Language of document : ECLI:EU:T:2019:130

ORDONNANCE DU TRIBUNAL (cinquième chambre)

28 février 2019 (*)

« Recours en annulation – Produits phytopharmaceutiques – Substance active glyphosate – Renouvellement d’inscription à l’annexe du règlement d’exécution (UE) no 540/2011 – Défaut d’affectation directe –Irrecevabilité »

Dans l’affaire T‑178/18,

Région de Bruxelles-Capitale (Belgique), représentée par MMes A. Bailleux et B. Magarinos Rey, avocats,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par MM. F. Castillo de la Torre, A. Lewis, I. Naglis et Mme G. Koleva, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 263 TFUE et tendant à l’annulation du règlement d’exécution (UE) 2017/2324 de la Commission, du 12 décembre 2017, renouvelant l’approbation de la substance active « glyphosate », conformément au règlement (CE) no 1107/2009 du Parlement européen et du Conseil concernant la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques et modifiant l’annexe du règlement d’exécution (UE) no 540/2011 de la Commission (JO 2017, L 333, p. 10),

LE TRIBUNAL (cinquième chambre),

composé de Mme I. Labucka, faisant fonction de président, MM. A. Dittrich et I. Ulloa Rubio (rapporteur), juges,

greffier : M. E. Coulon,

rend la présente

Ordonnance

 Antécédents du litige

 Sur l’approbation de la substance active « glyphosate » par l’Union européenne

1        Par la directive 2001/99/CE de la Commission, du 20 novembre 2001, modifiant l’annexe I de la directive 91/414/CEE du Conseil concernant la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques en vue d’y inscrire les substances actives glyphosate et thifensulfuron-méthyle (JO 2001, L 304, p. 14), la substance active « glyphosate » a été inscrite à l’annexe I de la directive 91/414/CEE du Conseil, du 15 juillet 1991, concernant la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques (JO 1991, L 230, p. 1) et a donc été approuvée en vertu de cette dernière directive, avec effet au 1er juillet 2002.

2        La directive 91/414 a été abrogée, avec effet au 14 juin 2011 et sous réserve de certaines mesures transitoires, par le règlement (CE) no 1107/2009 du Parlement européen et du Conseil, du 21 octobre 2009, concernant la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques et abrogeant les directives 79/117/CEE et 91/414 du Conseil (JO 2009, L 309, p. 1).

3        L’article 78, paragraphe 3, du règlement no 1107/2009 prévoyait l’adoption d’un règlement comportant la liste des substances actives inscrites à l’annexe I de la directive 91/414, ces substances étant réputées approuvées en vertu du règlement no 1107/2009.

4        Le règlement d’exécution (UE) no 540/2011 de la Commission, du 25 mai 2011, portant application du règlement no 1107/2009, en ce qui concerne la liste des substances actives approuvées (JO 2011, L 153, p. 1), a adopté la liste prévue par l’article 78, paragraphe 3, du règlement no 1107/2009.

5        Le glyphosate figurait sur cette liste, avec une date d’expiration de la période d’approbation au 31 décembre 2015.

6        Une demande de renouvellement de cette approbation a été présentée dans les délais prescrits.

7        Par la suite, la Commission européenne a prolongé la période d’approbation du glyphosate à deux reprises, sur le fondement de l’article 17, premier alinéa, du règlement no 1107/2009, au motif que l’évaluation de la substance avait été retardée pour des raisons indépendantes de la volonté du demandeur. Tout d’abord, par son règlement d’exécution (UE) 2015/1885, du 20 octobre 2015, modifiant le règlement d’exécution no 540/2011 pour prolonger les périodes d’approbation des substances actives suivantes : […] glyphosate […] (JO 2015, L 276, p. 48), elle a prolongé la période d’approbation du glyphosate jusqu’au 30 juin 2016. Ensuite, par son règlement d’exécution (UE) 2016/1056, du 29 juin 2016, modifiant le règlement d’exécution no 540/2011 en ce qui concerne la prolongation de la période d’approbation de la substance active « glyphosate » (JO 2016, L 173, p. 52), la Commission a effectivement prolongé la période d’approbation du glyphosate jusqu’au 15 décembre 2017. 

8        Le 12 décembre 2017, la Commission a adopté le règlement d’exécution (UE) 2017/2324 renouvelant l’approbation de la substance active « glyphosate » conformément au règlement no 1107/2009 et modifiant l’annexe du règlement d’exécution no 540/2011 (JO 2017, L 333, p. 10, ci-après l’« acte attaqué »). Par ce règlement d’exécution, l’approbation de la substance active glyphosate a été renouvelée, sous certaines conditions, jusqu’au 15 décembre 2022.

 Sur les compétences de la Région de Bruxelles-Capitale en matière de produits phytopharmaceutiques

9        La requérante, la Région de Bruxelles-Capitale, est l’une des trois régions auxquelles, selon l’article 39 de la Constitution belge, certaines compétences sont attribuées par la loi.

10      Parmi ces compétences figure, selon l’article 6, paragraphe 1, point II, premier alinéa, de la loi spéciale de réformes institutionnelles du 8 août 1980 (Moniteur belge du 15 août 1980, p. 9434, ci-après la « loi spéciale »), « [l]a protection de l’environnement, notamment celle du sol, du sous-sol, de l’eau et de l’air contre la pollution et les agressions [...] ». En vertu de cette disposition, la requérante est compétente pour réglementer l’utilisation des produits phytopharmaceutiques sur son territoire.

11      Selon l’article 6, paragraphe 1, point II, premier alinéa, de la loi spéciale, l’autorité fédérale est toutefois compétente pour « [l]’établissement des normes de produits ». C’est donc l’autorité fédérale qui procède à l’examen des demandes d’autorisation de mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques et qui délivre de telles autorisations en Belgique, conformément à l’article 28, paragraphe 1, du règlement no 1107/2009. Selon l’article 6, paragraphe 4, alinéa 1, de la loi spéciale, les régions sont toutefois associées à l’exercice de cette compétence.

