Language of document : ECLI:EU:C:2018:811

ARRÊT DE LA COUR (cinquième chambre)

4 octobre 2018 (*)

« Manquement d’État – Articles 49 et 63 TFUE ainsi que article 267, troisième alinéa, TFUE – Imposition en chaîne – Différence de traitement en fonction de l’État membre de résidence de la sous-filiale – Restitution du précompte mobilier indûment prélevé – Exigences relatives aux preuves justifiant une telle restitution – Plafonnement du droit à restitution – Discrimination – Juridiction nationale statuant en dernier ressort – Obligation de renvoi préjudiciel »

Dans l’affaire C‑416/17,

ayant pour objet un recours en manquement au titre de l’article 258 TFUE, introduit le 10 juillet 2017,

Commission européenne, représentée par MM. J.-F. Brakeland et W. Roels, en qualité d’agents,

partie requérante,

contre

République française, représentée par Mmes E. de Moustier et A. Alidière ainsi que par M. D. Colas, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

LA COUR (cinquième chambre),

composée de M. J. L. da Cruz Vilaça, président de chambre, M. K. Lenaerts, président de la Cour, faisant fonction de juge de la cinquième chambre, M. E. Levits (rapporteur), Mme M. Berger et M. F. Biltgen, juges,

avocat général : M. M. Wathelet,

greffier : M. M.-A. Gaudissart, greffier adjoint,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 20 juin 2018,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 25 juillet 2018,

rend le présent

Arrêt

1        Par sa requête, la Commission européenne demande à la Cour de constater que, en maintenant un traitement discriminatoire et disproportionné vis-à-vis des sociétés mères françaises recevant des dividendes de filiales étrangères en ce qui concerne le droit à remboursement de l’impôt perçu en violation du droit de l’Union, tel qu’interprété par la Cour dans son arrêt du 15 septembre 2011, Accor (C‑310/09, EU:C:2011:581), la République française a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 49, de l’article 63 et de l’article 267, troisième alinéa, TFUE, ainsi que des principes d’équivalence et d’effectivité.

 Le droit national

2        Dans sa rédaction en vigueur pendant les années d’imposition en cause dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 15 septembre 2011, Accor (C‑310/09, EU:C:2011:581), l’article 146, paragraphe 2, du code général des impôts (ci-après le « CGI ») précisait :

« Lorsque les distributions auxquelles procède une société mère donnent lieu à l’application du précompte prévu à l’article 223 sexies, ce précompte est diminué, le cas échéant, du montant des crédits d’impôts qui sont attachés aux produits des participations [...], encaissés au cours des exercices clos depuis cinq ans au plus. »

3        Aux termes de l’article 158 bis, I, du CGI, dans sa rédaction en vigueur pendant les années d’imposition en cause dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 15 septembre 2011, Accor (C‑310/09, EU:C:2011:581) :

« Les personnes qui perçoivent des dividendes distribués par des sociétés françaises disposent à ce titre d’un revenu constitué :

a)      par les sommes qu’elles reçoivent de la société ;

b)      par un avoir fiscal représenté par un crédit ouvert sur le Trésor.

Ce crédit d’impôt est égal à la moitié des sommes effectivement versées par la société.

Il ne peut être utilisé que dans la mesure où le revenu est compris dans la base de l’impôt sur le revenu dû par le bénéficiaire.

Il est reçu en paiement de cet impôt.

Il est restitué aux personnes physiques dans la mesure où son montant excède celui de l’impôt dont elles sont redevables. »

4        L’article 223 sexies, paragraphe 1, premier alinéa, du CGI indiquait, dans sa version applicable aux distributions mises en paiement à compter du 1er janvier 1999 :

« [...] [L]orsque les produits distribués par une société sont prélevés sur des sommes à raison desquelles elle n’a pas été soumise à l’impôt sur les sociétés au taux normal [...], cette société est tenue d’acquitter un précompte égal au crédit d’impôt calculé dans les conditions prévues au I de l’article 158 bis. [...] Le précompte est dû au titre des distributions ouvrant droit au crédit d’impôt prévu à l’article 158 bis quels qu’en soient les bénéficiaires. »

 Les antécédents du litige

 L’arrêt du 15 septembre 2011, Accor (C310/09, EU:C:2011:581)

5        Au cours de l’année 2001, Accor, société de droit français, a sollicité de l’administration fiscale française le remboursement du précompte mobilier acquitté à l’occasion de la redistribution de dividendes reçus de ses filiales établies dans d’autres États membres. Cette demande de remboursement était liée au fait que, en ce qui concerne seulement les dividendes provenant de filiales résidentes, lors de la redistribution de ceux-ci, une société mère pouvait bénéficier de l’imputation sur le précompte mobilier dont elle était redevable de l’avoir fiscal attaché à la distribution de ces dividendes. À la suite du refus opposé à cette demande par cette administration, Accor a formé un recours devant les juridictions administratives françaises.

6        Saisie d’un renvoi préjudiciel par le Conseil d’État, la Cour, dans son arrêt du 15 septembre 2011, Accor (C‑310/09, EU:C:2011:581), a indiqué, tout d’abord, au point 49, que, contrairement aux dividendes provenant de filiales résidentes, la législation française ne permettait pas de prévenir l’imposition intervenue au niveau de la filiale distributrice non-résidente, alors que les dividendes perçus tant des filiales résidentes que des filiales non-résidentes étaient, lors de leur redistribution, soumis à précompte.

7        La Cour en a conclu, au point 69 de cet arrêt, qu’une telle différence de traitement entre les dividendes distribués par une filiale résidente et ceux distribués par une filiale non-résidente était contraire aux articles 49 et 63 TFUE.

8        Ensuite, au point 92 dudit arrêt, la Cour a jugé qu’un État membre devait pouvoir être en mesure de déterminer le montant de l’impôt sur les sociétés acquitté dans l’État membre d’établissement de la société distributrice et devant faire l’objet de l’avoir fiscal accordé à la société mère bénéficiaire, et que, partant, il n’était pas suffisant d’apporter la preuve que la société distributrice avait été imposée, dans son État membre d’établissement, sur les bénéfices sous-jacents aux dividendes distribués, sans fournir les informations relatives à la nature et au taux de l’impôt ayant effectivement frappé lesdits bénéfices.

9        La Cour a ajouté, aux points 99 et 101 de ce même arrêt, que les justificatifs requis doivent permettre aux autorités fiscales de l’État membre d’imposition de vérifier, de façon claire et précise, si les conditions d’obtention d’un avantage fiscal sont réunies, et que la demande de production de ces éléments doit intervenir pendant la période de conservation légale des documents administratifs et comptables, telle que prévue par le droit de l’État membre d’établissement de la filiale, sans qu’il puisse être demandé de fournir des documents qui couvrent une période excédant de manière conséquente cette période.

10      La Cour a ainsi dit pour droit :

« 1)      Les articles 49 TFUE et 63 TFUE s’opposent à une législation d’un État membre ayant pour objet d’éliminer la double imposition économique des dividendes telle que celle en cause au principal, qui permet à une société mère d’imputer sur le précompte, dont elle est redevable lors de la redistribution à ses actionnaires des dividendes versés par ses filiales, l’avoir fiscal attaché à la distribution de ces dividendes s’ils proviennent d’une filiale établie dans cet État membre, mais n’offre pas cette faculté si ces dividendes proviennent d’une filiale établie dans un autre État membre, dès lors que cette législation n’ouvre pas droit, dans cette dernière hypothèse, à l’octroi d’un avoir fiscal attaché à la distribution de ces dividendes par cette filiale.

[...]

