Language of document : ECLI:EU:T:2019:487

ARRÊT DU TRIBUNAL (première chambre)

9 juillet 2019 (*)

« Fonction publique – Fonctionnaires – Rémunération – Indemnité d’installation – Changement temporaire de lieu d’affectation – Changement de résidence »

Dans l’affaire T‑482/18,

XF, fonctionnaire de la Commission européenne, représenté par Me J.-N. Louis, avocat,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par M. T. Bohr et Mme D. Milanowska, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 270 TFUE et tendant à l’annulation de la décision de l’Office « Gestion et liquidation des droits individuels » (PMO) de la Commission, du 2 octobre 2017, par laquelle ce dernier a refusé au requérant le bénéfice de l’indemnité d’installation à l’occasion de son déménagement et de sa prise de fonctions au siège du Service européen pour l’action extérieure (SEAE) à Bruxelles (Belgique),

LE TRIBUNAL (première chambre),

composé de Mme I. Pelikánová, président, MM. V. Valančius (rapporteur) et U. Öberg, juges,

greffier : M. L. Ramette, administrateur,

vu la phase écrite de la procédure et à la suite de l’audience du 10 avril 2019,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le requérant, XF, est fonctionnaire de la Commission européenne depuis le 1er novembre 1995. À compter du 1er novembre 2011, il a été affecté au Service européen pour l’action extérieure (SEAE). Du 1er octobre 2013 au 31 août 2017, il a occupé le poste de chef de la délégation de l’Union européenne au Swaziland.

2        Par lettre du 4 mai 2017, le haut représentant pour les affaires étrangères et la politique de sécurité (ci-après le « haut représentant ») a proposé au requérant d’occuper les fonctions de chef de la délégation de l’Union au Rwanda. Par lettre du 10 mai 2017, le directeur général pour le budget et l’administration du SEAE a confirmé la proposition faite par le haut représentant au requérant. Il a ajouté que l’adoption de la décision de nomination à intervenir était subordonnée à la délivrance d’un agrément de la part des autorités du Rwanda. En outre, il a indiqué que la date de sa nouvelle affectation était fixée au 1er septembre 2017 ou au plus tôt après la date d’accomplissement des formalités d’agrément.

3        Par courriel du SEAE du 14 juillet 2017, le requérant a été informé que, pour des raisons politiques, les autorités rwandaises n’étaient pas prêtes à accorder l’agrément pour la nomination d’un nouvel ambassadeur de l’Union dans ce pays et que, pour cette raison, le requérant serait affecté, à partir du 1er septembre 2017, au siège du SEAE à Bruxelles (Belgique), en attendant sa prise de fonctions au Rwanda. Dans ce même courriel, figurait la phrase suivante : « Nous garantissons que vous n’aurez pas à souffrir financièrement de cet arrangement, motivé exclusivement par des raisons de service. »

4        Désirant s’installer dans l’appartement dont il est propriétaire à Bruxelles, le requérant a, par courriel du 24 juillet 2017, mis fin au mandat confié à une agence immobilière aux fins de la location de cet appartement. Il a aussi effectué des travaux de rénovation et acheté des meubles et des appareils électroménagers. Le requérant a également inscrit ses enfants pour l’année scolaire 2017/2018 dans une école de Bruxelles.

5        Le 23 août 2017, le haut représentant a décidé de transférer le requérant, dans l’intérêt du service, au siège du SEAE à Bruxelles avec effet au 1er septembre suivant.

6        Le 13 septembre 2017, le Conseil des ministres de la République du Rwanda a donné son accord à la nomination du requérant en tant qu’ambassadeur de l’Union à Kigali (Rwanda). Par la décision Ares(2017) 4461860 du haut représentant, du 13 septembre 2017, le requérant a été nommé chef de la délégation de l’Union au Rwanda à compter du 1er janvier 2018.