12      L’article 7 de l’arrêté royal belge du 28 février 1994 relatif à la conservation, à la mise sur le marché et à l’utilisation des pesticides à usage agricole (Moniteur belge du 11 mai 1994, p. 12504) stipule qu’il est interdit de mettre sur le marché, de préparer, de transporter, d’importer, d’offrir, d’exposer, de mettre en vente, de détenir, d’acquérir ou d’utiliser un pesticide à usage agricole qui n’a pas été préalablement agréé par le ministre. Selon l’article 8 de cet arrêté, « [l]e [m]inistre ou un fonctionnaire désigné à cet effet par le [m]inistre accorde l’agréation sur avis du [c]omité d’agréation visé à l’article 9 ». Selon l’article 9 dudit arrêté, le comité d’agréation est composé de douze membres nommés par le ministre (ci-après le « comité d’agréation »), parmi lesquels « un expert de la Région bruxelloise, présenté par le Ministre-Président du gouvernement de la Région Bruxelles-Capitale ».

13      Le 20 juin 2013, la requérante a adopté l’ordonnance relative à une utilisation des pesticides compatible avec le développement durable en Région de Bruxelles-Capitale (Moniteur belge du 21 juin 2013, p. 40062, ci-après l’« ordonnance du 20 juin 2013 »). Selon son article 1er, premier alinéa, cette ordonnance transpose la directive 2009/128/CE du Parlement européen et du Conseil, du 21 octobre 2009, instaurant un cadre d’action communautaire pour parvenir à une utilisation des pesticides compatible avec le développement durable (JO 2009, L 309, p. 71).

14      Selon l’article 1er, troisième alinéa, de l’ordonnance du 20 juin 2013, la requérante « peut déterminer les pesticides dont l’utilisation est interdite en raison des risques qu’ils représentent pour la santé humaine ou pour l’environnement ».

15      Le 10 novembre 2016, la requérante a adopté, sur le fondement de l’ordonnance du 20 juin 2013, l’arrêté interdisant l’utilisation de pesticides contenant du glyphosate en Région de Bruxelles-Capitale (Moniteur belge du 2 décembre 2016, p. 79492, ci-après l’« arrêté du 10 novembre 2016 »).

16      Il ressort de la requête que l’arrêté du 10 novembre 2016 fait l’objet d’un recours en annulation porté devant la section du contentieux administratif du Conseil d’État de Belgique. Le recours porte essentiellement sur la prétendue violation de certaines dispositions du règlement no 1107/2009 ainsi que des articles 34, 35 et 36 TFUE. Dans cette affaire, la requérante considère que l’approbation du glyphosate à l’échelle de l’Union et l’autorisation de certains produits phytopharmaceutiques contenant cette substance par l’autorité fédérale belge ne sauraient être compromises par une interdiction totale d’utilisation desdits produits sur le territoire de la Région de Bruxelles-Capitale.

17      Enfin, il convient de relever que la requérante est associée aux travaux des comités de la comitologie à l’échelle de l’Union et y représente la Royaume de Belgique à tour de rôle. Dans le cadre de cette attribution, elle a participé à une concertation avec les autres régions belges en amont des travaux sur la substance active glyphosate menés par le Standing Committee on Plants, Animals, Food and Feed (comité permanent des végétaux, des animaux, des denrées alimentaires et des aliments pour animaux, ci-après le « SCoPAFF »), par le biais du comité de coordination de la politique internationale de l’environnement , institué par l’accord de coopération, du 5 avril 1995, entre l’État fédéral, la Région flamande, la Région wallonne et la [requérante] relatif à la politique internationale de l’environnement (Moniteur belge du 13 décembre 1995, p. 33436).

 Procédure et conclusions des parties

18      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 8 mars 2018, la requérante a introduit le présent recours.

19      Par acte séparé déposé au greffe du Tribunal le 29 mai 2018, la Commission a soulevé une exception d’irrecevabilité au titre de l’article 130 du règlement de procédure du Tribunal. La requérante a déposé ses observations sur cette exception le 12 juillet 2018.

20      Par actes déposés au greffe du Tribunal, respectivement les 5, 16 et 25 juillet 2018, Justice Pesticides, la Région wallonne, Pesticide Action Network Europe (PAN Europe), Health & Environment Alliance (HEAL), Nature & Progrès Belgique (Nature & Progrès), SomeOfUs et WeMove Europe (WeMove.EU) ont demandé à intervenir dans la présente procédure au soutien des conclusions de la requérante.

21      Par actes déposés au greffe du Tribunal, respectivement les 16 et 26 juillet 2018, Monsanto Europe NV/SA, Monsanto Company, Helm AG, Barclay Chemicals Manufacturing Ltd, Albaugh Europe Sàrl, Albaugh TKI D.O.O. et Albaugh UK Ltd ont demandé à intervenir dans la présente procédure au soutien des conclusions de la Commission.

22      Dans la requête, la requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        déclarer le recours recevable et fondé ;

–        annuler l’acte attaqué, tout en maintenant ses effets jusqu’à son remplacement dans un délai raisonnable, et au plus tard jusqu’au 16 décembre 2021 ;

–        condamner la Commission aux dépens.

23      Dans l’exception d’irrecevabilité, la Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme irrecevable ;

–        condamner la requérante aux dépens.

24      Dans ses observations sur l’exception d’irrecevabilité, la requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter l’exception d’irrecevabilité ;

–        déclarer le recours recevable et fondé.

 En droit

25      Aux termes de l’article 130, paragraphes 1 et 7, du règlement de procédure, si la partie défenderesse le demande, le Tribunal peut statuer sur l’irrecevabilité ou l’incompétence sans engager le débat au fond.

