Language of document : ECLI:EU:C:2019:413

ARRÊT DE LA COUR (huitième chambre)

15 mai 2019 (*)

« Pourvoi – Fonction publique ‐ Pensions – Transfert de droits à pension acquis dans un régime de pension national vers le régime de pension de l’Union européenne – Déduction de la revalorisation intervenue entre la date de la demande de transfert et celle du transfert effectif »

Dans l’affaire C‑132/18 P,

ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduit le 15 février 2018,

Commission européenne, représentée par MM. G. Gattinara et B. Mongin ainsi que par Mme L. Radu Bouyon, en qualité d’agents,

partie requérante,

l’autre partie à la procédure étant :

Sabine Tuerck, demeurant à Woluwe-Saint-Pierre (Belgique), représentée par Mes S. Orlandi et T. Martin, avocats,

partie demanderesse en première instance,

LA COUR (huitième chambre),

composée de M. F. Biltgen, président de chambre, MM. J. Malenovský (rapporteur) et C. G. Fernlund, juges,

avocat général : M. H. Saugmandsgaard Øe,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1        Par son pourvoi, la Commission européenne demande l’annulation de l’arrêt rendu par le Tribunal de l’Union européenne le 5 décembre 2017, Tuerck/Commission (T‑728/16, ci-après l’« arrêt attaqué », EU:T:2017:865), par lequel celui-ci a annulé la décision de la Commission, du 10 décembre 2015, portant confirmation du transfert au régime de pension de l’Union européenne des droits à pension acquis par Mme Sabine Tuerck antérieurement à son entrée au service de l’Union (ci-après la « décision litigieuse »).

 Le cadre juridique

2        L’article 11, paragraphe 2, de l’annexe VIII du statut des fonctionnaires de l’Union européenne (ci-après le « statut ») prévoit :

« Le fonctionnaire qui entre au service de l’Union après avoir :

–        cessé ses activités auprès d’une administration, d’une organisation nationale ou internationale

ou

–        exercé une activité salariée ou non salariée,

a la faculté, entre le moment de sa titularisation et le moment où il obtient le droit à une pension d’ancienneté [...], de faire verser à l’Union le capital, actualisé jusqu’à la date du transfert effectif, représentant les droits à pension qu’il a acquis au titre des activités visées ci-dessus.

En pareil cas, l’autorité investie du pouvoir de nomination de l’institution où le fonctionnaire est en service détermine, par voie de dispositions générales d’exécution, compte tenu du traitement de base, de l’âge et du taux de change à la date de la demande de transfert, le nombre d’annuités qu’elle prend en compte d’après le régime de pension de l’Union au titre de la période de service antérieur sur la base du capital transféré, déduction faite du montant qui représente la revalorisation du capital entre la date de la demande de transfert et celle du transfert effectif.

[...] »

3        L’article 7 de la décision C(2011) 1278 final de la Commission, du 3 mars 2011, relative aux dispositions générales d’exécution des articles 11 et 12 de l’annexe VIII du statut (ci-après les « DGE »), prévoit notamment :

« Pour le calcul des annuités à bonifier en application de l’article 11, paragraphes 2 et 3, de l’annexe VIII du statut :

1.      Le nombre d’annuités à prendre en compte est calculé sur la base du montant transférable représentant les droits acquis [par le fonctionnaire demandeur] [...], déduction faite du montant qui représente la revalorisation du capital entre la date d’enregistrement de la demande de transfert et la date du transfert effectif.

Lorsque l’organisme national ou international est dans l’impossibilité de communiquer la valeur des droits à pension à la date d’enregistrement de la demande, un intérêt simple au taux [de 3,1 %] est déduit du montant transféré pour la période courant de la date d’enregistrement de la demande à la date de transfert effectif.

[...] »

 Les antécédents du litige

4        Mme Tuerck est entrée au service d’une institution de l’Union le 1er mars 2004, après avoir cessé ses activités auprès d’une administration allemande.

