Language of document : ECLI:EU:C:2017:999

ARRÊT DE LA COUR (quatrième chambre)

20 décembre 2017 (*)

« Pourvoi – Aides d’État – Télévision numérique – Aide au déploiement de la télévision numérique terrestre dans les zones éloignées et moins urbanisées – Subvention en faveur des opérateurs de plateformes de télévision numérique terrestre – Décision déclarant partiellement les mesures d’aides incompatibles avec le marché intérieur – Notion d’“aide d’État” – Avantage – Service d’intérêt économique général – Définition – Marge d’appréciation des États membres »

Dans les affaires jointes C‑66/16 P à C‑69/16 P,

ayant pour objet quatre pourvois au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduits le 5 février 2016,

Comunidad Autónoma del País Vasco,

ItelazpiSA, établie à Zamudio (Espagne) (C‑66/16 P),

Comunidad Autónoma de Cataluña,

Centre de Telecomunicacions i Tecnologies de la Informació de la Generalitat de Catalunya (CTTI), établi à Hospitalet de Llobregat (Espagne) (C‑67/16 P),

Navarra de Servicios y Tecnologías SA, établie à Pampelune (Espagne) (C‑68/16 P),

Cellnex Telecom SA, anciennement Abertis Telecom SA, établie à Barcelone (Espagne),

Retevisión I SA, établie à Barcelone (Espagne) (C‑69/16 P),

représentées par Mes J. Buendía Sierra, A. Lamadrid de Pablo et M. Bolsa Ferruz, abogados,

parties requérantes,

les autres parties à la procédure étant :

Commission européenne, représentée par Mme P. Němečková ainsi que par MM. É. Gippini Fournier et B. Stromsky, en qualité d’agents,

partie défenderesse en première instance,

SES Astra SA, établie à Betzdorf (Luxembourg), représentée par Mes F. González Díaz et V. Romero Algarra, abogados, ainsi que par Me F. Salerno, avocat,

partie intervenante en première instance,

LA COUR (quatrième chambre),

composée de M. T. von Danwitz, président de chambre, MM. C. Vajda, E. Juhász, Mme K. Jürimäe (rapporteur) et M. C. Lycourgos, juges,

avocat général : M. M. Wathelet,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 7 septembre 2017,

rend le présent

Arrêt

1        Par leurs pourvois, la Comunidad Autónoma del País Vasco (Communauté autonome du Pays basque, Espagne) et Itelazpi SA (affaire C‑66/16 P) (ci-après les « requérantes dans l’affaire C‑66/16 P »), la Comunidad Autónoma de Cataluña (Communauté autonome de Catalogne, Espagne) et le Centre de Telecomunicacions i Tecnologies de la Informació de la Generalitat de Catalunya (CTTI) (affaire C‑67/16 P), Navarra de Servicios y Tecnologías SA (affaire C‑68/16 P) (ci-après la « requérante dans l’affaire C‑68/16 P ») ainsi que Cellnex Telecom SA et Retevisión I SA (affaire C‑69/16 P) (ci-après, ensemble, les « requérantes ») demandent respectivement l’annulation :

–        dans l’affaire C‑66/16 P, de l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 26 novembre 2015, Comunidad Autónoma del País Vasco et Itelazpi/Commission (T‑462/13, ci-après l’« arrêt T‑462/13 », EU:T:2015:902) ;

–        dans l’affaire C‑67/16 P, de l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 26 novembre 2015, Comunidad Autónoma de Cataluña et CTTI/Commission (T‑465/13, ci-après l’« arrêt T‑465/13 », non publié, EU:T:2015:900) ;

–        dans l’affaire C‑68/16 P, de l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 26 novembre 2015, Navarra de Servicios y Tecnologías/Commission (T‑487/13, ci-après l’« arrêt T‑487/13 », non publié, EU:T:2015:899) ;

–        dans l’affaire C‑69/16 P, de l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 26 novembre 2015, Abertis Telecom et Retevisión I/Commission (T‑541/13, ci-après l’« arrêt T‑541/13 », non publié, EU:T:2015:898) (ci-après, ensemble, les « arrêts attaqués »)

par lesquels le Tribunal a rejeté leurs recours tendant à l’annulation de la décision 2014/489/UE de la Commission, du 19 juin 2013, relative à l’aide d’État SA.28599 [(C 23/2010) (ex NN 36/2010, ex CP 163/2009)] accordée par le Royaume d’Espagne en faveur du déploiement de la télévision numérique terrestre dans des zones éloignées et moins urbanisées (excepté en Castille‑La‑Manche) (JO 2014, L 217, p. 52, ci‑après la « décision litigieuse »).

 Les antécédents du litige et la décision litigieuse

2        Les faits à l’origine du litige ont été exposés par le Tribunal aux points 1 à 22 des arrêts attaqués. Pour les besoins de la présente procédure, ils peuvent être résumés de la manière suivante.

3        Les présentes affaires concernent une série de mesures prises par les autorités espagnoles dans le cadre du passage de la radiodiffusion analogique à la radiodiffusion numérique en Espagne pour l’ensemble du territoire espagnol, à l’exception de la Comunidad Autónoma de Castilla‑La Mancha (Communauté autonome de Castille‑La‑Manche, Espagne) (ci-après la « mesure en cause »).

4        Le Royaume d’Espagne a instauré un cadre réglementaire pour promouvoir le processus de transition de la radiodiffusion analogique à la radiodiffusion numérique, en promulguant notamment la Ley 10/2005 de Medidas Urgentes para el Impulso de la Televisión Digital Terrestre, de Liberalización de la Televisión por Cable y de Fomento del Pluralismo (loi 10/2005 établissant des mesures urgentes en vue du développement de la télévision numérique terrestre, de la libéralisation de la télévision par câble et encourageant le pluralisme), du 14 juin 2005 (BOE no 142, du 15 juin 2005, p. 20562), et le Real Decreto 944/2005 por el que se aprueba el Plan técnico nacional de la televisión digital terrestre (décret royal 944/2005 portant approbation du programme technique national en faveur de la télévision numérique terrestre), du 29 juillet 2005 (BOE no 181, du 30 juillet 2005, p. 27006). Ce décret royal a imposé aux radiodiffuseurs nationaux privés et publics de s’assurer respectivement que 96 % et 98 % de la population recevraient la télévision numérique terrestre (TNT).

5        Afin de permettre le passage de la télévision analogique à la TNT, les autorités espagnoles ont divisé le territoire espagnol en trois zones distinctes, respectivement dénommées « zone I », « zone II  » et « zone III ». La zone II, en cause dans les présentes affaires, comprend des régions moins urbanisées et éloignées, représentant 2,5 % de la population espagnole. Dans cette zone, les radiodiffuseurs, à défaut d’intérêt commercial, n’ont pas investi dans la numérisation, ce qui a amené les autorités espagnoles à mettre en place un financement public.

6        Au mois de septembre 2007, le Consejo de Ministros (Conseil des ministres, Espagne) a adopté le programme national en faveur du passage à la TNT dont l’objectif était d’atteindre un taux de couverture de la population espagnole par le service de la TNT analogue à celui de cette population par la télévision analogique au cours de l’année 2007, à savoir plus de 98 % de cette population et la totalité ou la quasi-totalité de la population dans les Communautés autonomes du Pays basque, de Catalogne et de Navarre (Espagne).

7        Afin d’atteindre les objectifs de couverture fixés pour la TNT, les autorités espagnoles ont prévu d’accorder un financement public notamment pour soutenir le processus de numérisation terrestre dans la zone II, et plus particulièrement à l’intérieur des régions des communautés autonomes situées dans cette zone.

8        Au mois de février 2008, le Ministerio de Industria, Turismo y Comercio (ministère de l’Industrie, du Tourisme et du Commerce, Espagne) (ci‑après le « MITC ») a adopté une décision destinée à améliorer les infrastructures de télécommunications et à fixer les critères ainsi que la répartition du financement des actions menées en faveur du développement de la société de l’information dans le cadre d’un plan intitulé « Plan Avanza ». Le budget approuvé en vertu de cette décision a été alloué en partie à la numérisation de la télévision dans la zone II.

9        Cette numérisation a été conduite entre les mois de juillet et de novembre 2008. Le MITC a ensuite transféré des fonds aux communautés autonomes, qui se sont engagées à couvrir les autres dépenses liées à l’opération avec leurs propres ressources budgétaires.

