Language of document : ECLI:EU:C:2017:598

ARRÊT DE LA COUR (sixième chambre)

26 juillet 2017 (*)

« Pourvoi – Concurrence – Articles 101 et 102 TFUE – Règlement (CE) no 1/2003 – Article 30 – Décision de la Commission européenne constatant une entente illégale sur le marché européen du verre automobile – Publication d’une version non confidentielle de cette décision – Rejet d’une demande de traitement confidentiel de certaines informations – Mandat du conseiller-auditeur – Décision 2011/695/UE – Article 8 – Confidentialité – Informations provenant d’une demande de clémence – Rejet partiel de la demande de traitement confidentiel – Confiance légitime – Égalité de traitement »

Dans l’affaire C‑517/15 P,

ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduit le 25 septembre 2015,

AGC Glass Europe, établie à Bruxelles (Belgique),

AGC Automotive Europe, établie à Fleurus (Belgique),

AGC France, établie à Boussois (France),

AGC Flat Glass Italia Srl, établie à Cuneo (Italie),

AGC Glass UK Ltd, établie à Northhampton (Royaume-Uni),

AGC Glass Germany GmbH, établie à Wegberg (Allemagne),

représentées par Mes L. Garzaniti, F. Hoseinian, et A. Burckett St Laurent, avocats,

parties requérantes,

l’autre partie à la procédure étant :

Commission européenne, représentée par MM. G. Meessen et P. Van Nuffel ainsi que par Mme F. van Schaik, en qualité d’agents, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie défenderesse en première instance,

LA COUR (sixième chambre),

composée de M. E. Regan (rapporteur), président de chambre, MM. A. Arabadjiev et C.G. Fernlund, juges,

avocat général : M. M. Szpunar,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1        Par leur pourvoi, AGC Glass Europe SA, AGC Automotive Europe SA, AGC France SAS, AGC Flat Glass Italia Srl, AGC Glass UK Ltd et AGC Glass Germany GmbH demandent l’annulation de l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 15 juillet 2015, AGC Glass Europe e.a./Commission (T‑465/12, ci‑après l’« arrêt attaqué », EU:T:2015:505), par lequel celui-ci a rejeté leur recours tendant à l’annulation de la décision C (2012) 5719 final de la Commission, du 6 août 2012, portant rejet d’une demande de traitement confidentiel introduite par les requérantes (ci‑après la « décision litigieuse »), prise en application de l’article 8 de la décision 2011/695/UE du président de la Commission européenne, du 13 octobre 2011, relative à la fonction et au mandat du conseiller‑auditeur dans certaines procédures de concurrence (JO 2011, L 275, p. 29).

 Le cadre juridique

 Le règlement (CE) no 1/2003

2        Aux termes de l’article 28 du règlement (CE) no 1/2003 du Conseil, du 16 décembre 2002, relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux articles [101] et [102 TFUE] (JO 2003, L 1, p. 1), intitulé « Secret Professionnel » :

« 1.      Sans préjudice des articles 12 et 15, les informations recueillies en application des articles 17 à 22 ne peuvent être utilisées qu’aux fins auxquelles elles ont été recueillies.

2.      Sans préjudice de l’échange et de l’utilisation des informations prévus aux articles 11, 12, 14, 15 et 27, la Commission et les autorités de concurrence des États membres, leurs fonctionnaires, agents et les autres personnes travaillant sous la supervision de ces autorités, ainsi que les agents et fonctionnaires d’autres autorités des États membres sont tenus de ne pas divulguer les informations qu’ils ont recueillies ou échangées en application du présent règlement et qui, par leur nature, sont couvertes par le secret professionnel. Cette obligation s’applique également à tous les représentants et experts des États membres assistant aux réunions du comité consultatif en application de l’article 14. »

3        L’article 30 dudit règlement, intitulé « Publication des décisions », dispose :

« 1.      La Commission publie les décisions qu’elle prend en vertu des articles 7 à 10 et des articles 23 et 24.

2.      La publication mentionne le nom des parties intéressées et l’essentiel de la décision, y compris les sanctions imposées. Elle doit tenir compte de l’intérêt légitime des entreprises à ce que leurs secrets d’affaires ne soient pas divulgués. »

 La décision 2011/695

4        Aux termes du considérant 8 de la décision 2011/695 :

« Il convient que le conseiller-auditeur agisse en tant qu’arbitre indépendant qui cherche à résoudre les problèmes entravant l’exercice effectif des droits procéduraux des parties concernées, [...] lorsque ces problèmes n’ont pu être résolus au moyen de contacts préalables avec les services de la Commission chargés de mener les procédures de concurrence, lesquels sont tenus de respecter ces droits procéduraux. »

5        Le considérant 9 de cette décision énonce que « [l]e mandat du conseiller-auditeur dans les procédures de concurrence doit être défini de manière à garantir un exercice effectif des droits procéduraux tout au long de la procédure devant la Commission fondée sur les articles 101 et 102 [TFUE] [...], et notamment le droit d’être entendu ».

6        Selon l’article 1er, paragraphe 1, de la décision 2011/695, les compétences et les fonctions des conseillers-auditeurs désignés dans les procédures de concurrence sont définies par cette décision.

7        L’article 1er, paragraphe 2, de ladite décision définit le rôle de ce conseiller-auditeur comme consistant à garantir « l’exercice effectif des droits procéduraux tout au long des procédures de concurrence devant la Commission aux fins de l’application des articles 101 et 102 [TFUE] ».

8        L’article 8 de cette même décision, qui figure au chapitre 4 de celle-ci, ce chapitre étant intitulé « Accès au dossier, confidentialité et secrets d’affaires », prévoit :

« 1.      Lorsque la Commission envisage de divulguer des informations susceptibles de constituer un secret d’affaires ou d’autres informations confidentielles d’une entreprise ou d’une personne, cette entreprise ou cette personne est informée par écrit de cette intention, ainsi que de sa motivation, par la direction générale de la concurrence. Un délai est imparti à l’entreprise ou à la personne concernée pour présenter par écrit d’éventuelles observations.

