Language of document : ECLI:EU:T:2018:648

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (huitième chambre)

4 octobre 2018 (*)

« Marque de l’Union européenne – Procédure d’opposition – Demande de marque de l’Union européenne verbale DEEP PURPLE – Marque antérieure non enregistrée DEEP PURPLE – Motif relatif de refus – Article 8, paragraphe 4, du règlement (CE) no 207/2009 [devenu article 8, paragraphe 4, du règlement (UE) 2017/1001] – Régime de l’action de common law en usurpation d’appellation (action for passing off) – Absence de risque de présentation trompeuse – Article 177, paragraphe 1, sous d), du règlement de procédure du Tribunal – Irrecevabilité »

Dans l’affaire T‑344/16,

Richard Hugh Blackmore, demeurant à New York, New York (États-Unis), représenté initialement par Mme A. Edwards-Stuart, puis par M. T. Alkin, barristers,

partie requérante,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par M. D. Gája et Mme D. Walicka, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO, intervenant devant le Tribunal, étant

Ian Paice, demeurant à Londres (Royaume-Uni), représenté par M. M. Engelman, barrister, et Mme J. Stephenson, solicitor,

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la cinquième chambre de recours de l’EUIPO du 21 mars 2016 (affaire R 736/2015-5), relative à une procédure d’opposition entre MM. Paice et Blackmore,

LE TRIBUNAL (huitième chambre),

composé de M. A. M. Collins (rapporteur), président, Mme M. Kancheva et M. R. Barents, juges,

greffier : M. I. Dragan, administrateur,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 27 juin 2016,

vu le mémoire en réponse de l’EUIPO déposé au greffe du Tribunal le 22 septembre 2016,

vu le mémoire en réponse de l’intervenant déposé au greffe du Tribunal le 18 octobre 2016,

à la suite de l’audience du 16 mars 2018,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 26 avril 2013, le requérant, M. Richard Hugh Blackmore, a présenté une demande d’enregistrement de marque de l’Union européenne à l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), en vertu du règlement (CE) no 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque de l’Union européenne (JO 2009, L 78, p. 1), tel que modifié [remplacé par le règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p. 1)].

2        La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe verbal DEEP PURPLE. Deep Purple est le nom d’un groupe musical de rock du Royaume-Uni formé en 1968 par, notamment, l’intervenant, M. Ian Paice, et le requérant, rejoints ultérieurement par d’autres membres. Bien que le requérant ait quitté le groupe en 1993, l’intervenant et d’autres membres ont maintenu celui-ci et continuent de se produire en concert et d’enregistrer de nouveaux albums sous le nom Deep Purple.

3        Les produits et services pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent des classes 9, 25 et 41 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent, pour chacune de ces classes, à la description suivante :

–        classe 9 : « Enregistrements audio/vidéo de spectacles musicaux ; disques acoustiques ; enregistrements musicaux, y compris versions téléchargeables et sur supports physiques ; fichiers de musique téléchargeables ; musique numérique (téléchargeable) mise à disposition sur l’internet ; musique numérique (téléchargeable) fournie à partir de sites web mp3 sur internet ; tapis de souris ; enregistrements sonores ; enregistrements vidéo ; supports enregistrés, matériel informatique et micrologiciels ; publications électroniques téléchargeables ; musique numérique ; tapis de souris ; mobiles et accessoires ; lunettes de soleil ; enregistrements audio contenant de la musique ; enregistrements vidéo contenant de la musique ; bandes audio contenant de la musique ; dvd de musique ; disques compacts contenant de la musique ; musique numérique téléchargeable fournie à partir de l’internet ; fichiers mp3, enregistrements mp3, webémissions et balados téléchargeables contenant de la musique ; enregistrements vidéo téléchargeables contenant de la musique et des divertissements ; disques acoustiques contenant de la musique ; cassettes vidéo préenregistrées contenant de la musique ; films cinématographiques ; dessins animés ; bandes de film (pour projection) ; films ; enregistrements magnétiques ; enregistrements optiques ; livres et publications électroniques ; jeux informatiques ; logiciels de jeux interactifs, de téléphones mobiles et de dispositifs portables ; enregistrements numériques ; supports contenant ou destinés à l’enregistrement de sons et/ou d’images vidéo et/ou de données et/ou d’informations ; jeux numériques, jeux de téléphones mobiles ; jeux sur dvd ; enregistrements radio, télévisés, par câble et satellite ; sons, images, données, logiciels interactifs et enregistrements multimédias, y compris enregistrements électroniques, magnétiques ou optiques ; publications sous format électronique, magnétique ou optique ; supports de stockage sonores et vidéo numériques préenregistrés ; disques compacts ; cd-rom ; mini-disques ; bandes audionumériques, cassettes, puces informatiques et disques ; bandes vidéo numériques, cassettes, puces informatiques et disques ; logiciels informatiques et programmes informatiques ; disques compacts, disques phonographiques, bandes audio et vidéo préenregistrées ; programmes informatiques ; jeux informatiques ; disques compacts et disques phonographiques préenregistrés » ;

–        classe 25 : « Vêtements, chaussures, chapellerie ; chemises en piqué ; polos ; maillots de rugby ; chemises ; chemises de sport ; sweat-shirts ; t-shirts ; casquettes de baseball ; casquettes de golf ; casquettes tricotées ; bonnets de douche ; vestes, manteaux, pantalons pour hommes et dames ; vestes de pluie ; imperméables ; vestes d’échauffement ; vestes de stades ; vestes coupe-vent » ;

