Language of document : ECLI:EU:C:2019:845

ORDONNANCE DE LA COUR (chambre d’admission des pourvois)

7 octobre 2019 (*)

« Pourvoi – Marque de l’Union européenne – Admission des pourvois – Article 170 ter du règlement de procédure de la Cour – Demande ne démontrant pas l’importance d’une question pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union – Non-admission du pourvoi »

Dans l’affaire C‑586/19 P,

ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduit le 1er août 2019,

L’Oréal, établie à Paris (France), représentée par Mes T. de Haan et P. Péters, avocats,

partie requérante,

les autres parties à la procédure étant :

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par M. D. Hanf, en qualité d’agent,

partie défenderesse en première instance,

Guinot, établie à Paris (France), représentée par Me A. Sion, avocate,

partie intervenante en première instance,

LA COUR (chambre d’admission des pourvois),

composée de Mme R. Silva de Lapuerta, vice‑présidente de la Cour, MM. F. Biltgen et J. Malenovský (rapporteur), juges,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la proposition du juge rapporteur et l’avocat général, M. M. Szpunar, entendu,

rend la présente

Ordonnance

1        Par son pourvoi, L’Oréal demande l’annulation de l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 19 juin 2019, L’Oréal/EUIPO – Guinot (MASTER SMOKY) (T‑179/16 RENV, non publié, ci-après l’« arrêt attaqué », EU:T:2019:433), par lequel celui-ci a rejeté son recours tendant à l’annulation de la décision de la cinquième chambre de recours de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) du 23 février 2016 (affaire R 2905/2014‑5), relative à une procédure d’opposition entre Guinot et L’Oréal (ci-après la « décision litigieuse »).

 Sur la demande d’admission du pourvoi

2        En vertu de l’article 58 bis, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, l’examen des pourvois formés contre les décisions du Tribunal portant sur une décision d’une chambre de recours indépendante de l’EUIPO est subordonné à leur admission préalable par la Cour.

3        Conformément à l’article 58 bis, troisième alinéa, de ce statut, le pourvoi est admis, en tout ou en partie, selon les modalités précisées dans le règlement de procédure de la Cour, lorsqu’il soulève une question importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union.

4        Aux termes de l’article 170 bis, paragraphe 1, du règlement de procédure, dans les situations visées à l’article 58 bis, premier alinéa, dudit statut, la partie requérante annexe à sa requête une demande d’admission du pourvoi dans laquelle elle expose la question importante que soulève le pourvoi pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union et qui contient tous les éléments nécessaires pour permettre à la Cour de statuer sur cette demande.

5        Conformément à l’article 170 ter, paragraphe 3, de ce règlement, la Cour statue sur la demande d’admission du pourvoi par voie d’ordonnance motivée.

6        En l’espèce, dans son pourvoi, la requérante invoque trois moyens tirés, le premier, d’une violation, par le Tribunal, de son obligation de motivation ainsi que du principe du contrôle de légalité et, les deuxième et troisième, d’erreurs de droit dans l’application de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement (CE) n° 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque de l’Union européenne (JO 2009, L 78, p. 1), tel que modifié [remplacé par le règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p. 1)], et, plus précisément, dans l’appréciation de la similitude entre les signes en conflit ainsi que dans l’examen du risque de confusion.

7        À l’appui de sa demande d’admission, la requérante fait valoir, premièrement, que son pourvoi soulève une question de procédure importante pour l’unité et la cohérence du droit de l’Union. À cet égard, elle rappelle, tout d’abord, que l’arrêt attaqué fait suite à l’arrêt de la Cour du 30 mai 2018, L’Oréal/EUIPO (C‑519/17 P et C‑522/17 P à C‑525/17 P, non publié, EU:C:2018:348), qui a annulé une ordonnance précédemment rendue par le Tribunal dans la présente affaire et renvoyé celle-ci au Tribunal. Ensuite, la requérante souligne, en substance, qu’elle a présenté, dans le cadre de la phase écrite de la procédure faisant suite à ce renvoi et en complément des moyens de fond qui figuraient dans sa requête introductive d’instance, un moyen tiré d’un défaut de motivation de la décision litigieuse, avant d’observer que le Tribunal ne s’est pas prononcé sur ce moyen dans l’arrêt attaqué et que ce dernier est, de ce fait, lui-même entaché d’un défaut de motivation. Enfin, elle estime que ce défaut de motivation constitue une question importante pour l’unité et la cohérence du droit de l’Union, dans la mesure où il est indispensable que le Tribunal respecte ses obligations procédurales, sous le contrôle de la Cour.