3)      Les principes d’équivalence et d’effectivité ne font pas obstacle à ce que la restitution à une société mère des sommes de nature à garantir l’application d’un même régime fiscal aux dividendes distribués par les filiales de celle-ci établies en France et à ceux distribués par les filiales de cette société établies dans d’autres États membres, donnant lieu à redistribution par ladite société mère, soit subordonnée à la condition que le redevable apporte les éléments qu’il est le seul à détenir et relatifs, pour chaque dividende en litige, notamment au taux d’imposition effectivement appliqué et au montant de l’impôt effectivement acquitté à raison des bénéfices réalisés par les filiales installées dans les autres États membres, alors même que, à l’égard des filiales installées en France, ces mêmes éléments, connus de l’administration, ne sont pas exigés. La production de ces éléments ne peut cependant être requise que sous réserve qu’il ne s’avère pas pratiquement impossible ou excessivement difficile d’apporter la preuve du paiement de l’impôt par les filiales établies dans les autres États membres, eu égard notamment aux dispositions de la législation desdits États membres se rapportant à la prévention de la double imposition et à l’enregistrement de l’impôt sur les sociétés devant être acquitté ainsi qu’à la conservation des documents administratifs. Il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier si ces conditions sont satisfaites dans l’affaire au principal. »

 Les arrêts du Conseil d’État

11      À la suite du prononcé de l’arrêt du 15 septembre 2011, Accor (C‑310/09, EU:C:2011:581), le Conseil d’État a, dans ses arrêts du 10 décembre 2012, Rhodia (FR:CESSR:2012:317074.20121210), et du 10 décembre 2012, Accor (FR:CESSR:2012:317075.20121210) (ci-après les « arrêts du Conseil d’État »), fixé les conditions auxquelles est subordonnée la restitution des précomptes mobiliers perçus en violation du droit de l’Union.

12      Ainsi, s’agissant, en premier lieu, de l’étendue du remboursement des précomptes mobiliers, le Conseil d’État a jugé que :

–        dans le cas où le dividende redistribué à une société mère française par l’une de ses filiales établie dans un autre État membre n’a pas été imposé au niveau de cette dernière société, l’impôt acquitté par la sous-filiale ayant réalisé les bénéfices sous-jacents aux dividendes distribués n’a pas à être pris en compte pour la détermination du précompte à restituer à la société mère (arrêts du Conseil d’État du 10 décembre 2012, Rhodia, FR:CESSR:2012:317074.20121210, point 29, et du 10 décembre 2012, Accor, FR:CESSR:2012:317075.20121210, point 24) ;

–        lorsqu’une société distributrice a supporté dans l’État membre un impôt effectif à un taux supérieur au taux normal de l’impôt français, soit 33,33 %, le montant du crédit d’impôt auquel elle peut prétendre doit être limité au tiers des dividendes qu’elle a reçus et redistribués (arrêts du Conseil d’État du 10 décembre 2012, Rhodia, FR:CESSR:2012:317074.20121210, point 44, et du 10 décembre 2012, Accor, FR:CESSR:2012:317075.20121210, point 40).

13      S’agissant, en second lieu, des preuves à fournir au soutien de demandes de remboursement, le Conseil d’État a constaté :

–        l’opposabilité des déclarations de précompte en vue de la détermination du montant des dividendes perçus des filiales établies dans un autre État membre (arrêts du Conseil d’État du 10 décembre 2012, Rhodia, FR:CESSR:2012:317074.20121210, points 24 et 25, ainsi que du 10 décembre 2012, Accor, FR:CESSR:2012:317075.20121210, points 19 et 20) ;

–        la nécessité de disposer de tous les éléments de nature à justifier le bien-fondé de la demande de remboursement pendant toute la durée de la procédure, sans que l’expiration du délai légal de conservation n’entraîne dispense de cette obligation (arrêts du Conseil d’État du 10 décembre 2012, Rhodia, FR:CESSR:2012:317074.20121210, point 35, et du 10 décembre 2012, Accor, FR:CESSR:2012:317075.20121210, point 31).

 La procédure précontentieuse

14      À la suite des arrêts du Conseil d’État, la Commission a reçu plusieurs plaintes relatives aux conditions de remboursement des précomptes mobiliers acquittés par des sociétés françaises ayant reçu des dividendes d’origine étrangère.

15      Les échanges d’informations entre la Commission et la République française n’ayant pas satisfait cette institution, celle-ci a adressé aux autorités françaises, le 27 novembre 2014, une lettre de mise en demeure, dans laquelle elle relevait que certaines conditions relatives au remboursement du précompte mobilier prévues par les arrêts du Conseil d’État étaient susceptibles de constituer des violations du droit de l’Union.

16      La République française ayant contesté, dans sa réponse du 26 janvier 2015, les griefs qui lui étaient reprochés, la Commission lui a notifié, le 29 avril 2016, un avis motivé lui enjoignant d’adopter les mesures pour s’y conformer dans un délai de deux mois à compter de la réception dudit avis.

17      La République française ayant maintenu sa position dans sa réponse du 28 juin 2016, la Commission a introduit le présent recours en manquement sur le fondement de l’article 258 TFUE.

 Sur le recours

18      À l’appui de son recours, la Commission invoque quatre griefs, les trois premiers étant tirés de la violation des articles 49 et 63 TFUE, tels qu’interprétés par la Cour dans l’arrêt du 15 septembre 2011, Accor (C‑310/09, EU:C:2011:581), ainsi que des principes d’équivalence et d’effectivité, le quatrième grief étant tiré de la violation de l’article 267, troisième alinéa, TFUE.

 Sur le premier grief, tiré de la violation des articles 49 et 63 TFUE en raison de la restriction au droit au remboursement du précompte mobilier résultant de la non-prise en compte de l’imposition subie par les sous-filiales établies dans un État membre autre que la République française

 Argumentation des parties

19      La Commission considère que les arrêts du Conseil d’État n’ont pas mis fin à l’incompatibilité, relevée par la Cour dans son arrêt du 15 septembre 2011, Accor (C‑310/09, EU:C:2011:581), de la législation française avec les articles 49 et 63 TFUE. En effet, en vertu des arrêts du Conseil d’État, l’imposition subie par les sous-filiales non-résidentes dont proviennent les dividendes sous-jacents aux dividendes distribués par la filiale non-résidente à la société mère résidente ne serait pas prise en compte aux fins du remboursement du précompte mobilier versé par la société mère en cas de redistribution des dividendes. À l’opposé, dans une chaîne de participation purement interne, la double imposition économique serait neutralisée, l’opération de distribution de dividendes entre la sous-filiale et la filiale donnant droit à un avoir fiscal d’un montant égal au précompte mobilier dû en raison de cette redistribution.

20      Par ailleurs, cette différence de traitement en fonction du siège de la sous-filiale distributrice ne saurait être objectivement justifiée.

21      Tout d’abord, l’absence, en droit français, de la notion de « sous-filiale » ne pourrait servir de fondement à la non-prise en compte de l’imposition subie par les bénéfices sous-jacents aux dividendes distribués par la sous-filiale non-résidente à la société mère par l’intermédiaire de sa filiale, au risque d’une application trop formaliste du mécanisme de l’avoir fiscal. En outre, serait en cause le traitement des dividendes en fonction de leur origine et non celui des entités comprises dans une chaîne de participation. À cet égard, la circonstance que la filiale a bénéficié d’une exonération d’impôt serait sans pertinence, dès lors que, initialement, les dividendes distribués par la sous-filiale ont fait l’objet d’une imposition.

22      Ensuite, le paiement du précompte mobilier en cas de distribution de dividendes constituant une obligation imposée par la législation française, il ne saurait être soutenu que la charge fiscale supplémentaire pesant sur les dividendes distribués par une société résidente qui tirent leur origine dans la distribution préalable de dividendes entre sa filiale et sa sous-filiale non-résidentes trouverait sa cause dans la législation de leur État membre d’établissement.