26      En l’espèce, le Tribunal, s’estimant suffisamment éclairé par les pièces du dossier, décide de statuer sur cette demande sans poursuivre la procédure.

 Observations liminaires

27      Avant d’examiner la recevabilité du présent recours, il convient d’examiner deux points spécifiques qui ont été soulevés par les parties.

28      Premièrement, dans l’exception d’irrecevabilité, la Commission a exprimé des doutes quant à l’opposabilité de l’arrêté du 10 novembre 2016 dans l’ordre juridique belge. Selon la Commission, l’interdiction édictée dans ledit arrêté constitue une « règle technique » au sens de l’article 1er, paragraphe 1, sous f), de la directive (UE) 2015/1535 du Parlement européen et du Conseil, du 9 septembre 2015, prévoyant une procédure d’information dans le domaine des réglementations techniques et des règles relatives aux services de la société de l’information (JO 2015, L 241, p. 1). Cette interdiction aurait donc dû être notifiée, à l’état de projet, conformément à la directive 2015/1535. La Commission observe que, selon une jurisprudence constante, une règle technique non notifiée ne peut pas être opposée aux particuliers.

29      À cet égard, il convient de souligner, comme la requérante l’a observé à juste titre, que le présent litige ne concerne pas la légalité de l’arrêté du 10 novembre 2016 adopté par la requérante, mais une demande d’annulation de l’acte attaqué, ce dernier ayant été adopté par la Commission. Selon la requérante, sa qualité pour agir, en l’espèce, dérive du fait que l’acte attaqué compromet l’exercice de ses compétences en matière environnementale selon le droit belge, notamment par l’adoption de l’arrêté du 10 novembre 2016, et la concerne donc directement. Or, cet effet de l’acte attaqué existerait indépendamment de la question de savoir si les mesures adoptées par la requérante peuvent être opposées aux particuliers. L’argument de la Commission fondé sur la prétendue inopposabilité aux tiers de l’arrêté du 10 novembre 2016 est donc inopérant. En d’autres termes, ce n’est pas la validité de l’arrêté du 10 novembre 2016 qui est contestée dans la présente affaire, mais la compétence pour l’édicter, dans la mesure où ce dernier est affecté par l’acte attaqué.

30      En outre, il y a lieu de relever que, si finalement la requérante n’a pas qualité pour agir contre l’acte attaqué, la circonstance que l’arrêté du 10 novembre 2016 ait été exercé dans l’exercice de ses compétences en matière de droit interne n’ajoute rien à sa qualité pour agir. Par conséquent, l’arrêté du 10 novembre 2016 n’a aucune pertinence aux fins de la présente ordonnance.

31      Secondement, dans ses observations sur l’exception d’irrecevabilité, la requérante invoque la convention sur l’accès à l’information, la participation du public au processus décisionnel et l’accès à la justice en matière d’environnement, signée à Aarhus le 25 juin 1998 (ci-après la « convention d’Aarhus »).

32      À cet égard, la requérante rappelle que, le 17 mars 2017, le comité d’examen du respect des dispositions de la convention d’Aarhus (ci-après le « comité d’examen »), qui est compétent pour vérifier que les parties respectent les dispositions de la convention d’Aarhus, a soumis ses conclusions dans l’affaire ACCC/C/2008/32 relative à l’accès à la justice au niveau de l’Union. Au paragraphe 123 de ses conclusions, le comité d’examen a considéré que « [l’Union] ne respecte pas l’article 9, paragraphes 3 et 4, de la convention [d’Aarhus] en ce qui concerne l’accès à la justice par les membres du public, car ni le [règlement (CE) no 1367/2006 du Parlement européen et du Conseil, du 6 septembre 2006, concernant l’application aux institutions et organes de la Communauté européenne des dispositions de la convention d’Aarhus (JO 2006, L 264, p. 13)] ni la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne n’appliquent ou ne respectent les obligations découlant desdits paragraphes ». La requérante observe en outre que, par la décision (UE) 2017/1346 du Conseil, du 17 juillet 2017, relative à la position à prendre, au nom de l’Union européenne, lors de la sixième session de la réunion des parties à la convention d’Aarhus sur l’affaire ACCC/C/2008/32 ayant trait au respect des dispositions (JO 2017, L 186, p. 15), le Conseil de l’Union européenne a décidé d’accepter les conclusions et les recommandations du comité d’examen, à l’exception des recommandations visant spécifiquement la Cour de justice de l’Union européenne.

33      La requérante considère que ces développements récents ne sont pas sans influence sur l’examen de la recevabilité de son recours, qui relèverait du champ d’application matériel de la convention d’Aarhus, et que cette recevabilité devrait donc être appréciée à la lumière des conclusions du comité d’examen mentionnées au point 33 ci-dessus. Plus spécifiquement, elle soutient que son recours devrait être déclaré recevable, étant donné qu’elle devrait être considérée, aux fins de l’article 9 de la convention d’Aarhus, comme directement et individuellement concernée par l’acte attaqué.

34      À cet égard, il convient de relever, en premier lieu, que la requérante n’a pas établi que son recours relèverait du champ d’application des dispositions de la convention d’Aarhus sur lesquelles elle s’est fondée.

35      En effet, il convient de rappeler que l’article 9, paragraphe 3, de la convention d’Aarhus stipule que « […] chaque partie veille à ce que les membres du public qui répondent aux critères éventuels prévus par son droit interne puissent engager des procédures administratives ou judiciaires pour contester les actes ou omissions de particuliers ou d’autorités publiques allant à l’encontre des dispositions du droit national de l’environnement. » Selon l’article 9, paragraphe 4, de la convention d’Aarhus, ces procédures doivent offrir des recours suffisants et effectifs, y compris un redressement par injonction s’il y a lieu, et doivent être objectives, équitables et rapides sans que leur coût soit prohibitif.

