Language of document : ECLI:EU:C:2018:311

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. NILS WAHL

présentées le 8 mai 2018 (1)

Affaire C33/17

Čepelnik d.o.o.

contre

Michael Vavti

[demande de décision préjudicielle formée par le Bezirksgericht Bleiburg/Okrajno sodišče Pliberk (tribunal de district de Bleiburg, Autriche)]

« Renvoi préjudiciel – Libre prestation de services – Législation nationale exigeant d’un destinataire de services la constitution d’une caution pour garantir une amende qui pourrait être imposée à un prestataire de services établi dans un autre État membre – Articles 16 et 19 de la directive 2006/123/CE – Exception du droit du travail – Justification – Article 56 TFUE – Proportionnalité – Droits de la défense – Droit à un recours juridictionnel effectif – Directive 2014/67/UE »






1.        Dans la présente affaire – un renvoi préjudiciel du Bezirksgericht Bleiburg/Okrajno sodišče Pliberk (tribunal de district de Bleiburg, Autriche) –, la Cour est invitée à préciser si le droit de l’Union interdit à un État membre d’exiger d’une personne, destinataire de services qui lui sont fournis par les travailleurs détachés d’une entreprise établie dans un autre État membre, la constitution d’une caution et la suspension des paiements à cette entreprise. En vertu des dispositions pertinentes de la législation nationale, le montant encore dû pour ces services doit être versé aux autorités de l’État membre d’accueil afin de garantir le paiement d’une éventuelle amende qui pourrait être encourue à l’avenir par le prestataire de services en raison de la violation de certaines dispositions de la législation nationale du travail.

2.        Afin de déterminer si la mesure nationale en cause est contraire au droit de l’Union, la Cour devra examiner l’interaction entre, d’une part, les règles de l’Union européenne relatives à la libre prestation de services posées à l’article 56 TFUE, la directive 2006/123/CE (2) et la directive 2014/67/UE (3) et, d’autre part, les règles nationales qui selon l’État membre concerné font partie de sa législation du travail.

I.      Le cadre juridique

A.      Le droit de l’Union

3.        En vertu de l’article 1er, paragraphe 6, de la directive services, intitulé « Objet » :

« La présente directive ne s’applique pas au droit du travail, à savoir les dispositions légales ou contractuelles concernant les conditions d’emploi, les conditions de travail, y compris la santé et la sécurité au travail, et les relations entre les employeurs et les travailleurs, que les États membres appliquent conformément à leur législation nationale respectant le droit [de l’Union]. Elle n’affecte pas non plus la législation des États membres en matière de sécurité sociale. »

4.        Aux termes de l’article 3, paragraphe 3, de la directive services, intitulé « Relation avec les autres dispositions du droit [de l’Union] » :

« Les États membres appliquent les dispositions de la présente directive conformément aux règles du traité régissant le droit d’établissement et la libre circulation des services. »

5.        L’article 16 de la directive services, intitulé « Libre prestation des services », dispose :

« 1.      Les États membres respectent le droit des prestataires de fournir des services dans un État membre autre que celui dans lequel ils sont établis.

L’État membre dans lequel le service est fourni garantit le libre accès à l’activité de service ainsi que son libre exercice sur son territoire.

Les États membres ne peuvent pas subordonner l’accès à une activité de service ou son exercice sur leur territoire à des exigences qui ne satisfont pas aux principes suivants :

a)      la non-discrimination : l’exigence ne peut être directement ou indirectement discriminatoire en raison de la nationalité ou, dans le cas de personnes morales, en raison de l’État membre dans lequel elles sont établies ;

b)      la nécessité : l’exigence doit être justifiée par des raisons d’ordre public, de sécurité publique, de santé publique ou de protection de l’environnement ;

c)      la proportionnalité : l’exigence doit être propre à garantir la réalisation de l’objectif poursuivi et ne pas aller au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre cet objectif.

2.      Les États membres ne peuvent pas restreindre la libre prestation de services par un prestataire établi dans un autre État membre en imposant l’une des exigences suivantes :

a)      l’obligation pour le prestataire d’avoir un établissement sur leur territoire ;

b)      l’obligation pour le prestataire d’obtenir une autorisation de leurs autorités compétentes, y compris une inscription dans un registre ou auprès d’un ordre ou d’une association professionnels existant sur leur territoire, sauf dans les cas visés par la présente directive ou par d’autres instruments de la législation [de l’Union] ;

c)      l’interdiction pour le prestataire de se doter sur leur territoire d’une certaine forme ou d’un certain type d’infrastructure, y compris d’un bureau ou d’un cabinet d’avocats, dont le prestataire a besoin pour fournir les services en question ;

d)      l’application d’un régime contractuel particulier entre le prestataire et le destinataire qui empêche ou limite la prestation de service à titre indépendant ;

e)      l’obligation, pour le prestataire, de posséder un document d’identité spécifique à l’exercice d’une activité de service délivré par leurs autorités compétentes ;

f)      les exigences affectant l’utilisation d’équipements et de matériel qui font partie intégrante de la prestation du service, à l’exception de celles nécessaires à la santé et la sécurité au travail ;

g)      les restrictions à la libre prestation des services visées à l’article 19.

3.      Les présentes dispositions n’empêchent pas l’État membre dans lequel le prestataire se déplace pour fournir son service d’imposer des exigences concernant la prestation de l’activité de service lorsque ces exigences sont justifiées par des raisons d’ordre public, de sécurité publique, de santé publique ou de protection de l’environnement et conformément au paragraphe 1. Elles n’empêchent pas non plus cet État membre d’appliquer, conformément au droit [de l’Union], ses règles en matière de conditions d’emploi, y compris celles énoncées dans des conventions collectives.

[…] »

6.        L’article 17 de la directive services prévoit une liste de « Dérogations supplémentaires à la libre prestation des services ». En vertu du point 2 de cette liste, « [l]’article 16 ne s’applique pas […] aux matières couvertes par la directive 96/71/CE ».

7.        La section 2 du chapitre IV de la directive services concerne les « Droits des destinataires de services ». Aux termes de l’article 19 :

« Les États membres ne peuvent pas imposer au destinataire des exigences qui restreignent l’utilisation d’un service fourni par un prestataire ayant son établissement dans un autre État membre, notamment les exigences suivantes :

a)      l’obligation d’obtenir une autorisation de leurs autorités compétentes ou de faire une déclaration auprès de celles-ci ;

b)      des limites discriminatoires à l’octroi d’aides financières au motif que le prestataire est établi dans un autre État membre ou pour des raisons liées à l’emplacement du lieu où le service est fourni. »

B.      Le droit autrichien

8.        L’article 7m du Arbeitsvertragsrechts-Anpassungsgesetz (loi modifiant la loi sur les contrats de travail) de 1993 (BGBl., 459/1993, ci-après l’« AVRAG ») prévoit ce qui suit :

« 1.      En cas de soupçon raisonnable d’une infraction administrative au titre de l’article 7b, paragraphe 8, de l’article 7i ou de l’article 7k, paragraphe 4, et dans l’hypothèse où en raison de certaines circonstances, il y a lieu de supposer que les poursuites ou l’exécution des sanctions seront impossibles ou substantiellement plus difficiles pour des motifs tenant à la personne de l’employeur (contractant) ou de la société de mise à disposition de main-d’œuvre, les organes des autorités fiscales en combinaison avec les enquêtes au titre de l’article 7f ainsi que la caisse des congés payés et des licenciements pour les ouvriers du bâtiment peuvent exiger par écrit du maître d’ouvrage, en cas de mise à disposition de main‑d’œuvre, à l’employeur, qu’il ne verse pas le prix de l’ouvrage encore dû ou la rémunération de la mise à disposition encore due ou une partie de cette somme (suspension des paiements). […] Les organes des autorités fiscales ainsi que la caisse des congés payés et des licenciements pour les ouvriers du bâtiment ne peuvent imposer une suspension des paiements que lorsqu’une caution provisoire au titre de l’article 7l n’a pas pu être fixée ou collectée. […]

[…]

3.      En cas de soupçon raisonnable d’une infraction administrative au titre de l’article 7b, paragraphe 8, de l’article 7i ou de l’article 7k, paragraphe 4, et dans l’hypothèse où en raison de certaines circonstances, il y a lieu de supposer que les poursuites ou l’exécution des sanctions seront impossibles ou substantiellement plus difficiles pour des motifs tenant à la personne de l’employeur (contractant) ou de la société de mise à disposition de main-d’œuvre, l’autorité administrative régionale peut par décision exiger du maître d’ouvrage, en cas de mise à disposition de main-d’œuvre de l’employeur, qu’il verse le prix de l’ouvrage encore dû ou la rémunération de la mise à disposition encore due ou une partie de cette somme en tant que caution dans un délai raisonnable. […]

[…]

5.      Le versement au titre du paragraphe 3 a pour effet pour le maître d’ouvrage ou l’employeur de le libérer de sa dette vis-à-vis du contractant ou de la société de mise à disposition de main-d’œuvre.