23      Enfin, la Commission soutient que la République française ne saurait se soustraire à l’obligation de prévenir la double imposition économique dans le cas de la distribution de dividendes trouvant leur origine dans les bénéfices d’une sous-filiale non-résidente au prétexte qu’il ne lui appartient pas d’adapter son système fiscal aux différents régimes de taxation des autres États membres. En effet, il serait exigé de la République française non pas une adaptation de son système fiscal, mais seulement une application à l’identique de celui-ci, quelle que soit l’origine des dividendes distribués.

24      La République française ne conteste pas le fait que les modalités de remboursement du précompte mobilier, tels que définies dans les arrêts du Conseil d’État, ne permettent pas de neutraliser l’imposition subie par les dividendes distribués par une sous-filiale non-résidente. Toutefois, elle fait valoir que le régime français n’assure une prévention de la double imposition qu’au niveau de chaque société distributrice. Or, un État membre serait libre d’organiser son système d’imposition, dès lors qu’il n’engendre pas de discrimination, de telle sorte qu’il ne lui incomberait pas d’adapter son propre système fiscal à ceux des autres États membres.

25      Or, en l’occurrence, la réglementation fiscale française ne permettrait pas d’imputer sur l’imposition due par une société mère les impôts acquittés par ses sous-filiales résidentes. En effet, l’avoir fiscal ne serait accordé à la société mère qu’à raison de l’imposition ayant grevé les bénéfices de la filiale distributrice. Dès lors, il n’existerait pas d’obligation pour la République française d’assurer une prise en compte, dans le calcul du remboursement du précompte mobilier versé, de l’imposition subie par les sous-filiales non-résidentes distributrices des dividendes.

26      La circonstance que la distribution des dividendes d’une sous-filiale à une filiale a fait l’objet d’une imposition serait alors la conséquence de l’application d’une réglementation fiscale étrangère à la République française, qu’il ne lui appartiendrait pas de corriger.

27      Par ailleurs, dans la mesure où le système français visant à l’élimination de la double imposition ne raisonne pas en termes de sous-filiale, l’imputation de l’impôt dû en cas de distribution de dividendes ne serait possible qu’à l’égard de la société qui reçoit lesdits dividendes. En d’autres termes, il s’agirait d’un rapport binaire entre deux entités, distributrice et bénéficiaire, étant précisé que, en cas de redistribution par une société intermédiaire, la sous-filiale serait alors considérée comme étant la filiale de la société intermédiaire.

28      Dans ces circonstances, le système français devrait être distingué du système britannique de l’impôt anticipé sur les sociétés (Advance Corporation Tax) en cause dans les affaires à l’origine des arrêts du 12 décembre 2006, Test Claimants in the FII Group Litigation (C‑446/04, EU:C:2006:774), et du 13 novembre 2012, Test Claimants in the FII Group Litigation (C‑35/11, EU:C:2012:707). En effet, le dispositif français ne tiendrait pas compte de l’impôt dû par les sous-filiales, qu’elles soient résidentes ou non, celui-ci reposant sur une logique de pallier d’imposition et non d’imposition de groupe.

 Appréciation de la Cour

29      Par son premier grief, la Commission considère que l’impossibilité résultant des arrêts du Conseil d’État de faire valoir, pour le remboursement du précompte dû par une société mère résidente en France à l’occasion de la distribution de dividendes, l’imposition à laquelle ont été soumis les bénéfices sous-jacents à ces dividendes réalisés par une sous-filiale de cette société établie dans un autre État membre, lorsqu’ils ont été redistribués à cette société mère par l’intermédiaire d’une filiale non-résidente, ne permet pas de remédier à l’incompatibilité du mécanisme français de prévention de la double imposition avec les article 49 et 63 TFUE, telle que relevée par la Cour dans son arrêt du 15 septembre 2011, Accor (C‑310/09, EU:C:2011:581).

30      Au point 69 de cet arrêt, la Cour a jugé que les articles 49 et 63 TFUE s’opposent à une législation d’un État membre ayant pour objet d’éliminer la double imposition économique des dividendes, qui permet à une société mère d’imputer sur le précompte dont elle est redevable lors de la redistribution à ses actionnaires des dividendes versés par ses filiales l’avoir fiscal attaché à la distribution de ces dividendes s’ils proviennent d’une filiale établie dans cet État membre, mais n’offre pas cette faculté si ces dividendes ont été distribués par une filiale établie dans un autre État membre, dès lors qu’une telle distribution n’emporte pas, dans un tel cas, octroi d’un avoir fiscal attaché à la distribution de ces dividendes par cette filiale.

31      Ainsi que le souligne la Commission, la mise en œuvre par le Conseil d’État de l’arrêt du 15 septembre 2011, Accor (C‑310/09, EU:C:2011:581), a pour conséquence que la société mère résidente, bénéficiaire de dividendes distribués par une de ses filiales établie dans un autre État membre, se voit octroyer le remboursement du précompte mobilier dû en raison de la redistribution de ces dividendes à ses actionnaires en tenant compte de l’imposition qu’ont subie ces dividendes uniquement au niveau de la filiale. En revanche, l’imposition subie par ces mêmes dividendes antérieurement, à un échelon inférieur de la chaîne de participation dans le chef d’une sous-filiale, n’entre pas en considération pour la détermination du montant du remboursement.

32      À cet égard, il n’est pas contesté par la République française que, dans le cadre d’une chaîne de participation purement nationale, le régime français de prévention de la double imposition économique conduit mécaniquement à une prise en compte de l’imposition des dividendes distribués à chaque échelon de la chaîne de participation. En effet, chaque distribution de dividendes par une filiale ouvre le droit à un avoir fiscal que la société mère peut imputer sur le précompte dont elle est redevable, en tant que filiale, à l’occasion de la redistribution de ces dividendes à sa propre société mère, précompte qui est égal à l’avoir fiscal. Le système en cause prévient ainsi la double imposition économique des bénéfices distribués par l’octroi d’un crédit d’impôt à la société mère qui compense le précompte dû sur les bénéfices redistribués par celle-ci.

33      En revanche, dans le cadre d’une distribution transfrontalière de dividendes, la limitation, pour le calcul du remboursement du précompte mobilier dû en cas de redistribution par la société mère résidente bénéficiaire, à l’imposition qu’ont subie lesdits dividendes dans le chef de la filiale distributrice non-résidente elle-même, a pour conséquence, dans le cas où les bénéfices sous-jacents à ces dividendes ont été réalisés par une sous-filiale, un traitement moins favorable desdits dividendes que dans le cas d’une chaîne de participation purement nationale.

34      En effet, dans l’hypothèse où les dividendes distribués par la filiale non-résidente à sa société mère résidente ont bénéficié d’une exonération d’impôt dans l’État membre d’établissement de la filiale, le montant du remboursement du précompte mobilier dû en cas de redistribution est nul, puisque l’imposition des dividendes au niveau de la filiale a été inexistant. La non-prise en compte de l’imposition effective à laquelle ont été soumis les bénéfices sous-jacents aux dividendes distribués antérieurement, à un échelon inférieur de la chaîne de participation, à savoir par une sous-filiale de la filiale, maintient ainsi la double imposition économique des bénéfices distribués.

35      Ainsi que le fait valoir la République française, le droit de l’Union actuellement en vigueur ne prescrit pas de critères généraux pour la répartition des compétences entre les États membres s’agissant de l’élimination de la double imposition à l’intérieur de l’Union. Ainsi, tout État membre reste libre d’organiser son système d’imposition de bénéfices distribués pour autant que le système en cause ne comporte pas de discriminations interdites par le traité FUE (voir, en ce sens, arrêt du 13 novembre 2012, Test Claimants in the FII Group Litigation, C‑35/11, EU:C:2012:707, point 40).