36      Bien que, selon l’article 2, paragraphe 4, de la convention d’Aarhus, la définition du terme « public » soit assez large, en ce qu’elle désigne une ou plusieurs personnes physiques ou morales et, conformément à la législation ou à la coutume du pays, les associations, organisations ou groupes constitués par ces personnes, il est important de rappeler que la possibilité ouverte aux membres du public par l’article 9, paragraphe 3, de la convention d’Aarhus d’engager des procédures administratives ou judiciaires vise notamment, les actes et les omissions « d’autorités publiques ». Aucune disposition de la convention d’Aarhus ou de son préambule n’indique toutefois qu’il aurait été envisagé d’étendre la possibilité d’engager des procédures administratives ou judiciaires également à des autorités publiques, pourvu qu’elles aient la personnalité juridique. Or, il ressort de l’article 2, paragraphe 2, sous a), de la convention d’Aarhus que l’expression « autorité publique » désigne « l’administration publique à l’échelon national ou régional ou à un autre niveau ». Il est donc clair que la requérante est une autorité publique au sens de la convention d’Aarhus.

37      En deuxième lieu, la requérante n’a suffisamment pas expliqué les raisons pour lesquelles les dispositions de la convention d’Aarhus devraient amener le Tribunal à la considérer comme individuellement et directement concernée par l’acte attaqué. En effet, et quitte à soulever certains arguments qui n’ont pas de lien avec ladite convention et qui seront examinés par le Tribunal par la suite, la requérante s’est limitée à invoquer une certaine interprétation sans en donner une justification précise.

 Sur la qualité pour agir de la requérante

38      Il y a lieu de rappeler que, conformément à la jurisprudence, la notion de destinataire de l’acte au sens de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE doit s’entendre au sens formel, comme visant la personne désignée dans cet acte comme destinataire de celui-ci. La circonstance qu’une personne autre que le destinataire formel d’un acte puisse être visée par le contenu de celui-ci peut, certes, investir cette personne de la qualité pour agir si elle démontre notamment que, eu égard à ce contenu, cet acte la concerne directement, mais non pas en tant que destinataire dudit acte (arrêt du 21 janvier 2016, SACBO/Commission et INEA, C‑281/14 P, non publié, EU:C:2016:46, point 34).

39      En outre, en vertu d’une jurisprudence constante, la recevabilité d’un recours introduit par une personne physique ou morale contre un acte dont elle n’est pas le destinataire, au titre de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, est subordonnée à la condition que lui soit reconnue la qualité pour agir, laquelle se présente dans deux cas de figure. D’une part, un tel recours peut être formé à condition que cet acte la concerne directement et individuellement. D’autre part, une telle personne peut introduire un recours contre un acte réglementaire ne comportant pas de mesures d’exécution si celui-ci la concerne directement (arrêt du 17 septembre 2015, Mory e.a./Commission, C‑33/14 P, EU:C:2015:609, points 59 et 91).

40      En l’espèce, les parties sont d’accord pour considérer que la requérante n’est pas destinataire de l’acte attaqué. Dès lors, elle ne peut disposer de la qualité pour agir qu’au titre de l’un ou de l’autre des deux cas de figure mentionnés au point 40 ci-dessus. Ces deux hypothèses présupposant que l’acte attaqué concerne directement la requérante, il convient d’examiner tout d’abord cette condition.

41      Il est de jurisprudence constante que la condition de l’affectation directe requiert, premièrement, que la mesure incriminée produise directement des effets sur la situation juridique du particulier et, deuxièmement, qu’elle ne laisse aucun pouvoir d’appréciation aux destinataires de cette mesure qui sont chargés de sa mise en œuvre, celle-ci ayant un caractère purement automatique et découlant de la seule réglementation de l’Union, sans application d’autres règles intermédiaires (arrêts du 5 mai 1998, Dreyfus/Commission, C‑386/96 P, EU:C:1998:193, point 43 ; du 29 juin 2004, Front national/Parlement, C‑486/01 P, EU:C:2004:394, point 34, et du 10 septembre 2009, Commission/Ente per le Ville vesuviane et Ente per le Ville vesuviane/Commission, C‑445/07 P et C‑455/07 P, EU:C:2009:529, point 45).

42      À cet égard, la Commission soutient, en substance, que le mécanisme établi par le cadre réglementaire applicable en l’espèce exclut que la requérante puisse être directement concernée par l’acte attaqué. En particulier, l’acte attaqué serait sans incidence sur la position juridique de la requérante, tant que l’autorité fédérale belge n’a pas procédé à l’examen des demandes d’autorisation de mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques contenant la substance active glyphosate et n’a pas délivré l’autorisation nationale de mise sur le marché pour ces produits. De même, la procédure de reconnaissance mutuelle prévue aux articles 40 à 42 du règlement no 1107/2009 nécessiterait la délivrance d’une autorisation de mise sur le marché par une autorité d’un autre État membre ainsi qu’une décision prise par l’autorité fédérale belge avant que l’acte attaqué ne produise des effets à l’égard de la requérante. En outre, le doute éventuel sur la validité de l’arrêté du 10 novembre 2016 et le sort du contentieux pendant devant le Conseil d’État de Belgique ne constitueraient pas une affectation directe de la situation juridique de la requérante.

43      La requérante considère que l’acte attaqué la concerne directement dans la mesure où sa seule existence affecte l’exercice des compétences qui lui sont conférées par le droit constitutionnel belge en matière de protection de l’environnement. À l’appui de sa thèse elle invoque, en substance, cinq arguments.

