Language of document : ECLI:EU:C:2020:28

CONCLUSIONS DE L’AVOCATE GÉNÉRALE

MME JULIANE KOKOTT

présentées le 22 janvier 2020 (1)

Affaire C307/18

Generics (UK) Ltd e.a.

contre

Competition and Markets Authority

[demande de décision préjudicielle formée par le Competition Appeal Tribunal (tribunal de la concurrence, Royaume-Uni)]

« Renvoi préjudiciel – Concurrence – Ententes – Position dominante – Abus – Produits pharmaceutiques – Accords de règlement amiable de litiges en matière de brevets conclus entre un laboratoire de princeps titulaire de brevets et des fabricants de médicaments génériques »






Table des matières


I. Introduction

II. Le cadre juridique

III. Antécédents du litige

A. Les accords conclus par GSK

1. L’accord IVAX

2. L’accord GUK

3. L’accord Alpharma

B. Développements autres et ultérieurs relatifs au brevet sur l’anhydre et formation d’un marché générique

C. La décision de la CMA et la procédure devant le CAT

IV. La procédure devant la Cour et les questions préjudicielles

V. Appréciation

A. Sur la compétence de la Cour pour répondre aux questions du CAT

B. Sur les questions préjudicielles

1. Sur l’article 101 TFUE

a) Sur la notion de concurrence potentielle (première et deuxième questions préjudicielles)

1) Sur l’insécurité relative à la validité du brevet d’un médicament et au caractère contrefaisant de ses versions génériques comme élément constitutif des rapports de concurrence dans le secteur pharmaceutique

2) Sur les litiges relatifs à la validité d’un brevet ou au caractère contrefaisant d’un produit générique comme éléments susceptibles de témoigner de l’existence d’une concurrence potentielle

3) Sur la portée de l’appréciation des droits de propriété intellectuelle en cause par l’autorité de concurrence

4) Sur la présence d’injonctions ou d’engagements judiciaires provisoires

5) Conclusion

b) Sur la notion de restriction de la concurrence par objet (troisième à cinquième questions préjudicielles)

1) Sur les troisième et quatrième questions préjudicielles

i) Sur le « potentiel restrictif » d’un accord imposant une restriction qui n’excède pas la portée et la durée de validité restante d’un brevet

ii) Sur le « scénario contrefactuel » pertinent

iii) Sur le caractère des accords en tant que règlements amiables de litiges réels

iv) Conclusion

2) Sur la cinquième question préjudicielle

i) Sur la pertinence d’avantages résultant d’un accord pour le constat de l’existence d’une restriction de concurrence au titre de l’article 101, paragraphe 1, TFUE tout court

ii) Sur la pertinence d’avantages résultant d’un accord pour le constat de l’existence d’une restriction de concurrence par objet au titre de l’article 101, paragraphe 1, TFUE

iii) Conclusion

c) Sur la notion de restriction de la concurrence par effet (sixième question préjudicielle)

1) Sur les critères pour apprécier les effets sur la concurrence d’accords de règlement amiable de litiges de brevet en matière pharmaceutique

2) Sur l’exigence d’effets sensibles sur le jeu de la concurrence

3) Conclusion

2. Sur l’article 102 TFUE

a) Sur la définition du marché pertinent (septième question préjudicielle)

1) Sur la portée de la septième question préjudicielle

2) Sur l’inclusion des génériques de la paroxétine aux fins de la détermination du marché pertinent

3) Conclusion

b) Sur l’abus de position dominante (huitième à dixième questions préjudicielles)

1) Sur la qualification de la conclusion d’un ou de plusieurs accords de règlement amiable de litiges de brevet d’abus de position dominante [huitième et neuvième questions préjudicielles ainsi que dixième question préjudicielle, sous a)]

i) Sur l’articulation de l’application des articles 101 et 102 TFUE

ii) Sur la conclusion des accords concernés au principal comme emploi d’un moyen autre qu’une concurrence par les mérites par GSK

iii) Sur la conclusion des accords concernés au principal par GSK comme moyen de nature à influencer la structure du marché concerné de façon à entraver voire à éliminer la concurrence restante sur celui-ci

iv) Conclusion

2) Sur les avantages apportés par les accords concernés au principal [dixième question préjudicielle, sous b) et c)]

i) Sur l’obligation de prendre en considération les avantages allégués

ii) Sur la possibilité de justifier des agissements susceptibles de tomber sous le coup de l’interdiction énoncée à l’article 102 TFUE

iii) Conclusion

VI. Conclusion


I.      Introduction

1.        Un accord de règlement amiable d’un litige de brevet en matière pharmaceutique peut-il constituer une restriction de la concurrence par objet ou par effet et sa conclusion, éventuellement conjuguée à la conclusion d’autres accords, un abus de position dominante ?

2.        C’est ainsi que l’on peut résumer la quintessence des dix questions posées par le Competition Appeal Tribunal (tribunal de la concurrence, Royaume-Uni, ci-après le « CAT ») à la Cour dans le cadre de la présente procédure préjudicielle. Ces questions ont été soulevées lors d’un litige qui oppose, devant le CAT, Generics (UK) Ltd (ci-après « GUK ») et d’autres fabricants de médicaments(2) à la Competition and Markets Authority (Autorité de la concurrence et des marchés, Royaume-Uni, ci‑après la « CMA ») au sujet de trois accords conclus par GlaxoSmithKline plc (ci-après « GSK ») avec les fabricants de génériques IVAX Pharmaceuticals UK (ci-après « IVAX »), GUK et Alpharma.

3.        Les accords en question ont été conclus en tant qu’accords de règlement amiable de litiges en matière de brevets qui avaient, en ce qui concerne GUK et Alpharma, déjà donné lieu à l’introduction de procédures judiciaires. Aux termes des accords GUK et Alpharma, les fabricants de génériques concernés s’engageaient notamment à ne pas entrer sur le marché avec leurs produits pendant la durée convenue, alors que GSK s’engageait à effectuer d’importants transferts de valeur en leur faveur.

4.        Selon la CMA, ces accords avaient pour objet d’inciter ces fabricants de génériques à abandonner leurs efforts pour entrer sur le marché de manière indépendante pendant la durée convenue et s’apparentaient donc à des accords d’exclusion du marché interdits par l’article 101 TFUE, alors que leur conclusion par GSK constituait un abus de position dominante au sens de l’article 102 TFUE. GSK et les fabricants de génériques soutiennent au contraire qu’on ne saurait appréhender les accords en question comme constitutifs d’infractions au droit de la concurrence de l’Union.