8        Deuxièmement, la requérante expose que son pourvoi soulève une autre question de procédure importante pour l’unité et la cohérence du droit de l’Union, en ce que le Tribunal se serait écarté, dans l’arrêt attaqué, d’un point de droit qui avait été tranché par l’arrêt de la Cour du 30 mai 2018, L’Oréal/EUIPO (C‑519/17 P et C‑522/17 P à C‑525/17 P, non publié, EU:C:2018:348) et qui, comme tel, le liait conformément à l’article 61, deuxième alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne. Plus précisément, au point 73 de ce dernier arrêt, la Cour aurait imposé au Tribunal d’apprécier l’existence d’un risque de confusion au regard d’un troisième arrêt, l’arrêt du Tribunal du 22 février 2018, International Gaming Projects/EUIPO – Zitro IP (TRIPLE TURBO) (T‑210/17, non publié, EU:T:2018:91), ce qui n’aurait pourtant pas été fait dans l’arrêt attaqué.

9        Troisièmement, la requérante soutient que son pourvoi soulève des questions de fond importantes pour l’unité et le développement du droit de l’Union dans le domaine des marques, en ce que le Tribunal se serait écarté, dans l’arrêt attaqué, de la jurisprudence existante relative à l’appréciation de la similitude entre les signes en conflit ainsi qu’à l’examen du risque de confusion.

10      S’agissant, en premier lieu, de l’argumentation évoquée au point 7 de la présente ordonnance, il résulte de la jurisprudence constante de la Cour que la question de savoir si un arrêt du Tribunal est entaché d’un défaut, d’une insuffisance ou d’une contradiction de motivation constitue une question de droit pouvant être invoquée dans le cadre d’un pourvoi (arrêt du 5 juillet 2011, Edwin/OHMI, C‑263/09 P, EU:C:2011:452, point 63 et jurisprudence citée).

11      En revanche, le fait qu’un pourvoi soulève une telle question de droit ne permet pas, en soi, de considérer que ce pourvoi doit être admis par la Cour dans l’hypothèse où il relève de l’article 58 bis du statut. En effet, une telle admission est subordonnée, ainsi qu’il découle des points 2 à 4 de la présente ordonnance, au respect de conditions spécifiques consistant, pour le requérant au pourvoi, à démontrer, entre autres, que, indépendamment des questions de droit invoquées dans son pourvoi, ce dernier soulève une ou plusieurs questions importantes pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union. Cette démonstration implique elle-même d’établir tant l’existence que l’importance de telles questions, au moyen d’éléments concrets et propres au cas d’espèce, et non pas simplement d’arguments d’ordre général.

12      En l’occurrence, il convient de constater, tout d’abord, que la requérante soutient que l’arrêt attaqué est entaché d’un défaut de motivation mais ne démontre pas, à suffisance de droit, en quoi le défaut de motivation de l’arrêt attaqué qu’elle allègue soulève une question importante pour l’unité et la cohérence du droit de l’Union, la portée de ce critère dépassant, ainsi que cela résulte du point 11 de la présente ordonnance, le cadre dudit arrêt et, en définitive, de son pourvoi.

13      Ensuite, l’argument selon lequel il est indispensable que le Tribunal respecte ses obligations procédurales, sous le contrôle de la Cour, ne permet pas, tel que cela ressort du point 11 in fine de la présente ordonnance, de caractériser l’existence d’une question importante pour l’unité et la cohérence du droit de l’Union, compte tenu de son caractère extrêmement général.