10      Au mois d’octobre 2008, le Conseil des ministres a décidé d’assigner des fonds supplémentaires pour étendre et compléter la couverture de la TNT dans le cadre des projets de passage au numérique qui devaient être mis en œuvre au cours du premier semestre de l’année 2009.

11      Par la suite, les communautés autonomes ont engagé le processus d’extension de la TNT. À cet effet, elles ont organisé des appels d’offres ou ont confié cette extension à des entreprises privées. Dans certains cas, les communautés autonomes ont demandé aux communes de se charger de ladite extension.

12      Le 18 mai 2009, la Commission européenne a reçu une plainte émanant de SES Astra SA et portant sur un régime d’aides des autorités espagnoles en faveur du passage de la télévision analogique à la TNT dans la zone II. Selon SES Astra, ce régime comportait une aide non notifiée susceptible de créer une distorsion de concurrence entre la plateforme de radiodiffusion terrestre et celle de radiodiffusion satellitaire.

13      Par lettre du 29 septembre 2010, la Commission a informé le Royaume d’Espagne de sa décision d’ouvrir la procédure visée à l’article 108, paragraphe 2, TFUE concernant le régime d’aides en cause sur l’ensemble du territoire espagnol, à l’exception de la Communauté autonome de Castille‑La‑Manche, région dans laquelle une procédure indépendante a été ouverte.

14      La Commission a ensuite adopté la décision litigieuse dont l’article 1er du dispositif déclare que l’aide d’État accordée aux opérateurs de la plateforme de télévision terrestre pour le déploiement, la maintenance et l’exploitation du réseau de TNT dans la zone II, a été exécutée en violation des dispositions de l’article 108, paragraphe 3, TFUE, et qu’elle est incompatible avec le marché intérieur, à l’exception de celle qui aurait été accordée conformément au principe de neutralité technologique. L’article 3 du dispositif de cette décision ordonne la récupération de cette aide incompatible auprès des opérateurs de TNT, qu’ils aient reçu l’aide directement ou indirectement.

15      Dans les motifs de la décision litigieuse, la Commission a considéré, en premier lieu, que les différents instruments adoptés au niveau central et les conventions qui avaient été conclues entre le MITC et les communautés autonomes constituaient la base du régime d’aides pour l’extension de la TNT dans la zone II. Dans la pratique, les communautés autonomes auraient appliqué les directives du gouvernement espagnol sur l’extension de la TNT.

16      En deuxième lieu, la Commission a constaté que la mesure en cause devait être considérée comme une aide d’État au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE. À cet égard, la Commission a relevé, en particulier, que les autorités espagnoles avaient uniquement présenté le cas de la Communauté autonome du Pays basque pour invoquer l’absence d’aide d’État conformément aux conditions posées par la Cour dans l’arrêt du 24 juillet 2003, Altmark Trans et Regierungspräsidium Magdeburg (C‑280/00, ci-après l’« arrêt Altmark », EU:C:2003:415). Toutefois, la première condition de cet arrêt (ci-après la « première condition Altmark »), selon laquelle, d’une part, l’entreprise bénéficiaire doit effectivement être chargée de l’exécution d’obligations de service public et, d’autre part, ces obligations doivent être clairement définies, n’était, selon la Commission, pas satisfaite. En outre, en l’absence de garantie du moindre coût dans l’intérêt général de ladite communauté autonome, la quatrième condition dudit arrêt (ci-après la « quatrième condition Altmark ») n’était pas non plus satisfaite.

17      En troisième lieu, la Commission a estimé que la mesure en cause ne pouvait être considérée comme étant une aide d’État compatible avec le marché intérieur, en vertu de l’article 107, paragraphe 3, sous c), TFUE, en dépit du fait que cette mesure était destinée à atteindre un objectif d’intérêt commun bien défini et qu’il existait une défaillance du marché concerné. Selon elle, dès lors que ladite mesure ne respectait pas le principe de neutralité technologique, elle n’était pas proportionnée et ne constituait pas un instrument approprié pour garantir la couverture des chaînes en clair aux résidents de la zone II.

18      En quatrième lieu, la Commission a considéré que, en l’absence de définition suffisamment précise de l’exploitation d’une plateforme terrestre en tant que service public, la mesure en cause ne pouvait être justifiée au titre de l’article 106, paragraphe 2, TFUE.

 La procédure devant le Tribunal et les arrêts attaqués

19      Par requêtes déposées au greffe du Tribunal, respectivement, les 30 août 2013 (affaires T‑462/13 et T‑465/13), 6 septembre 2013 (affaire T‑487/13) et 9 octobre 2013 (affaire T‑541/13), les requérantes ont introduit des recours tendant à l’annulation de la décision litigieuse.

20      Parmi les moyens soulevés à l’appui de leurs recours respectifs, les requérantes ont, notamment, toutes formulé un moyen tiré d’une violation de l’article 107, paragraphe 1, TFUE.

21      Dans les arrêts attaqués, ce moyen a été rejeté par le Tribunal comme étant non fondé.

22      À cette fin, le Tribunal a, notamment, écarté l’argumentation des requérantes selon laquelle la mesure en cause ne pouvait pas être qualifiée d’aide d’État au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, en l’absence de l’octroi d’un avantage économique aux bénéficiaires, dans la mesure où les conditions de l’arrêt du 24 juillet 2003, Altmark (C‑280/00, EU:C:2003:415) étaient remplies.

23      S’agissant de la première condition Altmark, le Tribunal a jugé, dans les arrêts attaqués, que les requérantes n’avaient pas démontré que la Commission avait à tort considéré que, en l’absence de définition claire du service d’exploitation d’un réseau terrestre en tant que service public, cette condition n’était pas satisfaite.

24      À cet égard, le Tribunal a constaté que l’exploitation du réseau de radiodiffusion de la TNT dans la zone II n’a été définie par l’État membre concerné en tant que service d’intérêt économique général (SIEG ), au sens du droit de l’Union, ni au niveau national ni au niveau de la Communauté autonome du Pays basque dans les conventions interinstitutionnelles conclues avec celle-ci.

25      En ce qui concerne les communautés autonomes autres que celle du Pays basque, le Tribunal a jugé que la Commission pouvait, à bon droit, constater, au considérant 114 de la décision litigieuse, qu’aucune des communautés autonomes, pour lesquelles les autorités espagnoles avaient invoqué l’existence d’un SIEG, n’avait présenté une argumentation susceptible de démontrer que l’exploitation du réseau terrestre était un service public.

26      En revanche, aux points 78 de l’arrêt T‑462/13 (EU:T:2015:902), 79 de l’arrêt T‑465/13 (EU:T:2015:900) et 106 de l’arrêt T‑541/13 (EU:T:2015:898), le Tribunal a jugé que, comme le faisait valoir les requérantes dans les affaires ayant donné lieu à ces arrêts, la Commission a commis une erreur de droit en constatant, à titre subsidiaire, au considérant 121 de la décision litigieuse, l’existence d’une erreur manifeste des autorités espagnoles dans la définition d’une certaine plateforme pour l’exploitation des réseaux de radiodiffusion.

27      Toutefois, le Tribunal a conclu que, bien que la Commission ait à tort considéré que la définition d’une certaine plateforme pour l’exploitation des réseaux de radiodiffusion constituait une erreur manifeste des autorités espagnoles, la première condition Altmark n’était pas satisfaite en l’absence de définition claire et précise du service en cause en tant que service public, ainsi que l’a constaté la Commission aux considérants 119 à 125 de la décision litigieuse.

28      S’agissant de la quatrième condition Altmark, au point 88 de l’arrêt T‑462/13 (EU:T:2015:902) et au point 123 de l’arrêt T‑487/13 (EU:T:2015:899), le Tribunal a rejeté l’argumentation des requérantes dans les affaires ayant donné lieu à ces arrêts en ce qui concerne l’existence d’une prétendue erreur de la Commission, en ce que celle-ci a conclu dans la décision litigieuse que cette condition n’était pas satisfaite.

29      Au point 85 de l’arrêt T‑465/13 (EU:T:2015:900) et au point 63 de l’arrêt T‑541/13 (EU:T:2015:898), le Tribunal a néanmoins jugé, dans le premier de ces arrêts, que la Commission a commis une erreur de droit et, dans le second, qu’elle a violé son obligation de motivation en limitant l’examen du respect de la quatrième condition Altmark au seul cas de la Communauté autonome du Pays basque, alors qu’elle était consciente du fait que des appels d’offres avaient été lancés pour l’extension de la couverture de la TNT dans d’autres communauté autonomes. Au regard du caractère cumulatif des conditions de l’arrêt du 24 juillet 2003, Altmark (C‑280/00, EU:C:2003:415), le Tribunal a cependant conclu que, dans la mesure où la première condition Altmark n’était pas remplie, il n’y avait pas lieu d’annuler la décision litigieuse.

