Language of document : ECLI:EU:C:2018:50

ARRÊT DE LA COUR (huitième chambre)

31 janvier 2018 (*)

« Renvoi préjudiciel – Coopération judiciaire en matière civile – Compétence judiciaire et exécution des décisions en matière civile et commerciale – Règlement (UE) no 1215/2012 – Article 11, paragraphe 1, sous b), et article 13, paragraphe 2 – Compétence en matière d’assurances – Champ d’application personnel – Notion de “personne lésée” – Professionnel du secteur de l’assurance – Exclusion »

Dans l’affaire C‑106/17,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Sąd Okręgowy w Szczecinie (tribunal régional de Szczecin, Pologne), par décision du 30 janvier 2017, parvenue à la Cour le 28 février 2017, dans la procédure

Paweł Hofsoe

contre

LVM Landwirtschaftlicher Versicherungsverein Münster AG,

LA COUR (huitième chambre),

composée de M. J. Malenovský, président de chambre, MM. D. Šváby (rapporteur) et M. Vilaras , juges,

avocat général : M. M. Bobek,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

considérant les observations présentées :

–        pour LVM Landwirtschaftlicher Versicherungsverein Münster AG, par Mme M. Siewiera-Misiuda, radca prawny,

–        pour le gouvernement polonais, par M. B. Majczyna, en qualité d’agent,

–        pour le gouvernement portugais, par MM. L. Inez Fernandes, M. Figueiredo et P. Lacerda, en qualité d’agents,

–        pour la Commission européenne, par Mmes M. Heller et A. Stobiecka-Kuik, en qualité d’agents,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1        La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 11, paragraphe 1, sous b), et de l’article 13, paragraphe 2, du règlement (UE) no 1215/2012 du Parlement européen et du Conseil, du 12 décembre 2012, concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale (JO 2012, L 351, p. 1).

2        Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant M. Paweł Hofsoe à LVM Landwirtschaftlicher Versicherungsverein Münster AG (ci-après « LVM »), dont le siège est à Münster (Allemagne) au sujet du recouvrement, par le premier, d’une créance d’indemnité d’assurance à charge de la seconde devant les juridictions polonaises.

 Le cadre juridique

 Le droit de l’Union

 Le règlement no 1215/2012

3        Le règlement no 1215/2012 énonce, à ses considérants 15 et 18 :

« (15)      Les règles de compétence devraient présenter un haut degré de prévisibilité et s’articuler autour de la compétence de principe du domicile du défendeur. Cette compétence devrait toujours être disponible, sauf dans quelques cas bien déterminés où la matière en litige ou l’autonomie des parties justifie un autre critère de rattachement. S’agissant des personnes morales, le domicile doit être défini de façon autonome de manière à accroître la transparence des règles communes et à éviter les conflits de compétence.

[...]

(18)      S’agissant des contrats d’assurance, de consommation et de travail, il est opportun de protéger la partie la plus faible au moyen de règles de compétence plus favorables à ses intérêts que ne le sont les règles générales. »

4        Le chapitre II de ce règlement, consacré aux règles de compétence, comporte une section 1 qui, sous le titre « Dispositions générales », se compose des articles 4 à 6.

5        L’article 4, paragraphe 1, dudit règlement prévoit :

« Sous réserve du présent règlement, les personnes domiciliées sur le territoire d’un État membre sont attraites, quelle que soit leur nationalité, devant les juridictions de cet État membre. »

6        Aux termes de l’article 5, paragraphe 1, de ce même règlement :

« Les personnes domiciliées sur le territoire d’un État membre ne peuvent être attraites devant les juridictions d’un autre État membre qu’en vertu des règles énoncées aux sections 2 à 7 du présent chapitre. »

7        Les règles de compétence en matière d’assurances, qui font l’objet du chapitre II, section 3, du règlement no 1215/2012, figurent aux articles 10 à 16 de ce dernier.

8        L’article 11, paragraphe 1, de ce règlement dispose :

« L’assureur domicilié sur le territoire d’un État membre peut être attrait :

[...]

b)      dans un autre État membre, en cas d’actions intentées par le preneur d’assurance, l’assuré ou un bénéficiaire, devant la juridiction du lieu où le demandeur a son domicile [...]