5.        La présente affaire s’inscrit ainsi dans le contexte des affaires Lundbeck(3) et Servier(4), actuellement pendantes devant la Cour, dans lesquelles la Commission européenne a constaté que des accords de règlement amiable de litiges en matière de brevets constituaient des infractions à l’article 101 et, en ce qui concerne Servier, l’article 102 TFUE. Les constatations de la Cour dans la présente procédure dégageront donc également une orientation à suivre dans ces affaires.

II.    Le cadre juridique

6.        L’article 2 du chapitre 1 du UK Competition Act 1998 (loi du Royaume-Uni de 1998 sur la concurrence) prévoit :

« Accords [...] [qui ont pour objet ou pour effet d’]empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence

(1)      [...], tous accords entre entreprises, toutes décisions d’associations d’entreprises et toutes pratiques concertées :

(a)      qui sont susceptibles d’affecter le commerce au Royaume-Uni, et

(b)      ont pour objet ou pour effet d’empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence au Royaume-Uni,

sont interdits sauf si les dispositions de la présente partie le prévoient autrement.

(2)      La sous-section 1 s’applique notamment à tous accords, toutes décisions et toutes pratiques qui consistent à :

[...]

(b)      limiter ou contrôler la production, les débouchés, le développement technique ou les investissements ;

(c)      répartir les marchés ou les sources d’approvisionnement ;

[...] »

7.        L’article 18 du chapitre 2 de la loi du Royaume-Uni de 1998 sur la concurrence dispose :

« Abus de position dominante

(1)      [...], est interdit, dans la mesure où le commerce au Royaume-Uni est susceptible d’en être affecté, le fait pour une ou plusieurs entreprises d’exploiter de façon abusive une position dominante sur le marché.

(2)      Ces pratiques peuvent notamment constituer un abus si elles consistent à :

[...]

(b)      limiter la production, les débouchés ou le développement technique au préjudice des consommateurs ;

[...] »

8.        L’article 60 de la loi du Royaume-Uni de 1998 sur la concurrence énonce :

« Principes à appliquer pour statuer sur les questions

(1)      Cet article a pour objet de garantir, dans la mesure du possible, (en tenant compte de toutes différences pertinentes entre les dispositions concernées), que les questions relevant de la présente partie, concernant la concurrence au Royaume-Uni, soient traitées d’une manière conforme au traitement des questions correspondantes en droit de l’Union relatives à la concurrence au sein de l’Union européenne.

(2)      Chaque fois qu’une juridiction examine une question relative à la présente partie, elle doit agir (dans la mesure où cela est compatible avec les dispositions de la présente partie et indépendamment du fait que la juridiction soit tenue ou non par ailleurs de procéder de la sorte) de façon à garantir qu’il n’existe pas d’incompatibilité entre :

(a)      les principes appliqués et la décision rendue par la juridiction lorsqu’elle statue sur cette question ; et

(b)      les principes énoncés par le traité et la Cour de justice de l’Union européenne ainsi que toute décision pertinente de la Cour, qui sont applicables lorsqu’il est statué sur une question correspondante relevant du droit de l’Union.

(3)      La juridiction doit en outre tenir compte des décisions ou des déclarations pertinentes de la Commission. »

III. Antécédents du litige

9.        La paroxétine est un médicament antidépresseur délivré uniquement sur prescription médicale qui appartient au groupe des inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine (ci-après les « ISRS »). La paroxétine a été commercialisé au Royaume-Uni par le laboratoire de princeps GSK sous la dénomination commerciale « Seroxat ». Pendant la période pertinente, GSK a produit le Seroxat en doses de 20 et de 30 mg, mais la dose de 20 mg était la plus importante et la plus souvent prescrite.

10.      La protection du brevet pour la molécule de chlorhydrate de paroxétine, l’ingrédient pharmaceutique actif (ci-après l’« IPA ») de ce médicament princeps, a expiré en janvier 1999. En outre, le droit de GSK à l’exclusivité des données afférentes à cette IPA a pris fin en décembre 2000, permettant ainsi aux fabricants de génériques de demander une autorisation de mise sur le marché (ci-après « AMM ») selon une procédure abrégée(5).

11.      À cette époque, GSK a obtenu une série de brevets « secondaires », dont le brevet GB 2 297 550 qui couvrait quatre polymorphes de chlorhydrate de paroxétine anhydre et leur procédé de fabrication (ci-après le « brevet sur l’anhydre »). Délivré en 1997, ce brevet a été par la suite déclaré partiellement invalide par la High Court of Justice (England & Wales), Chancery Division (patents court) [Haute Cour de justice (Angleterre et pays de Galles), division de la Chancery (chambre des brevets), Royaume-Uni, ci-après la « chambre des brevets »] et, dans la mesure où il est resté valide, a expiré en 2013.

12.      Dès la moitié de l’année 2000, GSK fut informée du fait que plusieurs fabricants de génériques envisageaient d’entrer sur le marché britannique avec de la paroxétine générique. Ainsi, IVAX avait présenté une demande d’AMM en Irlande et obtenu de BASF AG l’IPA de la paroxétine sur la base de laquelle cette demande avait été présentée, GUK avait obtenu une AMM pour la paroxétine au Danemark en avril 2001 et Alpharma avait présenté une demande d’AMM au Royaume-Uni le 30 mai 2001.

13.      Dans ce contexte, GSK a conclu trois accords avec les laboratoires concernés.

A.      Les accords conclus par GSK

1.      L’accord IVAX

14.      Le premier accord, conclu par GSK avec IVAX le 3 octobre 2001 et ayant pris fin le 29 juin 2004 (ci-après l’« accord IVAX »), désignait IVAX comme étant, dans la limite de 770 000 boîtes par année, le « distributeur exclusif » au Royaume-Uni du chlorhydrate de paroxétine 20 mg en boîtes de 30 comprimés en vue de sa vente en tant que produit générique autorisé, en contrepartie d’une indemnité promotionnelle annuelle de 3,2 millions de livres sterling (GBP). Le prix de livraison auquel GSK devait fournir le produit à IVAX, modifié ultérieurement, était initialement de 8,45 GBP la boîte et il était notamment prévu qu’IVAX avait le droit de résilier l’accord sans préavis si un produit générique contenant du chlorhydrate de paroxétine en tant que substance active était mis en vente pendant trois jours consécutifs à un prix inférieur ou égal à 8,45 GBP.

