Language of document : ECLI:EU:C:2019:177

ARRÊT DE LA COUR (première chambre)

7 mars 2019 (*)

« Pourvoi – Droit institutionnel – Initiative citoyenne – Règlement (UE) no 211/2011 – Enregistrement de la proposition d’initiative citoyenne – Article 4, paragraphe 2, sous b) – Condition que la proposition ne soit pas manifestement en dehors du cadre des attributions de la Commission européenne en vertu desquelles elle peut présenter une proposition d’acte juridique aux fins de l’application des traités – Charge de la preuve – Cohésion économique, sociale et territoriale – Article 174 TFUE – Initiative citoyenne “Politique de cohésion pour l’égalité des régions et le maintien des cultures régionales” – Demande d’enregistrement – Refus de la Commission »

Dans l’affaire C‑420/16 P,

ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduit le 28 juillet 2016,

Balázs-Árpád Izsák, demeurant à Târgu Mureş (Roumanie),

Attila Dabis, demeurant à Budapest (Hongrie),

représentés par Me D. Sobor, ügyvéd,

parties requérantes,

les autres parties à la procédure étant :

Commission européenne, représentée par Mmes K. Banks et K. Talabér-Ritz ainsi que par MM. H. Krämer et B.-R. Killmann, en qualité d’agents,

partie défenderesse en première instance,

Hongrie, représentée par M. M. Z. Fehér, en qualité d’agent,

République hellénique,

Roumanie, représentée par MM. R. H. Radu et C. R. Canţăr ainsi que par Mmes C.-M. Florescu, L. Liţu et E. Gane, en qualité d’agents,

République slovaque, représentée par Mme B. Ricziová, en qualité d’agent,

parties intervenantes en première instance,

LA COUR (première chambre),

composée de Mme R. Silva de Lapuerta, vice-présidente de la Cour, faisant fonction de président de la première chambre, MM. J.‑C. Bonichot, A. Arabadjiev, E. Regan et S. Rodin (rapporteur), juges,

avocat général : M. Mengozzi,

greffier : Mme R. Şereş, administratrice,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 3 mai 2018,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 4 octobre 2018,

rend le présent

Arrêt

1        Par leur pourvoi, MM. Balázs-Árpád Izsák et Attila Dabis demandent l’annulation de l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 10 mai 2016, Izsák et Dabis/Commission (T‑529/13, ci-après l’« arrêt attaqué », EU:T:2016:282), par lequel celui-ci a rejeté leur recours tendant à l’annulation de la décision C (2013) 4975 final de la Commission européenne, du 25 juillet 2013, relative à la demande d’enregistrement de l’initiative citoyenne européenne « Politique de cohésion pour l’égalité des régions et le maintien des cultures régionales », présentée à la Commission le 18 juin 2013 (ci-après la « décision litigieuse »).

 Le cadre juridique

2        Le règlement (UE) no 211/2011 du Parlement européen et du Conseil, du 16 février 2011, relatif à l’initiative citoyenne (JO 2011, L 65, p. 1, et rectificatif JO 2012, L 94, p. 49), énonce, à ses considérants 1, 2, 4 et 10 :

« (1)      Le traité sur l’Union européenne renforce la citoyenneté de l’Union et améliore encore le fonctionnement démocratique de l’Union en prévoyant notamment que tout citoyen a le droit de participer à la vie démocratique de l’Union par l’intermédiaire d’une initiative citoyenne européenne. Cette procédure donne aux citoyens la possibilité de s’adresser directement à la Commission, pour lui présenter une demande l’invitant à soumettre une proposition d’acte juridique de l’Union aux fins de l’application des traités à l’instar du droit conféré au Parlement européen en vertu de l’article 225 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne et au Conseil en vertu de l’article 241 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne.

(2)      Afin d’encourager la participation des citoyens et de rendre l’Union plus accessible, les procédures et conditions requises pour l’initiative citoyenne devraient être claires, simples, faciles à appliquer et proportionnées à la nature de l’initiative citoyenne. Elles devraient trouver un juste équilibre entre droits et obligations.

[...]

(4)      La Commission devrait, sur demande, fournir aux citoyens des informations et des conseils informels sur les initiatives citoyennes, notamment en ce qui concerne les critères d’enregistrement.

[...]

(10)      En vue d’assurer la cohérence et la transparence des propositions d’initiatives citoyennes et d’éviter la collecte de signatures pour une proposition d’initiative citoyenne qui ne satisfait pas aux conditions fixées par le présent règlement, lesdites initiatives devraient impérativement être enregistrées sur un site internet mis à disposition par la Commission, avant que les déclarations de soutien nécessaires ne soient recueillies auprès des citoyens. Toutes les propositions d’initiative citoyenne satisfaisant aux conditions énoncées dans le présent règlement devraient être enregistrées par la Commission. La Commission devrait procéder à l’enregistrement conformément aux principes généraux de bonne administration. »

3        L’article 1er du règlement no 211/2011 dispose :

« Le présent règlement établit les procédures et conditions requises pour une initiative citoyenne, ainsi que le prévoient l’article 11 du traité sur l’Union européenne et l’article 24 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne. »

4        Aux termes de l’article 2 de ce règlement :

« Aux fins du présent règlement, on entend par :

1)      “initiative citoyenne” : une initiative présentée à la Commission conformément au présent règlement, invitant la Commission à soumettre, dans le cadre de ses attributions, une proposition appropriée sur des questions pour lesquelles des citoyens considèrent qu’un acte juridique de l’Union est nécessaire aux fins de l’application des traités, et ayant recueilli le soutien d’au moins un million de signataires admissibles provenant d’au moins un quart de l’ensemble des États membres ;

[...]