[...] »

9        L’article 13, paragraphe 2, dudit règlement est libellé comme suit :

« Les articles 10, 11 et 12 sont applicables en cas d’action directe intentée par la personne lésée contre l’assureur, lorsque l’action directe est possible. »

10      Les règles de compétence en matière de contrats conclus par les consommateurs figurent aux articles 17 à 19 du même règlement.

11      Aux termes de l’article 17, paragraphe 1, du règlement no 1215/2012 :

« En matière de contrat conclu par une personne, le consommateur, pour un usage pouvant être considéré comme étranger à son activité professionnelle, la compétence est déterminée par la présente section, sans préjudice de l’article 6 et de l’article 7, point 5) :

a)      lorsqu’il s’agit d’une vente à tempérament d’objets mobiliers corporels ;

b)      lorsqu’il s’agit d’un prêt à tempérament ou d’une autre opération de crédit liés au financement d’une vente de tels objets ; ou

c)      lorsque, dans tous les autres cas, le contrat a été conclu avec une personne qui exerce des activités commerciales ou professionnelles dans l’État membre sur le territoire duquel le consommateur a son domicile ou qui, par tout moyen, dirige ces activités vers cet État membre ou vers plusieurs États, dont cet État membre, et que le contrat entre dans le cadre de ces activités. »

12      L’article 81 de ce règlement prévoit que celui-ci est « applicable à partir du 10 janvier 2015, à l’exception des articles 75 et 76, qui sont applicables à partir du 10 janvier 2014 ».

 Le droit polonais

13      L’article 509 de l’ustawa Kodeks cywilny (loi portant code civil), du 23 avril 1964 dans sa version applicable à l’affaire au principal (Dz. U. de 1964, no 16, position 93, dans sa version publiée au Dz. U. z 2016 r. poz. 380, ci-après le « code civil »), dispose :

« § 1. Un créancier peut, sans le consentement du débiteur, transmettre la créance à un tiers (cession de créance), à moins que la loi, une restriction contractuelle ou la nature de l’obligation ne s’y opposent.

§ 2. La transmission de la créance comprend la cession de tous les droits y afférents, notamment au titre des intérêts de retard. »

14      Aux termes de l’article 822, paragraphe 4, de ce code :

« La personne ayant droit à la réparation du dommage résultant de la survenance d’un évènement couvert par l’assurance de la responsabilité civile peut intenter une action directement contre l’assureur. »

15      L’article 20, paragraphe 1, de l’ustawa o ubezpieczeniach obowiązkowych, Ubezpieczeniowym Funduszu Gwarancyjnym i Polskim Biurze Ubezpieczycieli Komunikacyjnych (loi sur l’assurance obligatoire, le Fonds de garantie des assurances, et le Bureau polonais des assureurs des risques de circulation automobile), du 22 mai 2003 (Dz. U. de 2003, no 124, position 1152) prévoit :

« L’action en indemnisation découlant des contrats d’assurance obligatoire ou comprenant une créance au titre de cette assurance peut être introduite soit selon les règles de compétence générale, soit devant la juridiction du domicile ou du siège de la personne lésée ou ayant droit en vertu du contrat d’assurance. »

 Le litige au principal et les questions préjudicielles

16      Le 4 juillet 2014, un véhicule appartenant à une personne physique domiciliée en Pologne a été endommagé lors d’un accident de la route, survenu en Allemagne, causé par une ressortissante allemande assurée auprès de LVM.

17      Le propriétaire de ce véhicule a alors conclu, le 12 juillet 2014, un contrat de location d’un véhicule de remplacement pour une durée indéterminée. À raison de 200 zlotys polonais (PLN) (environ 47,50 euros) par jour et dans la mesure où la location s’est prolongée jusqu’au 22 septembre 2014, le coût de l’indemnité de location s’est élevé à 14 600 PLN (environ 3 465 euros).

18      Cette personne n’a toutefois été dédommagée qu’à hauteur de 2 800 PLN (environ 665 euros) par une société représentant LVM en Pologne.