30      Aucun autre des moyens soulevés par les requérantes n’ayant été, par ailleurs, accueilli, le Tribunal a rejeté l’ensemble des recours en annulation des requérantes.

 Les conclusions des parties

31      Par leurs pourvois, les requérantes demandent à la Cour :

–        d’annuler les arrêts attaqués ;

–        de statuer de manière définitive sur leurs recours en annulation et d’annuler la décision litigieuse, et

–        de condamner la Commission aux dépens.

32      La Commission et SES Astra demandent à la Cour de rejeter les pourvois et de condamner les requérantes aux dépens.

33      Par décision de la Cour du 28 mars 2017, les affaires C‑66/16 P à C‑69/16 P ont été jointes aux fins de la procédure orale ainsi que de l’arrêt.

 Sur les pourvois

34      Au soutien de leurs pourvois, les requérantes soulèvent un moyen unique qui est rédigé en des termes similaires dans chacun de ces pourvois.

35      Ce moyen est tiré d’une erreur de droit dans l’interprétation de l’article 14 TFUE, de l’article 107, paragraphe 1, TFUE et de l’article 106, paragraphe 2, TFUE, ainsi que du protocole n° 26 sur les services d’intérêt général et du protocole n° 29 sur le système de radiodiffusion publique dans les États membres. Ledit moyen est divisé en six branches.

36      La première branche est tirée d’une violation de la limite du contrôle de l’erreur manifeste dans l’examen des divers actes de définition et d’attribution de la mission de SIEG. La deuxième branche est tirée d’une erreur de droit en ce que les arrêts attaqués auraient limité le pouvoir d’appréciation des États membres aux modalités de prestation du SIEG contenues dans la définition de ce dernier. La troisième branche est tirée d’erreurs de droit commises par le Tribunal dans l’analyse des dispositions pertinentes du droit national pour la définition du SIEG. La quatrième branche est tirée d’une erreur de droit en ce que le Tribunal aurait ignoré que la définition et l’attribution de la mission de SIEG à une ou à plusieurs entreprises peuvent être effectuées par plusieurs actes. La cinquième branche est tirée d’une erreur de droit en ce que le Tribunal n’aurait pas jugé que la définition et l’attribution de la mission de SIEG n’exigent pas l’utilisation d’une formule ou d’une expression spécifique. La sixième branche est tirée d’une erreur de droit en ce que le Tribunal aurait écarté l’applicabilité du protocole n° 29 sur le système de radiodiffusion publique dans les États membres.

 Observations liminaires

 Sur la recevabilité des pourvois

37      SES Astra fait valoir que les pourvois dans leur ensemble sont irrecevables, dans la mesure où, par leur moyen unique, les requérantes, selon le cas, ne feraient que demander à la Cour de contrôler l’appréciation des faits et des éléments de preuve opérée par le Tribunal, sans jamais invoquer leur dénaturation, ou omettraient d’identifier les parties des arrêts attaqués qui sont contestées.

38      Sans préjudice de l’examen individuel de la recevabilité des branches du moyen unique de ces pourvois, il y a lieu de considérer que ces pourvois ne sauraient être tenus pour irrecevables dans leur ensemble.

39      En effet, au moins certaines branches du moyen unique desdits pourvois, d’une part, soulèvent des questions de droit en ce qu’elles contestent l’interprétation par le Tribunal de la première condition Altmark, ainsi que l’étendue du contrôle juridictionnel opéré par celui-ci à l’égard de cette condition et, d’autre part, identifient avec la précision requise les éléments critiqués des arrêts attaqués.

40      Par conséquent, il y a lieu d’écarter les arguments avancés par SES Astra pour soutenir que les pourvois sont irrecevables dans leur ensemble.

 Sur le caractère inopérant du moyen unique du pourvoi dans les affaires C66/16 P et C68/16 P

41      La Commission fait valoir que le moyen unique du pourvoi dans les affaires C‑66/16 P et C‑68/16 P est inopérant, en ce qu’il porte sur la violation de l’article 107, paragraphe 1, TFUE. SES Astra estime, pour sa part, que ce moyen est également inopérant, en ce qu’il porte sur la violation de l’article 106, paragraphe 2, TFUE.

42      Ces parties soutiennent, en substance, que ledit moyen n’est pas susceptible d’aboutir à l’annulation de l’arrêt T‑462/13 (EU:T:2015:902) ni de l’arrêt T‑487/13 (EU:T:2015:899), dans la mesure où le même moyen ne porte que sur la première condition Altmark. Or, eu égard au caractère cumulatif des conditions de l’arrêt du 24 juillet 2003, Altmark (C‑280/00, EU:C:2003:415), si la Cour venait à accueillir le moyen unique du pourvoi, il demeurerait que le Tribunal a validé l’appréciation de la Commission en ce qui concerne la non-satisfaction de la quatrième condition Altmark.

43      Les requérantes dans l’affaire C‑66/16 P et la requérante dans l’affaire C‑68/16 P sont d’avis que, même dans l’hypothèse où la quatrième condition Altmark ne serait pas remplie, le moyen unique est susceptible d’aboutir à l’annulation de l’arrêt T‑462/13 (EU:T:2015:902)et de l’arrêt T‑487/13 (EU:T:2015:899), dans la mesure où le Tribunal se serait fondé sur une prétendue absence de définition claire du SIEG pour confirmer l’appréciation de la Commission sur l’absence de compatibilité de l’aide au regard de l’article 106, paragraphe 2, TFUE.

–       S’agissant du moyen unique en ce qu’il est tiré d’une violation de l’article 107, paragraphe 1, TFUE

44      Il convient de rappeler que la qualification d’« aide d’État » requiert que toutes les conditions visées à l’article 107, paragraphe 1, TFUE, soient remplies. Ainsi, aux fins de la qualification d’aide d’État, cette disposition suppose notamment l’existence d’un avantage accordé à une entreprise (voir, en ce sens, arrêt du 22 octobre 2015, EasyPay et Finance Engineering, C‑185/14, EU:C:2015:716, points 35 et 36 ainsi que jurisprudence citée).

45      À cet égard, selon une jurisprudence constante de la Cour, ne relève pas de l’article 107, paragraphe 1, TFUE une intervention étatique considérée comme une compensation représentant la contrepartie de prestations effectuées par les entreprises bénéficiaires pour exécuter des obligations de service public, de telle sorte que ces entreprises ne profitent pas, en réalité, d’un avantage financier et que ladite intervention n’a donc pas pour effet de placer ces entreprises dans une position concurrentielle plus favorable au regard des entreprises concurrentes (arrêt du 22 octobre 2015, EasyPay et Finance Engineering, C‑185/14, EU:C:2015:716, point 45 ainsi que jurisprudence citée).

46      Cependant, pour que, dans un cas concret, une telle compensation puisse échapper à la qualification d’aide d’État, les conditions énoncées aux points 88 à 93 de l’arrêt du 24 juillet 2003, Altmark (C‑280/00, EU:C:2003:415), doivent être réunies.

47      Ainsi, premièrement, l’entreprise bénéficiaire doit effectivement être chargée de l’exécution d’obligations de service public et ces obligations doivent être clairement définies. Deuxièmement, les paramètres sur la base desquels est calculée la compensation doivent être préalablement établis de façon objective et transparente. Troisièmement, la compensation ne saurait dépasser ce qui est nécessaire pour couvrir tout ou partie des coûts occasionnés par l’exécution des obligations de service public. Quatrièmement, le niveau de la compensation nécessaire doit être déterminé sur la base d’une analyse des coûts qu’une entreprise moyenne, bien gérée et adéquatement équipée afin de pouvoir satisfaire aux exigences de service public requises, aurait encourus pour exécuter ces obligations.

48      Il en résulte qu’une intervention étatique qui ne répond pas à une ou à plusieurs des conditions énumérées au point précédent du présent arrêt est susceptible d’être considérée comme étant une aide d’État au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE (voir, en ce sens, arrêt du 24 juillet 2003, Altmark, C‑280/00, EU:C:2003:415, point 94).

