Language of document : ECLI:EU:C:2019:162

ARRÊT DE LA COUR (deuxième chambre)

28 février 2019 (*)

« Renvoi préjudiciel – Coopération judiciaire en matière civile – Règlement (UE) n° 1215/2012 – Article 1er, paragraphe 1 – Champ d’application – Matière civile et commerciale – Article 1er, paragraphe 2 – Matières exclues – Sécurité sociale – Article 53 – Demande de délivrance du certificat attestant que la décision rendue par la juridiction d’origine est exécutoire – Jugement portant sur une créance constituée de suppléments pour l’indemnité de congés payés détenue par un organisme de sécurité sociale contre un employeur au titre du détachement de travailleurs – Exercice par la juridiction saisie d’une activité juridictionnelle »

Dans l’affaire C‑579/17,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par l’Arbeits- und Sozialgericht Wien (tribunal du travail et des affaires sociales de Vienne, Autriche), par décision du 28 septembre 2017, parvenue à la Cour le 3 octobre 2017, dans la procédure

BUAK Bauarbeiter-Urlaubs- u. Abfertigungskasse

contre

Gradbeništvo Korana d.o.o.,

LA COUR (deuxième chambre),

composée de M. K. Lenaerts, président de la Cour, faisant fonction de président de la deuxième chambre, Mmes A. Prechal, C. Toader (rapporteure), MM. A. Rosas et M. Ilešič, juges,

avocat général : M. Y. Bot,

greffier : M. M. Aleksejev, chef d’unité,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 12 juillet 2018,

considérant les observations présentées :

–        pour la BUAK Bauarbeiter-Urlaubs- u. Abfertigungskasse, par Mme V. Noss, Rechtsanwältin,

–        pour le gouvernement autrichien, par Mmes A. Ritzberger-Moser, C. Pesendorfer et J. Schmoll, en qualité d’agents,

–        pour le gouvernement tchèque, par MM. M. Smolek et J. Vláčil ainsi que par Mme A. Kasalická, en qualité d’agents,

–        pour le gouvernement polonais, par M. B. Majczyna, en qualité d’agent,

–        pour la Commission européenne, par M. M. Wilderspin et Mme M. Heller, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 25 octobre 2018,

rend le présent

Arrêt

1        La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 1er du règlement (UE) n° 1215/2012 du Parlement européen et du Conseil, du 12 décembre 2012, concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale (JO 2012, L 351, p. 1).

2        Cette demande a été présentée dans le cadre d’une procédure engagée par la BUAK Bauarbeiter-Urlaubs- u. Abfertigungskasse (caisse de congés payés et d’indemnités de cessation d’emploi des ouvriers du secteur du bâtiment, Autriche) (ci‑après la « BUAK ») tendant à la délivrance du certificat visé à l’article 53 du règlement n° 1215/2012, aux fins de l’exécution d’un jugement définitif, rendu par défaut contre Gradbeništvo Korana d.o.o. (ci‑après « Korana »), établie en Slovénie.

 Le cadre juridique

 Le droit de l’Union

3        Les considérants 6, 10 et 26 du règlement n° 1215/2012 énoncent :

« (6)      Pour atteindre l’objectif de la libre circulation des décisions en matière civile et commerciale, il est nécessaire et approprié que les règles relatives à la compétence judiciaire, à la reconnaissance et à l’exécution des décisions soient déterminées par un instrument juridique de l’Union contraignant et directement applicable.

[...]

(10)      Il est important d’inclure dans le champ d’application matériel du présent règlement l’essentiel de la matière civile et commerciale, à l’exception de certaines matières bien définies, [...]

[...]

(26)      La confiance réciproque dans l’administration de la justice au sein de l’Union justifie le principe selon lequel les décisions rendues dans un État membre devraient être reconnues dans tous les États membres sans qu’une procédure spéciale ne soit nécessaire. En outre, la volonté de réduire la durée et les coûts des litiges transfrontières justifie la suppression de la déclaration constatant la force exécutoire préalable à l’exécution dans l’État membre requis. En conséquence, toute décision rendue par les juridictions d’un État membre devrait être traitée comme si elle avait été rendue dans l’État membre requis. »

4        L’article 1er de ce règlement figure au chapitre I de celui-ci, intitulé « Portée et définitions ». Cet article prévoit :

« 1.      Le présent règlement s’applique en matière civile et commerciale et quelle que soit la nature de la juridiction. Il ne s’applique notamment ni aux matières fiscales, douanières ou administratives, ni à la responsabilité de l’État pour des actes ou des omissions commis dans l’exercice de la puissance publique (acta jure imperii).