[…] »

9.        L’article 7b, paragraphes 3 et 8, de l’AVRAG dispose :

« 3.      Les employeurs au sens du paragraphe 1 doivent déclarer l’emploi de travailleurs qui sont mis à disposition en Autriche afin d’y effectuer un travail au plus tard une semaine avant le début du travail en cause auprès de l’office central pour le contrôle de l’emploi illégal d’après la loi relative à l’emploi des ressortissants étrangers (Ausländerbeschäftigungsgesetz) et l’[AVRAG] du ministère fédéral des finances. […]

[…]

8.      Quiconque, en tant qu’employeur au sens du paragraphe 1

1.      n’effectue pas, n’effectue pas à temps ou de manière complète, en violation du paragraphe 3, la déclaration ou la déclaration relative aux modifications a posteriori (déclaration de modification) […]

[…]

commet une infraction administrative et doit être frappé par l’autorité administrative régionale pour chaque travailleur concerné d’une amende allant de 500 à 5 000 euros, et en cas de récidive de 1 000 à 10 000 euros. […] »

10.      L’article 7i, paragraphe 4, de l’AVRAG est libellé comme suit :

« Quiconque

1.      en tant qu’employeur au sens de l’article 7, de l’article 7a, paragraphe 1, ou de l’article 7b, paragraphes 1 et 9, ne tient pas à disposition la documentation salariale en violation de l’article 7d.

[…]

commet une infraction administrative et doit être frappé par l’autorité administrative régionale pour chaque employé concerné d’une amende allant de 1 000 à 10 000 euros, en cas de récidive de 2 000 à 20 000 euros et si plus de trois travailleurs sont impliqués, pour chaque travailleur, de 2 000 à 20 000 euros, en cas de récidive de 4 000 à 50 000 euros. »

11.      Les dispositions de l’article 7b, paragraphes 3 et 8, de l’article 7i, paragraphe 4, et de l’article 7m de l’AVRAG correspondent à l’état du droit jusqu’au 31 décembre 2016. Le 1er janvier 2017, ces dispositions ont été remplacées par les articles 19, 26, 27, 28 et 34 du Lohn- und Sozialdumping- bekämpfungsgesetz (loi de lutte contre le dumping salarial et social) dont le contenu est identique.

II.    Les faits, la procédure et les questions préjudicielles

12.      La présente affaire est née d’un litige opposant la société Čepelnik d.o.o. à M. Michael Vavti et portant sur le paiement du solde dû pour des travaux de construction.

13.      Čepelnik est une société à responsabilité limitée établie en Slovénie. Elle a fourni à M. Vavti des services relevant du secteur de la construction d’une valeur de 12 200 euros. Les services ont été fournis dans une maison appartenant à M. Vavti et située en Autriche près de la frontière avec la Slovénie et ce à travers le détachement de travailleurs. M. Vavti a versé à Čepelnik un acompte de 7 000 euros.

14.      Le 16 mars 2016, la police financière autrichienne a effectué un contrôle sur le site du chantier et a accusé Čepelnik d’avoir commis deux infractions administratives. Premièrement, Čepelnik aurait omis pour deux travailleurs détachés de déclarer correctement le début des travaux en vertu de l’article 7b, paragraphe 8, point 1, en combinaison avec l’article 7b, paragraphe 3, de l’AVRAG. Deuxièmement, Čepelnik n’aurait pas tenu à disposition, en langue allemande, pour quatre travailleurs détachés les fiches de salaire, violant ainsi l’article 7i, paragraphe 4, point 1, en combinaison avec les deux premières phrases de l’article 7d, paragraphe 1, de l’AVRAG.

15.      Immédiatement après ce contrôle, la police financière a exigé de M. Vavti la suspension des paiements et a demandé à l’autorité administrative compétente, la Bezirkshauptmannschaft Völkermarkt (Autorité administrative du district de Völkermarkt, ci-après la « BHM Völkermarkt »), d’ordonner à celui-ci la constitution d’une caution. Cette caution était destinée à garantir une éventuelle amende qui pourrait être imposée dans le cadre de la procédure à engager à l’encontre de Čepelnik en vertu de l’AVRAG sur le fondement de l’issue du contrôle. Conformément à l’article 7m, paragraphe 4, de l’AVRAG, la police financière a demandé que la caution soit fixée à un montant équivalent au solde dû, à savoir 5 200 euros. Par décision du 17 mars 2016, la BHM Völkermarkt a ordonné que la caution demandée soit versée au motif que, dans la mesure où « le siège social du prestataire de services est en Slovénie, il peut être présumé que les poursuites et l’exécution des sanctions seront très difficiles si ce n’est impossibles ». M. Vavti n’a pas introduit de recours contre la décision et a déposé la caution le 20 avril 2016.

16.      Une procédure a été engagée à l’encontre de Čepelnik pour les infractions administratives alléguées. Par un arrêt du 11 octobre 2016, Čepelnik a été condamnée à une amende de 1 000 euros pour avoir prétendument violé l’article 7b, paragraphe 8, point 1, de l’AVRAG parce qu’elle n’aurait pas déclaré deux des travailleurs auprès de l’organisme compétent en Autriche avant qu’ils ne commencent à travailler sur le chantier. Par un arrêt du 12 octobre 2016, Čepelnik s’est également vu imposer une amende de 8 000 euros pour avoir prétendument violé l’article 7i, paragraphe 4, point 1, de l’AVRAG en ne tenant pas à disposition, en langue allemande, les fiches de salaire nécessaires pour quatre travailleurs. Čepelnik a formé un recours contre ces décisions le 2 novembre 2016. La juridiction de renvoi ajoute que les recours étaient encore pendants au moment où la demande de décision préjudicielle a été présentée.

17.      Après avoir terminé les travaux, Čepelnik a facturé à M. Vavti la somme de 5 000 euros pour régler le solde encore dû. Ce dernier a refusé de payer en soutenant qu’il avait versé le solde restant à la BHM Völkermarkt conformément à la décision administrative de cette autorité. Il a argué du fait qu’en vertu de l’article 7m, paragraphe 5, de l’AVRAG, le versement de la caution à l’autorité administrative éteignait sa dette envers Čepelnik. Cette dernière a alors engagé devant le Bezirksgericht Bleiburg/Okrajno sodišče Pliberk (tribunal de district de Bleiburg) une procédure contre M. Vavti afin de récupérer le solde dû.

18.      Entretenant des doutes quant à l’interprétation correcte de certaines dispositions du droit de l’Union et à la compatibilité des règles nationales en cause avec ces dispositions, la juridiction de renvoi a décidé de surseoir à statuer et de déférer les questions suivantes à la Cour :

« L’article 56 TFUE et la [directive 2014/67] doivent-ils être interprétés en ce sens qu’ils interdisent à un État membre d’ordonner à un maître d’ouvrage de cet État une suspension des paiements et la constitution d’une caution d’un montant équivalent au montant encore dû lorsque la suspension des paiements et la constitution de la caution servent uniquement à garantir une éventuelle amende qui ne serait imposée que plus tard dans le cadre d’une procédure distincte à l’encontre d’un prestataire de services ayant son siège dans un autre État membre ?

En cas de réponse négative à cette question :

a)      L’article 56 TFUE et la [directive 2014/67] doivent-ils être interprétés en ce sens qu’ils interdisent à un État membre d’ordonner à un maître d’ouvrage de cet État une suspension des paiements et la constitution d’une caution d’un montant équivalent au montant encore dû lorsque le prestataire de services ayant son siège dans un autre État membre et auquel une amende devrait être imposée ne se voit accorder aucun recours contre la décision ordonnant la constitution de la caution dans la procédure relative à la caution elle-même et que le recours du maître d’ouvrage contre cette décision n’a pas d’effet suspensif ?

b)      L’article 56 TFUE et la [directive 2014/67] doivent-ils être interprétés en ce sens qu’ils interdisent à un État membre d’ordonner à un maître d’ouvrage de cet État une suspension des paiements et la constitution d’une caution d’un montant équivalent au montant restant à payer au seul motif que le prestataire de services est établi dans un autre État membre ?

c)      L’article 56 TFUE et la [directive 2014/67] doivent-ils être interprétés en ce sens qu’ils interdisent à un État membre d’ordonner à un maître d’ouvrage de cet État une suspension des paiements et la constitution d’une caution d’un montant équivalent au montant restant à payer alors que ce montant n’est pas encore dû et que le montant définitif n’est pas encore établi en raison de l’existence de demandes reconventionnelles et de droits de rétention ? »

19.      Des observations écrites ont été présentées par Čepelnik, les gouvernements autrichien, tchèque, hongrois, polonais, slovène et slovaque, ainsi que par la Commission européenne. Par lettre du 15 décembre 2017, la Cour, en application de l’article 61, paragraphe 1, de son règlement de procédure, a invité les parties et les personnes intéressées mentionnées à l’article 23 du statut de la Cour à répondre par écrit aux questions suivantes avant l’audience :

« 1)      La [directive services] est-elle applicable à des décisions telles que celles en cause au principal ? À cet égard, l’attention des intéressés est attirée sur l’article 1er, paragraphe 6, de cette directive.

2)      Si tel est le cas, la [directive services] doit-elle être interprétée en ce sens qu’elle s’oppose à des décisions telles que celles en cause au principal ? »

20.      Čepelnik, les gouvernements autrichien, tchèque, français, slovène et slovaque, ainsi que la Commission ont répondu aux questions par écrit. Čepelnik, les gouvernements autrichien, tchèque, hongrois et slovène, ainsi que la Commission ont également présenté des observations orales lors de l’audience qui s’est tenue le 26 janvier 2018.

III. Analyse

21.      Par ses questions, la juridiction de renvoi demande en substance à la Cour si le droit de l’Union interdit à un État membre d’ordonner à un destinataire de services une suspension des paiements et la constitution d’une caution d’un montant équivalent à la somme restante due (ci-après la « mesure en cause ») pour un service fourni, à l’aide de travailleurs détachés, par un prestataire établi dans un autre État membre, lorsque la mesure en cause sert à garantir le paiement d’une possible amende qui pourrait être imposée plus tard au prestataire de services par l’État membre d’accueil pour une violation de sa législation du travail.