2.      L’accord GUK

15.      Le deuxième accord a été conclu par GSK avec GUK le 13 mars 2002 (ci-après l’« accord GUK »). Initialement prévu pour une durée de trois ans, il a pris fin le 1er juillet 2004. Il faisait suite à différents événements : tout d’abord, une procédure de déchéance introduite le 27 juillet 2001 par BASF à l’encontre de GSK au sujet de son brevet sur l’anhydre ; ensuite, à l’engagement par GSK, le 18 septembre 2001, d’une procédure de contrefaçon relative au même brevet à l’encontre de GUK, à l’occasion de laquelle cette dernière a soulevé l’invalidité dudit brevet, et, enfin, à l’adoption par la chambre des brevets, le 23 octobre 2001, d’une injonction provisoire interdisant à GUK d’entrer sur le marché, à l’occasion de laquelle GSK a donné un cross-undertaking in damages(6).

16.      Le 4 décembre 2001, la chambre des brevets a décidé que les affaires BASF et GUK, qui concernaient toutes deux le brevet sur l’anhydre, seraient jointes à l’audience du mois de mars de l’année suivante. Le 13 mars 2002, veille de ladite audience, GSK et GUK sont parvenus à l’accord en cause, portant levée de l’injonction et du cross-undertaking in damages, renonciation à toutes les demandes de dédommagement et suspension de l’instance. En outre, en vertu de cet accord, GSK devait acheter tout le stock de GUK de paroxétine générique destiné à la vente au Royaume-Uni pour un montant de 12,5 millions de dollars US (USD), verser 50 % des frais de procédure de GUK à concurrence d’un montant maximal de 0,5 million GBP, mettre en place un accord de sous-distribution avec IVAX au profit de GUK (ci-après le « contrat d’approvisionnement IVAX-GUK ») et verser à GUK une indemnité de marketing annuelle de 1,65 millions GBP ; en contrepartie, GUK et toutes les sociétés du groupe Merck s’engageaient à ne plus fabriquer, importer ni fournir de chlorhydrate de paroxétine au Royaume-Uni tant que le contrat d’approvisionnement IVAX-GUK sortirait ses effets.

17.      Ce contrat d’approvisionnement IVAX-GUK, entré en vigueur le 14 mars 2002 et conclu pour une durée de trois ans, prévoyait qu’IVAX livrerait 750 000 boîtes de paroxétine 20 mg par année au prix de 8,45 GBP à GUK et comportait une garantie de profit en ce sens que si le prix moyen net de vente de cette paroxétine par GUK chutait en-dessous de 12,25 GBP la boîte, IVAX lui verserait la somme nécessaire pour que son profit ne baisse pas en-dessous d’une marge de 3,80 GBP par boîte. De plus, il était convenu que l’accord pouvait prendre fin avant le terme initialement prévu si le prix de marché d’une boîte de paroxétine chutait en-dessous de 8,45 GBP pendant au moins trois mois consécutifs au cours de la troisième année contractuelle ou ultérieurement. Parallèlement à la conclusion du contrat d’approvisionnement IVAX-GUK, GSK et IVAX ont modifié l’accord IVAX pour l’adapter en conséquence.

3.      L’accord Alpharma

18.      Le troisième accord, conclu par GSK avec Alpharma le 12 novembre 2002 et ayant pris fin le 13 février 2004 (ci-après l’« accord Alpharma »), initialement conclu pour une durée d’un an et prolongé pour une année supplémentaire par la suite, faisait suite à l’obtention, par Alpharma, d’une AMM pour la paroxétine au Royaume-Uni, à une action en contrefaçon introduite par GSK à l’encontre d’Alpharma, à l’engagement judiciaire pris par Alpharma de ne pas vendre de paroxétine au Royaume-Uni avant le prononcé du jugement dans cette procédure dans laquelle une audience avait été fixée en décembre 2002, ainsi qu’à un cross-undertaking in damages donné par GSK.

19.      L’accord Alpharma portait sur la levée de l’engagement d’Alpharma et du cross-undertaking in damages de GSK ainsi que sur le rejet de la revendication de cette dernière. En outre, il prévoyait la conclusion d’un accord de sous-distribution entre IVAX et Alpharma portant sur la fourniture à cette dernière de 500 000 boîtes (porté par la suite à 620 000 boîtes) de paroxétine 20 mg (ci-après le « contrat d’approvisionnement IVAX-Alpharma ») ainsi que divers transferts de valeur de la part de GSK au profit d’Alpharma, à savoir : le versement de 0,5 million GBP à faire valoir sur les frais de justice dans la procédure, un versement unique de 3 millions GBP portant sur les frais de production et de préparation pour le lancement de la paroxétine sur le marché britannique, une « indemnité de marketing » de 100 000 GBP par mois ainsi qu’une option d’achat de certains produits de GSK devant garantir le transfert à Alpharma d’une somme minimale de 500 000 GBP. En contrepartie, Alpharma s’engageait à ne pas fabriquer, importer ni fournir de chlorhydrate de paroxétine au Royaume-Uni mis à part celui qu’elle achèterait auprès d’IVAX ou qui serait fabriqué par GSK.

20.      Le 20 novembre 2002, IVAX et Alpharma ont conclu le contrat d’approvisionnement IVAX-Alpharma prévu dans l’accord Alpharma. Ce contrat pouvait être résilié moyennant un délai de préavis d’un mois dans le cas de la formation d’un « marché générique » ou de la cessation « par déchéance, renonciation, abandon, ou autre » de la revendication du procédé dans le brevet sur l’anhydre. Dans ce contexte, la formation d’un marché générique était considérée accomplie lorsque le prix mensuel moyen de la paroxétine à l’exception de celle vendue par GSK et Alpharma chutait en dessous de 9,50 GBP la boîte ou lorsqu’un produit de paroxétine 20 mg était vendu à un autre titre qu’en vertu d’une autorisation de mise sur le marché de GSK. En outre, il était prévu que si, pendant les deux mois suivant la notification d’une telle résiliation, le prix moyen de la paroxétine chutait en-dessous de 8,45 GBP, IVAX verserait à Alpharma la différence entre 8,45 GBP et ce prix moyen, dans une limite de 200 000 GBP. Parallèlement à la conclusion du contrat d’approvisionnement IVAX-Alpharma, GSK et IVAX ont modifié l’accord IVAX pour l’adapter en conséquence.