–        classe 41 : « Services de divertissement ; spectacles de groupes musicaux ; services d’édition ; divertissement sous forme de représentations visuelles et audio, à savoir un orchestre musical, un groupe de rock ; divertissement, à savoir représentations en direct par des groupes ; services de divertissement, à savoir fourniture de musique préenregistrée non téléchargeable, d’informations dans le domaine de la musique, et de commentaires et d’articles sur la musique, tous en ligne via un réseau informatique mondial ; divertissement, à savoir concerts musicaux en direct ; fourniture d’informations relatives à la musique ; services de divertissement sous forme de spectacles en direct ; divertissement, à savoir concerts en direct ; présentation de spectacles en direct ; fourniture d’informations relatives au divertissement en direct ; fourniture de divertissement par le biais de la radio, de la télévision, du satellite, du câble, du téléphone, du web et de l’internet ; location d’enregistrements sonores et de spectacles, de films, de représentations radiophoniques et télévisées préenregistrées ; divertissement télévisé ; services de production et de distribution d’enregistrements sonores, de films et de vidéos ; musique numérique fournie à partir de l’internet (non téléchargeable) et/ou de sites web se trouvant sur l’internet ; fourniture de publications électroniques en ligne [sans possibilité de téléchargement] ; publication de livres, magazines et autres textes en ligne ; services de divertissement, interactif ou non ; services de production et de distribution de sons, images, données, logiciels interactifs et produits multimédias, sous forme électronique, magnétique, optique ou autre ; services d’édition, y compris fourniture de publications électroniques en ligne ; édition musicale ; informations fournies en ligne à partir d’une base de données informatique ou d’internet et relatives aux services de divertissement ; infrastructures de studios, services d’édition musicale, présentation de spectacles musicaux en direct ; production de comédies musicales, de concerts et de films ; production musicale ; services de composition musicale ».

4        La demande de marque de l’Union européenne a été publiée au Bulletin des marques communautaires no 108/2013, du 11 juin 2013.

5        Le 6 septembre 2013, l’intervenant a formé opposition, au titre de l’article 41 du règlement no 207/2009 (devenu article 46 du règlement 2017/1001), à l’enregistrement de la marque demandée en se fondant sur la marque antérieure non enregistrée Deep Purple. Cette dernière concernait les produits et services suivants :

–        enregistrements audio/visuels de spectacles musicaux, enregistrements musicaux, téléchargements numériques musicaux, DVD, CD, cassettes, bandes vidéo, programmes ;

–        services de divertissement, spectacles de groupes musicaux, divertissement sous forme de représentations visuelles et audio ; spectacles musicaux en direct, divertissement retransmis sous format analogique et numérique ;

–        porte-clés, cartes à jouer ;

–        affiches, carnets de billets, brochures commerciales, livres, cartes, photographies, autocollants, livres, flyers, autocollants pour voitures, cartes postales, autocollants pour pare-chocs, livres, cartes, photographies, autocollants, livres, flyers, autocollants pour voitures ;

–        plectres de guitare, baguettes de tambour ;

–        boutons, T-shirts, pièces de renfort pour vêtements, badges, épingles, casquettes, tapisseries en soie, pièces de renfort pour vêtements, badges, brassards en cuir, bandanas ; et

–        toupies, cartes à collectionner, flippers, cartes à jouer.

6        L’opposition était dirigée contre tous les produits et services visés par la marque demandée. Le motif invoqué à l’appui de l’opposition était celui visé à l’article 8, paragraphe 4, du règlement no 207/2009 (devenu article 8, paragraphe 4, du règlement 2017/1001). L’intervenant faisait valoir, en substance, qu’il pouvait, en vertu du droit applicable au Royaume-Uni, empêcher l’usage de la marque demandée au moyen de l’action en usurpation d’appellation.

7        À la suite de la présentation de l’acte d’opposition, l’EUIPO a informé l’intervenant que celui-ci devait justifier le droit antérieur sur lequel l’opposition était fondée. Le délai imparti à cet effet expirait le 2 février 2014.

8        Le 9 septembre 2013, l’EUIPO a reçu des observations de la part de l’intervenant décrivant l’histoire du groupe Deep Purple et fournissant des éléments de preuve. L’intervenant n’a pas présenté d’autres documents dans le délai imparti. Le 2 juin 2014, le requérant a déposé des observations détaillées et des éléments de preuve. Le 5 novembre 2014, en réponse à ces observations et éléments de preuve, l’intervenant a soumis des éléments de preuve supplémentaires.

9        La division d’opposition n’a toutefois pas pris en considération les éléments de preuve présentés par l’intervenant le 5 novembre 2014 au motif que ceux-ci avaient été déposés après le délai imparti.

10      Le 17 février 2015, la division d’opposition a partiellement fait droit à l’opposition. Elle a ainsi refusé l’enregistrement de la marque demandée pour une partie des produits compris dans la classe 9 et pour tous les services compris dans la classe 41. En revanche, elle a accueilli la demande d’enregistrement pour les produits relevant de la classe 25 ainsi que pour certains produits relevant de la classe 9, à savoir les « tapis de souris ; mobiles et accessoires ; lunettes de soleil ; matériel informatique ; puces informatiques et disques, logiciels interactifs et micrologiciels ; jeux informatiques ; logiciels de jeux interactifs, de téléphones mobiles et de dispositifs portables ; jeux numériques, jeux de téléphones mobiles ; jeux sur DVD ; logiciels informatiques et programmes informatiques ».

11      Le 13 avril 2015, l’intervenant a formé un recours auprès de l’EUIPO, au titre des articles 58 à 64 du règlement no 207/2009 (devenus articles 66 à 71 du règlement 2017/1001), contre la décision de la division d’opposition, en ce qu’elle permettait l’enregistrement de la marque demandée pour les produits relevant de la classe 9, tels que décrits au point 10 ci-dessus, ainsi que pour ceux relevant de la classe 25.

12      Par décision du 21 mars 2016 (ci-après la « décision attaquée »), la cinquième chambre de recours de l’EUIPO a rejeté le recours de l’intervenant pour les produits suivants, relevant de la classe 9 : « Matériel informatique ; puces informatiques et disques, logiciels interactifs et micrologiciels ; jeux informatiques ; logiciels de jeux interactifs, de téléphones mobiles et de dispositifs portables ; jeux numériques, jeux de téléphones mobiles ; jeux sur DVD ; logiciels informatiques et programmes informatiques ». 