5        Le 27 mai 2010, elle a demandé le versement, au régime de pension de l’Union, du capital représentant les droits à pension qu’elle avait acquis au titre de ses activités antérieures à son entrée au service de l’Union, en application de l’article 11, paragraphe 2, de l’annexe VIII du statut.

6        Le 29 avril 2013, l’Office de gestion et de liquidation des droits individuels (PMO) a transmis cette demande au Deutsche Rentenversicherung Bund (organisme d’assurance de retraite fédéral, Allemagne) (ci-après le « DRV »), en sa qualité d’organisme national responsable du régime de pension dans lequel ont été acquis les droits à pension en cause.

7        Le 5 mai 2015, le DRV a informé le PMO que, à la date d’enregistrement de la demande de Mme Tuerck, le montant du capital transférable correspondant aux droits à pension acquis par celle-ci s’élevait à 141 652,07 euros.

8        Le 22 juin 2015, le PMO a soumis à Mme Tuerck une proposition de bonification d’annuités à prendre en compte au sein du régime de pension de l’Union, sur la base du montant indiqué par le DRV, laquelle s’élevait à 3 ans, 8 mois et 29 jours. L’intéressée a accepté cette proposition.

9        Le 10 décembre 2015, le PMO a informé Mme Tuerck de l’adoption de la décision litigieuse, par laquelle cette bonification d’annuités a finalement été fixée, en application de l’article 7 des DGE, à 3 ans et 4 mois, sur la base d’un montant de droits acquis chiffré à 126 048,05 euros. Ce montant a été calculé en déduisant du capital transféré par le DRV dans l’intervalle, à savoir 146 714,33 euros, un montant de 20 666,28 euros présenté comme correspondant à la revalorisation des droits à pension acquis par Mme Tuerck pendant la période comprise entre la date d’enregistrement de sa demande et la date du transfert effectif de ce capital au régime de pension de l’Union. Cette déduction a elle-même été obtenue en appliquant audit capital un taux d’intérêt de 3,1 % par année écoulée pendant la période en cause.

 La procédure devant le Tribunal et l’arrêt attaqué

10      Par une requête déposée au greffe du Tribunal le 14 octobre 2016, Mme Tuerck a introduit un recours tendant à l’annulation de la décision litigieuse.

11      À l’appui de ses conclusions, elle a soulevé deux moyens tirés, le premier, d’une violation de l’article 7, paragraphe 1, des DGE et, le second, d’une violation de l’article 11, paragraphe 2, de l’annexe VIII du statut.

12      Dans l’arrêt attaqué, le Tribunal, considérant que le premier moyen invoqué par Mme Tuerck était fondé, a annulé, pour ce motif, la décision litigieuse.

 Les conclusions des parties devant la Cour

13      Par son pourvoi, la Commission demande à la Cour :

–        d’annuler l’arrêt attaqué ;

–        de statuer définitivement sur le litige en rejetant le recours, et

–        de condamner Mme Tuerck aux dépens afférents au recours en première instance et au pourvoi.

14      Dans son mémoire en réponse, Mme Tuerck demande à la Cour :

–        de rejeter le pourvoi ;

–        à titre subsidiaire, dans l’hypothèse où l’arrêt attaqué serait annulé, de renvoyer l’affaire devant le Tribunal pour que cette juridiction statue sur le second moyen invoqué devant elle, et

–        de condamner la Commission aux dépens.

 Sur le pourvoi

15      La Commission invoque quatre moyens au soutien de son pourvoi.

 Sur le premier moyen, tiré d’une erreur de droit concernant la détermination de l’entité compétente pour procéder à la déduction de la revalorisation du capital prévue à l’article 11, paragraphe 2, de l’annexe VIII du statut

 Argumentation des parties

16      La Commission soutient que le Tribunal a commis une erreur de droit en considérant, aux points 23 et 24 de l’arrêt attaqué, qu’elle n’a le pouvoir d’opérer « aucune déduction » sur le montant du capital qui lui est transféré par l’administration, l’organisation ou l’organisme national concerné (ci-après l’« autorité nationale concernée »), dans un cas donné, par la mise en œuvre du mécanisme institué à l’article 11, paragraphe 2, de l’annexe VIII du statut.