44      Premièrement, la requérante soutient que le renouvellement de l’approbation du glyphosate par l’acte attaqué a pour effet immédiat de préserver la validité des autorisations de mise sur le marché dont jouissent actuellement, en Belgique, un grand nombre de produits phytopharmaceutiques contenant du glyphosate. L’acte attaqué compromettrait doublement l’exercice, par la requérante, de ses compétences en matière environnementale. D’une part, ces autorisations de mise sur le marché mettraient à mal l’effectivité de la mesure d’interdiction de l’utilisation, sur le territoire de la requérante, de tout produit contenant du glyphosate, adoptée par l’arrêté du 10 novembre 2016. À cet égard, la requérante soutient qu’il serait en effet assez évident que la vente libre d’un produit nuit à l’effectivité de l’interdiction d’utilisation de ce même produit. D’autre part, ces autorisations feraient peser un risque sur la validité de l’interdiction susmentionnée et alimenteraient le contentieux actuellement en cours devant le Conseil d’État de Belgique et portant sur la validité de l’arrêté du 10 novembre 2016.

45      Deuxièmement, la requérante fait valoir que l’acte attaqué oblige les États membres, par le truchement de l’article 43, paragraphe 5, du règlement no 1107/2009, à statuer sur le renouvellement de l’autorisation d’un produit phytopharmaceutique dans un délai maximal de douze mois à compter du renouvellement de l’approbation de la substance active. En outre, il découlerait de l’article 43, paragraphe 6, du règlement no 1107/2009, dans l’hypothèse où une telle décision ne serait pas prise dans le délai d’un an, que les États membres concernés se trouveraient dans l’obligation de prolonger l’autorisation pour la durée nécessaire à l’examen dudit renouvellement. Selon la requérante, cette double obligation, de se prononcer sur l’autorisation ou, à défaut, de prolonger l’autorisation, pèserait directement sur elle, étant donné qu’elle serait constitutionnellement associée à ces procédures d’autorisation.

46      Troisièmement, la requérante rappelle que, conformément à la procédure de reconnaissance mutuelle prévue aux articles 40 à 42 du règlement no 1107/2009, le titulaire d’une autorisation accordée conformément à l’article 29 dudit règlement peut, au titre de la procédure de reconnaissance mutuelle, demander une autorisation pour un même produit phytopharmaceutique, une même utilisation et une utilisation selon des pratiques agricoles comparables dans un autre État membre qui appartient à la même zone géographique. Ce système aurait pour effet de neutraliser, dans une large mesure, la capacité du comité d’agréation, et donc de la requérante, de s’opposer à l’autorisation de mise sur le marché d’un produit phytopharmaceutique à base de glyphosate qui a déjà été autorisé dans un État membre appartenant à la même zone que la Belgique. Ainsi, il ne serait pas possible pour la requérante de faire valoir, dans le cadre du comité d’agréation, une appréciation des risques pour la santé et pour l’environnement de tels produits qui puisse être différente de celle réalisée par le premier État membre. En liant ainsi les mains des autorités publiques d’un État membre, au rang desquelles celles de la requérante, à une évaluation effectuée ou à une autorisation octroyée par un autre État membre, l’acte attaqué affecterait donc directement la situation juridique desdites autorités.

47      Quatrièmement, la requérante fait valoir que l’acte attaqué pourrait être interprété comme ne tolérant pas de mesure nationale établissant un principe général d’interdiction d’utilisation de produits phytopharmaceutiques contenant du glyphosate. L’acte attaqué ferait donc planer une incertitude objective sur la légalité de l’interdiction de l’utilisation des produits contenant du glyphosate, édictée par la requérante, dans l’arrêté du 10 novembre 2016 et, dès lors, sur la légalité de l’exercice, par la requérante, de ses compétences normatives. Cette situation d’incertitude serait renforcée par l’existence d’un recours en annulation de cette interdiction actuellement pendant devant le Conseil d’État de Belgique.

48      Cinquièmement, la requérante rappelle que, en vertu de l’article 4, paragraphe 2, TUE, l’Union est obligée de respecter l’identité nationale des États membres, ce qui impliquerait de prendre en compte les particularités des pouvoirs reconnus aux entités fédérées du Royaume de Belgique, et notamment à la requérante. À cet égard, la requérante soutient qu’elle se trouve impliquée aux trois niveaux de la réglementation en matière de produits phytosanitaires, à savoir au niveau, européen, de l’approbation des substances, au niveau, national, de la délivrance des autorisations de mise sur le marché des produits contenant ces substances, et enfin au niveau, régional, de la protection des usagers potentiels de tels produits. La requérante soutient que, au regard de ces particularités, elle devrait être considérée comme directement et individuellement concernée par l’acte attaqué.

49      Or, aucun des arguments de la requérante n’emporte la conviction.

50      En ce qui concerne, premièrement, l’argumentation de la requérante visant le prétendu effet de l’acte attaqué sur la validité des autorisations de mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques contenant du glyphosate, il convient de relever que cette argumentation est fondée sur une interprétation erronée des dispositions pertinentes du règlement no 1107/2009.

51      Il est vrai que, comme la requérante l’a observé, dans le cas où la Commission décide de ne pas renouveler l’approbation d’une substance active en raison de préoccupations immédiates concernant la santé humaine ou animale ou l’environnement, les produits phytopharmaceutiques contenant cette substance sont immédiatement retirés du marché, conformément à l’article 20, paragraphe 2, deuxième alinéa, du règlement no 1107/2009. Cependant, contrairement à ce que la requérante fait valoir, il n’est toutefois pas possible d’en conclure qu’un règlement d’exécution renouvelant l’approbation d’une substance active aurait pour effet de confirmer la validité des autorisations de mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques contenant la substance en cause.

52      À cet égard, il convient d’abord de rappeler que les autorisations de mise sur le marché de produits phytopharmaceutiques contenant une substance active sont octroyées, conformément à l’article 32, paragraphe 1, premier alinéa, du règlement no 1107/2009, pour une durée de validité limitée dans le temps. Selon l’article 32, paragraphe 1, deuxième alinéa, du règlement no 1107/2009, la durée de l’autorisation est fixée à un an maximum à compter de la date d’expiration de l’approbation de la substance active contenue dans le produit phytopharmaceutique, et elle est ensuite fixée de manière à correspondre à la durée de l’approbation de ladite substance active, sous réserve de l’article 44 dudit règlement, qui permet aux États membres de retirer ou de modifier une telle autorisation dans certaines situations.

