragraphe 3, du décret-loi n° 83/2012, en vertu duquel les montants dus pour couvrir ces coûts sont répercutés sur les consommateurs finals.

38      En outre, il apparaît que lesdits montants sont liés à l’électricité consommée, puisque, en vertu de l’article 3, paragraphe 2, du décret ministériel du 5 avril 2013, les coûts généraux du système électrique sont décroissants, en fonction des consommations d’électricité.

39      Pour ces raisons, les montants dus pour couvrir lesdits coûts ne sauraient être comparés à la taxe en cause dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 4 juin 2015, Kernkraftwerke Lippe-Ems (C‑5/14, EU:C:2015:354), dans lequel la Cour a estimé que cette taxe ne pouvait être considérée comme étant calculée directement ou indirectement sur la quantité d’électricité au moment de la mise à la consommation de ce produit, au sens de l’article 4, paragraphe 2, de la directive 2003/96. En effet, la Cour a fondé cette conclusion sur les constatations figurant aux points 62 et 63 de cet arrêt, selon lesquelles ladite taxe était notamment calculée sur la quantité de combustible nucléaire utilisée aux fins de la production d’électricité et que cette quantité ne conditionnait pas directement la quantité d’électricité produite, si bien que cette même taxe pourrait être perçue sans même qu’une quantité d’électricité soit nécessairement produite et, par conséquent, consommée.

40      Au vu des considérations qui précèdent et sous réserve de vérification, par la juridiction de renvoi, des éléments de fait et des règles du droit national sur lesquels celles-ci reposent, il y a lieu de constater que les montants dus pour couvrir les coûts généraux du système électrique constituent des impôts indirects, au sens de l’article 4, paragraphe 2, de la directive 2003/96.

41      Par ailleurs, ainsi que la Commission l’a relevé dans ses observations écrites, dans la mesure où les montants dus pour couvrir les coûts généraux du système électrique constituent des impôts indirects, les conditions imposées par le droit de l’Union en ce qui concerne les produits, tels que l’électricité, qui, ainsi qu’il résulte de l’article 1er, paragraphe 1, de la directive 2008/118, sont soumis au régime général des droits d’accise établi par celle-ci, doivent être respectées.

42      Plus particulièrement, l’électricité peut, conformément à l’article 1er, paragraphe 2, de cette directive, faire l’objet d’une imposition indirecte autre que l’accise instituée par ladite directive si, d’une part, cette imposition poursuit une ou plusieurs finalités spécifiques et si, d’autre part, elle respecte les règles de taxation applicables pour les besoins des accises ou de la TVA pour la détermination de la base d’imposition, le calcul, l’exigibilité et le contrôle de l’impôt, ces règles n’incluant pas les dispositions relatives aux exonérations.

43      Il incombe à la juridiction de renvoi de vérifier si les montants dus pour couvrir les coûts généraux du système électrique satisfont à ces conditions.

44      Au vu des considérations qui précèdent, il convient de répondre à la première question que l’article 17, paragraphe 1, de la directive 2003/96 doit être interprété en ce sens que relèvent de la notion de « réductions fiscales » les avantages accordés, par le droit national, aux entreprises grandes consommatrices d’énergie, telles que définies à cette disposition, sur des montants, tels que ceux en cause dans le litige au principal, dus pour couvrir les coûts généraux du système électrique, sous réserve de vérification, par la juridiction de renvoi, des éléments de fait et des règles du droit national sur lesquels cette réponse de la Cour repose.

 Sur la seconde question

45      Par sa seconde question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 17, paragraphe 1, de la directive 2003/96 doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une réglementation nationale qui prévoit des réductions fiscales sur la consommation d’électricité, en faveur des entreprises grandes consommatrices d’énergie, au sens de cette disposition, du seul secteur manufacturier.

46      À cet égard, il ressort de la décision de renvoi que, en vertu de la réglementation nationale en cause au principal, des entreprises dites « énergivores » du seul secteur manufacturier bénéficient des avantages relatifs aux montants dus pour couvrir les coûts généraux du système électrique.

47      Conformément à l’article 17, paragraphe 1, sous a), de la directive 2003/96, les États membres peuvent appliquer des réductions fiscales sur la consommation d’électricité en faveur des entreprises grandes consommatrices d’énergie pour autant que les niveaux de taxation minima de l’Union prévus par cette directive sont respectés en moyenne pour chaque entreprise.

48      Cette disposition définit également la notion d’« entreprise grande consommatrice d’énergie » et précise, dans le cadre de cette définition, que les États membres peuvent appliquer des critères plus restrictifs, tels que des définitions du chiffre d’affaires, du procédé et du secteur industriel.

49      Il en découle que, aux fins de ladite disposition, les États membres restent libres de limiter le bénéfice de réductions fiscales en faveur des entreprises grandes consommatrices d’énergie à celles d’un ou de plusieurs secteurs industriels. Par conséquent, cette même disposition ne s’oppose pas à une réglementation nationale, telle que celle en cause au principal, qui accorde des avantages relatifs aux montants dus pour couvrir les coûts généraux du système électrique au seul secteur manufacturier.

50      Cette interprétation est corroborée par l’examen des objectifs visés par la directive 2003/96. En effet, il ressort des considérants 9 et 11 de cette directive que celle-ci vise à laisser aux États membres une certaine marge pour définir et mettre en œuvre des politiques adaptées aux contextes nationaux et que les régimes instaurés dans le cadre de la mise en œuvre de ladite directive relèvent de la compétence de chacun des États membres.

51      Toutefois, il convient de souligner que le fait qu’une réglementation nationale, telle que celle en cause au principal, qui limite le bénéfice d’une réduction fiscale à un secteur industriel, ne soit pas contraire à l’article 17, paragraphe 1, de la directive 2003/96 est, ainsi qu’il découle de l’article 26, paragraphe 2, de cette directive, sans préjudice de la question de savoir si cette réglementation constitue une aide d’État. Cependant, ainsi que la juridiction de renvoi l’a explicitement indiqué, cette question ne fait pas l’objet du présent renvoi préjudiciel.

52      Eu égard aux considérations qui précèdent, il y a lieu de répondre à la seconde question que l’article 17, paragraphe 1, de la directive 2003/96 doit être interprété en ce sens qu’il ne s’oppose pas à une réglementation nationale qui prévoit des réductions fiscales sur la consommation d’électricité, en faveur des entreprises grandes consommatrices d’énergie, au sens de cette disposition, du seul secteur manufacturier.

 Sur les dépens

53      La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (neuvième chambre) dit pour droit :

1)      L’article 17, paragraphe 1, de la directive 2003/96/CE du Conseil, du 27 octobre 2003, restructurant le cadre communautaire de taxation des produits énergétiques et de l’électricité, doit être interprété en ce sens que relèvent de la notion de « réductions fiscales » les avantages accordés, par le droit national, aux entreprises grandes consommatrices d’énergie, telles que définies à cette disposition, sur des montants, tels que ceux en cause dans le litige au principal, dus pour couvrir les coûts généraux du système électrique italien, sous réserve de vérification, par la juridiction de renvoi, des éléments de fait et des règles du droit national sur lesquels cette réponse de la Cour repose.

2)      L’article 17, paragraphe 1, de la directive 2003/96 doit être interprété en ce sens qu’il ne s’oppose pas à une réglementation nationale qui prévoit des réductions fiscales sur la consommation d’électricité, en faveur des entreprises grandes consommatrices d’énergie, au sens de cette disposition, du seul secteur manufacturier.

Signatures


* Langue de procédure : l’italien.