17      En effet, ce mécanisme comporterait deux phases successives constituées, la première, par le calcul du capital actualisé acquis par le fonctionnaire demandeur dans un régime national de pension ainsi que par son transfert au régime de pension de l’Union et, la seconde, par la transformation dudit capital en annuités à prendre en compte dans le régime de pension de l’Union.

18      Or, il découlerait de la jurisprudence de la Cour que, si la première de ces phases relève de la seule compétence de l’autorité nationale concernée, la seconde est régie par le droit de l’Union. En outre, l’article 11, paragraphe 2, de l’annexe VIII du statut prévoirait expressément que, dans le cadre de la seconde desdites phases, l’institution de l’Union au sein de laquelle le fonctionnaire demandeur est en service est compétente pour opérer, sur le capital transféré par l’autorité nationale concernée, une déduction correspondant à la revalorisation des droits à pension acquis par le fonctionnaire demandeur qui est intervenue entre la date de la demande de transfert et celle du transfert effectif de ce capital.

19      Mme Tuerck conteste le bien-fondé de cette argumentation.

 Appréciation de la Cour

20      L’article 11, paragraphe 2, de l’annexe VIII du statut prévoit, à son premier alinéa, que le fonctionnaire qui entre au service de l’Union après avoir exercé, notamment, des activités auprès d’une administration ou d’une organisation nationale ou internationale a la faculté, entre la date de sa titularisation et celle où il obtient le droit à une pension d’ancienneté, de faire verser à l’Union le capital représentant les droits à pension acquis au titre de ces activités, tel qu’actualisé jusqu’à la date du transfert effectif. Pour sa part, le second alinéa de cette disposition énonce que l’institution de l’Union au sein de laquelle le fonctionnaire demandeur est en service doit opérer, sur le capital transféré, une déduction correspondant à la revalorisation desdits droits à pension entre la date de la demande de transfert et celle du transfert effectif.

21      Il découle de ladite disposition que, une fois que l’autorité nationale concernée a transféré le capital correspondant aux droits à pension acquis par le fonctionnaire demandeur à la date de sa demande de transfert, tel qu’actualisé à la date du transfert effectif, à l’institution de l’Union au sein de laquelle ce fonctionnaire est en service, cette institution est compétente pour opérer, sur ce capital, une déduction correspondant au montant de la revalorisation des droits à pension qui est intervenue entre la date de la demande de transfert et celle du transfert effectif.

22      Il s’ensuit que l’article 11, paragraphe 2, de l’annexe VIII du statut n’autorise l’institution en cause à opérer aucune déduction sur la partie de ce capital qui correspond au montant des droits à pension lui-même. À cet égard, il résulte de la jurisprudence rappelée par le Tribunal au point 24 de l’arrêt attaqué non seulement que l’autorité nationale concernée est seule compétente pour calculer ce dernier montant, mais également que celui-ci ne saurait être ultérieurement modifié ou contesté par la Commission (voir, en ce sens, arrêts du 9 novembre 1989, Bonazzi-Bertottili/Commission, 75/88, 146/88 et 147/88, non publié, EU:C:1989:410, points 17 et 20, ainsi que du 5 décembre 2013, Časta, C‑166/12, EU:C:2013:792, points 29 et 32).

23      S’agissant du point de savoir si le Tribunal a méconnu l’article 11, paragraphe 2, de l’annexe VIII du statut dans l’arrêt attaqué, comme le soutient la Commission, il y a lieu de constater que cette juridiction n’a pas affirmé, de manière indistincte, que la Commission n’a le pouvoir d’opérer « aucune déduction » sur le montant du capital qui lui est transféré par l’autorité nationale concernée. En effet, le Tribunal s’est limité à énoncer, au point 23 de cet arrêt, que, « dans l’hypothèse où les autorités nationales [concernées] ont communiqué à [la Commission] la valeur des droits à pension à la date d’enregistrement de la demande, celle-ci ne peut opérer aucune déduction sur ce montant et le calcul des annuités de pension statutaire doit donc être effectué sur la base de la totalité dudit montant ».

