Language of document : ECLI:EU:T:2018:448

ARRÊT DU TRIBUNAL (huitième chambre)

12 juillet 2018 (*)

« Concurrence – Ententes – Marché européen des câbles électriques – Décision constatant une infraction à l’article 101 TFUE – Infraction unique et continue – Illégalité de la décision d’inspection – Délai raisonnable – Principe de bonne administration – Principe de responsabilité personnelle – Responsabilité solidaire pour le paiement de l’amende – Preuve suffisante de l’infraction – Durée de l’infraction – Amendes – Proportionnalité – Égalité de traitement – Compétence de pleine juridiction »

Dans l’affaire T‑475/14,

Prysmian SpA, établie à Milan (Italie),

Prysmian Cavi e Sistemi Srl, établie à Milan,

représentées par Mes C. Tesauro, F. Russo, L. Armati et M. C. Toniolo, avocats,

parties requérantes,

soutenues par

The Goldman Sachs Group, Inc., établie à New York, New York (États-Unis), représentée par Mes W. Deselaers, J. Koponen et A. Mangiaracina, avocats,

partie intervenante,

contre

Commission européenne, représentée initialement par MM. C. Giolito, L. Malferrari, P. Rossi et H. van Vliet, puis par MM. Giolito, Rossi et van Vliet, en qualité d’agents, assistés de Me S. Kingston, barrister,

partie défenderesse,

soutenue par

Pirelli & C. SpA, établie à Milan, représentée par Mes M. Siragusa, G. Rizza, P. Ferrari, F. Moretti et A. Fava, avocats,

partie intervenante,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 263 TFUE et tendant, d’une part, à l’annulation de la décision C(2014) 2139 final de la Commission, du 2 avril 2014, relative à une procédure d’application de l’article 101 [TFUE] et de l’article 53 de l’accord EEE (affaire AT.39610 – Câbles électriques), en ce qu’elle concerne les requérantes, ainsi que, d’autre part, à la réduction du montant des amendes infligées à celles-ci,

LE TRIBUNAL (huitième chambre),

composé de M. A. M. Collins, président, Mme M. Kancheva (rapporteur) et M. R. Barents, juges,

greffier : Mme C. Heeren, administrateur,

vu la phase écrite de la procédure et à la suite de l’audience du 20 mars 2017,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

 Requérantes et secteur concerné

1        Les requérantes, Prysmian SpA et Prysmian Cavi e Sistemi Srl (ci-après « PrysmianCS »), sont deux sociétés italiennes constituant, dans leur ensemble, le groupe Prysmian. La seconde d’entre elles, détenue à 100 % par la première, est un acteur mondial présent sur le secteur des câbles électriques sous-marins et souterrains. Entre le 18 février 1999 et le 28 juillet 2005, PrysmianCS était détenue par Pirelli & C. SpA (ci-après « Pirelli »), anciennement Pirelli SpA, d’abord avec d’autres activités au sein de Pirelli Cavi e Sistemi SpA (ci-après « PirelliCS »), puis, après scission de celle-ci, sous la forme autonome de Pirelli Cavi e Sistemi Energia SpA (ci-après « PirelliCSE »). En juillet 2005, cette dernière société a été cédée à une filiale de The Goldman Sachs Group, Inc. (ci-après « Goldman Sachs »), devenant, initialement, Prysmian Cavi e Sistemi Energia Srl (ci-après « PrysmianCSE ») et, finalement, PrysmianCS.

2        Les câbles électriques sous-marins et souterrains sont utilisés, respectivement sous l’eau et sous la terre, pour le transport et la distribution d’électricité. Ils sont classés en trois catégories : basse tension, moyenne tension ainsi que haute et très haute tension. Les câbles électriques à haute et très haute tension sont, dans la majorité des cas, vendus dans le cadre de projets. Ces projets consistent en une combinaison du câble électrique et des équipements, installations et services supplémentaires nécessaires. Les câbles électriques à haute et très haute tension sont vendus dans le monde entier à de grands exploitants de réseaux nationaux et à d’autres entreprises d’électricité, principalement dans le cadre de marchés publics.

 Procédure administrative

3        Par lettre du 17 octobre 2008, la société suédoise ABB AB a fourni à la Commission des communautés européennes une série de déclarations et de documents relatifs à des pratiques commerciales restrictives dans le secteur de la production et de la fourniture de câbles électriques souterrains et sous-marins. Ces déclarations et ces documents ont été produits dans le cadre d’une demande d’immunité au sens de la communication de la Commission sur l’immunité d’amendes et la réduction de leur montant dans les affaires portant sur des ententes (JO 2006, C 298, p. 17, ci-après la « communication sur la clémence »).

4        Du 28 janvier au 3 février 2009, à la suite des déclarations d’ABB, la Commission a effectué des inspections dans les locaux de Prysmian et de PrysmianCSE ainsi que d’autres sociétés européennes concernées, à savoir Nexans SA et Nexans France SAS.

5        Le 2 février 2009, les sociétés japonaises Sumitomo Electric Industries Ltd, Hitachi Cable Ltd et J‑Power Systems Corp. ont introduit une demande conjointe d’immunité d’amende conformément au paragraphe 14 de la communication sur la clémence, ou, à titre subsidiaire, de réduction de son montant, conformément au paragraphe 27 de cette communication. Elles ont ensuite transmis à la Commission d’autres déclarations orales et d’autres documents.

6        Au cours de l’enquête, la Commission a envoyé plusieurs demandes d’informations, conformément à l’article 18 du règlement (CE) no 1/2003 du Conseil, du 16 décembre 2002, relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux articles [101] et [102 TFUE] (JO 2003, L 1, p. 1), et au paragraphe 12 de la communication sur la clémence, à des entreprises du secteur de la production et de la fourniture de câbles électriques souterrains et sous-marins.

7        Le 30 juin 2011, la Commission a ouvert une procédure et adopté une communication des griefs à l’encontre des entités juridiques suivantes : Nexans France, Nexans, Pirelli, Goldman Sachs, Sumitomo Electric Industries, Hitachi Cable, J‑Power Systems, Furukawa Electric Co. Ltd, Fujikura Ltd, Viscas Corp., SWCC Showa Holdings Co. Ltd, Mitsubishi Cable Industries Ltd, Exsym Corp., ABB, ABB Ltd, Brugg Kabel AG, Kabelwerke Brugg AG Holding, nkt cables GmbH, NKT Holding A/S, Silec Cable SAS, Grupo General Cable Sistemas, SA, Safran SA, General Cable Corp., LS Cable & System Ltd, Taihan Electric Wire Co. Ltd et les requérantes.

8        Du 11 au 18 juin 2012, tous les destinataires de la communication des griefs, à l’exception de Furukawa Electric, ont participé à une audience administrative devant la Commission.

9        Par les arrêts du 14 novembre 2012, Nexans France et Nexans/Commission (T‑135/09, EU:T:2012:596), et du 14 novembre 2012, Prysmian et Prysmian Cavi e Sistemi Energia/Commission (T‑140/09, non publié, EU:T:2012:597), le Tribunal a partiellement annulé les décisions d’inspection adressées, d’une part, à Nexans et à Nexans France et, d’autre part, à Prysmian et à PrysmianCSE, pour autant qu’elles concernaient des câbles électriques autres que les câbles électriques sous-marins et souterrains à haute tension et le matériel associé à ces autres câbles, et a rejeté les recours pour le surplus. Le 24 janvier 2013, Nexans et Nexans France ont formé un pourvoi à l’encontre du premier de ces arrêts. Par arrêt du 25 juin 2014, Nexans et Nexans France/Commission (C‑37/13 P, EU:C:2014:2030), la Cour a rejeté ce pourvoi.

10      Le 2 avril 2014, la Commission a adopté sa décision C(2014) 2139 final, relative à une procédure d’application de l’article 101 [TFUE] et de l’article 53 de l’accord [EEE] (affaire AT.39610 – Câbles électriques) (ci-après la « décision attaquée »).

 Décision attaquée

 Infraction en cause

11      L’article 1er de la décision attaquée dispose que plusieurs entreprises ont participé au cours de différentes périodes à une infraction unique et continue à l’article 101 TFUE dans le « secteur des câbles électriques à (très) haute tension souterrains et/ou sous-marins ». En substance, la Commission a constaté que, à partir de février 1999 et jusqu’à la fin de janvier 2009, les principaux producteurs européens, japonais et sud-coréens de câbles électriques sous-marins et souterrains avaient participé à un réseau de réunions multilatérales et bilatérales et établi des contacts visant à restreindre la concurrence pour des projets de câbles électriques souterrains et sous-marins à (très) haute tension sur des territoires spécifiques, en se répartissant les marchés et les clients et en faussant ainsi le processus concurrentiel normal (considérants 10 à 13 et 66 de ladite décision).

12      Dans la décision attaquée, la Commission a considéré que l’entente revêtait deux configurations principales qui constituaient un ensemble composite. Plus précisément, selon elle, l’entente se composait de deux volets, à savoir :

–        la « configuration A/R de l’entente », qui regroupait les entreprises européennes, généralement appelées « membres R », y compris les requérantes, les entreprises japonaises, désignées en tant que « membres A », et, enfin, les entreprises sud-coréennes, désignées en tant que « membres K ». Ladite configuration permettait de réaliser l’objectif d’attribution de territoires et de clientèles entre producteurs européens, japonais et sud-coréens. Cette attribution se faisait selon un accord sur le « territoire national », en vertu duquel les producteurs japonais et sud-coréens s’abstenaient d’entrer en concurrence pour des projets se déroulant sur le « territoire national » des producteurs européens, tandis que ces derniers s’engageaient à rester en dehors des marchés du Japon et de la Corée du Sud. S’ajoutait à cela l’attribution de projets dans les « territoires d’exportation », à savoir le reste du monde à l’exception notamment des États-Unis, qui, pendant une certaine période, respecta un « quota 60/40 », signifiant que 60 % des projets étaient réservés pour les producteurs européens et les 40 % restant pour les producteurs asiatiques ;

–        la « configuration européenne de l’entente », qui impliquait l’attribution de territoires et de clients par les producteurs européens pour des projets à réaliser sur le « territoire national » européen ou attribués à des producteurs européens (voir point 3.3 de la décision attaquée et, en particulier, considérants 73 et 74 de cette décision).

13      La Commission a constaté que les participants à l’entente avaient mis en place des obligations de communication de données afin de permettre le suivi des accords de répartition (considérants 94 à 106 et 111 à 115 de la décision attaquée).

14      En tenant compte du rôle joué par différents participants à l’entente dans la mise en œuvre de celle-ci, la Commission les a classés en trois groupes. Tout d’abord, elle a défini le noyau dur de l’entente, auquel appartenaient, d’une part, les entreprises européennes Nexans France, les entreprises filiales de Pirelli ayant successivement participé à l’entente et PrysmianCSE et, d’autre part, les entreprises japonaises Furukawa Electric, Fujikura et leur entreprise commune Viscas ainsi que Sumitomo Electric Industries, Hitachi Cable et leur entreprise commune J‑Power Systems (considérants 545 à 561 de la décision attaquée). Ensuite, elle a distingué un groupe d’entreprises qui ne faisaient pas partie du noyau dur, mais qui ne pouvaient pas, pour autant, être considérées comme des acteurs marginaux de l’entente et a classé dans ce groupe ABB, Exsym, Brugg Kabel et l’entité constituée par Sagem SA, Safran et Silec Cable (considérants 562 à 575 de ladite décision). Enfin, elle a considéré que Mitsubishi Cable Industries, SWCC Showa Holdings, LS Cable & System, Taihan Electric Wire et nkt cables étaient des acteurs marginaux de l’entente (considérants 576 à 594 de cette décision).

 Responsabilité des requérantes

15      La responsabilité des requérantes a été retenue en raison de la participation directe à l’entente de PrysmianCS du 18 février 1999 jusqu’au 28 janvier 2009 ainsi que de l’exercice d’une influence déterminante de la part de Prysmian sur le comportement de PrysmianCS du 29 juillet 2005 jusqu’au 28 janvier 2009 (considérants 782 à 785 de la décision attaquée).

 Amendes infligées

16      L’article 2, sous f) et g), de la décision attaquée inflige, d’une part, une amende d’un montant de 37 303 000 euros à PrysmianCS « conjointement et solidairement » avec Prysmian et Goldman Sachs et, d’autre part, une amende d’un montant de 67 310 000 euros à PrysmianCS « conjointement et solidairement » avec Pirelli.

17      Aux fins du calcul du montant des amendes, la Commission a appliqué l’article 23, paragraphe 2, sous a), du règlement no 1/2003 et la méthodologie exposée dans les lignes directrices pour le calcul des amendes infligées en application [dudit article] (JO 2006, C 210, p. 2, ci-après les « lignes directrices pour le calcul des amendes de 2006 »).

18      En premier lieu, s’agissant du montant de base des amendes, après avoir déterminé la valeur des ventes appropriée, conformément au paragraphe 18 des lignes directrices pour le calcul des amendes de 2006 (considérants 963 à 994 de la décision attaquée), la Commission a fixé la proportion de cette valeur des ventes reflétant la gravité de l’infraction, conformément aux paragraphes 22 et 23 desdites lignes directrices. À cet égard, elle a estimé que l’infraction, par sa nature, constituait l’une des restrictions de la concurrence les plus graves, ce qui justifiait un taux de gravité de 15 %. De même, elle a appliqué une majoration de 2 % du coefficient de gravité pour l’ensemble des destinataires en raison de la part de marché cumulée ainsi que de la portée géographique quasi mondiale de l’entente, couvrant notamment l’ensemble du territoire de l’Espace économique européen (EEE). Par ailleurs, elle a considéré, notamment, que le comportement des entreprises européennes était plus préjudiciable à la concurrence que celui des autres entreprises, en ce que, outre leur participation à la « configuration A/R de l’entente », les entreprises européennes avaient partagé entre elles les projets de câbles électriques dans le cadre de la « configuration européenne de l’entente ». Pour cette raison, elle a fixé la proportion de la valeur des ventes à prendre en considération au titre de la gravité de l’infraction à 19 % pour les entreprises européennes et à 17 % pour les autres entreprises (considérants 997 à 1010 de ladite décision).

19      S’agissant du coefficient multiplicateur relatif à la durée de l’infraction, la Commission a retenu, en ce qui concerne PrysmianCS, un coefficient de 9,91 pour la période comprise entre le 18 février 1999 et le 28 janvier 2009 et, en ce qui concerne Prysmian, un coefficient de 3,5 pour la période comprise entre le 29 juillet 2005 et le 28 janvier 2009. Elle a, en outre, inclus pour PrysmianCS, dans le montant de base de l’amende, un montant additionnel, à savoir le droit d’entrée, correspondant à 19 % de la valeur des ventes. Ledit montant de base ainsi déterminé s’élevait à 104 613 000 euros (considérants 1011 à 1016 de la décision attaquée).

20      En second lieu, s’agissant des aménagements du montant de base des amendes, la Commission n’a pas constaté de circonstances aggravantes qui pourraient affecter le montant de base de l’amende établi à l’égard de chacun des participants à l’entente, à l’exception d’ABB. En revanche, en ce qui concerne les circonstances atténuantes, elle a décidé de refléter, dans le montant des amendes, le niveau de participation des différentes entreprises dans la mise en œuvre de l’entente. Ainsi, elle a réduit de 10 % le montant de base de l’amende à infliger pour les acteurs marginaux de l’entente et de 5 % le montant de base de l’amende à infliger pour les entreprises dont l’implication dans l’entente était moyenne. En outre, elle a accordé à Mitsubishi Cable Industries et à SWCC Showa Holdings, pour la période précédant la création d’Exsym ainsi qu’à LS Cable & System et à Taihan Electric Wire une réduction supplémentaire de 1 % pour n’avoir pas eu connaissance de certains aspects de l’infraction unique et continue et pour leur absence de responsabilité dans ceux-ci. En revanche, aucune réduction du montant de base de l’amende n’a été accordée aux entreprises appartenant au noyau dur de l’entente, y compris aux requérantes (considérants 1017 à 1020 et 1033 de la décision attaquée). Par ailleurs, la Commission a accordé, en application des lignes directrices pour le calcul des amendes de 2006, une réduction supplémentaire de 3 % du montant de l’amende imposée à Mitsubishi Cable Industries en raison de sa coopération effective en dehors du cadre de la communication sur la clémence (considérant 1041 de ladite décision).

 Procédure et conclusions des parties

21      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 17 juin 2014, les requérantes ont introduit le présent recours.

22      Par actes déposés au greffe du Tribunal le 27 octobre 2014 et le 4 novembre 2014, Pirelli et Goldman Sachs ont respectivement demandé à intervenir dans la présente affaire, la première au soutien des conclusions de la Commission et la seconde au soutien des conclusions des requérantes.

23      Par deux ordonnances du 25 juin 2015, le président de la huitième chambre du Tribunal (ancienne formation) a autorisé l’intervention de Pirelli et de Goldman Sachs dans la présente affaire.

24      Pirelli et Goldman Sachs ont présenté chacun leur mémoire en intervention le 24 septembre 2015. La Commission a présenté des observations sur les mémoires en intervention de Pirelli et de Goldman Sachs par mémoires déposés au greffe du Tribunal le 27 novembre 2015. Le 30 novembre 2015, les requérantes ont également communiqué des observations sur les mémoires en intervention de Pirelli et de Goldman Sachs.

25      Par ordonnance du 14 septembre 2016, le président de la huitième chambre du Tribunal a accueilli la demande de traitement confidentiel présentée par la Commission les 10 et 23 décembre 2014 à l’égard des intervenantes. En revanche, il a rejeté les demandes de traitement confidentiel présentées par les requérantes respectivement le 7 janvier 2015 à l’égard de Pirelli et le 8 décembre 2015 à l’égard de Goldman Sachs, pour autant qu’elles étaient contestées par ces dernières sociétés.

26      Dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 89 de son règlement de procédure, le Tribunal (huitième chambre) a posé des questions aux parties pour réponse écrite. Les parties ont répondu à ces questions dans le délai imparti.

27      La composition des chambres du Tribunal ayant été modifiée, en application de l’article 27, paragraphe 5, du règlement de procédure, le juge rapporteur a été affecté à la huitième chambre (nouvelle formation), à laquelle la présente affaire a, par conséquent, été attribuée.

28      Dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 89 du règlement de procédure, le Tribunal (huitième chambre) a demandé à la Commission la production de documents. La Commission a produit certains des documents demandés et sollicité l’adoption d’une mesure d’instruction en vue de produire les autres documents dont la production était demandée par le Tribunal, à savoir des transcripts des déclarations orales fournies par ABB dans sa demande d’immunité ainsi que par J‑Power Systems dans le cadre de sa demande conjointe d’immunité avec Sumitomo Electric Industries et Hitachi Cable. Par ordonnances du 9 février et du 2 mars 2017, le président de la huitième chambre du Tribunal a adopté une mesure d’instruction visant à obtenir de la Commission que celle-ci produise les transcripts en question. La Commission a déféré à cette mesure d’instruction les 20 février et 9 mars 2017.

29      Sur proposition du juge rapporteur, le Tribunal (huitième chambre) a décidé d’ouvrir la phase orale de la procédure. Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions posées par le Tribunal lors de l’audience du 20 mars 2017.

30      Les requérantes, soutenues par Goldman Sachs, concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        à titre principal, annuler la décision attaquée, dans la mesure où elle les concerne ;

–        à titre subsidiaire :

–        annuler l’article 1er, paragraphe 5, de la décision attaquée, en ce que la Commission constate la participation de PrysmianCS à l’infraction susvisée pendant la période comprise entre le 18 février 1999 et le 27 novembre 2001 ;

–        annuler l’article 2, sous f) et g), de la décision attaquée, fixant le montant des amendes infligées, « conjointement et solidairement », d’une part, à Goldman Sachs et à elles-mêmes et, d’autre part, à PrysmianCS et à Pirelli ;

–        réduire le montant des amendes qui leur ont été infligées ;

–        annuler les annexes I et II en ce qu’elles concernent M. R. ;

–        condamner la Commission aux dépens.