2.      Lorsque l’entreprise ou la personne concernée s’oppose à la divulgation de l’information, elle peut en référer au conseiller-auditeur. Si le conseiller-auditeur estime que l’information en question peut être divulguée, parce qu’elle ne constitue pas un secret d’affaires ou une autre information confidentielle ou que sa divulgation présente un intérêt majeur, cette constatation est exposée dans une décision motivée qui est notifiée à l’entreprise ou à la personne concernée. La décision précise le délai à l’expiration duquel l’information sera divulguée. Ce délai ne peut être inférieur à une semaine à compter de la date de la notification.

3.      Les paragraphes 1 et 2 s’appliquent mutatis mutandis à la divulgation d’informations par leur publication au Journal officiel de l’Union européenne.

[...] »

 Le règlement (CE) no 1049/2001

9        L’article 4, paragraphes 2, 3 et 7, du règlement (CE) no 1049/2001 du Parlement européen et du Conseil, du 30 mai 2001, relatif à l’accès du public aux documents du Parlement européen, du Conseil et de la Commission (JO 2001, L 145, p. 43), prévoit :

« 2.      Les institutions refusent l’accès à un document dans le cas où sa divulgation porterait atteinte à la protection :

–        des intérêts commerciaux d’une personne physique ou morale déterminée, y compris en ce qui concerne la propriété intellectuelle,

–        des procédures juridictionnelles et des avis juridiques,

–        des objectifs des activités d’inspection, d’enquête et d’audit,

à moins qu’un intérêt public supérieur ne justifie la divulgation du document visé. 

3.      L’accès à un document établi par une institution pour son usage interne ou reçu par une institution et qui a trait à une question sur laquelle celle-ci n’a pas encore pris de décision est refusé dans le cas où sa divulgation porterait gravement atteinte au processus décisionnel de cette institution, à moins qu’un intérêt public supérieur ne justifie la divulgation du document visé.

L’accès à un document contenant des avis destinés à l’utilisation interne dans le cadre de délibérations et de consultations préliminaires au sein de l’institution concernée est refusé même après que la décision a été prise, dans le cas où la divulgation du document porterait gravement atteinte au processus décisionnel de l’institution, à moins qu’un intérêt public supérieur ne justifie la divulgation du document visé.

[...]

7.      Les exceptions visées aux paragraphes 1, 2 et 3 s’appliquent uniquement au cours de la période durant laquelle la protection se justifie eu égard au contenu du document. Les exceptions peuvent s’appliquer pendant une période maximale de trente ans. Dans le cas de documents relevant des exceptions concernant la vie privée ou les intérêts commerciaux et de documents sensibles, les exceptions peuvent, si nécessaire, continuer de s’appliquer au-delà de cette période. »

 La communication de la Commission de 2002 sur l’immunité d’amendes et la réduction de leur montant dans les affaires portant sur des ententes

10      Le point 4 de la communication de la Commission sur l’immunité d’amendes et la réduction de leur montant dans les affaires portant sur des ententes (JO 2002, C 45, p. 3, ci‑après la « communication sur la clémence de 2002 ») dispose :

« La Commission estime qu’il est de l’intérêt de [l’Union européenne] de faire bénéficier d’un traitement favorable les entreprises qui coopèrent avec elle. Le bénéfice que tirent les consommateurs et les citoyens de l’assurance de voir les ententes secrètes révélées et interdites est plus important que l’intérêt qu’il peut y avoir à sanctionner pécuniairement des entreprises qui lui permettent de découvrir et de sanctionner de telles pratiques. »

11      Le point 6 de cette communication énonce :

« La Commission considère que la collaboration d’une entreprise à la découverte d’une entente a une valeur intrinsèque. Une contribution déterminante à l’ouverture d’une enquête peut justifier l’octroi d’une immunité d’amendes à l’entreprise en question, sous réserve que certaines conditions supplémentaires soient réunies. »

12      Aux termes du point 21 de la communication sur la clémence de 2002 :

« Afin de pouvoir prétendre à une telle réduction, une entreprise doit fournir à la Commission des éléments de preuve de l’infraction présumée qui apportent une valeur ajoutée significative par rapport aux éléments de preuve déjà en possession de la Commission, et doit mettre fin à sa participation à l’activité illégale présumée au plus tard au moment où elle fournit ces éléments de preuve. »

13      Le point 29 de cette communication est libellé comme suit :

« La Commission est consciente du fait que la présente communication crée des attentes légitimes sur lesquelles se fonderont les entreprises souhaitant l’informer de l’existence d’une entente. »

14      Les points 31 à 33 de ladite communication énoncent :

« 31.            Conformément à la pratique de la Commission, le fait qu’une entreprise a coopéré avec elle pendant la procédure administrative sera indiqué dans toute décision, afin d’expliquer la raison de l’immunité d’amende ou la réduction de son montant. Le fait qu’une entreprise bénéficie d’une immunité d’amende ou d’une réduction de son montant ne la protège pas des conséquences en droit civil de sa participation à une infraction à l’article [101 TFUE].

32.      La Commission considère d’une manière générale que la divulgation, à un moment quelconque, de documents reçus conformément à la présente communication porterait atteinte à la protection des objectifs des activités d’inspection et d’enquête au sens de l’article 4, paragraphe 2, du règlement [no 1049/2001]. 