24      Or, il résulte de cette énonciation que le « montant » sur lequel la Commission n’a le pouvoir d’opérer aucune déduction est non pas le montant total du capital transféré par l’autorité nationale concernée, mais seulement celui de la partie de ce capital qui correspond aux droits à pension acquis par le fonctionnaire demandeur dans un régime de pension national à la date d’enregistrement de sa demande de transfert.

25      En outre, le même point de l’arrêt attaqué rappelle explicitement que la Commission est, en revanche, compétente pour opérer, sur le montant total du capital transféré, une déduction correspondant au montant de l’autre partie de ce capital, constituée par la revalorisation des droits à pension intervenue entre la date d’enregistrement de la demande de transfert et celle du transfert effectif.

26      Ainsi, le Tribunal n’a pas commis d’erreur de droit dans le cadre de la détermination de l’entité compétente pour procéder à la déduction de la revalorisation du capital prévue à l’article 11, paragraphe 2, de l’annexe VIII du statut.

27      Partant, le présent moyen n’est pas fondé et doit, par conséquent, être rejeté.

 Sur le deuxième moyen, tiré d’une erreur de droit relative aux modalités de déduction de la revalorisation du capital prévue à l’article 11, paragraphe 2, de l’annexe VIII du statut et à l’article 7, paragraphe 1, des DGE

 Argumentation des parties

28      La Commission fait valoir, en premier lieu, que le Tribunal a commis une erreur de droit en retenant, aux points 23, 31 et 32 de l’arrêt attaqué, que ce n’est que dans le cas où l’autorité nationale concernée est dans l’impossibilité de communiquer le montant des droits à pension acquis par un fonctionnaire à la date d’enregistrement de sa demande de transfert, et non pas en toute hypothèse, que l’institution de l’Union au sein de laquelle ce fonctionnaire est en service est en droit de procéder à la déduction de la revalorisation du capital prévue à l’article 11, paragraphe 2, de l’annexe VIII du statut en appliquant le taux d’intérêt de 3,1 % auquel renvoie l’article 7, paragraphe 1, second alinéa, des DGE.

29      En second lieu, le Tribunal aurait commis une erreur de droit en estimant, aux points 23, 26 à 28 et 33 de l’arrêt attaqué, qu’une telle déduction devait être opérée en prenant pour base le capital « transférable » représentant les droits à pension acquis par ledit fonctionnaire à la date d’enregistrement de sa demande de transfert. En effet, l’article 11, paragraphe 2, de l’annexe VIII du statut énoncerait clairement que cette déduction doit s’opérer sur la base du capital « transféré » par l’autorité nationale concernée.

30      Mme Tuerck conteste le bien-fondé de cette argumentation.

 Appréciation de la Cour

31      En ce qui concerne, en premier lieu, l’argument tiré d’une erreur de droit exposé au point 28 du présent arrêt, il convient de relever que l’article 7, paragraphe 1, des DGE énonce, dans son premier alinéa, que la déduction à opérer sur le capital transféré par l’autorité nationale concernée doit correspondre au montant qui représente la revalorisation de ce capital entre la date d’enregistrement de la demande de transfert et celle du transfert effectif, avant de préciser, dans son second alinéa, que, lorsque l’organisme national concerné est dans l’impossibilité de communiquer le montant des droits à pension acquis par le fonctionnaire demandeur à la date d’enregistrement de sa demande de transfert, une telle déduction est effectuée en appliquant un taux d’intérêt de 3,1 % au capital transféré, pour la période allant de cette date à celle du transfert effectif.