22.      La juridiction de renvoi demande en particulier si le droit de l’Union fait obstacle à la mesure en cause lorsque le prestataire de services ne dispose d’aucun moyen de recours contre une telle mesure et/ou que la mesure est imposée uniquement parce que ce prestataire de services est établi dans un autre État membre, et/ou que la mesure est imposée alors même que la somme à verser en vertu du contrat n’est pas encore due dans son entièreté, le solde de cette somme n’ayant pas encore été déterminé du fait de l’existence de demandes reconventionnelles et de droits de rétention.

23.      Avant de traiter du fond de l’affaire, il convient de se pencher tout d’abord sur l’exception de procédure soulevée par le gouvernement autrichien et d’esquisser ensuite brièvement les caractéristiques marquantes de la mesure en cause afin de déterminer les dispositions du droit de l’Union applicables dans le présent contexte.

A.      La compétence de la Cour

24.      Dans ses observations, le gouvernement autrichien conteste la compétence de la Cour au motif que la réponse à la question déférée ne serait pas nécessaire à la solution du litige dans l’affaire au principal. Il soutient que dans la mesure où la décision adoptant la mesure en cause n’a qu’un caractère administratif, sa légalité ne peut être contrôlée que par une juridiction administrative. La juridiction de renvoi ne serait cependant pas une juridiction administrative et ne serait saisie que d’un litige de droit civil opposant Čepelnik à M. Vavti. Cette juridiction n’aurait donc pas de compétence pour annuler ou réformer cette décision.

25.      Or, d’après une jurisprudence constante, les questions relatives à l’interprétation du droit de l’Union déférées par une juridiction nationale bénéficient d’une présomption de pertinence. La Cour ne peut refuser de statuer sur une question déférée par une juridiction nationale que s’il apparaît de manière manifeste que l’interprétation sollicitée du droit de l’Union n’a aucun rapport avec la réalité ou l’objet du litige au principal, lorsque le problème est de nature hypothétique ou encore lorsque la Cour ne dispose pas des éléments de fait et de droit nécessaires pour répondre de façon utile aux questions qui lui sont posées (4).

26.      Il ressort à cet égard des informations fournies par la juridiction de renvoi qu’il existe un lien évident entre, d’une part, la décision administrative imposant la mesure en cause à M. Vavti et, d’autre part, la procédure civile engagée par Čepelnik contre M. Vavti pour récupérer le solde dû. La juridiction de renvoi signale qu’en vertu de l’article 7m, paragraphe 5, de l’AVRAG, le versement de la caution à l’autorité administrative éteint la dette de M. Vavti envers Čepelnik. Les questions concernant la légalité de la caution ne semblent donc pas dénuées de pertinence pour la capacité de la juridiction de renvoi à statuer dans la procédure au principal.

27.      La Cour est donc compétente pour répondre aux questions posées.

B.      La mesure en cause

28.      Par ses questions, la juridiction de renvoi cherche à déterminer la compatibilité avec le droit de l’Union d’une mesure nationale comme celle en cause en l’espèce. Dans sa demande de décision préjudicielle, la juridiction nationale fait en particulier référence à l’article 56 TFUE et aux dispositions de la directive 2014/67. En outre, certaines parties qui ont présenté des observations dans cette procédure ont également soutenu que la directive services était applicable dans l’affaire en cause, ce qui a amené la Cour à demander aux parties de prendre spécifiquement position par écrit sur le sujet.

29.      Il faut donc déterminer tout d’abord quelles dispositions du droit de l’Union sont applicables à la procédure au principal eu égard aux caractéristiques spécifiques de la mesure en cause.

30.      Ladite mesure est une décision adoptée par les autorités ordonnant au destinataire des services une suspension des paiements et la constitution d’une caution, et ce en raison d’un possible manquement du prestataire de services aux obligations découlant de la législation nationale du travail. La partie de la somme qui est contractuellement encore due par le destinataire des services lorsque la mesure en cause est adoptée doit être versée à l’administration, qui conserve ladite somme afin de garantir le paiement d’amendes qui pourraient être imposées plus tard au prestataire. En effet, lorsque la mesure est adoptée, aucune amende n’a encore été imposée au prestataire.

31.      Je me dois de signaler ici qu’il ne peut pas être déterminé de manière définitive si la mesure en cause est (directement ou indirectement) discriminatoire. Le gouvernement autrichien soutient à cet égard que l’article 7m de l’AVRAG est, prima facie, une disposition non discriminatoire puisqu’il s’applique aux prestataires de services établis tant en Autriche que dans d’autres États membres.

32.      Cet argument ne trouve cependant, selon moi, aucun appui dans le dossier. En effet, les infractions administratives qui, en vertu de l’article 7m de l’AVRAG, peuvent déclencher l’adoption de la mesure en cause (les infractions prévues par l’article 7b, paragraphe 8, l’article 7i et l’article 7k, paragraphe 4, de cette même loi) visent toutes des situations liées au détachement de travailleurs. La mesure en cause semble donc destinée à ne viser que les prestataires de services étrangers.

33.      Interrogé lors de l’audience pour savoir si, en droit autrichien, une mesure similaire était également applicable aux situations purement internes ou aux infractions qui sont plus habituellement commises par des prestataires de services nationaux, le gouvernement autrichien a d’abord répondu par l’affirmative. Pourtant, lorsqu’il lui a été demandé d’être plus précis et de donner des exemples concrets, ce gouvernement a éprouvé d’importantes difficultés pour indiquer les dispositions juridiques pertinentes ou citer des cas dans lesquels une mesure similaire était appliquée dans une situation sans élément transfrontalier. Je n’ai pour ma part trouvé aucune disposition dans l’AVRAG, en vigueur à l’époque pertinente, prévoyant une mesure équivalente dans des cas de violation des règles autres que celles mentionnées à l’article 7m. Dans ces circonstances, on pourrait se demander si une disposition d’une telle portée était réellement nécessaire lorsque la situation est purement interne.

34.      En tout état de cause, la mesure, si elle n’est pas directement discriminatoire, semble l’être du moins indirectement. La juridiction de renvoi signale en effet que dans la présente affaire les conditions d’application ont été jugées réunies du simple fait que le prestataire de services était une entreprise slovène. Si tel est le cas, alors la disposition est appliquée de facto de manière discriminatoire : les prestataires de services étrangers et locaux sont traités de manière différente sur le seul fondement de leur lieu d’établissement. Le gouvernement autrichien a néanmoins soutenu lors de l’audience que dans la présente affaire l’article 7m de l’AVRAG pourrait simplement avoir été mal appliqué. Selon lui, le fait qu’un prestataire de services est établi à l’étranger ne devrait pas être déterminant pour l’adoption de la mesure en cause.

35.      Au vu de ces circonstances et nonobstant les réserves que j’éprouve encore à ce sujet, je poursuivrai avec l’analyse juridique en supposant que la mesure en cause n’est pas discriminatoire.

36.      En tout état de cause et comme la juridiction de renvoi le signale à juste titre, une telle mesure, qu’elle soit discriminatoire ou non, est susceptible de par sa nature même, d’une part, de décourager les clients autrichiens de bénéficier des services de prestataires établis à l’étranger et, d’autre part, de décourager les prestataires établis dans d’autres États membres d’offrir, sur une base temporaire, leurs services en Autriche.

37.      Sur le premier point, une mesure comme celle en cause peut évidemment produire des effets négatifs sur les clients qui choisissent de se procurer les services de prestataires étrangers. Une fois la mesure en cause adoptée, le client est en particulier tenu de verser le solde dû par anticipation à l’administration plutôt que de pouvoir attendre la fourniture complète du service par le prestataire. Le client perd en outre la possibilité de conserver une partie du montant dû en tant que compensation en cas de mauvaise réalisation ou de réalisation avec retard des travaux. Le client s’expose de plus au risque que les travaux puissent être suspendus ou retardés une fois que le prestataire prend conscience de l’application de la mesure.

38.      Sur le deuxième point, la mesure en cause entraîne qu’il est moins attrayant pour les entreprises établies à l’étranger de fournir, sur une base temporaire, leurs services en Autriche. Il suffit en effet que les autorités autrichiennes entretiennent un « soupçon raisonnable » qu’un prestataire a commis une infraction au titre de certaines dispositions de l’AVRAG pour que ce dernier perde le droit de réclamer de son client le paiement du solde dû pour le service fourni. La mesure en cause pourrait ainsi, à tout le moins, exposer les prestataires de services à des risques accrus de retards de paiement de montants qui constituent le plus souvent une part significative du montant total convenu. La mesure en cause pourrait aussi entraîner certaines conséquences financières défavorables même lorsqu’il n’y a pas eu d’infraction commise parce que la caution demeure pendant toute la durée de la procédure d’imposition de l’amende (qui peut durer plusieurs années) dans les comptes de l’administration autrichienne sans – sauf erreur de ma part – produire d’intérêts.

39.      Dans ces circonstances, il semble clair qu’en principe, une mesure comme celle en cause relève des règles du traité relatives à la libre prestation de services. De plus, la directive services semble également être à première vue pertinente : cet instrument a introduit un cadre juridique destiné à éliminer, entre autres, les entraves à la libre prestation de services entre les États membres (5).