33.      Toute déclaration écrite faite à la Commission en rapport avec la présente communication fait partie intégrante de son dossier. Elle ne peut être divulguée ou utilisée à d’autres fins que l’application de l’article [101 TFUE]. »

 La communication de la Commission de 2006 sur l’immunité d’amendes et la réduction de leur montant dans les affaires portant sur des ententes

15      Le point 40 de la communication de la Commission sur l’immunité d’amendes et la réduction de leur montant dans les affaires portant sur des ententes (JO 2006, C 298, p. 17, ci-après la « communication sur la clémence de 2006 ») prévoit :

« La Commission considère d’une manière générale que la divulgation publique de documents et de déclarations écrites ou enregistrées reçus conformément à la présente communication porterait atteinte à certains intérêts publics ou privés, par exemple la protection des objectifs des activités d’inspection et d’enquête, au sens de l’article 4 du règlement [no 1049/2001], même après l’adoption de la décision. »

 Les antécédents du litige et la décision litigieuse

16      Les antécédents et les éléments essentiels de la décision litigieuse, tels qu’ils ressortent des points 1 à 15 de l’arrêt attaqué, peuvent se résumer comme suit.

17      Le 12 novembre 2008, la Commission des Communautés européennes a adopté la décision C (2008) 6815 final, relative à une procédure d’application de l’article 81 [CE] et de l’article 53 de l’accord EEE à l’encontre de plusieurs fabricants de verre automobile, dont les requérantes (affaire COMP/39.125 – Verre automobile) (ci-après la « décision verre automobile »).

18      Dans cette décision, la Commission a, notamment, constaté que les destinataires de celle-ci avaient enfreint l’article 81 CE et l’article 53 de l’accord sur l’Espace économique européen, du 2 mai 1992 (JO 1994, L 1, p. 3), en participant, au cours de diverses périodes comprises entre les mois de mars 1998 et de mars 2003, à un ensemble d’accords et de pratiques concertés anticoncurrentiels dans le secteur du verre automobile dans l’Espace économique européen (EEE).

19      Par lettre du 25 mars 2009, la direction générale (DG) « Concurrence » de la Commission a informé les requérantes, notamment, de son intention de publier, conformément à l’article 30 du règlement no 1/2003, une version non confidentielle de la décision verre automobile sur son site Internet dans les langues faisant foi en l’espèce, à savoir l’anglais, le français et le néerlandais. En outre, la DG « Concurrence » a invité les requérantes à identifier les éventuelles informations confidentielles ou constituant des secrets d’affaires et à motiver leur appréciation à cet égard.

20      À la suite d’un échange de correspondances avec les requérantes, la DG « Concurrence » a décidé de ne pas donner suite aux demandes de celles-ci visant à occulter des informations contenues dans 246 considérants et 122 notes en bas de page de la décision verre automobile. La DG « Concurrence » a ensuite adopté, au mois de décembre 2011, la version non confidentielle de cette décision à publier sur le site Internet de la Commission.

21      Selon la DG « Concurrence », les informations que les requérantes ont demandé d’occulter peuvent être réparties en trois catégories. La première catégorie contient les noms des clients et la description des produits concernés, ainsi que toute information susceptible d’identifier un client. La deuxième catégorie contient les quantités des pièces fournies, l’attribution des quotas auprès de chaque constructeur automobile, les accords sur les prix, leur calcul et leurs variations ainsi que les chiffres et les pourcentages liés à la répartition des clients entre les membres de l’entente. Enfin, la troisième catégorie contient des informations d’ordre purement administratif consistant au renvoi à des documents du dossier.

22      Conformément à la possibilité prévue par la décision 2011/695, les requérantes ont saisi le conseiller‑auditeur afin que ce dernier exclue de la décision verre automobile les informations des deux premières catégories ainsi que la publication d’un membre de phrase faisant partie du considérant 726 de cette dernière décision. Par lettre du 21 mai 2012, les requérantes ont retiré leur demande en ce qui concerne les informations appartenant à la deuxième catégorie visée au point précédent.

23      Par la décision litigieuse, le conseiller-auditeur a, au nom de la Commission, rejeté les demandes de traitement confidentiel introduites par les requérantes et, par conséquent, autorisé la publication des informations concernées par ces demandes (ci-après les « informations litigieuses »).

24      Le conseiller‑auditeur a, tout d’abord, souligné que la communication sur la clémence de 2002 ne créait pas, à l’égard des requérantes, une confiance légitime empêchant la Commission de procéder à la publication des informations ne relevant pas du secret professionnel. En outre, l’intérêt des requérantes à ce que les détails de leur comportement ne relevant pas dudit secret ne soient pas divulgués ne mériterait aucune protection particulière. Le conseiller-auditeur a également précisé qu’il n’était d’ailleurs pas compétent pour se prononcer sur l’opportunité d’une publication des informations non confidentielles ni sur les attentes issues de la politique générale de la Commission à cet égard.

25      Ensuite, le conseiller‑auditeur a rappelé que la Commission n’est pas liée par sa pratique antérieure relative au « périmètre » de la publication d’une décision telle que la décision verre automobile. Par ailleurs, il a relevé que la publication envisagée par la DG « Concurrence » de la Commission dans sa lettre du 25 mars 2009 n’incluait pas la source des déclarations de clémence ni d’autres documents soumis dans ce cadre, tout en soulignant qu’il n’était pas compétent pour se prononcer sur le « périmètre » de la publication envisagée à l’aune du principe d’égalité de traitement.

26      Le conseiller‑auditeur a aussi considéré que les informations relevant de la première catégorie visée au point 23 du présent arrêt, portant sur les noms des clients et sur la description des produits concernés, revêtaient, par leur nature, un caractère « historique », que compte tenu des spécificités du marché du verre automobile, elles n’étaient pas connues des seules requérantes et qu’elles visaient l’essence même de l’infraction, leur divulgation étant, par ailleurs, dictée par les intérêts des personnes lésées. En outre, dans la mesure où les requérantes avaient avancé des arguments spécifiques visant à établir le caractère confidentiel des informations litigieuses en dépit de leurs caractéristiques générales telles que décrites ci-dessus, le conseiller-auditeur a conclu, au terme d’une analyse tenant compte de trois conditions cumulatives, que les informations de cette première catégorie ne relevaient pas du secret professionnel.