3)      “organisateurs” : des personnes physiques réunies au sein d’un comité des citoyens, se chargeant de l’élaboration d’une initiative citoyenne et de sa présentation à la Commission. »

5        L’article 4, paragraphes 1 à 3, dudit règlement prévoit :

« 1.      Avant d’entamer la collecte des déclarations de soutien à une proposition d’initiative citoyenne auprès des signataires, les organisateurs sont tenus de l’enregistrer auprès de la Commission, en fournissant les informations décrites à l’annexe II, notamment en ce qui concerne l’objet et les objectifs de la proposition d’initiative citoyenne.

Ces informations sont fournies dans une des langues officielles de l’Union, dans un registre mis en ligne par la Commission à cet effet (ci‑après dénommé “registre”).

Les organisateurs fournissent, aux fins du registre et, s’il y a lieu, sur leur site internet, des informations régulièrement mises à jour sur les sources de soutien et de financement de la proposition d’initiative citoyenne.

Après confirmation de l’enregistrement conformément au paragraphe 2, les organisateurs peuvent fournir la proposition d’initiative citoyenne dans d’autres langues officielles de l’Union aux fins d’inclusion dans le registre. La traduction de la proposition d’initiative citoyenne dans d’autres langues officielles de l’Union relève de la responsabilité des organisateurs.

La Commission établit un point de contact fournissant informations et assistance.

2.      Dans les deux mois qui suivent la réception des informations décrites à l’annexe II, la Commission enregistre la proposition d’initiative citoyenne sous un numéro d’enregistrement unique et transmet une confirmation aux organisateurs, pour autant que les conditions suivantes soient remplies :

[...]

b)      la proposition d’initiative citoyenne n’est pas manifestement en dehors du cadre des attributions de la Commission en vertu desquelles elle peut présenter une proposition d’acte juridique de l’Union aux fins de l’application des traités ;

[...]

3.      La Commission refuse l’enregistrement si les conditions énoncées au paragraphe 2 ne sont pas remplies.

Lorsqu’elle refuse d’enregistrer une proposition d’initiative citoyenne, la Commission informe les organisateurs des motifs de ce refus, ainsi que de toutes les voies de recours judiciaires et extrajudiciaires dont ils disposent. »

 Les antécédents du litige et la décision litigieuse

6        Les antécédents du litige, tels qu’ils ressortent de l’arrêt attaqué, peuvent se résumer comme suit.

7        Le 18 juin 2013, les requérants, associés à cinq autres personnes, ont transmis à la Commission une proposition d’initiative citoyenne européenne (ci-après l’« ICE ») intitulée « Politique de cohésion pour l’égalité des régions et le maintien des cultures régionales » (ci-après la « proposition d’ICE en cause »).

8        Dans le registre mis en ligne par la Commission à cet effet, les requérants ont fourni, conformément à l’article 4, paragraphe 1, du règlement no 211/2011, les informations minimales décrites à l’annexe II de ce même règlement (ci-après les « informations requises »), notamment en ce qui concerne l’exposé sommaire de l’objet et des objectifs de la proposition d’ICE en cause.

9        Il ressortait des informations fournies par les requérants au titre des informations requises que la proposition d’ICE en cause visait à ce que l’Union, dans le cadre de la politique de cohésion, accorde une attention particulière aux régions dont les caractéristiques ethniques, culturelles, religieuses ou linguistiques diffèrent de celles des régions environnantes.

10      En annexe aux informations fournies au titre des informations requises, les requérants ont joint, conformément à l’annexe II du règlement no 211/2011, des informations plus détaillées sur l’objet, les objectifs et le contexte de la proposition d’ICE en cause (ci-après les « informations supplémentaires »).

11      Selon les requérants, la politique de cohésion régie par les articles 174 à 178 TFUE devait, pour répondre aux valeurs fondamentales définies aux articles 2 et 3 TUE, contribuer au maintien des caractéristiques ethniques, culturelles, religieuses ou linguistiques spécifiques des régions à minorité nationale, lesquelles étaient menacées par l’intégration économique européenne, et à la correction des handicaps et des discriminations affectant le développement économique de ces régions. Par conséquent, l’acte proposé devait accorder aux régions à minorité nationale une possibilité d’accéder aux fonds, aux ressources et aux programmes de la politique de cohésion de l’Union égale à celle des régions actuellement éligibles, telles que listées à l’annexe I du règlement (CE) no 1059/2003 du Parlement européen et du Conseil, du 26 mai 2003, relatif à l’établissement d’une nomenclature commune des unités territoriales statistiques (NUTS) (JO 2003, L 154, p. 1). Ces garanties pouvaient, selon les requérants, inclure la mise en place d’institutions régionales autonomes, investies de pouvoirs suffisants pour aider les régions à minorité nationale à maintenir leurs caractéristiques nationales, linguistiques et culturelles ainsi que leur identité.