31      La Commission, soutenue par Pirelli, conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner les requérantes aux dépens.

 En droit

32      Dans le cadre du recours, les requérantes formulent tant des conclusions en annulation partielle de la décision attaquée que des conclusions visant à la réduction du montant des amendes qui leur ont été infligées.

 Sur les conclusions en annulation

33      À l’appui des conclusions en annulation, les requérantes invoquent neuf moyens. Le premier moyen est tiré du caractère illégal des inspections effectuées par la Commission ; le deuxième, de la violation du principe du délai raisonnable dans les procédures de concurrence ; le troisième, de la violation du principe de bonne administration ; le quatrième, de l’imputation à tort d’une responsabilité à l’encontre de PrysmianCS pour la période antérieure au 27 novembre 2001 ; le cinquième, de la violation de l’article 23, paragraphe 2, du règlement no 1/2003, dans la mesure où la Commission n’a pas déterminé les quotes-parts des codébiteurs solidaires dans le cadre de leur relation interne ; le sixième, tiré de l’insuffisance de preuves de l’existence d’une violation de l’article 101 TFUE ; le septième, de la détermination erronée de la durée de l’infraction ; le huitième, de la violation de l’article 23, paragraphe 2, dudit règlement, des lignes directrices pour le calcul des amendes de 2006 et des principes d’égalité de traitement et de proportionnalité en ce qui concerne le calcul des amendes infligées ; et, le neuvième, d’une erreur de fait en faisant figurer M. R. sur la liste des personnes pertinentes pour la décision attaquée.

 Sur le premier moyen, tiré du caractère illégal des inspections de la Commission

34      Les requérantes font valoir que les mesures adoptées par la Commission lors de l’inspection inopinée à laquelle elles ont dû se soumettre du 28 au 30 janvier 2009, conformément à la décision de celle-ci du 9 janvier 2009 (ci-après la « décision d’inspection »),sont illégales, en raison notamment des copies-images des disques durs de certains ordinateurs portables de trois employés. En substance, elles estiment que les informations obtenues à partir desdites copies-images n’auraient pas dû être admises dans la procédure administrative ni prises en compte dans la décision attaquée.

35      D’une part, les requérantes soutiennent que, en prenant des copies de tous les documents se trouvant sur les ordinateurs d’employés de Prysmian, sans même connaître leur nature ou leur pertinence, la Commission a, d’une part, outrepassé les pouvoirs dont elle est investie en vertu de l’article 20, paragraphe 2, du règlement no 1/2003 et, d’autre part, violé les termes de la décision d’inspection, en étendant sa portée géographique et temporelle. Selon elles, ledit règlement exige que chaque mesure prise par la Commission dans le contexte de l’inspection se déroule sur place, à l’endroit indiqué dans ladite décision, à savoir, en l’espèce, les locaux des requérantes à Milan (Italie), et non dans les locaux de la Commission. Elles ajoutent qu’un tel comportement de la Commission ne pouvait pas être justifié par les dispositions contenues dans la note explicative qu’elles ont reçue concernant les inspections menées en vertu de l’article 20, paragraphe 4, de ce règlement.

36      D’autre part, les requérantes soutiennent que la prolongation de l’inspection d’un mois a entravé la possibilité pour elles de procéder à une évaluation sérieuse de présenter une demande d’immunité, puisque, au cours de cette période, il n’était pas possible d’apprécier quelle valeur ajoutée importante il était possible d’apporter aux éléments de preuve déjà réunis par la Commission.

37      La Commission conteste les arguments des requérantes.

38      Avant de répondre aux arguments des parties, il convient de revenir brièvement sur le déroulement de l’inspection réalisée dans les locaux des requérantes par les agents de la Commission.

–       Sur le déroulement de l’inspection

39      Ainsi qu’il ressort de l’exposé des faits figurant dans l’arrêt du 14 novembre 2012, Prysmian et Prysmian Cavi e Sistemi Energia/Commission (T‑140/09, non publié, EU:T:2012:597), non contesté par les requérantes lors de l’audience, le 28 janvier 2009, les inspecteurs de la Commission, accompagnés d’un représentant de l’Autorità Garante della Concorrenza e del Mercato (Autorité garante de la concurrence et du marché, Italie), se sont rendus dans les locaux des requérantes à Milan afin de procéder à une inspection au titre de l’article 20, paragraphe 4, du règlement no 1/2003. Ils ont présenté à l’entreprise la décision d’inspection visant « Prysmian […], ainsi que les entreprises directement ou indirectement contrôlées par elle, [en ce compris PrysmianCS] »,et la note explicative concernant les inspections.

40      Ensuite, en présence des représentants et des avocats des requérantes, les inspecteurs ont contrôlé les ordinateurs de cinq employés. Le deuxième jour de l’inspection, à savoir le 29 janvier 2009, ils ont informé les requérantes que l’inspection prendrait plus de temps que les trois jours initialement prévus. Les requérantes se sont déclarées prêtes soit à permettre l’accès à leurs locaux au cours du week-end, soit à ce que des scellés y soient apposés afin que l’inspection reprenne la semaine suivante. Néanmoins, le troisième jour de l’inspection, à savoir le 30 janvier 2009, les inspecteurs ont décidé de prendre une copie-image des disques durs des ordinateurs de trois des cinq employés initialement visés, afin d’examiner l’information contenue dans ceux-ci dans les bureaux de la Commission à Bruxelles (Belgique).

41      Les requérantes ont fait observer que la méthode de contrôle envisagée par les inspecteurs était illégale. D’une part, l’article 20 du règlement no 1/2003 prévoirait que la vérification peut s’effectuer « auprès des entreprises ». D’autre part, l’obtention d’une copie-image des disques durs des ordinateurs en cause serait contraire au « principe de pertinence » devant caractériser les activités d’enquête de la Commission, en vertu duquel le matériel saisi au cours d’une inspection doit être pertinent pour l’objet de l’enquête.

42      Les inspecteurs ont informé les requérantes que toute opposition à la procédure de contrôle envisagée serait considérée comme une « non-collaboration ». Les requérantes se sont donc soumises à cette procédure, mais elles ont rédigé une déclaration, signée par les inspecteurs, se réservant le droit d’en contester la légalité en justice.

43      Les inspecteurs ont effectué trois copies-images des disques durs des ordinateurs en cause. Les copies-images des disques durs de deux ordinateurs ont été sauvegardées sur un support informatique d’enregistrement de données. La copie-image du disque dur du troisième ordinateur a été sauvegardée sur le disque dur d’un ordinateur de la Commission. Le support informatique d’enregistrement de données susmentionné et ce dernier disque dur ont été placés dans des enveloppes scellées que les inspecteurs ont rapportées à Bruxelles. Les inspecteurs ont invité les représentants des requérantes à se rendre dans les bureaux de la Commission dans un délai de deux mois pour que les informations copiées puissent être examinées en leur présence.

44      Le 26 février 2009, les enveloppes scellées visées au point 43 ci-dessus ont été ouvertes en présence des avocats des requérantes dans les bureaux de la Commission. Les inspecteurs ont examiné les copies-images des disques durs des ordinateurs en cause contenues dans ces enveloppes et imprimé sur papier les documents qu’ils ont considérés comme pertinents pour l’enquête. Une seconde copie papier et une liste de ces documents ont été remises aux avocats des requérantes. Ces opérations se sont poursuivies le 27 février 2009 et se sont achevées le 2 mars 2009. Le bureau dans lequel elles ont eu lieu a été mis sous scellés à la fin de chaque journée de travail, en présence des avocats des requérantes, et rouvert le lendemain, toujours en leur présence. Au terme de ces opérations, la Commission a effacé, en présence des représentants des requérantes, les copies-images des disques durs des ordinateurs en cause qu’elle avait réalisées.

–       Sur la prétendue absence de base juridique

45      Les requérantes font grief à la Commission, en substance, d’avoir réalisé une copie-image des disques durs des ordinateurs de certains employés de Prysmian en vue de leur utilisation ultérieure aux fins de l’enquête dans les bureaux de la Commission à Bruxelles, sans avoir préalablement vérifié la pertinence pour l’objet de l’enquête des documents contenus. Selon elles, cette pratique va au-delà des pouvoirs conférés à la Commission par l’article 20, paragraphes 1 et 2, du règlement no 1/2003.

46      À titre liminaire, il convient de rappeler que, aux termes de l’article 4 du règlement no 1/2003, « [p]our l’application des articles [101] et [102] du traité, la Commission dispose des compétences prévues par [ledit règlement] ».

47      L’article 20, paragraphe 1, du règlement no 1/2003 prévoit que, pour l’accomplissement des tâches qui lui sont assignées par ledit règlement, la Commission peut procéder à toutes les inspections nécessaires auprès des entreprises et des associations d’entreprises.

48      S’agissant des pouvoirs dont dispose la Commission, l’article 20, paragraphe 2, du règlement no 1/2003 dispose, notamment, ce qui suit :

« Les agents et les autres personnes les accompagnant mandatés par la Commission pour procéder à une inspection sont investis des pouvoirs suivants :

[…]

b)       contrôler les livres ainsi que tout autre document professionnel, quel qu’en soit le support ;

c)       prendre ou obtenir sous quelque forme que ce soit copie ou extrait de ces livres ou documents ;

d)       apposer des scellés sur tous les locaux commerciaux et livres ou documents pendant la durée de l’inspection et dans la mesure où cela est nécessaire aux fins de celle-ci ;

[…] »

49      En l’espèce, il y a lieu de préciser que la pratique consistant à réaliser une copie-image d’un disque dur d’un ordinateur ou une copie de données stockées sur un support de données numériques est utilisée dans le cadre de la mise en œuvre de la technologie de l’investigation numérique légale (ci-après la « FIT »), employée par les agents de la Commission lors des inspections. En effet, ainsi que la Commission le décrit dans ses écritures, sans que cela soit contestée par les requérantes, l’utilisation de cette technologie consiste à rechercher dans le disque dur d’un ordinateur ou sur tout autre support de données numériques à l’aide d’un logiciel spécifique les informations pertinentes au regard de l’objet de l’inspection par l’utilisation de mots clés. Cette recherche nécessite une étape préalable appelée « indexation », pendant laquelle le logiciel place dans un catalogue l’ensemble des lettres et des mots figurant sur le disque dur d’un ordinateur ou sur tout autre support de données numériques soumis à l’inspection. La durée de cette indexation dépend de la taille du support numérique en question, mais prend généralement un temps considérable. Dans ces conditions, les agents de la Commission réalisent généralement une copie des données contenues sur le support de données numériques de l’entreprise qui fait l’objet de l’inspection afin de procéder à l’indexation des données qui s’y trouvent stockées. Dans le cas d’un disque dur d’ordinateur, cette copie peut prendre la forme d’une copie-image. Cette copie-image permet d’obtenir une copie exacte du disque dur soumis à l’inspection, contenant toutes les données présentes sur ce disque dur au moment précis où la copie est réalisée, y compris les fichiers apparemment supprimés.

50      À cet égard, premièrement, il y a lieu de constater que, dans la mesure où, d’une part, comme il a été expliqué au point 49 ci-dessus, la copie des données stockées sur un support de données numériques de l’entreprise qui fait l’objet de l’inspection est réalisée en vue de procéder à l’indexation et où, d’autre part, cette indexation vise à permettre de rechercher, ensuite, des documents pertinents pour l’enquête, la réalisation d’une telle copie relève des pouvoirs conférés à la Commission par l’article 20, paragraphe 2, sous b) et c), du règlement no 1/2003.

51      En effet, contrairement à ce que soutiennent les requérantes, il ne ressort pas de l’article 20, paragraphe 2, sous b) et c), du règlement no 1/2003 que le pouvoir de la Commission de prendre ou d’obtenir copie ou extrait des livres et des documents professionnels d’une entreprise inspectée se limite aux livres et aux documents professionnels qu’elle a déjà contrôlés.

52      En outre, il convient d’observer qu’une telle interprétation pourrait nuire à l’effet utile de l’article 20, paragraphe 2, sous b), du règlement no 1/2003, dans la mesure où, dans certaines circonstances, le contrôle des livres et des documents professionnels de l’entreprise inspectée peut nécessiter la réalisation préalable de copies desdits livres ou documents professionnels ou être simplifié, comme en l’espèce, par cette réalisation.

53      Par conséquent, dès lors que la réalisation de la copie-image du disque dur des ordinateurs en cause s’inscrivait dans le cadre de la mise en œuvre par la Commission de la FIT, dont l’objet était de rechercher les informations pertinentes pour l’enquête, la réalisation de ces copies relevait des pouvoirs prévus par l’article 20, paragraphe 2, sous b) et c), du règlement no 1/2003.

54      Deuxièmement, pour autant que l’argumentation des requérantes doive être regardée en ce sens que celles-ci font grief à la Commission d’avoir versé au dossier d’instruction les contenus des copies-images des disques durs des ordinateurs en cause sans avoir vérifié préalablement que tous les documents contenus dans lesdites copies-images étaient pertinents au regard de l’objet de l’inspection, ladite argumentation ne saurait prospérer.

55      En effet, ainsi qu’il ressort du point 44 ci-dessus, c’est uniquement après avoir constaté, lors du contrôle des documents contenus dans les copies-images des disques durs des ordinateurs en cause, dans les locaux de la Commission à Bruxelles et en présence des représentants des requérantes, que certains de ces documents étaient pertinents prima facie au regard de l’objet de l’inspection, que la Commission a finalement versé au dossier d’instruction une version papier des documents en question.

56      Force est donc de constater que, contrairement à ce que soutiennent les requérantes, les agents de la Commission n’ont pas versé directement au dossier d’instruction les documents contenus dans les copies-images des disques durs des ordinateurs en cause sans avoir vérifié au préalable leur pertinence au regard de l’objet de l’inspection.

57      Troisièmement, lors de l’audience, les requérantes ont précisé, à la suite d’une question posée sur ce sujet par le Tribunal, qu’elles ne contestaient pas le fait de réaliser, en soi, durant les inspections, des copies-images des disques durs des ordinateurs en cause dans le cadre de la mise en œuvre de la FIT, mais le fait d’avoir emporté ces copies-images dans les locaux de la Commission à Bruxelles pour y rechercher ultérieurement des éléments pertinents pour l’enquête.

58      À cet égard, il convient de relever que l’article 20, paragraphe 2, sous b), du règlement no 1/2003 n’établit pas, comme les requérantes le prétendent, que le contrôle des livres ou des documents professionnels des entreprises soumises à l’inspection s’effectue exclusivement dans leurs locaux si, comme dans le cas d’espèce, ladite inspection n’a pas pu être conclue dans le temps initialement prévu. Il oblige uniquement la Commission à respecter lors du contrôle des documents dans ses locaux les mêmes garanties à l’égard des entreprises inspectées que celles qui s’imposent à elle lors d’un contrôle sur place.

59      En l’espèce, il y a lieu de relever que, dans ses écritures, les requérantes ne reprochent pas à la Commission d’avoir, lors du contrôle des copies-images des disques durs des ordinateurs en cause, agi d’une façon différente de la façon dont elle aurait agi si ce contrôle s’était déroulé dans leurs locaux. En tout état de cause, il convient de rappeler, tel qu’il ressort de l’exposé des faits ressortant des points 43 et 44 ci-dessus, que lesdites copies-images ont été transportées à Bruxelles dans des enveloppes scellées, que la Commission a remis aux requérantes une copie de ces données, que l’ouverture des enveloppes contenant ces copies-images et leur examen ont été effectués à la date convenue avec les requérantes et en présence de leurs représentants, que les locaux de la Commission dans lesquels cet examen a été effectué étaient dûment protégés par apposition des scellés, que les documents extraits de ces données que la Commission a décidé de joindre au dossier de l’enquête ont été imprimés et listés, que leur copie a été fournie aux requérantes et que, à la fin de l’examen, les copies-images en question ont été définitivement effacées.

60      Au vu de ce qui précède, il y a lieu de conclure que, lors de l’inspection, la Commission n’a pas agi au-delà des pouvoirs qui lui sont reconnus en vertu de l’article 20, paragraphe 2, du règlement no 1/2003. Le grief des requérantes à cet égard doit ainsi être rejeté.

–       Sur la prétendue violation de la décision d’inspection

61      S’agissant de l’argument des requérantes selon lequel, en procédant à la recherche d’informations pertinentes pour l’enquête dans les copies-images des disques durs des ordinateurs en cause dans les locaux de la Commission à Bruxelles, celle-ci a violé la portée géographique et temporelle de la décision d’inspection, il convient de rappeler que, conformément à la jurisprudence de la Cour, la motivation de ladite décision limite le champ des pouvoirs conférés aux agents de la Commission par l’article 20, paragraphe 2, du règlement no 1/2003 (arrêt du 18 juin 2015, Deutsche Bahn e.a./Commission, C‑583/13 P, EU:C:2015:404, point 60).

62      En l’espèce, en ce qui concerne, d’une part, la portée géographique de la décision d’inspection, il convient de constater qu’il était indiqué dans l’article 1er, deuxième alinéa, de ladite décision ce qui suit :

« L’inspection peut avoir lieu en tout local de [Prysmian] ou des entreprises sous son contrôle, et en particulier aux bureaux situés à Viale Scarca 222, 20126 Milan, Italie. »

63      Il ressort donc de la décision d’inspection que, si l’inspection « p[ouvai]t » bien se dérouler dans « tout local » du groupe Prysmian, et en particulier dans leurs bureaux situés à Milan, elle ne devait pas, comme les requérantes le prétendent, se dérouler exclusivement dans leurs locaux. Partant, la décision d’inspection n’a pas exclu la possibilité pour la Commission de poursuivre l’inspection à Bruxelles.

64      En ce qui concerne, d’autre part, la portée temporelle de la décision d’inspection, il convient de relever que l’article 2 de cette décision établissait la date à partir de laquelle l’inspection pouvait avoir lieu, mais ne précisait pas la date à laquelle elle devait prendre fin.

65      Certes, l’absence de date de fin de l’inspection ne signifie pas pour autant que celle-ci pouvait s’étendre dans le temps de façon illimitée, la Commission étant, à cet égard, tenue au respect d’un délai raisonnable, conformément à l’article 41, paragraphe 1, de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte »).

66      Toutefois, en l’espèce, force est de constater que, dans le cadre du présent moyen, les requérantes ne font pas valoir que la période d’un mois qui s’est écoulée entre l’inspection effectuée dans les locaux des requérantes, d’une part, et la poursuite de cette inspection à Bruxelles, d’autre part, était déraisonnable.

67      Il s’ensuit que, contrairement à ce que font valoir les requérantes, la décision d’inspection ne s’opposait pas à ce que les agents de la Commission poursuivent, dans les locaux de cette dernière à Bruxelles, la recherche d’éléments pertinents pour l’enquête sur les copies-images des disques durs des ordinateurs de certains employés de Prysmian.

68      Au vu de ce qui précède, il y a lieu de conclure que la Commission n’a pas non plus violé la portée de la décision d’inspection en adoptant les mesures litigieuses lors du déroulement de l’inspection. Partant, il convient de rejeter les griefs des requérantes à cet égard.

–       Sur l’impossibilité de présenter une demande d’immunité

69      Les requérantes font valoir que la prolongation de l’inspection entre le 28 janvier 2009 et le 26 février 2009, date à laquelle les enveloppes scellées contenant les copies-images des disques durs des ordinateurs de certains employés de Prysmian ont été ouvertes, les a privées de la possibilité de procéder à une évaluation des risques aux fins de présenter une demande d’immunité. En particulier, elles soutiennent que, dans la mesure où elles ne disposaient plus des informations présentant une valeur ajoutée aux éléments de preuve déjà collectés par la Commission, elles ont été placées dans une position désavantageuse par rapport à d’autres entreprises dans l’application du programme de clémence.

70      À cet égard, il convient de rappeler que, conformément au paragraphe 10 de la communication sur la clémence, l’immunité d’amende ne saurait être accordée « si, au moment de la communication de[s renseignements et des] éléments [de preuve], la Commission disposait déjà de preuves suffisantes pour adopter une décision ordonnant une inspection en rapport avec l’entente présumée ou avait déjà effectué une telle inspection ».