27      Enfin, ledit conseiller-auditeur a accueilli pour partie la demande des requérantes, au motif que l’article 5 du règlement (CE) no 45/2001 du Parlement européen et du Conseil, du 18 décembre 2000, relatif à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel par les institutions et organes communautaires et à la libre circulation de ces données (JO 2001, L 8, p. 1), exigeait le traitement confidentiel d’informations figurant aux considérants 115, 128, 132, 252 et 562 de la décision verre automobile ainsi que dans la note en bas de page 282 de cette décision. Un membre de phrase figurant au considérant 726 de la décision verre automobile a également été considéré comme confidentiel. La demande a été rejetée pour le surplus. 

 La procédure devant le Tribunal et l’arrêt attaqué

28      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 19 octobre 2012, les requérantes ont introduit un recours tendant à l’annulation de la décision litigieuse.

29      À l’appui de leur recours, les requérantes ont avancé six moyens, tirés, premièrement, d’une violation de l’article 8 de la décision 2011/695, deuxièmement, d’une violation des principes de protection de la confiance légitime, troisièmement, d’une violation du principe d’égalité de traitement et de l’obligation de motivation, quatrièmement, d’une violation du principe de bonne administration, cinquièmement, d’une violation des dispositions relatives à l’accès au public aux documents des institutions de l’Union et, sixièmement, d’une violation du principe de protection du secret professionnel.

30      Par l’arrêt attaqué, le Tribunal a rejeté le recours comme étant non fondé.

 Les conclusions des parties au pourvoi

31      Par son pourvoi, les requérantes demandent à la Cour :

–        d’annuler l’arrêt attaqué ;

–        d’annuler la décision litigieuse ou, à titre subsidiaire, de renvoyer l’affaire devant le Tribunal, et

–        de condamner la Commission aux dépens.

32      La Commission demande à la Cour de rejeter le pourvoi dans son intégralité et de condamner les requérantes aux dépens.

 Sur le pourvoi

33      À l’appui de leur pourvoi, les requérantes soulèvent trois moyens, tirés, pour le premier, d’une violation de l’article 8, paragraphes 2 et 3, de la décision 2011/695, pour le deuxième, d’une violation des principes de protection de la confiance légitime et d’égalité de traitement et, pour le troisième, d’une violation de l’obligation de motivation.

 Sur le premier moyen, tiré d’une violation de l’article 8, paragraphes 2 et 3, de la décision 2011/695

 Argumentation des parties

34      Par leur premier moyen, les requérantes reprochent au Tribunal d’avoir commis une erreur de droit au point 59 de l’arrêt attaqué, en jugeant que le conseiller-auditeur n’était pas compétent pour apprécier leurs demandes de confidentialité fondées sur les principes de protection de la confiance légitime et d’égalité de traitement.

35      Contrairement à ce que le Tribunal aurait jugé au point 59 de l’arrêt attaqué, ce dernier ne serait pas en mesure d’exercer un contrôle de la légalité des décisions de nature administrative adoptées par des organes exécutifs de l’Union ou de condamner ces organes à réparer des violations desdits principes si la Commission n’était pas tenue de les respecter.

36      Par ailleurs, à le supposer fondé, le raisonnement du Tribunal signifierait que le droit de l’entreprise à un recours effectif serait limité, puisque c’est le conseiller‑auditeur et non la DG « Concurrence » qui prendrait la décision finale quant à une publication des informations concernées par une demande de traitement confidentiel. Si le rôle du conseiller‑auditeur n’existait pas au sein de la Commission, la position adoptée à cet égard par la DG « Concurrence » serait l’acte final et, par conséquent, c’est ce dernier qui serait attaquable, de sorte que les requérantes l’auraient contesté devant le Tribunal. Or, aucune décision ni réglementation ne permettraient de considérer que la Commission, et, partant, la DG « Concurrence », n’aurait pas à respecter les principes de protection de la confiance légitime et d’égalité de traitement lorsqu’elle adopte des actes qui affectent la situation juridique d’une entreprise. S’il devait être considéré que la décision définitive quant à une telle publication incombe au conseiller‑auditeur, cela déchargerait inopportunément la Commission du respect d’obligations fondamentales lui incombant.

37      Enfin, le Tribunal aurait dénaturé les faits, au point 60 de l’arrêt attaqué, en ce qu’il aurait constaté que le conseiller‑auditeur « a formulé son appréciation relative aux arguments tirés de la violation des principes de protection de la confiance légitime et d’égalité de traitement », tout en soulignant, à au moins trois reprises, que la décision litigieuse met explicitement en évidence que la compétence du conseiller‑auditeur est limitée au contrôle des règles relatives au secret professionnel.

38      La Commission conclut au rejet du premier moyen.

 Appréciation de la Cour

39      Les compétences et les fonctions du conseiller‑auditeur désigné dans les procédures de concurrence sont, selon l’article 1er, paragraphe 1, de la décision 2011/695, définies par cette dernière (arrêt du 14 mars 2017, Evonik Degussa/Commission, C‑162/15 P, EU:C:2017:205, point 39).

40      Aux termes de l’article 1er, paragraphe 2, de ladite décision, tel qu’éclairé par le considérant 9 de cette même décision, le mandat du conseiller‑auditeur doit être défini de manière à garantir un exercice effectif des droits procéduraux tout au long de la procédure devant la Commission, fondée sur les articles 101 et 102 TFUE, et notamment le droit d’être entendu (arrêt du 14 mars 2017, Evonik Degussa/Commission, C‑162/15 P, EU:C:2017:205, point 40).

41      À cet égard, il ressort de l’article 8, paragraphe 1, de la décision 2011/695 que, lorsque la Commission envisage de divulguer des informations susceptibles de constituer un secret d’affaires ou d’autres informations confidentielles d’une entreprise ou d’une personne, cette entreprise ou cette personne est informée par écrit de cette intention et un délai est imparti à l’entreprise ou à la personne concernée pour présenter par écrit d’éventuelles observations (arrêt du 14 mars 2017, Evonik Degussa/Commission, C‑162/15 P, EU:C:2017:205, point 41).