12      Par la décision litigieuse, la Commission a refusé d’enregistrer la proposition d’ICE en cause, au motif qu’il ressortait d’un examen approfondi des dispositions des traités citées dans cette proposition, et de toutes les autres bases légales envisageables, que ladite proposition se situait manifestement en dehors du cadre de ses attributions lui permettant de soumettre une proposition d’adoption d’un acte juridique de l’Union aux fins de l’application des traités.

 La procédure devant le Tribunal et l’arrêt attaqué

13      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 27 septembre 2013, les requérants ont introduit un recours tendant à l’annulation de la décision litigieuse.

14      À l’appui de leur recours, ils ont soulevé un moyen unique, tiré de ce que la Commission avait commis des erreurs de droit en refusant d’enregistrer la proposition d’ICE en cause sur le fondement de l’article 4, paragraphe 2, sous b), du règlement no 211/2011.

15      Par l’arrêt attaqué, le Tribunal a jugé, en substance, que la Commission n’avait commis aucune erreur de droit en estimant que la proposition d’ICE en cause était manifestement en dehors des attributions lui permettant de soumettre une proposition d’acte juridique à cet égard.

16      Par conséquent, il a rejeté le recours comme étant non fondé.

 Les conclusions des parties

17      Les requérants demandent à la Cour :

–        d’annuler l’arrêt attaqué et la décision litigieuse ;

–        à titre subsidiaire, d’annuler l’arrêt attaqué et de renvoyer l’affaire devant le Tribunal, et

–        de condamner la Commission aux dépens.

18      La Hongrie demande à la Cour d’annuler l’arrêt attaqué et de statuer sur le fond de l’affaire ou de la renvoyer devant le Tribunal.

19      La Commission, la Roumanie et la République slovaque demandent à la Cour de rejeter le pourvoi et de condamner les requérants aux dépens.

 Sur la demande tendant à la réouverture de la phase orale de la procédure

20      Conformément à l’article 82, paragraphe 2, du règlement de procédure, la phase orale de la procédure a été clôturée après la présentation, le 4 octobre 2018, des conclusions de M. l’avocat général Mengozzi.

21      Par une lettre du 1er novembre 2018, la Roumanie a demandé à ce que soit ordonnée la réouverture de la phase orale de la procédure.

22      Cet État membre, mettant en cause le raisonnement de M. l’avocat général aux points 51 à 55 de ses conclusions, fait valoir, en substance, que celui-ci a avancé deux arguments qui n’ont pas été débattus entre les parties. Premièrement, M. l’avocat général aurait inclus les régions à minorité nationale dans la catégorie des régions transfrontalières visées à l’article 174, troisième alinéa, TFUE. Deuxièmement, il aurait affirmé que la référence aux régions transfrontalières figurant à l’article 174 TFUE était de nature à remettre en cause la conclusion selon laquelle cet article doit être appliqué conformément à la situation politique, administrative et institutionnelle des États membres, et donc conformément à l’article 4, paragraphe 2, TUE.

23      À cet égard, il résulte de l’article 252, second alinéa, TFUE que l’avocat général a pour rôle de présenter publiquement, en toute impartialité et en toute indépendance, des conclusions motivées sur les affaires qui, conformément au statut de la Cour de justice de l’Union européenne, requièrent son intervention, étant entendu que la Cour n’est liée ni par ces conclusions ni par leur motivation (voir, en ce sens, arrêts du 18 juillet 2013, Commission e.a./Kadi, C‑584/10 P, C‑593/10 P et C‑595/10 P, EU:C:2013:518, point 57, ainsi que du 6 octobre 2015, Commission/Andersen, C‑303/13 P, EU:C:2015:647, point 33).

24      Par conséquent, le désaccord d’une partie avec lesdites conclusions ne peut, quelles que soient les questions examinées dans celles-ci, constituer en soi un motif justifiant la réouverture de la phase orale de la procédure (arrêts du 22 novembre 2012, E.ON Energie/Commission, C‑89/11 P, EU:C:2012:738, point 62, ainsi que du 17 septembre 2015, Mory e.a./Commission, C‑33/14 P, EU:C:2015:609, point 26).

25      Cela étant, l’article 83 du règlement de procédure permet à la Cour, l’avocat général entendu, d’ordonner à tout moment la réouverture de la phase orale de la procédure, notamment lorsque l’affaire doit être tranchée sur la base d’un argument qui n’a pas été débattu entre les intéressés (arrêt du 21 décembre 2016, Conseil/Front Polisario, C‑104/16 P, EU:C:2016:973, point 62).