71      Or, en l’espèce, ainsi qu’il ressort de l’exposé des faits figurant dans les points 1 à 11 de l’arrêt du 14 novembre 2012, Prysmian et Prysmian Cavi e Sistemi Energia/Commission (T‑140/09, non publié, EU:T:2012:597), non contesté par les requérantes, la Commission avait des preuves suffisantes, s’agissant des câbles électriques sous-marins et souterrains à haute tension, pour ordonner l’inspection qui a été conduite dans les locaux de Prysmian. Il s’ensuit que les requérantes n’auraient pas pu bénéficier d’une immunité d’amende au titre de la communication sur la clémence.

72      Certes, conformément au paragraphe 23 de la communication sur la clémence, les entreprises qui dévoilent leur participation à une entente présumée affectant l’Union européenne, mais qui ne remplissent pas les conditions prévues pour bénéficier d’une immunité d’amende, peuvent toutefois bénéficier d’une réduction du montant de l’amende qui, à défaut, leur aurait été infligée. Selon le paragraphe 24 de ladite communication, afin de pouvoir prétendre à une telle réduction, une entreprise doit fournir à la Commission des éléments de preuve de l’infraction présumée qui apportent une valeur ajoutée significative par rapport aux éléments de preuve déjà en possession de la Commission.

73      Cependant, il importe de relever que la réalisation des copies-images des disques durs des ordinateurs de certains employés de Prysmian n’a pas privé les requérantes des informations figurant dans ces disques durs, lesquels sont restés dans le même état original en leur possession. Elles étaient donc parfaitement à même de déterminer les informations qui ne figuraient pas dans ces copies numériques et qui, au regard de l’objet de l’inspection, étaient susceptibles d’apporter une valeur ajoutée significative par rapport aux éléments de preuve déjà en possession de la Commission.

74      En outre, même si, comme le soutiennent, en substance, les requérantes, la Commission disposait déjà de disques durs d’ordinateurs contenant les informations qui auraient pu être présentées dans leur demande d’immunité partielle, il convient de rappeler, à nouveau, que le fait que la Commission a réalisé des copies-images des disques de certains employés de Prysmian ne signifie pas qu’elle les a inspectés et qu’elle avait eu déjà accès aux informations y figurant. En effet, une telle inspection ne s’est poursuivie qu’après que lesdites copies-images ont été extraites des enveloppes scellées à Bruxelles. Dans ce contexte, les requérantes disposaient encore de la possibilité d’examiner le contenu desdits disques durs et de renseigner la Commission sur les documents ou sur les éléments de preuve contenus dans ces disques durs et qui auraient pu présenter une valeur ajoutée par rapport aux autres éléments déjà collectés par la Commission dans le cadre de l’enquête.

75      Il s’ensuit que, contrairement à ce que les requérantes soutiennent, la Commission n’a pas entravé leur possibilité de procéder à une évaluation de présenter une demande d’immunité partielle.

76      Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent que les copies des données électroniques en cause n’ont pas été obtenues illégalement et que, par conséquent, contrairement à ce que prétendent les requérantes, la Commission a pu utiliser licitement ces données pour fonder ses conclusions relatives à l’existence de l’infraction constatée dans la décision attaquée.

77      Le premier moyen doit dès lors être rejeté.

 Sur le deuxième moyen, tiré de la violation du principe du délai raisonnable

78      Les requérantes soutiennent que la décision attaquée doit être annulée dans la mesure où la durée totale de la procédure, à savoir 62 mois, ainsi que celle de chacune des étapes qui la compose, a excédé largement ce qui peut être considéré comme raisonnable. En particulier, elles font valoir qu’elles n’ont pas été en mesure de préparer leur défense, puisque, pendant la période antérieure à la réception de la communication des griefs, l’objet exact de l’enquête n’était pas clair. Elles soulignent également que l’écoulement des années a atténué la mémoire à l’égard des faits reprochés par la Commission. Enfin, elles estiment que la Commission aurait dû, conformément à la jurisprudence, appliquer une réduction du montant de l’amende, en équité, afin de compenser la durée excessive de la procédure administrative.

79      La Commission conteste les arguments des requérantes.

80      Selon une jurisprudence constante, l’observation d’un délai raisonnable dans la conduite des procédures administratives en matière de politique de la concurrence constitue un principe général de droit de l’Union dont les juridictions de l’Union assurent le respect (voir arrêt du 19 décembre 2012, Heineken Nederland et Heineken/Commission, C‑452/11 P, non publié, EU:C:2012:829, point 97 et jurisprudence citée).

81      Le principe du délai raisonnable dans le cadre d’une procédure administrative a été réaffirmé par l’article 41, paragraphe 1, de la Charte, en vertu duquel « toute personne a le droit de voir ses affaires traitées impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable par les institutions et organes de l’Union » (voir arrêt du 5 juin 2012, Imperial Chemical Industries/Commission, T‑214/06, EU:T:2012:275, point 284 et jurisprudence citée).

82      Le caractère raisonnable de chaque étape de la procédure doit s’apprécier en fonction des circonstances propres de chaque affaire et, notamment, du contexte de celle-ci, de la conduite des parties au cours de la procédure, de l’enjeu de l’affaire pour les différentes entreprises intéressées et de son degré de complexité (voir, en ce sens, arrêts du 20 avril 1999, Limburgse Vinyl Maatschappij e.a./Commission, T‑305/94 à T‑307/94, T‑313/94 à T‑316/94, T‑318/94, T‑325/94, T‑328/94, T‑329/94 et T‑335/94, EU:T:1999:80, point 126).

83      La Cour a également jugé que, en matière de politique de la concurrence devant la Commission, la procédure administrative pouvait donner lieu à l’examen de deux périodes successives, chacune de celles-ci répondant à une logique interne propre. La première période, qui s’étend jusqu’à la communication des griefs, a pour point de départ la date à laquelle la Commission, faisant usage des pouvoirs que lui a conférés le législateur de l’Union, prend des mesures impliquant le reproche d’avoir commis une infraction et doit permettre à celle-ci de prendre position sur l’orientation de la procédure. La seconde période, quant à elle, s’étend de la communication des griefs à l’adoption de la décision finale. Elle doit permettre à la Commission de se prononcer définitivement sur l’infraction reprochée (arrêt du 21 septembre 2006, Nederlandse Federatieve Vereniging voor de Groothandel op Elektrotechnisch Gebied/Commission, C‑105/04 P, EU:C:2006:592, point 38).

84      Par ailleurs, il ressort de la jurisprudence que, lorsque la violation du principe du délai raisonnable a eu une incidence possible sur l’issue de la procédure, une telle violation est de nature à entraîner l’annulation de la décision attaquée (voir, en ce sens, arrêt du 21 septembre 2006, Technische Unie/Commission, C‑113/04 P, EU:C:2006:593, point 48 et jurisprudence citée).

85      Il convient de préciser néanmoins que, s’agissant de l’application des règles de concurrence, le dépassement du délai raisonnable ne peut constituer un motif d’annulation que des décisions constatant des infractions, dès lors qu’il a été établi que la violation du principe du délai raisonnable a porté atteinte aux droits de la défense des entreprises concernées. En dehors de cette hypothèse spécifique, le non-respect de l’obligation de statuer dans un délai raisonnable est sans incidence sur la validité de la procédure administrative au titre du règlement no 1/2003 (arrêt du 21 septembre 2006, Nederlandse Federatieve Vereniging voor de Groothandel op Elektrotechnisch Gebied/Commission, C‑105/04 P, EU:C:2006:592, point 42).

86      Enfin, le respect des droits de la défense, principe dont le caractère fondamental a été souligné à maintes reprises par la jurisprudence de la Cour, revêtant une importance capitale dans les procédures telles que celle en l’espèce, il importe d’éviter que ces droits puissent être irrémédiablement compromis en raison de la durée excessive de la phase d’instruction et que cette durée soit susceptible de faire obstacle à l’établissement de preuves visant à réfuter l’existence de comportements de nature à engager la responsabilité des entreprises concernées. Pour cette raison, l’examen de l’éventuelle entrave à l’exercice des droits de la défense ne doit pas être limité à la phase même dans laquelle ces droits produisent leur plein effet, à savoir la seconde phase de la procédure administrative. L’appréciation de la source de l’éventuel affaiblissement de l’efficacité des droits de la défense doit s’étendre à l’ensemble de cette procédure en se référant à la durée totale de celle-ci (voir arrêt du 21 septembre 2006, Nederlandse Federatieve Vereniging voor de Groothandel op Elektrotechnisch Gebied/Commission, C‑105/04 P, EU:C:2006:592, point 50 et jurisprudence citée).

87      En l’espèce, il y a lieu de constater que, en ce qui concerne la première phase de la procédure administrative, c’est-à-dire celle qui s’étend de la signification aux requérantes de la décision d’inspection en janvier 2009 jusqu’à la réception de la communication des griefs en juin 2011, un laps de temps de 29 mois s’est écoulé. La seconde phase de la procédure administrative, s’étendant de la réception de la communication des griefs à l’adoption de la décision attaquée en avril 2014, couvre, quant à elle, une période de 33 mois.

88      À cet égard, il y a lieu de considérer que la durée de la première phase de la procédure administrative et celle de la seconde phase de ladite procédure ne sont pas excessives, eu égard aux démarches que la Commission a effectuées afin de compléter l’enquête et d’adopter la décision attaquée.

89      En effet, tout d’abord, il convient de relever, à l’instar de la Commission, que l’enquête a porté sur une entente de portée globale, avec un nombre total important de participants, qui a duré près de dix ans, et au cours de laquelle la Commission a été tenue de mettre à jour des quantités considérables d’éléments de preuve inclus dans le dossier, y compris tous les éléments collectés lors des inspections et reçus des demanderesses de clémence. De plus, au cours de ladite enquête, la Commission a envoyé aux participants du secteur concerné plusieurs demandes d’informations conformément à l’article 18 du règlement no 1/2003 et au paragraphe 12 de la communication sur la clémence.

90      Ensuite, il y a lieu de relever que le volume des éléments de preuve a amené la Commission à adopter une décision, dans sa version anglaise, de 287 pages, dont l’annexe 1 contient en outre toutes les références complètes à tous les éléments de preuve collectés pendant la phase d’instruction, et que l’ampleur et la portée de l’entente ainsi que les difficultés linguistiques sont également notables. Il convient de constater, à cet égard, que la décision attaquée a eu 26 destinataires provenant d’un large éventail de pays et dont une grande partie avait participé à l’entente sous différentes formes juridiques et avait été restructurée pendant et après la période de l’entente. De plus, il y a lieu de relever que ladite décision, rédigée en anglais, a dû faire l’objet d’une traduction intégrale en allemand, en français et en italien.

91      Enfin, il ressort des antécédents du litige exposés aux points 3 à 10 ci-dessus que, dans le cadre de la procédure administrative, la Commission a adopté toute une série de démarches qui justifient la durée de chacune des phases de ladite procédure et dont le caractère adéquat aux fins de l’enquête n’a pas été mis en cause par les requérantes de manière spécifique, bien qu’elles ont été interrogées sur ce sujet lors de l’audience.

92      Partant, la durée des deux phases de la procédure administrative revêtait un caractère raisonnable afin de permettre à la Commission d’évaluer de manière approfondie les éléments de preuve et les arguments soulevés par les parties concernées par l’enquête.

93      Il s’ensuit que les requérantes ne sauraient valablement faire valoir que la durée de la procédure administrative devant la Commission a été excessive et que cette dernière a violé le principe du délai raisonnable.

94      En tout état de cause, même à constater l’éventuel caractère excessif de la durée globale de la procédure administrative et la violation du principe du délai raisonnable, une telle constatation ne serait pas suffisante, en soi, au regard de la jurisprudence citée aux points 84 à 86 ci-dessus, pour conclure à l’annulation de la décision attaquée.

95      Il y a lieu de rappeler, en premier lieu, que, selon les requérantes, leurs droits de la défense ont été violés en ce qu’elles n’ont pas pu identifier avec exactitude l’objet de l’enquête menée par la Commission jusqu’à la réception de la communication des griefs.

96      À cet égard, il convient de constater que, compte tenu du fait que les inspections interviennent au début de l’enquête, la Commission ne dispose pas encore d’informations précises pour émettre un avis juridique spécifique et doit, d’abord, vérifier le bien-fondé de ses soupçons ainsi que la portée des faits survenus, le but de l’inspection étant précisément de recueillir des preuves relatives à une infraction soupçonnée (voir arrêt du 25 juin 2014, Nexans et Nexans France/Commission, C‑37/13 P, EU:C:2014:2030, point 37 et jurisprudence citée).

97      Or, force est de constater, d’emblée, que la décision d’inspection adressée aux requérantes en janvier 2009 énonçait que l’enquête de la Commission se rapportait à des pratiques anticoncurrentielles particulières telles que la répartition des marchés ou l’échange d’informations dans le secteur des câbles électriques souterrains et sous-marins. Nonobstant l’annulation partielle de cette décision, en ce qui concerne des câbles électriques autres que les câbles électriques sous-marins et souterrains à haute tension, et contrairement à ce que soutiennent les requérantes, cette formulation permettait de déterminer avec exactitude l’objet de l’enquête, d’identifier quelles étaient les infractions à l’article 101, paragraphe 1, TFUE susceptibles d’être mises à charge des requérantes et de connaître les marchés sur lesquels lesdites infractions auraient eu lieu.

98      Ensuite, il y a lieu de relever que les demandes de renseignements adressées aux requérantes précisaient les types de réunions, les dates ainsi que les lieux faisant l’objet de l’enquête menée par la Commission. Ainsi, les requérantes étaient en mesure de déduire de ces demandes quels étaient les événements et les réunions sur lesquels pesaient les soupçons de la Commission. Dans ces circonstances, elles ne sauraient valablement avancer qu’elles n’étaient pas informées, dès le début de l’enquête, de l’objet de celle-ci ainsi que des éventuels griefs de la Commission. Elles étaient donc en mesure de préparer leur défense à partir de ce moment et de rassembler les pièces à décharge dont elles disposaient ainsi que d’interroger les employés impliqués.

99      En second lieu, les requérantes soutiennent que le contenu et le contexte des notes manuscrites utilisées par la Commission en tant qu’éléments de preuve des réunions anticoncurrentielles n’ont pas pu être reconstitués en raison de l’absence des souvenirs des participants auxdites réunions.

100    Cet argument ne saurait être accueilli. En effet, bien qu’il puisse être admis que, plus un événement est éloigné dans le temps, moins il est aisé de s’en souvenir, rendant ainsi la défense davantage difficile, les requérantes se sont abstenues d’indiquer les difficultés spécifiques qu’elles ont éprouvées.

101    De plus, il ressort d’une jurisprudence constante que, en vertu du devoir général de prudence qui incombe à toute entreprise ou association d’entreprises, les requérantes sont tenues de veiller à la bonne conservation, en leurs livres ou archives, des éléments permettant de retracer leurs activités, afin, notamment, de disposer des preuves nécessaires dans l’hypothèse d’actions judiciaires ou administratives (voir, en ce sens, arrêt du 16 juin 2011, Heineken Nederland et Heineken/Commission, T‑240/07, EU:T:2011:284, point 301 et jurisprudence citée). Lorsque, comme les requérantes le reconnaissent dans leur requête, elles ont fait l’objet de demandes de renseignements de la part de la Commission au titre de l’article 18 du règlement no 1/2003, il leur appartenait, a fortiori, d’agir avec une diligence accrue et de prendre toutes les mesures utiles afin de préserver les preuves dont elles pouvaient raisonnablement disposer.

102    Au vu de ce qui précède, il y a lieu de conclure que, même à constater un dépassement du délai raisonnable en l’espèce, les requérantes n’ont pas réussi à démontrer que ledit dépassement a effectivement porté atteinte à leurs droits de la défense.

103    Le deuxième moyen doit dès lors être rejeté.

104    S’agissant de l’argumentation des requérantes avancée dans le cadre du présent moyen selon laquelle « la Commission n’a pas appliqué une réduction équitable du montant des amendes [qui leur ont été] infligées, eu égard à la durée de la procédure administrative », et la « compensation équitable » qu’elles réclament en conséquence, elle doit être regardée comme étant soulevée à l’appui de leurs conclusions visant à la réduction dudit montant, qui seront examinées au point 271 ci-après.

 Sur le troisième moyen, tiré de la violation du principe de bonne administration

105    Les requérantes font valoir que la décision attaquée repose sur des allégations orales vagues, imprécises et arbitraires figurant dans les demandes de clémence. En outre, elles reprochent à la Commission de ne pas avoir accompagné ces déclarations d’éléments de preuve directs et de ne pas les avoir interprétées avec précaution et prudence, comme l’exigerait la jurisprudence. De ce fait, selon elles, la Commission a violé le principe de bonne administration.

106    En outre, les requérantes mettent en question la crédibilité des déclarations des demandeurs de clémence, dans la mesure où lesdites déclarations n’auraient pas été effectuées par des témoins directs des faits allégués, mais par des avocats extérieurs. S’agissant, en particulier, du second demandeur de clémence, elles relèvent que ces déclarations ont été formulées par un avocat qui était affecté par un conflit d’intérêts.

107    La Commission conteste ces arguments.

108    Aux termes de l’article 41, paragraphe 1, de la Charte, intitulé « Droit à une bonne administration », « [t]oute personne a le droit de voir ses affaires traitées impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable par les institutions, organes et organismes de l’Union ».

109    En outre, l’article 48, paragraphe 1, de la Charte, intitulé « Présomption d’innocence et droits de la défense », stipule que « [t]out accusé est présumé innocent jusqu’à ce que sa culpabilité ait été légalement établie ».

110    Selon la jurisprudence, dans le cadre d’une procédure visant à infliger une amende à des entreprises pour une violation de l’article 101 TFUE, la Commission ne peut se borner à examiner les éléments de preuve avancés par les entreprises, mais doit, en bonne administration, concourir par ses propres moyens à l’établissement des faits et des circonstances pertinents (voir, en ce sens, arrêt du 13 juillet 1966, Consten et Grundig/Commission, 56/64 et 58/64, EU:C:1966:41, p. 501).

111    En l’espèce, force est de constater que, par le troisième moyen, les requérantes mettent en doute la crédibilité et la précision des preuves employées par la Commission pour leur imputer une violation à l’article 101 TFUE. À cet égard, il convient de relever, premièrement, s’agissant de leur argumentation relative à la méconnaissance de l’article 101 TFUE et à l’absence de preuves suffisantes pour constater leur participation à une infraction unique et continue audit article, qu’elle sera examinée de manière conjointe avec les arguments similaires avancés dans le cadre du sixième moyen (voir points 168 à 186 ci-après).

112    Deuxièmement, en ce qui concerne l’argumentation des requérantes relative au caractère vague et imprécis des déclarations orales des demandeurs de clémence, il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, si le corps de la requête peut être étayé et complété, sur des points spécifiques, par des renvois à des passages déterminés de pièces qui y sont annexées, un renvoi global à d’autres écrits, même annexés à la requête, ne saurait pallier l’absence des éléments essentiels de l’argumentation en droit, qui doivent figurer dans la requête (voir arrêt du 17 septembre 2007, Microsoft/Commission, T‑201/04, EU:T:2007:289, point 94 et jurisprudence citée). Or, en l’espèce, ladite argumentation fait uniquement l’objet d’un renvoi aux annexes de la requête. Dans ces circonstances, il y a lieu de considérer que cette argumentation est irrecevable.

113    Troisièmement, les requérantes ne sauraient mettre en cause valablement le caractère exhaustif de la procédure d’enquête afin de faire valoir une violation du principe de bonne administration par la Commission.