49      Partant, eu égard au caractère cumulatif des conditions de l’arrêt du 24 juillet 2003, Altmark (C‑280/00, EU:C:2003:415), le fait que le Tribunal a commis une erreur de droit en considérant que l’une de ces conditions n’est pas satisfaite ne saurait entraîner l’annulation de l’arrêt T‑462/13 (EU:T:2015:902) ni de l’arrêt T‑487/13 (EU:T:2015:899), si, par ailleurs, le Tribunal a considéré, sans commettre d’erreur de droit, qu’une autre de ces conditions n’est pas satisfaite.

50      En l’occurrence, il y a lieu de relever que, aux points 89 et 90 de l’arrêt T‑462/13 (EU:T:2015:902), le Tribunal a rejeté la première branche du premier moyen d’annulation, tirée de l’absence d’un avantage économique, au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, au motif que, à aucun moment, toutes les conditions de l’arrêt du 24 juillet 2003, Altmark (C‑280/00, EU:C:2003:415) n’ont été satisfaites cumulativement. Il s’est, à cet égard, fondé sur une analyse des première et quatrième conditions Altmark, au terme de laquelle il a confirmé, respectivement aux points 79 et 88 de l’arrêt T‑462/13 (EU:T:2015:902), l’appréciation de la Commission selon laquelle ces conditions n’étaient pas satisfaites.

51      De manière analogue, dans l’arrêt T‑487/13 (EU:T:2015:899), le Tribunal a apprécié les première et quatrième conditions Altmark dans le cadre de l’analyse du deuxième moyen d’annulation soulevé par la requérante en première instance, tiré d’une violation de l’article 106, paragraphe 2, TFUE. Après avoir écarté les arguments de cette requérante relatifs à la satisfaction de ces deux conditions, le Tribunal a jugé, au point 126 de l’arrêt T‑487/13 (EU:T:2015:899), que, étant donné que les conditions de l’arrêt du 24 juillet 2003, Altmark (C‑280/00, EU:C:2003:415), étaient cumulatives, la Commission n’a pas commis d’erreur de droit en constatant, premièrement, l’existence d’une aide d’État, au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE et, deuxièmement, que cette aide n’était pas compatible avec le marché intérieur, en vertu de l’article 106, paragraphe 2, TFUE.

52      Or, dans la mesure où le moyen unique du pourvoi ne vise qu’à contester l’appréciation du Tribunal en ce qui concerne la première condition Altmark sans, par ailleurs, critiquer cette appréciation en ce qui concerne la quatrième condition Altmark, il y a lieu de constater que ce moyen n’est pas en lui-même de nature à invalider l’arrêt T‑462/13 (EU:T:2015:902) ni l’arrêt T‑487/13 (EU:T:2015:899) en ce qui concerne l’existence d’un avantage économique au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE et, partant, d’entraîner l’annulation de ces arrêts.

53      Par conséquent, le moyen unique des pourvois dans les affaires C‑66/16 P et C‑68/16 P doit être considéré comme étant inopérant en tant qu’il est tiré d’une violation de l’article 107, paragraphe 1, TFUE.

–       S’agissant du moyen unique en ce qu’il est tiré d’une violation de l’article 106, paragraphe 2, TFUE

54      L’article 106, paragraphe 2, TFUE prévoit que les entreprises chargées de la gestion des services d’intérêt économique général sont soumises aux règles des traités et, notamment, aux règles de concurrence, dans les limites où l’application de ces règles ne fait pas échec à l’accomplissement en droit ou en fait de la mission particulière qui leur a été impartie et que le développement des échanges ne doit pas être affecté dans une mesure contraire à l’intérêt de l’Union.

55      S’agissant de l’articulation entre les conditions posées par la jurisprudence issue de l’arrêt du 24 juillet 2003, Altmark (C‑280/00, EU:C:2003:415), et l’examen d’une mesure d’aide au titre de l’article 106, paragraphe 2, TFUE, il ressort de la jurisprudence de la Cour que le contrôle du respect des conditions posées par cette jurisprudence intervient en amont, lors de l’examen de la question de savoir si la mesure en cause doit être qualifiée d’aide d’État. Cette question est en effet préalable à celle consistant à vérifier, le cas échéant, si une aide incompatible est néanmoins nécessaire à l’accomplissement de la mission impartie au bénéficiaire de la mesure en cause, au titre de l’article 106, paragraphe 2, TFUE (voir, en ce sens, arrêt du 8 mars 2017, Viasat Broadcasting UK/Commission, C‑660/15 P, EU:C:2017:178, point 34).

56      Les conditions de l’arrêt du 24 juillet 2003, Altmark (C‑280/00, EU:C:2003:415), et celles nécessaires à l’application de l’article 106, paragraphe 2, TFUE poursuivant ainsi, en principe, des finalités différentes, la Cour a jugé que, pour procéder à l’examen d’une mesure d’aide au titre de l’article 106, paragraphe 2, TFUE, la Commission n’a pas à examiner le respect des deuxième et troisième conditions posées par la jurisprudence issue de l’arrêt du 24 juillet 2003, Altmark (C‑280/00, EU:C:2003:415) (voir, en ce sens, arrêt du 8 mars 2017, Viasat Broadcasting UK/Commission, C‑660/15 P, EU:C:2017:178, point 33). Il n’en demeure pas moins que, ainsi que l’a souligné M. l’avocat général au point 97 de ses conclusions, la première condition Altmark, selon laquelle l’entreprise bénéficiaire doit effectivement être chargée de l’exécution d’obligations de service public qui doivent être clairement définies, s’applique également dans le cas où la dérogation prévue à l’article 106, paragraphe 2, TFUE a été invoquée (voir, en ce sens, arrêts du 21 mars 1974, BRT et Société belge des auteurs, compositeurs et éditeurs, 127/73, EU:C:1974:25, point 22, ainsi que du 11 avril 1989, Saeed Flugreisen et Silver Line Reisebüro, 66/86, EU:C:1989:140, point 56).

57      En l’occurrence, il ressort du point 99 de l’arrêt T‑462/13 (EU:T:2015:902) que le Tribunal s’est référé aux points 42 à 79 de cet arrêt, relatifs à la première condition Altmark, pour constater que la Commission pouvait à bon droit considérer que, s’agissant de la Communauté autonome du Pays basque, les opérateurs des réseaux terrestres n’étaient pas chargés de l’exécution d’un SIEG clairement défini. Le Tribunal a dès lors conclu que cette institution n’avait pas commis d’erreur de droit en estimant, au considérant 172 de la décision litigieuse, que l’exception visée à l’article 106, paragraphe 2, TFUE ne pouvait être invoquée.

58      De manière analogue, au point 126 de l’arrêt T‑487/13 (EU:T:2015:899), le Tribunal a déduit de l’absence de définition valable d’un SIEG que la Commission n’avait pas commis d’erreur en considérant que la mesure en cause n’était pas compatible avec le marché intérieur, en vertu de l’article 106, paragraphe 2, TFUE.

59      Il en découle que, dans l’arrêt T‑462/13 (EU:T:2015:902) et l’arrêt T‑487/13 (EU:T:2015:899), le Tribunal a fondé son appréciation de l’article 106, paragraphe 2, TFUE sur la première condition Altmark.

60      Partant, il y a lieu de constater que le moyen unique du pourvoi dans les affaires C‑66/16 P et C‑68/16 P, dans la mesure où il porte sur la première condition Altmark, est susceptible d’aboutir à l’annulation de l’arrêt T‑462/13 (EU:T:2015:902) et de l’arrêt T‑487/13 (EU:T:2015:899), en tant qu’il est tiré d’une violation de l’article 106, paragraphe 2, TFUE.

61      Dans ces conditions, nonobstant le caractère inopérant du moyen unique des pourvois dans les affaires C‑66/16 P et C‑68/16 P, en tant qu’il est tiré d’une violation de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, il y a lieu d’examiner les différentes branches de ce moyen, en ce qu’elles portent sur la question de la définition du SIEG, au sens de l’article 106, paragraphe 2, TFUE.

 Sur le moyen unique

 Sur la première branche

–       Argumentation des parties

62      Par la première branche de leur moyen unique, les requérantes reprochent au Tribunal d’avoir procédé à une application erronée de la jurisprudence de la Cour et du Tribunal, selon laquelle la définition des SIEG par un État membre ne peut être remise en cause par la Commission qu’en cas d’erreur manifeste.