26      Tel n’est toutefois pas le cas en l’espèce.

27      À cet égard, il convient de relever que la Roumanie procède partiellement à une lecture erronée des conclusions. Le raisonnement de M. l’avocat général exposé aux points 51 à 55 de ses conclusions concerne la question de savoir si les régions à minorité nationale peuvent être qualifiées de régions au sens de l’article 174, troisième alinéa, TFUE, en particulier de régions qui souffrent de handicaps démographiques graves et permanents, et, dans ce contexte, si la liste des handicaps qui figure à cette disposition présente un caractère indicatif ou exhaustif. Or, cette question, relative, notamment, au caractère de ladite liste, qui avait été soulevée par les requérants dans leur pourvoi, a été amplement débattue entre les parties.

28      Eu égard à ce qui précède, la Cour, l’avocat général entendu, considère qu’il n’y a pas lieu d’ordonner la réouverture de la phase orale de la procédure.

 Sur le pourvoi

29      Au soutien de leur pourvoi, les requérants soulèvent cinq moyens. Le premier moyen est tiré d’une violation de l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte ») et de l’article 92, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal. Le deuxième moyen est tiré d’une violation de l’article 11, paragraphe 4, TUE et de l’article 4, paragraphe 2, sous b), du règlement no 211/2011. Le troisième moyen a trait à une violation de l’article 4, paragraphe 2, et de l’article 174 TFUE. Le quatrième moyen est tiré d’une violation des articles 7 et 167 TFUE, de l’article 3, paragraphe 3, TUE, de l’article 22 de la Charte et des dispositions des traités relatives à l’interdiction de la discrimination. Le cinquième moyen est tiré d’une interprétation erronée de la notion d’« abus de droit » lors de la décision sur les dépens.

30      En outre, dans leur demande d’audience de plaidoiries, les requérants ont, sur la base de l’article 127 du règlement de procédure de la Cour, demandé à produire trois moyens nouveaux, tirés respectivement d’une violation du principe de bonne administration, du non-enregistrement partiel de la proposition d’ICE en cause ainsi que d’une violation du principe de l’égalité de traitement.

31      Il convient d’emblée d’examiner conjointement les premier à troisième moyens du pourvoi, pour autant que, par ceux-ci, les requérants reprochent en substance au Tribunal d’avoir, notamment aux points 72 à 74, 81 et 85 à 87 de l’arrêt attaqué, commis des erreurs en considérant que les articles 174 à 178 TFUE relatifs à la politique de cohésion de l’Union ne pouvaient constituer une base légale pour l’adoption de l’acte proposé.

 Argumentation des parties

32      Par leur premier moyen, les requérants soutiennent que le Tribunal a violé leurs droits procéduraux, tels qu’ils découlent de l’article 47 de la Charte et de l’article 92, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, en constatant, aux points 81 et 85 de l’arrêt attaqué, qu’ils n’avaient démontré ni que la mise en œuvre de la politique de cohésion de l’Union, tant par l’Union que par les États membres, menaçait les caractéristiques spécifiques des régions à minorité nationale ni que les caractéristiques ethniques, culturelles, religieuses ou linguistiques spécifiques des régions à minorité nationale pourraient être considérées comme un handicap démographique grave et permanent, au sens de l’article 174, troisième alinéa, TFUE. En effet, les requérants font valoir que le Tribunal aurait dû, avant de procéder à un tel constat, les informer qu’il leur appartenait de démontrer la preuve de tels faits.

33      En conséquence, le Tribunal se serait prononcé sur la base de pures suppositions, ainsi qu’il ressortirait d’ailleurs de la formulation du point 87 de l’arrêt attaqué.

34      Selon la Commission et la République slovaque, ce moyen doit être rejeté comme étant dénué de fondement.

35      Par leur deuxième moyen, les requérants, soutenus par la Hongrie, reprochent au Tribunal, en substance, d’avoir violé l’article 11, paragraphe 4, TUE et méconnu la condition évoquée à l’article 4, paragraphe 2, sous b), du règlement no 211/2011 en considérant, aux points 72 à 74 de l’arrêt attaqué, que les articles 174, 176, 177 et 178 TFUE ne pouvaient constituer une base légale pour l’adoption de l’acte proposé et que la proposition d’ICE ne satisfaisait, dès lors, pas à cette condition.

36      À cet égard ils soutiennent, tout d’abord, que les dispositions pertinentes des traités UE et FUE ne limitent pas le droit de proposer une ICE aux domaines dans lesquels l’Union dispose d’une compétence exclusive. Ce droit pourrait également être exercé dans les domaines à compétences partagées, y compris, par conséquent, dans celui de la politique de cohésion. La proposition d’ICE en cause, présentée sur la base des articles 174 à 178 TFUE, supposerait un processus législatif applicable à des compétences partagées.

37      Or, selon les requérants, le Tribunal a, aux points 73 et 74 de l’arrêt attaqué, résumé de manière erronée les informations supplémentaires et, ainsi, attribué à la proposition d’ICE en cause un contenu qui ne pouvait pas être déduit des documents transmis par les organisateurs. En effet, ces derniers attendaient clairement de l’acte proposé, premièrement, une définition de la notion de « région à minorité nationale » ainsi que la création du cadre juridique et institutionnel d’une telle région et, deuxièmement, en annexe, la désignation de façon nominative des régions à minorité nationale existantes. En revanche, les organisateurs n’envisageaient pas que l’acte proposé oblige les États membres à définir ladite notion ou à établir la liste des régions. Le fait que les organisateurs n’ont pas détaillé la procédure à suivre pour adopter l’acte proposé ne saurait avoir d’incidence sur l’enregistrement de la proposition d’ICE en cause dès lors que les articles 174 à 178 TFUE permettent à la Commission de présenter une proposition d’un tel acte.