42      L’intéressé peut alors, conformément à l’article 8, paragraphe 2, de cette décision, lorsqu’il s’agit d’informations susceptibles, selon lui, de constituer un secret d’affaires ou d’autres informations confidentielles, s’opposer à leur divulgation en saisissant le conseiller‑auditeur. Lorsque ce dernier estime que l’information en cause peut être divulguée soit parce qu’elle ne constitue pas un secret d’affaires ou une autre information confidentielle, soit parce que sa divulgation présente un intérêt majeur, il doit adopter une décision motivée précisant le délai à l’expiration duquel l’information sera divulguée, lequel ne peut être inférieur à une semaine à compter de la date de la notification (arrêt du 14 mars 2017, Evonik Degussa/Commission, C‑162/15 P, EU:C:2017:205, point 42).

43      Enfin, l’article 8, paragraphe 3, de ladite décision prévoit que ces dispositions s’appliquent mutatis mutandis à la divulgation d’informations par leur publication au Journal officiel de l’Union européenne (arrêt du 14 mars 2017, Evonik Degussa/Commission, C‑162/15 P, EU:C:2017:205, point 43).

44      L’article 8 de cette même décision vise donc à mettre en œuvre, sur le plan procédural, la protection qu’offre le droit de l’Union aux informations dont la Commission a eu connaissance dans le cadre des procédures d’application des règles de concurrence désormais prévues à l’article 28, paragraphe 2, du règlement no 1/2003 (arrêt du 14 mars 2017, Evonik Degussa/Commission, C‑162/15 P, EU:C:2017:205, point 44).

45      En particulier, l’article 8, paragraphe 2, de la décision 2011/695 a pour objectif de préciser les raisons qui permettent au conseiller‑auditeur de considérer que les informations dont l’intéressé sollicite le traitement confidentiel peuvent être divulguées. Il ressort, en effet, de cette disposition que ledit conseiller-auditeur peut estimer que l’information peut être divulguée lorsqu’elle ne constitue pas, en réalité, un secret d’affaires ou une autre information confidentielle ou que sa divulgation présente un intérêt majeur (arrêt du 14 mars 2017, Evonik Degussa/Commission, C‑162/15 P, EU:C:2017:205, point 45).

46      Toutefois, si ladite disposition précise les raisons qui permettent au conseiller‑auditeur de considérer qu’une information peut être divulguée, cette même disposition ne limite pas, en revanche, les motifs tirés de règles ou de principes du droit de l’Union que l’intéressé peut faire valoir pour s’opposer à la publication envisagée (arrêt du 14 mars 2017, Evonik Degussa/Commission, C‑162/15 P, EU:C:2017:205, point 46).

47      En l’espèce, les requérantes ont fait valoir devant le Tribunal, en substance, en premier lieu, que, en refusant, aux considérants 14, 17 et 19 de la décision litigieuse, d’examiner si la publication envisagée par la DG « Concurrence » de la Commission dans sa lettre du 25 mars 2009 était conforme aux principes de protection de la confiance légitime et d’égalité de traitement, le conseiller-auditeur s’est abstenu d’exercer la compétence que lui attribue l’article 8 de la décision 2011/695 et, en second lieu, que, en toute hypothèse, dès lors que le conseiller-auditeur a explicitement décliné sa compétence, la décision litigieuse est entachée d’un défaut de motivation au regard de ces principes.

48      À cet égard, le Tribunal a, tout d’abord, constaté, au point 56 de l’arrêt attaqué, que la décision litigieuse n’était pas entachée d’illégalité en ce qui concerne les appréciations relatives au caractère confidentiel des informations litigieuses.

49      Ensuite, le Tribunal a jugé, au point 57 de l’arrêt attaqué, que, aux termes des considérants 14, 17 et 19 de la décision litigieuse, le conseiller‑auditeur a opéré une distinction entre les arguments des requérantes fondés sur le caractère confidentiel des informations litigieuses, d’une part, et les arguments tirés de la violation de principes qui ne sont pas liés au secret professionnel, tels que le principe d’égalité de traitement et le principe de protection de la confiance légitime, d’autre part.

50      Le Tribunal a jugé, au point 59 de l’arrêt attaqué, que ces principes dépassent le cadre de la mission dont le conseiller-auditeur est investi en vertu de l’article 8 de la décision 2011/695.

51      Toutefois, ainsi qu’il ressort du point 44 du présent arrêt, l’article 8 de la décision 2011/695 vise à mettre en œuvre, sur le plan procédural, la protection qu’offre le droit de l’Union aux informations dont la Commission a eu connaissance dans le cadre des procédures d’application des règles de concurrence. Cette protection doit être comprise comme se rapportant à tout motif qui pourrait justifier la protection de la confidentialité des informations en cause (arrêt du 14 mars 2017, Evonik Degussa/Commission, C‑162/15 P, EU:C:2017:205, point 51).

52      Cette interprétation est corroborée, d’une part, par la première phrase de l’article 8, paragraphe 2, de la décision 2011/695, qui dispose, sans autre restriction, que, lorsque l’entreprise ou la personne concernée s’oppose à la divulgation de l’information, elle peut en référer au conseiller‑auditeur (arrêt du 14 mars 2017, Evonik Degussa/Commission, C‑162/15 P, EU:C:2017:205, point 52).

53      D’autre part, il irait à l’encontre de l’objectif du mandat du conseiller‑auditeur, tel que défini à l’article 1er, paragraphe 2, de la décision 2011/695, ainsi qu’au considérant 9 de celle-ci, de garantir un exercice effectif des droits procéduraux, si celui-ci ne pouvait se prononcer que sur une partie des motifs susceptibles de s’opposer à la divulgation d’une information donnée (arrêt du 14 mars 2017, Evonik Degussa/Commission, C‑162/15 P, EU:C:2017:205, point 53).