32      Il ressort clairement de ces termes que, bien qu’il appartienne à la Commission de déterminer, dans un cas donné, si l’autorité nationale concernée s’est trouvée ou non dans l’impossibilité de lui communiquer le montant des droits à pension acquis par le fonctionnaire demandeur à la date d’enregistrement de sa demande de transfert, ce n’est que dans le cas où cette institution parvient à une conclusion affirmative à ce sujet qu’elle est en droit de procéder à la déduction prévue en appliquant un taux d’intérêt forfaitaire de 3,1 %.

33      Partant, l’argument tiré d’une erreur de droit figurant au point 28 du présent arrêt n’est pas fondé.

34      Pour ce qui est, en second lieu, de l’argument tiré d’une erreur de droit mentionné au point 29 du présent arrêt, il doit être souligné d’emblée que, aux termes de l’article 11, paragraphe 2, de l’annexe VIII du statut, la déduction mentionnée à cette disposition doit être opérée en prenant pour base le montant du capital transféré par l’autorité nationale concernée, comme cela est indiqué au point 20 du présent arrêt et comme le rappelle à bon droit la Commission.

35      Cela étant, il convient de constater que, au point 23 de l’arrêt attaqué, le Tribunal se réfère au capital « transférable » à la date d’enregistrement de la demande de transfert en tant que base à utiliser non pas aux fins d’une telle déduction, mais aux fins du calcul des annuités à prendre en compte dans le régime de pension de l’Union, en fonction des droits acquis par le fonctionnaire demandeur dans son régime de pension national. Par ailleurs, le Tribunal précise, aux points 26 à 28 et 33 de l’arrêt attaqué, que ce calcul revêt un caractère provisoire.

36      En conséquence, c’est à tort que la Commission reproche au Tribunal d’avoir estimé que la déduction de la revalorisation du capital prévue à l’article 11, paragraphe 2, de l’annexe VIII du statut devait être opérée en prenant pour base le capital « transférable ».

37      Au demeurant, l’utilisation du capital « transférable » comme base de calcul des annuités à prendre en compte dans le régime de pension de l’Union est expressément prévue à l’article 7, paragraphe 1, premier alinéa, des DGE, ainsi que cela a été rappelé au point 21 de l’arrêt attaqué.

38      Il s’ensuit que l’argument tiré d’une erreur de droit figurant au point 29 du présent arrêt n’est pas fondé.

39      Aucune des erreurs de droit invoquées par la Commission dans le cadre du présent moyen n’étant dès lors établie, ce moyen doit être rejeté dans son intégralité comme étant non fondé.

 Sur le troisième moyen, tiré d’une erreur de droit tenant à l’incompatibilité de l’interprétation de l’article 7, paragraphe 1, des DGE retenue par le Tribunal avec l’article 11, paragraphe 2, de l’annexe VIII du statut, ainsi que d’une violation de l’obligation de motivation et d’une erreur de droit relatives à l’analyse du cas d’espèce

 Argumentation des parties

40      Dans son pourvoi, la Commission avance, en premier lieu, que le Tribunal a commis une erreur de droit, aux points 23, 31 et 32 de l’arrêt attaqué, en interprétant l’article 7, paragraphe 1, des DGE en ce sens que le taux d’intérêt de 3,1 % auquel cette disposition renvoie trouve à s’appliquer dans le seul cas où l’autorité nationale concernée est dans l’impossibilité de lui communiquer le montant des droits à pension acquis par le fonctionnaire demandeur à la date d’enregistrement de sa demande de transfert, eu égard à l’incompatibilité de cette interprétation avec l’article 11, paragraphe 2, de l’annexe VIII du statut, que ladite disposition a vocation à exécuter.

41      En second lieu, le Tribunal aurait violé son obligation de motivation, aux points 26 à 30 et 33 de l’arrêt attaqué, en exposant que, en l’espèce, le DRV ne s’était pas trouvé dans l’impossibilité de communiquer à la Commission le montant des droits à pension acquis par Mme Tuerck à la date d’enregistrement de sa demande de transfert, sans néanmoins fournir d’explications suffisantes à ce sujet.