38      Ensuite, les requérants et la Hongrie allèguent que le Tribunal a, en tout état de cause, violé l’article 4, paragraphe 2, sous b), du règlement no 211/2011, en estimant que la condition qui y est énoncée n’était pas remplie en l’espèce. En effet, il ressortirait d’une interprétation grammaticale de cette disposition que la Commission ne peut refuser l’enregistrement d’une proposition d’ICE que si celle-ci est manifestement en dehors du cadre des attributions en vertu desquelles la Commission peut présenter une proposition d’acte juridique de l’Union aux fins de l’application des traités. Or, outre que la Commission aurait outrepassé son pouvoir d’appréciation lors de l’enregistrement de la proposition d’ICE, la proposition d’ICE en cause entrerait clairement dans le cadre de la politique de cohésion et aurait pour but d’améliorer le cadre réglementaire existant afin de protéger les objectifs poursuivis et les valeurs reconnues par l’Union. Aussi, en confirmant une telle conclusion erronée de la Commission, le Tribunal aurait commis une erreur de droit.

39      Enfin, les requérants reprochent au Tribunal de ne pas s’être prononcé, dans l’arrêt attaqué, sur la question de l’interprétation de l’article 4, paragraphe 2, sous b), du règlement no 211/2011 en ce qui concerne le caractère manifeste de l’absence d’attributions de la Commission. Le Tribunal aurait ainsi violé l’obligation de motivation qui lui incombe, et ce défaut de motivation justifierait à lui seul l’annulation de l’arrêt attaqué.

40      Selon la Commission, à la position de laquelle se rallient la Roumanie et la République slovaque, dans la mesure où, par leur deuxième moyen, les requérants remettent en question les constatations du Tribunal relatives à l’objet de la proposition d’ICE en cause, comportant une appréciation de nature factuelle relevant du seul pouvoir de celui-ci, ce moyen doit être rejeté comme étant irrecevable. En toute hypothèse, ce moyen serait soit inopérant, soit infondé. Ce serait à bon droit que le Tribunal, aux points 66 à 90 de l’arrêt attaqué, a considéré que, au regard de la proposition d’ICE en cause et dans le cadre d’un premier examen des éléments dont la Commission disposait, celle-ci ne pouvait manifestement pas proposer l’adoption d’un acte de l’Union correspondant à l’acte proposé, sur la base des articles 174, 176, 177 et 178 TFUE.

41      La Roumanie met en exergue, en particulier, le fait que l’Union ne détient pas, sur le fondement des traités, de compétence législative expresse dans le domaine de la protection des personnes appartenant aux minorités nationales. L’Union ne pourrait en outre agir dans ce domaine en détournant de leur finalité les attributions dont elle dispose dans d’autres domaines, telles la culture, l’éducation ou la politique régionale. Enfin, l’Union ne pourrait, de toute évidence, pas acquérir de nouvelles compétences dans le domaine de la protection des personnes appartenant aux minorités nationales par l’intermédiaire d’une ICE.

42      La République slovaque ajoute, notamment, que, contrairement à ce qu’avancent les requérants, l’article 4, paragraphe 2, sous b), du règlement no 211/2011 ne saurait être interprété, du seul fait de la présence de l’adverbe « manifestement » dans cette disposition, en ce sens que la Commission doit se borner, lors de la phase d’enregistrement d’une proposition d’ICE, à un examen prima facie. Il n’était pas nécessaire en l’espèce que le Tribunal prenne position, dans l’arrêt attaqué, sur la signification de ce terme.

43      Cet État membre relève, en outre, que la critique que les requérants font du constat opéré par le Tribunal au point 73 de l’arrêt attaqué, selon lequel l’acte proposé devait contraindre les États membres à définir la notion de « région à minorité nationale » et à établir une liste de ces régions, procède d’une erreur figurant dans la version hongroise de ce point.

44      Les requérants rétorquent à ce sujet qu’il convient, en tout état de cause, de donner la priorité à la version hongroise de l’arrêt attaqué, le hongrois constituant la langue de procédure en l’espèce.

45      Par leur troisième moyen, les requérants, soutenus par la Hongrie, reprochent au Tribunal, en substance, une interprétation erronée de l’article 174 TFUE, lu en combinaison avec l’article 4, paragraphe 2, TFUE, en ce qu’il semble avoir conféré un caractère exhaustif à la liste des « handicaps » figurant à l’article 174, troisième alinéa, TFUE.

46      À cet égard, il ressortirait, notamment, clairement des versions hongroise et anglaise de cette disposition que ladite liste présente un caractère indicatif. Or, même s’il ne s’est pas expressément prononcé sur ce point, il pourrait être inféré de la constatation opérée par le Tribunal au point 86 de l’arrêt attaqué que celui-ci a estimé que cette liste a un caractère exhaustif. En tout état de cause, si le Tribunal devait néanmoins être regardé comme ayant, au point 87 de l’arrêt attaqué, reconnu de manière implicite la possibilité que ladite liste puisse être élargie, il conviendrait alors d’en déduire que, par cette motivation ambiguë, le Tribunal a violé son obligation de motivation.