2.      Sont exclus de son champ d’application :

[...]

c)      la sécurité sociale ;

[...] »

5        Aux termes de l’article 37, paragraphe 1, dudit règlement, faisant partie de la section 1, intitulée « Reconnaissance », du chapitre III du même règlement, lui-même intitulé « Reconnaissance et exécution » :

« La partie qui entend invoquer, dans un État membre, une décision rendue dans un autre État membre produit :

a)      une copie de la décision réunissant les conditions nécessaires pour en établir l’authenticité ; et

b)      le certificat délivré conformément à l’article 53. »

6        L’article 39 du règlement n° 1215/2012, qui figure à la section 2 dudit chapitre III, intitulée « Exécution », dispose :

« Une décision rendue dans un État membre et qui est exécutoire dans cet État membre jouit de la force exécutoire dans les autres États membres sans qu’une déclaration constatant la force exécutoire soit nécessaire. »

7        L’article 42 de ce règlement, qui fait également partie de cette section 2, prévoit, à son paragraphe 1 :

« Aux fins de l’exécution dans un État membre d’une décision rendue dans un autre État membre, le demandeur communique à l’autorité compétente chargée de l’exécution :

a)      une copie de la décision réunissant les conditions nécessaires pour en établir l’authenticité ; et

b)      le certificat, délivré conformément à l’article 53, attestant que la décision est exécutoire, et contenant un extrait de la décision ainsi que, s’il y a lieu, les informations utiles concernant les frais remboursables de la procédure et le calcul des intérêts. »

8        L’article 43, paragraphe 1, dudit règlement dispose :

« Lorsque l’exécution d’une décision rendue dans un autre État membre est demandée, le certificat délivré conformément à l’article 53 est notifié ou signifié, avant la première mesure d’exécution, à la personne contre laquelle l’exécution est demandée. Le certificat est accompagné de la décision si celle-ci n’a pas déjà été notifiée ou signifiée à la personne concernée. »

9        Selon l’article 53 du même règlement, qui figure à la section 4, intitulée « Dispositions communes », du chapitre III de celui-ci :

« À la demande de toute partie intéressée, la juridiction d’origine délivre le certificat qu’elle établit en utilisant le formulaire figurant à l’annexe I. »

 Le droit autrichien

10      Le Bauarbeiter-Urlaubs- und Abfertigungsgesetz 1972 (loi de 1972 régissant les congés payés et l’indemnité de cessation d’emploi des travailleurs du secteur du bâtiment) (BGBl. 414/1972), dans sa version en vigueur à la date des faits au principal (ci-après le « BUAG »), contient une section IV, intitulée « Organisation de la Caisse de congés payés et d’indemnités de cessation d’emploi des travailleurs du secteur du bâtiment », dans laquelle figurent les articles 14 à 21b du BUAG. L’article 14 du BUAG dispose :

« 1.      La perception des ressources nécessaires au paiement des indemnités en vertu de la présente loi et à l’exécution des tâches y liées incombe à la [BUAK]. [...]

2.      La [BUAK] est un organisme collectif de droit public [...] »

11      Selon l’article 21, paragraphe 1, du BUAG :

« Le coût des indemnités de congés payés versées par la [BUAK] ainsi que les frais de gestion sont financés par des suppléments au salaire. Le montant de ces suppléments est fixé, sur demande conjointe des organisations patronales et syndicales habilitées à signer des conventions collectives compétentes, par arrêté du ministre fédéral du travail et des affaires sociales. »

12      L’article 21a du BUAG, intitulé « Paiement des suppléments », énonce, à son paragraphe 1 :

« L’employeur doit, pour chaque travailleur, acquitter [...] les suppléments fixés en application de l’article 21 [...] »

13      La section V du BUAG, intitulée « Règles de procédure », contient les articles 22 à 29a de celui-ci. L’article 22 du BUAG, intitulé « Obligation de déclaration ; calcul du montant des suppléments », prévoit :

« 1.      Un employeur, qui emploie des travailleurs au sens de l’article 1er, paragraphe 1, doit, lorsqu’il commence à exercer une activité visée aux articles 1er à 3, déclarer ces travailleurs auprès de la [BUAK] dans un délai de deux semaines, en fournissant toutes les informations relatives au salaire pertinentes aux fins du calcul des suppléments [...]

[...]

5.      La [BUAK] doit calculer le montant du supplément dû au titre de la période de supplément en se basant sur les déclarations de l’employeur ou, si une enquête de la [BUAK] (article 23d) fait apparaître un autre résultat, en se basant sur ses propres constatations. En cas de non-respect de l’obligation de déclaration, la [BUAK] peut calculer le supplément dû par l’employeur sur la base de la dernière déclaration effectuée ou de ses propres constatations.

[...] »

14      Les articles 23, 23a et 23b du BUAG traitent des pouvoirs d’enquête dont dispose la BUAK afin de recueillir les données nécessaires pour le calcul des suppléments ainsi que de l’obligation de l’employeur de fournir à celle‑ci toutes les informations nécessaires pour s’acquitter de sa mission.

15      Aux termes de l’article 25 du BUAG, intitulé « Versement du supplément » :

« 1.      La [BUAK] avise l’employeur du montant à payer, sur la base de sa déclaration ou du calcul effectué conformément à l’article 22, paragraphe 5, consistant en la somme des suppléments dus au titre des travailleurs employés au cours d’une période de supplément. [...]

[...]

2.      Si l’employeur ne satisfait pas à son obligation de payer le montant dû [...] dans les délais ou à concurrence du montant indiqué dans l’avis, la [BUAK] met l’employeur en demeure de régler le solde restant dû dans un délai de deux semaines. [...]

3.      Si l’employeur ne se conforme pas ou seulement partiellement à cette mise en demeure, la [BUAK] émet, en vue du recouvrement des montants qui n’ont pas été acquittés dans les délais, un relevé des arriérés. [...] Le relevé des arriérés est un titre exécutoire au sens de l’article 1er de l’Exekutionsordnung [(code des procédures d’exécution)].

[...]