19      Afin d’obtenir les 11 800 PLN (environ 2 800 euros) restants, ladite personne a alors conclu, le 22 septembre 2014, un contrat de cession de créance par lequel elle cédait son droit à indemnisation à M. Hofsoe, lequel exerce son activité commerciale à Szczecin (Pologne).

20      Au titre de cette activité, M. Hofsoe se charge lui-même, sur la base d’une cession de créance contractuelle, du recouvrement, auprès de l’assureur, des dommages et intérêts auxquels peut prétendre une personne lésée.

21      Le 2 février 2015, sur la base du contrat de cession de créance visé au point 19 du présent arrêt, M. Hofsoe a saisi le Sąd Rejonowy Szczecin-Centrum w Szczecinie (tribunal d’arrondissement de Szczecin-centre à Szczecin, Pologne) d’une action visant, en principal, la condamnation de LVM au paiement d’une somme de 11 800 PLN (environ 2 800 euros) au titre des dommages et intérêts correspondant aux frais de location d’un véhicule de remplacement.

22      Pour établir la compétence de cette juridiction, en tant que celle du lieu où la personne lésée est domiciliée, M. Hofsoe se prévalait de l’article 20 de la loi sur l’assurance obligatoire, le Fonds de garantie des assurances, et le Bureau polonais des assureurs des risques de circulation automobile) du 22 mai 2003, et de l’arrêt de la Cour du 13 décembre 2007, FBTO Schadeverzekeringen (C‑463/06, EU:C:2007:792).

23      Se fondant sur l’article 9, paragraphe 1, du règlement no 44/2001, lu en combinaison avec l’article 11, paragraphe 2, de ce règlement, LVM contestait toutefois la compétence de cette juridiction polonaise. Elle soutenait, en effet, que la notion de « personne lésée », au sens de l’article 11, paragraphe 2, dudit règlement, devait être interprétée littéralement, de sorte que M. Hofsoe ne pourrait l’attraire devant une juridiction polonaise en sa qualité de cessionnaire de la créance de la personne lésée.

24      Le Sąd Rejonowy Szczecin-Centrum w Szczecinie (tribunal d’arrondissement de Szczecin-centre à Szczecin) s’est toutefois reconnu compétent par une décision du 13 mai 2015.

25      Au soutien de l’appel qu’elle a interjeté contre cette décision devant la juridiction de renvoi, le Sąd Okręgowy w Szczecinie (tribunal régional de Szczecin), LVM soutient principalement que la juridiction de première instance a méconnu l’article 13, paragraphe 2, du règlement no 1215/2012, lu en combinaison avec l’article 11, paragraphe 1, sous b), de ce règlement, en jugeant, contrairement à l’enseignement qui se dégagerait des considérants 15 et 18 dudit règlement et de la jurisprudence de la Cour, que M. Hofsoe devait être perçu comme la partie la plus faible dans le litige. Or, ce dernier serait non pas la personne lésée en tant que telle, mais un professionnel exerçant dans le domaine du recouvrement des créances d’indemnisation auprès des compagnies d’assurances. En outre, en tant que dérogation à la règle générale de compétence énoncée à l’article 4, paragraphe 1, du règlement no 1215/2012, l’article 13, paragraphe 2, de ce règlement devrait faire l’objet d’une interprétation stricte.

26      M. Hofsoe soutient, pour sa part, que l’attribution de compétence au juge du lieu où le preneur d’assurance, l’assuré ou un bénéficiaire est domicilié, prévue à l’article 9, paragraphe 1, sous b), du règlement no 44/2001, qui a été remplacé par l’article 11, paragraphe 1, sous b), du règlement no 1215/2012 (ci‑après le « forum actoris »), n’est pas exclusivement réservée à la personne directement lésée, de sorte que le cessionnaire de la créance de la personne lésée serait également fondé à s’en prévaloir.

27      La juridiction de renvoi estime nécessaire d’interroger la Cour dans la mesure où le champ d’application ratione personae de l’attribution de juridiction prévue à l’article 11, paragraphe 1, sous b), du règlement no 1215/2012 dépendrait, en l’occurrence, de l’interprétation de la notion de « personne lésée », au sens de l’article 13, paragraphe 2, de ce règlement. En effet, la compétence de la juridiction de renvoi ne serait établie que si l’on considérait que la notion de « personne lésée » englobe un professionnel du secteur de l’assurance, cessionnaire de la créance d’indemnisation détenue par la personne directement lésée à l’encontre de l’assureur du véhicule à l’origine d’un accident de la route.