114    En effet, il y a lieu de constater, à l’instar de la Commission, que, outre les informations obtenues par le biais des déclarations sur la clémence, la procédure d’enquête a donné lieu à des inspections inopinées dans les locaux de Nexans, de Nexans France et des requérantes, à de multiples demandes d’informations et à des lettres d’exposé des faits adressées à chacun des destinataires ainsi qu’à des argumentations écrites et orales de la part des parties, représentant un dossier composé, dans une grande partie, par des courriels, des notes, des feuilles de position, etc. Ces éléments de preuve, qui sont mentionnés au point 3 de la décision attaquée, intitulé « Description des faits », lequel contient 398 considérants et 784 notes en bas de page, et d’autres éléments supplémentaires sont joints dans l’annexe I de cette décision.

115    Par conséquent, il y a lieu de rejeter les reproches des requérantes, formulés en plus de manière générique et non circonstanciée, selon lesquels, d’une part, la Commission s’est entièrement appuyée sur les déclarations orales recueillies sur la base du programme de clémence sans mener une enquête autonome et, d’autre part, la Commission a violé le principe de bonne administration lors de son examen des preuves recueillies dans la procédure d’enquête.

116    Quant au prétendu conflit d’intérêts affectant, selon les requérantes, un des avocats ayant effectué des déclarations dans le cadre de la demande conjointe d’immunité introduite le 2 février 2009 par Sumitomo Electric Industries, Hitachi Cable et J‑Power Systems, il suffit de relever qu’un tel argument n’est pas étayé par des éléments concrets, de sorte qu’il doit être rejeté.

117    Au vu de ce qui précède, il y a lieu de considérer que la Commission n’a pas violé le principe de bonne administration.

118    Le troisième moyen doit donc être rejeté.

 Sur le quatrième moyen, tiré de l’imputation à tort à PrysmianCS d’une responsabilité pour la période antérieure au 27 novembre 2001

119    Les requérantes estiment que la Commission a, à tort, tenu pour responsable PrysmianCS pendant une période durant laquelle celle-ci n’a même pas existé, à savoir pendant la période antérieure au 27 novembre 2001. Ce moyen se divise en deux branches, tirées, d’une part, de la violation du principe de responsabilité personnelle et, d’autre part, de la violation du principe d’égalité de traitement et de l’obligation de motivation.

–       Sur la première branche, tirée de la violation du principe de responsabilité personnelle

120    Les requérantes critiquent la conclusion retenue par la Commission au considérant 730 de la décision attaquée, selon laquelle PirelliCSE, devenue ultérieurement PrysmianCSE et ensuite PrysmianCS, constituait le « successeur juridique et économique » de PirelliCS et devait dès lors répondre pour le comportement anticoncurrentiel de cette dernière société avant le 27 novembre 2001.

121    En particulier, les requérantes relèvent, s’agissant de la constatation relative à la succession juridique, que, le 27 novembre 2001, les principaux actifs relatifs à l’activité de l’énergie de PirelliCS ont été transférés à PirelliCSE dans le cadre d’une scission partielle de la première de ces deux sociétés. Or, PirelliCSE n’aurait assumé ni les droits ni les obligations de PirelliCS, de sorte qu’elle ne pourrait pas être tenue comme son successeur juridique. En revanche, dans la mesure où PirelliCS aurait été absorbée par Pirelli le 30 décembre 2002, ce serait cette dernière société qui deviendrait le successeur juridique de PirelliCS et qui devrait, partant, répondre de l’infraction alléguée pour la période allant jusqu’au 27 novembre 2001.

122    S’agissant de la constatation relative à la succession économique, les requérantes estiment que la Commission a conclu à tort que PirelliCSE a succédé à PirelliCS. À cet égard, elles relèvent que le principe de la continuité économique constitue une exception au principe de responsabilité personnelle, qui s’applique dans des conditions strictes lorsque ledit principe ne garantit pas l’effectivité et l’effet dissuasif des règles de la concurrence. Elles ajoutent que, selon la jurisprudence, la théorie de la succession économique n’est applicable que lorsque les rapports structurels qui lient l’auteur et le bénéficiaire du transfert des actifs existent à la date à laquelle la Commission adopte sa décision. Selon elles, en l’espèce, les entités juridiques qui formaient l’entreprise en charge de l’exploitation du secteur d’activité des câbles électriques jusqu’au 27 novembre 2001, à savoir PirelliCS et Pirelli, forment à présent une entité unique, à laquelle il conviendrait d’imputer la responsabilité du comportement infractionnel avant une telle date.

123    La Commission et Pirelli contestent les arguments des requérantes.

124    À titre liminaire, il y a lieu de relever que, ainsi qu’il ressort du point 5.2.2 de la décision attaquée et, en particulier, du considérant 729 de ladite décision, la Commission a considéré que PrysmianCS était responsable de l’infraction unique et continue commise par sa branche exploitant les activités de câbles électriques, pour toute la durée de l’infraction, c’est-à-dire du 18 février 1999 au 28 janvier 2009.

125    Plus particulièrement, selon le considérant 730 de la décision attaquée, les activités de câbles électriques du groupe Pirelli étaient initialement assurées par PirelliCS, puis, à partir du 1er juillet 2001, par PirelliCSE Italia SpA et, enfin, à partir du 27 novembre 2001, par PirelliCSE. Par ailleurs, selon les considérants 739 à 741 de ladite décision, à la suite de l’acquisition de PirelliCSE par une filiale de Goldman Sachs le 28 juillet 2005, PirelliCSE est devenue PrysmianCSE et, ensuite, PrysmianCS.

126    Dans ce contexte, PirelliCSE et, par voie de conséquence, PrysmianCS ont été considérées par la Commission, en tant que « successeur[s] économique et juridique » de PirelliCS, comme responsables de l’infraction pour la période précédant le 27 novembre 2001, ce que les requérantes contestent. Il convient de noter, de même, que, comme les parties l’ont précisé dans leurs écritures, le 30 décembre 2002, PirelliCS a fusionné par absorption avec Pirelli SpA, laquelle a, à son tour, fusionné avec Pirelli le 4 août 2003. Selon les requérantes, ce serait dès lors Pirelli, en tant que successeur juridique de PirelliCS, et non PirelliCSE, qui devrait être tenue pour seule responsable du comportement infractionnel reproché pour la période antérieure au 27 novembre 2001.

127    Selon une jurisprudence constante, le droit de l’Union relatif à la concurrence vise les activités des entreprises et la notion d’entreprise comprend toute entité exerçant une activité économique, indépendamment du statut juridique de cette entité et de son mode de financement. Lorsqu’une telle entité enfreint les règles de la concurrence, il lui incombe, selon le principe de responsabilité personnelle, de répondre de cette infraction (voir arrêt du 18 décembre 2014, Commission/Parker Hannifin Manufacturing et Parker-Hannifin, C‑434/13 P, EU:C:2014:2456, point 39 et jurisprudence citée).

128    La Cour a précisé que, lorsqu’une entité ayant commis une infraction aux règles de la concurrence faisait l’objet d’un changement juridique ou organisationnel, ce changement n’avait pas nécessairement pour effet de créer une nouvelle entreprise dégagée de la responsabilité des comportements contraires auxdites règles de la précédente entité si, du point de vue économique, il y avait identité entre les deux entités. En effet, si des entreprises pouvaient échapper à des sanctions par le simple fait que leur identité ait été modifiée par suite de restructurations, de cessions ou d’autres changements juridiques ou organisationnels, l’objectif de réprimer les comportements contraires à ces règles et d’en prévenir le renouvellement au moyen de sanctions dissuasives serait compromis (voir arrêt du 18 décembre 2014, Commission/Parker Hannifin Manufacturing et Parker-Hannifin, C‑434/13 P, EU:C:2014:2456, point 40 et jurisprudence citée).

129    La Cour a ainsi jugé que, lorsque deux entités constituaient une même entité économique, le fait que l’entité ayant commis l’infraction existait encore n’empêchait pas, par lui-même, que soit sanctionnée l’entité à laquelle elle avait transféré ses activités économiques. En particulier, une telle mise en œuvre de la sanction est admissible lorsque ces entités ont été sous le contrôle de la même personne et ont, eu égard aux liens étroits qui les unissent sur le plan économique et organisationnel, appliqué pour l’essentiel les mêmes directives commerciales (voir arrêt du 18 décembre 2014, Commission/Parker Hannifin Manufacturing et Parker-Hannifin, C‑434/13 P, EU:C:2014:2456, point 41 et jurisprudence citée).

130    En l’espèce, comme il a été expliqué au point 125 ci-dessus, l’activité de câbles électriques au sein du groupe Pirelli était assurée par une entité qui a directement participé à l’infraction en cause et qui a fait l’objet de plusieurs restructurations internes et de cessions entre le 18 février 1999 et le 28 juillet 2005. Cependant, il s’agit d’opérations qui n’empêchent pas la Commission de conclure, en particulier, que PirelliCSE est devenue le successeur économique de PirelliCS à partir du 27 novembre 2001 et que, pour cette raison, la première desdites sociétés devait être tenue pour responsable de la participation à l’infraction en cause pour la période allant jusqu’à cette dernière date.

131    En effet, d’une part, il convient de relever, à l’instar de ce qui est rapporté dans la décision attaquée, que, entre le 18 février 1999 et le 1er juillet 2001, l’entité s’assurant de l’activité de câbles électriques au sein du groupe Pirelli et participant directement à l’infraction en cause a d’abord été insérée au sein de PirelliCS sous la forme d’une division spécifique. Ensuite, le 1er juillet 2001, PirelliCS a cédé une partie des activités d’exploitation dans le secteur des câbles électriques à sa filiale, PirelliCSE Italia. La cession concernait les actifs italiens et les installations de fabrication de câbles électriques. En outre, le 27 novembre 2001, PirelliCS a cédé la partie restante de ses activités de câbles électriques, ainsi que la participation dans PirelliCSE Italia, y compris l’entité participant à l’infraction en cause, à PirelliCSE. À cet égard, il convient de préciser que, même si les requérantes ont fait valoir dans leurs écritures que tous les actifs de PirelliCS n’ont pas été transférés à PirelliCSE, une telle allégation est contredite par le point 37 de la réponse des requérantes à la communication des griefs, du 24 octobre 2011, jointe à la requête. De surcroît, le Tribunal a pu constater, à la suite d’une question posée à ce sujet lors de l’audience, que les actifs non transmis à PirelliCSE ne revêtaient, en l’espèce, qu’un caractère marginal et non productif. Enfin, il découle de ce qui précède que, à compter du 27 novembre 2001, PirelliCSE est devenue la seule entreprise détenant le contrôle complet des activités de câbles électriques souterrains et sous-marins au sein dudit groupe.

132    D’autre part, il est important de noter que, au moment où la première cession d’actifs est intervenue entre PirelliCS et PirelliCSE Italia, des liens étroits unissaient ces deux entités au sens de la jurisprudence citée au point 129 ci-dessus, en ce que PirelliCSE Italia était la société filiale à 100 % de PirelliCS et en ce que, tel qu’il ressort du considérant 730 de la décision attaquée, les deux appartenaient au même groupe Pirelli. De plus, il y a lieu de considérer que, lors de la deuxième cession d’actifs, PirelliCS et PirelliCSE ont, eu égard aux liens étroits qui les unissaient sur le plan économique et organisationnel, appliqué pour l’essentiel les mêmes directives commerciales. À cet égard, il convient de rappeler, d’une part, que lesdites deux entités ont été sous le contrôle de la même personne morale, à savoir Pirelli SpA, devenue ensuite Pirelli, et, d’autre part, que, aux considérants 737 et 738 de ladite décision, la Commission a constaté que, au cours de la période allant du 18 février 1999 au 28 juillet 2005, Pirelli a exercé une influence déterminante sur la division opérationnelle de câbles électriques impliquée dans l’entente en cause, ce que les requérantes n’ont pas contesté.

133    Il s’ensuit que, en vertu du principe de continuité économique, tel que défini par la jurisprudence de la Cour, la Commission a considéré à juste titre que la responsabilité pour le comportement infractionnel de PirelliCS jusqu’au 27 novembre 2001 a été transmise à PirelliCSE.

134    La conclusion qui précède ne saurait être valablement mise en cause par les autres arguments formulés par les requérantes.

135    Premièrement, il y a lieu de rejeter l’argument des requérantes selon lequel les liens étroits qui unissent la société cédante et la société cessionnaire doivent exister à la date à laquelle la Commission adopte sa décision constatant la commission de l’infraction. En effet, s’il est nécessaire qu’existent à la date de la cession, entre le cédant et le cessionnaire, des liens structurels permettant de considérer, conformément au principe de responsabilité personnelle, que les deux entités forment une seule entreprise, il n’est toutefois pas requis, au regard de la finalité poursuivie par le principe de la continuité économique, que ces liens perdurent pendant toute la période infractionnelle restante ou jusqu’à l’adoption de la décision sanctionnant l’infraction (arrêt du 18 décembre 2014, Commission/Parker Hannifin Manufacturing et Parker-Hannifin, C‑434/13 P, EU:C:2014:2456, point 51).

136    Deuxièmement, l’argument des requérantes selon lequel PrysmianCS ne devrait pas être tenue pour responsable pour une période pendant laquelle elle n’existait même pas ne peut pas être accueilli. À cet égard, il suffit de relever qu’il ne saurait être exclu une situation de continuité économique d’une entreprise nouvellement créée, comme en l’espèce, à laquelle sont cédés les actifs d’une certaine activité économique et qui est ultérieurement transmise à un tiers indépendant (voir, en ce sens, arrêt du 18 décembre 2014, Commission/Parker Hannifin Manufacturing et Parker-Hannifin, C‑434/13 P, EU:C:2014:2456, point 53).

137    Troisièmement, il y a lieu de rejeter l’argument des requérantes selon lequel, étant donné que PirelliCS a continué d’exister jusqu’à sa fusion avec Pirelli SpA le 30 décembre 2002, Pirelli devrait être responsable de la partie de l’infraction jusqu’à la cession complète des activités dans le secteur du câble à PirelliCSE. À cet égard, ainsi qu’il ressort de la jurisprudence, lorsque deux entités constituent une même entité économique, le fait que l’entité ayant commis l’infraction existe encore n’empêche pas, par lui-même, que soit sanctionnée l’entité à laquelle elle a transféré ses activités économiques (arrêt du 18 décembre 2014, Commission/Parker Hannifin Manufacturing et Parker-Hannifin, C‑434/13 P, EU:C:2014:2456, point 54).

138    Quatrièmement, le fait que Pirelli demeurait une société viable lorsque la Commission a adopté la décision attaquée ne saurait justifier, comme les requérantes l’affirment,l’imputation de la responsabilité pour la participation directe à l’entente en cause, en particulier jusqu’au 27 novembre 2001. En effet, il suffit de relever que la viabilité économique à la date de l’adoption de la décision attaquée de l’ancienne société mère de l’entreprise concernée n’est pas un des critères qui, selon la jurisprudence de la Cour citée aux points 128 et 129 ci-dessus, doit être pris en compte aux fins d’appliquer le principe de la continuité économique. Par ailleurs, il convient de rappeler que la responsabilité de Pirelli en tant que société mère jusqu’au 28 juillet 2005 a été reconnue dans ladite décision, en ce que, en vertu de l’article 2, sous g), de cette décision, elle est tenue « conjointement et solidairement » responsable pour le paiement d’une partie de l’amende.

139    Au vu de ce qui précède, il y a lieu de conclure que la Commission n’a pas violé le principe de responsabilité personnelle en imputant à PirelliCSE la responsabilité de la participation directe à l’infraction pour la période précédant le 27 novembre 2001.

140    Pour le reste, même à considérer, comme les requérantes le soutiennent, que la Commission a commis une erreur en considérant PirelliCSE comme le successeur juridique de PirelliCS, ce constat est sans conséquence aux fins d’imputer à la première de ces sociétés la responsabilité pour la participation directe à l’infraction avant le 27 novembre 2001, dès lors que, en tout état de cause, la Commission a constaté, à juste titre, que PirelliCSE était le successeur économique de PirelliCS et responsable, partant, pour une telle période.

141    La première branche du présent moyen doit être rejetée.

–       Sur la seconde branche, tirée de la violation du principe d’égalité de traitement et de l’obligation de motivation

142    Les requérantes font valoir que la Commission a violé le principe d’égalité de traitement et l’obligation de motivation, au motif, en substance, que PrysmianCS est la seule entité à avoir été considérée comme responsable en sa qualité de successeur d’une autre entreprise. Selon elles, Nexans France et Silec Cable auraient échappé à l’imputation de cette responsabilité, alors même que leur situation était similaire.

143    La Commission et Pirelli réfutent les allégations des requérantes.

144    Selon une jurisprudence constante, le principe d’égalité de traitement ou de non-discrimination requiert que des situations comparables ne soient pas traitées de manière différente et que des situations différentes ne soient pas traitées de manière égale, à moins qu’un tel traitement ne soit objectivement justifié (voir arrêts du 27 juin 2012, Bolloré/Commission, T‑372/10, EU:T:2012:325, point 85 et jurisprudence citée, et du 19 janvier 2016, Mitsubishi Electric/Commission, T‑409/12, EU:T:2016:17, point 108 et jurisprudence citée).

145    Par ailleurs, la Cour a récemment rappelé que, dès lors qu’une entreprise avait, par son comportement, violé l’article 101 TFUE, elle ne saurait échapper à toute sanction au motif qu’un autre opérateur économique ne se serait pas vu infliger d’amende. En effet, une entreprise qui s’est vu infliger une amende du fait de sa participation à une entente, en violation des règles de concurrence, ne peut demander l’annulation de cette amende ou la réduction de son montant au motif qu’un autre participant à la même entente n’aurait pas été sanctionné pour une partie, ou pour l’intégralité, de sa participation à ladite entente [voir, en ce sens, arrêts du 16 juin 2016, Evonik Degussa et AlzChem/Commission, C‑155/14 P, EU:C:2016:446, points 58 et 59, et du 9 mars 2017, Samsung SDI et Samsung SDI (Malaysia)/Commission, C‑615/15 P, non publié, EU:C:2017:190, points 37 et 38 et jurisprudence citée].

146    Le respect du principe d’égalité de traitement doit se concilier avec celui du principe de légalité, ce qui implique que nul ne peut invoquer à son profit une illégalité commise en faveur d’autrui. En effet, une éventuelle illégalité commise envers une autre entreprise, qui n’est pas partie à la présente procédure, ne peut amener le juge de l’Union à constater une discrimination et, partant, une illégalité à l’égard des requérantes. Une telle approche équivaudrait à consacrer le principe d’« égalité de traitement dans l’illégalité » et à imposer à la Commission, en l’espèce, l’obligation d’ignorer les éléments de preuve dont elle dispose pour sanctionner l’entreprise ayant commis une infraction punissable, au seul motif qu’une autre entreprise se trouvant éventuellement dans une situation comparable a illégalement échappé à une telle sanction. En outre, ainsi qu’il ressort d’ailleurs clairement de la jurisprudence relative au principe d’égalité de traitement, dès lors qu’une entreprise a, par son propre comportement, violé l’article 101, paragraphe 1, TFUE, elle ne saurait échapper à toute sanction au motif que d’autres opérateurs économiques ne se sont pas vu infliger d’amende, lorsque, comme en l’espèce, le juge de l’Union n’est pas saisi de la situation de ces derniers (voir, en ce sens, arrêt du 16 novembre 2006, Peróxidos Orgánicos/Commission, T‑120/04, EU:T:2006:350, point 77).

147    En l’espèce, il y a lieu de relever que, ainsi qu’il ressort du point 139 ci-dessus, la Commission n’a commis aucune violation du principe de responsabilité personnelle en imputant à PirelliCSE et, par voie de conséquence, à PrysmianCS, la responsabilité de la participation à l’infraction pour la période allant jusqu’au 27 novembre 2001. Par conséquent, même à supposer que la Commission ait commis une éventuelle illégalité en ne retenant pas la responsabilité de Nexans France et de Silec Cable, dans le sens allégué par les requérantes, le Tribunal, à la lumière de la jurisprudence citée aux points 145 et 146 ci-dessus, considère qu’une telle illégalité éventuelle, dont il n’est pas saisi dans le cadre du présent recours, ne saurait en aucun cas l’amener à constater une discrimination et, partant, une illégalité à l’égard des requérantes.