47      En outre, en ayant conclu, à ce même point 87 de l’arrêt attaqué, qu’il n’était pas établi que les caractéristiques ethniques, culturelles, religieuses ou linguistiques des régions à minorité nationale constituent systématiquement, pour le développement économique desdites régions, un handicap par rapport aux régions environnantes, le Tribunal aurait également enfreint l’article 174, troisième alinéa, TFUE, étant donné que de nombreux arguments et données statistiques versés à la procédure devant le Tribunal prouveraient que les régions à minorité nationale souffrent d’un handicap démographique grave et constant.

48      Les requérants font également valoir que l’article 3, paragraphe 5, du règlement no 1059/2003 permet déjà, lui aussi, la prise en compte de certaines spécificités des régions à minorité nationale dans le cadre de la politique de cohésion.

49      Se ralliant, en substance, à ce raisonnement, la Hongrie rappelle, notamment, qu’il existe d’ores et déjà, en droit de l’Union, des actes juridiques qui prennent en compte, dans le cadre de la politique de cohésion, les caractéristiques citées dans la proposition d’ICE en cause.

50      La Commission, la Roumanie et la République slovaque estiment, en souscrivant au raisonnement du Tribunal visé par le troisième moyen, que ce moyen doit être rejeté comme étant dénué de fondement.

 Appréciation de la Cour

51      À titre liminaire, il convient de relever, s’agissant du processus d’enregistrement d’une proposition d’ICE, qu’il appartient, en vertu de l’article 4 du règlement no 211/2011, à la Commission d’examiner si une telle proposition remplit les conditions d’enregistrement énoncées, notamment, au paragraphe 2, sous b), de cet article. Doivent être ainsi pris en considération, conformément aux paragraphes 1 et 2 dudit article, les informations relatives à l’objet et aux objectifs de la proposition d’ICE qui sont fournies par les organisateurs de l’ICE soit de manière obligatoire, soit de manière facultative, conformément à l’annexe II dudit règlement (arrêt du 12 septembre 2017, Anagnostakis/Commission, C‑589/15 P, EU:C:2017:663, point 45).

52      Comme il est rappelé au considérant 10 de ce règlement, la décision relative à l’enregistrement d’une proposition d’ICE au sens de l’article 4 dudit règlement doit être prise conformément au principe de bonne administration, auquel se rattache, en particulier, l’obligation pour l’institution compétente de procéder à un examen diligent et impartial qui tient, en outre, compte de tous les éléments pertinents du cas d’espèce (arrêt du 12 septembre 2017, Anagnostakis/Commission, C‑589/15 P, EU:C:2017:663, point 47).

53      De plus, en conformité avec les objectifs poursuivis par l’ICE, tels qu’ils sont énoncés aux considérants 1 et 2 du règlement no 211/2011 et consistant, notamment, à encourager la participation des citoyens et à rendre l’Union plus accessible, la condition d’enregistrement prévue à l’article 4, paragraphe 2, sous b), de ce règlement doit être interprétée et appliquée par la Commission, saisie d’une proposition d’ICE, de manière à assurer une accessibilité facile à l’ICE (arrêt du 12 septembre 2017, Anagnostakis/Commission, C‑589/15 P, EU:C:2017:663, point 49).

54      Ainsi, ce n’est que si une proposition d’ICE est, eu égard à son objet et à ses objectifs, tels qu’ils ressortent des informations obligatoires et, le cas échéant, supplémentaires qui ont été fournies par les organisateurs en application de l’annexe II du règlement no 211/2011, manifestement en dehors du cadre des attributions en vertu desquelles la Commission peut présenter une proposition d’acte juridique de l’Union aux fins de l’application des traités, que celle-ci est habilitée à refuser l’enregistrement de cette proposition d’ICE au titre de l’article 4, paragraphe 2, sous b), dudit règlement (arrêt du 12 septembre 2017, Anagnostakis/Commission, C‑589/15 P, EU:C:2017:663, point 50).

55      C’est donc à l’aune de ces principes qu’il convient d’examiner si le Tribunal a commis une erreur de droit en considérant, sur la base des appréciations effectuées aux points 72 à 89 de l’arrêt attaqué, que la Commission a pu à bon droit estimer que les articles 174 à 178 TFUE ne permettaient, pas plus que d’autres dispositions de ce traité, l’adoption de l’acte proposé et que cette institution était donc habilitée à refuser l’enregistrement de cette proposition.