28      À cet égard, la juridiction de renvoi relève que, en vertu de l’article 509, paragraphe 2, du code civil, « [l]a transmission de la créance comprend la cession de tous les droits y afférents ». Dans ces conditions, la cession de créance devrait emporter celle du bénéfice de l’attribution de juridiction. Une telle interprétation contribuerait à satisfaire l’objectif de protection de la partie faible qui est à la base des règles de compétence spéciales applicables en matière d’assurances.

29      La juridiction de renvoi considère que la notion de « personne lésée », au sens de l’article 11, paragraphe 2, du règlement no 44/2001 et, partant, de l’article 13, paragraphe 2, du règlement no 1215/2012, vise aussi bien la personne ayant subi directement le dommage qu’une personne qui ne l’a subi qu’indirectement. Partant, ladite notion devrait s’étendre à la personne qui exerce, en tant que personne physique, une activité professionnelle dans le domaine du recouvrement des créances d’indemnisation à l’encontre des compagnies d’assurances, en se fondant sur un contrat de cession de créance conclu avec la personne directement lésée. Cette solution s’imposerait d’autant plus, selon la juridiction de renvoi, que, en l’occurrence, il existerait un déséquilibre manifeste, d’un point de vue économique et organisationnel, entre la position de M. Hofsoe et celle d’un assureur en tant que personne morale dont les capacités sont, à cet égard, beaucoup plus importantes.

30      Cette approche concrète des situations respectives des parties au principal mettrait ainsi en exergue la différence entre les faits à l’origine du litige au principal et ceux ayant donné lieu aux arrêts du 17 septembre 2009, Vorarlberger Gebietskrankenkasse (C‑347/08, EU:C:2009:561), et du 26 mai 2005, GIE Réunion européenne e.a. (C‑77/04, EU:C:2005:327).

31      La juridiction de renvoi observe cependant que l’interprétation qu’elle préconise de l’article 13, paragraphe 2, du règlement no 1215/2012, lu en combinaison avec l’article 11, paragraphe 1, sous b), de ce règlement, heurte le principe de l’interprétation stricte des exceptions et, plus particulièrement, l’article 5, paragraphe 1, dudit règlement, lu à la lumière du considérant 15 de celui-ci.

32      C’est dans ce contexte que le Sąd Okręgowy w Szczecinie (tribunal régional de Szczecin) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante :

« Convient-il d’interpréter le renvoi que fait l’article 13, paragraphe 2, du règlement no 1215/2012 à l’article 11, paragraphe 1, sous b), du même règlement en ce sens qu’une personne physique, ayant la qualité d’entrepreneur dont l’activité consiste, entre autres, à recouvrer les indemnisations auprès des assureurs en se prévalant d’un contrat d’acquisition de la créance de la personne directement lésée, peut engager une action relative à cette créance à l’encontre de l’assureur de la responsabilité civile de l’auteur de l’accident de circulation, ayant son siège dans un État membre autre que l’État membre du domicile de la personne lésée, devant une juridiction de ce dernier État membre ? »

 Sur la question préjudicielle

33      La juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 13, paragraphe 2, du règlement no 1215/2012, lu en combinaison avec l’article 11, paragraphe 1, sous b), de ce règlement, doit être interprété en ce sens qu’il peut être invoqué par une personne physique, dont l’activité professionnelle consiste, notamment, à recouvrer des créances d’indemnisation auprès des assureurs et qui se prévaut d’un contrat de cession de créance conclu avec la victime d’un accident de circulation pour assigner en responsabilité civile l’assureur de l’auteur de cet accident, qui a son siège dans un État membre autre que celui du domicile de la personne lésée, devant une juridiction de ce dernier État membre.

34      À titre liminaire, il convient de relever qu’il ressort de la décision de renvoi, premièrement, que le recours au principal de M. Hofsoe ayant été introduit le 4 février 2015, soit postérieurement au 10 janvier 2015, le règlement no 1215/2012 est applicable, conformément à son article 81.