B.      Développements autres et ultérieurs relatifs au brevet sur l’anhydre et formation d’un marché générique

21.      Avant la mise en œuvre des accords IVAX, GUK et Alpharma, le marché britannique de la paroxétine s’était caractérisé par la présence d’importations parallèles de paroxétine en provenance d’autres États membres de l’Union. De telles importations parallèles s’expliquent par le fait qu’il existe, notamment en raison des différents niveaux de revenus et régimes de régulation, des différences entre les prix des médicaments dans les États membres. Partant, avant la mise à disposition de versions génériques d’un certain médicament dans un État membre, il peut s’avérer lucratif d’importer des médicaments de marque d’autres États membres et de les vendre à un prix inférieur à celui pratiqué dans l’État membre d’importation. Ainsi, à partir de septembre 2001, les importations parallèles représentaient approximativement 30 à 40 % de la paroxétine délivrée au Royaume-Uni et étaient vendues un peu moins chères que le Séroxat de GSK. Ces importations parallèles ne concernaient toutefois que le dosage de paroxétine en 20 mg, non celui en 30 mg.

22.      En vertu des accords IVAX, GUK et Alpharma, ces sociétés de génériques ont été approvisionnées en quantités importantes mais limitées de paroxétine générique fabriquée par GSK, qu’elles pouvaient vendre sous leurs propres marques et qu’elles facturaient à peu près au prix pratiqué pour les importations parallèles. Par la suite, entre novembre 2001 et novembre 2003, IVAX, GUK et Alpharma ont gagné environ 60 points de pourcentage sur le marché de la paroxétine 20 mg, en remplaçant presque toutes les importations parallèles (à concurrence d’environ 30 points de pourcentage) ainsi qu’une partie du Seroxat de GSK (à concurrence de presque 30 points de pourcentage également). Cette modification de la structure du marché a entraîné une diminution du prix moyen général pondéré de la paroxétine 20 mg de 4 % maximum. En revanche, les accords n’ont eu aucune incidence sur les ventes de paroxétine 30 mg effectuées par GSK.

23.      La paroxétine était un médicament remboursé par le UK National Health Service (service national de la santé britannique, ci-après le « NHS »). Le système de remboursement du NHS comprenait différentes catégories dont les catégories C et A pour les médicaments respectivement non aisément et aisément disponibles sous forme générique. À la suite de la livraison de paroxétine générique conformément à l’accord IVAX, la paroxétine 20 mg, au départ classée dans la catégorie C, est passée dans la catégorie A à partir du 1er juin 2002. Ceci a entraîné une chute immédiate de 12 % du prix de remboursement en vertu des grilles du NHS, une chute ultérieure de 3 % de ce prix entre juin et novembre 2002 ainsi qu’une diminution correspondante des coûts supportés par le NHS.

24.      Le jugement dans la procédure de déchéance du brevet sur l’anhydre engagée par BASF(7) a été rendu le 12 juillet 2002. Il a conclu à l’invalidité de la plupart des revendications de produit dans ce brevet, mais à la validité de deux revendications de procédé.

25.      Le 30 juillet 2002, Apotex, un autre fabricant de génériques, a obtenu une AMM pour la paroxétine au Royaume-Uni et a engagé, ensemble avec ses distributeurs Neolab et Waymade, une autre procédure de déchéance en ce qui concerne le brevet sur l’anhydre, et GSK a entamé une procédure en contrefaçon du brevet à l’encontre de ces trois sociétés. Le 5 décembre 2003, la chambre des brevets a jugé que les revendications du brevet qui n’avaient pas été invalidées par le jugement dans l’affaire BASF n’étaient pas contrefaites par le procédé utilisé par Apotex, ce qui a été confirmé en appel(8). Par la suite, Neolab et Waymade sont entrés sur le marché à la fin du mois de décembre 2003 en tant que distributeurs d’Apotex avec de la paroxétine 20 mg, ce qui a ouvert le marché générique de la paroxétine.

26.      Alpharma a alors résilié le contrat d’approvisionnement IVAX-Alpharma et mis par là même fin à l’accord Alpharma avec effet au 13 février 2004, puis est entrée sur le marché avec sa propre paroxétine 20 et 30 mg à partir de février 2004. GUK a ensuite mis fin au contrat d’approvisionnement IVAX-GUK le 25 juin 2004, ce qui mettait également un terme à son interdiction de vente de paroxétine au titre de l’accord GUK. Enfin, le 29 juin 2004, IVAX et GSK ont mis fin à l’accord IVAX.

27.      L’entrée indépendante de la paroxétine générique sur le marché à partir de fin 2003 a eu une importante incidence sur les prix. Ainsi, les prix de la paroxétine 20 mg ont chuté de 34 % dans les trois premiers mois après cette entrée, et de 69 % l’année suivante, alors que le prix de la paroxétine 30 mg avait chuté d’environ 66 % en décembre 2005. Les prix moyens de la paroxétine 20 et 30 mg avaient chuté d’environ 74 % en décembre 2005.

C.      La décision de la CMA et la procédure devant le CAT

28.      Le 12 février 2016, la CMA a adopté la décision litigieuse dans la procédure au principal (ci-après la « décision de la CMA »)(9), aux termes de laquelle elle a constaté

1)      que GSK détenait une position dominante sur le marché de la paroxétine et qu’elle avait abusé de cette position en violation de l’interdiction prévue par le chapitre 2 de la loi du Royaume-Uni de 1998 sur la concurrence en concluant les accords IVAX, GUK et Alpharma ;

2)      que GSK et GUK ainsi que la société mère de cette dernière, Merck, avaient violé l’interdiction prévue au chapitre 1 de la loi du Royaume-Uni de 1998 sur la concurrence ainsi que, pour la période postérieure au 1er mai 2004, l’article 101 TFUE en concluant l’accord GUK, et

3)      que GSK et les sociétés du groupe Alpharma, à savoir Actavis, Xellia et Alpharma LLC, avaient violé l’interdiction prévue au chapitre 1 de la loi du Royaume-Uni de 1998 sur la concurrence en concluant l’accord Alpharma ;

4)      de plus, la CMA a infligé à ces sociétés des sanctions pécuniaires d’un montant total de 44,99 millions GBP en raison des infractions constatées.

29.      En outre, la CMA a conclu qu’il n’y avait pas lieu de sanctionner l’accord IVAX au titre de l’interdiction des accords anticoncurrentiels, notamment parce que celui-ci était exclu du champ d’application du chapitre 1 de la loi du Royaume-Uni de 1998 sur la concurrence en vertu d’une réglementation interne sur les restrictions verticales applicable à l’époque pertinente, qui a été abrogée par la suite(10).