56      À cet égard il convient de relever, d’emblée, qu’il ressort de la proposition d’ICE en cause, telle que décrite, d’une manière plus détaillée, notamment, aux points 3 et 5 à 8 de l’arrêt attaqué, que l’objectif de cette proposition était de faire en sorte que, par l’adoption de l’acte proposé, l’Union accorde, dans le cadre de sa politique de cohésion, une attention particulière aux « régions à minorité nationale », à savoir aux régions dont les caractéristiques ethniques, culturelles, religieuses ou linguistiques diffèrent de celles des régions environnantes. Il était donc, plus particulièrement, demandé à l’Union de prendre, sur le fondement, notamment, des articles 174 à 178 TFUE, des mesures de soutien, de préservation ou de développement en faveur de telles régions, ou, à tout le moins, de mieux tenir compte de ces régions, celles-ci étant, de l’avis des organisateurs, souvent désavantagées par rapport aux régions environnantes.

57      S’agissant de l’examen que le Tribunal a, en l’occurrence, effectué afin de vérifier si les articles 174 à 178 TFUE pouvaient constituer des bases légales à ces fins, il y a lieu de constater, en premier lieu, que celui-ci a traité cette question, notamment aux points 81, 85 et 87 de l’arrêt attaqué, visés par le premier moyen du pourvoi, comme relevant essentiellement d’une appréciation des faits et des éléments de preuve, faisant à cet égard peser la charge de la preuve sur les requérants.

58      Ainsi, après avoir affirmé, au point 80 de l’arrêt attaqué, que l’argumentation des requérants dans ce contexte reposait sur des allégations qui n’étaient nullement étayées ni, a fortiori, démontrées, le Tribunal a, d’une part, au point 81 de l’arrêt attaqué, constaté que ceux-ci n’avaient pas démontré que la mise en œuvre de la politique de cohésion de l’Union, tant par l’Union que par les États membres, menaçait les caractéristiques spécifiques des régions à minorité nationale.

59      D’autre part, le Tribunal a, au point 85 de l’arrêt attaqué, considéré que les requérants n’avaient pas non plus démontré que les caractéristiques ethniques, culturelles, religieuses ou linguistiques spécifiques des régions à minorité nationale pourraient être considérées comme étant un handicap démographique grave et permanent, au sens de l’article 174, troisième alinéa, TFUE.

60      Or, en raisonnant ainsi, le Tribunal a commis une erreur de droit.

61      Il y a lieu de constater, tout d’abord, que la question de savoir si la mesure proposée dans le contexte d’une ICE relève du cadre des attributions de la Commission en vertu desquelles elle peut présenter une proposition d’acte juridique de l’Union aux fins de l’application des traités, au sens de l’article 4, paragraphe 2, sous b), du règlement no 211/2011, constitue, de prime abord, non pas une question de fait ou d’appréciation de preuve sujette, en tant que telle, aux règles en matière de charge de la preuve, mais essentiellement une question d’interprétation et d’application des dispositions des traités en cause.

62      Ainsi, lorsque la Commission est saisie d’une demande d’enregistrement d’une proposition d’ICE, il ne lui appartient pas, à ce stade, de vérifier que la preuve de tous les éléments de fait invoqués est rapportée ni que la motivation qui sous-tend la proposition et les mesures proposées est suffisante. Elle doit se borner à examiner, aux fins d’apprécier le respect de la condition d’enregistrement prévue à l’article 4, paragraphe 2, sous b), du règlement no 211/2011, si, d’un point de vue objectif, de telles mesures envisagées dans l’abstrait pourraient être prises sur le fondement des traités.

63      Il s’ensuit que, en ayant considéré que les requérants étaient tenus de rapporter la preuve que les conditions pour l’adoption de l’acte proposé sur le fondement des articles 174, 176, 177 et 178 TFUE étaient réunies en l’espèce, le Tribunal a procédé, ainsi que M. l’avocat général l’a relevé en substance aux points 35 à 38 et 57 à 61 de ses conclusions, à une appréhension erronée de la condition d’enregistrement prévue à l’article 4, paragraphe 2, sous b), du règlement no 211/2011 et de la répartition des tâches entre les organisateurs d’une ICE et la Commission dans le cadre du processus d’enregistrement qui en découle.

64      En effet, une telle prémisse ne saurait être conforme aux principes, rappelés aux points 53 et 54 du présent arrêt, selon lesquels la Commission, saisie d’une proposition d’ICE, est tenue d’interpréter et d’appliquer ladite condition d’enregistrement de manière à assurer une accessibilité facile à l’ICE et qu’elle n’est habilitée à refuser l’enregistrement de cette proposition que si celle-ci est manifestement en dehors du cadre de ses attributions (voir, en ce sens, arrêt du 12 septembre 2017, Anagnostakis/Commission, C‑589/15 P, EU:C:2017:663, points 49 et 50).

65      En second lieu, dans la mesure où les requérants reprochent au Tribunal, plus spécifiquement, d’avoir, notamment au point 86 de l’arrêt attaqué, retenu une interprétation erronée de l’article 174 TFUE, lu en combinaison avec l’article 4, paragraphe 2, sous c), TFUE, il convient de relever que, aux points 85 à 89 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a procédé, en substance, à l’examen de la question de savoir si des régions telles qu’envisagées par la proposition d’ICE en cause, à savoir des régions à minorité nationale, peuvent, au regard de leurs caractéristiques, être considérées comme étant des régions au sens de l’article 174 TFUE et ainsi faire l’objet de mesures dans le cadre de la politique de cohésion de l’Union, prises au titre de cette disposition.