148    La seconde branche du présent moyen doit dès lors être rejetée ainsi que, partant, ledit moyen dans son ensemble.

 Sur le cinquième moyen, tiré de la violation de l’article 23, paragraphe 2, du règlement no 1/2003 dans la mesure où la Commission n’a pas déterminé les quotes-parts des codébiteurs solidaires dans le cadre de leur relation interne

149    Les requérantes, ainsi que Goldman Sachs, font valoir que la Commission aurait dû déterminer les quotes-parts des codébiteurs solidaires dans le cadre de leur relation interne. Selon elles, une telle détermination n’est pas indispensable lorsque les sociétés appartiennent au même groupe au moment de l’adoption de la décision attaquée. En revanche, lorsque l’unité économique formée par ces sociétés n’existe plus, comme en l’espèce, la Commission aurait l’obligation de procéder à cette détermination dans ladite décision.

150    La Commission et Pirelli contestent ces arguments.

151    Selon la jurisprudence de la Cour, la notion du droit de l’Union de solidarité pour le paiement de l’amende, en ce qu’elle n’est qu’une manifestation d’un effet de plein droit de la notion d’entreprise, ne concerne que l’entreprise et non les sociétés qui composent celle-ci (voir arrêt du 26 janvier 2017, Villeroy & Boch/Commission, C‑625/13 P, EU:C:2017:52, point 150 et jurisprudence citée).

152    S’il découle de l’article 23, paragraphe 2, du règlement no 1/2003 que la Commission peut condamner solidairement plusieurs sociétés à payer une amende, dans la mesure où elles faisaient partie d’une même entreprise, ni le libellé de cette disposition ni l’objectif du mécanisme de solidarité ne permettent de considérer que ce pouvoir de sanction s’étendrait, au-delà de la détermination de la relation externe de solidarité, à celui de déterminer les quotes-parts des codébiteurs solidaires dans le cadre de leur relation interne (voir arrêt du 26 janvier 2017, Villeroy & Boch/Commission, C‑625/13 P, EU:C:2017:52, point 151 et jurisprudence citée).

153    Au contraire, l’objectif du mécanisme de solidarité réside dans le fait qu’il constitue un instrument juridique supplémentaire dont dispose la Commission afin de renforcer l’efficacité de son action en matière de recouvrement des amendes infligées pour des infractions au droit de la concurrence, dès lors que ce mécanisme réduit, pour la Commission en tant que créancier de la dette que représentent ces amendes, le risque d’insolvabilité, ce qui participe à l’objectif de dissuasion qui est généralement poursuivi par le droit de la concurrence (voir arrêt du 26 janvier 2017, Villeroy & Boch/Commission, C‑625/13 P, EU:C:2017:52, point 152 et jurisprudence citée).

154    Or, la détermination, dans la relation interne existant entre codébiteurs solidaires, des quotes-parts de ceux-ci ne vise pas ce double objectif. Il s’agit, en effet, d’un contentieux qui intervient à un stade ultérieur, qui ne présente en principe plus d’intérêt pour la Commission, dans la mesure où la totalité de l’amende lui a été payée par l’un ou par plusieurs desdits codébiteurs (voir arrêt du 26 janvier 2017, Villeroy & Boch/Commission, C‑625/13 P, EU:C:2017:52, point 153 et jurisprudence citée).

155    En l’espèce, il suffit de constater, à la lumière de la jurisprudence citée aux points 151 à 154 ci-dessus, que la Commission n’était pas tenue de déterminer les quotes-parts des requérantes et des intervenantes dans le cadre de leur relation interne. En effet, dans la mesure où la Commission a conclu que, pendant toute la période infractionnelle, les requérantes et les intervenantes constituaient une seule entreprise au sens du droit de la concurrence, ce que les requérantes ne contestent pas, elle pouvait se limiter à déterminer le montant de l’amende que ces sociétés étaient solidairement tenues de payer.

156    Par ailleurs, l’argument des requérantes selon lequel, à la date de l’adoption de la décision attaquée, les intervenantes ne constituaient plus avec elles une entité unique ne saurait remettre en question la conclusion énoncée au point 155 ci-dessus.

157    D’une part, il importe de relever que l’acceptation de l’argument en cause irait à l’encontre de la simple notion de responsabilité solidaire. À cet égard, force est de constater que le mécanisme de solidarité implique, par définition, que la Commission peut s’adresser soit à la société mère soit à la société filiale sans prévoir des quotes-parts dans le sens allégué par les requérantes. En effet, comme la Cour l’a déjà jugé, il n’existe pas de « priorité » en ce qui concerne l’infliction d’une amende à l’une ou à l’autre de ces sociétés (voir arrêt du 18 juillet 2013, Dow Chemical e.a./Commission, C‑499/11 P, EU:C:2013:482, point 49 et jurisprudence citée).

158    D’autre part, il y a lieu de considérer que l’acceptation d’un tel argument serait susceptible de nuire à l’objectif du mécanisme de solidarité, lequel, selon la jurisprudence citée au point 153 ci-dessus, réside dans le fait qu’il constitue un instrument juridique supplémentaire dont dispose la Commission afin de renforcer tant l’efficacité du recouvrement des amendes infligées que l’objectif de dissuasion qui est généralement poursuivi par le droit de la concurrence.

159    Au vu de ce qui précède, il y a lieu de considérer que la Commission n’a pas méconnu, en l’espèce, les dispositions de l’article 23, paragraphe 2, du règlement no 1/2003 en ne déterminant pas les quotes-parts des requérantes et des intervenantes dans le cadre de leur relation interne.

160    Le cinquième moyen doit donc être rejeté.

 Sur le sixième moyen, tiré de l’insuffisance de preuves de l’existence d’une violation de l’article 101 TFUE

161    Les requérantes font valoir, en substance, que la Commission n’a pas démontré à suffisance de droit l’existence d’un accord anticoncurrentiel contraire à l’article 101 TFUE et, par conséquent, leur participation à celui-ci. Selon elles, l’existence de l’accord sur le « territoire national »n’est pas étayée par des preuves suffisantes et, de ce fait, celle de la « configuration européenne de l’entente » telle que décrite par la Commission.

162    Premièrement, les requérantes estiment que les conclusions de la Commission relatives à l’existence de l’accord sur le « territoire national » reposent sur un raisonnement tautologique qui ne leur laisse aucune place pour se défendre. À cet égard, elles soutiennent que la Commission n’a pas présenté de preuve directe de l’existence dudit principe. Par ailleurs, elles critiquent le fait que l’absence de discussions sur les projets européens soit interprétée comme un signe de l’existence d’un accord anticoncurrentiel et que les tentatives des sociétés japonaises et sud-coréennes de « rentrer » dans l’EEE ne soient pas interprétées comme un signe de concurrence, mais comme une violation de ce principe.

163    Deuxièmement, les requérantes affirment avoir présenté lors de la procédure administrative de nombreuses explications alternatives des événements évoqués dans la décision attaquée ainsi que des explications du fait que les producteurs japonais et sud-coréens étaient dissuadés d’exercer une concurrence dans l’EEE.

164    D’une part, les requérantes font observer que des réunions trilatérales « A/R/K » en matière de coopération à l’exportation ont eu lieu entre 1998 et 2005 à la suite du Super Tension Cables Export Agreement (accord sur l’exportation de câbles à très haute tension, ci-après le « STEA ») et de la Sub-marine Cable Export Association (Association pour l’exportation de câbles sous-marins, ci-après la « SMEA »), concernant des projets exécutés ou à exécuter en dehors de l’EEE, sans pour autant parvenir à un quelconque accord.

165    D’autre part, les requérantes allèguent que plusieurs entraves empêchaient les sociétés japonaises et sud-coréennes d’exercer une activité dans l’EEE et les sociétés européennes de l’exercer au Japon et en Corée du Sud. En particulier, ces entraves concerneraient la variation sensible d’un pays à l’autre des caractéristiques des projets, les différences culturelles et linguistiques, le fait que certains exploitants de réseaux refuseraient de traiter avec des fournisseurs ne disposant pas d’au moins un agent local physiquement présent dans le pays en question et les coûts du transport. Enfin, les requérantes soutiennent que le fait que, depuis l’ouverture de l’enquête, plusieurs parties japonaises et sud-coréennes aient entrepris des démarches pour « entrer » dans l’EEE ne saurait suffire pour exclure ces arguments.

166    Troisièmement, les requérantes soulignent que, dans la mesure où la Commission n’a pas démontré l’existence de l’accord sur le « territoire national », elle ne saurait pas non plus leur reprocher l’existence d’une entente d’attribution des projets au niveau européen.

167    La Commission conteste ces arguments.

168    À titre liminaire, il y a lieu de relever que, dans le cadre du présent moyen, les requérantes réitèrent à nouveau des arguments dont l’objectif est de démontrer que la Commission s’est fondée exclusivement sur des demandes de clémence aux fins d’effecteur ses constatations, ce qui mettrait en exergue une attitude d’investigation affaiblie. Or, ainsi qu’il ressort de l’examen effectué dans le cadre du troisième moyen, tiré de la violation par la Commission du principe de bonne administration, il y a lieu de constater que l’affirmation selon laquelle la Commission s’est entièrement appuyée sur les déclarations orales recueillies sur la base du programme de clémence, sans mener d’enquête autonome, n’est pas étayée par les éléments ressortant de la décision attaquée et, en particulier, par le contenu du point 3 de cette décision, dans lequel, comme il ressort du point 114 ci-dessus, la Commission expose la variété d’éléments de preuve auxquels elle a eu recours aux fins d’étayer ses conclusions quant à l’entente en cause.

169    S’agissant des arguments des requérantes selon lesquels la Commission n’a pas réussi à démontrer l’existence de l’accord sur le « territoire national », il y a lieu de rappeler que, tel qu’il ressort du point 12 ci-dessus, ainsi que des considérants 76 et suivants de la décision attaquée, conformément audit accord, les producteurs sud-coréens et japonais étaient censés ne pas faire concurrence aux producteurs européens dans le « territoire national » européen, tel que défini par les participants de l’entente, en contrepartie de l’engagement des producteurs européens de ne pas leur faire concurrence dans les « territoires nationaux » notamment du Japon et de la Corée du Sud. Cet accord était lié, selon la Commission, à l’accord sur les « territoires d’exportation », consistant à répartir entre les producteurs européens, d’une part, et les producteurs japonais et sud-coréens, d’autre part, des projets se situant en dehors des « territoires nationaux » conformément à un « quota 60/40 ». À ce dernier égard, il ressort des considérants 79 et 247 de ladite décision que la Grèce n’a pas fait partie, pendant longtemps, du « territoire national » européen au sens de l’accord en question et que les projets implantés en Grèce s’inscrivaient dans l’attribution des « territoires d’exportation ».

170    En l’espèce, l’existence d’un accord sur le « territoire national »ainsi que de la « configuration européenne de l’entente » ne peut pas être valablement remise en cause par les arguments formulés par les requérantes à cet égard.

171    En effet, en premier lieu, il convient de relever que l’accord sur le « territoire national » est décrit aux considérants 76 à 86 de la décision attaquée, en s’appuyant sur des éléments qui ne sont pas contestés de manière spécifique par les requérantes. L’existence de l’accord est, de plus, étayé par les éléments de preuve énumérés au point 3 de ladite décision, intitulé « Description des faits », à nouveau non contestés par les requérantes par des éléments concrets. En outre, aux considérants 107 à 115 de cette décision, la Commission résume, sans que les requérantes essayent de démontrer le contraire, les éléments de preuve concernant l’existence de la « configuration européenne de l’entente ».

172    Par ailleurs, au considérant 493 de la décision attaquée, la Commission résume tous les éléments de preuve récoltés lors de l’enquête, dont ceux concernant l’accord sur le « territoire national » et la « configuration européenne de l’entente », lesquels ne sont pas contestés par des arguments spécifiques par les requérantes, à l’exception de ceux figurant au considérant 234 de ladite décision, sans preuves à l’appui. En particulier, il ressort de l’examen des éléments cités au considérant 493 de cette décision ce qui suit :

–        premièrement, les participants à l’entente ont adhéré implicitement ou explicitement à un accord ou à une pratique concertée en vertu desquels le « territoire national » européen était protégé de la concurrence des fournisseurs de câbles électriques japonais et sud-coréens, et inversement [considérant 493, sous a), de la décision attaquée] ;

–        deuxièmement, les « membres R » de l’entente ont participé à la « configuration européenne de l’entente », qui répartissait les territoires et les clients au sein de l’EEE [considérant 493, sous b), de la décision attaquée] ;

–        troisièmement, plusieurs participants, dont les requérantes, sont convenus des prix à proposer pour les câbles électriques sous-marins et souterrains, y compris pour des projets dans l’EEE [considérant 493, sous d), de la décision attaquée] ;

–        quatrièmement, plusieurs participants, dont les requérantes, étaient impliqués dans la soumission d’offres de couverture pour garantir la répartition convenue des projets de câbles électriques sous-marins et souterrains, y compris pour des projets dans l’EEE [considérant 493, sous e), de la décision attaquée] ;

–        cinquièmement, plusieurs participants, dont les requérantes, étaient impliqués dans l’échange d’informations commerciales sensibles et stratégiques, telles que leur capacité disponible ou leur intérêt pour des appels d’offres spécifiques, y compris pour des projets dans l’EEE [considérant 493, sous f), de la décision attaquée] ;

–        sixièmement, certains participants, dont les requérantes, étaient impliqués dans des pratiques visant à renforcer l’entente, dont un refus collectif de fournir des accessoires ou une assistance technique à certains concurrents [considérant 493, sous g), de la décision attaquée] ;

–        septièmement, plusieurs participants, dont les requérantes, surveillaient la mise en œuvre des accords d’attribution et de fixation des prix par un échange de feuilles de position et d’informations relatives au marché et l’instauration d’obligations d’information, y compris pour des projets dans l’EEE [considérant 493, sous h), de la décision attaquée].

173    Enfin, il y a lieu de relever que, outre les constatations de la Commission relatives, notamment, à l’accord sur le « territoire national » et à la « configuration européenne de l’entente », le considérant 493 de la décision attaquée fait également référence à tous les éléments de preuve liés à la règle relative aux « territoires d’exportation », dans lesquels les requérantes étaient également impliquées.

174    Par conséquent, les éléments de preuve récoltés par la Commission, dont la production a été demandée par le Tribunal au titre des mesures d’organisation et d’instruction lors de la procédure écrite de la présente affaire (voir point 28 ci-dessus), confirment l’existence de l’accord sur le « territoire national » et de la « configuration européenne de l’entente », ainsi que la participation des requérantes à ladite entente, sans que ces dernières aient apporté des éléments concrets susceptibles de remettre en cause, comme elles le prétendent, une concordance des volontés pour mettre en œuvre un accord concernant l’EEE.

175    En deuxième lieu, il y a lieu de souligner, à l’instar de la Commission, que, dans leurs écritures, les requérantes ne remettent pas en cause les éléments de preuve fournis dans la décision attaquée, mais se bornent à citer des extraits isolés de ladite décision, notamment des considérants 78, 501 et 626 de cette décision, afin de contester la crédibilité des constatations effectuées quant à l’existence de l’accord sur le « territoire national ». À cet égard, force est, par ailleurs, de constater que la même décision expose de nombreux éléments corroborant les éléments incriminants communiqués par les demanderesses de clémence, les déclarations orales et les réponses aux demandes d’informations, en plus des documents recueillis au cours des inspections, qui démontrent ladite existence.

176    En particulier, il convient de relever que le considérant 626 de la décision attaquée renvoie à plusieurs autres considérants de ladite décision qui contiennent des éléments de preuve de l’existence de l’accord sur le « territoire national », à savoir les considérants 306, 329, 353, 355, 357, 358, 380, 384, 386, 393, 428, et 437 de cette décision, lesquels ne sont pas contestés de manière circonstanciée par les requérantes. De plus, les considérants 80 à 86 de la même décision mentionnent qu’un tel accord s’appliquait à des projets européens faisant l’objet des discussions entre les opérateurs européens, japonais et sud-coréens. De surcroît, comme l’indique la Commission, ces éléments de preuve contredisent l’extrait de la déclaration orale de J‑Power Systems cité par les requérantes afin d’étayer leur allégation selon laquelle les contacts ayant existé entre les producteurs de câbles électriques relatifs aux « territoires d’exportation » se sont interrompus à la fin de l’année 2004. Ils sont de même suffisants pour contredire l’explication formulée par les requérantes selon laquelle les réunions dans lesquelles lesdits producteurs ont décidé de coopérer sur le marché ne concernaient que des projets en dehors de l’EEE.

177    En troisième lieu, aux considérants 502 à 509 de la décision attaquée, la Commission expose les éléments visant à démontrer que l’accord sur le « territoire national » et la « configuration européenne de l’entente » ont été mis en œuvre. À cet égard, il y a lieu de constater que, dans le cadre du présent moyen, les requérantes citent des fragments desdits éléments, mais omettent, en particulier, de contester les instructions données aux producteurs asiatiques afin de garantir la mise en œuvre dudit accord. En outre, comme le souligne la Commission, et ainsi qu’il ressort des considérants susmentionnés, les requérantes ne contestent pas davantage les éléments de preuve relatifs aux faits que les parties étaient conscientes du caractère illégal de leurs activités et ont pris un certain nombre de précautions organisationnelles et techniques pour ne pas être découvertes.

178    En quatrième lieu, quant à l’argument des requérantes selon lequel la Commission aurait dû analyser les effets de l’entente, il suffit de relever qu’une telle obligation ne s’impose pas lorsque sont concernées des infractions par objet, comme c’est le cas de la répartition de marché constatée par la décision attaquée (voir arrêt du 16 juin 2015, FSL e.a./Commission, T‑655/11, EU:T:2015:383, point 420 et jurisprudence citée). En tout état de cause, il y a lieu de relever que le point 3.3 de la décision attaquée expose les éléments de preuve, non contestés de manière concrète par les requérantes, visant à démontrer que l’entente a été mise en œuvre et présente notamment des exemples, dont les considérants 113 et 114 de ladite décision. Par ailleurs, il convient d’ajouter que, même si, comme le relèvent les requérantes, certains projets répartis entre les parties à l’entente, rapportés notamment aux considérants 192, 234, sous a), et 151 de cette décision, n’ont pas été mis en œuvre, il ressort de la jurisprudence, citée au considérant 645 de la même décision, que la mise en œuvre, fût-elle partielle, d’un accord dont l’objet est anticoncurrentiel suffit à écarter la possibilité de conclure à une absence d’impact dudit accord sur le marché (arrêt du 25 octobre 2005, Groupe Danone/Commission, T‑38/02, EU:T:2005:367, point 148). Il convient d’ajouter que, en tout cas, ces projets ne sont pas susceptibles de remettre en cause tous les autres éléments de preuve cités par la Commission.

179    En cinquième lieu, les requérantes avancent, en substance, que, pour des raisons techniques, commerciales et historiques, les producteurs japonais et sud-coréens n’avaient pas de motif de livrer concurrence pour des « projets européens ». Selon elles, ces raisons constitueraient une explication plausible des éléments de preuve produits dans la décision attaquée.

180    À cet égard, il convient de rappeler que, conformément à la jurisprudence, un accord qui vise à protéger les producteurs européens sur leur territoire de l’Union d’une concurrence réelle ou potentielle provenant des autres producteurs étrangers est susceptible de restreindre la concurrence, à moins qu’il n’existe des barrières insurmontables à l’entrée sur le marché européen qui excluent toute concurrence potentielle de la part de ces producteurs étrangers (voir, en ce sens, arrêt du 21 mai 2014, Toshiba/Commission, T‑519/09, non publié, EU:T:2014:263, point 230).

181    En l’espèce, les requérantes ne sauraient faire valoir que les producteurs japonais et sud-coréens n’étaient pas, à tout le moins, des concurrents potentiels des producteurs européens dans l’EEE.