54      La portée de l’article 8, paragraphe 2, de la décision 2011/695 serait considérablement réduite si cette disposition devait être interprétée conformément à ce que le Tribunal a jugé au point 59 de l’arrêt attaqué, à savoir comme ne permettant la prise en compte par le conseiller‑auditeur que des seules règles de droit visant spécifiquement à protéger des informations contre une divulgation au public, à l’exclusion de celles invoquées dans le but d’obtenir un traitement confidentiel de ces informations, indépendamment de la question de savoir si celles-ci sont par nature confidentielles (voir, par analogie, arrêt du 14 mars 2017, Evonik Degussa/Commission, C‑162/15 P, EU:C:2017:205, point 54).

55      Il s’ensuit que les motifs susceptibles de restreindre la divulgation d’informations, telles que celles qui ont été communiquées par les requérantes à la Commission en vue d’obtenir la clémence de celle-ci, ne se limitent pas à ceux tirés des seules règles visant à protéger spécifiquement ces informations contre une divulgation au public et que le conseiller‑auditeur doit donc examiner toute objection fondée sur un motif, tiré de règles ou de principes du droit de l’Union, invoqué par l’intéressé pour revendiquer la protection de la confidentialité des informations en cause (arrêt du 14 mars 2017, Evonik Degussa/Commission, C‑162/15 P, EU:C:2017:205, point 55).

56      Dès lors, en jugeant, au point 59 de l’arrêt attaqué, que le conseiller‑auditeur avait, en l’espèce, décliné à bon droit sa compétence pour répondre aux objections à la publication envisagée par la DG « Concurrence » de la Commission dans sa lettre du 25 mars 2009, soulevées par les requérantes sur le fondement du respect des principes de protection de la confiance légitime et d’égalité de traitement, le Tribunal a commis une erreur de droit.

57      Toutefois, cette erreur de droit n’est pas de nature à entraîner l’annulation de l’arrêt attaqué.

58      En effet, il y a lieu de relever que, au point 60 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a constaté que, « en toute hypothèse », le conseiller-auditeur a examiné, dans la décision litigieuse, lesdits arguments tirés de la violation des principes de protection de la confiance légitime et d’égalité de traitement.

59      Force est de constater que ce motif suffit à lui seul à fonder le rejet, par le Tribunal, du recours dirigé contre la décision litigieuse, en ce que celui-ci était fondé sur une violation, par le conseiller-auditeur, de l’article 8 de la décision 2011/695.

60      Les requérantes ne sauraient, à cet égard, reprocher au Tribunal d’avoir dénaturé la décision litigieuse, au point 60 de l’arrêt attaqué.

61      En effet, il y a lieu de rappeler que, selon la jurisprudence de la Cour, une telle dénaturation doit apparaître de manière manifeste des pièces du dossier, sans qu’il soit nécessaire de procéder à une nouvelle appréciation des faits et des preuves (voir, notamment, arrêt du 26 janvier 2017, Zucchetti Rubinetteria/Commission, C‑618/13 P, EU:C:2017:48, point 68).

62      Or, en l’occurrence, il apparaît que, aux considérants 12 et 13 de la décision litigieuse, le conseiller-auditeur a explicitement répondu à l’argumentation développée par les requérantes, selon laquelle la publication envisagée porterait sérieusement atteinte à leur confiance légitime. En outre, aux considérants 16 et 18 de cette décision, le conseiller-auditeur a également répondu aux allégations de ces mêmes requérantes, selon lesquelles le principe d’égalité de traitement obligeait la Commission à ne pas s’écarter de l’approche appliquée lors de la publication de décisions précédentes en matière d’ententes ou obligeait la Commission à accorder un traitement plus favorable aux requérantes, dès lors qu’elles étaient les seules à avoir sollicité la clémence.

63      S’il est vrai que ces considérants ont été présentés par le conseiller‑auditeur sous la forme d’observations générales « à titre liminaire » et que ce dernier a réitéré à plusieurs reprises qu’il n’était pas compétent pour traiter les arguments des requérantes tirés de la violation des principes de protection de la confiance légitime et d’égalité de traitement, il demeure que, compte tenu desdits considérants, il ne saurait être considéré qu’il ressort de manière manifeste de la décision litigieuse que le conseiller‑auditeur n’a pas eu égard à ces arguments.

64      Dans ces conditions, l’argumentation avancée par les requérantes à l’appui du présent moyen de pourvoi, selon laquelle les considérations du Tribunal figurant au point 59 de l’arrêt attaqué sont erronées en droit dans la mesure où elles ont pour effet de restreindre le droit de l’entreprise à un recours effectif, est inopérante.

65      En conséquence, le premier moyen doit être rejeté dans son ensemble comme étant inopérant.

 Sur le deuxième moyen, tiré d’une violation des principes de protection de la confiance légitime et d’égalité de traitement

 Argumentation des parties

66      Par leur deuxième moyen, les requérantes font valoir que le Tribunal a commis une erreur de droit, au point 70 de l’arrêt attaqué, en ce que celui-ci a rejeté à tort son argumentation selon laquelle la décision litigieuse a méconnu les principes de protection de la confiance légitime et d’égalité de traitement. Elles soutiennent, à cet égard, que la distinction que le Tribunal opère, audit point de l’arrêt attaqué, entre les documents reçus dans le cadre de la coopération, d’une part, et leur contenu, d’autre part, est artificielle et inappropriée en l’espèce.

67      Il serait constant que la raison pour laquelle la Commission s’engage à ne pas divulguer au grand public des documents reçus dans le cadre de la coopération résulterait du fait qu’une telle divulgation provoquerait indirectement des demandes en dommages et intérêts, lesquels pourraient atteindre des montants très importants, excédant souvent la réduction de l’amende qui est accordée en application d’une demande de clémence. Pour préserver le succès de son programme de clémence, et pour que les entreprises continuent à être incitées à coopérer volontairement, la Commission aurait par conséquent déclaré explicitement qu’elle retirerait de la version publique de ses décisions les informations qui, si elles devaient être publiées, pourraient compromettre ses enquêtes, en ce compris le programme de clémence. Cela engloberait des citations extraites de déclarations d’entreprises reçues en application de ses communications sur la coopération et des informations de nature à permettre d’identifier, directement ou indirectement, un demandeur comme étant la source d’informations spécifiques communiquées dans le cadre du programme de clémence.