36      Il convient de rappeler que, à l’égard d’une réglementation fiscale, telle que celle dont les modalités d’application sont contestées par la Commission, visant à prévenir la double imposition économique des bénéfices distribués, la situation d’une société actionnaire percevant des dividendes d’origine étrangère est comparable à celle d’une société actionnaire percevant des dividendes d’origine nationale dans la mesure où, dans les deux cas, les bénéfices réalisés sont, en principe, susceptibles de faire l’objet d’une imposition en chaîne (arrêts du 12 décembre 2006, Test Claimants in the FII Group Litigation, C‑446/04, EU:C:2006:774, point 62, du 15 septembre 2011, Accor, C‑310/09, EU:C:2011:581, point 45, ainsi que du 13 novembre 2012, Test Claimants in the FII Group Litigation, C‑35/11, EU:C:2012:707, point 37).

37      Or, les articles 49 et 63 TFUE imposent à un État membre qui connaît un système de prévention de la double imposition économique dans le cas de dividendes versés à des résidents par des sociétés résidentes d’accorder un traitement équivalent aux dividendes versés à des résidents par des sociétés non-résidentes (arrêts du 12 décembre 2006, Test Claimants in the FII Group Litigation, C‑446/04, EU:C:2006:774, point 72 ; du 10 février 2011, Haribo Lakritzen Hans Riegel et Österreichische Salinen, C‑436/08 et C‑437/08, EU:C:2011:61, point 60, ainsi que Test Claimants in the FII Group Litigation, C‑35/11, EU:C:2012:707, point 38), à moins qu’une différence de traitement ne soit justifiée pour des raisons impérieuses d’intérêt général (arrêts du 15 septembre 2011, Accor, C‑310/09, EU:C:2011:581, point 44, ainsi que du 11 septembre 2014, Kronos International, C‑47/12, EU:C:2014:2200, point 69).

38      En outre, l’argument invoqué par la République française tiré de l’absence de notion de « sous-filiale » dans le système français de prévention de la double imposition n’est pas pertinent, eu égard à l’objectif de la réglementation en cause ainsi que du mécanisme adopté pour sa réalisation.

39      En effet, même si l’octroi de l’avoir fiscal n’est prévu que dans le cadre d’une relation binaire entre la société mère et sa filiale, il n’en reste pas moins que le régime fiscal en cause prévient la double imposition économique des bénéfices distribués également par des sous-filiales résidentes en raison de l’octroi successif, à tous les échelons de la chaîne de participation des sociétés établies en France, de l’avantage fiscal en cause.

40      La République française souligne que les désavantages pouvant découler de l’exercice parallèle des compétences fiscales des différents États membres ne constituent pas des restrictions aux libertés de circulation, pour autant qu’un tel exercice ne soit pas discriminatoire.

41      Certes, la qualité d’État membre de résidence de la société bénéficiaire des dividendes ne saurait entraîner l’obligation, pour cet État membre, de compenser un désavantage fiscal résultant d’une imposition en chaîne entièrement effectuée par l’État membre sur le territoire duquel est établie la société distributrice de ces dividendes, dans la mesure où le premier État membre n’impose ni ne prend en compte de manière différente, dans le chef des sociétés établies sur son territoire, les dividendes perçus (voir, en ce sens, arrêt du 11 septembre 2014, Kronos International, C‑47/12, EU:C:2014:2200, point 84).

42      Cependant, ainsi qu’il ressort du point 39 du présent arrêt, le désavantage fiscal en cause résulte de la législation fiscale française. En effet, cette législation soumet à l’impôt, au moyen du précompte mobilier, la redistribution des bénéfices déjà imposés mais permet d’éliminer cette double imposition économique lorsque les bénéfices redistribués ont été initialement imposés dans le chef d’une sous-filiale résidente. En revanche, cette même législation soumet à l’impôt la redistribution des bénéfices provenant initialement d’une sous-filiale non-résidente même si ces bénéfices ont déjà été imposés dans l’État membre où est établie cette sous-filiale sans pour autant permettre la prise en compte de cette dernière imposition aux fins d’éliminer la double imposition économique résultant de la législation française.

43      La République française était donc tenue, pour mettre fin au traitement discriminatoire ainsi constaté dans l’application dudit mécanisme fiscal visant à la prévention de la double imposition économique des dividendes distribués, de prendre en compte l’imposition subie antérieurement par les bénéfices distribués résultant de l’exercice des compétences fiscales de l’État membre d’origine des dividendes, dans les limites de sa propre compétence d’imposition (voir, en ce sens, arrêt du 11 septembre 2014, Kronos International, C‑47/12, EU:C:2014:2200, point 86), indépendamment de l’échelon de la chaîne de participation auquel cette imposition a été subie, à savoir par une filiale ou une sous-filiale.

44      En effet, il résulte du point 82 de l’arrêt de la Cour du 13 novembre 2012, Test Claimants in the FII Group Litigation (C‑35/11, EU:C:2012:707), lu en combinaison avec le dispositif de l’arrêt du 12 décembre 2006, Test Claimants in the FII Group Litigation (C‑446/04, EU:C:2006:774), qu’il appartient à l’État membre, qui permet à une société résidente percevant des dividendes d’une autre société résidente de déduire du montant dont la première société est redevable au titre de l’impôt sur les sociétés le montant dudit impôt payé par la seconde société, de reconnaître une telle faculté à une société résidente percevant des dividendes d’une société non-résidente, en ce qui concerne l’impôt correspondant aux bénéfices distribués, qu’il ait été acquitté par une filiale directe ou indirecte de la première société.

45      À cet égard, la différence existant entre le mécanisme français, fondé sur l’octroi d’un avoir fiscal en cause dans la présente affaire et le mécanisme du Royaume-Uni en cause dans les affaires ayant donné lieu aux arrêts du 12 décembre 2006, Test Claimants in the FII Group Litigation (C‑446/04, EU:C:2006:774), et du 13 novembre 2012, Test Claimants in the FII Group Litigation (C‑35/11, EU:C:2012:707), n’affecte pas le principe rappelé au point précédent. En effet, cette différence ne porte que sur la technique fiscale utilisée aux fins d’atteindre un même objectif, à savoir celui d’éliminer la double imposition économique des bénéfices distribués. Or, tout État membre reste libre d’organiser son propre système de prévention de la double imposition économique des bénéfices distribués pour autant que le système en cause ne comporte pas de discriminations interdites par le traité FUE (voir, en ce sens, arrêt du 13 novembre 2012, Test Claimants in the FII Group Litigation, C‑35/11, EU:C:2012:707, point 40).

46      Il résulte de ce qui précède que, en refusant de prendre en compte, pour le calcul du remboursement du précompte mobilier acquitté par une société mère résidente au titre de la distribution de dividendes versés par une sous-filiale non-résidente par l’intermédiaire d’une filiale non-résidente, l’imposition sur les bénéfices sous-jacents à ces dividendes subie par cette sous-filiale non-résidente, dans l’État membre où elle est établie, alors même que le mécanisme national de prévention de la double imposition économique permet, dans le cas d’une chaîne de participation purement interne, de neutraliser l’imposition qu’ont subie les dividendes distribués par une société à chaque échelon de cette chaîne de participation, la République française a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des articles 49 et 63 TFUE.

 Sur le deuxième grief, tiré du caractère disproportionné des exigences prescrites en matière de preuve pour fonder le droit au remboursement du précompte mobilier illégalement perçu

 Argumentation des parties

47      Le deuxième grief de la Commission comporte trois branches.

48      Par la première branche de ce grief, la Commission fait valoir que l’exigence de correspondance entre les documents comptables relatifs aux dividendes distribués et les procès-verbaux d’assemblée générale des filiales constatant les bénéfices dégagés sous forme de dividendes distribuables rend extrêmement difficile, voire impossible, la preuve du rattachement à un résultat comptable particulier des dividendes distribués, dès lors que les procès-verbaux des assemblées générales visent souvent un agrégat comptable, englobant des reports d’exercices antérieurs.