42      Dans son mémoire en réplique, la Commission ajoute, à cet égard, que le Tribunal n’était pas fondé à s’appuyer sur l’accord qu’elle a conclu avec la République fédérale d’Allemagne au cours de l’année 1994, contrairement à ce qui est énoncé au point 33 de l’arrêt attaqué. En effet, cet accord serait devenu caduc antérieurement à l’adoption de la décision litigieuse.

43      Mme Tuerck conteste l’ensemble de cette argumentation.

 Appréciation de la Cour

44      Concernant, en premier lieu, l’argument tiré d’une erreur de droit exposé au point 40 du présent arrêt, il importe de relever que l’article 11, paragraphe 2, de l’annexe VIII du statut ne définit pas lui-même les modalités de mise en œuvre de la règle de déduction qu’il énonce, mais prévoit, à cette fin, l’adoption de dispositions générales d’exécution par chaque institution de l’Union.

45      L’article 7, paragraphe 1, des DGE vise à prévoir ces modalités de mise en œuvre en ce qui concerne la Commission.

46      Dans ces conditions, l’interprétation de l’article 7, paragraphe 1, des DGE qui a été retenue par le Tribunal aux points 23, 31 et 32 de l’arrêt attaqué ne saurait être regardée comme étant incompatible avec l’article 11, paragraphe 2, de l’annexe VIII du statut que si cette interprétation était de nature à faire obstacle ou, à tout le moins, à rendre plus difficile la mise en œuvre de la règle de déduction prévue audit article 11.

47      Or, l’application du taux d’intérêt de 3,1 % visé à l’article 7, paragraphe 1, second alinéa, des DGE est précisément de nature à permettre à la Commission de surmonter l’obstacle que constitue la situation dans laquelle l’autorité nationale concernée est dans l’impossibilité de lui communiquer le montant des droits à pension acquis par le fonctionnaire demandeur à la date d’enregistrement de sa demande de transfert. En effet, en l’absence de cette disposition, la Commission ne pourrait pas exécuter, dans une telle situation, l’obligation qui lui incombe au titre de l’article 11, paragraphe 2, de l’annexe VIII du statut.

48      Partant, il ne saurait être considéré que le Tribunal a interprété l’article 7, paragraphe 1, des DGE d’une manière incompatible avec l’article 11, paragraphe 2, de l’annexe VIII du statut.

49      Pour ce qui est, en deuxième lieu, de l’argument tiré d’une violation de l’obligation de motivation et figurant au point 41 du présent arrêt, force est de constater que la Commission n’a, à aucun moment, justifié la décision litigieuse, devant le Tribunal ou même devant la Cour, par la circonstance que le DRV s’était trouvé dans l’impossibilité de lui communiquer le montant des droits à pension acquis par Mme Tuerck. En effet, sa position, telle qu’elle ressort des points 18 et 32 de l’arrêt attaqué, qui n’ont pas été contestés dans le cadre du pourvoi, a consisté à soutenir que le taux de 3,1 % auquel renvoie l’article 7, paragraphe 1, second alinéa, des DGE devait être appliqué, de manière générale, dans toutes les procédures de transfert de droits à pension et, de manière plus spécifique, dans la présente affaire.

50      La Commission ayant ainsi soutenu, devant le Tribunal, que le taux en question trouvait à s’appliquer en toute circonstance, et donc, implicitement mais nécessairement, que la condition d’absence de communication d’informations énoncée à l’article 7, paragraphe 1, second alinéa, des DGE était dépourvue de pertinence à cet égard, elle n’est pas fondée à reprocher au Tribunal d’avoir insuffisamment motivé son examen du respect, au cas d’espèce, d’une telle condition.