68      Il résulterait donc explicitement des engagements pris par la Commission dans ces communications, ainsi que de la jurisprudence du Tribunal, que, sur la base du principe de confiance légitime, le contenu des documents reçus dans le cadre de la coopération ne peut pas être divulgué si cette divulgation devait révéler la source des informations et rendre ainsi vaines les mesures incitant les sociétés à les communiquer.

69      Par conséquent, le Tribunal aurait commis une erreur de droit, au point 70 de l’arrêt attaqué, en décidant que la communication sur la clémence de 2006 n’a ni pour objet ni pour effet d’empêcher la Commission de publier, dans sa décision mettant fin à la procédure administrative, les informations relatives à la description de l’infraction qui lui ont été soumises dans le cadre du programme de clémence et que ladite communication ne crée pas de confiance légitime à cet égard.

70      Le Tribunal aurait également méconnu la portée du principe d’égalité de traitement, dans la mesure où sa décision aurait pour effet de traiter les requérantes de la même manière que les entreprises qui n’ont pas coopéré avec la Commission dans l’enquête ayant donné lieu à la décision verre automobile. De même, puisque les informations sur lesquelles repose la décision litigieuse proviendraient en majeure partie des requérantes, les risques de demandes de dommages et intérêts auxquels elles seraient exposées rendrait leur situation plus défavorable que celle dans laquelle se trouvent les entreprises qui n’ont pas coopéré avec la Commission.

71      Par conséquent, les communications sur la clémence de 2002 et de 2006 admettraient explicitement que la situation dans laquelle des demandeurs de clémence sont placés dans le cadre de procédures civiles ne peut pas être moins favorable que celle de sociétés qui n’ont pas coopéré avec la Commission. Il s’imposerait à cet effet, lorsqu’il n’y a, comme en l’espèce, qu’un seul demandeur de clémence, de ne publier ni les documents reçus dans le cadre de la coopération ni le contenu de tels documents.

72      La Commission conclut au rejet de ce moyen.

 Appréciation de la Cour

73      En ce qui concerne, en premier lieu, l’argumentation des requérantes fondée sur une méconnaissance, par le Tribunal, du principe de confiance légitime, il ressort des points 3 à 7 de la communication sur la clémence de 2002, sur la base de laquelle les requérantes ont formulé leur demande d’immunité, que cette communication a pour seul objet d’établir les conditions dans lesquelles une entreprise peut obtenir soit une immunité d’amende, soit une réduction du montant de celle-ci (voir, en ce sens, arrêt du 14 mars 2017, Evonik Degussa/Commission, C‑162/15 P, EU:C:2017:205, point 89).

74      Ainsi, le point 4 de cette communication indique qu’il est de l’intérêt de l’Union de faire bénéficier d’un traitement favorable les entreprises qui coopèrent avec elle. En outre, le point 6 de ladite communication précise qu’une contribution déterminante à l’ouverture d’une enquête peut justifier l’octroi d’une immunité d’amende à l’entreprise qui demande l’immunité (arrêt du 14 mars 2017, Evonik Degussa/Commission, C‑162/15 P, EU:C:2017:205, point 90).

75      Par ailleurs, les règles énoncées aux points 8 à 27 de la communication sur la clémence de 2002 concernent exclusivement l’imposition d’amendes et la fixation de leur montant (arrêt du 14 mars 2017, Evonik Degussa/Commission, C‑162/15 P, EU:C:2017:205, point 91).

76      Une telle interprétation est expressément confirmée par le titre de cette communication ainsi que par son point 31, selon lesquels le fait qu’une entreprise bénéficie d’une immunité d’amende ou d’une réduction de son montant ne la protège pas des conséquences en droit civil de sa participation à une infraction à l’article 101 TFUE (arrêt du 14 mars 2017, Evonik Degussa/Commission, C‑162/15 P, EU:C:2017:205, point 92).

77      En ce qui concerne le traitement, par la Commission, des informations fournies par une entreprise participant au programme de clémence, il est vrai que, au point 29 de ladite communication, la Commission admet être consciente du fait que cette même communication crée des attentes légitimes sur lesquelles se fonderont les entreprises souhaitant l’informer de l’existence d’une entente (arrêt du 14 mars 2017, Evonik Degussa/Commission, C‑162/15 P, EU:C:2017:205, point 93).

78      À cet égard, la communication sur la clémence de 2002 prévoit, d’une part, à son point 32, que, d’une manière générale, la divulgation, à un moment quelconque, de documents reçus conformément à cette communication porterait atteinte à la protection des objectifs des activités d’inspection et d’enquête au sens de l’article 4, paragraphe 2, du règlement no 1049/2001 et, d’autre part, à son point 33, que toute déclaration écrite qui lui est faite en rapport avec cette même communication fait partie intégrante de son dossier et ne peut être divulguée ou utilisée à d’autres fins que l’application de l’article 101 TFUE (arrêt du 14 mars 2017, Evonik Degussa/Commission, C‑162/15 P, EU:C:2017:205, point 94).

79      C’est donc dans le but de protéger les déclarations effectuées en vue d’obtenir la clémence que la Commission, en adoptant la communication sur la clémence de 2002, s’est imposée des règles en ce qui concerne les déclarations écrites reçues par elle, conformément à cette communication, et dont la divulgation est, en général, considérée par la Commission comme portant atteinte à la protection des objectifs des activités d’inspection et d’enquête, au sens de l’article 4, paragraphe 2, du règlement no 1049/2001, comme il est indiqué aux points 32 et 33 de ladite communication (arrêt du 14 mars 2017, Evonik Degussa/Commission, C‑162/15 P, EU:C:2017:205, point 95).