30.      Les sociétés sanctionnées ont introduit des recours contre la décision de la CMA devant le CAT. Celui-ci relève alors que, dans le cadre de ces recours, il lui appartiendra de statuer, entre autres, sur le point de savoir, en se référant au droit de l’Union, si GSK, d’une part, et GUK, Alpharma et IVAX, d’autre part, étaient des concurrents potentiels pour la fourniture de la paroxétine au Royaume-Uni à l’époque pertinente ; si les accords conclus entre GSK et, respectivement, GUK et Alpharma, ont constitué une restriction de concurrence par objet et par effet ; quel était le marché de produits pertinent sur lequel GSK a fourni la paroxétine aux fins de déterminer si elle a détenu une position dominante, et si la pratique de GSK a constitué un abus de position dominante.

31.      S’agissant des questions en lien avec l’article 101 TFUE, notamment en ce qui concerne l’existence d’une concurrence potentielle et d’une restriction de la concurrence par objet, le CAT constate qu’elles ont déjà donné lieu à plusieurs arrêts du Tribunal dans les affaires Lundbeck e.a.(11), actuellement sous pourvoi, dont l’ensemble des requérantes conteste la pertinence en l’espèce. De surcroît, il considère que les modalités d’appréciation d’une restriction par effet, objet de la sixième question préjudicielle ainsi que de la décision de la Commission dans l’affaire Servier(12), demeurent incertaines. S’agissant des questions relatives à l’article 18 de la loi du Royaume-Uni de 1998 sur la concurrence, qui correspond à l’article 102 TFUE, également objet de la décision de la Commission dans l’affaire Servier, le CAT relève être confronté à des questions de droit nouvelles s’agissant tant de la définition du marché pertinent que du constat d’un éventuel abus de position dominante et de ses éventuelles justifications.

IV.    La procédure devant la Cour et les questions préjudicielles

32.      C’est dans ces conditions que le CAT, par un jugement du 8 mars 2018 (ci-après le « jugement du CAT »)(13), parvenu, ensemble avec les questions préjudicielles ainsi qu’un exposé des recours au principal et des principaux faits de l’affaire, à la Cour le 7 mai 2018, a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« Concurrence potentielle

1)      Aux fins de l’article 101, paragraphe 1 [TFUE], convient-il de considérer comme des concurrents potentiels le titulaire d’un brevet sur un produit pharmaceutique et une société de produits génériques voulant entrer sur le marché avec une version générique dudit produit lorsque les parties sont en litige de bonne foi sur la validité du brevet ou sur le caractère contrefaisant du produit générique ?

2)      La réponse à la première question est-elle différente :

a)      s’il y a une procédure juridictionnelle pendante entre les parties portant sur ce litige ; ou

b)      si le titulaire du brevet a obtenu une injonction provisoire interdisant à la société de produits génériques de lancer son produit générique sur le marché jusqu’à ce qu’il ait été statué sur cette procédure ; ou

c)      si le titulaire du brevet considère la société de produits génériques comme une concurrente potentielle ?

Restriction par objet

3)      Lorsqu’une procédure juridictionnelle relative à la validité d’un brevet sur un produit pharmaceutique et au caractère contrefaisant du produit générique est pendante et lorsqu’il est impossible de déterminer la partie qui serait susceptible d’obtenir gain de cause dans cette procédure, y-a-t-il une restriction de concurrence « par objet » au sens de l’article 101, paragraphe 1, [TFUE], lorsque les parties ont conclu, pour régler à l’amiable ce litige, un accord aux termes duquel :

a)      la société de produits génériques accepte de ne pas entrer sur le marché avec son produit générique et de ne pas poursuivre sa contestation du brevet pendant la durée de l’accord (qui n’excède pas la durée de validité restante du brevet), et

b)      le titulaire du brevet accepte de transférer à la société de produits génériques des sommes dont le montant est nettement plus élevé que les frais de contentieux qui ont été évités (y compris ceux qu’il aurait exposés pour la gestion du litige et pour les désagréments qui l’accompagnent) et qui ne constituent pas le paiement de biens ou de prestations qui lui auraient été fournis ?

4)      La réponse à la troisième question est-t-elle différente :

a)      si la portée de la restriction de concurrence imposée à la société de produits génériques n’excède pas celle du brevet litigieux ; ou

b)      si le montant transféré à la société de produits génériques était inférieur au bénéfice que cette dernière aurait fait si elle avait obtenu gain de cause dans la procédure en matière de brevet et si elle était entrée sur le marché avec un produit générique indépendant ?

5)      Les réponses aux troisième et quatrième questions sont-elles différentes si l’accord prévoit la livraison par le titulaire du brevet à la société de produits génériques de quantités importantes mais limitées d’un produit générique autorisé et si cet accord :

a)      ne donne pas lieu à une restriction concurrentielle significative sur les prix pratiqués par le titulaire du brevet ; mais

b)      procure aux consommateurs des avantages qu’ils n’auraient pas eus si le titulaire du brevet avait obtenu gain de cause dans la procédure, ces avantages étant cependant nettement inférieurs aux avantages concurrentiels qui auraient résulté de la mise sur le marché dudit produit générique indépendant si la société de produits génériques avait obtenu gain de cause dans la procédure ? Ou bien, ce dernier point n’est-il pertinent que dans le cadre d’une appréciation au titre de l’article 101, paragraphe 3, TFUE ?

Restriction par effet

6)      Dans les circonstances telles qu’exposées dans les troisième à cinquième questions, existe-t-il une restriction de concurrence « par effet » au sens de l’article 101, paragraphe 1, [TFUE] ou cette restriction par effet suppose-t-elle que la juridiction constate qu’en l’absence de cet accord de règlement amiable :

a)      la société de produits génériques aurait probablement eu gain de cause dans la procédure relative au brevet (c’est-à-dire que la probabilité que le brevet soit valide et contrefait était inférieure à 50 %) ; ou que

b)      les parties auraient probablement conclu un accord de règlement amiable moins restrictif (c’est-à-dire que la probabilité de la conclusion d’un accord moins restrictif était supérieure à 50 %) ?

Définition du marché

7)      Lorsqu’un produit pharmaceutique breveté peut être substitué sur le plan thérapeutique à une série d’autres produits d’une classe et si l’abus allégué au sens de l’article 102 [TFUE] consiste dans le fait pour le titulaire du brevet d’exclure en pratique du marché les versions génériques de ce produit, convient-il de prendre en considération aux fins de la définition du marché du produit concerné ces produits génériques, alors qu’ils ne pouvaient pas entrer légalement sur le marché avant l’expiration du brevet si (ce qui est incertain) le brevet est valide et s’il est contrefait par ces produits génériques ?