63      Les requérantes font valoir que, pour valider l’appréciation de la Commission en ce qui concerne la première condition Altmark, le Tribunal s’est uniquement fondé, aux points 79 de l’arrêt T‑462/13 (EU:T:2015:902), 80 de l’arrêt T‑465/13 (EU:T:2015:900), 101 de l’arrêt T‑487/13 (EU:T:2015:899) et 110 de l’arrêt T‑541/13 (EU:T:2015:898), sur le constat que la définition du SIEG en cause par les autorités espagnoles n’était pas suffisamment « claire et précise », sans, par ailleurs, juger qu’une telle définition était « manifestement erronée ». Au contraire, le Tribunal reconnaîtrait lui-même qu’il existe une défaillance du marché en question et que le service en cause concerne une activité susceptible d’être qualifiée de SIEG.

64      Ce faisant, le Tribunal aurait manifestement dépassé la limite du contrôle de l’erreur manifeste prévue à l’article 14 TFUE, à l’article 106, paragraphe 2, TFUE, à l’article 107, paragraphe 1, TFUE et par le protocole n° 26 sur les services d’intérêt général.

65      La Commission considère que la première branche du moyen est inopérante ou, en tout état de cause, non fondée.

66      SES Astra est d’avis que la première branche du moyen unique est irrecevable et, en toute hypothèse, non fondée.

–       Appréciation de la Cour

67      Par la première branche de leur moyen unique, les requérantes font valoir, en substance, que le Tribunal a commis une erreur de droit en jugeant que la première condition Altmark n’était pas satisfaite en l’absence de définition claire et précise du service en cause en tant que SIEG, sans vérifier si la définition de ce SIEG était manifestement erronée. Ce faisant, le Tribunal aurait méconnu le pouvoir discrétionnaire dont disposent les États membres dans la détermination des SIEG, lequel n’est susceptible d’être limité qu’en cas d’erreur manifeste.

68      En premier lieu, dans la mesure où cette branche vise à déterminer si le Tribunal a exercé un contrôle juridictionnel approprié à l’égard de l’appréciation de la Commission en ce qui concerne la première condition Altmark, il y a lieu de relever que les requérantes soulèvent une question de droit que la Cour a la compétence d’examiner dans le cadre d’un pourvoi. L’argument de SES Astra tiré d’une prétendue irrecevabilité de ladite branche doit, dès lors, être rejeté.

69      En second lieu, sur le fond, il convient de rappeler que les États membres sont en droit, dans le respect du droit de l’Union, de définir l’étendue et l’organisation de leurs SIEG en tenant compte en particulier d’objectifs propres à leur politique nationale (voir, en ce sens, arrêt du 21 décembre 2011, ENEL, C‑242/10, EU:C:2011:861, point 50 et jurisprudence citée).

70      À cet égard, les États membres disposent d’un large pouvoir d’appréciation (voir, en ce sens, arrêt du 8 mai 2013, Libert e.a., C‑197/11 et C‑203/11, EU:C:2013:288, point 88), lequel ne peut être remis en cause par la Commission qu’en cas d’erreur manifeste (voir, en ce sens, arrêt du 18 février 2016, Allemagne/Commission, C‑446/14 P, non publié, EU:C:2016:97, point 44).

71      Toutefois, comme le Tribunal l’a correctement jugé, aux points 51 de l’arrêt T‑462/13 (EU:T:2015:902), 51 de l’arrêt T‑465/13 (EU:T:2015:900), 98 de l’arrêt T‑487/13 (EU:T:2015:899) ainsi que 80 de l’arrêt T‑541/13 (EU:T:2015:898), le pouvoir dont disposent les États membres en ce qui concerne la définition des SIEG ne saurait être illimité.

72      Il découle du point 89 de l’arrêt du 24 juillet 2003, Altmark (C‑280/00, EU:C:2003:415), que, à cet égard, la première condition Altmark vise essentiellement à déterminer si, premièrement, l’entreprise bénéficiaire a effectivement été chargée de l’exécution d’obligations de service public et, deuxièmement, si ces obligations sont clairement définies dans le droit national.

73      Comme M. l’avocat général l’a souligné, en substance, aux points 112 et 114 à 117 de ses conclusions, ladite condition poursuit un objectif de transparence et de sécurité juridique qui exige la réunion de critères minimaux tenant à l’existence d’un ou de plusieurs actes de puissance publique définissant de manière suffisamment précise au moins la nature, la durée et la portée des obligations de service public incombant aux entreprises chargées de l’exécution de ces obligations. En effet, en l’absence de définition claire de tels critères objectifs, il ne serait pas possible de contrôler si une activité particulière est susceptible de relever de la notion de SIEG.

74      Il s’ensuit que, contrairement à ce que font valoir les requérantes, le Tribunal n’a pas méconnu l’étendue du contrôle qu’il lui incombait d’effectuer en ce qui concerne la définition d’un service par un État membre en tant que SIEG, en ce qu’il a jugé que, en l’absence d’une définition claire du service en cause en tant que SIEG dans le droit national, la première condition Altmark n’était pas remplie.

75      Cette conclusion n’est pas remise en cause par l’argument des requérantes selon lequel il est constant qu’il existe une défaillance du marché concerné et que le service en cause est une activité susceptible d’être qualifiée de SIEG. En effet, ainsi que M. l’avocat général l’a souligné au point 122 de ses conclusions, de telles circonstances ne sont pas pertinentes pour déterminer si les entreprises concernées ont effectivement été chargées de l’exécution d’obligations de service public par un acte public et si ces obligations y sont clairement définies.

76      Dans ces conditions, il y a lieu d’écarter la première branche du moyen unique comme étant non fondée.

 Sur la deuxième branche

–       Argumentation des parties

77      Par la deuxième branche de leur moyen unique, les requérantes estiment que le Tribunal a commis une erreur de droit en jugeant que la définition d’un service en tant que SIEG doit nécessairement inclure la technologie par laquelle ce service est fourni pour que cette technologie puisse être considérée comme étant couverte par le large pouvoir d’appréciation reconnu aux États membres.

78      Selon les requérantes, les États membres disposent d’un tel pouvoir d’appréciation non seulement pour « définir » le SIEG, mais également pour « fournir, faire exécuter et organiser » celui-ci, ce qui comprendrait nécessairement la possibilité de choisir une technologie concrète pour sa prestation. Ce pouvoir ressortirait du protocole n° 26 sur les services d’intérêt général et du protocole n° 29 sur le système de radiodiffusion publique dans les États membres, ainsi que de la jurisprudence de la Cour et du Tribunal.

79      En outre, les requérantes dans les affaires C‑66/16 P, C‑67/16 P et C‑69/16 P font valoir que l’arrêt T‑462/13 (EU:T:2015:902), l’arrêt T‑465/13 (EU:T:2015:900) et l’arrêt T‑541/13 (EU:T:2015:898) sont entachés d’une incohérence, dans la mesure où le Tribunal y a, par ailleurs, jugé que, en définissant le service d’exploitation du réseau de la TNT en tant que SIEG, les autorités espagnoles ne devaient pas discriminer les autres plateformes.

80      La Commission et SES Astra estiment que la deuxième branche du moyen unique est inopérante.

–       Appréciation de la Cour

81      Par la deuxième branche de leur moyen unique, les requérantes critiquent, en substance, les arrêts attaqués en ce que le Tribunal y aurait limité le pouvoir d’appréciation des États membres à la seule définition des SIEG, ignorant ainsi l’existence d’un tel pouvoir pour ce qui est du choix des modalités concrètes de la prestation de ces SIEG.

82      Il y a lieu de constater que cet argument relève d’une lecture erronée des arrêts attaqués.

83      En premier lieu, les requérantes admettent elles-mêmes que, aux points 50 de l’arrêt T‑462/13 (EU:T:2015:902), 50 de l’arrêt T‑465/13 (EU:T:2015:900), 97 de l’arrêt T‑487/13 (EU:T:2015:899) ainsi que 79 de l’arrêt T‑541/13 (EU:T:2015:898), le Tribunal a expressément reconnu, en se référant à l’article 1er, premier tiret, du protocole n° 26 sur les services d’intérêt général que les autorités nationales, régionales et locales disposent d’un large pouvoir discrétionnaire pour fournir, faire exécuter et organiser les SIEG d’une manière qui réponde autant que possible aux besoins des utilisateurs.

84      En second lieu, contrairement à ce que font valoir les requérantes, il ne ressort aucunement des arrêts attaqués que le Tribunal a jugé que la qualification d’un service en tant que SIEG doit nécessairement inclure la technologie au moyen de laquelle ce service va être fourni.