13      Toutefois, elle a accueilli le recours pour les produits suivants, lesquels seraient, dès lors, refusés à l’enregistrement :

–        classe 9 : « Tapis de souris ; lunettes de soleil ; mobiles et accessoires » ;

–        classe 25 : « Vêtements, chaussures, chapellerie ; chemises en piqué ; polos ; maillots de rugby ; chemises ; chemises de sport ; sweat-shirts ; T-shirts ; casquettes de baseball ; casquettes de golf ; casquettes tricotées ; bonnets de douche ; vestes, manteaux, pantalons pour hommes et dames ; vestes de pluie ; imperméables ; vestes d’échauffement ; vestes de stades ; vestes coupe-vent » (ci-après les « produits en cause »).

14      Au point 25 de la décision attaquée, la chambre de recours a relevé que le recours en cause était étroitement lié à celui ayant donné lieu à la décision R 880/2015-5 de la cinquième chambre de recours, également du 21 mars 2016 (ci-après la « décision R 880 »). Dans cette dernière décision, la chambre de recours s’est prononcée sur la question de l’application de l’article 8, paragraphe 4, du règlement no 207/2009 et de la loi du Royaume-Uni sur le délit d’usurpation d’appellation. Partant, elle a estimé qu’il n’était pas nécessaire d’examiner de nouveau cette question dans le cadre du recours en cause et elle a repris les conclusions énoncées dans la décision R 880, notamment celle selon laquelle, après la démission du requérant du groupe en 1993, l’intervenant et les autres membres actuels et successifs de Deep Purple avaient généré un « goodwill » (force d’attraction de la clientèle) significatif sous le nom Deep Purple et l’enregistrement de la marque demandée pourrait être empêché par l’intervenant en vertu de la loi sur le délit d’usurpation d’appellation.

15      Aux points 29 à 40 de la décision attaquée, la chambre de recours a analysé la question de savoir si la protection conférée par le « goodwill » déjà établi s’étendait aux produits énumérés aux points 12 et 13 ci-dessus.

16      En premier lieu, la chambre de recours a constaté que les éléments de preuve démontraient que la vente d’articles d’habillement était une source de revenus importante pour l’intervenant au cours de la période indiquée et que le « merchandising » constituait une part essentielle de l’activité d’un groupe en tournée. Elle a ajouté qu’il pouvait raisonnablement être affirmé que la vente d’articles d’habillement comme « merchandising » relevait du domaine de ce qui était notoirement connu. Partant, elle a décidé que la vente sous le nom Deep Purple de produits compris dans la classe 25 pourrait être interdite en vertu de la loi sur le délit d’usurpation d’appellation et que le risque qu’un préjudice soit porté au « goodwill » de l’intervenant était plausible en raison d’un détournement d’activité. Par ailleurs, étant donné qu’il était notoire que nombre d’articles compris dans la classe 9 étaient couramment décorés d’images commerciales ou personnelles, et au vu du « goodwill » rattaché au nom Deep Purple et du rôle des articles de « merchandising », qui remplissent la fonction d’un témoignage de fidélité ou qui représentent un souvenir pour les fans, la chambre de recours a décidé qu’il y aurait présentation trompeuse et préjudice pour ledit « goodwill » si le requérant commercialisait sous le nom de Deep Purple les « tapis de souris ; mobiles et accessoires ». Enfin, concernant les lunettes de soleil, la chambre de recours a estimé qu’elles étaient suffisamment associées aux articles d’habillement pour pouvoir également être considérées comme présentant un risque de présentation trompeuse (points 34 à 37 de la décision attaquée).

17      En second lieu, concernant le « matériel informatique [et les] puces informatiques et disques, logiciels interactifs et micrologiciels ; jeux informatiques ; logiciels de jeux interactifs, de téléphones mobiles et de dispositifs portables ; jeux numériques, jeux de téléphones mobiles ; jeux sur DVD ; logiciels informatiques et programmes informatiques », compris dans la classe 9, la chambre de recours a constaté qu’aucune preuve de leur commercialisation par le groupe n’avait été présentée. Elle a également indiqué que ces articles relevaient d’une catégorie de produits qui n’étaient pas associés au « merchandising » dans l’industrie de la musique en général et à Deep Purple en particulier. Compte tenu de ces considérations, la chambre de recours n’était pas prête à étendre la correction qu’elle avait apportée à la décision de la division d’opposition à ces produits (points 37 à 40 de la décision attaquée).

18      Aux points 14 à 28 de la décision attaquée, la chambre de recours s’est prononcée sur la recevabilité des éléments de preuve tardifs, à savoir ceux présentés après le 2 février 2014. Elle a décidé que tant les éléments de preuve déposés par l’intervenant dans le cadre de son recours devant la chambre de recours que ceux qu’il avait déposés le 5 novembre 2014 en première instance étaient recevables. Étant donné que les circonstances du recours en cause ne différaient en rien de celles du recours ayant donné lieu à la décision R 880, elle ne voyait aucune objection à l’admission des pièces du 5 novembre 2014, sur la même base, dans le recours en cause (point 26 de la décision attaquée).

 Conclusions des parties

19      Le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner l’EUIPO aux dépens.

20      L’EUIPO et l’intervenant concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner le requérant aux dépens.

 En droit

21      À l’appui de son recours, le requérant invoque quatre moyens. Par le premier moyen, il fait valoir que c’est à tort que la chambre de recours a admis les éléments de preuve déposés par l’intervenant après le délai du 2 février 2014. Par le deuxième moyen, il soutient que la chambre de recours a erronément conclu que l’existence d’un « goodwill » associé au nom Deep Purple avait été démontrée à suffisance de droit. Par le troisième moyen, il prétend que la chambre de recours a erronément conclu que l’intervenant avait suffisamment prouvé son droit à une part dudit « goodwill ». Par le quatrième moyen, il affirme que la chambre de recours a erronément refusé l’enregistrement de la marque demandée pour les produits en cause.

 Observations liminaires

22      En vertu de l’article 8, paragraphe 4, du règlement no 207/2009, le titulaire d’une marque non enregistrée peut s’opposer à l’enregistrement d’une marque de l’Union européenne si cette marque non enregistrée remplit quatre conditions. La marque non enregistrée doit être utilisée dans la vie des affaires ; elle doit avoir une portée qui n’est pas seulement locale ; le droit à cette marque doit avoir été acquis conformément au droit de l’État membre où la marque était utilisée avant la date de dépôt de la demande de marque de l’Union européenne ; enfin, cette marque doit donner à son titulaire le droit d’interdire l’utilisation d’une marque plus récente.