51      En tout état de cause, il convient de constater que l’arrêt attaqué est motivé à suffisance de droit sur ce point. En effet, le Tribunal a exposé de manière détaillée, aux points 26 à 30 de cet arrêt, que le DRV ne s’était pas trouvé dans l’impossibilité de communiquer à la Commission le montant des droits à pension acquis par Mme Tuerck à la date d’enregistrement de sa demande de transfert, mais lui avait au contraire transmis des informations relatives tant à ce montant qu’au montant de la revalorisation des droits de l’intéressée entre cette date et celle du transfert effectif du capital. Le Tribunal a également expliqué, au point 33 dudit arrêt, les raisons le conduisant à considérer ces informations comme étant précises et fiables.

52      S’agissant, en troisième et dernier lieu, de l’argument exposé au point 42 du présent arrêt, par lequel la Commission met en cause le bien-fondé du point 33 de l’arrêt attaqué, il doit être relevé que, aux termes de l’article 127, paragraphe 1, du règlement de procédure de la Cour, la production de moyens nouveaux en cours d’instance est interdite, à moins que ces moyens soient fondés sur des éléments de droit et de fait qui se sont révélés au cours de la procédure.

53      Pour cette raison, de tels moyens doivent, conformément à la jurisprudence constante de la Cour, être rejetés comme étant irrecevables, excepté s’ils constituent l’ampliation de moyens énoncés dans le mémoire introductif d’instance et s’ils présentent un lien étroit avec ces derniers (arrêt du 20 décembre 2017, Espagne/Conseil, C‑521/15, EU:C:2017:982, point 141 et jurisprudence citée).

54      Or, en l’espèce, la Commission fonde son argument sur le libellé même de l’arrêt attaqué, et non sur des éléments de droit et de fait qui se seraient révélés au cours de la procédure devant la Cour.

55      En outre, cet argument ne saurait être considéré ni comme constituant l’ampliation de celui tiré d’une violation de l’obligation de motivation qui figurait dans le pourvoi ni comme présentant un lien étroit avec ce dernier.

56      En effet, ainsi qu’il découle d’une jurisprudence constante, la mise en cause de la motivation d’un acte, qui relève de la violation des formes substantielles, et la contestation du bien-fondé de cet acte, qui porte sur sa légalité au fond, constituent deux moyens distincts susceptibles d’être invoqués dans le cadre d’un recours en annulation ou d’un pourvoi (arrêts du 2 avril 1998, Commission/Sytraval et Brink’s France, C‑367/95 P, EU:C:1998:154, point 67, ainsi que du 28 juillet 2011, Mediaset/Commission, C‑403/10 P, non publié, EU:C:2011:533, point 111).

57      Partant, ledit argument est irrecevable.

58      Par suite, le présent moyen doit être rejeté comme étant partiellement non fondé et partiellement irrecevable.

 Sur le quatrième moyen, tiré, d’une part, d’une erreur de droit et, d’autre part, d’une violation de l’obligation de motivation en ce que le Tribunal a retenu l’existence d’un enrichissement sans cause

 Argumentation des parties

59      La Commission fait valoir que le Tribunal a commis une erreur de droit en considérant, au point 32 de l’arrêt attaqué, que le fait de lui permettre d’opérer une déduction en appliquant un taux d’intérêt sur le capital transféré par l’autorité nationale concernée engendrerait un enrichissement sans cause, au détriment du fonctionnaire demandeur. En effet, ce serait, à l’inverse de ce qu’a jugé le Tribunal, l’application de la déduction prévue à l’article 11, paragraphe 2, de l’annexe VIII du statut qui vise à éviter un enrichissement sans cause au bénéfice du fonctionnaire concerné, en garantissant que le transfert de droits à pension acquis dans un régime de pension national vers le régime de pension de l’Union porte uniquement sur le montant des droits à pension acquis par l’intéressé à la date d’enregistrement de sa demande de transfert, à l’exclusion du montant de la revalorisation de ces droits entre cette date et celle du transfert effectif dudit capital.

60      En outre, pour ce qui est de la motivation de l’arrêt attaqué, le Tribunal n’aurait pas répondu à l’argument de la Commission selon lequel le montant qui excède l’application du taux d’intérêt de 3,1 % auquel se réfère l’article 7, paragraphe 1, des DGE est remboursé, dans chaque cas concret, au fonctionnaire demandeur.