85      En effet, ainsi qu’il ressort de l’examen de la première branche du présent moyen, le Tribunal s’est limité à apprécier si la première condition Altmark était satisfaite, en l’occurrence, en ce qui concerne le service d’exploitation du réseau de la TNT. À cet égard, le Tribunal a examiné si ce service répondait à l’exigence de définition claire du SIEG au sens de cette condition en recherchant notamment l’existence des critères minimaux visés au point 73 du présent arrêt. Ce faisant, il ne s’est pas prononcé sur la manière dont le service en cause aurait dû être concrètement défini dans le droit national pour pouvoir répondre à la première condition Altmark.

86      Dans ces conditions, dans les affaires C‑66/16 P, C‑67/16 P et C‑69/16 P, les requérantes ne sauraient non plus s’appuyer sur l’existence d’une prétendue incohérence qui entacherait les arrêts T‑462/13 (EU:T:2015:902), T‑465/13 (EU:T:2015:900), T‑541/13 (EU:T:2015:898).

87      Par conséquent, il y a lieu de déclarer la deuxième branche du moyen unique comme étant non fondée.

 Sur la troisième branche

–       Argumentation des parties

88      Par la troisième branche de leur moyen unique, les requérantes reprochent au Tribunal d’avoir dénaturé le libellé des dispositions de la législation nationale pertinente et la jurisprudence la concernant, et de s’être, par conséquent, livré à des constatations allant manifestement à l’encontre de leur contenu, ainsi que d’avoir attribué à certains éléments une portée qui ne leur revenait pas.

89      En premier lieu, les requérantes font valoir que le Tribunal a manifestement dénaturé le libellé des dispositions nationales auxquelles il se serait, en outre, référé de manière sélective. En particulier, la Ley 32/2003, General de Telecomunicaciones (loi générale 32/2003 relative aux télécommunications), du 3 novembre 2003 (BOE n° 264, du 4 novembre 2003, p. 38890, ci‑après la « loi 32/2003 ») qualifierait explicitement l’exploitation des réseaux de radio et de télévision de « service d’intérêt général ». À cet égard, contrairement à ce qu’aurait jugé le Tribunal aux points 57 de l’arrêt T‑462/13 (EU:T:2015:902), 57 de l’arrêt T‑465/13 (EU:T:2015:900), 104 de l’arrêt T‑487/13 (EU:T:2015:899) ainsi que 86 de l’arrêt T‑541/13 (EU:T:2015:898), il serait possible de conférer des obligations de SIEG à l’ensemble des opérateurs d’un secteur, notamment pour garantir l’universalité de ce service. Ce serait, de fait, ce à quoi s’emploie la législation espagnole en matière de radiodiffusion en imposant des obligations de couverture minimale applicables à l’ensemble du secteur concerné. En outre, les divers actes normatifs adoptés par les autorités espagnoles feraient explicitement référence à la technologie terrestre, contrairement à l’interprétation qu’en donne le Tribunal.

90      En deuxième lieu, les requérantes soutiennent que les arrêts attaqués contiennent des affirmations qui vont manifestement à l’encontre des éléments soumis à l’examen du Tribunal. Ce dernier aurait erronément constaté que, à aucun moment, les requérantes n’ont été en mesure de déterminer quelles obligations de service public ont été mises à la charge des exploitants de réseaux de TNT soit par la législation espagnole, soit par les conventions d’exploitation, et encore moins d’en avoir apporté la preuve [points 72 de l’arrêt T‑462/13 (EU:T:2015:902), 73 de l’arrêt T‑465/13 (EU:T:2015:900), 115 de l’arrêt T‑487/13 (EU:T:2015:899) et 103 de l’arrêt T‑541/13 (EU:T:2015:898)]. Les requérantes se réfèrent, à cet égard, aux conventions que les autorités basques ont conclues avec Itelazpi (affaire C‑66/16 P), au contrat public signé entre les autorités catalanes et Retevisión, ainsi qu’au cahier des charges y afférent (affaire C‑67/16 P), aux accords et aux conventions adoptés par le gouvernement de Navarre (affaire C‑68/16 P), ainsi qu’au contrat et au cahier des charges relatifs à l’appel d’offres lancé par la Comunidad autónoma de La Rioja (Communauté autonome de la Rioja, Espagne) (affaire C‑69/16 P).

91      Selon les requérantes, ces actes suffisent à conclure à l’existence d’un SIEG correctement défini et mandaté, au sens de la jurisprudence de la Cour et de l’article 4 de la décision 2005/842/CE de la Commission, du 28 novembre 2005, concernant l’application des dispositions de l’article [106 paragraphe 2, TFUE] aux aides d’État sous forme de compensations de service public octroyées à certaines entreprises chargées de la gestion de services d’intérêt économique général (JO 2005, L 312, p. 67). Lesdits actes auraient été mentionnés lors de la phase administrative ainsi que lors de la procédure devant le Tribunal.

92      En outre, pour ce qui est des communautés autonomes autres que celle du Pays basque, le Tribunal aurait erronément affirmé, aux points 62 de l’arrêt T‑465/13 (EU:T:2015:900), 113 de l’arrêt T‑487/13 (EU:T:2015:899) et 92 de l’arrêt T‑541/13 (EU:T:2015:898), que lesdits actes n’avaient pas été produits lors de la phase administrative et que la Commission n’était pas tenue de les examiner lors de l’analyse du respect de la première condition Altmark, dans la mesure où elle aurait eu connaissance des appels d’offres organisés dans ces communautés autonomes, aurait disposé des cahiers des charges les concernant et aurait eu connaissance de l’identité des adjudicataires. Selon les requérantes, le Tribunal aurait dû sanctionner la Commission pour ne pas avoir pris en considération ces appels d’offres, de la même manière qu’il l’a fait aux points 85 de l’arrêt T‑465/13 (EU:T:2015:900) et 60 de l’arrêt T‑541/13 (EU:T:2015:898), en ce qui concerne la quatrième condition Altmark.

93      Les requérantes soutiennent également que la constatation figurant aux points 58 de l’arrêt T‑462/13 (EU:T:2015:902), 58 de l’arrêt T‑465/13 (EU:T:2015:900), 105 de l’arrêt T‑487/13 (EU:T:2015:899) ainsi que 87 de l’arrêt T‑541/13 (EU:T:2015:898), selon laquelle les mêmes actes n’ont pas pu valablement qualifier l’exploitation du réseau de la TNT de SIEG, en raison du fait que la loi 32/2003 impose le respect du principe de neutralité technologique, constituerait une dénaturation du contenu de cette loi, étant donné que celle-ci érige ce principe en simple principe directeur et non pas en norme qui limiterait le pouvoir des autorités publiques.

94      En troisième lieu, le Tribunal aurait tiré une conclusion erronée quant à l’existence d’un SIEG en se limitant à analyser la loi 32/2003, alors qu’il existe d’autres éléments du droit national qui précisent cette loi et qui ont été discutés devant lui. Le Tribunal aurait dû ainsi prendre en compte la jurisprudence du Tribunal Supremo (Cour suprême, Espagne) relative à la mesure en cause et à la législation espagnole pertinente. S’agissant de la Ley 31/1987 de Ordenación de las Telecomunicaciones (loi 31/1987 portant organisation des télécommunications), du 18 décembre 1987 (BOE n° 303, du 19 décembre 1987, p. 37409), qui qualifierait spécifiquement la technologie terrestre de service public, celle-ci aurait été erronément écartée par le Tribunal, aux points 71 de l’arrêt T‑462/13 (EU:T:2015:902), 72 de l’arrêt T‑465/13 (EU:T:2015:900) et 102 de l’arrêt T‑541/13 (EU:T:2015:898), au motif qu’elle n’aurait pas été produite devant lui.

95      La Commission et SES Astra estiment que la troisième branche du moyen unique est manifestement irrecevable.

–       Appréciation de la Cour

96      Par la troisième branche de leur moyen unique, les requérantes estiment que le Tribunal a commis plusieurs erreurs de droit dans l’appréciation des dispositions du droit national qui, selon elles, définiraient clairement le service en cause de SIEG.

97      Il convient de rappeler, d’emblée, que, selon une jurisprudence constante de la Cour, lorsque le Tribunal a constaté ou apprécié les faits, la Cour est seule compétente pour exercer, en vertu de l’article 256 TFUE, un contrôle sur la qualification juridique de ceux‑ci et les conséquences de droit qui en ont été tirées. L’appréciation des faits ne constitue donc pas, sous réserve du cas de la dénaturation des éléments de preuve produits devant le Tribunal, une question de droit soumise, comme telle, au contrôle de la Cour (voir, notamment, arrêt du 10 novembre 2016, DTS Distribuidora de Televisión Digital/Commission, C‑449/14 P, EU:C:2016:848, point 43 et jurisprudence citée).