Abus

8)      Dans les circonstances telles qu’exposées dans les troisième à cinquième questions, si le titulaire du brevet se trouve dans une position dominante, le fait qu’il conclut un tel accord constitue-t-il un abus au sens de l’article 102 [TFUE] ?

9)      La réponse à la huitième question est-elle différente si le titulaire du brevet conclut un accord de ce type non pas en règlement amiable de la procédure existante, mais pour éviter l’introduction d’une procédure ?

10)      La réponse à la huitième question ou à la neuvième question est-elle différente :

a)      si le titulaire du brevet a pour stratégie de conclure plusieurs accords de ce type pour exclure le risque d’une entrée sans restriction sur le marché d’un produit générique ; et

b)      si le premier accord de ce type implique une diminution du niveau de remboursement du produit pharmaceutique concerné en raison de la structure du système national de remboursement des pharmacies par les autorités de la santé publique, procurant à ces dernières des économies substantielles (qui auraient néanmoins été nettement inférieures au montant qui aurait été épargné en cas d’entrée indépendante sur le marché d’un produit générique à l’issue d’une victoire judiciaire de la société de produits génériques dans la procédure relative au brevet) ; et

c)      si les parties n’avaient pas l’intention de faire ces économies lorsqu’elles ont conclu ces accords ? »

33.      Le 20 novembre 2018, la Cour a envoyée au CAT une demande d’informations, à laquelle celui-ci a répondu le 17 décembre 2018.

34.      Dans le cadre de la procédure devant la Cour, GUK, GSK, Xellia, Actavis, Merck, la CMA ainsi que la Commission ont présenté des observations. Ces mêmes parties ont pris part à l’audience du 19 septembre 2019.

V.      Appréciation

35.      Avant de se pencher sur les questions préjudicielles posées par le CAT (sous B), il convient de clarifier un point concernant la compétence de la Cour pour répondre à ces questions (sous A).

A.      Sur la compétence de la Cour pour répondre aux questions du CAT

36.      Ainsi qu’il a été indiqué plus haut(14), seul l’accord GUK a été sanctionné par la CMA au titre de l’article 101 TFUE pour la période postérieure au 1er mai 2004(15), alors que l’accord Alpharma, qui a pris fin avant cette date(16), n’a été sanctionné qu’au titre du chapitre 1 de la loi du Royaume-Uni de 1998 sur la concurrence. De même, GSK n’a été sanctionné pour abus de position dominante qu’au titre du chapitre 2 de ladite loi, puisque la CMA a considéré que GSK n’avait détenu une position dominante que jusqu’à fin novembre 2003(17).

37.      Néanmoins, la Cour est compétente pour répondre aux questions du CAT concernant l’article 102 TFUE ainsi que l’article 101 TFUE en relation avec les aspects du litige autres que l’accord GUK entre le 1er mai et sa prise de fin le 1er juillet 2004(18). En effet, comme l’indique la juridiction de renvoi, les articles 2 et 18 de la loi du Royaume-Uni de 1998 sur la concurrence correspondent aux articles 101 et 102 TFUE et doivent, en vertu de l’article 60 de ladite loi, être interprétés en conformité avec ceux-ci. Or, il est de jurisprudence constante que des questions préjudicielles portant sur des faits qui ne relèvent pas directement du champ d’application du droit de l’Union sont recevables lorsque les dispositions de ce droit ont été rendues applicables par la législation nationale, laquelle s’est conformée, pour les solutions apportées à des situations dont tous les éléments se cantonnent à l’intérieur d’un seul État membre, à celles retenues par le droit de l’Union(19).

B.      Sur les questions préjudicielles

38.      La toile de fond des questions préjudicielles posées à la Cour par le CAT dans la présente procédure est constituée par les trois accords décrits ci-dessus entre le laboratoire de princeps GSK et les fabricants de génériques IVAX, GUK et Alpharma au sujet du médicament antidépresseur paroxétine.

39.      Ces accords prévoyaient, en substance, outre des paiements de la part de GSK en faveur des fabricants de génériques, une entrée de ces fabricants sur le marché avec une quantité limitée de paroxétine générique fabriquée par GSK au lieu d’une entrée indépendante de ces sociétés sur le marché avec leur propre paroxétine générique(20). Partant, ils ont entraîné une certaine diminution du prix de la paroxétine et des coûts supportés par les consommateurs, qui n’était cependant sans commune mesure avec la chute des prix et les économies conséquentes entraînées par l’entrée indépendante des génériques sur le marché qui a réellement eu lieu à partir de décembre 2003(21).

40.      Les accords en question ont été conclus dans une situation dans laquelle, à la suite de l’expiration du brevet pour l’IPA de la paroxétine en 1999 ainsi que du droit à l’exclusivité des données y relatives en 2000, GSK détenait encore des brevets secondaires liés à ce médicament, dont notamment des brevets protégeant certains procédés de fabrication de son IPA, comme le brevet sur l’anhydre en cause au principal(22).

41.      Dans une telle situation, des fabricants de génériques peuvent, du point de vue du droit des brevets, entrer légalement sur le marché avec des copies génériques du médicament princeps de deux manières : soit avec des copies génériques fabriquées selon les procédés de fabrication encore protégés par des brevets si ces brevets sont déclarés invalides, soit avec des copies génériques fabriquées selon d’autres procédés, auquel cas ces copies ne constituent pas une contrefaçon des procédés de fabrication du médicament princeps encore protégés par des brevets.

42.      En d’autres termes et à l’inverse, dans une situation dans laquelle le brevet de l’IPA d’un médicament a expiré et où un laboratoire de princeps ne détient plus que des brevets de procédé, une entrée de génériques du médicament en question contrevient seulement aux droits de brevet de ce laboratoire s’il est établi que les brevets de procédé en cause sont à la fois valides et contrefaits par chacun des entrants potentiels.