182    En effet, il y a lieu de relever, premièrement, que, ainsi qu’il ressort du considérant 658 de la décision attaquée, l’adhésion à l’accord a été régulièrement confirmée par les participants et les « membres A » et « R » de l’entente se sont mutuellement informés des invitations à soumissionner émanant des « territoires » de l’autre partie. Deuxièmement, conformément au considérant 663 de ladite décision, les clients européens invitaient de manière régulière les producteurs japonais et sud-coréens à faire une offre pour leurs projets. En outre, dans ce dernier considérant, la Commission fait référence aux considérants 231 et 279 de cette décision, dans lesquels sont mentionnés un certain nombre d’éléments de preuve, dont il ressort que deux producteurs japonais étaient sollicités pour des projets devant être réalisés dans l’EEE, notamment en Espagne, en Italie, aux Pays-Bas et au Royaume-Uni. Troisièmement, le fait que, ainsi qu’il ressort des considérants 664 et 666 de la même décision, des clients différents puissent avoir des exigences techniques différentes, comme le soutiennent les requérantes, s’appliquerait à tous les fournisseurs potentiels, qu’ils soient européens, japonais ou sud-coréens. Quatrièmement, comme il a été indiqué au considérant 666 de la décision en question, depuis l’ouverture de l’enquête de la Commission, plusieurs parties japonaises et sud-coréennes ont entrepris des démarches pour participer à des projets devant être réalisés dans l’EEE. Cinquièmement, il y a lieu de relever que, en 2001 et en 2005, une entreprise sud-coréenne a participé, selon le considérant 661 de la même décision, à des projets devant être réalisés dans l’EEE et consistant en des ventes de systèmes de câbles électriques, en particulier en Allemagne, en Irlande et aux Pays-Bas. Une telle participation confirme le fait que ladite entreprise était, à tout le moins, un concurrent potentiel des producteurs européens dans l’EEE et qu’il n’existait pas de barrières d’accès insurmontables à l’entrée sur le marché européen.

183    Il s’ensuit que, contrairement à ce que font valoir les requérantes, la participation des producteurs japonais et sud-coréens dans l’EEE n’était ni impossible techniquement ni économiquement non viable.

184    Par conséquent, les requérantes ne réussissent pas à mettre en cause la constatation de la Commission selon laquelle elles ont participé à un accord anticoncurrentiel qui prévoyait, en particulier, l’accord sur le « territoire national ».

185    Au vu de ce qui précède, il y a lieu de conclure que les requérantes ne démontrent pas que la Commission n’a pas suffisamment démontré l’existence d’une violation à l’article 101 TFUE.

186    Le sixième moyen doit dès lors être rejeté.

 Sur le septième moyen, tiré de la détermination erronée de la durée de l’infraction

187    Les requérantes estiment que la Commission n’a pas démontré à suffisance de droit la date du début de l’accord anticoncurrentiel, en particulier en ce qui concerne la période allant de 1999 à 2000, pendant laquelle, selon elles, seule une « phase stricte de négociation »était en cours. Elles soutiennent notamment que rien ne prouve que l’infraction a débuté lors de la réunion du 18 février 1999 à Zurich (Suisse) et qu’aucun élément ne prouve qu’un accord a été conclu au cours des autres réunions auxquelles Pirelli a assisté entre 1999 et 2000.

188    S’agissant, d’une part, de la réunion du 18 février 1999 à Zurich, les requérantes relèvent que la seule pièce documentaire figurant dans le dossier de la Commission est une note interne prise par M. Y., un employé de Sumitomo Electric Industries, présentée dans le cadre de la demande conjointe d’immunité, laquelle aurait été interprétée comme un compte rendu de ladite réunion, alors même que l’auteur ne serait pas mentionné et que la note n’aurait pas été partagée avec d’autres personnes présentes lors de cette réunion. Selon elles, il s’agit d’une preuve de faible valeur probante, qui ne serait corroborée par aucune des déclarations orales de J‑Power Systems ni par un faisceau plus large d’éléments de preuve. De même, elles font observer que la Commission elle-même indique au considérant 497 de la décision attaquée que, lors de la réunion en question, les discussions n’ont pas débouché sur un accord en ce qui concerne la détermination des « territoires nationaux » et les attributions des quotas pour les projets localisés en dehors de ces territoires. Ainsi, la Commission ne saurait soutenir que, à partir d’une telle date, il existait une entente ni que les participants ont éliminé ou réduit substantiellement l’incertitude quant à leur comportement sur le marché. Enfin, selon les requérantes, l’analyse de la pratique décisionnelle de la Commission démontre que le point de départ d’une entente n’a jamais reposé sur des éléments aussi peu étayés.

189    S’agissant, d’autre part, des autres éléments de preuve, les requérantes font valoir, en substance, que la décision attaquée n’étaye pas, du moins pour la période allant jusqu’à la fin de l’année 2000, le fait que les producteurs européens et japonais se seraient entendus pour mettre en œuvre la « configuration A/R de l’entente », ni la mise en place de la « configuration européenne » de ladite entente. Il s’agirait, en particulier, des réunions du 24 mai 1999 à Kuala Lumpur (Malaisie), des 3 et 4 juin 1999 à Tokyo (Japon), du 26 juillet 1999 à Londres (Royaume-Uni), du 19 octobre 1999 à Kuala Lumpur, des 1er et 2 mars 2000 à Tokyo, du 11 mai 2000 à Paris (France), du mois de juillet à Milan ou à Londres et du 29 novembre 2000 à Kuala Lumpur.

190    La Commission conteste ces arguments.

191    À titre liminaire, il y a lieu de rappeler que l’article 101, paragraphe 1, TFUE interdit les accords et les pratiques concertées ayant pour objet ou pour effet d’empêcher, de restreindre ou de fausser la concurrence dans le marché intérieur, notamment ceux et celles consistant à répartir les marchés ou les sources d’approvisionnement.

192    Pour qu’il y ait accord au sens de l’article 101, paragraphe 1, TFUE, il suffit que les entreprises en cause aient exprimé leur volonté commune de se comporter sur le marché d’une manière déterminée. Il peut être considéré qu’un accord au sens de ladite disposition est conclu dès lors qu’il y a une concordance des volontés sur le principe même d’une restriction de la concurrence, même si les éléments spécifiques de la restriction envisagée font encore l’objet de négociations (voir arrêt du 16 juin 2011, Solvay/Commission, T‑186/06, EU:T:2011:276, points 85 et 86 et jurisprudence citée). Il est sans pertinence, à cet égard, d’examiner si les entreprises se sont considérées tenues, juridiquement, factuellement ou moralement, d’adopter le comportement convenu entre elles (arrêts du 14 mai 1998, Mayr-Melnhof/Commission, T‑347/94, EU:T:1998:101, point 65, et du 8 juillet 2008, Lafarge/Commission, T‑54/03, non publié, EU:T:2008:255, point 219 et jurisprudence citée).

193    La notion de pratique concertée vise une forme de coordination entre entreprises qui, sans avoir été poussée jusqu’à la réalisation d’une convention proprement dite, substitue sciemment une coopération pratique entre elles aux risques de la concurrence (voir arrêt du 16 juin 2011, Solvay/Commission, T‑186/06, EU:T:2011:276, point 87 et jurisprudence citée).

194    L’article 101, paragraphe 1, TFUE s’oppose ainsi à toute prise de contact directe ou indirecte entre des opérateurs économiques de nature soit à influer sur le comportement sur le marché d’un concurrent actuel ou potentiel, soit à dévoiler à un tel concurrent le comportement que l’on est décidé à tenir soi-même sur le marché ou que l’on envisage d’adopter sur celui-ci, lorsque ces contacts ont pour objet ou pour effet la restriction de concurrence. Le fait de communiquer des renseignements à ses concurrents en vue de préparer un accord anticoncurrentiel suffit à prouver l’existence d’une pratique concertée au sens de ladite disposition (voir arrêt du 16 juin 2011, Solvay/Commission, T‑186/06, EU:T:2011:276, points 88 et 89 et jurisprudence citée).

195    Les notions d’accord et de pratique concertée, au sens de l’article 101, paragraphe 1, TFUE, appréhendent, d’un point de vue subjectif, des formes de collusion qui partagent la même nature et ne se distinguent que par leur intensité et par les formes dans lesquelles elles se manifestent. Il suffit, dès lors, que la preuve des éléments constitutifs de l’une ou de l’autre de ces formes d’infraction visées à cette disposition ait été établie pour que, en toute hypothèse, cette dernière s’applique (arrêt du 5 décembre 2013, Solvay/Commission, C‑455/11 P, non publié, EU:C:2013:796, point 53).

196    Par ailleurs, il ressort de la jurisprudence qu’il appartient à la Commission de prouver non seulement l’existence de l’entente, mais également sa durée (arrêt du 14 juillet 2005, ThyssenKrupp/Commission, C‑65/02 P et C‑73/02 P, EU:C:2005:454, point 31).

197    Si la Commission est tenue de faire état de preuves précises et concordantes pour établir l’existence d’une infraction à l’article 101, paragraphe 1, TFUE, chacune des preuves qu’elle apporte ne doit pas nécessairement répondre à ces critères pour chaque élément de l’infraction. Il suffit que le faisceau d’indices invoqué par l’institution, apprécié globalement, réponde à cette exigence. Ainsi, les indices invoqués par la Commission dans la décision attaquée afin de prouver l’existence d’une violation de cette disposition par une entreprise doivent être appréciés non isolément mais dans leur ensemble (voir arrêt du 12 décembre 2014, Repsol Lubricantes y Especialidades e.a./Commission, T‑562/08, non publié, EU:T:2014:1078, points 152 et 153 et jurisprudence citée).

198    Dans la plupart des cas, l’existence d’une pratique ou d’un accord anticoncurrentiel doit être inférée d’un certain nombre de coïncidences et d’indices qui, considérés ensemble, peuvent constituer, en l’absence d’une autre explication cohérente, la preuve d’une violation des règles de la concurrence (arrêt du 17 septembre 2015, Total Marketing Services/Commission, C‑634/13 P, EU:C:2015:614, point 26).

199    En l’espèce, la Commission a constaté, notamment aux considérants 138 et 506 de la décision attaquée, que l’entente visée par ladite décision avait débuté le 18 février 1999, au moment où les représentants de quatre fournisseurs japonais de câbles électriques, à savoir Furukawa Electric, Fujikura, Sumitomo Electric Industries et Hitachi Cable, et les représentants de deux fournisseurs européens de câbles électriques, dont Pirelli, se sont réunis dans un hôtel à Zurich. Même si les requérantes n’ont pas participé en tant que telles à cette réunion, il convient de rappeler que, ainsi qu’il ressort de l’examen du quatrième moyen, elles sont responsables de la participation à cette réunion en tant que successeurs de Pirelli.

200    La Commission fonde le constat énoncé au point 199 ci-dessus sur plusieurs éléments de fait qui peuvent être résumés comme suit.

201    Tout d’abord, la Commission a relevé que l’entente visée par la décision attaquée prenait son origine dans deux régimes d’exportation découlant du STEA et de la SMEA, conclus par les principaux fournisseurs européens des câbles électriques dans les années 1970, dans le cadre de l’International Cable Development Corporation (société internationale pour le développement des câbles). Selon le considérant 64 de ladite décision, le STEA et la SMEA prévoyaient le cadre initial pour la soumission et l’attribution de marchés et de projets portant sur des câbles électriques souterrains et sous-marins à haute tension en dehors des « territoires nationaux » des sociétés ayant conclu lesdits accords. La Commission indique dans ce même considérant, sans que cela soit contredit par les requérantes, que l’enquête avait révélé que, en plus de ces accords, il existait une convention non écrite entre les producteurs européens, japonais et sud-coréens par laquelle les trois groupes de producteurs s’engageaient à ne pas se faire concurrence dans leurs « territoires nationaux » respectifs. Dans d’autres régions, l’objectif des producteurs était de répartir les projets entre eux, les producteurs européens obtenant une part d’environ 60 % des projets et les producteurs japonais une part d’environ 40 % des projets. Un président et un secrétaire (ou coordinateur) étaient désignés pour chaque groupe afin d’organiser l’attribution. Les membres des accords en cause et de ladite convention non écrite qui recevaient des demandes de clients à propos de projets éventuels de câbles électriques souterrains et sous-marins étaient tenus de signaler ces demandes au secrétaire japonais ou européen si le type et la longueur des câbles électriques répondaient à certains critères. Les secrétaires ou coordinateurs discutaient alors et convenaient du groupe de producteurs auquel le projet serait attribué.

202    Il est constant que l’entente visée par la décision attaquée reproduit le schéma décrit au point 201 ci-dessus.

203    Ensuite, le STEA et la SMEA, y compris la convention non écrite les accompagnant, ont été dissouts, selon le considérant 117 de la décision attaquée, à la fin de l’année 1997. La Commission fournit des preuves, non contestées par des éléments concrets par les requérantes, desquelles il ressort, d’une part, que les sociétés ayant conclu ces accords étaient conscientes de leur caractère illégal et, d’autre part, qu’elles avaient envisagé une réorganisation de ces accords à l’avenir. Elle a également fourni des preuves, aux considérants 119, 121 à 136 de la décision attaquée et aux points 3 à 15 de l’annexe I de cette décision, confirmant que lesdites sociétés avaient continué à se réunir et à discuter des conséquences de la dissolution desdits accords et de la possibilité de conclure un nouvel accord. À cet égard, les requérantes ne contestent pas avoir participé à onze réunions avec les autres fournisseurs japonais organisées au cours de l’année 1998 et à une réunion organisée en octobre 1998 à Kuala Lumpur, à laquelle ont participé, notamment, Pirelli, Sumitomo Electric Industries, Hitachi Cable, Furukawa Electric, Fujikura et une autre société européenne.

204    Il est à noter que, au cours d’une des réunions mentionnées au point 203 ci-dessus, a eu lieu une discussion, rapportée par la Commission au considérant 129 de la décision attaquée et non contestée par les requérantes, concernant un projet de câbles électriques à réaliser à Singapour, attribué initialement aux entreprises européennes avant la dissolution du STEA et de la SMEA et pour lequel Furukawa Electric s’est fait critiquer pour avoir soumis une offre à bas prix. Dans le cadre de cette critique, il a également été remarqué que des comportements similaires seraient susceptibles de faire échouer le « futur plan en discussion entre [les producteurs japonais et européens] ».

205    En outre, la Commission a noté une série de six réunions régulières organisées en 1999 entre les représentants, notamment, de Pirelli, de Fujikura, de Furukawa Electric, d’Hitachi Cable et de Sumitomo Electric Industries. Ces réunions ont été suivies par d’autres réunions des fournisseurs japonais et européens et par plusieurs réunions bilatérales organisées en 2000. Il ressort des notes contemporaines de ces réunions, citées par la Commission, notamment aux considérants 137, 141, 143, 144 et 154 de la décision attaquée, qu’elles avaient un contenu anticoncurrentiel, puisqu’elles concernaient l’établissement et le fonctionnement d’un accord sur le partage des marchés reprenant la structure du STEA et de la SMEA. Les participants à ces réunions discutaient de règles de partage des marchés, de la définition des « territoires nationaux » respectifs, des quotas selon lesquels devaient être partagés les projets localisés dans les « territoires d’exportation », du voltage des câbles électriques couverts par l’accord, de la nomination des coordinateurs régionaux et des nouvelles entreprises qui devraient être impliquées dans les discussions afin d’assurer un fonctionnement le plus efficace du nouvel accord.

206    Enfin, la Commission a noté, au considérant 145 de la décision attaquée, que, dans leur demande conjointe d’immunité, J‑Power Systems, Sumitomo Electric Industries et Hitachi Cable ont confirmé que, au cours de la période initiale de l’entente, au moins Sumitomo Electric Industries et Hitachi Cable avaient respecté l’accord sur le « territoire national » en veillant à ce que certains projets localisés dans le « territoire national » européen ne leur soient pas proposés, mais qu’ils le soient à des sociétés européennes.

207    C’est dans ce contexte que, selon la décision attaquée, a eu lieu la réunion du 18 février 1999 à Zurich, au cours de laquelle M. Y., employé de Sumitomo Electric Industries, a pris des notes reproduites par la Commission au considérant 137 de ladite décision. Il ressort de ces notes, qui exposent sans ambigüité la date et le lieu de ladite réunion, et dont la nature contemporaine ne saurait dès lors être mise en cause par les requérantes, que cette réunion a concerné des conditions régissant l’entente relative aux projets de câbles électriques sous-marins, à savoir les quotas à attribuer aux groupes européens et japonais, l’attribution des « territoires nationaux » en fonction de l’emplacement des installations de production des entreprises ainsi que le suivi et la surveillance des quotas dans les « territoires d’exportation » au moyen des feuilles de position. Les participants ont également discuté de l’intégration d’ABB et des entreprises japonaises SWCC Showa Holdings et Mitsubishi Cable Industries à l’accord, ont abordé la question de l’amende imposée à ABB pour la participation à l’entente pour les conduites précalorifugées et montré qu’ils avaient dès lors conscience de certains risques à cet égard.

208    Concernant la réunion du 18 février 1999 à Zurich, la Commission a indiqué, au considérant 497 de la décision attaquée, que certains aspects qui y avaient été discutés n’avaient pas débouché sur un accord. En effet, il ressort de la transcription de la déclaration orale de J‑Power Systems et de la note écrite de ladite réunion que les parties ne sont pas convenues du quota à appliquer (un « quota 60/40 » ou un « quota 70/30 ») pour les « territoires d’exportation » et n’ont pas définitivement décidé si les « territoires nationaux » devaient couvrir la Suède (siège des activités de production d’ABB), la Corée du Sud et Taïwan. Toutefois, la Commission a considéré que cette réunion marquait le début de l’infraction. À cet égard, au considérant 506 de ladite décision, elle a indiqué ce qui suit :

« Au vu […] du comportement adopté avant la réunion du 18 février 1999, lorsque les parties planifiaient incontestablement une remise en application de leurs précédents accords et […] de leur comportement adopté par après lorsqu’elles attribuaient ouvertement des projets dans les territoires d’exportation, respectaient leurs territoires nationaux respectifs et envisageaient d’inviter d’autres sociétés à adhérer au ‘plan’ […], il est raisonnable de conclure que la réunion du 18 février 1999 prouve l’existence d’une volonté commune, à l’époque, d’attribuer des marchés et des clients et de fausser le processus normal de concurrence dans le cadre de projets concernant tant les câbles [souterrains] que les câbles [sous-marins]. À compter au moins de cette date, il existait un concours de volontés sur le principe même de restriction de la concurrence parmi les participants. Les parties ont dès lors conclu un accord ou ont appliqué une pratique concertée au sens de l’article 101, paragraphe 1, [TFUE] même si certaines modalités de l’entente étaient encore en cours de discussion à cette époque. »

209    Le Tribunal estime que, eu égard à la jurisprudence citée aux points 192 à 198 ci-dessus, la conclusion de la Commission relative à la portée de la réunion du 18 février 1999 à Zurich, exposée au considérant 506 de la décision attaquée, est dépourvue d’erreur de droit ou d’appréciation.

210    En effet, en premier lieu, la Commission a établi, à suffisance de droit, et en tenant compte, à juste titre, du contexte de la dissolution du STEA et de la SMEA, auxquels Pirelli a participé, que, à partir de l’année 1998, les membres de ces accords, à savoir les principaux fournisseurs européens et japonais de câbles électriques sous-marins et souterrains, ont repris des négociations visant à établir un nouvel accord et que, au fil du temps, ils sont arrivés à mettre en œuvre ce nouvel accord. La note écrite de la réunion du 18 février 1999 à Zurich, première note présentant de façon complète les fondements de ce nouvel accord, confirme que, au moment où ladite note a été adoptée, les entreprises présentes à cette réunion sont convenues du principe même de partage des marchés, tant en ce qui concerne les « territoires d’exportation » que les « territoires nationaux ». L’existence de ce principe, ainsi que le fait que les sociétés ayant conclu le STEA et la SMEA y tenaient, est corroborée par la discussion impliquant les requérantes, reproduite au point 204 ci-dessus.