49      Dans le cadre de la deuxième branche, la Commission soutient que, en conditionnant le droit au remboursement du précompte mobilier au dépôt d’une déclaration préalable de précompte identifiant les montants de précompte acquittés au titre des redistributions de dividendes, les arrêts du Conseil d’État annihileraient en pratique un tel droit. Ce serait en particulier le cas des sociétés qui n’avaient pas réclamé le bénéfice de l’avoir fiscal à raison de dividendes distribués provenant de filiales non-résidentes avant le prononcé de l’arrêt du 15 septembre 2011, Accor (C‑310/09, EU:C:2011:581).

50      En effet, dès lors que, en vertu de la législation française, les sociétés résidentes ne pouvaient pas bénéficier d’un avoir fiscal au titre du précompte dû en raison de la distribution de dividendes provenant d’une filiale non-résidente, il ne pouvait être exigé de ces sociétés qu’elles fassent état de ces dividendes dans leurs déclarations de précompte.

51      Enfin, la troisième branche de ce même grief est tirée de ce que, en ayant indiqué que l’expiration du délai légal de conservation des documents ne dispensait pas la société réclamant le remboursement du précompte mobilier illégalement perçu de son obligation de produire tous les éléments de nature à justifier le bien-fondé de sa demande, les arrêts du Conseil d’État rendraient la preuve du paiement d’un impôt par la filiale non-résidente sur les dividendes distribués extrêmement difficile, voire impossible.

52      À titre préalable, la République française souligne que l’arrêt du 15 septembre 2011, Accor (C‑310/09, EU:C:2011:581), a expressément précisé que les restitutions de précompte étaient conditionnées à ce que les sociétés requérantes apportent la preuve, par tous moyens, des impositions acquittées par leurs filiales dans leur État membre d’établissement.

53      Dans ce contexte, les arrêts du Conseil d’État se distingueraient par une approche particulièrement ouverte, dès lors que cette juridiction a accepté toute forme de documents permettant aux sociétés de démontrer le taux d’imposition supporté par leurs filiales non-résidentes.

54      Premièrement, la République française rappelle que, aux termes des arrêts du Conseil d’État, il n’a pas été exigé la preuve de ce que l’imposition dont l’imputation est réclamée a grevé des dividendes correspondant à un exercice comptable particulier. Serait ainsi considérée l’imposition acquittée à raison des dividendes pris globalement, sans égard aux exercices comptables dont ils sont issus.

55      En outre, la circonstance que, dans les espèces ayant abouti à l’adoption des arrêts du Conseil d’État, celui-ci s’est appuyé sur les procès-verbaux d’assemblée générale des filiales non-résidentes résulterait de ce que de tels documents lui avaient été présentés par les sociétés concernées pour prouver le montant du taux d’imposition ayant grevé les dividendes distribués.

56      Deuxièmement, la République française souligne que les formulaires de précompte permettent techniquement d’identifier les montants de précompte acquittés au titre des redistributions de dividendes issus de filiales non-résidentes. En outre, le paiement du précompte mobilier n’étant dû qu’en cas de redistribution, les dividendes pour lesquels la preuve du montant de l’imposition est requise seraient nécessairement ceux qui ont fait l’objet d’une telle redistribution.

57      Troisièmement, il n’aurait pas été exigé par les arrêts du Conseil d’État la production de justificatifs non couverts par la durée légale de conservation. Le Conseil d’État aurait fondé son appréciation à partir des documents présentés par les sociétés concernées. En tout état de cause, il appartiendrait à un contribuable ayant introduit une réclamation fiscale de conserver les documents nécessaires pour prouver le bien-fondé de sa demande jusqu’au dénouement de la procédure administrative, voire de la procédure contentieuse, indépendamment de la durée légale de conservation de ceux-ci.

 Appréciation de la Cour

–       Remarques liminaires

58      Il importe de rappeler, d’une part, que les autorités fiscales d’un État membre sont en droit d’exiger du contribuable les preuves qu’elles jugent nécessaires pour apprécier si les conditions d’un avantage fiscal prévu par la législation en cause sont réunies et, en conséquence, s’il y a lieu ou non d’accorder ledit avantage (voir, en ce sens, arrêts du 3 octobre 2002, Danner, C‑136/00, EU:C:2002:558, point 50 ; du 26 juin 2003, Skandia et Ramstedt, C‑422/01, EU:C:2003:380, point 43 ; du 27 janvier 2009, Persche, C‑318/07, EU:C:2009:33, point 54 ; du 10 février 2011, Haribo Lakritzen Hans Riegel et Österreichische Salinen, C‑436/08 et C‑437/08, EU:C:2011:61, point 95 ; du 30 juin 2011, Meilicke e.a., C‑262/09, EU:C:2011:438, point 45, ainsi que du 15 septembre 2011, Accor, C‑310/09, EU:C:2011:581, point 82).

59      D’autre part, afin de remédier en pratique à l’incompatibilité de la législation française avec les articles 49 et 63 TFUE, tels qu’interprétés par la Cour dans son arrêt du 15 septembre 2011, Accor (C‑310/09, EU:C:2011:581), celle-ci a jugé qu’un État membre doit pouvoir être en mesure de déterminer le montant de l’impôt sur les sociétés acquitté dans l’État d’établissement de la société distributrice et devant faire l’objet de l’avoir fiscal accordé à la société mère bénéficiaire, et précisé qu’il n’est pas suffisant d’apporter la preuve que la société distributrice a été imposée, dans son État membre d’établissement, sur les bénéfices sous-jacents aux dividendes distribués, sans fournir les informations relatives à la nature et au taux de l’impôt ayant effectivement frappé lesdits bénéfices (arrêt du 15 septembre 2011, Accor, C‑310/09, EU:C:2011:581, point 92).

–       Sur la première branche

60      Il doit être relevé que, dans sa requête, pour établir que la République française impose des exigences disproportionnées en matière de preuve en imposant une correspondance entre les documents comptables relatifs aux dividendes distribués et les procès-verbaux d’assemblée générale des filiales constatant les bénéfices dégagés sous forme de dividendes distribuables, la Commission se réfère aux points 43 et 56 de l’arrêt du Conseil d’État du 10 décembre 2012, Accor (FR:CESSR:2012:317075.20121210), relatifs à l’examen des sommes remboursables au titre des années 1999 à 2001.

61      Il en résulte que la Commission ne conteste pas la nécessité pour une société mère qui entend obtenir le remboursement du précompte mobilier illégalement perçu d’apporter les éléments relatifs, pour chaque dividende, au taux d’imposition effectivement appliqué et au montant de l’impôt effectivement acquitté à raison des bénéfices réalisés par les filiales non-résidentes.

62      Or, il ne ressort pas de l’arrêt du Conseil d’État du 10 décembre 2012, Accor (FR:CESSR:2012:317075.20121210), que celui-ci a entendu limiter la preuve de ce que les sommes pour lesquelles une restitution est demandée concernent effectivement des dividendes distribués à la présentation des procès-verbaux des assemblées générales des filiales faisant état d’une telle distribution.

63      En effet, s’il est fait référence, dans cet arrêt, à de telles pièces, rien ne permet de conclure que la reconnaissance du droit à restitution du précompte mobilier illégalement perçu serait nécessairement subordonnée à la production de celles-ci.

64      À cet égard, il y a lieu de rappeler que, dans le cadre d’une procédure en manquement engagée en vertu de l’article 258 TFUE, il incombe à la Commission d’établir l’existence du manquement allégué en apportant à la Cour tous les éléments nécessaires à la vérification par celle-ci de l’existence de ce manquement (arrêt du 28 janvier 2016, Commission/Portugal, C‑398/14, EU:C:2016:61, point 47).

65      Eu égard aux considérations qui précèdent, la Commission n’a pas satisfait à l’exigence de preuve qui lui incombe, de telle sorte que la première branche du deuxième moyen ne saurait prospérer.