7        Par décision du 2 octobre 2017 (ci-après la « décision attaquée »), l’Office « Gestion et liquidation des droits individuels » (PMO) de la Commission a refusé au requérant le paiement de l’indemnité d’installation, prévue à l’article 5 de l’annexe VII du statut des fonctionnaires de l’Union européenne (ci-après le « statut »), liée à son affectation à Bruxelles au 1er septembre 2017 au siège du SEAE.

8        Le 28 décembre 2017, le requérant a formé une réclamation, au titre de l’article 90, paragraphe 2, du statut, contre la décision attaquée. Cette réclamation, enregistrée le 3 janvier 2018, a été rejetée par décision de l’autorité investie du pouvoir de nomination de la Commission du 2 mai 2018.

 Procédure et conclusions des parties

9        Par requête déposée au greffe du Tribunal le 10 août 2018, le requérant a introduit le présent recours.

10      Le 6 mars 2019, le Tribunal a adressé des questions aux parties, dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure. Les parties ont répondu à ces questions dans le délai imparti par le Tribunal.

11      Le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner la Commission aux dépens.

12      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner le requérant aux dépens.

 En droit

13      Au soutien de son recours, le requérant invoque un moyen unique, tiré d’une violation de l’article 20 du statut et de l’article 5 de l’annexe VII du statut.

14      Le requérant fait valoir, en substance, que, par la décision attaquée, la Commission lui a refusé, à tort, le bénéfice de l’indemnité d’installation qu’il estimait lui être due en raison de son affectation au siège du SEAE à partir du 1er septembre 2017.

15      En particulier, premièrement, le requérant soutient que le PMO a commis une erreur manifeste d’appréciation et une erreur de droit en jugeant qu’il n’avait pas démontré le transfert de sa résidence à Bruxelles. Deuxièmement, le requérant souligne que la durée de quatre mois de son séjour à Bruxelles a été déterminée par le seul intérêt du service et non par le sien et celui de sa famille et qu’il lui avait été précisé par le SEAE qu’il n’aurait pas à supporter les conséquences financières de cette courte affectation au siège. Troisièmement, il ajoute que le PMO lui a refusé le bénéfice de l’indemnité d’installation en se référant à une pratique administrative ne découlant pas de règles internes, non publiée sur l’intranet du SEAE et méconnaissant l’article 20 du statut et l’article 5 de l’annexe VII du statut.

16      La Commission conteste les arguments du requérant.

17      Aux termes de l’article 20 du statut :

« Le fonctionnaire est tenu de résider au lieu de son affectation ou à une distance telle de celui-ci qu’il ne soit pas gêné dans l’exercice de ses fonctions […] »

18      Aux termes de l’article 5 de l’annexe VII du statut :

« 1. Une indemnité d’installation égale à deux mois de traitement de base, s’il s’agit d’un fonctionnaire qui a droit à l’allocation de foyer, ou égale à un mois de traitement de base, s’il s’agit d’un fonctionnaire n’ayant pas droit à cette allocation, est due au fonctionnaire titulaire qui justifie avoir été tenu de changer de résidence pour satisfaire aux obligations de l’article 20 du statut […]

2. Une indemnité d’installation d’un même montant est versée lors d’une affectation à un nouveau lieu de service […] au fonctionnaire qui est appelé à transférer sa résidence pour satisfaire aux obligations de l’article 20 du statut.

3. L’indemnité d’installation est calculée d’après l’état civil et le traitement du fonctionnaire, soit à la date d’effet de la titularisation, soit à celle de l’affectation à un nouveau lieu de service.

L’indemnité d’installation est versée sur production de documents justifiant de l’installation du fonctionnaire au lieu de son affectation, ainsi que de celle de sa famille, si le fonctionnaire a droit à l’allocation de foyer […] »

19      À cet égard, il y a lieu de rappeler la jurisprudence selon laquelle le but défini et caractéristique d’une indemnité d’installation est de permettre au fonctionnaire de supporter, en dehors des frais de déménagement, les charges inévitables encourues en raison de son intégration dans un milieu nouveau pour une durée indéterminée mais substantielle (arrêt du 9 novembre 1978, Verhaaf/Commission, 140/77, EU:C:1978:197, point 18).