5.      L’employeur peut contester l’avis de recouvrement émis conformément au paragraphe 3 en introduisant une réclamation auprès de l’autorité administrative du district. Celle-ci se prononce par voie de décision administrative sur le bien-fondé et l’exactitude du montant réclamé.

[...] »

16      La section VIb du BUAG, intitulée « Dispositions spéciales régissant les congés en cas de détachement », comprend les articles 33d à 33i du BUAG. L’article 33d du BUAG, lui-même intitulé « Champ d’application », prévoit, à son paragraphe 1 :

« Les dispositions de la présente section régissent l’emploi de travailleurs au sens de la section I n’ayant pas leur lieu de travail habituel en Autriche, qu’un employeur détache en Autriche

1)      pour y exécuter leur travail ou

2)      dans le cadre de la mise à disposition de main-d’œuvre.

Une entreprise utilisatrice dont le siège se trouve hors du territoire autrichien est considérée aux fins des articles 23, 23a et 33g comme employeur des travailleurs mis à sa disposition et qui sont détachés en Autriche pour y exécuter leur travail.

[...] »

17      Selon l’article 33e du BUAG, intitulé « Droit à congé » :

« Sans préjudice de la loi applicable à la relation d’emploi, un travailleur au sens de l’article 33d a, pendant la durée de son détachement en Autriche, un droit impératif à congés payés conformément à la section II. »

18      Aux termes de l’article 33f du BUAG, intitulé « Indemnité de congés payés » :

« 1.      Pendant le congé, le travailleur a droit à l’indemnité de congés payés [...]. Sauf disposition contraire ci‑après, les dispositions de la section II sont d’application.

2.      La créance d’indemnité de congés payés naît à hauteur des droits à indemnité au titre desquels l’employeur acquitte les suppléments fixés en application de l’article 21. La [BUAK] est débitrice de cette créance. [...]

3.      S’il prend des congés durant le détachement, le travailleur doit faire valoir sa créance en vertu du paragraphe 2 auprès de la [BUAK], en apportant la preuve de l’accord sur les dates de congé. [...] L’indemnité de congés payés est versée directement au travailleur. [...] »

19      L’article 33g du BUAG, intitulé « Obligation de déclaration », dispose, à son paragraphe 1 :

« Un employeur qui emploie des travailleurs au sens de l’article 33d est tenu à l’égard de la [BUAK] de l’obligation de déclaration édictée à l’article 22. [...] »

20      Selon l’article 33h du BUAG, intitulé « Paiement des suppléments » :

« [...]

2.      Si l’employeur ne satisfait pas à son obligation d’acquitter les suppléments, la [BUAK] doit poursuivre le paiement des suppléments impayés en justice. La [BUAK] est autorisée à prendre toutes les mesures nécessaires et utiles au recouvrement des suppléments dus.

[...]

2b.      Si, en conséquence du non‑respect de l’obligation de déclaration, la [BUAK] a calculé le montant du supplément dû en se basant sur ses propres investigations, conformément à l’article 22, paragraphe 5, deuxième phrase, l’employeur doit les suppléments ainsi calculés.

[...] »

 Le litige au principal et la question préjudicielle

21      La BUAK, qui a son siège à Vienne (Autriche), est un organisme collectif de droit public ayant pour mission de collecter les ressources destinées au paiement des indemnités visées par le BUAG. Il est plus particulièrement chargé de la gestion et de la liquidation des indemnités de congés payés des travailleurs du secteur du bâtiment.

22      Korana, entreprise de droit slovène, a détaché des travailleurs en Autriche dans le cadre de travaux de construction.

23      Le 18 octobre 2016, la BUAK a saisi l’Arbeits- und Sozialgericht Wien (tribunal du travail et des affaires sociales de Vienne, Autriche) d’une action visant à obtenir de Korana le paiement de la somme de 38 447,50 euros, majorée des intérêts et des dépens, au titre des suppléments dus par cette société, en vertu de la section VIb du BUAG, pour les jours de travail accomplis par des travailleurs détachés par celle-ci en Autriche pendant la période allant du mois de février au mois de juin 2016.

24      À l’appui de sa demande, la BUAK faisait valoir que, en tant que caisse de congés payés, elle était en droit, sur la base du BUAG, de réclamer de l’employeur un supplément, constitué notamment de l’indemnité de congés payés et des frais de gestion, calculé pour chaque jour de travail accompli par un travailleur du secteur du bâtiment en Autriche, selon une méthode de calcul fixée par la loi.

25      Par un jugement du 28 avril 2017, rendu en l’absence de Korana, ladite juridiction a fait intégralement droit à la demande de la BUAK. Ce jugement, qui a été notifié à Korana le 21 juin 2017, a acquis, en l’absence de toute opposition de la part de celle-ci, force de chose jugée. Lors de la procédure ayant abouti au prononcé dudit jugement, ladite juridiction ne semble pas avoir vérifié sa compétence au titre du règlement n° 1215/2012.

26      Le 31 juillet 2017, aux fins de l’exécution de ce jugement, la BUAK a introduit devant cette même juridiction une demande tendant à la délivrance du certificat visé à l’article 53 dudit règlement.