98      Ainsi, pour ce qui est de l’examen, dans le cadre d’un pourvoi, des appréciations du Tribunal à l’égard du droit national, la Cour n’est compétente que pour vérifier s’il y a eu une dénaturation de ce droit (arrêt du 10 novembre 2016, DTS Distribuidora de Televisión Digital/Commission, C‑449/14 P, EU:C:2016:848, point 44 et jurisprudence citée).

99      À cet égard, une dénaturation doit ressortir de façon manifeste des pièces du dossier, sans qu’il soit nécessaire de procéder à une nouvelle appréciation des faits et des preuves (voir, notamment, ordonnance du 9 mars 2017, Simet/Commission, C‑232/16 P, non publiée, EU:C:2017:200, point 58 et jurisprudence citée).

100    S’agissant, premièrement, de l’appréciation de la loi 32/2003, le Tribunal a relevé, aux points 57 de l’arrêt T‑462/13 (EU:T:2015:902), 57 de l’arrêt T‑465/13 (EU:T:2015:900), 104 de l’arrêt T‑487/13 (EU:T:2015:899) ainsi que 86 de l’arrêt T‑541/13 (EU:T:2015:898), que la qualification de service d’intérêt général contenue dans cette loi concernait tous les services de télécommunications, y compris les réseaux de diffusion radio et télévision. Il a jugé que le seul fait qu’un service soit désigné comme étant d’intérêt général en droit national n’implique pas que tout opérateur qui l’effectue est chargé de l’exécution d’obligations de service public clairement définies au sens de l’arrêt du 24 juillet 2003, Altmark (C‑280/00, EU:C:2003:415). En outre, il a constaté, d’une part, qu’il ne ressortait pas de la loi 32/2003 que tous les services de télécommunications en Espagne revêtaient le caractère de SIEG au sens de cet arrêt et, d’autre part, que cette loi disposait expressément que les services d’intérêt général au sens de ladite loi doivent être fournis dans le cadre d’un régime de libre concurrence.

101    Il y a lieu de constater, d’une part, que les requérantes n’ont apporté aucun élément faisant apparaître de manière manifeste que le Tribunal aurait ainsi dénaturé le contenu de la loi 32/2003.

102    D’autre part, dans la mesure où les requérantes critiquent la conclusion que le Tribunal a tirée du caractère général de cette loi, à savoir que celle-ci ne permettrait pas de conclure que les opérateurs exploitant un réseau terrestre aient été investis d’obligations de service public clairement définies, conformément à la première condition Altmark, il y a lieu de relever que, au regard des éléments équivoques de ladite loi évoqués au point 100 du présent arrêt, cette conclusion n’est entachée d’aucune erreur de droit.

103    S’agissant, deuxièmement, de l’argument des requérantes tiré du fait que le Tribunal se serait livré à des constatations allant manifestement à l’encontre des actes normatifs adoptés par les autorités espagnoles qui feraient explicitement référence à la technologie terrestre, il convient de distinguer d’une part le cas du Pays basque et, d’autre part, celui des autres communautés autonomes.

104    S’agissant, d’abord, du Pays basque, les requérantes font valoir que les conventions conclues dans cette communauté autonome précisent, à suffisance de droit, les obligations de service public dans le chef du bénéficiaire, Itelazpi, en définissant notamment la nature et la durée des obligations de service public, l’entreprise concernée, le territoire concerné, la nature des droits exclusifs et le caractère universel de la mission.

105    À cet égard, il ressort des points 62 et 63 de l’arrêt T‑462/13 (EU:T:2015:902) que le Tribunal a apprécié ces conventions. Il a toutefois jugé, dans le cadre de son appréciation souveraine des faits de l’espèce, qu’aucune disposition desdites conventions n’indiquait que l’exploitation du réseau terrestre est considérée comme un service public.

106    À cet égard, l’appréciation que le Tribunal a faite des conventions en question ne fait apparaître aucune dénaturation de leur contenu. En particulier, l’argumentation développée au soutien de la présente branche ne met en évidence aucune inexactitude matérielle manifeste dans la lecture que le Tribunal a faite desdites conventions.

107    Ensuite, en ce qui concerne les communautés autonomes autres que celle du Pays basque, les requérantes dans les affaires C‑67/16 P, C‑68/16 P et C‑69/16 P font valoir que, dans les arrêts T‑465/13 (EU:T:2015:900), T‑487/13 (EU:T:2015:899) et T‑541/13 (EU:T:2015:898), le Tribunal a ignoré l’existence des actes officiels visés au point 90 du présent arrêt, définissant le service en cause de SIEG.

108    Cette argumentation est inopérante. En effet, il ressort des points 62 et 63 de l’arrêt T‑465/13 (EU:T:2015:900), 113 et 114 de l’arrêt T‑487/13 (EU:T:2015:899) ainsi que 92 et 93 de l’arrêt T‑541/13 (EU:T:2015:898) que le Tribunal ne s’est pas contenté de rejeter les arguments des requérantes relatifs à ces actes au motif que ceux-ci n’avaient pas été produits par les autorités espagnoles durant la phase administrative en tant qu’exemples d’actes d’attribution d’une mission de service public, mais a examiné, à titre subsidiaire, le contenu des éléments invoqués par les requérantes et a jugé qu’aucun élément figurant dans ces documents ne permettait de conclure que le service en cause constituait un SIEG au sens de l’arrêt du 24 juillet 2003, Altmark (C‑280/00, EU:C:2003:415). Or, les requérantes n’ont ni contesté l’appréciation juridique du Tribunal figurant à ces points ni, a fortiori, apporté d’éléments faisant apparaître que, en procédant à cette appréciation, le Tribunal a dénaturé le contenu de ces éléments.

109    Troisièmement, l’argument des requérantes selon lequel le Tribunal aurait ignoré certains éléments du droit national, présentés en tant qu’éléments de preuve au cours de la procédure devant le Tribunal, de telle sorte que celui-ci aurait méconnu la portée de la loi 32/2003, doit être écarté.

110    En effet, il y a lieu de rappeler qu’il appartient au seul Tribunal d’apprécier les éléments de preuve produits devant lui. Or, le Tribunal ne saurait, sous réserve de l’obligation de respecter les principes généraux et les règles de procédure en matière de charge et d’administration de la preuve et de ne pas dénaturer les éléments de preuve, être tenu de motiver de manière expresse ses appréciations en ce qui concerne la valeur de chaque élément de preuve qui lui a été soumis, notamment lorsqu’il considère que ceux-ci sont sans intérêt ou dépourvus de pertinence pour la solution du litige (voir, en ce sens, arrêt du 15 juin 2000, Dorsch Consult/Conseil et Commission, C‑237/98 P, EU:C:2000:321, points 50 et 51).

111    À cet égard, d’une part, les requérantes ne formulent aucun reproche au sujet d’une prétendue méconnaissance par le Tribunal des règles de procédure en matière de charge et d’administration de la preuve. D’autre part, il ne ressort pas de manière manifeste des éléments avancés par les requérantes que les actes en cause aient été pertinents dans l’appréciation du service d’exploitation des réseaux terrestres en tant que SIEG.

112    Il y a également lieu de souligner que l’argument des requérantes tiré d’une prétendue méconnaissance de la loi 31/1987 est inopérant. En effet, il ressort des points 71 de l’arrêt T‑462/13 (EU:T:2015:902), 72 de l’arrêt T‑465/13 (EU:T:2015:900) et 102 de l’arrêt T‑541/13 (EU:T:2015:898) que le Tribunal ne s’est pas contenté de rejeter l’argument des requérantes relative à cette loi au motif que celle-ci n’avait pas été produite devant lui, mais s’est prononcé, à titre subsidiaire, sur la pertinence de ladite loi. Il a estimé, à cet égard, que le fait que, en vertu de la même loi, les services de radiodiffusion sonore et télévision par ondes terrestres sont des services publics ne permettait pas, en tout état de cause, de conclure que la loi 31/1987 définit également le service en cause en tant que service public. Or, les requérantes ne se prévalent d’aucune dénaturation par le Tribunal du contenu de la loi 31/1987 dans le cadre des présents pourvois.

113    En conséquence, il convient de rejeter la troisième branche du moyen unique comme étant pour partie irrecevable, ainsi que, pour partie, non fondée et, pour partie, inopérante.