14      Enfin, quant à l’argument plus spécifique selon lequel le Tribunal ne se serait pas prononcé sur le moyen nouveau qui lui avait été présenté à la suite du renvoi de l’affaire, il doit être relevé, d’emblée, que, aux termes de l’article 84 du règlement de procédure du Tribunal, applicable à la procédure après renvoi en vertu de l’article 217 de ce règlement, la production de moyens nouveaux en cours d’instance est interdite à moins que ces moyens ne se fondent sur des éléments de droit et de fait qui se sont révélés pendant la procédure, sans préjudice des principes applicables en matière de relevé d’office. Or, compte tenu de ces dispositions et en l’absence de toute explication complémentaire de la part de la requérante au sujet des éléments de fait et de droit qui auraient fondé son moyen nouveau, la circonstance que le Tribunal ne se soit pas prononcé sur ce dernier ne peut pas être regardée comme étant susceptible de mettre en cause, d’une quelconque manière, l’unité et la cohérence du droit de l’Union, mais plutôt comme assurant celles-ci en l’occurrence.

15      En ce qui concerne, en deuxième lieu, l’argumentation figurant au point 8 de la présente ordonnance, selon laquelle le Tribunal se serait écarté d’un point de droit précédemment tranché par la Cour, il y a lieu de constater que la requérante ne justifie pas concrètement en quoi une telle situation, à la supposer établie, soulèverait une question importante pour l’unité et la cohérence du droit de l’Union, au sens précisé aux points 11 et 12 de la présente ordonnance.

16      Pour ce qui est, en troisième et dernier lieu, de l’argumentation figurant au point 9 de la présente ordonnance, il importe de souligner que l’allégation selon laquelle le Tribunal se serait écarté de la jurisprudence de la Cour dans une ordonnance ou un arrêt donné n’est pas suffisante, en soi, pour établir, conformément à la charge de la preuve qui pèse sur l’auteur d’une demande d’admission d’un pourvoi (ordonnance du 16 septembre 2019, Kiku/OCVV, C‑444/19 P, non publiée, EU:C:2019:746, point 11), que ce pourvoi soulève une question importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union. À cette fin, le demandeur doit en effet exposer, de façon succincte mais claire et précise, premièrement, où se situe la contradiction qu’il allègue, en identifiant tant les points de l’arrêt ou de l’ordonnance sous pourvoi qu’il met en cause que ceux de la décision de la Cour qui auraient été méconnus, et, deuxièmement, les raisons concrètes pour lesquelles il considère qu’une telle contradiction soulève une question importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union.

17      Or, en l’occurrence, la requérante n’a pas respecté l’ensemble de ces exigences.

18      Dans ces conditions, il convient de conclure que l’argumentation présentée par la requérante à l’appui de sa demande d’admission de son pourvoi n’est pas de nature à établir que ce dernier soulève des questions importantes pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union.

19      Eu égard aux considérations qui précèdent, il y a lieu de ne pas admettre le pourvoi.

 Sur les dépens

20      Aux termes de l’article 137 du règlement de procédure, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, de ce règlement, il est statué sur les dépens dans l’arrêt ou l’ordonnance qui met fin à l’instance.

21      La présente ordonnance étant adoptée avant que le pourvoi n’ait été signifié aux autres parties à la procédure et, par conséquent, avant que celles-ci n’aient pu exposer des dépens, il convient de décider que la requérante supportera ses propres dépens.


Par ces motifs, la Cour (chambre d’admission des pourvois) ordonne :

1)      Le pourvoi n’est pas admis.

2)      L’Oréal supporte ses propres dépens.

Fait à Luxembourg, le 7 octobre 2019.

Le greffier

 

La vice-présidente

A. Calot Escobar

 

R. Silva de Lapuerta


*      Langue de procédure : le français.