27      La juridiction de renvoi fait observer que la délivrance d’un tel certificat, au titre de l’article 53 du règlement n° 1215/2012, est subordonnée à la condition que la procédure ayant donné lieu au jugement du 28 avril 2017 relève de la matière civile et commerciale, au sens de l’article 1er, paragraphe 1, dudit règlement, ce qui ne ressortirait pas avec évidence des circonstances de l’affaire au principal.

28      À cet égard, cette juridiction expose que, à la différence des situations purement internes, dans le cadre desquelles la BUAK est habilitée par l’article 25, paragraphe 3, du BUAG à émettre elle‑même un relevé des arriérés portant sur les suppléments réclamés, qui constitue un titre exécutoire pouvant fonder une procédure d’exécution forcée, celle‑ci ne disposerait pas du même pouvoir s’agissant d’arriérés se rapportant à des travailleurs détachés, n’ayant pas leur lieu de travail habituel en Autriche, puisqu’elle serait tenue de saisir l’Arbeits- und Sozialgericht Wien (tribunal du travail et des affaires sociales de Vienne) aux fins d’obtenir le paiement desdits suppléments.

29      La juridiction de renvoi fait également valoir que certaines circonstances caractérisant la procédure ayant donné lieu au jugement du 28 avril 2017 pourraient conférer à celle-ci un caractère de droit public.

30      Ainsi, cette juridiction avance que, dans le cadre d’une action en paiement d’une créance constituée de suppléments pour l’indemnité de congés payés, ce n’est pas le travailleur qui fait directement valoir ses droits, l’action étant exercée contre l’employeur aux fins du recouvrement des suppléments dont le montant, fixé par arrêté du ministre fédéral compétent, couvre également les frais de gestion de la BUAK. Par ailleurs, outre les pouvoirs d’enquête dont disposerait la BUAK en cas de méconnaissance par l’employeur de son obligation d’information, cette dernière pourrait également conclure des accords avec d’autres organismes de sécurité sociale.

31      Ladite juridiction précise que, en cas de non‑respect par l’employeur de ses obligations d’information, la BUAK est en droit de calculer les suppléments dus par celui-ci en se fondant sur ses propres investigations, en vertu de l’article 33h, paragraphe 2b, du BUAG. Dans un tel cas, les pouvoirs du juge saisi d’une action en paiement d’une créance constituée de suppléments pour l’indemnité de congés payés se limiteraient à un simple examen des conditions d’application de cette disposition, à l’exclusion de tout examen du bien-fondé de ladite créance.

32      Dans ces conditions, l’Arbeits- und Sozialgericht Wien (tribunal du travail et des affaires sociales de Vienne) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante :

« Convient‑il d’interpréter l’article 1er du règlement [n° 1215/2012], en ce sens que relèvent de la “matière civile et commerciale” et dudit règlement des procédures qui ont pour objet des créances de suppléments dont la [BUAK] se prévaut contre des employeurs au titre du détachement en Autriche de travailleurs qui n’y ont pas leur lieu de travail habituel ou dans le cadre de la mise à disposition, en Autriche, de main-d’œuvre ou contre des employeurs dont le siège se situe hors des frontières autrichiennes au titre de l’emploi de travailleurs ayant leur lieu de travail habituel en Autriche, s’agissant de créances qui sont afférentes à des relations de travail de droit privé et visent à couvrir les droits à congé et créances d’indemnité de congés payés des travailleurs nés desdites relations de travail et relevant eux aussi du droit privé, alors que

–        tant le montant des créances d’indemnité de congés payés des travailleurs à l’encontre de la BUAK que celui des créances de suppléments de la BUAK à l’encontre des employeurs sont fixés non pas par contrat ou convention collective, mais par arrêté d’un ministre fédéral,

–        les suppléments dus par les employeurs à la BUAK servent à couvrir, outre le coût des indemnités de congés payés à verser aux travailleurs, également les frais de gestion de la BUAK, et

–        dans le cadre de la mise en œuvre et de l’exécution de ses créances portant sur ces suppléments, la BUAK dispose, de par la loi, de pouvoirs plus étendus qu’un particulier, en ce que

–        les employeurs sont, sous peine d’amende, tenus d’effectuer des déclarations auprès de la BUAK tant à l’occasion de certains événements que de façon régulière, tous les mois, en utilisant les voies de communication mises en place par la BUAK, de coopérer aux mesures de contrôle de la BUAK et de les tolérer, de permettre à la BUAK de consulter des documents salariaux, d’affaires et autres, et de fournir à cette dernière des renseignements et,

–        en cas de non-respect de leurs obligations de déclaration par les employeurs, la BUAK est autorisée à calculer les suppléments dus par les employeurs sur la base de ses propres investigations, en quel cas le montant de la créance de suppléments de la BUAK est celui établi par la BUAK, abstraction faite des circonstances réelles du détachement ou de l’emploi concerné ? »

 Sur la question préjudicielle

 Sur la recevabilité de la demande de décision préjudicielle

33      Par ses observations écrites, la Commission européenne invite la Cour à se prononcer sur la question de savoir si, dans le cadre d’une procédure tendant à la délivrance d’un certificat au titre de l’article 53 du règlement n° 1215/2012, une juridiction agit dans l’exercice d’une activité juridictionnelle, au sens de l’article 267 TFUE.