80      Toutefois, lesdites règles n’ont ni pour objet ni pour effet d’interdire à la Commission de publier les informations relatives aux éléments constitutifs de l’infraction à l’article 101 TFUE qui lui ont été soumises dans le cadre du programme de clémence et qui ne bénéficient pas d’une protection contre une publication à un autre titre (arrêt du 14 mars 2017, Evonik Degussa/Commission, C‑162/15 P, EU:C:2017:205, point 96).

81      Partant, la seule protection à laquelle peut prétendre une entreprise ayant coopéré avec la Commission dans le cadre d’une procédure en application de l’article 101 TFUE est celle concernant, d’une part, l’immunité ou la réduction de l’amende en contrepartie de la fourniture à la Commission d’éléments de preuve de l’infraction présumée qui apportent une valeur ajoutée significative par rapport aux éléments déjà en possession de celle-ci et, d’autre part, la non‑divulgation, par la Commission, des déclarations écrites et des documents reçus par celle‑ci conformément à la communication sur la clémence de 2002 (arrêt du 14 mars 2017, Evonik Degussa/Commission, C‑162/15 P, EU:C:2017:205, point 97).

82      Contrairement à ce qu’allèguent les requérantes, une publication, telle que celle envisagée par la DG « Concurrence » de la Commission dans sa lettre du 25 mars 2009, effectuée en application de l’article 30 du règlement no 1/2003, dans le respect du secret professionnel, ne porte pas atteinte à la protection à laquelle ces requérantes peuvent prétendre en vertu de la communication sur la clémence de 2002, puisque cette protection ne concerne que la détermination de l’amende et le traitement des déclarations et des documents spécialement visés par cette communication.

83      Il en découle que, au point 70 de l’arrêt attaqué, le Tribunal n’a commis aucune erreur de droit dans le cadre de son appréciation relative au traitement à réserver aux informations communiquées par les requérantes à la Commission dans le cadre du programme de clémence.

84      S’agissant, en deuxième lieu, de l’argumentation des requérantes concernant une violation du principe d’égalité de traitement, il importe de rappeler que ce principe requiert que des situations comparables ne soient pas traitées de manière différente et que des situations différentes ne soient pas traitées de manière égale, à moins qu’un tel traitement ne soit objectivement justifié (voir, notamment, arrêt du 16 décembre 2008, Arcelor Atlantique et Lorraine e.a., C‑127/07, EU:C:2008:728, point 23).

85      En l’espèce, les requérantes critiquent l’arrêt attaqué pour ne pas avoir admis qu’elles se trouvaient dans une situation différente des entreprises n’ayant pas coopéré avec la Commission lors de l’enquête et soutiennent qu’elles auraient dû, de ce fait, bénéficier d’un traitement différent.

86      Toutefois, il y a lieu de constater que, s’agissant des conditions de publication de la décision d’infraction, laquelle est effectuée en application de l’article 30 du règlement no 1/2003, dans le respect du secret professionnel, les entreprises qui, à l’instar des requérantes, ont bénéficié d’une réduction d’amende au titre du programme de clémence se trouvent dans une situation comparable à celle des entreprises qui n’ont pas coopéré avec la Commission lors de l’enquête.

87      En effet, cette coopération fait partie des éléments pris en considération aux fins de la détermination du montant de l’amende. Par ailleurs, ainsi qu’il a été rappelé au point 76 du présent arrêt, le fait qu’une entreprise bénéficie d’une immunité d’amende ou d’une réduction de son montant ne la protège pas des conséquences en droit civil de sa participation à une infraction à l’article 101 TFUE.

88      Dès lors, c’est sans commettre d’erreur de droit que le Tribunal a rejeté, au point 73 de l’arrêt attaqué, les arguments des requérantes concernant une violation du principe d’égalité de traitement.

89      Au vu de ce qui précède, le deuxième moyen doit être écarté comme étant non fondé.

 Sur le troisième moyen, tiré d’un défaut de motivation

90      Par leur troisième moyen, les requérantes font valoir que l’arrêt attaqué est entaché d’un défaut de motivation à un double titre. D’une part, le Tribunal n’aurait pas exposé la raison pour laquelle il s’est écarté de sa propre jurisprudence, notamment de l’arrêt du 12 octobre 2007, Pergan Hilfsstoffe für industrielle Prozesse/Commission (T‑474/04, EU:T:2007:306), concernant la compétence du conseiller‑auditeur. D’autre part, le Tribunal n’aurait pas fait référence à l’arrêt du 28 janvier 2015, Evonik Degussa/Commission (T‑341/12, EU:T:2015:51), invoqué par les requérantes lors de l’audience, alors que, ayant été les seules à demander la clémence, celui-ci impliquait que la Commission ne pouvait pas publier des informations permettant l’identification directe ou indirecte des éléments de preuve qu’elles auraient produits dans le cadre des demandes de clémence.

91      Il y a, toutefois, lieu de constater qu’il ressort de l’examen des deux premiers moyens du présent pourvoi que l’arrêt attaqué, en particulier ses points 60, 70 et 73, fait ressortir à suffisance de droit les motifs pour lesquels le Tribunal a considéré que la Commission était en droit de publier les informations litigieuses.

92      Il s’ensuit que le troisième moyen doit être rejeté comme étant non fondé.

93      En conséquence, il convient de rejeter le pourvoi dans son intégralité.

 Sur les dépens

94      Aux termes de l’article 184, paragraphe 2, du règlement de procédure de la Cour, lorsque le pourvoi n’est pas fondé, la Cour statue sur les dépens.

95      Aux termes de l’article 138, paragraphe 1, du même règlement, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, de celui-ci, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

96      Les requérantes ayant succombé en leurs moyens et la Commission ayant conclu à leur condamnation, il y a lieu de les condamner aux dépens.

Par ces motifs, la Cour (sixième chambre) déclare et arrête :

1)      Le pourvoi est rejeté.

2)      AGC Glass Europe SA, AGC Automotive Europe SA, AGC France SAS, AGC Flat Glass Italia Srl, AGC Glass UK Ltd et AGC Glass Germany GmbH sont condamnées aux dépens.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.