211    À cet égard, d’une part, il y a lieu de rappeler que rien n’empêche la Commission de tenir compte des étapes préparatoires à la création proprement dite de l’entente pour constater la situation économique ayant précédé et expliqué la création de l’entente ou afin d’établir et d’évaluer le rôle respectif que les membres de l’entente avaient joué dans la conception, la création et la mise en œuvre de celle-ci (arrêt du 27 juin 2012, Coats Holdings/Commission, T‑439/07, EU:T:2012:320, point 60).

212    D’autre part, il importe de noter, comme le fait à juste titre la Commission, au considérant 498 de la décision attaquée, que la question décisive pour l’appréciation de la portée de la réunion du 18 février 1999 à Zurich n’est pas celle de savoir si, à cette date-là, les six sociétés ayant participé à ladite réunion sont définitivement convenues de tous les éléments de l’accord, mais celle de savoir si les discussions menées lors de cette réunion ont permis à ces six sociétés, par leur participation, d’éliminer ou, à tout le moins, de réduire substantiellement l’incertitude quant au comportement à attendre de leur part sur le marché (voir, en ce sens, arrêt du 8 juillet 2008, BPB/Commission, T‑53/03, EU:T:2008:254, point 182 et jurisprudence citée).

213    Ainsi, ni l’utilisation du mode conditionnel et du temps futur dans les notes prises par M. Y., ni le fait que ce dernier aurait déclaré qu’aucun accord n’a été conclu même après la réunion organisée en octobre 1999 à Kuala Lumpur, ne suffisent pour considérer que, au jour du 18 février 1999, les sociétés ayant participé à la réunion de Zurich n’avaient pas encore enfreint l’article 101, paragraphe 1, TFUE. De plus, alors que les requérantes mettent en question la valeur probante des notes de M. Y. sur la base du fait qu’il s’agissait d’un document interne à J‑Power Systems, non corroboré, selon elles, par d’autres notes des autres participants à la réunion, il convient de rappeler que, conformément à la jurisprudence, la nature interne d’un document ne saurait empêcher la Commission de l’invoquer à titre d’élément à charge pour corroborer d’autres éléments de preuve, surtout dans le cadre d’un faisceau plus large d’éléments de preuve concordants (voir, en ce sens, arrêt du 8 juillet 2004, JFE Engineering/Commission, T‑67/00, T‑68/00, T‑71/00 et T‑78/00, EU:T:2004:221, point 231). À cet égard, il convient d’ajouter que, aux fins d’aboutir à sa conclusion, la Commission ne s’est pas fondée exclusivement sur les notes de M. Y., mais également, comme il ressort des points 201 à 206 ci-dessus, sur le contexte général fondé sur d’autres éléments de preuve relatifs notamment à la conduite des parties avant et après cette dernière réunion. Enfin, contrairement à ce que font valoir les requérantes, la valeur probante des notes en cause n’est pas affaiblie par le fait qu’elles ont été interprétées plusieurs années plus tard par leur auteur sur la base, selon elles, des « souvenirs lointains ». À cet égard, il suffit de relever, à l’instar de la Commission, qu’une telle interprétation éloignée dans le temps n’est pas susceptible de nuire à la valeur probante de ces notes en tant que preuves documentaires contemporaines.

214    En second lieu, contrairement à ce que soutiennent les requérantes, les différents éléments relatifs au contexte de la réunion du 18 février 1999 à Zurich, y compris les échanges qui ont eu lieu postérieurement entre les entreprises concernées, confirment que, au cours de la période initiale de l’entente, les principaux fournisseurs européens et japonais des câbles électriques sous-marins et souterrains, y compris Pirelli, étaient liés par une volonté commune de partager les marchés en suivant le schéma du STEA et de la SMEA et que, de surcroît, ils ont mis en œuvre ce partage de marché. Cela concerne, notamment, les projets mentionnés au considérant 145 de la décision attaquée, qui auraient été attribués aux entreprises européennes, conformément à l’accord sur le « territoire national ».

215    Il résulte des considérations qui précèdent que la Commission a, à juste titre, considéré que, le 18 février 1999, les principaux fournisseurs japonais et européens des câbles électriques sous-marins et souterrains à haute et très haute tension, y compris les requérantes, partageaient une volonté commune de restreindre la concurrence par un partage des marchés. C’est sans commettre d’erreur, partant, qu’elle a constaté que l’infraction à l’article 101, paragraphe 1, TFUE reprochée aux requérantes avait commencé à cette date.

216    S’agissant des arguments des requérantes selon lesquels le caractère anticoncurrentiel des réunions ayant eu lieu durant l’année 2000 n’a pas été suffisamment étayé, force est de constater que, dans la mesure où la Commission n’a pas commis d’erreur en considérant que le début de l’infraction est déterminé par la réunion du 18 février 1999 à Zurich, ces arguments sont inopérants.

217    Le septième moyen doit dès lors être rejeté.

 Sur le huitième moyen, tiré de la violation de l’article 23, paragraphe 2, du règlement no 1/2003, des lignes directrices pour le calcul des amendes de 2006 et des principes d’égalité de traitement et de proportionnalité en ce qui concerne le calcul des amendes infligées

218    Par leur huitième moyen, les requérantes soutiennent, d’une part, que l’évaluation de la gravité de l’infraction dans la décision attaquée, ainsi que la détermination des droits d’entrée, était disproportionnée. D’autre part, elles font valoir que, en appliquant une proportion de la valeur des ventes plus élevée aux entreprises européennes qu’aux entreprises japonaises, la Commission a enfreint le principe d’égalité de traitement.

219    Avant d’examiner les deux branches du présent moyen, il convient de rappeler que, en vertu de l’article 23, paragraphes 2 et 3, du règlement no 1/2003, la Commission peut, par voie de décision, infliger aux entreprises ayant commis, de propos délibéré ou par négligence, une infraction aux dispositions de l’article 101, paragraphe 1, TFUE des amendes dont le montant est déterminé en considération à la fois de la gravité de l’infraction et de sa durée.

220    Conformément aux paragraphes 19 à 22 des lignes directrices pour le calcul des amendes de 2006, l’un des deux facteurs sur lequel est fondé le montant de base de l’amende est la proportion de la valeur des ventes concernées déterminée en fonction du degré de gravité de l’infraction. L’appréciation de la gravité de l’infraction est faite au cas par cas pour chaque type d’infraction, en tenant compte de toutes les circonstances de l’espèce. Afin de décider du niveau de la proportion de la valeur des ventes à prendre en considération dans un cas donné, la Commission tient compte d’un certain nombre de facteurs tels que la nature de l’infraction, la part de marché cumulée de toutes les parties concernées, l’étendue géographique de l’infraction et la mise en œuvre de l’infraction.

221    La Commission dispose d’une marge d’appréciation dans la fixation du montant des amendes afin d’orienter le comportement des entreprises dans le sens du respect des règles de la concurrence (voir arrêts du 12 décembre 2012, Novácke chemické závody/Commission, T‑352/09, EU:T:2012:673, point 43 et jurisprudence citée, et du 14 mars 2013, Dole Food et Dole Germany/Commission, T‑588/08, EU:T:2013:130, point 662 et jurisprudence citée). Cependant, dans le contrôle du montant de l’amende, le juge ne saurait s’appuyer sur cette marge d’appréciation ni en ce qui concerne le choix des éléments pris en considération lors de l’application des critères mentionnés dans les lignes directrices pour le calcul des amendes de 2006 ni en ce qui concerne l’évaluation de ces éléments pour renoncer à exercer un contrôle approfondi du montant de l’amende tant de droit que de fait (arrêt du 8 décembre 2011, KME Germany e.a./Commission, C‑272/09 P, EU:C:2011:810, point 102). De même, chaque fois que la Commission décide d’imposer des amendes en vertu du droit de la concurrence, elle est tenue de respecter les principes généraux de droit, parmi lesquels figurent les principes d’égalité de traitement et de proportionnalité, tels qu’interprétés par les juridictions de l’Union (arrêt du 12 décembre 2012, Novácke chemické závody/Commission, T‑352/09, EU:T:2012:673, point 44).

222    En l’espèce, il y a lieu de rappeler que, dans la décision attaquée, en particulier dans ses considérants 997 à 1010, la Commission a estimé que, s’agissant du montant de base de l’amende et de la détermination de la gravité, l’infraction, par sa nature, constituait l’une des restrictions de la concurrence les plus graves, ce qui justifiait, selon elle, d’appliquer un pourcentage de 15 %. De même, elle a appliqué une majoration de 2 % audit pourcentage pour l’ensemble des destinataires en raison de la part de marché cumulée ainsi qu’en raison de la portée géographique quasi mondiale de l’entente, qui s’étendait notamment à l’ensemble du territoire de l’EEE. Par ailleurs, elle a considéré, notamment, que le comportement des entreprises européennes, y compris les requérantes, était plus préjudiciable à la concurrence que celui des autres entreprises, en ce que, outre leur participation à la « configuration A/R de l’entente », les entreprises européennes ont partagé entre elles les projets de câbles électriques dans le cadre de la « configuration européenne » de ladite entente. Pour cette raison, elle a fixé la proportion de la valeur des ventes à prendre en considération au titre de la gravité de l’infraction à un pourcentage de 19 % pour les entreprises européennes et à un pourcentage de 17 % pour les autres entreprises.

223    C’est à la lumière de ces considérations qu’il y a lieu d’examiner les deux branches invoquées par les requérantes.

–       Sur la première branche, tirée de la violation du principe de proportionnalité

224    Les requérantes reprochent à la Commission, en substance, de n’avoir pas tenu suffisamment compte du contexte de l’infraction à l’étape de la fixation de l’amende. En particulier, elles considèrent, d’abord, que le montant de base aurait dû faire l’objet d’un ajustement à la lumière notamment de la portée limitée de l’infraction, voire de l’absence d’effets réels de l’infraction dans l’EEE. Ensuite, elles soutiennent que l’infraction n’a pas affecté la majorité des ventes de câbles électriques visées par la communication des griefs et que l’accord anticoncurrentiel reproché n’a pas pu avoir d’effet sur les clients finaux, notamment sur les prix qui leur ont été facturés. En outre, elles estiment que la Commission aurait dû tenir compte de la suppression progressive de l’entente à partir de 2004. Enfin, elles font valoir que des circonstances de fait extérieures à l’entente, comme le coût des matières premières, ont affaibli ses effets.

225    La Commission conteste ces arguments.

226    En premier lieu, s’agissant de l’argument des requérantes, tiré de la portée limitée de l’infraction, il convient de relever que, pour autant qu’il repose sur l’absence de preuve de l’existence de l’accord sur le « territoire national », il doit être rejeté. En effet, ainsi qu’il ressort de la conclusion établie au point 184 ci-dessus, les requérantes n’ont pas réussi à mettre en cause la constatation de la Commission selon laquelle elles ont participé à un accord anticoncurrentiel qui prévoyait, en particulier, l’accord sur le « territoire national ». Dans ces circonstances, il convient de relever que l’entente n’avait pas une portée limitée dans le sens allégué par les requérantes.

227    De surcroît, il y a lieu de relever, à l’instar du considérant 1001 de la décision attaquée, qu’un pourcentage de 15 % était justifié en l’espèce en raison de la seule nature de l’infraction à laquelle les requérantes avaient participé, à savoir la répartition des marchés concernant les câbles électriques souterrains. En effet, une telle infraction compte parmi les restrictions de concurrence les plus graves au sens du paragraphe 23 des lignes directrices pour le calcul des amendes de 2006 et un pourcentage de 15 % correspond au pourcentage le plus faible de l’échelle des sanctions prévue pour de telles infractions en vertu de ces lignes directrices (voir, en ce sens, arrêt du 26 janvier 2017, Laufen Austria/Commission, C‑637/13 P, EU:C:2017:51, point 65 et jurisprudence citée).

228    En deuxième lieu, s’agissant de l’argument de l’absence d’incidence de l’entente sur le marché, il y a lieu de rappeler que, dès lors que l’infraction constatée dans la décision attaquée est une infraction par objet, conformément à une jurisprudence constante, la Commission n’avait pas à démontrer ses effets (voir arrêt du 13 décembre 2012, Expedia, C‑226/11, EU:C:2012:795, point 35 et jurisprudence citée). En outre, comme il a été déjà rappelé au point 178 ci-dessus, il ressort de la jurisprudence que la mise en œuvre, fût-elle partielle, d’un accord dont l’objet est anticoncurrentiel suffit à écarter la possibilité de conclure à une absence d’impact dudit accord sur le marché (arrêt du 25 octobre 2005, Groupe Danone/Commission, T‑38/02, EU:T:2005:367, point 148).

229    Dans la réplique, les requérantes soutiennent, néanmoins, en substance, qu’un accord anticoncurrentiel qui n’a pas été pleinement mis en œuvre et qui n’a, en tout état de cause, aucune incidence sur les prix payés par les clients doit être considéré comme moins grave qu’un accord qui est pleinement mis en œuvre et qui cause un préjudice aux clients en faisant augmenter les prix.

230    À cet égard, force est de constater que la plupart des arguments des requérantes se rapportent au critère de l’impact concret sur le marché, en particulier sur les prix payés par les clients finals, qui, lorsqu’il était mesurable, pouvait être pris en compte par la Commission dans la fixation de l’amende, selon le point 1. A des lignes directrices pour le calcul des amendes infligées en application de l’article 15, paragraphe 2, du règlement no 17 et de l’article 65, paragraphe 5, [CA] (JO 1998, C 9, p. 3). Or, selon le libellé même du paragraphe 22 des lignes directrices pour le calcul des amendes de 2006, applicables aux faits de l’espèce, la Commission ne doit pas nécessairement tenir compte de l’impact concret sur le marché, ou de son absence, comme un facteur aggravant ou atténuant lors de l’appréciation de la gravité de l’infraction aux fins du calcul de l’amende. Il suffit que, comme en l’occurrence, ainsi qu’il ressort du point 222 ci-dessus, le niveau de la proportion de la valeur des ventes à prendre en considération fixé par la Commission soit justifié par d’autres éléments susceptibles d’influer sur la détermination de la gravité en vertu de cette dernière disposition, tels que la nature même de l’infraction, la part de marché cumulée de toutes les parties concernées et son étendu géographique. Partant, pour autant que, par leurs arguments, les requérantes tendent à démontrer que, pour des raisons indépendantes de la volonté des membres de l’entente, celle-ci n’a pas pu déployer ses effets ou apporter les résultats escomptés, ces arguments doivent être rejetés comme inopérants.

231    Pour autant que l’argumentation des requérantes doive être regardée en ce sens qu’elles estiment que la Commission n’a pas démontré la mise en œuvre de l’infraction, celle-ci ne saurait davantage prospérer.

232    En effet, le constat de la Commission, effectué au considérant 1009 de la décision attaquée, selon lequel l’entente a globalement été mise en œuvre et l’adhésion des parties à celle-ci était contrôlée par l’échange de feuilles de position et l’obligation de faire rapport, n’est entaché d’aucune erreur, ainsi qu’il a été indiqué au point 178 ci-dessus. De plus, il résulte de l’ensemble des observations visant à démontrer l’existence de l’infraction, exposées notamment dans les points 3.3 et 3.4 de la décision attaquée, et non contestées de manière circonstanciée par les requérantes dans le cadre de la présente branche, que, après une période initiale d’élaboration des règles d’un nouvel accord sur le partage des territoires entre les entreprises fabricant des câbles électriques sous-marins et souterrains, ces entreprises ont globalement, et pendant la majeure partie de la période concernée, suivi les consignes découlant dudit accord relatives au retrait réciproque des « territoires nationaux », au partage des « territoires d’exportation » et à l’attribution des projets dans le cadre de la « configuration européenne de l’entente ».

233    En troisième lieu, les requérantes font valoir, en substance, que la Commission aurait dû tenir compte du relâchement significatif de l’entente à partir de 2004 lors de la détermination du degré de gravité. À cet égard, il suffit de relever le caractère unique et continu de l’infraction constatée par la Commission, non contesté de manière spécifique par les requérantes, et le fait que les preuves recueillies par la Commission ne mentionnent pas de rupture de l’entente pendant la période allant jusqu’en 2009.

234    En quatrième lieu, les requérantes font observer qu’il ressort des considérants 998 à 1010 de la décision attaquée que la Commission a augmenté la proportion de la valeur des ventes de 2 % pour toutes les entreprises, d’une part, en raison de la dimension de la part des marchés cumulée de toutes les entreprises et, d’autre part, en raison de la portée géographique de l’infraction. Elles font valoir que ladite augmentation, en ce qu’elle se fonde sur la dimension de la part des marchés cumulée, n’est pas fondée, étant donné qu’un certain nombre de participants ont changé au cours de l’infraction et que, notamment, certaines entreprises se sont jointes à l’infraction bien après le 18 février 1999 et ont cessé leur participation avant la date finale du 28 janvier 2009.

235    À cet égard, il convient de relever que, si, comme le soutiennent les requérantes, toutes les entreprises impliquées dans l’entente n’ont pas participé à celle-ci pendant toute la période concernée, il n’en reste pas moins que, d’une part, pendant la majeure partie de son existence, l’entente regroupait les principaux producteurs européens et japonais de câbles électriques sous-marins et souterrains à haute et très haute tension. En outre, pendant une période considérable, allant de la fin de l’année 2001 à l’année 2006, l’entente a été renforcée par la participation des fournisseurs européens de moindre taille tels que Brugg Kabel, nkt cables, Safran et Silec Cable et, pour la période allant de la fin de l’année 2002 à la moitié de l’année 2005, par la participation des fournisseurs sud-coréens. D’autre part, comme le relève la Commission, sans être contredite par les requérantes, le nombre des acteurs du marché concerné qui ne sont pas les destinataires de la décision attaquée est très limité. Dans ces circonstances, il y a lieu de considérer, à l’issue d’un contrôle approfondi, que la Commission a pu constater, sans commettre d’erreur, que les destinataires de la décision constituaient presque l’intégralité des producteurs de câbles électriques sous-marins et souterrains à haute et très haute tension. Elle a pu également considérer à juste titre que cet élément tout comme celui de l’étendue géographique quasi mondiale de l’entente, non contestée par les requérantes, aggravaient l’infraction et augmentaient, par conséquent, la proportion de la valeur des ventes de 2 %, afin de tenir compte de ces deux éléments.

236    En cinquième lieu, les requérantes soutiennent que la Commission aurait dû exclure le coût des matières premières dans la détermination de la gravité. En substance, elles font observer que, pour trouver une meilleure référence de l’avantage économique obtenu par chaque participant à l’infraction et, partant, le poids relatif de chaque entreprise dans l’entente, les lignes directrices pour le calcul des amendes de 2006 ont introduit la notion de « valeur des ventes » afférente aux comportements litigieux. Or, elles considèrent que, dans ces circonstances, il est nécessaire de s’assurer que la valeur prise en considération reflète fidèlement les avantages retirés par les participants à l’entente, notamment en termes de bénéfices.

237    À cet égard, il suffit de relever que, ainsi que la Commission l’a indiqué au considérant 976 de la décision attaquée, le Tribunal a déjà écarté un argument similaire avancé dans le cadre de l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 14 mai 2014, Reagens/Commission (T‑30/10, non publié, EU:T:2014:253, point 233). En effet, il ressort dudit arrêt, ainsi que de la jurisprudence citée, qu’aucune raison valable n’imposait de calculer le chiffre d’affaires d’un marché déterminé en excluant certains coûts de production, tous les secteurs industriels supportant des coûts inhérents au produit final qui échappent au contrôle du fabricant, mais qui constituent néanmoins un élément essentiel de son activité globale, et qui dès lors ne sauraient être exclus de son chiffre d’affaires au moment de fixer le montant de base de l’amende.