34      À cet égard, il ressort d’une jurisprudence constante de la Cour que si l’article 267 TFUE ne subordonne pas la saisine de la Cour au caractère contradictoire de la procédure au cours de laquelle le juge national formule une question préjudicielle, les juridictions nationales ne sont habilitées à saisir la Cour que si un litige est pendant devant elles et si elles sont appelées à statuer dans le cadre d’une procédure destinée à aboutir à une décision de caractère juridictionnel (arrêt du 16 juin 2016, Pebros Servizi, C‑511/14, EU:C:2016:448, point 24 et jurisprudence citée).

35      La Cour a également jugé que les termes « rendre son jugement », au sens de l’article 267, paragraphe 2, TFUE, englobent l’ensemble de la procédure menant au jugement de la juridiction de renvoi et doivent, dès lors, faire l’objet d’une interprétation large, afin d’éviter que nombre de questions procédurales soient considérées comme irrecevables et ne puissent faire l’objet d’une interprétation par la Cour et que cette dernière ne puisse connaître de l’interprétation de toutes dispositions du droit de l’Union que la juridiction de renvoi est tenue d’appliquer (voir, en ce sens, arrêt du 16 juin 2016, Pebros Servizi, C‑511/14, EU:C:2016:448, point 28 et jurisprudence citée).

36      Le système établi par le règlement n° 1215/2012 repose sur la suppression de l’exequatur, ce qui implique qu’aucun contrôle n’est exercé par le juge compétent de l’État membre requis, seule la personne contre laquelle l’exécution est formée pouvant s’opposer à la reconnaissance ou à l’exécution de la décision la concernant. Il ressort des dispositions combinées des articles 37 et 42 de ce règlement qu’aux fins de la reconnaissance et de l’exécution dans un État membre d’une décision rendue dans un autre État membre, le demandeur doit produire uniquement une copie de la décision concernée assortie du certificat délivré, conformément à l’article 53 dudit règlement, par la juridiction d’origine. Ce certificat est notifié ou signifié, avant toute exécution, à la personne contre laquelle cette exécution est demandée, conformément à l’article 43, paragraphe 1, du même règlement.

37      Ainsi que l’a relevé M. l’avocat général au point 44 de ses conclusions, le certificat constitue le fondement de la mise en œuvre du principe d’exécution directe des décisions rendues dans les États membres.

38      Les fonctions ainsi remplies par ledit certificat dans le système du règlement n° 1215/2012 justifient, notamment dans une situation, telle que celle en cause au principal, où la juridiction ayant rendu la décision à exécuter ne s’est pas prononcée, au stade du jugement, sur l’applicabilité du règlement n° 1215/2012, que cette juridiction doit, au stade de la délivrance dudit certificat, vérifier si le litige relève du champ d’application de ce règlement.

39      Dans un tel cas de figure, ainsi que M. l’avocat général l’a relevé en substance au point 52 de ses conclusions, en vérifiant si elle est compétente pour délivrer le certificat au titre de l’article 53 du règlement n° 1215/2012, ladite juridiction s’inscrit dans la continuité de la procédure judiciaire antérieure, en assurant la pleine efficacité de celle-ci, dans la mesure où, en l’absence de certification, une décision n’est pas apte à circuler librement dans l’espace judiciaire européen. Une telle conclusion répond à la nécessité d’assurer l’exécution rapide des décisions judiciaires tout en préservant la sécurité juridique sur laquelle repose la confiance réciproque dans l’administration de la justice au sein de l’Union.

40      Par ailleurs, dans la logique du règlement n° 1215/2012, la délivrance du certificat est confiée à la juridiction qui connaît le mieux le litige et qui, quant au fond, est la plus à même de confirmer que la décision est exécutoire. Ainsi, en délivrant un tel certificat, la juridiction d’origine confirme implicitement que le jugement par défaut qui doit être reconnu et exécuté dans un autre État membre relève du champ d’application de ce règlement, étant donné que la délivrance du certificat au titre de l’article 53 dudit règlement n’est possible que sous cette condition.

41      Par conséquent, la procédure tendant à la délivrance d’un certificat au titre de l’article 53 du règlement n° 1215/2012 revêt, dans des circonstances telles que celles en cause au principal, une nature juridictionnelle, de telle sorte qu’une juridiction nationale saisie dans le cadre d’une telle procédure est habilitée à saisir la Cour d’une question préjudicielle.

42      Il s’ensuit que la présente demande de décision préjudicielle est recevable.

 Sur le fond

43      Par sa question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 1er du règlement n° 1215/2012 doit être interprété en ce sens qu’une action visant à obtenir le paiement d’une créance constituée de suppléments pour l’indemnité de congés payés détenue par un organisme collectif de droit public contre un employeur, au titre du détachement dans un État membre de travailleurs qui n’y ont pas leur lieu de travail habituel, ou dans le cadre de la mise à disposition, dans cet État membre, de main-d’œuvre, ou contre un employeur dont le siège se situe hors du territoire dudit État membre au titre de l’emploi de travailleurs ayant leur lieu de travail habituel dans celui-ci, relève du champ d’application de ce règlement.

44      À titre liminaire et eu égard au fait que la question préjudicielle vise l’article 1er du règlement n° 1215/2012 dans son intégralité, il convient, dans un premier temps, d’examiner si un jugement tel que celui rendu le 28 avril 2017 par la juridiction de renvoi à la demande de la BUAK et pour l’exécution duquel celle-ci sollicite la délivrance du certificat visé à l’article 53 de ce règlement relève de la matière civile et commerciale, au sens de l’article 1er, paragraphe 1, dudit règlement, et, dans l’affirmative, de rechercher, dans un second temps, si un tel jugement entre dans le champ d’application de l’exclusion liée à la sécurité sociale, prévue à l’article 1er, paragraphe 2, sous c), du même règlement.