43.      En l’espèce, la juridiction de renvoi part toutefois de l’hypothèse qu’il est impossible de savoir si une entrée sur le marché de la part d’IVAX, de GUK et d’Alpharma avec de la paroxétine générique aurait enfreint d’éventuels droits que GSK détenait grâce à son brevet sur l’anhydre litigieux au principal, puisqu’il est incertain si ce brevet était valide et contrefait par les produits génériques en cause. Ceci est notamment dû au fait que GSK a conclu l’accord avec IVAX avant même l’introduction d’une procédure judiciaire et qu’elle a conclu les accords avec GUK et Alpharma pour régler à l’amiable les procédures judiciaires en cours avec ces sociétés. Partant, l’on ne sait pas si le brevet sur l’anhydre aurait été déclaré invalide au cours de ces procédures, et il n’a jamais été déterminé si les produits génériques d’IVAX, de GUK et d’Alpharma contrefaisaient les procédés protégés par ledit brevet(23).

44.      Cette incertitude quant à l’éventuelle illégalité, au regard du droit des brevets, d’une entrée sur le marché de la part d’IVAX, de GUK et d’Alpharma avec de la paroxétine générique, constitue le leitmotiv aussi bien de l’argumentation des sociétés requérantes au principal que des questions posées à la Cour par la juridiction de renvoi quant à l’appréciation des accords conclus entre GSK et ces fabricants de génériques sous l’angle du droit de la concurrence.

45.      Ainsi, GSK et les fabricants de génériques soutiennent, notamment, que, dans la mesure où il est impossible de savoir si ces fabricants auraient pu entrer sur le marché sans violer les droits de brevet de GSK, il est tout aussi impossible de déterminer s’il existait une concurrence potentielle entre ces opérateurs, susceptible d’être restreinte par les accords litigieux. Dans ces conditions, il serait impossible de considérer que ces accords constituaient des restrictions de concurrence par objet et par effet et que leur conclusion constituait un abus de position dominante.

46.      Il en irait d’autant plus ainsi que ces accords auraient assuré des bénéfices certains pour les consommateurs alors qu’il aurait été totalement incertain si les bénéfices plus importants générés par une entrée indépendante des fabricants de génériques sur le marché auraient été susceptibles de se réaliser, puisqu’il aurait précisément été impossible de savoir si une telle entrée aurait pu s’opérer légalement. Dans ces conditions, les accords litigieux seraient tout aussi susceptibles d’avoir accru la concurrence que de l’avoir restreinte, rendant par conséquent impossible toute sanction au titre de la prohibition des restrictions de concurrence.

47.      Le CAT considère cependant que, malgré le fait que chacune des parties était incertaine quant à l’issue des litiges en cours, les accords conclus ne reflètent pas l’appréciation respective de ces parties de leurs chances de succès, mais uniquement la considération que les termes des accords étaient commercialement plus avantageux que les risques de la poursuite des litiges. La raison en était, selon le CAT, que ces accords revenaient à partager entre GSK et les fabricants de génériques les profits de monopole de GSK, conservés grâce à l’absence d’une entrée indépendante des génériques sur le marché, garantie par les termes mêmes des accords. Dans ce contexte, le CAT analyse la fourniture de paroxétine par GSK à un prix préférentiel aux fabricants de génériques pour distribution par ces derniers comme un transfert de valeur non monétaire.

48.      Le CAT conclut donc que, par les accords en cause, GSK a assuré, pour le temps convenu, la protection de sa position en matière de brevet contre le risque d’entrée de concurrents génériques, en échange de transferts de valeur substantiels qui excédaient de loin les frais de contentieux évités. Si un tel procédé peut s’avérer entièrement rationnel en termes économiques et commerciaux pour l’ensemble des parties, le CAT doute cependant de son admissibilité en termes de droit de la concurrence. Aux fins d’une analyse à cet égard, le CAT s’interroge néanmoins sur le poids à attribuer à la situation en termes de droit des brevets et sur le point de savoir si, devant cet arrière-plan, il est possible d’assimiler les accords en cause à des simples accords d’exclusion de concurrents potentiels du marché ou à des accords de partage du marché(24).

1.      Sur l’article 101 TFUE

49.      Comme indiqué plus haut, en raison, notamment, d’une réglementation interne sur les restrictions verticales applicable à l’époque pertinente, la CMA a seulement sanctionné les accords GUK et Alpharma, mais non l’accord IVAX, au titre de l’interdiction des accords anticoncurrentiels. En revanche, l’accord IVAX a été pris en compte par la CMA lors de l’appréciation du comportement de GSK au regard de l’interdiction de l’abus de position dominante(25).

50.      Si le CAT ne se réfère donc qu’aux accords GUK et Alpharma dans ses questions sur les restrictions de concurrence par objet ou par effet, il indique néanmoins que, aux fins de l’examen des questions liées à l’abus de position dominante, il a également besoin de déterminer si IVAX était une concurrente potentielle de GSK à l’époque pertinente.

51.      À cet égard, il convient de rappeler que, dans le cadre de la procédure visée à l’article 267 TFUE, le rôle de la Cour est limité à l’interprétation des dispositions du droit de l’Union sur lesquelles elle est interrogée, alors qu’il appartient à la juridiction de renvoi d’appliquer cette interprétation au cas d’espèce(26). Partant, en l’occurrence, il reviendra en définitive au CAT de déterminer concrètement si IVAX, GUK et Alpharma étaient des concurrentes potentielles de GSK à l’époque pertinente et si les accords GUK et Alpharma constituaient des restrictions de concurrence par objet ou par effet.

52.      La tâche de la Cour se résume en revanche à apprécier si, dans les conditions définies de manière abstraite par le CAT dans ses questions préjudicielles, un titulaire de brevet et des fabricants de génériques peuvent être considérés comme des concurrents potentiels et des accords conclus entre de tels opérateurs comme des restrictions de concurrence par objet ou par effet. Or, dans la définition des conditions exposées dans ses questions préjudicielles, le CAT a déjà tenu compte des caractéristiques des accords respectivement pertinents (c’est-à-dire des accords IVAX, GUK et Alpharma pour les première et deuxième questions, et des accords GUK et Alpharma pour les troisième à sixième questions).

53.      Ce n’est donc que dans un souci de clarification qu’il convient de préciser que, dans les développements ci-après sur la concurrence potentielle, les faits au principal visés comprennent, dans la mesure où cela est pertinent, les trois accords IVAX, GUK et Alpharma, alors que les accords en cause au principal auxquels se réfèrent les développements suivants relatifs aux restrictions de concurrence par objet et par effet ne comprennent que les accords GUK et Alpharma.