23      Ces conditions sont cumulatives, de sorte que, lorsqu’une marque ne remplit pas l’une de ces conditions, l’opposition fondée sur l’existence d’une marque non enregistrée utilisée dans la vie des affaires, au sens de l’article 8, paragraphe 4, du règlement no 207/2009, ne peut aboutir [arrêt du 30 juin 2009, Danjaq/OHMI – Mission Productions (Dr. No), T‑435/05, EU:T:2009:226, point 35].

24      Ainsi, l’intervenant doit démontrer que le signe en cause entre dans le champ d’application du droit de l’État membre invoqué et qu’il permettrait d’interdire l’utilisation d’une marque plus récente [voir, en ce sens, arrêt du 12 juin 2007, Budějovický Budvar/OHMI – Anheuser-Busch (BUDWEISER), T‑53/04 à T‑56/04, T‑58/04 et T‑59/04, non publié, EU:T:2007:167, point 74].

25      En l’espèce, les moyens invoqués par le requérant portent sur le droit de l’État membre applicable à la marque antérieure, à savoir le Trade Marks Act 1994 (loi du Royaume-Uni sur les marques), dont l’article 5, paragraphe 4, dispose :

« Une marque ne peut être enregistrée si, ou dans la mesure où, son usage au Royaume-Uni est susceptible d’être empêché : a) en raison de toute règle de droit [notamment en vertu du droit relatif à l’usurpation d’appellation] protégeant une marque non enregistrée ou tout autre signe utilisé dans la vie des affaires […] »

26      Il résulte de l’article 5, paragraphe 4, de la loi du Royaume-Uni sur les marques, tel qu’interprété par les juridictions nationales, que, en l’espèce, l’intervenant doit rapporter la preuve que, conformément au régime juridique de l’action en usurpation d’appellation prévue par le droit du Royaume-Uni, les trois conditions ci-après sont satisfaites [voir, en ce sens, arrêt du 11 juin 2009, Last Minute Network/OHMI – Last Minute Tour (LAST MINUTE TOUR), T‑114/07 et T‑115/07, EU:T:2009:196, point 49 et jurisprudence citée].

27      En premier lieu, les produits ou services offerts par l’intervenant bénéficiaient, dans l’esprit du public pertinent, d’un « goodwill » associé à leur présentation. Ce « goodwill » doit être démontré à la date à laquelle le défendeur à l’action en usurpation d’appellation a commencé à offrir ses produits ou services. L’article 8, paragraphe 4, du règlement no 207/2009 impose toutefois de se placer non à cette date, mais à celle du dépôt de la demande de marque de l’Union européenne, puisqu’il exige de l’intervenant qu’il ait acquis des droits sur sa marque nationale non enregistrée avant la date dudit dépôt, soit, en l’espèce, le 26 avril 2013 (voir, en ce sens, arrêt du 11 juin 2009, LAST MINUTE TOUR, T‑114/07 et T‑115/07, EU:T:2009:196, points 50 et 51 et jurisprudence citée).

28      En deuxième lieu, l’offre au Royaume-Uni, sous le signe Deep Purple, de produits et services identiques à ceux de l’intervenant et de produits et services complémentaires aurait constitué, au 26 avril 2013, une présentation trompeuse, c’est-à-dire susceptible d’amener le public pertinent à attribuer à l’intervenant l’origine commerciale de ces produits et services (voir, en ce sens, arrêt du 11 juin 2009, LAST MINUTE TOUR, T‑114/07 et T‑115/07, EU:T:2009:196, point 52).

29      En troisième lieu, l’intervenant serait, de ce fait, susceptible de subir un préjudice commercial (voir, en ce sens, arrêt du 11 juin 2009, LAST MINUTE TOUR, T‑114/07 et T‑115/07, EU:T:2009:196, point 53).

30      En l’espèce, le deuxième moyen, tiré de ce que la chambre de recours a erronément conclu que l’existence d’un « goodwill » associé au nom Deep Purple avait été suffisamment démontrée, concerne la première des trois conditions constitutives du délit d’usurpation d’appellation, à savoir celle relative au « goodwill ». Le quatrième moyen, tiré de ce que la chambre de recours a erronément refusé l’enregistrement de la marque demandée pour les produits en cause, concerne principalement la deuxième des trois conditions constitutives du délit d’usurpation d’appellation, à savoir celle relative à la présentation trompeuse.

 Sur le deuxième moyen, tiré de ce que l’existence du « goodwill » n’a pas été suffisamment prouvée

31      Il convient de considérer d’abord le deuxième moyen, lequel se divise en deux branches. Par la première branche, le requérant fait valoir que c’est à tort que la chambre de recours a conclu que le « goodwill » associé au nom Deep Purple avait été suffisamment démontré par les éléments de preuve présentés par l’intervenant le 9 septembre 2013. Par la seconde branche, il soutient que, même à supposer que les éléments de preuve présentés par l’intervenant hors délai soient recevables, ils seraient dépourvus de valeur probante et ne suffiraient pas pour démontrer le « goodwill » associé au nom Deep Purple.

32      S’agissant de la première branche, qui concerne les annexes 3, 4 et 5 de la lettre de l’intervenant du 9 septembre 2013, le requérant invoque les arguments ci-après.

33      Le requérant relève que l’annexe 3 contient une sélection d’articles de presse parus au Royaume-Uni, dont un seul a été publié avant la date de la demande d’enregistrement de la marque demandée. En outre, ces articles ne feraient référence qu’à des concerts qui, généralement, ont eu lieu après cette date. Étant donné que la législation en matière d’usurpation d’appellation impose à l’intervenant d’établir que le « goodwill » existait avant la date de la demande d’enregistrement de la marque demandée, la valeur probante de tout élément de preuve ultérieur à cette date, et qui ne démontre qu’une activité commerciale au Royaume-Uni après cette date, est limitée, voire nulle.