66      Dans ce contexte, après avoir plus particulièrement examiné si ces caractéristiques, de nature ethnique, culturelle, religieuse ou linguistique, relèvent de la notion de « handicap démographique grave et permanent », au sens de l’article 174, troisième alinéa, TFUE, le Tribunal a, au point 89 de l’arrêt attaqué, répondu par la négative à cette question.

67      Le Tribunal a, notamment, considéré, au point 86 de l’arrêt attaqué, qu’il ne pouvait être déduit du libellé de l’article 174, troisième alinéa, TFUE, ou du droit dérivé que ladite notion « pourrait inclure les caractéristiques ethniques, culturelles, religieuses ou linguistiques spécifiques des régions à minorité nationale ».

68      À cet égard, il est vrai que l’article 174 TFUE décrit les objectifs de la politique de cohésion de l’Union en des termes généraux et confère à l’Union une marge de manœuvre étendue quant aux actions qu’elle est susceptible d’entreprendre en matière de cohésion économique, sociale et territoriale compte tenu d’une conception large des régions susceptibles d’être concernées par ces actions.

69      En particulier, la liste, figurant à l’article 174, troisième alinéa, TFUE, des régions « qui souffrent de handicaps naturels ou démographiques graves et permanents » présente, ainsi que le met en évidence l’utilisation des termes « parmi les régions concernées » et « telles que » dans cette disposition, un caractère indicatif, et non exhaustif.

70      Néanmoins, et ainsi que l’a relevé le Tribunal aux points 87 et 89 de son arrêt, les caractéristiques ethniques, culturelles, religieuses ou linguistiques spécifiques des régions à minorité nationale ne sauraient être regardées comme constituant systématiquement, pour le développement économique, un handicap par rapport aux régions environnantes.

71      Il s’ensuit que, en ayant exclu, aux points 85 à 89 de l’arrêt attaqué, qu’une région à minorité nationale puisse, au regard de ses caractéristiques ethniques, culturelles, religieuses ou linguistiques spécifiques, faire systématiquement partie des « régions qui souffrent de handicaps naturels ou démographiques graves et permanents », au sens de l’article 174, troisième alinéa, TFUE, le Tribunal a correctement interprété la notion de « région concernée » figurant à cette disposition et, dès lors, n’a pas commis une erreur de droit sur ce point.

72      Il découle de l’ensemble des considérations qui précèdent que, en ayant considéré que, pour l’enregistrement de la proposition d’ICE en cause, les requérants étaient tenus de rapporter la preuve que la condition prévue à l’article 4, paragraphe 2, sous b), du règlement no 211/2011 était remplie, le Tribunal a commis une erreur de droit.

73      Il y a donc lieu d’accueillir le pourvoi et, par conséquent, d’annuler l’arrêt attaqué, sans qu’il soit nécessaire d’examiner de surcroît les autres arguments soulevés à l’appui des premier à troisième moyens ni les autres moyens dudit pourvoi. De même, il n’est pas besoin de statuer sur la recevabilité ou le bien-fondé des moyens nouveaux dont la production a été demandée par les requérants.

 Sur le litige en première instance

74      Conformément à l’article 61, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, lorsque la Cour annule la décision du Tribunal, elle peut soit statuer elle-même définitivement sur le litige, lorsque celui-ci est en état d’être jugé, soit renvoyer l’affaire devant le Tribunal pour qu’il statue.

75      En l’occurrence, l’affaire est en état d’être jugée.

76      Il résulte, notamment, du constat opéré au point 72 du présent arrêt que le moyen du recours des requérants, tiré de ce que la Commission a violé l’article 4, paragraphe 2, sous b), du règlement no 211/2011 en refusant d’enregistrer la proposition d’ICE en cause, est fondé.

77      Il convient, en conséquence, d’annuler la décision litigieuse.

 Sur les dépens

78      Aux termes de l’article 184, paragraphe 2, du règlement de procédure de la Cour, lorsque le pourvoi est fondé et que celle-ci juge elle-même définitivement sur le litige, elle statue sur les dépens.

79      Selon l’article 138, paragraphe 1, de ce règlement, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, dudit règlement, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

80      Les requérants ayant conclu à la condamnation de la Commission aux dépens, et celle-ci ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens afférents aux procédures de première instance et de pourvoi.

81      Conformément à l’article 184, paragraphe 4, du même règlement, les parties intervenantes supportent leurs propres dépens.

Par ces motifs, la Cour (première chambre) déclare et arrête :

1)      L’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 10 mai 2016, Izsák et Dabis/Commission (T529/13, EU:T:2016:282), est annulé.

2)      La décision C (2013) 4975 final de la Commission, du 25 juillet 2013, relative à la demande d’enregistrement de l’initiative citoyenne européenne « Politique de cohésion pour l’égalité des régions et le maintien des cultures régionales », est annulée.

3)      La Commission européenne est condamnée aux dépens afférents aux procédures de première instance et de pourvoi.

4)      La Hongrie, la Roumanie et la République slovaque supportent leurs propres dépens.

Signatures


*      Langue de procédure : le hongrois.