53      Ainsi que la Commission l’a observé à juste titre, il ressort desdites dispositions de l’article 32 du règlement no 1107/2009 que le renouvellement de l’autorisation d’une substance active n’entraîne nullement la confirmation, la prolongation ou la reconduction d’une autorisation de mise sur le marché pour les produits phytopharmaceutiques contenant cette substance. Au contraire, il résulte de l’article 43, paragraphes 1 et 2, du règlement no 1107/2009, que, lorsque l’approbation d’une substance active est renouvelée par la Commission, il incombe au titulaire d’une autorisation de mise sur le marché d’un produit phytopharmaceutique contenant cette substance de demander le renouvellement de cette autorisation, dans un délai de trois mois suivant le renouvellement de l’approbation de la substance active.

54      Certes, il ressort de l’article 43, paragraphes 5 et 6, du règlement no 1107/2009, que les États membres statuent sur le renouvellement de l’autorisation de mise sur le marché d’un produit phytopharmaceutique dans un délai maximal de douze mois à compter du renouvellement de l’approbation de la substance active et que si, pour des raisons indépendantes de la volonté du titulaire de l’autorisation, aucune décision n’est prise sur le renouvellement de l’autorisation avant son expiration, l’État membre concerné prolonge l’autorisation de la durée nécessaire pour mener à bien l’examen et adopter une décision sur le renouvellement. Il convient toutefois de relever qu’une telle prolongation temporaire ne résulte pas, de manière automatique, du renouvellement, par la Commission, de l’approbation donnée à la substance active glyphosate, mais bien d’une intervention attribuable à l’État membre concerné, étant entendu qu’une telle intervention doit pouvoir donner lieu à une procédure devant une juridiction nationale (voir, en ce sens, ordonnance du 12 janvier 2017, ACDA e.a./Commission, T‑242/15, EU:T:2017:6, point 45 et jurisprudence citée).

55      Au vu de ce qui précède, le premier argument de la requérante doit être rejeté.

56      En ce qui concerne le deuxième argument de la requérante, il convient de rappeler qu’il est tiré des effets qu’un renouvellement de l’approbation d’une substance active comporte pour les États membres en vertu de l’article 43, paragraphes 5 et 6, du règlement no 1107/2009, à savoir, d’une part, l’obligation de statuer sur le renouvellement de l’autorisation d’un produit phytopharmaceutique dans un délai maximal de douze mois à compter du renouvellement de l’approbation de la substance active et, d’autre part, l’obligation de prolonger l’autorisation pour la durée nécessaire à l’examen dudit renouvellement dans l’hypothèse où une telle décision n’est pas prise dans le délai d’un an.

57      Or, il ressort des informations fournies par la requérante elle-même que, en Belgique, les décisions sur l’octroi et le renouvellement de l’autorisation de mise sur le marché d’un produit phytopharmaceutique sont prises par l’autorité fédérale. Il est vrai que la requérante est associée à ces procédures par le biais du comité d’agréation, qui comprend un membre nommé par l’autorité fédérale sur proposition de la requérante (voir point 12 ci-dessus). Il ressort toutefois des informations fournies par la requérante elle-même que la compétence du comité d’agréation se limite à émettre un avis à cet égard, tandis que la décision en tant que telle est adoptée par l’autorité fédérale belge. Dans ces conditions, la requérante ne peut pas se fonder sur les obligations auxquelles l’article 43, paragraphes 5 et 6, du règlement no 1107/2009 donne lieu afin d’établir qu’elle serait directement concernée par l’acte attaqué.

58      Par ailleurs, il y a lieu de relever que le deuxième argument de la requérante ne met pas en cause l’acte attaqué, mais le règlement no 1107/2009, qui est celui qui impose, dans son article 43, paragraphes 5 et 6, l’obligation de statuer sur le renouvellement de l’autorisation d’un produit phytopharmaceutique et l’obligation de prolonger l’autorisation pour la durée nécessaire. Or, ce dernier règlement n’est pas l’acte attaqué dans la présente affaire.

59      Au vu de ce qui précède, le deuxième argument de la requérante doit être rejeté.

60      En ce qui concerne le troisième argument de la requérante fondé sur la procédure de reconnaissance mutuelle prévue aux articles 40 à 42 du règlement no 1107/2009, il y a lieu de relever que le titulaire d’une autorisation accordée conformément à l’article 29 dudit règlement peut, au titre de la procédure de reconnaissance mutuelle, demander une autorisation pour un même produit phytopharmaceutique, une même utilisation et une utilisation selon des pratiques agricoles comparables dans un autre État membre qui appartient à la même zone géographique. La conséquence de ce système serait, selon la requérante, de neutraliser, dans une large mesure, la capacité du comité d’agréation, et, par conséquent, de la requérante, constitutionnellement associée à la procédure d’autorisation des produits phytopharmaceutiques, de s’opposer à l’autorisation de mise sur le marché d’un produit phytopharmaceutique à base de glyphosate qui a déjà été autorisé dans un État membre appartenant à la même zone que la Belgique. Dans une telle situation, les appréciations de l’État membre qui a octroyé l’autorisation dont la reconnaissance mutuelle est demandée lient, dans une large mesure, l’État membre auquel une demande de reconnaissance mutuelle est adressée.

61      En outre, et comme la Commission l’a observé à juste titre, la procédure de reconnaissance mutuelle ne crée pas d’automatisme et laisse une marge d’appréciation à l’État membre saisi d’une demande de reconnaissance mutuelle. En effet, comme cela est prévu à l’article 41, paragraphe 1, et à l’article 36, paragraphe 3, du règlement no 1007/2009, l’État membre qui a reçu une demande au titre de l’article 40, paragraphe 1, sous a), dudit règlement peut, lorsque la mise en place de mesures nationales d’atténuation des risques ne permet pas de répondre aux préoccupations de cet État membre, liées à la santé humaine ou animale ou à l’environnement, refuser l’autorisation du produit phytopharmaceutique sur son territoire si, en raison de ses caractéristiques environnementales ou agricoles particulières, il est fondé à considérer que le produit en question présente toujours un risque inacceptable pour la santé humaine ou animale ou pour l’environnement.