40.      À l’inverse, les autres instruments juridiques également mentionnés par la juridiction de renvoi ou par certaines parties qui ont présenté des observations ne me semblent pas pertinents ou applicables. Pour commencer, bien que le litige en cause dans l’affaire au principal soit né dans un contexte de détachement de travailleurs, aucune disposition de la directive 96/71/CE (6) sur le détachement de travailleurs n’est directement pertinente. Cette même directive vise à coordonner les réglementations nationales matérielles relatives aux conditions d’emploi et de travail des travailleurs détachés, indépendamment des règles administratives accessoires destinées à permettre la vérification du respect desdites conditions. Ces mesures peuvent donc être librement déterminées par les États membres en conformité avec le traité et les principes généraux du droit de l’Union (7).

41.      Ensuite, la directive 2014/67 relative à l’exécution de la directive 96/71 – qui en principe aurait été pertinente en raison de son objet (8) – n’est pas applicable ratione temporis au litige en cause (9). En effet, alors que la période de transposition de ladite directive a expiré le 18 juin 2016, les faits en cause dans l’affaire au principal se sont déroulés au mois de mars 2016. Pour autant que je le sache, le gouvernement autrichien considère que la directive 2014/67 a été transposée par le biais de la loi de lutte contre le dumping salarial et social du 13 juin 2016, qui est entrée en vigueur le 1er janvier 2017, dans la mesure où c’est cette loi qui a été notifiée à la Commission comme mesure de transposition de cette même directive.

42.      Dans ce contexte, la question décisive est donc celle de déterminer si la compatibilité d’une mesure, comme celle en cause ici, avec le droit de l’Union doit être examinée à l’aune des dispositions du traité sur le marché intérieur ou à celle des dispositions de la directive services.

C.      L’article 56 TFUE ou la directive services ?

43.      Commençant avec l’arrêt dans l’affaire Rina Services (10), la Cour a appliqué de manière constante les règles posées dans la directive services comme cadre juridique pour la détermination de la compatibilité de mesures nationales avec la libre prestation de services lorsque ces mesures relevaient du champ d’application ratione materiae de cet instrument juridique, sans examiner les mesures à l’aune de l’article 49 et/ou de l’article 56 TFUE.

44.      Dans la présente affaire, la question principale est de savoir si une mesure comme celle en cause en l’espèce relève ou non du champ d’application de la directive services.

45.      La directive services s’applique, en principe, à tous les types d’activités de services (11) et à l’égard de tous les types de mesures nationales qui pourraient restreindre la libre prestation de services (12), à l’exception des activités et des types de mesures nationales qui sont explicitement exclus de son champ d’application (13). Il est à noter que les services de construction – l’activité en cause dans la procédure au principal – sont expressément mentionnés dans le considérant 33 de la directive services dans la liste d’exemples d’activités couvertes par ladite directive.

46.      La directive services énumère également en son article 1er certains domaines qu’elle ne « traite pas » ou qu’elle « n’affecte pas ».

47.      Renvoyant à cette dernière disposition, le gouvernement autrichien a soutenu que la directive services n’est pas applicable à la procédure au principal : la mesure en cause ferait partie de sa législation nationale du travail qui, en vertu de l’article 1er, paragraphe 6, de la directive services tombe en dehors du champ d’application de cette même directive.

48.      Il faut donc examiner si cet argument peut être accueilli. À cet effet, il semble utile d’expliquer quelle est, selon moi, la signification de l’article 1er, paragraphe 6, de la directive services.

1.      L’exception pour le droit du travail

49.      En vertu de son article 1er, paragraphe 6, la directive services « ne s’applique pas au droit du travail, à savoir les dispositions légales ou contractuelles concernant les conditions d’emploi, les conditions de travail, y compris la santé et la sécurité au travail, et les relations entre les employeurs et les travailleurs, que les États membres appliquent conformément à leur législation nationale respectant le droit [de l’Union] » (14). Cette disposition doit être lue à la lumière du considérant 14 aux termes duquel ladite directive « n’affecte pas les conditions d’emploi, y compris les périodes maximales de travail et les périodes minimales de repos, la durée minimale des congés payés annuels, les taux de salaire minimal, ainsi que la sécurité, la santé et l’hygiène au travail, que les États membres appliquent dans le respect du droit [de l’Union] ; elle n’affecte pas non plus les relations entre partenaires sociaux, y compris le droit de négocier et de conclure des conventions collectives, le droit de grève et le droit de mener des actions syndicales conformément aux législations et aux pratiques nationales respectant le droit [de l’Union] ».

50.      Il est important de noter que ces dispositions n’affirment pas que le domaine du droit du travail est exclu dans son ensemble du champ d’application de la directive services. En effet, ainsi qu’il a été indiqué, les domaines du droit (par exemple la fiscalité) ou les activités économiques (comme les services de santé) qui tombent dans leur ensemble en dehors du champ d’application de la directive services sont énumérés à l’article 2, intitulé « Champ d’application », affirmant expressément que les dispositions de la directive services « ne s’applique[nt] pas » aux domaines et activités énumérés (15).

51.      L’article 1er de la directive services concerne, quant à lui, l’« objet » de la directive et expose, entre autres, les domaines du droit que cet instrument « n’affecte pas ». Cette exigence doit selon moi être comprise comme signifiant que les dispositions de la directive services doivent être interprétées et appliquées d’une manière qui ne limite pas les droits, les libertés ou les pouvoirs dont jouissent les personnes (par exemple l’exercice des libertés fondamentales) ou les États membres (par exemple, pour définir ce qu’ils considèrent comme étant des services d’intérêt économique général, la réglementation des domaines du droit pénal ou du droit du travail) mentionnés à l’article 1er (16).

52.      Il ressort en fait de la genèse de la directive services que le législateur de l’Union souhaitait prévenir que cet instrument ne conduise à une concurrence réglementaire invitant un nivellement vers le bas en ce qui concerne les standards en matière sociale et du travail (17). Ainsi, en schématisant, la directive services n’interdit pas aux États membres d’appliquer leurs règles en matière de droit du travail aux situations qui, en l’absence de ces règles, auraient sinon été couvertes par cet instrument.

53.      La directive services soumet cependant ce pouvoir au respect d’une autre condition. Ainsi qu’il est expressément indiqué à l’article 1er, paragraphe 6, et dans le considérant 14 de la directive services, le fait que ladite directive n’affecte pas le droit du travail des États membres n’est reconnu que dans la mesure où la législation nationale pertinente « respect[e] le droit de l’[Union] ». Ainsi, loin de donner carte blanche aux États membres pour appliquer leur droit du travail indépendamment du possible impact sur le marché intérieur, la directive services n’offre qu’une exception limitée. D’autres principes et d’autres règles qui concernent le marché intérieur – qu’ils soient inclus dans des actes de droit primaire ou dans d’autres actes de droit dérivé – demeurent applicables au droit du travail d’un État membre.

54.      Cela étant dit, la question suivante qu’il convient d’examiner est celle de savoir si une mesure comme celle en cause au principal relève de l’exception du « droit du travail » dans la directive services.

2.      La nature de la mesure en cause

55.      À cet égard, il convient de relever, selon moi, que la notion de « droit du travail » ne peut être qu’une notion du droit de l’Union. Dans le cas contraire, la portée de la directive varierait selon les États membres en fonction de la définition formelle du droit du travail adoptée par chacun d’entre eux.

56.      Cette position découle également d’un élément textuel. L’article 1er, paragraphe 6, de la directive services inclut une explication de ce que cette notion recouvre : « les dispositions légales ou contractuelles concernant les conditions d’emploi, les conditions de travail, y compris la santé et la sécurité au travail, et les relations entre les employeurs et les travailleurs ». Ainsi que le considérant 14 le précise, les conditions d’emploi et de travail incluent les questions comme « les périodes maximales de travail et les périodes minimales de repos, la durée minimale des congés payés annuels, les taux de salaire minimal ». Ce même considérant explique que les termes « relations entre les employeurs et les travailleurs » sont supposés couvrir les « relations entre partenaires sociaux », ce qui inclut des questions comme le « droit de négocier et de conclure des conventions collectives, le droit de grève et le droit de mener des actions syndicales ».

57.      Les termes de l’article 1er, paragraphe 6, de la directive services suggèrent également, tout spécialement lorsqu’ils sont lus dans les différentes versions linguistiques de ladite directive (18), que la liste des aspects inclus est exhaustive. Cela est d’autant plus approprié que la définition incluse à l’article 1er, paragraphe 6, et dans le considérant 14 de cette même directive me semble suffisamment large pour couvrir la plupart, si ce n’est la totalité, des aspects qui sont habituellement compris comme constituant le droit du travail au niveau de l’Union ou au niveau international (19).

58.      Il ne découle cependant pas de ce qui précède – comme l’ont pourtant soutenu certaines parties qui ont présenté des observations dans la présente procédure – que seules les règles matérielles du droit du travail (comprises comme les règles posant les droits et les obligations) sont couvertes par cette notion. J’estime que la notion de « droit du travail » doit également englober les règles concernant les sanctions et les procédures spécifiques à ce domaine. Le pouvoir d’un État membre d’appliquer son droit du travail à des situations qui seraient, en principe, régies par la directive services doit nécessairement inclure le pouvoir d’appliquer des règles dont l’objet spécifique est de faire en sorte que le respect de ses règles matérielles du droit du travail est effectif, vérifiable et exécutoire.

59.      Cela ne me semble cependant pas être le cas en ce qui concerne l’article 7m de l’AVRAG, même si cette loi est, d’une manière générale, un instrument qui fait partie de la législation autrichienne du travail.