–       Sur la deuxième branche

66      La Commission considère que le droit français, tel qu’appliqué dans les arrêts du Conseil d’État, et plus particulièrement la limitation résultant de l’exigence de production des déclarations de précompte mobilier, ainsi que l’opposabilité des choix faits par une société mère lors de la liquidation du précompte mobilier à l’occasion de ces déclarations, est constitutif d’une violation des principes d’équivalence et d’effectivité.

67      À cet égard, il est constant que, pour remédier à l’incompatibilité de la législation française avec les articles 49 et 63 TFUE, tels qu’interprétés par la Cour dans son arrêt du 15 septembre 2011, Accor (C‑310/09, EU:C:2011:581), il appartenait à la République française de restituer les précomptes mobiliers acquittés par des sociétés résidentes lors de la redistribution de dividendes issus de leurs filiales non-résidentes en tenant compte de l’imposition ayant frappé les bénéfices sous-jacents à ces dividendes dans l’État d’établissement de ces filiales, dans les limites du taux d’imposition applicable en France.

68      Or, dès lors que, d’une part, une demande de restitution est nécessairement subordonnée au versement antérieur du précompte mobilier et que, d’autre part, le fait générateur du versement d’un précompte mobilier est la distribution de dividendes, une telle demande ne saurait être recevable en l’absence de paiement du précompte.

69      C’est la raison pour laquelle les déclarations de précompte concernent la distribution de l’ensemble des dividendes, quelle que soit leur origine, permettant ainsi l’identification des montants de précompte acquittés à raison de la distribution de dividendes provenant de filiales non-résidentes.

70      À cet égard, la République française a apporté la preuve de ce que les formulaires de déclaration de précompte requerraient la mention des distributions de dividendes issus de filiales étrangères, ce que la Commission n’a plus contesté au stade du mémoire en réplique.

71      Partant, il ne saurait être considéré que le fait d’opposer les choix faits par une société mère lors de la liquidation du précompte mobilier à l’occasion de la déclaration y afférente constitue une violation des principes d’équivalence et d’effectivité.

72      Dans ces conditions, eu égard au fait que la charge de la preuve incombe à la Commission, ainsi qu’il a été relevé au point 64 du présent arrêt, la deuxième branche du deuxième grief doit être rejetée comme étant non fondée.

–       Sur la troisième branche

73      Selon la Commission, les arrêts du Conseil d’État rendent la preuve du paiement d’un impôt par une filiale non-résidente sur les dividendes distribués extrêmement difficile, voire impossible, en ce qu’ils ne dispensent pas la société mère réclamant le remboursement du précompte mobilier de l’obligation de produire des justificatifs relatifs audit paiement pour lesquels le délai légal de conservation, résultant du droit national d’un autre État membre, a expiré.

74      Il y a lieu de relever que, s’agissant du respect du principe d’effectivité, les justificatifs requis devraient permettre aux autorités fiscales de l’État membre d’imposition de vérifier, de façon claire et précise, si les conditions d’obtention d’un avantage fiscal sont réunies (voir, en ce sens, arrêt du 15 septembre 2011, Accor, C‑310/09, EU:C:2011:581, point 99).

75      En outre, la production des éléments relatifs, pour chaque dividende, au taux d’imposition effectivement appliqué et au montant de l’impôt effectivement acquitté à raison des bénéfices réalisés par les filiales installées dans les autres États membres ne peut être requise qu’à la condition qu’il ne soit pas pratiquement impossible ou excessivement difficile d’apporter la preuve du paiement de l’impôt par les filiales établies dans les autres États membres, eu égard notamment aux dispositions de la législation desdits États membres se rapportant à la prévention de la double imposition et à l’enregistrement de l’impôt sur les sociétés devant être acquitté ainsi qu’à la conservation des documents administratifs (voir, en ce sens, arrêt du 15 septembre 2011, Accor, C‑310/09, EU:C:2011:581, point 100).

76      À cet égard, la demande de production desdits éléments doit intervenir pendant la période de conservation légale des documents administratifs ou comptables, telle que prévue par le droit de l’État membre d’établissement de la filiale. Ainsi, une telle demande ne saurait concerner des documents qui couvrent une période excédant de manière conséquente la durée de l’obligation légale de conservation des documents administratifs et comptables (voir, en ce sens, arrêt du 15 septembre 2011, Accor, C‑310/09, EU:C:2011:581, point 101).

77      Partant, il découle de l’arrêt du 15 septembre 2011, Accor (C‑310/09, EU:C:2011:581), que les autorités fiscales d’un État membre ne peuvent exiger la production de documents administratifs au soutien d’une demande de remboursement après un délai excédant de manière conséquente la période de conservation légale desdits documents dans l’État membre d’origine de ces documents.

78      À cet égard, il résulte du point 35 de l’arrêt du Conseil d’État du 10 décembre 2012, Rhodia (FR:CESSR:2012:317074.20121210), ainsi que du point 31 de l’arrêt du Conseil d’État du 10 décembre 2012, Accor (FR:CESSR:2012:317075.20121210), qu’il appartient à une société ayant présenté une réclamation de disposer de tous les éléments de nature à justifier le bien-fondé de sa demande pendant toute la durée de la procédure, sans que l’expiration du délai légal de conservation des documents ne la dispense de cette obligation.

79      Dans de telles circonstances, ainsi que l’a relevé M. l’avocat général au point 64 de ses conclusions, la date pertinente pour apprécier l’existence d’une éventuelle violation du principe d’effectivité en raison du fait que les autorités fiscales d’un État membre ont demandé la production d’un document administratif pour prouver certains faits est la date d’introduction de cette procédure précontentieuse.

80      Dès lors, l’obligation de présenter des éléments de nature à justifier le bien-fondé d’une demande de restitution, dans le cadre d’une procédure de réclamation, ne saurait être constitutive d’une violation du principe d’effectivité, pour autant que cette obligation ne couvre pas une période excédant de manière conséquente la durée légale de conservation des documents administratifs et comptables.

81      Or, les arrêts du Conseil d’État ne font apparaître aucune violation de ce principe lorsqu’ils affirment que l’expiration du délai légal de conservation des documents n’affecte pas l’obligation d’une société de disposer de tous les éléments de nature à justifier le bien-fondé de sa demande « pendant toute la procédure », et notamment pendant la procédure juridictionnelle. Une société ne saurait en effet soutenir que l’expiration de ce délai emporte automatiquement un droit à restitution du précompte versé.

82      Quant à la prétendue méconnaissance du principe d’équivalence, la Commission ne fait valoir aucun argument permettant d’étayer le bien-fondé de ce grief.

83      Par conséquent, la troisième branche du deuxième grief n’étant pas fondée, le deuxième grief doit être rejeté dans son ensemble.

 Sur le troisième grief, tiré du plafonnement du montant remboursable au titre du précompte mobilier illégalement perçu à un tiers du montant des dividendes distribués

 Argumentation des parties

84      La Commission rappelle que les arrêts du Conseil d’État imposent une limite au montant à restituer aux sociétés mères au titre du précompte mobilier versé pour la distribution de dividendes perçus d’une filiale non-résidente, cette limite étant égale au tiers du montant des dividendes distribués.

85      Or, selon la Commission, dès lors que le montant de l’avoir fiscal pour des dividendes distribués par une filiale résidente représente invariablement la moitié du montant desdits dividendes, les arrêts du Conseil d’État n’auraient pas mis fin à la discrimination, relevée par la Cour dans l’arrêt du 15 septembre 2011, Accor (C‑310/09, EU:C:2011:581), entre dividendes distribués issus d’une société résidente et ceux issus d’une société non-résidente.