34      Le requérant expose que l’annexe 4 contient un tableau indiquant les ventes de billets pour divers concerts du groupe Deep Purple en Europe entre 2003 et 2013. Toutefois, ce tableau ne serait corroboré ni par une déclaration signée et assermentée, ni par des reçus de vente. De plus, la grande majorité des ventes de billets présentées dans cette annexe serait relative à des concerts qui ont eu lieu hors du Royaume-Uni, ce qui ne serait pas pertinent pour établir l’existence d’un « goodwill ».

35      En ce qui concerne l’annexe 5, qui contient 19 pochettes d’albums de Deep Purple, couvrant la période de 1968 à 2013, le requérant estime qu’elle ne prouve pas une quelconque activité commerciale au Royaume-Uni, en ce qu’elle n’est corroborée ni par une indication quant au volume des ventes réalisé au Royaume-Uni, ni par des reçus de ventes.

36      L’EUIPO et l’intervenant contestent cette argumentation.

37      Tout d’abord, il convient de relever que, en réponse à une question posée par le Tribunal lors de l’audience, le requérant a précisé qu’il contestait la décision attaquée dans la mesure où, en son point 25, celle-ci reprenait les conclusions énoncées dans la décision R 880 (voir point 14 ci-dessus).

38      Ensuite, il convient de souligner que les juridictions du Royaume-Uni ont beaucoup de réticence à juger qu’une entreprise puisse avoir des clients mais pas de « goodwill » [Wadlow, C., The law of passing-off, Sweet and Maxwell, London, 2004, point 3.11, cité dans l’arrêt du 9 décembre 2010, Tresplain Investments/OHMI – Hoo Hing (Golden Elephant Brand), T‑303/08, EU:T:2010:505, point 115, et Wadlow, C., The law of passing-off, Sweet and Maxwell, London, 2016, points 3-12 et 3-13].

39      En outre, l’existence d’un « goodwill » est en principe établie en apportant notamment la preuve d’activités commerciales et publicitaires et de comptes clients. La preuve d’activités commerciales sérieuses débouchant sur l’acquisition d’une réputation et le développement d’une clientèle serait généralement suffisante pour établir un « goodwill » (arrêt du 9 décembre 2010, Golden Elephant Brand, T‑303/08, EU:T:2010:505, point 102).

40      Enfin, il convient de rappeler que la chambre de recours est tenue de procéder à une appréciation globale de l’ensemble des éléments de preuve fourni devant l’EUIPO. En effet, il ne peut être exclu qu’un faisceau d’éléments de preuve permette d’établir les faits à démontrer, alors même que chacun de ces éléments, pris isolément, serait impuissant à rapporter la preuve de l’exactitude de ces faits (voir arrêt du 9 décembre 2010, Golden Elephant Brand, T‑303/08, EU:T:2010:505, point 106 et jurisprudence citée).

41      C’est à la lumière des considérations énoncées ci-dessus qu’il convient d’examiner les arguments du requérant.

42      Premièrement, il convient de constater que les articles de presse publiés en 2013 et contenus dans l’annexe 3, indépendamment de leur date de publication, démontrent la présence active et continue du groupe Deep Purple au Royaume-Uni au cours de la période ayant précédé la date de la demande d’enregistrement de la marque demandée. L’argument invoqué par le requérant lors de l’audience, selon lequel ces articles témoignent du retour du groupe après une absence prolongée, n’est pas convaincant au vu des éléments de preuve démontrant la vente de billets de concert durant la période allant de 2003 à 2013 (voir point 43 ci-après). L’argument du requérant, également soulevé lors de l’audience, tiré de ce que l’intervenant a omis d’indiquer les chiffres de tirages des publications en cause ne saurait davantage prospérer, deux des articles en cause ayant été publiés dans des journaux quotidiens nationaux.

43      Deuxièmement, il y a lieu de constater que l’annexe 4, à savoir la liste de concerts donnés par le groupe Deep Purple, démontre l’activité commerciale de ce groupe au Royaume-Uni au cours de la période ayant précédé la date de la demande d’enregistrement de la marque demandée. Bien que cette liste fasse état d’une majorité de concerts tenus hors du Royaume-Uni, elle mentionne également de nombreux concerts et ventes de billets dans ce pays entre 2003 et octobre 2013, à savoir 4 concerts en 2003, 7 en 2004, 2 en 2006, 6 en 2007, 1 en 2008, 5 en 2009, 4 en 2011 et 5 en 2013. Ce constat ne saurait être remis en cause par l’allégation du requérant, invoquée lors de l’audience, selon laquelle cet élément de preuve manque en valeur probante en ce qu’il n’indique pas si Deep Purple était l’attraction principale ou un groupe de première partie puisque le requérant n’a apporté aucun élément de preuve à l’appui de cet argument.

44      Troisièmement, il y a lieu de considérer que l’annexe 5, à savoir la liste de 19 albums enregistrés, sortis entre 1968 et 2013, démontre également une activité commerciale au Royaume-Uni à la date de la demande d’enregistrement de la marque demandée. L’argument du requérant selon lequel ces albums n’ont pas été vendus dans ce pays n’est pas plausible eu égard à la renommée du groupe dans ce pays, dont témoignent les articles de presse, et au fait que l’un d’entre eux fait référence à la vente de 100 millions d’albums.

45      Quatrièmement, ne saurait être accueilli l’argument du requérant selon lequel les éléments de preuve figurant aux annexes 4 et 5 sont dépourvus de valeur probante au motif que l’intervenant n’a présenté aucune preuve concordante telle que des factures, des reçus de vente, des échantillons de billets ou de la publicité pour les concerts. En effet, ainsi que cela est constaté à juste titre au point 29 de la décision R 880, les articles de presse sont une preuve indépendante démontrant que Deep Purple est un groupe du Royaume-Uni qui a connu une popularité importante, au moins sur ce territoire.