60.      La mesure en cause ne peut pas, à mon sens, être considérée comme relevant de l’exception du « droit du travail » dans la directive services. La mesure qui y est prévue est imposée alors qu’aucune violation de la législation du travail n’a encore été constatée et, ce qui est plus important encore, n’est pas imposée à l’auteur de l’infraction alléguée, mais à son partenaire contractuel. La situation juridique de ce dernier, que la mesure en cause affecte directement et immédiatement, n’est normalement pas régie par les règles du « droit du travail » puisque, du moins en ce qui concerne cette situation, il n’est ni employeur ni employé. En outre, les sommes collectées à travers la mesure en cause ne sont pas utilisées pour protéger les travailleurs ou le moindre objectif social.

61.      Comme l’ont souligné de nombreuses parties qui ont présenté des observations dans la présente procédure, l’objectif statutaire de la mesure en cause est plutôt de garantir, au profit du Trésor, le paiement d’amendes que les autorités publiques pourraient à l’avenir imposer à un prestataire de services. En imposant cette mesure, les autorités autrichiennes font usage de leurs pouvoirs de police et pouvoirs administratifs. Ainsi qu’il a été indiqué plus haut, les effets de la mesure en cause, loin d’inciter simplement les prestataires de services à respecter la législation nationale du travail, vont bien au-delà en décourageant la fourniture transfrontalière de services.

62.      Une telle mesure ne peut donc pas être considérée comme faisant partie du « droit du travail » d’un État membre aux fins de la directive services. Cette conclusion me semble être confirmée par les constatations dans l’affaire De Clercq, où la Cour a jugé que la notion de « conditions de travail et d’emploi » des travailleurs détachés aux fins de la directive 96/71 ne pouvait pas être étendue afin de couvrir également les règles administratives destinées à permettre aux autorités de vérifier le respect des dispositions sur les conditions de travail et d’emploi des travailleurs détachés (20).

63.      Eu égard aux considérations qui précèdent, j’examinerai la compatibilité d’une mesure comme celle en cause principalement sur le fondement des dispositions de la directive services. Néanmoins, pour le cas où la Cour ne devrait pas partager mon opinion quant à l’applicabilité de cette directive à la procédure au principal, j’examinerai également par la suite la mesure en cause au regard de l’article 56 TFUE.

D.      La compatibilité de la mesure en cause avec le droit de l’Union

1.      Les articles 16 et 19 de la directive services

64.      Les articles 16 et 19 de la directive services se trouvent dans le chapitre IV intitulé « Libre circulation des services ». L’article 16 pose les principes majeurs de cette matière et se concentre plus particulièrement sur les restrictions qui pourraient affecter les prestataires de services tandis que l’article 19 concerne les restrictions qui pourraient affecter les destinataires de services.

65.      J’estime que ces deux dispositions sont applicables en ce qui concerne la mesure en cause. Comme je l’ai expliqué ci-dessus aux points 36 à 38, une telle mesure semble, de par sa nature même, susceptible, d’une part, de décourager les clients autrichiens de se procurer des services auprès de prestataires établis à l’étranger et, d’autre part, de décourager les prestataires établis dans d’autres États membres d’offrir, sur une base temporaire, leurs services en Autriche.

66.      La mesure en cause constitue donc une restriction qui est en principe interdite par les articles 16 et 19 de la directive services. La question suivante qu’il convient de poser est celle de savoir si une telle mesure peut néanmoins être justifiée. Afin de traiter cette question, il convient selon moi de préciser le sens et le champ d’application desdits articles de la directive. Je commencerai par examiner l’article 16, ce qui m’amènera par la suite à me pencher sur l’article 19.

a)      L’interprétation correcte des articles 16 et 19

67.      L’article 16 est probablement la disposition de la directive services portant le plus à controverse et certainement l’une des dispositions dont le sens est particulièrement opaque (21). Cela est principalement dû au fait que, dans sa forme définitive, l’article 16 a modifié de manière significative la disposition qui était initialement incluse dans la première proposition de la Commission. La proposition de 2004 (22) incluait en fait dans le projet de l’article 16 le « principe du pays d’origine » et une liste de dérogations. L’inclusion de ce principe dans le projet de directive a cependant déclenché un débat en Europe et a été critiquée par certains groupes d’intérêts comme prétendument « ouvrant la voie » au dumping social (23). C’est la raison pour laquelle le projet révisé de la Commission, présenté en 2006 (24), a éliminé le principe du pays d’origine et a en grande partie reformulé l’article 16.

68.      L’article 16 de la directive services, dans sa forme définitive, fait naître un certain nombre de problèmes d’interprétation. Aux fins de la présente procédure toutefois, une seule question devrait être examinée : une mesure couverte par l’article 16 peut-elle être justifiée et, dans cette hypothèse, sur quel fondement et à quelles conditions ?

69.      Il faut souligner à cet égard que l’article 16, paragraphe 1, de la directive services pose les principes généraux relatifs à la libre prestation de services, développant et complétant la règle fondamentale consacrée à l’article 56 TFUE. Il exige en particulier que les États membres respectent le droit des prestataires de services de fournir des services dans un État membre autre que celui dans lequel ils sont établis. L’État membre d’accueil doit, dès lors, assurer le libre accès à une activité de service ainsi que son libre exercice sur son territoire. Seules les exigences nationales qui respectent les principes de non‑discrimination, de nécessité et de proportionnalité peuvent être justifiées.

70.      L’article 16, paragraphe 3, de la directive services limite quant à lui les motifs justificatifs au nombre de quatre : ceux mentionnés à l’article 52 TFUE et la protection de l’environnement. Ce paragraphe inclut également une exception pour les « règles [nationales] en matière de conditions d’emploi » en application de l’exception plus générale prévue à l’article 1er, paragraphe 6, de la directive services.

71.      Une question épineuse est celle de savoir si l’article 16, paragraphe 2, de la directive services contient une « liste noire » d’exigences nationales – signifiant que ces exigences ne peuvent en aucun cas être justifiées – ou énumère simplement des exemples d’exigences particulièrement suspectes qui peuvent néanmoins, dans des situations exceptionnelles, être encore justifiées lorsque les conditions posées à l’article 16, paragraphes 1 et 3, sont réunies (25). Deux avocats généraux ont, dans des affaires antérieures, adopté des points de vue divergents sur cette question (26) et la doctrine semble elle aussi divisée (27).

72.      Cette situation est compréhensible. Des arguments viennent en effet soutenir les deux lectures possibles de cette disposition.

73.      D’une part, la structure de l’article 16 de la directive services viendrait plutôt suggérer que les exigences mentionnées au paragraphe 2 de cet article ne sauraient être interdites en soi. Il peut en effet sembler curieux pour le législateur d’inclure une liste noire dans un paragraphe spécifique (paragraphe 2) qui se trouve inséré entre deux paragraphes (paragraphes 1 et 3) posant les conditions en vertu desquelles les exigences nationales peuvent être justifiées. On se serait plutôt attendu à trouver une telle liste au début ou à la fin de l’article 16 ou, mieux encore, dans une disposition distincte et spécifique. C’est effectivement le cas pour les exigences nationales qui affectent la liberté d’établissement ; elles sont traitées dans deux dispositions distinctes : les exigences inscrites sur la « liste noire » à l’article 14 et celles soumises à un mécanisme d’évaluation et à une règle de justification à l’article 15. L’article 16, paragraphe 2, de la directive services n’affirme pas non plus explicitement qu’il s’applique « par dérogation » à ce qui est prévu au paragraphe précédent.

74.      D’autre part, la structure étrange de l’article 16 de la directive services peut être expliquée par sa genèse compliquée (ainsi qu’il a été expliqué ci-dessus) (28). Je vois surtout des arguments plus convaincants soutenant le point de vue que les exigences mentionnées au paragraphe 2 sont en soi interdites. Pour commencer, les termes de l’article 16, paragraphe 2, de la directive services sont très clairs lorsqu’ils affirment que « [l]es États membres ne peuvent pas restreindre la libre prestation de services par un prestataire établi dans un autre État membre en imposant l’une des exigences suivantes […] » (29). L’article 16, paragraphe 2, de la directive services fait ainsi écho au libellé de l’article 14 de la même directive à l’égard duquel la Cour a considéré que les exigences « ne peuvent être justifiées » (30).

75.      De plus, si le législateur avait voulu simplement énumérer des exemples d’exigences nationales qui, comme celles couvertes par les règles générales posées aux paragraphes 1 et 3 de l’article 16, sont en principe interdites mais peuvent être justifiées, il aurait probablement introduit dans le « chapeau » de l’article 16, paragraphe 2, de la directive services des termes comme « en particulier » ou « entre autres », comme il l’a fait dans d’autres dispositions de la même directive (31). La nature « fermée » de la liste exposée à l’article 16, paragraphe 2, de la directive services suggère donc une énumération d’exigences qui ne peuvent pas être justifiées et qui sont donc différentes de celles visées par les règles (générales) des paragraphes 1 et 3.

76.      En outre, les exigences énumérées à l’article 16, paragraphe 2, de la directive services semblent être inspirées par la jurisprudence de la Cour qui les a considérées comme étant particulièrement néfastes à la libre prestation de services (32). Il n’est en effet pas aisé d’envisager des situations dans lesquelles un État membre pourrait valablement soutenir qu’il était tenu d’appliquer ce type d’exigences.