45      Il y a lieu également de rappeler qu’il est de jurisprudence constante que, dans la mesure où le règlement n° 1215/2012 abroge et remplace le règlement (CE) n° 44/2001 du Conseil, du 22 décembre 2000, concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale (JO 2001, L 12, p. 1), l’interprétation fournie par la Cour en ce qui concerne les dispositions de ce dernier règlement vaut également pour le règlement n° 1215/2012 lorsque les dispositions de ces deux instruments du droit de l’Union peuvent être qualifiées d’équivalentes (arrêt du 15 novembre 2018, Hellenische Republik, C‑308/17, EU:C:2018:911, point 31 et jurisprudence citée).

 Sur la notion de « matière civile et commerciale », au sens de l’article 1er, paragraphe 1, du règlement n° 1215/2012

46      Selon une jurisprudence constante de la Cour, en vue d’assurer, dans la mesure du possible, l’égalité et l’uniformité des droits et des obligations qui découlent du règlement n° 1215/2012 pour les États membres et les personnes intéressées, il convient de ne pas interpréter la notion de « matière civile et commerciale » figurant à l’article 1er, paragraphe 1, de ce règlement comme un simple renvoi au droit interne d’un État membre. Cette notion doit être considérée comme une notion autonome qu’il faut interpréter en se référant, d’une part, aux objectifs et au système dudit règlement et, d’autre part, aux principes généraux qui se dégagent de l’ensemble des ordres juridiques nationaux (arrêt du 9 mars 2017, Pula Parking, C‑551/15, EU:C:2017:193, point 33 et jurisprudence citée).

47      En outre, la nécessité d’assurer le bon fonctionnement du marché intérieur ainsi que celle d’éviter, pour le fonctionnement harmonieux de la justice, que des décisions irréconciliables ne soient rendues dans les États membres requièrent une interprétation large de ladite notion de « matière civile et commerciale » (voir, en ce sens, arrêt du 10 septembre 2009, German Graphics Graphische Maschinen, C‑292/08, EU:C:2009:544, points 22 et 23).

48      Pour déterminer si une matière relève ou non du champ d’application du règlement n° 1215/2012, il y a lieu d’identifier le rapport juridique existant entre les parties au litige et d’examiner le fondement et les modalités d’exercice de l’action intentée (voir, en ce sens, arrêts du 11 avril 2013, Sapir e.a., C‑645/11, EU:C:2013:228, points 32 et 34, ainsi que du 12 septembre 2013, Sunico e.a., C‑49/12, EU:C:2013:545, point 35).

49      Ainsi qu’il a été itérativement affirmé par la Cour, si certains litiges opposant une autorité publique à une personne de droit privé peuvent relever du champ d’application du règlement n° 1215/2012, il en est autrement lorsque l’autorité publique agit dans l’exercice de la puissance publique (voir, en ce sens, arrêt du 12 septembre 2013, Sunico e.a., C‑49/12, EU:C:2013:545, point 34 et jurisprudence citée). En effet, la manifestation de prérogatives de puissance publique par l’une des parties au litige, en raison de l’exercice par celle-ci de pouvoirs exorbitants par rapport aux règles applicables dans les relations entre particuliers, exclut un tel litige de la matière civile et commerciale au sens de l’article 1er, paragraphe 1, du règlement n° 1215/2012 (voir, par analogie, arrêt du 23 octobre 2014, flyLAL-Lithuanian Airlines, C‑302/13, EU:C:2014:2319, point 31).

50      En l’occurrence, il convient de faire observer, à titre liminaire, que, eu égard à la jurisprudence mentionnée au point précédent, la qualité d’organisme collectif de droit public de la BUAK est, par elle-même, dépourvue d’incidence sur la nature des rapports juridiques entre celle‑ci et Korana.

51      S’agissant, en premier lieu, du fondement juridique de l’action ayant abouti au jugement pour l’exécution duquel la BUAK a sollicité la délivrance du certificat visé à l’article 53 du règlement n° 1215/2012, il résulte de la décision de renvoi que, selon l’article 21 du BUAG, le coût des indemnités de congés payés versées par la BUAK est financé par des suppléments au salaire dont l’employeur est tenu de s’acquitter. Si le montant de ces suppléments est fixé par arrêté du ministre fédéral du travail et des affaires sociales, il ressort des observations de la BUAK ainsi que de celles du gouvernement autrichien que cet arrêté définit uniquement les modalités de calcul desdits suppléments, en prenant comme base le salaire fixé par la convention collective concernée.

52      Par ailleurs, selon l’article 33f, paragraphe 2, du BUAG, la créance d’indemnité de congés payés dont la BUAK est débitrice à l’égard des travailleurs détachés naît à hauteur des droits à indemnité au titre desquels l’employeur acquitte les suppléments fixés.

53      En outre, la juridiction de renvoi précise elle-même que ladite indemnité, qui est financée par des suppléments dont le paiement est réclamé en l’espèce, fait partie de la rémunération due, en vertu du contrat de travail, par l’employeur pour le travail effectué par le travailleur.