62      Dans ces circonstances, il ne peut être constaté que l’acte attaqué ne laisserait aucun pouvoir d’appréciation aux destinataires de cet acte, chargés de sa mise en œuvre, et que cette mise en œuvre aurait un caractère purement automatique.

63      Force est de constater de plus que la procédure de reconnaissance mutuelle est prévue aux articles 40 à 42 du règlement no 1107/2009, qui n’est pas l’acte attaqué dans la présente affaire. Par conséquent, à l’instar de ce qui a été indiqué au point 59 ci-dessus, il convient de conclure que ce n’est pas l’acte attaqué qui crée, directement et en soi, les effets de la procédure de reconnaissance mutuelle prévue aux articles 40 à 42 du règlement no 1107/2009 auxquels la requérante a fait référence.

64      Au vu de ce qui précède, le troisième argument de la requérante doit être rejeté.

65      En ce qui concerne les quatrième et cinquième arguments de la requérante, qu’il convient d’examiner ensemble, il doit être rappelé que la requérante dispose, selon la Constitution belge, de certaines compétences en matière environnementale. Or, l’article 4, paragraphe 2, TUE stipule que l’Union respecte l’identité nationale des États membres, inhérente à leurs structures fondamentales politiques et constitutionnelles, y compris en ce qui concerne l’autonomie locale et régionale. Il s’ensuit, d’une part, que la Commission est obligée de respecter les compétences accordées à la requérante par la Constitution belge, et, d’autre part, que la requérante doit être considérée comme ayant le droit de contester des mesures de la Commission qui auraient été adoptées en violation de l’obligation stipulée par l’article 4, paragraphe 2, TUE, pourvu qu’elle soit directement et individuellement concernée par une telle mesure. Afin de prouver que tel est le cas en l’espèce, la requérante invoque l’effet allégué de l’acte attaqué sur l’arrêté du 10 novembre 2016 et le contentieux auquel cet arrêté a donné lieu.

66      À cet égard, il convient de rappeler que dans l’arrêt du 5 octobre 2005, Land Oberösterreich et Autriche/Commission (T‑366/03 et T‑235/04, EU:T:2005:347), il a été jugé qu’une autorité régionale peut être affectée de manière directe par un acte de la Commission. Dans l’affaire ayant donné lieu à cet arrêt, la Commission avait rejeté, sur le fondement de l’article 114, paragraphe 6, TFUE, un projet de loi par lequel une autorité régionale autrichienne visait à prohiber, notamment, la culture de semences et de plants composés d’organismes génétiquement modifiés ou en contenant. Dans son arrêt, le Tribunal a conclu à ce que ladite autorité régionale était directement concernée par la décision attaquée de la Commission, étant donné que, bien que cette décision fût adressée à la République d’Autriche, cette dernière n’exerçait aucun pouvoir d’appréciation à cet égard. Le Tribunal a ajouté que l’autorité régionale en cause était en outre individuellement concernée par la décision attaquée, étant donné que cette dernière avait pour conséquence d’empêcher l’autorité régionale d’exercer comme elle l’entendait les compétences propres que lui conférait l’ordre constitutionnel autrichien (arrêt du 5 octobre 2005, Land Oberösterreich et Autriche/Commission, T‑366/03 et T‑235/04, EU:T:2005:347, points 28 et 29).

67      Au vu ce qui précède, il convient de conclure qu’une autorité régionale peut être considérée comme directement concernée par un acte de la Commission qui s’oppose à une mesure prise par ladite autorité régionale ou qui empêche cette autorité d’exercer comme elle l’entend les compétences propres que lui confère l’ordre constitutionnel national.

68      Or, ni l’une ni l’autre de ces conditions n’est remplie en l’espèce.

69      D’une part, il doit être constaté que l’acte attaqué ne vise nullement l’arrêté du 10 novembre 2016, qui n’est même pas mentionné dans cet acte. En effet, l’acte attaqué se limite à renouveler l’approbation du glyphosate, sur le fondement du règlement no 1007/2009.

70      D’autre part, la requérante n’a pas établi que l’acte attaqué l’aurait empêchée d’exercer comme elle l’entendait les compétences propres que lui conférait l’ordre constitutionnel belge. Il est vrai que la requérante a fait valoir que l’acte attaqué aurait affecté, par sa seule existence, l’exercice des compétences en matière de protection de l’environnement qui lui étaient conférés par le droit constitutionnel belge. Il convient de relever que la requérante se limite à cet égard à soutenir que l’acte attaqué pourrait être interprété comme ne tolérant pas de mesure nationale établissant un principe général d’interdiction d’utilisation de produits contenant du glyphosate et que l’acte attaqué ferait donc planer une incertitude objective sur la légalité de l’interdiction de l’utilisation des produits contenant du glyphosate, édictée par elle et, dès lors, sur la légalité de l’exercice, par elle, de ses compétences normatives.

71      Certes, l’existence d’une approbation d’une substance active à l’échelle de l’Union, qui est octroyée notamment sur le fondement d’un examen des effets potentiels de la substance en cause sur la santé humaine et l’environnement, et l’existence d’autorisations de mise sur le marché de produits phytopharmaceutiques contenant cette substance dans un État membre soulèvent la question de savoir si cet État membre ou une autorité régionale à laquelle le droit national confère des responsabilités à cet égard est néanmoins compétent pour prohiber l’utilisation de ces produits phytopharmaceutiques, sur le fondement d’une appréciation divergente des effets de la substance en cause sur la santé humaine et l’environnement.