46      Il convient également d’écarter l’allégation du requérant selon laquelle l’annexe 4 est dépourvue de valeur probante en ce qu’elle n’est corroborée par aucune déclaration signée et assermentée. Étant donné qu’il incombait à la chambre de recours d’apprécier les éléments de preuve globalement et que les articles de presse sont une preuve indépendante, le requérant n’a pas démontré comment l’absence d’une telle déclaration pourrait annuler la valeur que la chambre de recours a accordée aux éléments de preuve appréciés de manière globale.

47      Enfin, il convient de constater, à l’instar de l’EUIPO, qu’il ressort du point 30 de la décision R 880 que les éléments de preuve présentés le 9 septembre 2013 ont été corroborés par les éléments de preuve produits par le requérant lui-même le 2 juin 2014, dont ce dernier ne conteste pas la recevabilité.

48      Partant, il y a lieu de rejeter la première branche de ce moyen, tirée de ce que la chambre de recours a erronément conclu que le « goodwill » associé au nom Deep Purple avait été suffisamment démontré par les éléments de preuve présentés par l’intervenant le 9 septembre 2013.

49      Dans ces conditions, la seconde branche de ce moyen, relative aux éléments de preuve présentés hors délai, doit être rejetée comme inopérante, dès lors que, même sans tenir compte des éléments de preuve présentés hors délai, la preuve du « goodwill » a été rapportée.

 Sur le premier moyen, tiré de ce que la chambre de recours a erronément tenu compte des éléments de preuve présentés hors délai

50      Au vu des considérations développées dans le cadre de l’appréciation du deuxième moyen et, notamment, du rejet de sa première branche, tirée de ce que la chambre de recours a erronément conclu que le « goodwill » associé au nom Deep Purple avait été suffisamment démontré par les éléments de preuve présentés par l’intervenant en temps utile, il convient également de rejeter comme inopérant le premier moyen, tiré de ce que la chambre de recours a erronément tenu compte des éléments de preuve présentés hors délai, notamment ceux présentés le 5 novembre 2014.

51      Il convient, néanmoins, de relever que, dans sa requête, le requérant avait affirmé que la chambre de recours était dépourvue de tout pouvoir d’appréciation aux fins de la prise en compte éventuelle des preuves présentées hors délai. Lors de l’audience, il a reconnu qu’elle disposait d’un tel pouvoir d’appréciation, mais a relevé plutôt que la chambre de recours avait commis une erreur dans l’exercice de ce pouvoir en ce qu’elle n’avait pas considéré que l’intervenant avait pu présenter les éléments de preuve en cause en temps utile.

52      Il convient de constater que le règlement no 207/2009 prévoit expressément que la chambre de recours dispose, lors de l’examen d’un recours dirigé contre une décision d’une division d’opposition, du pouvoir d’appréciation découlant de la règle 50, paragraphe 1, troisième alinéa, du règlement (CE) no 2868/95 de la Commission, du 13 décembre 1995, portant modalités d’application du règlement (CE) no 40/94 du Conseil sur la marque communautaire (JO 1995, L 303, p. 1), et de l’article 76, paragraphe 2, du règlement no 207/2009 (devenu article 95, paragraphe 2, du règlement 2017/1001), à l’effet de décider s’il y a lieu ou non de prendre en compte des faits et des preuves nouveaux ou supplémentaires qui n’ont pas été présentés dans les délais fixés ou précisés par la division d’opposition (arrêt du 3 octobre 2013, Rintisch/OHMI, C‑122/12 P, EU:C:2013:628, point 33).

53      Par ailleurs, il est d’une jurisprudence constante que, lorsque des éléments de preuve ont été produits dans le délai imparti par l’EUIPO, la production de preuves supplémentaires demeure possible (voir arrêt du 21 juillet 2016, EUIPO/Grau Ferrer, C‑597/14 P, EU:C:2016:579, points 23 à 26 et jurisprudence citée). En l’espèce, l’intervenant a déposé des éléments de preuve dans le délai imparti ; partant, les éléments de preuve dont la recevabilité est contestée sont des éléments supplémentaires susceptibles d’être pris en considération.

54      Dès lors, il y a lieu de déterminer si la chambre de recours a correctement appliqué les critères d’acceptation des preuves supplémentaires. À cet égard, il convient de rappeler que la prise en compte de tels éléments est susceptible de se justifier lorsque, d’une part, les éléments tardivement produits sont de prime abord susceptibles de revêtir une réelle pertinence en ce qui concerne le sort de la demande formée devant elle et, d’autre part, le stade de la procédure auquel intervient cette production tardive et les circonstances qui l’entourent ne s’y opposent pas (arrêt du 13 mars 2007, OHMI/Kaul, C‑29/05 P, EU:C:2007:162, point 44).

55      En l’espèce, il ressort de la décision attaquée que c’est à bon droit que la chambre du recours a constaté, au point 32 de la décision R 880 et au point 26 de la décision attaquée, que lesdits éléments de preuve revêtaient une réelle pertinence en ce qui concerne le sort de l’opposition. Par ailleurs, il convient de relever que le requérant n’a pas démontré que le stade de leur production et les circonstances qui l’entouraient s’opposaient à leur prise en compte. À cet égard, il convient d’observer qu’il est constant entre les parties que le requérant a eu la possibilité de commenter les nouveaux éléments de preuve. Enfin, contrairement à ce qu’affirme le requérant, la chambre de recours n’était pas obligée de considérer si l’intervenant aurait pu présenter les éléments de preuve en cause dans le délai imparti, cela relevant de son pouvoir d’appréciation.

56      C’est dans toutes ces circonstances qu’il convient de rejeter le premier moyen tant comme non fondé qu’inopérant.

 Sur le troisième moyen, tiré de l’insuffisance des éléments de preuve relatifs à la part de « goodwill » de l’intervenant

57      Dans sa requête, le requérant prétend qu’il ne suffit pas, pour établir le droit de l’intervenant à une part dans le « goodwill », d’affirmer qu’il en a la propriété. Il lui incombe de démontrer que la marque Deep Purple le caractérise. Pour pouvoir accueillir cette allégation, il faudrait que l’intervenant démontre l’avantage économique qu’il tire précisément de l’exploitation de ce « goodwill » au Royaume-Uni. Aucun des éléments de preuve produits en temps utile ne prouve l’existence d’un lien entre l’intervenant et le « goodwill » généré par la marque antérieure. Partant, ce serait à tort que la chambre de recours aurait accepté que l’intervenant eût droit à au moins une partie du « goodwill ».