54      Par conséquent, dans la mesure où l’obligation de l’employeur d’acquitter les suppléments est intrinsèquement liée aux droits, de nature civile, des travailleurs à l’indemnité de congés payés, un examen du fondement de l’action ayant donné lieu au jugement du 28 avril 2017, conformément à la jurisprudence citée au point 48 du présent arrêt, ne s’oppose pas à la conclusion selon laquelle la créance de la BUAK et, partant, une action ayant pour objet le paiement de celle-ci revêtent également la même nature civile.

55      S’agissant, en second lieu, des modalités d’exercice de l’action ayant abouti audit jugement, il découle des dispositions du BUAG que, à la différence des situations purement internes, dans lesquelles la BUAK peut elle-même émettre un relevé des arriérés constituant un titre exécutoire, celle-ci doit, s’agissant d’arriérés se rapportant à des travailleurs détachés n’ayant pas leur lieu de travail habituel en Autriche, poursuivre en justice le paiement des suppléments impayés.

56      En outre, lorsque, en conséquence du non-respect de l’obligation d’information, la BUAK a, conformément à l’article 22, paragraphe 5, du BUAG, calculé le montant des suppléments en se fondant sur ses propres investigations, « l’employeur doit les suppléments ainsi calculés », ainsi que l’énonce l’article 33h, paragraphe 2b, du BUAG.

57      En ce qui concerne l’étendue du contrôle exercé par le juge en cas d’action en paiement d’une créance constituée de suppléments pour l’indemnité de congés payés dont le montant a été calculé par la BUAK elle-même, sur le fondement de ses propres investigations, la juridiction de renvoi fait valoir qu’un tel calcul comporte un effet constitutif, les pouvoirs dont dispose cet organisme le différenciant d’un simple particulier. Cette juridiction en conclut que, compte tenu de son libellé, l’article 33h, paragraphe 2b, du BUAG pourrait être interprété en ce sens que, s’agissant d’arriérés se rapportant à des travailleurs détachés, n’ayant pas leur lieu de travail habituel en Autriche, les pouvoirs de la juridiction se limitent à un simple examen des conditions d’application de ladite disposition, de telle sorte que, si lesdites conditions sont remplies, le juge ne peut pas procéder à un examen au fond quant à l’exactitude de la créance dont se prévaut la BUAK.

58      Cette interprétation de la réglementation nationale est contestée tant par la BUAK que par le gouvernement autrichien, qui affirment que, dans le cadre d’une procédure tendant au paiement d’une créance constituée de suppléments pour l’indemnité de congés payés pour les travailleurs détachés, le juge autrichien exerce un contrôle complet de tous les éléments de la demande.

59      À cet égard, il convient de rappeler que, dans le cadre d’une procédure introduite en vertu de l’article 267 TFUE, il n’appartient pas à la Cour de se prononcer sur l’interprétation des dispositions nationales, une telle interprétation relevant en effet de la compétence exclusive des juridictions nationales (arrêt du 27 octobre 2009, ČEZ, C‑115/08, EU:C:2009:660, point 57 et jurisprudence citée).

60      Par conséquent, pour autant que l’article 33h, paragraphe 2b, du BUAG place la BUAK dans une position juridique dérogatoire aux règles de droit commun régissant les modalités d’exercice d’une action en paiement, en attribuant un effet constitutif à la constatation par elle de la créance réclamée et en écartant, selon la juridiction de renvoi, la possibilité pour le juge saisi d’une telle action de contrôler le bien-fondé des données sur lesquelles cette constatation est fondée, force est de constater que cet organisme agirait, dans cette hypothèse, en vertu d’une prérogative propre de droit public conférée par la loi.

61      Dans la mesure où tel serait le cas dans le litige au principal, ce qu’il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier, le rôle joué par la BUAK ne saurait être caractérisé, dans ce contexte particulier, comme étant celui d’un simple organisme collectif de droit public ayant pour mission de collecter les ressources destinées au paiement des indemnités visées par le BUAG. En effet, dans un tel cas, la BUAK devrait être considérée comme agissant dans l’exercice de la puissance publique dans le cadre d’un litige tel que celui ayant donné lieu au jugement rendu le 28 avril 2017, ce qui aurait une incidence importante sur les modalités d’exercice, et donc sur la nature même, de cette procédure, de sorte que ledit litige ne relèverait pas de la notion de « matière civile et commerciale » ni, partant, du champ d’application du règlement n° 1215/2012.

62      S’agissant des autres prérogatives dont dispose spécifiquement la BUAK, mises en exergue par la juridiction de renvoi, telles que la perception par la BUAK de frais de gestion dont le montant s’élève à hauteur de 1 % à 2 % des suppléments, ou la possibilité pour celle‑ci de conclure des accords avec d’autres organismes de sécurité sociale, dans la mesure où la première paraît négligeable et la seconde semble être, selon les explications fournies à cet égard par le gouvernement autrichien à l’occasion de l’audience, fondée sur la conclusion des contrats relevant du droit privé, elles ne sauraient avoir pour effet d’exclure de la matière civile et commerciale, au sens de l’article 1er, paragraphe 1, du règlement n° 1215/2012, la procédure ayant conduit à un jugement tel que celui en cause au principal.