20      Pour pouvoir prétendre au bénéfice de l’indemnité d’installation, il ressort de la jurisprudence qu’il faut tout d’abord être fonctionnaire ou agent de l’Union. Il faut également justifier avoir été tenu de changer de résidence pour satisfaire aux obligations de l’article 20 du statut, cette condition se décomposant elle-même en deux conditions, à savoir, d’une part, avoir été tenu de changer de résidence en raison de la gêne causée, pour l’exercice des fonctions, par la distance entre la résidence et le lieu d’affectation, et, d’autre part, justifier du changement effectif de résidence (voir arrêt du 13 avril 2011, Chaouch/Commission, F‑30/09, EU:F:2011:39, point 55).

21      Il s’ensuit que trois conditions cumulatives doivent être remplies pour qu’un fonctionnaire ou agent bénéficie de l’indemnité d’installation. Partant, dès lors qu’il n’est pas satisfait à l’une de ces trois conditions, le fonctionnaire ou agent ne peut prétendre au versement de ladite indemnité.

22      Dans la présente affaire, seule la condition qui concerne le caractère effectif du changement de résidence du requérant est en litige. Par conséquent, il convient, d’abord, d’examiner si cette condition était ou non remplie par le requérant.

23      Selon une jurisprudence constante, la notion de « résidence » employée dans les dispositions relatives aux conditions d’octroi de l’indemnité prévue par l’article 5 de l’annexe VII du statut doit être comprise comme désignant le centre des intérêts du fonctionnaire concerné (voir, en ce sens, arrêt du 16 janvier 2007, Borbély/Commission, F‑126/05, EU:F:2007:12, point 32 et jurisprudence citée).

24      En particulier, le terme « résidence » vise le lieu où l’intéressé a fixé, avec la volonté de lui conférer un caractère stable, le centre permanent ou habituel de ses intérêts et il implique en outre, indépendamment de la donnée purement quantitative du temps passé par la personne sur le territoire de l’un ou de l’autre pays, outre le fait physique de demeurer en un certain lieu, l’intention de conférer à ce fait la continuité résultant d’une habitude de vie et de déroulement de rapports sociaux normaux (voir arrêt du 16 janvier 2007, Borbély/Commission, F‑126/05, EU:F:2007:12, point 33 et jurisprudence citée).

25      Dans le cas d’espèce, il ressort des pièces du dossier que l’affectation du requérant à Bruxelles était temporaire et décidée dans l’attente de la prise de fonctions de ce dernier au Rwanda, laquelle était conditionnée à la délivrance de l’agrément des autorités rwandaises. En effet, si la proposition faite par le haut représentant au requérant d’occuper les fonctions de chef de la délégation de l’Union au Rwanda lui a été confirmée par courriel du 10 mai 2017 du directeur général pour le budget et l’administration du SEAE, par courriel du SEAE envoyé au requérant le 14 juillet 2017, celui-ci a été informé que, pour des raisons politiques, les autorités rwandaises n’étaient pas prêtes à accorder leur agrément pour la nomination d’un nouvel ambassadeur de l’Union et que, dans l’attente de sa prise de fonctions au Rwanda, il serait affecté, à partir du 1er septembre 2017, au siège du SEAE à Bruxelles. Or, dès le 13 septembre 2017, le requérant a reçu la décision de sa nomination en tant que chef de la délégation de l’Union au Rwanda à partir du 1er janvier 2018. 

26      Il résulte de ce qui précède que le requérant était informé, dès le 14 juillet 2017, du caractère provisoire de son affectation à Bruxelles et donc de son séjour dans cette ville, lequel devait prendre fin au plus tard à la date de sa prise de fonctions au Rwanda.