77.      Enfin, et de manière importante, les exigences qui, en vertu de l’article 16, paragraphe 2, de la directive services, ne sauraient être imposées incluent au point sous g) « les restrictions à la libre prestation des services visées à l’article 19 » de la même directive. Cette dernière disposition, ainsi qu’il a été indiqué ci-dessus au point 64, concerne les exigences nationales qui restreignent le droit des destinataires à bénéficier de services de prestataires établis à l’étranger. Il me semble que le raisonnement suivi par la Cour dans l’affaire Rina Services, jugeant que les exigences énumérées à l’article 14 de la directive services ne peuvent en aucun cas être justifiées, doit également s’appliquer à l’égard de l’article 19 de la même directive. En effet, comme l’article 14, l’article 19 est également intitulé « Restrictions interdites » et ne contient aucune disposition en ce sens que les États membres seraient libres de justifier ces restrictions (33).

78.      Il faut admettre que l’article 19 de la directive services n’énumère que deux catégories d’exigences et qualifie clairement cette liste d’exhaustive. La nature ouverte de cette disposition pourrait donc être considérée comme une indication du fait que les restrictions mentionnées ne sont pas en soi interdites. Cette considération ne suffit cependant pas selon moi pour remettre en cause le fait que l’article 19 de la directive services est destiné à interdire absolument toute restriction imposée par un État membre aux destinataires de services. Il faut garder à l’esprit qu’il est rare que la législation d’un État membre restreigne la capacité des clients nationaux à bénéficier de services fournis par des prestataires établis à l’étranger. Le champ d’application de l’article 19 de la directive services est donc plutôt limité.

79.      Ainsi, si l’article 19 de la directive services constitue une liste noire, l’article 16, paragraphe 2, de la même directive qui y fait expressément référence doit être une disposition de même nature.

80.      Eu égard aux considérations qui précèdent, j’estime que les mesures nationales restreignant le droit des prestataires de services peuvent, en principe, être justifiées uniquement pour les motifs et en vertu des conditions exposés à l’article 16, paragraphes 1 et 3, de la directive services ou « sauvées » par les dérogations prévues par les articles 17 et 18 de la même directive (34). Les mesures nationales correspondant à celles énumérées à l’article 16, paragraphe 2, de la directive services ne peuvent cependant être introduites ou maintenues que si elles sont couvertes par les articles 17 et 18 de cette directive. À l’inverse, conformément à l’article 19 de la directive services, les mesures nationales qui restreignent les droits des destinataires de services ne peuvent en principe pas être justifiées.

b)      Conclusions

81.      Au vu de ce qui précède, je suis d’avis qu’une mesure comme celle en cause en l’espèce est incompatible avec les articles 16 et 19 de la directive services.

82.      En effet, pour les raisons exposées aux points 36 et 37 ci-dessus, la mesure en cause constitue également une restriction s’appliquant aux destinataires de services et est, par voie de conséquence, couverte par les interdictions posées à l’article 16, paragraphe 2, sous g), et à l’article 19 de la directive services. Néanmoins, comme je l’ai également expliqué, pour ce qui est des exigences mentionnées dans ces dispositions, aucune justification ne saurait en principe être admise.

83.      Sur ce fondement, je conclus que la réponse aux questions déférées devrait être que les articles 16 et 19 de la directive services interdisent à un État membre d’ordonner à un destinataire de services la suspension des paiements et la constitution d’une caution équivalente au montant encore dû pour un service fourni à l’aide de travailleurs détachés par un prestataire de services établi dans un autre État membre lorsque la mesure en cause sert à garantir le paiement d’une éventuelle amende qui pourrait être imposée plus tard par l’État membre d’accueil au prestataire de services pour une violation de la législation du travail de cet État.

2.      L’article 56 TFUE

84.      La réponse aux questions déférées ne serait, selon moi, pas différente si la Cour devait considérer que les dispositions de la directive services ne sont pas applicables à la procédure au principal et devait par voie de conséquence examiner la compatibilité de la mesure en cause avec l’article 56 TFUE.

a)      L’existence d’une restriction

85.      Il est de jurisprudence constante que l’article 56 TFUE exige non seulement l’élimination de toute discrimination à l’encontre des prestataires de services qui sont établis dans un autre État membre en raison de leur nationalité, mais également la suppression de toute restriction, même si elle s’applique indistinctement aux prestataires nationaux et à ceux des autres États membres, lorsqu’elle est de nature à prohiber, à gêner ou à rendre moins attrayantes les activités du prestataire établi dans un autre État membre où il fournit légalement des services analogues (35).

86.      Ainsi qu’il a été expliqué aux points 36 à 38 ci-dessus, la mesure en cause est susceptible de restreindre les droits que les prestataires et destinataires de services tirent de l’article 56 TFUE.

87.      Il reste ainsi à examiner si la restriction peut être justifiée.

b)      L’éventuelle justification

88.      Il faut rappeler que, dans la mesure où la libre prestation de services est l’un des principes fondamentaux du droit de l’Union, une restriction apportée à cette liberté ne saurait être admise que si elle poursuit un objectif légitime compatible avec les traités et est justifiée par des raisons impérieuses d’intérêt général ; si tel est le cas, elle doit être propre à garantir la réalisation de l’objectif poursuivi et ne pas aller au-delà de ce qui est nécessaire pour l’atteindre (36).

89.      À cet égard, je souhaiterais signaler tout d’abord que l’objectif de permettre aux autorités nationales de contrôler et faire respecter la législation nationale du travail adoptée pour protéger les travailleurs et éviter une concurrence déloyale ainsi que le dumping social – la justification invoquée par le gouvernement autrichien – constitue une raison impérieuse d’intérêt général qui pourrait justifier une restriction à la libre prestation de services (37).

90.      En ce qui concerne le caractère adéquat de la mesure en cause pour garantir la réalisation de cet objectif, j’observerai les points suivants. Il est vrai que la mesure en cause, en rendant plus difficile pour les entrepreneurs de se soustraire au paiement d’amendes qui pourraient leur être imposées pour la violation de certaines règles du droit du travail, peut promouvoir le respect desdites règles.

91.      On peut néanmoins douter que la mesure en cause poursuit effectivement et de manière cohérente l’objectif invoqué par le gouvernement autrichien. En effet, la mesure en cause est imposée pour garantir le paiement d’amendes pour des infractions qui pourraient bel et bien être purement formelles et dont les conséquences négatives pourraient être plutôt limitées, alors que cette même mesure n’est pas applicable (si je la comprends bien) à l’égard de violations de la législation du travail qui ont des conséquences plus sérieuses pour les travailleurs : par exemple, le non-respect des droits aux congés maladie ou aux congés maternité, aux congés payés annuels, des périodes de repos minimales ou des taux de rémunération, ou des standards requis de santé, de sécurité et d’hygiène au travail.

92.      Indépendamment de cet aspect, je suis d’avis que la mesure en cause est en tout cas disproportionnée dans la mesure où elle va au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre l’objectif affiché. Plusieurs éléments peuvent conduire à cette conclusion.

c)      La proportionnalité

93.      Premièrement, il convient d’avoir à l’esprit que d’après la jurisprudence constante, lorsqu’un État membre invoque des raisons impérieuses d’intérêt général pour justifier une réglementation qui est de nature à entraver l’exercice de la libre prestation des services, cette justification doit être interprétée à la lumière des principes généraux du droit de l’Union et notamment des droits fondamentaux désormais garantis par la Charte. Ainsi, la réglementation nationale en cause ne pourra bénéficier des exceptions prévues que si elle est conforme aux droits fondamentaux dont la Cour assure le respect (38).

94.      Dans la présente affaire, deux dispositions de la Charte me semblent particulièrement pertinentes : l’article 47 (« Droit à un recours effectif et à accéder à un tribunal impartial ») et l’article 48 (« Présomption d’innocence et droits de la défense »). La mesure en cause semble problématique au regard des deux dispositions.

95.      D’une part, en vertu de l’article 48 de la Charte, lorsque les autorités nationales interviennent dans le domaine du droit de l’Union, le destinataire d’une décision négative doit recevoir la possibilité de présenter ses observations avant que la décision ne soit adoptée afin de permettre à l’autorité administrative compétente de tenir compte de toutes les informations pertinentes. Le destinataire doit en particulier être en mesure de corriger toute erreur commise par l’autorité ou de présenter des informations qui pourraient plaider en faveur de l’adoption ou non de la décision, ou bien en faveur d’un contenu spécifique de ladite décision. Ce droit doit être garanti même lorsque la législation nationale applicable ne prévoit pas expressément une exigence procédurale spécifique à cet effet (39).

96.      Dans la présente affaire, le destinataire formel de la mesure en cause était M. Vavti. Il est cependant indéniable que la mesure a également affecté la situation juridique de Čepelnik, directement et immédiatement, en restreignant fortement les droits qu’elle tire de son contrat avec M. Vavti. Indépendamment de cela, Čepelnik n’a jamais été entendue avant l’adoption de la mesure en cause.

97.      D’autre part, la mesure en cause semble violer les exigences découlant de l’article 47 de la Charte en vertu duquel toute décision adoptée par les autorités administratives doit pouvoir être contestée devant un juge qui peut contrôler les questions de fait et de droit invoquées par un requérant. En particulier, toute personne doit avoir le droit d’engager une procédure devant les juridictions nationales pour contester la légalité de toute décision ou autre mesure nationale relative à l’application à son encontre de la réglementation de l’Union (40).

98.      J’observe à cet égard qu’il n’est pas clair si une entreprise se retrouvant dans la situation de Čepelnik a le droit d’introduire auprès d’une juridiction autrichienne un recours en annulation de la mesure en cause. L’ordonnance de renvoi laisse entendre que cela n’est pas possible, une position également défendue par Čepelnik alors que le gouvernement autrichien soutient au contraire qu’une telle possibilité existe (41). Dès lors, la situation semble être, au mieux, ambiguë. En tout état de cause, je ne vois pas comment le droit à un recours effectif pourrait être utilement exercé lorsque – comme dans le cas de Čepelnik – le prestataire de services n’est même pas informé tout de suite par l’administration autrichienne de l’adoption de la mesure en cause.