72      Il convient toutefois de souligner que le fait que l’acte attaqué puisse donner lieu à une incertitude objective quant à la légalité de l’arrêté du 10 novembre 2016 ne suffit pas pour établir qu’il aurait empêché la requérante d’exercer comme elle l’entendait les compétences propres que lui confère l’ordre constitutionnel belge. Le fait qu’un tel effet n’existe pas est confirmé par le comportement de la requérante.

73      En effet, d’une part, il convient de rappeler que l’acte attaqué a les mêmes effets juridiques que le précédent règlement d’exécution 2016/1056 du 29 juin 2016, par lequel la Commission a prolongé la période d’approbation du glyphosate jusqu’au 15 décembre 2017 (voir point 7 ci‑dessus), à savoir, de maintenir l’approbation de la substance en cause. Or, la requérante a adopté l’arrêté du 10 novembre 2016 en dépit du fait que, à cette date, il existait une approbation du glyphosate à l’échelle de l’Union, en vertu du règlement d’exécution 2016/1056. Il s’ensuit que la requérante ne s’est pas considérée comme empêchée d’exercer comme elle l’entendait les compétences propres que lui confère l’ordre constitutionnel belge en matière environnementale par le règlement d’exécution 2016/1056 au moment où elle a adopté l’arrêté du 10 novembre 2016. La même conclusion s’impose donc en ce qui concerne l’acte attaqué en l’espèce.

74      D’autre part, il convient de rappeler que la requérante, tout en demandant au Tribunal d’annuler l’acte attaqué, a également demandé au Tribunal de maintenir les effets de cet acte jusqu’à son remplacement dans un délai raisonnable, et au plus tard jusqu’au 16 décembre 2021. Or, une telle demande ne serait pas compréhensible si la requérante était vraiment d’avis que l’acte attaqué l’empêcherait d’exercer comme elle l’entend les compétences propres que lui confère l’ordre constitutionnel belge.

75      La même conclusion vaut, a fortiori, pour l’argument de la requérante tiré du litige auquel l’arrêté du 10 novembre 2016 a donné lieu, étant donné que l’acte attaqué n’est aucunement lié à ce contentieux.

76      Pour ce qui est de l’argument supplémentaire de la requérante tiré de ce qu’elle aurait été impliquée également au niveau européen de la réglementation en matière de produits phytosanitaires, à savoir de l’approbation des substances, il ressort du dossier que la requérante est associée aux travaux des comités de la comitologie à l’échelle de l’Union et y représente le Royaume de Belgique à tour de rôle (voir point 17 ci-dessus). Il doit toutefois être rappelé que, pour ce qui est des travaux de l’Union concernant le glyphosate, la requérante s’est limitée à relever qu’elle avait participé à une concertation avec les autres régions belges en amont des travaux sur cette substance par le SCoPAFF, par le biais du comité de coordination de la politique internationale de l’environnement institué par l’accord belge de coopération entre l’État fédéral et les trois régions belges (voir point 17 ci-dessus). La requérante n’a pas expliqué pourquoi une telle participation à une concertation entre les régions belges, en amont des travaux du SCoPAFF, devrait amener le Tribunal à considérer qu’elle était directement concernée par l’acte attaqué.

77      Les quatrième et cinquième arguments de la requérante doivent donc également être rejetés.

78      Au vu de ce qui précède, l’exception d’irrecevabilité soulevée par la Commission doit être accueillie et le recours doit être rejeté comme irrecevable, sans qu’il soit nécessaire d’examiner les autres arguments des parties.

 Sur les dépens

79      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

80      La requérante ayant succombé en son recours, il y a lieu de la condamner à supporter ses propres dépens ainsi que ceux exposés par la Commission, conformément aux conclusions de cette dernière.

81      Aux termes de l’article 144, paragraphe 10, du règlement de procédure, s’il est mis fin à l’instance dans l’affaire principale avant qu’il ne soit statué sur une demande d’intervention, le demandeur en intervention et les parties principales supportent chacun leurs propres dépens afférents à la demande d’intervention.

82      En l’espèce, la requérante, la Commission, Justice Pesticides, la Région wallonne, PAN Europe, HEAL, Nature & Progrès, SomeOfUs, WeMove.EU, Monsanto Europe, Monsanto Company, Helm Barclay Chemicals Manufacturing, Albaugh Europe, Albaugh TKI D.O.O. et Albaugh UK supporteront donc chacune leurs propres dépens afférents aux demandes d’intervention.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (cinquième chambre)

ordonne :

1)      Le recours est rejeté comme irrecevable.

2)      Il n’y a plus lieu de statuer sur les demandes d’intervention de Justice Pesticides, la Région wallonne, Pesticide Action Network Europe (PAN Europe), Health & Environment Alliance (HEAL), Nature & Progrès Belgique (Nature & Progrès), SomeOfUs, WeMove Europe (WeMove.EU), Monsanto Europe NV/SA, Monsanto Company, Helm AG, Barclay Chemicals Manufacturing Ltd, Albaugh Europe Sàrl, Albaugh TKI D.O.O. et Albaugh UK Ltd.

3)      La Région de Bruxelles-Capitale supportera ses propres dépens ainsi que ceux exposés par la Commission européenne.


4)      La Région de Bruxelles-Capitale, la Commission, Justice Pesticides, la Région wallonne, PAN Europe, HEAL, Nature & Progrès, SomeOfUs, WeMove.EU, Monsanto Europe, Monsanto Company, Helm, Barclay Chemicals Manufacturing, Albaugh Europe, Albaugh TKI D.O.O. et Albaugh UK supporteront chacune leurs propres dépens relatifs aux demandes d’intervention.

Fait à Luxembourg, le 28 février 2019.

Le greffier

 

Le président faisant fonction

E. Coulon

 

I. Labucka


*      Langue de procédure : le français.