58      Lors de l’audience, le requérant a reformulé le présent moyen, en indiquant qu’il n’affirmait plus qu’il incombait à l’intervenant de démontrer que la marque Deep Purple le caractérisait, ni qu’il avait lui-même tiré un avantage économique de l’exploitation de ce « goodwill ». En revanche, il estimait que les éléments de preuve dont disposait la chambre de recours pour démontrer que le groupe Deep Purple avait droit à l’avantage économique tiré du « goodwill » étaient insuffisants. Il a également expliqué qu’il s’appuyait sur la décision de Geoffrey Hobbs QC, Intellectual Property Office, du 23 février 2010, Williams and Williams v Canaries Seaschool SLU (Club Sail Trade Marks) [2010] R.P.C. 32, laquelle était annexée aux observations que l’EUIPO avait reçues de la part de l’intervenant le 9 septembre 2013.

59      Il convient de relever que, en vertu de l’article 21, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, applicable à la procédure devant le Tribunal conformément à l’article 53, premier alinéa, du même statut, et de l’article 177, paragraphe 1, sous d), du règlement de procédure du Tribunal, la requête doit, notamment, contenir un exposé sommaire des moyens invoqués. Elle doit, de ce fait, expliciter en quoi consiste le moyen sur lequel le recours est fondé, de sorte que sa seule énonciation abstraite ne répond pas aux exigences du statut de la Cour de justice de l’Union européenne et du règlement de procédure. De plus, cet exposé, même sommaire, doit être suffisamment clair et précis pour permettre à la partie défenderesse de préparer sa défense et au Tribunal de statuer sur le recours, le cas échéant, sans autres informations à l’appui. La sécurité juridique et une bonne administration de la justice exigent, pour qu’un recours ou, plus spécifiquement, un moyen du recours soient recevables, que les éléments essentiels de fait et de droit sur lesquels ceux-ci se fondent ressortent de façon cohérente et compréhensible du texte même de la requête (voir, en ce sens, arrêt du 15 septembre 2016, TAO-AFI et SFIE-PE/Parlement et Conseil, T‑456/14, EU:T:2016:493, point 149).

60      Ainsi, le Tribunal est tenu de rejeter comme irrecevable un chef de conclusions de la requête qui lui est présentée, dès lors que les éléments essentiels de fait et de droit sur lesquels ce chef de conclusions est fondé ne ressortent pas d’une façon cohérente et compréhensible du texte de cette requête elle-même. L’absence de tels éléments dans la requête ne peut être palliée par leur présentation lors de l’audience [voir, en ce sens, arrêts du 18 juillet 2006, Rossi/OHMI, C‑214/05 P, EU:C:2006:494, point 37, et du 12 novembre 2015, CEDC International/OHMI – Fabryka Wódek Polmos Łańcut (WISENT VODKA), T‑450/13, non publié, EU:T:2015:841, point 17].

61      Il convient de constater que la manière dont le présent moyen est énoncé dans la requête est abstraite et lacunaire. Le requérant n’a notamment précisé ni sur quelle jurisprudence il s’appuyait ni en quoi les éléments de preuve étaient insuffisants. En outre, lors de l’audience, le requérant a partiellement retiré et a reformulé ce moyen. L’argumentation relative à ce moyen ne satisfaisant pas aux exigences minimales de l’article 177, paragraphe 1, sous d), du règlement de procédure, il est irrecevable.

 Sur le quatrième moyen, tiré de ce que la chambre de recours a erronément conclu à l’existence d’un risque de présentation trompeuse

62      Par son quatrième moyen, le requérant fait valoir que la chambre de recours a erronément refusé l’enregistrement de la marque demandée pour une gamme de produits et de services plus large que ne le justifiaient les éléments de preuve. Selon lui, les éléments de preuve déposés le 9 septembre 2013 se rapportent uniquement à des spectacles musicaux en direct. Or, la chambre de recours aurait commis une erreur en concluant que la protection d’un « goodwill » associé au nom Deep Purple s’étendait aux produits en cause, faisant ainsi obstacle à l’enregistrement de la marque Deep Purple pour lesdits produits. En réponse à une question posée par le Tribunal lors de l’audience, le requérant a précisé que, dans l’hypothèse où les éléments de preuve déposés hors délai seraient jugés recevables, il maintiendrait ce moyen.

63      Le requérant prétend également que les produits en cause et les produits et services pour lesquels la chambre de recours a conclu à l’existence d’un « goodwill » sont très différents et que le seuil requis pour démontrer que l’usage de la marque Deep Purple pour les produits en cause entraînerait un risque de confusion dans l’esprit d’une partie considérable du public est, dès lors, très élevé. Or, il affirme que la chambre de recours a erronément décidé que le « goodwill » attaché à la marque Deep Purple s’étendait inévitablement aux produits dérivés générés par les groupes de rock.

64      Enfin, s’appuyant sur l’arrêt de la High Court of Justice (England & Wales), Chancery Division [Haute Cour de justice (Angleterre et pays de Galles), division de la Chancery, Royaume-Uni], Lyngstad v Anabas [1977] FSR 62, le requérant considère qu’il existe une présomption selon laquelle l’usage de l’image ou du nom d’un groupe musical n’est pas considéré par le public comme indicatif d’un lien économique avec ce groupe. Selon lui, il incombait donc à l’intervenant de démontrer que la marque Deep Purple était indicative d’un lien économique avec le groupe musical Deep Purple pour une partie importante du public.