86      La République française soutient que le plafonnement du remboursement du précompte à un tiers des dividendes reçus correspond au montant du précompte effectivement acquitté. L’égalité de traitement entre dividendes distribués par des filiales résidentes et dividendes distribués par des filiales non-résidentes serait ainsi parfaitement garantie.

87      En outre, un tel plafonnement du remboursement du précompte permettrait de prendre en considération l’imposition pesant sur les dividendes distribués dont l’État membre d’établissement de la filiale est à l’origine de manière égale à celle qui pèse sur les dividendes distribués par une filiale résidente.

88      À ce titre, cette limitation pourrait certes, en pratique, aboutir à une restitution du précompte mobilier inférieure à l’imposition effectivement acquittée par la filiale distributrice dans son État membre d’établissement. Cependant, ce remboursement correspondrait exactement au montant du précompte effectivement acquitté par la société résidente, de telle sorte que serait évité un traitement plus favorable des dividendes d’origine étrangère par rapport aux dividendes distribués par une société résidente.

 Appréciation de la Cour

89      Au point 87 de l’arrêt du 15 septembre 2011, Accor (C‑310/09, EU:C:2011:581), la Cour a jugé que, s’il découle de la jurisprudence que le droit de l’Union impose à un État membre, qui connaît un système de prévention de la double imposition économique dans le cas des dividendes versés à des résidents par des sociétés résidentes, d’accorder un traitement équivalent aux dividendes versés à des résidents par des sociétés non-résidentes, ce droit n’impose pas aux États membres de favoriser les contribuables ayant investi dans des sociétés étrangères par rapport à ceux ayant investi dans des sociétés nationales.

90      En l’occurrence, il est constant que, en vertu des arrêts du Conseil d’État, le montant à restituer aux sociétés mères au titre du précompte mobilier qu’elles ont versé lors de la distribution de dividendes perçus d’une filiale non-résidente est plafonné à hauteur d’un tiers du montant des dividendes reçus.

91      La Commission considère que, dès lors que l’avoir fiscal accordé à une société distribuant des dividendes perçus d’une filiale résidente est invariablement égal à la moitié du montant desdits dividendes, le plafonnement, en cas de distribution de dividendes issus d’une filiale non-résidente, du remboursement du précompte mobilier versé à un tiers du montant de ces dividendes est constitutif d’une discrimination.

92      Une telle argumentation ne saurait toutefois être suivie.

93      En effet, ainsi que l’a relevé M. l’avocat général au point 74 de ses conclusions, l’application faite des dispositions du CGI en vigueur pendant les années d’imposition en cause dans les arrêts du Conseil d’État permet d’aboutir, en définitive, à un traitement fiscal équivalent des dividendes redistribués par une société mère à ses propres actionnaires, indépendamment de la question de savoir si la filiale ayant initialement réalisé ces bénéfices était résidente ou non-résidente.

94      À cet égard, il résulte du libellé même de l’article 223 sexies, paragraphe 1, premier alinéa, du CGI que le précompte qu’une société mère est tenue d’acquitter lors de la redistribution des dividendes à ses propres actionnaires est égal à l’avoir fiscal calculé dans les conditions prévues à l’article 158 bis du CGI, ce crédit d’impôt étant égal à la moitié des dividendes antérieurement perçus par cette société mère. Ledit crédit d’impôt permet ainsi de compenser, dans le chef de la société mère, l’obligation d’acquitter le précompte et d’éliminer la double imposition économique des bénéfices distribués.

95      Or, ainsi que la République française l’a exposé dans son mémoire en défense, sans être contredite à cet égard par la Commission, lorsque les dividendes distribués par une filiale ne sont assortis d’aucun avoir fiscal, ce qui est le cas s’agissant d’une filiale non-résidente, le précompte devant être acquitté par la société mère est égal au tiers des dividendes distribués. Il s’ensuit que le plafonnement du remboursement du précompte à la société mère à concurrence d’un tiers du montant des dividendes distribués permet également, en définitive, d’éviter la double imposition économique des bénéfices distribués.

96      Dans ces circonstances, ce même plafonnement permet de remédier à la différence de traitement entre ces dividendes et ceux issus d’une filiale résidente, telle que relevée par la Cour dans son arrêt du 15 septembre 2011, Accor (C‑310/09, EU:C:2011:581). En effet, en vertu des principes dégagés dans cet arrêt, et notamment au point 88 de celui-ci, un État membre ne saurait être tenu d’accorder un crédit d’impôt au titre de l’imposition qu’ont subie, dans un autre État membre, les bénéfices distribués qui dépasserait le montant d’imposition résultant de l’application de sa propre législation fiscale.

97      La Commission soutient encore, dans sa réplique, que, lorsque la société mère, après avoir récupéré le précompte illégalement perçu, distribue ces sommes à ses propres actionnaires, ces derniers sont susceptibles de subir un « manque à gagner » par rapport à une distribution purement nationale.

98      Il suffit de constater, à cet égard, que les espèces ayant conduit aux arrêts du Conseil d’État ne concernaient pas la situation des actionnaires finals des sociétés distributrices, les recours des sociétés mères en cause dans ces espèces visant la restitution des précomptes mobiliers acquittés par ces dernières.

99      Par conséquent, le troisième grief doit être rejeté.

 Sur le quatrième grief, tiré de la violation de l’article 267, paragraphe 3, TFUE

 Argumentation des parties

100    Selon la Commission, le Conseil d’État aurait dû procéder à un renvoi préjudiciel à la Cour avant de fixer les modalités de remboursement du précompte mobilier dont la perception avait été jugée incompatible avec les articles 49 et 63 TFUE par l’arrêt du 15 septembre 2011, Accor (C‑310/09, EU:C:2011:581).

101    En effet, d’une part, le Conseil d’État serait une juridiction dont les décisions ne sont pas susceptibles d’un recours juridictionnel de droit interne, au sens de l’article 267, troisième alinéa, TFUE, et à laquelle il incombe de procéder à un renvoi préjudiciel lorsqu’elle est saisie d’un litige soulevant une question d’interprétation du droit de l’Union.

102    D’autre part, la compatibilité avec le droit de l’Union des restrictions résultant des arrêts du Conseil d’État apparaîtrait, à tout le moins, douteuse, au regard notamment de la jurisprudence résultant de l’arrêt du 13 novembre 2012, Test Claimants in the FII Group Litigation (C‑35/11, EU:C:2012:707). En tout état de cause, la simple circonstance que la Commission retient une acception différente des principes dégagés dans l’arrêt du 15 septembre 2011, Accor (C‑310/09, EU:C:2011:581), de celle mise en avant par le Conseil d’État témoignerait de ce que les solutions qui se dégagent de ces arrêts ne pourraient bénéficier d’une présomption de compatibilité avec le droit de l’Union.

103    La République française soutient que la Commission est restée en défaut de préciser les difficultés auxquelles le Conseil d’État aurait été confronté dans les espèces qui ont abouti aux arrêts visés par cette institution et qui auraient justifié un renvoi préjudiciel au titre de l’article 267, troisième alinéa, TFUE. Les seules difficultés auxquelles le Conseil d’État a été confronté auraient été, en réalité, des difficultés d’ordre factuel, et non des difficultés d’interprétation du droit de l’Union.

104    En tout état de cause, selon la République française, le Conseil d’État était fondé à considérer que les réponses aux questions qui lui avaient été soumises pouvaient clairement être déduites de la jurisprudence.

 Appréciation de la Cour

105    Il importe de souligner que le quatrième grief de la Commission est fondé sur la prémisse que le Conseil d’État, en tant que juridiction statuant en dernier ressort, ne pouvait procéder à l’interprétation du droit de l’Union, telle qu’elle découle de ses arrêts du 10 décembre 2012, Rhodia (FR:CESSR:2012:317074.20121210), et du 10 décembre 2012, Accor (FR:CESSR:2012:317075.20121210), sans avoir, au préalable, interrogé la Cour au moyen d’un renvoi préjudiciel.