27      Compte tenu de ces éléments, il y a lieu de considérer que le requérant ne peut être regardé comme ayant fixé, de manière stable, le centre permanent ou habituel de ses intérêts à Bruxelles, avec l’intention de conférer à ce fait la continuité résultant d’une habitude de vie et de déroulement de rapports sociaux normaux.

28      Ainsi, force est de constater que la condition tenant à la nécessité du changement effectif de résidence, au sens de la jurisprudence rappelée aux points 23 et 24 ci-dessus, n’était pas remplie en l’espèce.

29      Cette conclusion ne saurait être remise en cause par les arguments du requérant.

30      En premier lieu, ne sauraient être accueillis les arguments du requérant relatifs à l’ampleur des opérations de déménagement de ses effets personnels à Bruxelles, à la fin du mandat de location de son appartement, à la rénovation dudit appartement et aux achats effectués pour s’y installer, à l’inscription de ses deux enfants à l’école de Bruxelles ainsi qu’à la résidence de sa famille dans cette ville jusqu’aux congés d’été de l’année scolaire 2017/2018. Toutes ces circonstances, qui relèvent de choix ou de décisions personnels du requérant, sont sans influence sur la réunion des conditions d’octroi de l’indemnité d’installation, telles que prévues par le statut. En particulier, elles ne sont pas de nature à démontrer le transfert du centre permanent ou habituel des intérêts du requérant à Bruxelles dès lors que ce dernier était informé du caractère provisoire de son affectation au siège du SEAE et donc de son séjour à Bruxelles, jusqu’à la prise de ses fonctions au Rwanda.

31      En deuxième lieu, le fait que le séjour du requérant à Bruxelles et sa durée ont été déterminés par l’intérêt du service ne peut pas justifier l’octroi de l’indemnité d’installation, en l’absence de réunion des conditions d’octroi de ladite indemnité, telles que rappelées dans la jurisprudence citée aux points 23 et 24 ci‑dessus.

32      En troisième lieu, s’agissant de l’argument du requérant selon lequel le PMO a adopté la décision attaquée en appliquant une pratique administrative qui ne découlait pas de règles internes et qui n’était pas publiée sur l’intranet de la Commission, il suffit, pour l’écarter, de rappeler que le requérant ne remplissait pas les conditions pour bénéficier de l’indemnité d’installation prévues par l’article 20 du statut et l’article 5 de l’annexe VII du statut.

33      Il résulte de tout ce qui précède que le moyen tiré d’une violation de l’article 20 du statut et de l’article 5 de l’annexe VII du statut doit être écarté.

34      Par ailleurs, ainsi que la Commission l’a relevé à juste titre, dans ses réponses aux questions écrites du Tribunal, l’indemnité d’installation ne pouvait pas non plus être octroyée au requérant au titre de la protection de la confiance légitime. En effet, le courriel du SEAE du 14 juillet 2017 se bornait à assurer au requérant qu’il n’allait pas souffrir financièrement de sa réaffectation provisoire à Bruxelles, sans spécifier de quelle manière ce défraiement allait avoir lieu et, en particulier, sans faire aucune mention de l’indemnité d’installation. Ainsi, si ces garanties de la part de l’administration pouvaient être susceptibles, le cas échéant, de fonder un droit du requérant à se voir défrayé, d’une quelconque manière, des dépenses supplémentaires causées par ladite réaffectation, elles n’étaient pas suffisamment précises pour pouvoir fonder sa confiance légitime dans le fait qu’elles allaient être mises en œuvre par le biais de l’octroi de l’indemnité d’installation.

35      Partant, il y a lieu de rejeter le présent recours.

 Sur les dépens

36      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Le requérant ayant succombé, il y a lieu de le condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la Commission.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (première chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      XF est condamné à supporter ses propres dépens ainsi que les dépens exposés par la Commission européenne.

Pelikánová

Valančius

Öberg

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 9 juillet 2019.

Signatures


*      Langue de procédure : le français.