65      L’EUIPO et l’intervenant contestent la plupart de ces arguments.

66      Il convient de relever, à l’instar de l’EUIPO, qu’il n’y a aucune divergence d’opinions entre le requérant et la chambre de recours concernant le critère à appliquer pour établir l’existence d’un risque de présentation trompeuse. Selon la jurisprudence en matière de délit d’usurpation d’appellation, il convient d’établir s’il existe un risque réel susceptible d’amener le public pertinent à attribuer à l’opposant l’origine commerciale des produits et services. Lorsque le « goodwill » lié à un nom a été établi pour certains produits et services et que ce nom est ensuite utilisé pour d’autres produits ou services, l’existence d’un risque de présentation trompeuse sera d’autant plus difficile à démontrer que ces produits et services sont différents. Bien qu’il ne soit pas nécessaire que le défendeur à une action en usurpation d’appellation exerce son activité dans un domaine d’activité commun, l’existence d’un domaine d’activité commun est un fait pertinent dans l’analyse concernant une prétendue présentation trompeuse (voir Wadlow, C., The law of passing off, Sweet & Maxwell, London, 2016, p. 314 à 317).

67      Par ailleurs, il convient de constater que la chambre de recours a apprécié le risque de présentation trompeuse concernant les produits en cause en prenant en compte des éléments de preuve déposés par le requérant et l’intervenant. Elle a considéré que ces éléments de preuve établissaient que la vente d’articles d’habillement était une source de revenus importante pour l’intervenant et que le « merchandising » constituait une part essentielle de l’activité d’un groupe de rock en tournée. Elle a étayé cette considération en se référant aux conclusions de l’avocat général Ruiz-Jarabo Colomer dans l’affaire Arsenal Football Club (C‑206/01, EU:C:2002:373), qui, au point 81, a observé que, parmi les revenus qui avaient gagné en importance au cours des dernières années, figuraient, en effet, ceux dérivés de la vente de produits célébrant l’équipe, activité communément connue sous le nom de « merchandising », ainsi qu’à l’arrêt de la High Court of Justice (England & Wales), Chancery Division [Haute Cour de justice (Angleterre et pays de Galles), division de la Chancery] dans l’affaire Robyn Rihanna Fenty and others v Arcadia Group Brands Limited [2013] EWHC 2310 (Ch), dans lequel cette juridiction a reconnu l’importance du « merchandising » dans l’industrie de la musique. Bien qu’il n’y eût pas d’éléments de preuve concernant la vente par le groupe de l’intervenant des articles compris dans la classe 9, la chambre de recours a décidé que les « lunettes de soleil » étaient suffisamment associées aux vêtements et que les « tapis de souris ; mobiles et accessoires » étaient des articles couramment décorés d’images commerciales ou personnelles, de sorte qu’il y aurait présentation trompeuse si le requérant commercialisait cette catégorie d’articles sous le nom Deep Purple.

68      Étant donné que la chambre de recours s’est fondée, en premier lieu, sur les éléments de preuve concernant la vente d’articles d’habillement, lesquels correspondent aux produits en cause compris dans la classe 25 et, en second lieu, sur les éléments de preuve concernant l’importance du « merchandising » ainsi que sur la preuve des faits notoires, l’allégation non étayée du requérant selon laquelle les produits en cause sont très différents est dénuée de fondement. Il en va de même en ce qui concerne l’argument selon lequel la chambre de recours aurait décidé que le « goodwill » attaché à la marque Deep Purple s’étendait inévitablement au « merchandising » par les groupes de rock.

69      Ne saurait davantage prospérer l’argument du requérant fondé sur l’arrêt Lyngstad cité au point 64 ci-dessus, dans lequel le juge a rejeté une demande d’injonction interlocutoire fondée sur le délit d’usurpation d’appellation par le groupe musical Abba. Tout d’abord, ledit arrêt date de 1977, période où le concept de « merchandising » était moins développé. Ainsi, dans cette affaire, il a été observé qu’« [i]l n’y avait aucune preuve qu’il était d’usage pour les musiciens populaires d’octroyer des licences pour la production et la vente [d’articles à leur effigie] ». Le juge a également constaté qu’« [i]l n’y avait aucun doute que ni les plaignants eux-mêmes [Abba], ni, à [son] avis, aucune société liée à ceux-ci n’avaient commercialisé dans ce pays, à un moment quelconque, les articles concernés par l’action en cause ». Ces éléments différencient ladite affaire de la présente affaire sur deux points de fait importants. Ensuite, il est inexact de considérer que l’arrêt en cause établit une présomption selon laquelle l’usage de l’image ou du nom d’un groupe musical n’est pas considéré par le public comme indicatif d’un lien économique avec ce groupe. Enfin, il convient de relever que le requérant n’affirme pas que cet arrêt remet en cause le critère énoncé au point 66 ci-dessus.

70      Lors de l’audience, le requérant s’est appuyé principalement sur l’arrêt de la Court of Appeal (England & Wales) (Civil Division) [Cour d’appel (Angleterre et pays de Galles) (division civile), Royaume-Uni] dans l’affaire Robyn Rihanna Fenty and others v Arcadia Group Brands Limited [2015] EWCA Civ 3, concernant l’action en usurpation d’appellation engagée par l’artiste Rihanna contre le magasin Topshop, ce dernier ayant vendu un t-shirt avec la photo de l’artiste sans son autorisation. Le requérant a souligné que cette action avait été exceptionnellement accueillie pour deux raisons, à savoir, d’une part, le fait que Rihanna avait été précédemment associée publiquement a Topshop dans le cadre d’une campagne promotionnelle et, d’autre part, le fait que l’image de l’artiste qui était utilisée ressemblait à une image utilisée pour la publicité d’un de ses albums (points 61 et 63 de l’arrêt en cause).

71      À cet égard, il convient de relever que, en l’espèce, le requérant a été associé avec Deep Purple, tout comme Rihanna et Topshop, du fait que, jusqu’en 1993, il était membre du groupe. En outre, la marque demandée est identique à la marque antérieure. En ce sens, il n’est donc pas démontré qu’une action en usurpation d’appellation par l’intervenant ne serait pas accueillie.

72      Il s’ensuit qu’il convient de rejeter le quatrième moyen comme étant non fondé et, partant, le recours dans son intégralité.

 Sur les dépens

73      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Le requérant ayant succombé, il y a lieu de le condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’EUIPO et de l’intervenant.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (huitième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      M. Richard Hugh Blackmore est condamné aux dépens.

Collins

Kancheva

Barents

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 4 octobre 2018.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.