238    Par ailleurs, il y a lieu de relever que, ainsi que la Cour l’a établi dans l’arrêt du 8 décembre 2011, KME Germany e.a./Commission (C‑272/09 P, EU:C:2011:810, point 53), ne pas prendre en considération le chiffre d’affaires brut dans certains cas, mais le prendre en considération dans d’autres cas, imposerait de déterminer un seuil, sous forme d’un rapport entre le chiffre d’affaires net et le chiffre d’affaires brut, qui serait difficile à appliquer et ouvrirait la porte à des litiges sans fin et insolubles, y compris à des allégations de discrimination. Aucun des arguments exposés par les requérantes à l’encontre d’une telle considération, dont le fait que les lignes directrices pour le calcul des amendes de 2006 prennent en compte la « valeur des ventes » des entreprises concernées et non le « chiffre d’affaires », comme le font les lignes directrices pour le calcul des amendes de 1998, ne saurait justifier l’adoption d’un critère jurisprudentiel différent en l’espèce.

239    Au vu de ce qui précède, il y a lieu de conclure que la Commission n’a pas violé le principe de proportionnalité lors de la détermination du montant de base de l’amende dans le sens allégué par les requérantes.

240    La première branche du présent moyen doit dès lors être rejetée.

–       Sur la seconde branche, tirée de la violation du principe d’égalité de traitement

241    Les requérantes font valoir que la différenciation opérée par la Commission entre les entreprises européennes et les entreprises japonaises en ce qui concerne la proportion de la valeur des ventes retenue afin de tenir compte de la gravité de l’infraction est contraire au principe d’égalité de traitement.

242    Les requérantes rappellent que la proportion de la valeur des ventes appliquée par la Commission aux entreprises européennes était de 2 % plus élevée que celle appliquée aux autres entreprises. Pour motiver cette différenciation, la Commission aurait relevé, au considérant 999 de la décision attaquée, que, outre les mécanismes d’attribution de la « configuration A/R de l’entente », « certains projets concernant l’EEE [avaient] fait l’objet d’une répartition supplémentaire entre les producteurs européens par la configuration européenne de [ladite] entente ». Or, elles soulignent que, selon la Commission, « ces autres agissements, qui [étaient] le fait des seuls producteurs européens, [avaient] intensifié l’atteinte à la concurrence déjà causée par l’accord de répartition des marchés entre les producteurs européens, japonais et [sud-]coréens et, partant, le degré de gravité de l’infraction » et que « [l]a distorsion supplémentaire causée par la configuration européenne de l’entente [justifiait] une augmentation du degré de gravité de 2 % pour les entreprises qui [avaie]nt pris part à cet aspect de l’entente ».

243    Les requérantes contestent cette différenciation, d’une part, en soutenant que la « configuration européenne de l’entente » n’a pas été mise en œuvre exclusivement par les entreprises européennes. Il ressortirait, en effet, de la décision attaquée que les entreprises japonaises et sud-coréennes ont participé à l’entente au même niveau que les entreprises européennes. D’autre part, elles estiment que la Commission n’a pas démontré comment ladite configuration avait « intensifié l’atteinte à la concurrence déjà causée », ni quelle était la « distorsion supplémentaire » provoquée par cette configuration.

244    La Commission conteste ces arguments.

245    Il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, à chaque fois que la Commission décide d’imposer des amendes en vertu du droit de la concurrence, elle est tenue de respecter les principes généraux du droit de l’Union, parmi lesquels figure le principe d’égalité de traitement, tel qu’il est interprété par les juridictions de l’Union. Ce principe exige que des situations comparables ne soient pas traitées de manière différente et que des situations différentes ne soient pas traitées de manière égale, à moins qu’un tel traitement ne soit objectivement justifié (voir arrêts du 27 juin 2012, Bolloré/Commission, T‑372/10, EU:T:2012:325, point 85 et jurisprudence citée, et du 19 janvier 2016, Mitsubishi Electric/Commission, T‑409/12, EU:T:2016:17, point 108 et jurisprudence citée).

246    En ce qui concerne l’appréciation de la gravité du comportement des entreprises européennes par rapport au comportement des entreprises asiatiques, en particulier, les entreprises japonaises, il convient de rappeler que la Commission a qualifié l’infraction visée par la décision attaquée d’infraction unique et continue composée de deux configurations, à savoir la « configuration A/R de l’entente » et la « configuration européenne » de ladite entente. La première de ces configurations comportait, d’une part, un accord sur le « territoire national » en vertu duquel les entreprises japonaises et sud-coréennes s’engagaient à quitter le « territoire national » européen, réservé aux « membres R » de l’entente, en échange d’un engagement réciproque de ces derniers de quitter le « territoire national » japonais et sud-coréen et, d’autre part, un partage des projets localisés dans la majeure partie du reste du monde, appelée « territoires d’exportation ». La seconde de ces configurations, ainsi qu’il ressort du point 12 ci-dessus, visait à partager entre les entreprises européennes les projets localisés dans le « territoire national » européen et les projets attribués du côté européen dans les « territoires d’exportation ».

247    Les raisons pour lesquelles la Commission a estimé que les deux configurations de l’entente faisaient partie d’une seule infraction sont exposées aux considérants 527 à 619 de la décision attaquée. Dans ce cadre, en ce qui concerne la condition de l’existence d’un même but unique reliant lesdites configurations, au considérant 534 de ladite décision, la Commission a constaté ce qui suit :

« La configuration européenne de l’entente (ainsi que l’attribution entre les entreprises asiatiques) était subordonnée à l’accord global et lui donnait effet. En effet, lors de ces réunions européennes R, le coordinateur européen relayait les discussions qui avaient lieu lors des réunions A/R […] Pour ce faire, les parties organisaient souvent des réunions R peu après les réunions A/R […] De plus, lors des réunions R, les parties exprimaient leur intérêt pour des projets dans les territoires d’exportation, projets qui devaient être discutés lors des réunions A/R. De même, les parties participant aux réunions A/R étaient informées des principales discussions dans [ladite configuration]. Ainsi, [cette dernière] faisait partie intégrante du plan global. »

248    La Commission a tenu la plupart des entreprises japonaises et sud-coréennes pour responsables de la participation à l’intégralité de l’entente, y compris à sa « configuration européenne ». En particulier, elle a reconnu, pour la totalité de ladite entente, la responsabilité des entreprises japonaises regroupées dans le noyau dur de l’entente, c’est-à-dire Sumitomo Electric Industries, Hitachi Cable et leur entreprise commune J‑Power Systems ainsi que Furukawa Electric, Fujikura et leur entreprise commune Viscas.

249    Cependant, au considérant 537 de la décision attaquée, la Commission a nuancé le niveau de participation à l’entente des différentes entreprises. Elle a considéré, en effet, ce qui suit :

« Le noyau dur des participants à l’entente (Nexans, Pirelli/Prysmian, Furukawa [Electric], Fujikura et Viscas, [Sumitomo Electric Industries], [Hitachi Cable] et [J‑Power Systems]) était le même pour les câbles [électriques souterrains et sous-marins] et appliquait à la fois le principe [du] territoire national et l’accord sur l’attribution des projets dans les territoires d’exportation. Tandis que pour des raisons objectives les entreprises japonaises et [sud-coréennes] n’étaient pas impliquées dans la configuration européenne de l’entente, Nexans et Pirelli/Prysmian étaient actives dans les deux. »

250    C’est en partant de ce constat que la Commission a conclu, au considérant 999 de la décision attaquée, visé par les arguments des requérantes, que l’infraction commise par les entreprises européennes devait être considérée comme plus grave que celle commise par les entreprises japonaises et que donc, en raison de leur implication dans la « configuration européenne de l’entente », la proportion de la valeur des ventes des entreprises européennes retenue pour le calcul du montant de base de l’amende devait être augmentée de 2 %.

251    À cet égard, il y a lieu de considérer que le fait que, comme le prétendent les requérantes, la participation des entreprises japonaises a été semblable à celle des entreprises européennes en ce qui concerne la participation dans la « configuration européenne de l’entente », même à le supposer avéré, n’est pas de nature à mettre en cause la conclusion de la Commission selon laquelle la répartition des projets au sein de l’EEE constituait un élément supplémentaire qui méritait d’être sanctionné par un pourcentage additionnel au titre de la gravité de l’infraction.

252    En effet, d’une part, il convient de relever que, outre la « configuration A/R de l’entente », au sein de laquelle les entreprises européennes et asiatiques se sont accordées notamment pour ne pas pénétrer dans leurs « territoires nationaux » respectifs, les producteurs européens, y compris les requérantes, se sont répartis les différents projets de câbles électriques attribués aux « membres R » de l’entente. En particulier, ainsi qu’il ressort du considérant 73 de la décision attaquée, une telle répartition a concerné tant l’attribution des projets dans les « territoires d’exportation », opérée dans le cadre de ladite configuration, que l’attribution des projets revenant auxdits membres conformément à l’accord sur le « territoire national », c’est-à-dire les projets situés sur le « territoire national » européen. D’autre part, il convient de relever que, même si la répartition des projets au sein de cette configuration et la répartition des projets au sein de la « configuration européenne de l’entente » étaient étroitement liées, comme la Commission l’explique au considérant 534 de ladite décision, cette dernière configuration a impliqué un engagement supplémentaire de répartition des projets qui allait au-delà des règles d’attribution existantes dans la « configuration A/R de l’entente ».

253    En outre, contrairement à ce que soutiennent les requérantes, il ne fait aucun doute que le partage des projets de câbles électriques souterrains et sous-marins à haute tension au sein de la « configuration européenne de l’entente » a renforcé l’atteinte à la concurrence causée dans l’EEE par la « configuration A/R de ladite entente ».

254    Il était dès lors justifié, comme la Commission le soutient, que l’appréciation de la gravité du comportement des producteurs participant à la « configuration européenne de l’entente », en particulier les producteurs européens, reflète le préjudice supplémentaire causé à la concurrence au sein de l’EEE.

255    Il s’ensuit que l’argument des requérantes selon lequel, en substance, la Commission a commis une erreur d’appréciation en considérant que les entreprises japonaises n’avaient pas participé au même niveau que les entreprises européennes à la « configuration européenne de l’entente » est sans conséquence quant à l’existence d’une violation du principe d’égalité de traitement à l’égard des requérantes.

256    En effet, un tel argument, à le supposer fondé, serait de nature à justifier l’augmentation du pourcentage de la valeur des ventes retenu pour calculer l’amende infligée aux entreprises japonaises.

257    En revanche, cette circonstance est dépourvue de pertinence quant au pourcentage de la valeur des ventes retenu à l’égard des requérantes pour tenir compte de la gravité de leur comportement, dès lors que le principe d’égalité de traitement ne saurait fonder aucun droit à l’application non discriminatoire d’un traitement illégal (arrêt du 11 septembre 2002, Pfizer Animal Health/Conseil, T‑13/99, EU:T:2002:209, point 479).

258    Il résulte de ce qui précède qu’il y a lieu de rejeter la seconde branche du présent moyen, ainsi que le huitième moyen dans son ensemble.

 Sur le neuvième moyen, tiré de la prétendue erreur faisant apparaître M. R. sur la liste des personnes concernées par la décision attaquée

259    Les requérantes relèvent que, à l’annexe II de la décision attaquée, intitulée « Noms et parcours professionnels de personnes concernées par la présente décision », la Commission a inclus, à tort, le nom de M. R., membre du conseil d’administration de Prysmian et directeur de la stratégie au sein du groupe Prysmian. En particulier, elles soutiennent que toute mention de M. R. en tant qu’individu ayant un quelconque rapport avec l’infraction est fausse et dénuée de fondement et doit, par conséquent, être retirée des annexes de ladite décision.

260    La Commission conteste ces arguments.

261    À cet égard, il suffit de constater, d’une part, que, au considérant 759 de la décision attaquée, la Commission a indiqué que M. R. était l’un des membres du conseil d’administration de Prysmian, par nomination de Goldman Sachs. D’autre part, aux annexes I et II de la décision attaquée, le nom de M. R. apparaît mentionné en tant que personne concernée par ladite décision.

262    Or, contrairement à ce que font valoir les requérantes, il ne ressort d’aucun des considérants de la décision attaquée ni des annexes de ladite décision que la Commission attribue à M. R. à titre personnel la participation à l’entente en cause. En effet, la Commission n’a pas considéré dans cette décision que M. R. avait été personnellement impliqué dans ladite entente, mais l’a mentionné uniquement en sa qualité d’employé de l’une des requérantes. Dans ces circonstances, il y a lieu de considérer que la Commission n’a pas commis d’erreur en incluant, notamment dans l’annexe II de la même décision, le nom de M. R.

263    Par ailleurs, il y a lieu de rappeler que, selon la jurisprudence, les enquêtes et les décisions de la Commission n’ont en principe pas pour objectif d’établir que certaines personnes physiques ont participé à une entente, mais d’établir que des entreprises l’ont fait, en violation de l’article 101, paragraphe 1, TFUE. Dans la décision attaquée, la Commission a établi que ce sont les requérantes, notamment, qui ont enfreint ladite disposition en participant à un accord unique et continu et à des pratiques concertées dans le secteur des câbles électriques. M. R. n’est pas visé par l’article 1er de la décision attaquée comme un des participants à l’entente (voir, par analogie, arrêt du 2 février 2012, EI du Pont de Nemours e.a./Commission, T‑76/08, non publié, EU:T:2012:46, point 159).

264    Il s’ensuit que le présent moyen, dans la mesure où il vise à contester le bien-fondé de la conclusion de la Commission relative à la participation de M. R. à l’entente, doit être rejeté.

265    Le neuvième moyen doit dès lors être rejeté.

266    Au vu de ce qui précède, il y a lieu de conclure que les requérantes n’ont pas réussi à démontrer l’existence d’irrégularités commises par la Commission justifiant l’annulation de la décision attaquée en ce qui les concerne.

267    Les conclusions en annulation formulées par les requérantes doivent dès lors être rejetées.

 Sur les conclusions visant la réduction du montant des amendes infligées aux requérantes

268    Les requérantes invitent le Tribunal à réduire le montant des amendes qui leur ont été infligées afin de tenir compte des erreurs commises par la Commission lors du calcul desdits montants. De même, elles invitent le Tribunal à « modifier l’amende en équité » en raison de la durée excessive de la procédure administrative.

269    Avant d’examiner les différentes demandes des requérantes visant à obtenir une réduction du montant des amendes qui leur ont été infligées, il convient de rappeler que le contrôle de légalité est complété par la compétence de pleine juridiction qui est reconnue au juge de l’Union par l’article 31 du règlement no 1/2003, conformément à l’article 261 TFUE. Cette compétence habilite le juge, au-delà du simple contrôle de légalité de la sanction, à substituer son appréciation à celle de la Commission et, en conséquence, à supprimer, à réduire ou à majorer l’amende ou l’astreinte infligée. Il importe cependant de souligner que l’exercice de la compétence de pleine juridiction n’équivaut pas à un contrôle d’office et de rappeler que la procédure devant les juridictions de l’Union est contradictoire. À l’exception des moyens d’ordre public que le juge est tenu de soulever d’office, telle l’absence de motivation de la décision attaquée, c’est à la partie requérante qu’il appartient de soulever les moyens à l’encontre de cette dernière et d’apporter des éléments de preuve à l’appui de ces moyens (arrêt du 8 décembre 2011, KME Germany e.a./Commission, C‑389/10 P, EU:C:2011:816, points 130 et 131).

 Sur la demande de réduction du montant des amendes infligées en raison des erreurs commises par la Commission lors du calcul dudit montant

270    S’agissant, en premier lieu, de la demande des requérantes à réduire le montant des amendes qui leur ont été infligées afin de tenir compte des erreurs commises par la Commission lors du calcul dudit montant, il convient de relever, d’une part, que les moyens soulevés par les requérantes à l’appui des conclusions en annulation ont été rejetés et, d’autre part, qu’il n’y a pas d’éléments qui, en l’espèce, seraient de nature à justifier une réduction de ces montants. Il s’ensuit que la présente demande doit être rejetée.

 Sur la demande de réduction du montant des amendes infligées en raison de la durée excessive de la procédure administrative

271    S’agissant, en second lieu, de l’invitation des requérantes à réduire, en équité, le montant des amendes qui leur ont été infligées en raison de la durée excessive de la procédure administrative, il suffit de rappeler que, si la violation du principe du délai raisonnable par la Commission est susceptible de justifier l’annulation d’une décision prise par celle-ci à l’issue d’une procédure administrative fondée sur les articles 101 et 102 TFUE, dès lors qu’elle emporte également une violation des droits de la défense de l’entreprise concernée, une telle violation dudit principe, à la supposer établie, n’est pas susceptible de conduire à une réduction du montant de l’amende infligée (voir arrêt du 26 janvier 2017, Villeroy et Boch/Commission, C‑644/13 P, EU:C:2017:59, point 79 et jurisprudence citée).

272    En tout état de cause, ainsi qu’il ressort du point 93 ci-dessus, une durée excessive de la procédure administrative n’a pas pu être constatée en l’espèce. Il s’ensuit que la présente demande ne saurait prospérer et, partant, il convient de rejeter les conclusions visant la réduction du montant des amendes infligées aux requérantes dans leur ensemble.

 Sur les dépens

273    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

274    Les requérantes ayant succombé en l’ensemble de leurs conclusions et de leurs moyens et la Commission ayant conclu en ce sens, il y a lieu de les condamner à supporter l’ensemble des dépens.

275    Selon l’article 138, paragraphe 3, du règlement de procédure, le Tribunal peut décider qu’un intervenant autre que ceux mentionnés aux paragraphes 1 et 2 dudit article supportera ses propres dépens. Dans les circonstances du présent litige, il y a lieu de déclarer que Goldman Sachs et Pirelli supporteront leurs propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (huitième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Prysmian SpA et Prysmian Cavi e Sistemi Srl supporteront leurs propres dépens ainsi que ceux de la Commission européenne.

3)      The Goldman Sachs Group, Inc. et Pirelli & C. SpA supporteront leurs propres dépens.

Collins

Kancheva

Barents

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 12 juillet 2018.

Signatures


Table des matières


Antécédents du litige

Requérantes et secteur concerné

Procédure administrative

Décision attaquée

Infraction en cause

Responsabilité des requérantes

Amendes infligées

Procédure et conclusions des parties

En droit

Sur les conclusions en annulation

Sur le premier moyen, tiré du caractère illégal des inspections de la Commission

– Sur le déroulement de l’inspection

– Sur la prétendue absence de base juridique

– Sur la prétendue violation de la décision d’inspection

– Sur l’impossibilité de présenter une demande d’immunité

Sur le deuxième moyen, tiré de la violation du principe du délai raisonnable

Sur le troisième moyen, tiré de la violation du principe de bonne administration

Sur le quatrième moyen, tiré de l’imputation à tort à PrysmianCS d’une responsabilité pour la période antérieure au 27 novembre 2001

– Sur la première branche, tirée de la violation du principe de responsabilité personnelle

– Sur la seconde branche, tirée de la violation du principe d’égalité de traitement et de l’obligation de motivation

Sur le cinquième moyen, tiré de la violation de l’article 23, paragraphe 2, du règlement n o 1/2003 dans la mesure où la Commission n’a pas déterminé les quotes-parts des codébiteurs solidaires dans le cadre de leur relation interne

Sur le sixième moyen, tiré de l’insuffisance de preuves de l’existence d’une violation de l’article 101 TFUE

Sur le septième moyen, tiré de la détermination erronée de la durée de l’infraction

Sur le huitième moyen, tiré de la violation de l’article 23, paragraphe 2, du règlement no 1/2003, des lignes directrices pour le calcul des amendes de 2006 et des principes d’égalité de traitement et de proportionnalité en ce qui concerne le calcul des amendes infligées

– Sur la première branche, tirée de la violation du principe de proportionnalité

– Sur la seconde branche, tirée de la violation du principe d’égalité de traitement

Sur le neuvième moyen, tiré de la prétendue erreur faisant apparaître M. R. sur la liste des personnes concernées par la décision attaquée

Sur les conclusions visant la réduction du montant des amendes infligées aux requérantes

Sur la demande de réduction du montant des amendes infligées en raison des erreurs commises par la Commission lors du calcul dudit montant

Sur la demande de réduction du montant des amendes infligées en raison de la durée excessive de la procédure administrative

Sur les dépens


*      Langue de procédure : l’anglais.