63      Concernant les pouvoirs d’enquête dont dispose la BUAK en cas de méconnaissance par l’employeur de son obligation d’information, il y a lieu de constater que ceux‑ci ne sont pas non plus, à eux seuls, de nature à conférer un caractère de droit public à une procédure telle que celle ayant donné lieu au jugement du 28 avril 2017.

64      En effet, les prérogatives mentionnées aux deux points précédents n’ont aucune incidence sur la qualité dans laquelle la BUAK agit dans le cadre d’une procédure telle que celle au principal et ne modifient pas la nature ni ne déterminent le déroulement de celle-ci.

 Sur la notion de « sécurité sociale », au sens de l’article 1er, paragraphe 2, sous c), du règlement n° 1215/2012

65      Selon l’article 1er, paragraphe 2, sous c), du règlement n° 1215/2012, la sécurité sociale est exclue du champ d’application de ce règlement.

66      Les exclusions du champ d’application dudit règlement, prévues à l’article 1er, paragraphe 2, de celui-ci, constituent des exceptions qui sont d’interprétation stricte.

67      La notion de « sécurité sociale » se définit de manière autonome, par rapport au contenu que revêt cette notion en droit de l’Union. Dès lors, ainsi qu’il ressort de la jurisprudence de la Cour, celle-ci englobe le champ d’application matériel du règlement (CE) n° 883/2004 du Parlement européen et du Conseil, du 29 avril 2004, portant sur la coordination des systèmes de sécurité sociale (JO 2004, L 166, p. 1) [voir, par analogie, en ce qui concerne le règlement (CEE) n° 1408/71 du Conseil, du 14 juin 1971, relatif à l’application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés, aux travailleurs non salariés et aux membres de leur famille qui se déplacent à l’intérieur de la Communauté, dans sa version modifiée et mise à jour par le règlement (CE) n° 118/97 du Conseil, du 2 décembre 1996 (JO 1997, L 28, p. 1), arrêt du 14 novembre 2002, Baten, C‑271/00, EU:C:2002:656, point 45].

68      En outre, une prestation peut être considérée comme étant une prestation de sécurité sociale dans la mesure où elle est octroyée aux bénéficiaires en dehors de toute appréciation individuelle et discrétionnaire des besoins personnels, sur la base d’une situation légalement définie, et où elle se rapporte à l’un des risques expressément énumérés à l’article 3, paragraphe 1, du règlement n° 883/2004 (voir, par analogie, arrêt du 19 septembre 2013, Hliddal et Bornand, C‑216/12 et C‑217/12, EU:C:2013:568, point 48 ainsi que jurisprudence citée).

69      En l’occurrence, ainsi qu’il ressort de la demande de décision préjudicielle, la créance constituée de suppléments pour l’indemnité de congés payés naît à hauteur des droits à indemnité au titre desquels l’employeur acquitte les suppléments. Il incombe donc, selon les informations fournis par la juridiction de renvoi, à l’employeur de payer cette indemnité de congés payés, en raison du travail effectué par le travailleur détaché, même si le paiement est effectué par l’intermédiaire de la BUAK.

70      Une telle indemnité ne relève, dès lors, pas de la notion de « sécurité sociale », au sens de l’article 1er, paragraphe 2, sous c), du règlement n° 1215/2012.

71      Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il convient de répondre à la question préjudicielle que l’article 1er du règlement n° 1215/2012 doit être interprété en ce sens qu’une action visant à obtenir le paiement d’une créance constituée de suppléments pour l’indemnité de congés payés, détenue par un organisme collectif de droit public contre un employeur, au titre du détachement, dans un État membre, de travailleurs qui n’y ont pas leur lieu de travail habituel, ou dans le cadre de la mise à disposition, dans cet État membre, de main-d’œuvre, ou contre un employeur dont le siège se situe hors du territoire dudit État membre au titre de l’emploi de travailleurs ayant leur lieu de travail habituel dans le même État membre, relève du champ d’application de ce règlement, pour autant que les modalités d’exercice d’une telle action ne dérogent pas aux règles de droit commun et, notamment, n’écartent pas la possibilité pour le juge saisi de contrôler le bien-fondé des données sur lesquelles repose la constatation de ladite créance, ce qu’il incombe à la juridiction de renvoi de vérifier.

 Sur les dépens

72      La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (deuxième chambre) dit pour droit :

L’article 1er du règlement (UE) n° 1215/2012 du Parlement européen et du Conseil, du 12 décembre 2012, concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale, doit être interprété en ce sens qu’une action visant à obtenir le paiement d’une créance constituée de suppléments pour l’indemnité de congés payés, détenue par un organisme collectif de droit public contre un employeur, au titre du détachement, dans un État membre, de travailleurs qui n’y ont pas leur lieu de travail habituel, ou dans le cadre de la mise à disposition, dans cet État membre, de main-d’œuvre, ou contre un employeur dont le siège se situe hors du territoire dudit État membre au titre de l’emploi de travailleurs ayant leur lieu de travail habituel dans le même État membre, relève du champ d’application de ce règlement, pour autant que les modalités d’exercice d’une telle action ne dérogent pas aux règles de droit commun et, notamment, n’écartent pas la possibilité pour le juge saisi de contrôler le bien-fondé des données sur lesquelles repose la constatation de ladite créance, ce qu’il incombe à la juridiction de renvoi de vérifier.

Signatures


*      Langue de procédure : l’allemand.