106    À cet égard, il convient de rappeler, d’une part, que l’obligation des États membres de respecter les dispositions du traité FUE s’impose à toutes leurs autorités, y compris, dans le cadre de leurs compétences, aux autorités juridictionnelles.

107    Ainsi, un manquement d’un État membre peut être, en principe, constaté au titre de l’article 258 TFUE quel que soit l’organe de cet État dont l’action ou l’inaction est à l’origine du manquement, même s’il s’agit d’une institution constitutionnellement indépendante (arrêts du 9 décembre 2003, Commission/Italie, C‑129/00, EU:C:2003:656, point 29, et du 12 novembre 2009, Commission/Espagne, C‑154/08, non publié, EU:C:2009:695, point 125).

108    D’autre part, il y a encore lieu de rappeler que, dans la mesure où il n’existe aucun recours juridictionnel contre la décision d’une juridiction nationale, cette dernière est, en principe, tenue de saisir la Cour au sens de l’article 267, troisième alinéa, TFUE dès lors qu’une question relative à l’interprétation du traité FUE est soulevée devant elle (arrêt du 15 mars 2017, Aquino, C‑3/16, EU:C:2017:209, point 42).

109    La Cour a jugé que l’obligation de saisine prévue à cette disposition a notamment pour but de prévenir que s’établisse, dans un État membre quelconque, une jurisprudence nationale ne concordant pas avec les règles du droit de l’Union (arrêt du 15 mars 2017, Aquino, C‑3/16, EU:C:2017:209, point 33 et jurisprudence citée).

110    Certes, une telle obligation n’incombe pas à cette juridiction lorsque celle-ci constate que la question soulevée n’est pas pertinente ou que la disposition du droit de l’Union en cause a déjà fait l’objet d’une interprétation de la part de la Cour ou que l’application correcte du droit de l’Union s’impose avec une telle évidence qu’elle ne laisse place à aucun doute raisonnable, l’existence d’une telle éventualité devant être évaluée en fonction des caractéristiques propres au droit de l’Union, des difficultés particulières que présente son interprétation et du risque de divergences de jurisprudence à l’intérieur de l’Union (voir, en ce sens, arrêts du 6 octobre 1982, Cilfit e.a., 283/81, EU:C:1982:335, point 21 ; du 9 septembre 2015, Ferreira da Silva e Brito e.a., C‑160/14, EU:C:2015:565, points 38 et 39, ainsi que du 28 juillet 2016, Association France Nature Environnement, C‑379/15, EU:C:2016:603, point 50).

111    À cet égard, s’agissant de la question examinée dans le cadre du premier grief du présent recours en manquement, ainsi que l’a relevé M. l’avocat général au point 99 de ses conclusions, dans le silence de l’arrêt du 15 septembre 2011, Accor (C‑310/09, EU:C:2011:581), le Conseil d’État a choisi de s’écarter de l’arrêt du 13 novembre 2012, Test Claimants in the FII Group Litigation (C‑35/11, EU:C:2012:707), au motif que le régime britannique en cause était différent du régime français de l’avoir fiscal et du précompte, alors qu’il ne pouvait être certain que son raisonnement s’imposerait avec la même évidence à la Cour.

112    En outre, il découle de ce qui a été jugé aux points 29 à 46 du présent arrêt, dans le cadre de l’examen du premier grief soulevé par la Commission, que l’absence d’un renvoi préjudiciel de la part du Conseil d’État dans les affaires ayant donné lieu aux arrêts du 10 décembre 2012, Rhodia (FR:CESSR:2012:317074.20121210), et du 10 décembre 2012, Accor (FR:CESSR:2012:317075.20121210), a amené celui-ci à adopter, dans lesdits arrêts, une solution fondée sur une interprétation des dispositions des articles 49 et 63 TFUE qui est en contradiction avec celle retenue dans le présent arrêt, ce qui implique que l’existence d’un doute raisonnable quant à cette interprétation ne pouvait être exclue au moment où le Conseil d’État a statué.

113    Par conséquent, sans qu’il ne soit nécessaire d’analyser les autres arguments avancés par la Commission dans le cadre du présent grief, il y a lieu de constater qu’il incombait au Conseil d’État, en tant que juridiction dont les décisions ne sont pas susceptibles de faire l’objet d’un recours juridictionnel de droit interne, d’interroger la Cour sur le fondement de l’article 267, troisième alinéa, TFUE afin d’écarter le risque d’une interprétation erronée du droit de l’Union (voir, en ce sens, arrêt du 9 septembre 2015, Ferreira da Silva e Brito e.a., C‑160/14, EU:C:2015:565, point 44).

114    En conséquence, dès lors que le Conseil d’État a omis de saisir la Cour, selon la procédure prévue à l’article 267, troisième alinéa, TFUE, afin de déterminer s’il y avait lieu de refuser de prendre en compte, pour le calcul du remboursement du précompte mobilier acquitté par une société résidente au titre de la distribution de dividendes versés par une société non-résidente par l’intermédiaire d’une filiale non-résidente, l’imposition subie par cette seconde société sur les bénéfices sous-jacents à ces dividendes, alors même que l’interprétation qu’il a retenue des dispositions du droit de l’Union dans les arrêts du 10 décembre 2012, Rhodia (FR:CESSR:2012:317074.20121210), et du 10 décembre 2012, Accor (FR:CESSR:2012:317075.20121210), ne s’imposait pas avec une telle évidence qu’elle ne laissait place à aucun doute raisonnable, le quatrième grief doit être accueilli.

 Sur les dépens

115    Aux termes de l’article 138, paragraphe 1, du règlement de procédure de la Cour, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La Commission ayant conclu à la condamnation de la République française et celle-ci n’ayant succombé qu’en partie en ses moyens, il y a lieu de condamner chaque partie à supporter ses propres dépens.

Par ces motifs, la Cour (cinquième chambre) déclare et arrête :

1)      En refusant de prendre en compte, pour le calcul du remboursement du précompte mobilier acquitté par une société résidente au titre de la distribution de dividendes versés par une société non-résidente par l’intermédiaire d’une filiale non-résidente, l’imposition subie par cette seconde société sur les bénéfices sous-jacents à ces dividendes, alors même que le mécanisme national de prévention de la double imposition économique permet, dans le cas d’une chaîne de participation purement interne, de neutraliser l’imposition qu’ont subie les dividendes distribués par une société à chaque échelon de cette chaîne de participation, la République française a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des articles 49 et 63 TFUE.

2)      Le Conseil d’État (France) ayant omis de saisir la Cour de justice de l’Union européenne, selon la procédure prévue à l’article 267, troisième alinéa, TFUE, afin de déterminer s’il y avait lieu de refuser de prendre en compte pour le calcul du remboursement du précompte mobilier acquitté par une société résidente au titre de la distribution de dividendes versés par une société non-résidente par l’intermédiaire d’une filiale non-résidente, l’imposition subie par cette seconde société sur les bénéfices sous-jacents à ces dividendes, alors même que l’interprétation qu’il a retenue des dispositions du droit de l’Union dans les arrêts du 10 décembre 2012, Rhodia (FR:CESSR:2012:317074.20121210), et du 10 décembre 2012, Accor (FR:CESSR:2012:317075.20121210),ne s’imposait pas avec une telle évidence qu’elle ne laissait place à aucun doute raisonnable, la République française a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 267, troisième alinéa, TFUE.

3)      Le recours est rejeté pour le surplus.

4)      La Commission européenne et la République française supportent chacune leurs propres dépens.

Da Cruz Vilaça

Lenaerts

Levits

Berger

 

Biltgen

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 4 octobre 2018.

Le greffier

Le président de la Vème chambre

A. Calot Escobar

 

J. L. da Cruz Vilaça


*      Langue de procédure : le français.