61      Mme Tuerck conteste le bien-fondé de cette argumentation.

 Appréciation de la Cour

62      S’agissant, en premier lieu, de l’argument tiré d’une erreur de droit visé au point 59 du présent arrêt, il y a lieu de constater que le Tribunal a estimé, au point 32 de l’arrêt attaqué, que le fait de permettre à la Commission d’opérer la déduction prévue à l’article 11, paragraphe 2, de l’annexe VIII du statut en appliquant un taux d’intérêt au capital transféré par l’autorité nationale concernée était de nature à engendrer un enrichissement sans cause, au détriment du fonctionnaire demandeur, dans le cas, tel que celui de l’espèce, où la Commission s’est vu communiquer le montant précis des droits à pension de l’intéressé et où elle est ainsi en mesure de procéder selon l’article 7, paragraphe 1, premier alinéa, des DGE.

63      Or, même si l’application forfaitaire d’un taux d’intérêt n’a pas pour effet automatique, dans une telle situation, d’engendrer un enrichissement sans cause, elle n’en a pas moins pour conséquence inhérente de créer un risque d’enrichissement sans cause, dans la mesure où il est possible qu’elle conduise la Commission à opérer, sur le capital transféré par l’autorité nationale concernée, une déduction d’un montant supérieur à la revalorisation réelle des droits à pension acquis par le fonctionnaire demandeur et à s’approprier ainsi une partie de ces droits à pension.

64      Compte tenu de l’existence d’un tel risque, il ne saurait être conclu que le Tribunal a commis une erreur de droit en énonçant la considération évoquée au point 59 du présent arrêt.

65      En ce qui concerne, en second lieu, l’argument tiré d’une violation de l’obligation de motivation présenté au point 60 du présent arrêt, il y a lieu de relever qu’il est de jurisprudence constante que cette obligation impose au Tribunal non pas de répondre à chacun des arguments des parties, mais seulement de motiver sa décision d’une manière permettant à celles-ci de connaître les raisons qui les justifient ainsi qu’à la Cour d’opérer son contrôle en cas de pourvoi (arrêts du 9 septembre 2008, FIAMM e.a./Conseil et Commission, C‑120/06 P et C‑121/06 P, EU:C:2008:476, point 96, ainsi que du 6 septembre 2012, Prezes Urzędu Komunikacji Elektronicznej/Commission, C‑422/11 P et C‑423/11 P, EU:C:2012:553, point 48).

66      En l’occurrence, l’hypothèse d’enrichissement sans cause envisagée par le Tribunal implique, comme cela découle du point 63 du présent arrêt, que le montant réel de la revalorisation des droits à pension acquis par un fonctionnaire donné soit inférieur au montant résultant de l’application forfaitaire du taux d’intérêt de 3,1 % visé par la Commission.

67      Or, l’argument de cette institution renvoie à l’hypothèse inverse, dans laquelle le montant perçu excéderait l’application de ce taux d’intérêt, et n’a donc aucun rapport avec le raisonnement retenu par le Tribunal. Dès lors, il ne saurait être reproché au Tribunal de ne pas avoir pris position sur ledit argument.

68      Partant, il y a lieu de rejeter le présent moyen comme étant non fondé.

69      Par voie de conséquence, le pourvoi doit être rejeté dans son entièreté.

 Sur les dépens

70      Aux termes de l’article 138, paragraphe 1, du règlement de procédure, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, de ce règlement, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

71      En l’espèce, la Commission ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de Mme Tuerck.

Par ces motifs, la Cour (huitième chambre) déclare et arrête :

1)      Le pourvoi est rejeté.

2)      La Commission européenne est condamnée aux dépens.


Biltgen

Malenovský

Fernlund

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 15 mai 2019.

Le greffier

Le président de la VIIIème chambre

A. Calot Escobar

 

F. Biltgen


*      Langue de procédure : le français.