99.      De toute évidence, il n’est pas non plus satisfaisant que la mesure en cause puisse être contestée par le destinataire des services. En effet, puisque la constitution de la caution éteint sa dette envers le prestataire de services, un client n’aura souvent aucun intérêt à engager une procédure qui lui coûterait de l’argent, du temps et de l’énergie.

100. Deuxièmement, il faut souligner que, d’après la juridiction de renvoi, la mesure en cause a été imposée sur le seul fondement du fait que Čepelnik n’est pas établie en Autriche et que l’administration avait par voie de conséquence assumé que l’amende qu’elle pourrait imposer à l’avenir à cette entreprise serait impossible ou excessivement difficile à collecter.

101. C’est pourquoi – du moins dans la présente affaire – la position adoptée par défaut par les autorités autrichiennes a été que le seul fait qu’une entreprise est établie à l’étranger justifie l’adoption de la mesure en cause. Or, je ne vois pas comment on pourrait justifier une mesure restrictive adoptée sur une base générale et à titre préventif à l’encontre de (potentiellement) tout prestataire de services qui n’est pas établi en Autriche (42). Son application automatique et inconditionnelle ne permet pas de tenir dûment compte de la situation individuelle de chaque prestataire, et ce en dépit du fait évident que tous les prestataires immatriculés à l’étranger ne se trouvent pas dans une situation similaire. On ne saurait en particulier présumer que chacun d’entre eux pourrait tenter de profiter des obstacles administratifs découlant de l’application transfrontalière des amendes pour y échapper (43). Il y aura certainement des entreprises étrangères qui du fait de leur taille, leur réputation, leur situation financière et, notamment, leur clientèle en Autriche, préféreront payer n’importe quelle amende qui leur est imposée plutôt que de chercher à contourner le droit autrichien. Il ne saurait appartenir au prestataire de services de réfuter la présomption avancée par les autorités nationales, tout spécialement parce qu’il n’est pas même informé de l’adoption de la mesure en cause et qu’il n’est en tout cas pas du tout clair si et quand il pourrait se présenter devant les autorités administratives et/ou la juridiction compétente pour connaître de l’affaire.

102. Il ne saurait non plus être présumé que, si la nécessité d’imposer l’amende de manière transfrontalière se manifestait, les autorités slovènes ne seraient pas disposées à fournir à leurs collègues autrichiens l’assistance nécessaire.

103. Il en est a fortiori ainsi si on tient compte du fait qu’à peine trois mois après l’application de la mesure en cause dans la procédure au principal, la période de transposition de la directive 2014/67 devait expirer et les infractions administratives pour lesquelles Čepelnik s’est vu imposer l’amende semblent relever du champ d’application matériel de cette directive. En effet, en vertu de l’article 9, paragraphe 1, de la directive 2014/67, les exigences administratives et mesures de contrôle nécessaires pour garantir le contrôle effectif du respect des obligations exposées dans cette directive et dans la directive 96/71 que les États membres peuvent imposer – à condition qu’elles soient justifiées et proportionnées conformément au droit de l’Union – incluent l’exigence que les prestataires de services déclarent le début de la prestation de services et gardent les fiches de salaire dans l’une des langues officielles de l’État membre d’accueil ou dans d’autres langues acceptées par cet État membre.

104. Les autorités autrichiennes auraient donc bientôt été en mesure de faire usage des procédures et mécanismes prévus par la directive 2014/67 pour imposer une amende qui – il pourrait être utile de le souligner de nouveau – n’avait pas encore été imposée à l’époque où la caution avait été ordonnée. En particulier, les articles 13 à 19 de la directive 2014/67 (chapitre VI, portant sur l’« exécution transfrontalière de sanctions et/ou d’amendes administratives pécuniaires ») exigent des États membres qu’ils s’assistent mutuellement dans l’application des règles nationales adoptées en application de la directive, ce qui implique une obligation de reconnaissance mutuelle des amendes et d’assistance mutuelle dans la collecte des amendes administratives. Ces articles posent également certaines dispositions spécifiques à cet effet.

105. Il convient en outre de souligner que la mesure en cause a été maintenue même après l’expiration de la période de transposition de la directive 2014/67 et la notification par la République d’Autriche à la Commission de la transposition de cette directive.

106. Il est de ce fait, selon moi, inutile de déterminer si les procédures posées dans la décision-cadre 2005/214/JAI du Conseil, du 24 février 2005, concernant l’application du principe de reconnaissance mutuelle aux sanctions pécuniaires (44) pourraient être applicables à la présente affaire, comme l’ont soutenu certaines parties qui ont présenté des observations dans la présente procédure. Il me semble que la Cour ne dispose pas d’informations adéquates sur le sujet. Il n’est en particulier pas clair si la décision en application de laquelle l’administration autrichienne impose des sanctions financières pour des violations de l’AVRAG comme celles dont est accusée Čepelnik est adoptée par l’une des autorités mentionnées à l’article 1er, sous a), de la décision-cadre 2005/214.

107. Troisièmement enfin, j’observe que les amendes que la mesure en cause est supposée garantir sont particulièrement élevées, tout spécialement pour des infractions qui semblent être plutôt formelles (comme le simple défaut de présentation des fiches de salaire dans la langue de l’État membre d’accueil (45)). Cela est également démontré par le fait – comme la juridiction de renvoi l’indique – que l’amende à laquelle Čepelnik pourrait faire face pourrait s’élever à 90 000 euros. Il s’agit là d’un montant très significatif compte tenu de sa taille et de son chiffre d’affaires ainsi que de la valeur totale des travaux effectués par cette entreprise en Autriche.

108. À cet égard, il convient de garder à l’esprit qu’en vertu d’une jurisprudence constante, en l’absence de réglementation commune régissant une matière spécifique, les États membres restent compétents pour sanctionner les violations des obligations découlant de la législation nationale. Les États membres ne sauraient cependant imposer une sanction si disproportionnée à la gravité de l’infraction qu’elle devient une entrave aux libertés consacrées par les traités (46).

109. Dans la présente affaire, la combinaison d’amendes élevées et de caution comme celle en cause semble porter substantiellement atteinte au bénéfice de la libre prestation de services garantie par les traités. En particulier, prises ensemble, ces mesures altèrent de manière significative le délicat équilibre entre les différents intérêts (parfois concurrents) poursuivis par la directive 96/71 : promouvoir la fourniture transfrontalière de services tout en assurant une concurrence équitable et en garantissant le respect des droits des travailleurs, tant dans l’État membre d’accueil que dans l’État membre d’origine (47).

110. Eu égard à ce qui précède, j’estime que la mesure en cause constitue une restriction au titre de l’article 56 TFUE qui ne saurait être justifiée dans la mesure où elle va au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre l’objectif poursuivi par la législation nationale.

IV.    Conclusion

111. En conclusion, je propose à la Cour de répondre de la manière suivante aux questions préjudicielles posées par le Bezirksgericht Bleiburg/Okrajno sodišče Pliberk (tribunal de district de Bleiburg, Autriche) :

Les articles 16 et 19 de la directive 2006/123/CE du Parlement européen et du Conseil, du 12 décembre 2006, relative aux services dans le marché intérieur, interdisent à un État membre d’ordonner à un destinataire de services la suspension des paiements et la constitution d’une caution d’un montant équivalent au solde dû pour un service fourni, à l’aide de travailleurs détachés, par un prestataire établi dans un autre État membre lorsque la mesure en cause sert à garantir le paiement d’une éventuelle amende qui pourrait être imposée plus tard au prestataire par l’État membre d’accueil pour une violation de sa législation du travail.


1      Langue originale : l’anglais.


2      Directive du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2006 relative aux services dans le marché intérieur (JO 2006, L 376, p. 36, ci-après la « directive services »).


3      Directive du Parlement européen et du Conseil du 15 mai 2014 relative à l’exécution de la directive 96/71/CE concernant le détachement de travailleurs effectué dans le cadre d’une prestation de services et modifiant le règlement (UE) no 1024/2012 concernant la coopération administrative par l’intermédiaire du système d’information du marché intérieur (JO 2014, L 159, p. 11).


4      Voir, notamment, arrêt du 6 septembre 2016, Petruhhin (C‑182/15, EU:C:2016:630, point 20 et jurisprudence citée).


5      Voir en particulier les considérants 5 à 7 de la directive services.


6      Directive du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 1996 concernant le détachement de travailleurs effectué dans le cadre d’une prestation de services (JO 1997, L 18, p. 1).


7      Voir arrêt du 3 décembre 2014, De Clercq e.a. (C‑315/13, EU:C:2014:2408, point 47 et jurisprudence citée).


8      Cette directive instaure conformément à son article 1er, paragraphe 1, « un cadre commun établissant un ensemble de dispositions, de mesures et de mécanismes de contrôle appropriés en vue de l’amélioration et de l’uniformisation de la mise en œuvre, de l’application et de l’exécution dans la pratique de la directive [96/71], ainsi que les mesures visant à prévenir et à sanctionner toute violation et tout contournement des règles applicables ». L’objectif poursuivi est de garantir le respect d’un niveau de protection approprié des droits des travailleurs détachés pour la fourniture transfrontalière de services tout en facilitant l’exercice de la libre prestation de services pour les prestataires et en promouvant une concurrence équitable entre les prestataires de services.