35      Deuxièmement, l’article 822, paragraphe 4, du code civil ouvre à la personne ayant droit à une réparation la faculté d’intenter une action directe contre l’assureur, laquelle, aux termes de l’article 13, paragraphe 2, du règlement no 1215/2012, a pour conséquence de rendre applicables les articles 10 à 12 de ce règlement.

36      Troisièmement, dans la mesure où l’article 11, paragraphe 1, sous b), et l’article 13, paragraphe 2, du règlement no 1215/2012 reprennent, pour l’essentiel, les libellés respectifs de l’article 9, paragraphe 1, sous b), et de l’article 11, paragraphe 2, du règlement no 44/2001, l’interprétation fournie par la Cour en ce qui concerne les dispositions de ce dernier règlement demeure valable pour les dispositions équivalentes du règlement no 1215/2012 (voir, par analogie, arrêts du 21 mai 2015, CDC Hydrogen Peroxide, C‑352/13, EU:C:2015:335, point 60, et du 21 janvier 2016, SOVAG, C‑521/14, EU:C:2016:41, point 43).

37      Quatrièmement, il importe également de rappeler que la Cour a jugé que le renvoi opéré à l’article 13, paragraphe 2, du règlement no 1215/2012 a pour objet d’ajouter à la liste des demandeurs, contenue dans l’article 11, paragraphe 1, sous b), de ce règlement, les personnes ayant subi un dommage, sans que le cercle de ces personnes eût été restreint à celles l’ayant subi directement (arrêt du 20 juillet 2017, MMA IARD, C‑340/16, EU:C:2017:576, point 33 et jurisprudence citée).

38      C’est ainsi que le forum actoris doit être respectivement étendu aux héritiers d’un assuré et à l’employeur qui a maintenu la rémunération d’un salarié pendant la durée du congé de maladie consécutif à un accident de la circulation subi par son employé (arrêts du 17 septembre 2009, Vorarlberger Gebietskrankenkasse, C‑347/08, EU:C:2009:561, point 44, et du 20 juillet 2017, MMA IARD, C‑340/16, EU:C:2017:576, point 35).

39      Ces décisions sont fondées sur une motivation selon laquelle, d’une part, l’objectif des dispositions figurant sous la section 3 du chapitre II du règlement no 1215/2012 est de protéger la partie la plus faible au moyen de règles de compétence plus favorables à ses intérêts que ne le sont les règles générales et, d’autre part, un cessionnaire des droits de la personne directement lésée, qui peut être lui‑même considéré comme partie faible, devrait pouvoir profiter des règles spéciales de compétence juridictionnelle définies aux dispositions combinées de l’article 11, paragraphe 1, sous b), et de l’article 13, paragraphe 2, du règlement no 1215/2012 (voir, en ce sens, arrêt du 17 septembre 2009, Vorarlberger Gebietskrankenkasse, C‑347/08, EU:C:2009:561, points 40 et 44).

40      Cela étant, les dérogations au principe de compétence du for du défendeur doivent présenter un caractère exceptionnel et s’interpréter strictement (voir, en ce sens, arrêts du 17 juin 1992, Handte, C‑26/91, EU:C:1992:268, point 14 ; du 19 janvier 1993, Shearson Lehman Hutton, C‑89/91, EU:C:1993:15, points 14 à 17 ; du 13 juillet 2000, Group Josi, C‑412/98, EU:C:2000:399, points 49 et 50, ainsi que du 17 septembre 2009, Vorarlberger Gebietskrankenkasse, C‑347/08, EU:C:2009:561, points 36 à 39).

41      Dans ces conditions, la fonction de protection que remplit l’article 13, paragraphe 2, du règlement no 1215/2012, lu à la lumière de l’article 11, paragraphe 1, sous b), dudit règlement implique que l’application des règles de compétence spéciales prévues par ces dispositions ne soit pas étendue à des personnes pour lesquelles cette protection ne se justifie pas (voir, en ce sens, arrêts du 13 juillet 2000, Group Josi, C‑412/98, EU:C:2000:399, points 65 et 66 ; du 26 mai 2005, GIE Réunion européenne e.a., C‑77/04, EU:C:2005:327, point 20, et du 17 septembre 2009, Vorarlberger Gebietskrankenkasse, C‑347/08, EU:C:2009:561, point 41).