 Sur la quatrième branche

–       Argumentation des parties

114    Par la quatrième branche de leur moyen unique, les requérantes estiment que, en rejetant, aux points 57 de l’arrêt T‑462/13 (EU:T:2015:902), 57 de l’arrêt T‑465/13 (EU:T:2015:900), 104 de l’arrêt T‑487/13 (EU:T:2015:899) ainsi que 86 de l’arrêt T‑541/13 (EU:T:2015:898), la définition du SIEG énoncée dans la loi 32/2003 au motif que cette loi ne contenait aucun mandat de service public, le Tribunal aurait commis une erreur de droit.

115    Le Tribunal aurait ainsi confondu les notions d’actes de « définition » et de « mandatement » des SIEG, lesquels, contrairement à ce qu’a jugé le Tribunal, peuvent être deux actes distincts en fonction de la répartition des compétences dans l’État membre concerné.

116    La Commission et SES Astra soutiennent que cette quatrième branche du moyen unique est irrecevable.

–       Appréciation de la Cour

117    Dans la mesure où, par la quatrième branche de leur moyen unique, les requérantes reprochent au Tribunal d’avoir exigé que l’acte de définition du SIEG en cause soit également un acte de mandatement de ce SIEG à une ou à plusieurs entreprises, il y a lieu de constater que cette branche porte sur le bien-fondé de l’interprétation de la première condition Altmark proposée par le Tribunal, interprétation qui constitue une question de droit. Ainsi, l’argument de la Commission et de SES Astra tiré de l’irrecevabilité de cette branche doit être rejeté.

118    Quant au fond, l’argument sur lequel les requérantes fondent la quatrième branche du moyen unique relève d’une lecture manifestement erronée des arrêts attaqués. En effet, contrairement à ce que font valoir les requérantes, le Tribunal n’a pas exclu l’utilisation d’actes distincts afin, d’une part, de donner une définition du SIEG et, d’autre part, d’attribuer des missions relatives à ce SIEG.

119    Aux points 52 de l’arrêt T‑462/13 (EU:T:2015:902), 52 de l’arrêt T‑465/13 (EU:T:2015:900), 99 de l’arrêt T‑487/13 (EU:T:2015:899) ainsi que 81 de l’arrêt T‑541/13 (EU:T:2015:898), le Tribunal a expressément reconnu que la responsabilité de la gestion d’un SIEG puisse être confiée à l’entreprise concernée au moyen d’un ou de plusieurs actes officiels, dont la forme peut être déterminée par chaque État membre, ces actes devant notamment indiquer la nature et la durée des obligations de service public ainsi que les entreprises et le territoire concernés.

120    Ainsi qu’il a été constaté au point 100 du présent arrêt, le Tribunal, par la suite, a jugé, dans un premier temps, que le seul fait que la loi 32/2003 désigne un service comme étant d’intérêt général n’implique pas que tout opérateur qui fournit ce service soit chargé de l’exécution d’obligations de service public clairement définies, au sens de la première condition Altmark.

121    Dans un second temps, ainsi qu’il a été relevé aux points 103 à 108 du présent arrêt, le Tribunal a examiné s’il existait des actes autres que la loi 32/2003 par laquelle les opérateurs concernés par la mesure en cause auraient été effectivement chargés d’obligations de service public clairement définies. Il a toutefois conclu que les autorités espagnoles n’avaient pas démontré que tel était le cas en ce qui concerne le service en cause.

122    Partant, il y a lieu de rejeter la quatrième branche du moyen unique comme étant manifestement non fondée.

 Sur la cinquième branche

–       Argumentation des parties

123    Par la cinquième branche de leur moyen unique, les requérantes reprochent au Tribunal d’avoir rejeté à tort leur argumentation, tirée de la satisfaction de la première condition Altmark, essentiellement au motif que les actes de définition et d’attribution du SIEG en cause ne contiennent pas formellement dans leurs dispositions les termes de « service public ». Selon les requérantes, il ressort, en effet, des points 63 de l’arrêt T‑462/13 (EU:T:2015:902), 58 de l’arrêt T‑465/13 (EU:T:2015:900), 91 de l’arrêt T‑487/13 (EU:T:2015:899) et 93 de l’arrêt T‑541/13 (EU:T:2015:898) que le Tribunal a exigé que la définition dans le droit national du SIEG en cause fasse explicitement référence aux termes « service public » pour être considérée comme étant suffisamment claire et précise.

124    La Commission, sans tirer de conclusion spécifique sur le traitement à réserver à cette cinquième branche du moyen unique, souligne que le Tribunal n’a pas exigé, dans les arrêts attaqués, l’utilisation d’une formule particulière en ce qui concerne la définition du SIEG, mais a vérifié si, dans la législation nationale, la fourniture du service de réseau était définie comme un SIEG.

125    SES Astra considère que la cinquième branche du moyen unique est manifestement irrecevable.

–       Appréciation de la Cour

126    Par la cinquième branche de leur moyen unique, les requérantes reprochent, en substance, au Tribunal d’avoir adopté une approche formaliste en exigeant que, pour répondre à la première condition Altmark, les dispositions du droit national définissant et attribuant les missions de SIEG en cause contiennent les termes « service public ».

127    Il y a lieu de constater que cet argument relève d’une lecture erronée des arrêts attaqués. En effet, il ne ressort aucunement des points 63 de l’arrêt T‑462/13 (EU:T:2015:902), 58 de l’arrêt T‑465/13 (EU:T:2015:900), 91 de l’arrêt T‑487/13 (EU:T:2015:899) et 93 de l’arrêt T‑541/13 (EU:T:2015:898) que le Tribunal ait formulé l’exigence de l’utilisation des termes « service public » pour satisfaire la première condition Altmark.

128    Dans ces conditions, il y a lieu de rejeter la cinquième branche du moyen unique comme étant non fondée.

 Sur la sixième branche

–       Argumentation des parties

129    Par la sixième branche de leur moyen unique, les requérantes reprochent au Tribunal d’avoir commis une erreur de droit en jugeant, aux points 69 et 70 de l’arrêt T‑462/13 (EU:T:2015:902), 70 et 71 de l’arrêt T‑465/13 (EU:T:2015:900), 110 et 111 de l’arrêt T‑487/13 (EU:T:2015:899) ainsi que 100 et 101 de l’arrêt T‑541/13 (EU:T:2015:898), que le protocole n° 29 sur le système de radiodiffusion publique dans les États membres ne concerne pas le financement des opérateurs de plateformes d’émission de signaux en cause au motif que ce protocole ne fait référence qu’aux radiodiffuseurs publics.

130    La Commission estime que cette branche est inopérante et, en tout état de cause, non fondée.

131    SES Astra conclut que la sixième branche du moyen unique est manifestement irrecevable et, en tout état de cause, non fondée.

–       Appréciation de la Cour

132    Par la sixième branche de leur moyen unique, les requérantes reprochent, en substance, au Tribunal d’avoir commis plusieurs erreurs de droit en jugeant que le protocole n° 29 sur le système de radiodiffusion publique dans les États membres n’est pas applicable en l’espèce.

133    Cette branche doit être rejetée comme étant inopérante. Ainsi que le fait valoir la Commission, les requérantes n’indiquent pas en quoi l’application du protocole n° 29 sur le système de radiodiffusion publique dans les États membres permettrait de conclure que les bénéficiaires de la mesure en cause aient été effectivement chargés de l’exécution d’obligations de service public et que ces obligations aient été clairement définies dans le droit national.

134    Aucune des six branches du moyen unique soulevé par les requérantes à l’appui de leurs pourvois n’ayant été accueillie, il y a lieu de rejeter ceux-ci dans leur intégralité.

 Sur les dépens

135    En vertu de l’article 184, paragraphe 2, du règlement de procédure de la Cour, lorsque le pourvoi n’est pas fondé, la Cour statue sur les dépens. L’article 138, paragraphe 1, du même règlement, rendu applicable à la procédure du pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, de celui-ci, dispose que toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

136    La Commission et SES Astra ayant conclu à la condamnation des requérantes et ces dernières ayant succombé en leur moyen unique, il y a lieu de les condamner aux dépens.

Par ces motifs, la Cour (quatrième chambre) déclare et arrête :

1)      Les pourvois sont rejetés.

2)      La Comunidad Autónoma del País Vasco, Itelazpi SA, la Comunidad Autónoma de Cataluña, le Centre de Telecomunicacions i Tecnologies de la Informació de la Generalitat de Catalunya (CTTI),Navarra de Servicios y Tecnologías SA, Cellnex Telecom SA et Retevisión I SA sont condamnées aux dépens.

Signatures


*      Langue de procédure : l’espagnol.