9      Voir aussi, à cet effet, arrêt du 3 décembre 2014, De Clercq e.a. (C‑315/13, EU:C:2014:2408, points 49 à 51). D’un autre côté, les dispositions de la directive 2014/67 seront applicables au regard de l’exécution du montant de l’amende qui dépasse le montant couvert par la mesure en cause.


10      Arrêt du 16 juin 2015, Rina Services e.a. (C‑593/13, EU:C:2015:399, points 23 et suiv.). Voir aussi, à cet effet, arrêts du 23 février 2016, Commission/Hongrie (C‑179/14, EU:C:2016:108, point 118), et du 30 janvier 2018, X et Visser (C‑360/15 et C‑31/16, EU:C:2018:44, point 137).


11      Voir, en particulier, article 2, paragraphe 1, et article 4, point 1, de la directive services.


12      Voir, en particulier, article 4, point 7, de la directive services.


13      Voir respectivement article 2, paragraphes 2 et 3, de la directive services.


14      Mise en italique par mes soins.


15      Mise en italique par mes soins.


16      Cette lecture découle du fait que l’article 1er, paragraphe 7, de la directive services affirme que ladite directive « n’affecte pas l’exercice des droits fondamentaux ». C’est néanmoins citer l’évidence que de dire que les droits accordés par la directive services pourraient avoir un effet sur l’exercice de certains droits fondamentaux (tout spécialement ceux ayant un caractère économique) reconnus en droit national et en droit de l’Union.


17      Le considérant 58 de la proposition initiale de la Commission pour la directive [COM(2004) 2 final/3, régulièrement mentionnée en doctrine comme le projet « Bolkestein »] disposait simplement que « [l]a présente directive n’a pas pour objet de traiter des questions de droit du travail en tant que telles ». Certaines parties prenantes ont néanmoins soutenu qu’une telle disposition pourrait miner les standards de protection sociale et les droits fondamentaux de négociation et d’actions collectives. Pour répondre à ces inquiétudes, la proposition modifiée de la Commission pour la directive [COM(2006) 160 final, en doctrine souvent citée comme la « proposition McCreevy »] a notamment introduit à l’article 1er, paragraphe 6, l’exception actuelle. Cette proposition a ensuite été adoptée en tant que telle dans la directive services. Pour une discussion du sujet, voir Flower, J., « Negotiating European Legislation : The Services Directive », Cambridge Yearbook of European Legal Studies, vol. 9, Hart Publishing, 2007, p. 217 à 238.


18      Par exemple : « Derecho laboral, es decir » (version espagnole) ; « das Arbeitsrecht, d.h. » (version allemande) ; « labour law, that is » (version anglaise) ; « droit du travail, à savoir » (version française) ; « legislazione del lavoro, segnatamente » (version italienne) ; « het arbeidsrecht…, dat wil zeggen » (version néerlandaise) ; « legislação laboral, ou seja » (version portugaise) ; « työoikeuteen, toisin sanoen » (version finnoise) et « arbetsrätten, dvs. » (version suédoise). Mise en italique par mes soins.


19      Voir, par exemple, articles 27 à 33 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après « la Charte ») et les articles 151 à 160 TFUE. Voir également la charte communautaire des droits sociaux fondamentaux des travailleurs (adoptée lors de la réunion du Conseil à Strasbourg le 9 décembre 1989) et la charte sociale européenne du Conseil de l’Europe (signée à Turin le 18 octobre 1961). Plus récemment, voir les principes du pilier européen des droits sociaux (déclaration interinstitutionnelle de la Commission, du Conseil et du Parlement européen lors du Sommet social pour des emplois et une croissance équitables du 17 novembre 2017 à Göteborg).


20      Arrêt du 3 décembre 2014, De Clercq e.a. (C‑315/13, EU:C:2014:2408, points 42 à 48).


21      Voir Barnard, C., « Unravelling the Services Directive », Common Market Law Review, vol. 45, 2008, p. 323 à 394, p. 360.


22      Citée supra, note de bas de page 17.


23      Voir, par exemple, Craufurd Smith, R., « Old Wine in New Bottles ? From the “Country of Origin Principle” to “Freedom to Provide Services” in the European Community Directive on Services in the Internal Market », Mitchell Working Paper Series, 2007, p. 2


24      Voir note de bas de page 17.


25      La question a également été soulevée dans une affaire antérieure mais la Cour n’avait pas eu à prendre position : voir arrêt du 23 février 2016, Commission/Hongrie (C‑179/14, EU:C:2016:108, point 116).


26      Voir conclusions de l’avocat général Cruz Villalón dans l’affaire Rina Services e.a. (C‑593/13, EU:C:2015:159, point 34 et suiv.), ainsi que conclusions de l’avocat général Bot dans l’affaire Commission/Hongrie (C‑179/14, EU:C:2015:619, point 153 et suiv.).


27      Voir Barnard, C., op. cit., note de bas de page 21, p. 364 et 365, avec les travaux cités à la note de bas de page 57 des conclusions de l’avocat général Bot dans l’affaire Commission/Hongrie (C‑179/14, EU:C:2015:619).


28      Voir le point 67 des présentes conclusions.


29      Mise en italique par mes soins. Bien que la disposition ne soit pas toujours formulée de manière identique dans les différentes versions linguistiques de la directive services, je n’ai trouvé aucune version qui vient suggérer une approche moins stricte de la question.


30      Arrêt du 16 juin 2015, Rina Services e.a. (C‑593/13, EU:C:2015:399 , point 28).


31      Voir, par exemple, les articles 17 et 19 de la directive services. Afin d’être complet, je me dois de signaler la version italienne de l’article 16, paragraphe 2, de la directive services qui inclut, avant la liste des exigences interdites, le terme « in particolare », terme que je n’ai cependant retrouvé dans aucune autre version linguistique de la directive services que j’ai examinée.


32      Voir conclusions de l’avocat général Bot dans l’affaire Commission/Hongrie (C‑179/14, EU:C:2015:619, points 153 et 154 ainsi que jurisprudence citée).


33      Arrêt du 16 juin 2015, Rina Services e.a. (C‑593/13, EU:C:2015:399, point 30).


34      Ces dispositions concernent respectivement les « Dérogations supplémentaires à la libre prestation des services » (par exemple, les services d’intérêt économique général qui sont fournis dans un autre État membre, entre autres, dans les services postaux, l’électricité, la distribution d’eau et le traitement des déchets) et les « Dérogations dans des cas individuels » (comme pour les mesures relatives à la sécurité des services).


35      Voir, entre autres, arrêts du 18 juillet 2013, Citroën Belux (C‑265/12, EU:C:2013:498, point 35), et du 11 juin 2015, Berlington Hungary e.a. (C‑98/14, EU:C:2015:386, point 35).


36      Voir, notamment, arrêt du 18 décembre 2007, Laval un Partneri (C‑341/05, EU:C:2007:809, point 101 et jurisprudence citée).


37      Voir, à cet effet, arrêts du 12 octobre 2004, Wolff & Müller (C‑60/03, EU:C:2004:610, points 35 et 41), et du 19 décembre 2012, Commission/Belgique (C‑577/10, EU:C:2012:814, point 45).


38      Voir, notamment, arrêt du 30 avril 2014, Pfleger e.a. (C‑390/12, EU:C:2014:281, point 35 et jurisprudence citée).


39      Voir spécialement arrêt du 19 février 2009, Kamino International Logistics (C‑376/07, EU:C:2009:105, points 37 à 39).


40      Voir, à cet effet, arrêt du 27 février 2018, Associação Sindical dos Juízes Portugueses (C‑64/16, EU:C:2018:117, point 31 et jurisprudence citée).


41      Je note que le gouvernement autrichien n’a pu citer, au soutien de son argument, qu’un seul cas où une juridiction d’appel avait reconnu la qualité de partie à la procédure à un prestataire de services, annulant la décision de première instance qui l’avait rejetée. Čepelnik a cependant cité un autre cas où une position similaire avait été rejetée par une autre juridiction d’appel et un cas (encore pendant) où l’administration autrichienne avait soutenu que le prestataire de services n’avait pas le droit de contester une mesure comme celle en cause ici. Plus révélateur encore, Čepelnik a informé la Cour que dans son propre cas, la juridiction nationale compétente n’a, en dépit du temps déjà écoulé, pas encore pris de décision sur le point de savoir si cette entreprise avait un intérêt à agir et à engager une action contre la mesure en cause.


42      Voir, par analogie, arrêt du 9 novembre 2006, Commission/Belgique (C‑433/04, EU:C:2006:702, points 35 à 38).


43      Voir, à cet effet, arrêts du 11 mars 2004, de Lasteyrie du Saillant (C‑9/02, EU:C:2004:138, points 51 et 52) ; du 7 septembre 2017, Eqiom and Enka (C‑6/16, EU:C:2017:641, point 31), et du 20 décembre 2017, Deister Holding et Juhler Holding (C‑504/16 et C‑613/16, EU:C:2017:1009, point 61).


44      JO 2005, L 76, p. 16.


45      D’après la juridiction de renvoi, les fiches de salaire manquantes ont été présentées peu de temps après l’inspection par l’autorité de contrôle.


46      Voir, à cet effet, notamment, arrêts du 7 juillet 1976, Watson et Belmann (118/75, EU:C:1976:106, point 21), ainsi que du 29 février 1996, Skanavi et Chryssanthakopoulos (C‑193/94, EU:C:1996:70, point 36).


47      Voir, en particulier, considérant 5 de la directive 96/71.