42      Il s’ensuit qu’aucune protection spéciale ne se justifie dans les rapports entre des professionnels du secteur des assurances, dont aucun d’entre eux ne peut être présumé se trouver en position de faiblesse par rapport à l’autre (voir arrêts du 26 mai 2005, GIE Réunion européenne e.a., C‑77/04, EU:C:2005:327, point 20 ; du 17 septembre 2009, Vorarlberger Gebietskrankenkasse, C‑347/08, EU:C:2009:561, point 42, et du 21 janvier 2016, SOVAG, C‑521/14, EU:C:2016:41, points 30 et 31).

43      Partant, une personne, telle que M. Hofsoe, qui exerce une activité professionnelle dans le domaine du recouvrement des créances d’indemnités d’assurance, en qualité de cessionnaire contractuel de telles créances, ne saurait bénéficier de la protection spéciale que constitue le forum actoris.

44      Si, certes, ainsi que le précise le considérant 18 du règlement no 1215/2012, l’objectif de la section 3 du chapitre II de ce règlement est de protéger la partie la plus faible au moyen de règles de compétence plus favorables à ses intérêts que ne le sont les règles générales, il apparaît que la demande en cause au principal s’inscrit dans des rapports entre professionnels et qu’elle n’est pas de nature à affecter la situation procédurale d’une partie réputée plus faible (voir, en ce sens, arrêt du 21 janvier 2016, SOVAG, C‑521/14, EU:C:2016:41, points 29 et 30).

45      À cet égard, la circonstance qu’un professionnel, tel que M. Hofsoe, exerce son activité dans le cadre d’une petite structure ne saurait mener à considérer qu’il s’agit d’une partie réputée plus faible que l’assureur. En effet, une appréciation au cas par cas de la question de savoir si un tel professionnel peut être considéré comme une « partie plus faible » afin de pouvoir relever de la notion de « personne lésée », au sens de l’article 13, paragraphe 2, du règlement no 1512/2012, ferait naître un risque d’insécurité juridique et irait à l’encontre de l’objectif dudit règlement, énoncé au considérant 15 de celui-ci, selon lequel les règles de compétence doivent présenter un haut degré de prévisibilité (voir, en ce sens, arrêt du 20 juillet 2017, MMA IARD, C‑340/16, EU:C:2017:576, point 34).

46      Une telle interprétation est, du reste, confortée par l’objectif rappelé au considérant 15 du règlement no 1215/2012, selon lequel les règles de compétence doivent présenter un haut degré de prévisibilité et s’articuler autour de la compétence de principe du domicile du défendeur.

47      Dans ces conditions, il y a lieu de répondre à la question posée que l’article 13, paragraphe 2, du règlement no 1215/2012, lu en combinaison avec l’article 11, paragraphe 1, sous b), de ce règlement doit être interprété en ce sens qu’il ne peut pas être invoqué par une personne physique, dont l’activité professionnelle consiste, notamment, à recouvrer des créances d’indemnisation auprès des assureurs et qui se prévaut d’un contrat de cession de créance conclu avec la victime d’un accident de circulation pour assigner l’assureur en responsabilité civile de l’auteur de cet accident, qui a son siège dans un État membre autre que l’État membre du domicile de la personne lésée, devant une juridiction de ce dernier État membre.

 Sur les dépens

48      La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (huitième chambre) dit pour droit :

L’article 13, paragraphe 2, du règlement (UE) no 1215/2012 du Parlement européen et du Conseil, du 12 décembre 2012, concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale, lu en combinaison avec l’article 11, paragraphe 1, sous b), de ce règlement, doit être interprété en ce sens qu’il ne peut pas être invoqué par une personne physique, dont l’activité professionnelle consiste, notamment, à recouvrer des créances d’indemnisation auprès des assureurs et qui se prévaut d’un contrat de cession de créance conclu avec la victime d’un accident de circulation pour assigner l’assureur en responsabilité civile de l’auteur de cet accident, qui a son siège dans un État membre autre que l’État membre du domicile de la personne lésée, devant une juridiction de ce dernier État membre.

Signatures


*      Langue de procédure : le polonais.