54.      Cela étant dit, il y a lieu de traiter d’abord les première et deuxième questions préjudicielles, relatives à la notion de concurrence potentielle [sous a)], avant de se tourner vers les troisième à cinquième questions préjudicielles [sous b)], d’une part, et la sixième question préjudicielle [sous c)], d’autre part, qui portent respectivement sur les notions de restriction de la concurrence par objet et par effets.

a)      Sur la notion de concurrence potentielle (première et deuxième questions préjudicielles)

55.      Avec ses première et deuxième questions préjudicielles, qu’il y a lieu de traiter ensemble, le CAT demande à la Cour s’il convient de considérer comme concurrents potentiels le titulaire d’un brevet sur un produit pharmaceutique et un fabricant de génériques voulant entrer sur le marché avec une version générique dudit produit lorsque les parties sont en litige de bonne foi sur la validité du brevet ou sur le caractère contrefaisant du produit générique.

56.      De plus, le CAT souhaite savoir si l’existence d’une procédure juridictionnelle pendante entre les parties portant sur ce litige, l’obtention, par le titulaire du brevet, d’une injonction provisoire interdisant au fabricant de génériques de lancer son produit jusqu’à ce qu’il ait été statué sur cette procédure ou encore le fait que le titulaire du brevet considère le fabricant de génériques comme un concurrent potentiel, sont susceptibles d’avoir une influence sur la réponse à cette question.

57.      Afin de répondre à ces questions, il importe tout d’abord de rappeler que, comme le Tribunal l’a justement constaté à plusieurs reprises, il ressort des conditions énoncées par l’article 101, paragraphe 1, TFUE relatives aux répercussions d’un accord sur la concurrence, que cette disposition est uniquement applicable dans les secteurs ouverts à la concurrence(27). La qualification d’un accord entre entreprises comme ayant pour objet ou pour effet de restreindre la concurrence présuppose donc l’existence d’une concurrence susceptible d’être restreinte.

58.      Ainsi, si l’examen du contexte économique et juridique dans lequel s’insère un accord révélait que les entreprises en cause ne sauraient être qualifiées de concurrentes, un tel accord ne saurait pas non plus être qualifié de restrictif de la concurrence par son objet ou ses effets. Or, l’examen des conditions de concurrence existant sur un marché repose non seulement sur la concurrence actuelle que se font les entreprises déjà présentes sur ce marché, mais aussi sur la concurrence potentielle entre ces entreprises et des entreprises qui n’y sont pas encore présentes(28).

59.      Pour examiner si une entreprise partie à un accord constitue un concurrent potentiel sur un certain marché, il importe de vérifier si ce marché n’est pas muni de barrières d’entrée insurmontables(29) et si, en l’absence de l’application de l’accord en cause, des possibilités réelles et concrètes que l’entreprise en question intègre ce marché et concurrence les entreprises qui y sont établies auraient existé(30). Dans ce contexte, l’élément essentiel sur lequel doit reposer la qualification de concurrent potentiel est constitué par la capacité d’une entreprise à intégrer un certain marché, mais son intention à intégrer ce marché peut également être pertinente(31).

60.      En outre, il a déjà été reconnu par la Cour que la conclusion, par des entreprises, d’un accord ayant pour objet de maintenir l’une d’elles en dehors d’un certain marché représente un fort indice de l’existence d’une relation concurrentielle entre elles(32). Dans le même ordre d’idées, la perception de l’opérateur en place est un élément pertinent à cet égard, puisqu’il a été reconnu que, indépendamment de l’intention d’une entreprise extérieure à un marché d’intégrer à brève échéance ledit marché, une telle entreprise peut, de par sa seule existence, être à l’origine d’une pression concurrentielle sur les entreprises opérant sur ce marché, pression constituée par le risque de l’entrée d’un nouveau concurrent en cas d’évolution de l’attractivité du marché(33).

61.      Ainsi que l’explique le CAT, en l’espèce, ses première et deuxième questions préjudicielles se basent sur la considération selon laquelle, si les prétentions de GSK dans les litiges l’opposant à GUK et Alpharma s’étaient avérées exactes, c’est-à-dire si les revendications restantes du brevet sur l’anhydre avaient été déclarées valides et contrefaites par les produits de GUK et d’Alpharma, une entrée sur le marché de ces fabricants de génériques aurait constitué une violation des droits de brevet de GSK. Or, dans la mesure où ces litiges n’ont jamais donné lieu à des jugements puisque les accords entre les parties visaient justement à mettre fin aux procédures juridictionnelles pendantes à cet égard(34), il est impossible de savoir si une entrée des génériques sur le marché aurait violé les droits de brevet de GSK ou pas.

62.      Dans ces conditions, les requérantes au principal et notamment GSK soutiennent qu’il est impossible de conclure à l’existence d’une concurrence potentielle entre cette dernière et les fabricants de génériques sur le marché de la paroxétine. En effet, l’existence de brevets valides et contrefaits constituerait une barrière infranchissable à l’entrée sur le marché d’un médicament princeps protégé par ces brevets et partant, en présence de tels brevets, des fabricants de génériques ne disposeraient pas de possibilités réelles et concrètes d’intégrer ce marché.

63.      Il s’ensuivrait que, dans une situation telle que celle au principal, où le brevet pour l’IPA d’un médicament a expiré mais où ce dernier reste encore protégé par des brevets de fabrication(35), la question de savoir si un fabricant de génériques est un concurrent potentiel du titulaire d’un tel brevet concernerait la probabilité avec laquelle ce fabricant de génériques pourra soit faire déclarer invalide lesdits brevets de fabrication, soit trouver une méthode de fabrication de l’IPA du médicament concerné qui ne les violerait pas.

64.      Or, en l’espèce, le CAT aurait précisément constaté qu’il était impossible d’évaluer cette probabilité et de savoir si une entrée des génériques sur le marché aurait violé les droits de brevet de GSK ou pas. Partant, il serait tout aussi impossible de qualifier GSK et les fabricants de génériques de concurrents potentiels, puisqu’il serait tout simplement impossible de savoir si ces derniers ont disposé de possibilités réelles et concrètes d’entrer sur le marché de la paroxétine au moment de la conclusion des accords en cause.

65.      L’hypothèse sur laquelle repose cette argumentation, à savoir qu’il ne pourrait exister de concurrence potentielle entre le titulaire d’un brevet sur un médicament et le fabricant d’un générique de ce même médicament que lorsqu’il est certain ou du moins fortement probable que le second pourra entrer sur le marché sans violer les droits de brevet du premier, est toutefois erronée pour une série de raisons, qu’il convient d’expliciter ci-après.

1)      Sur l’insécurité relative à la validité du brevet d’un médicament et au caractère contrefaisant de ses versions génériques comme élément constitutif des rapports de concurrence dans le secteur pharmaceutique

66.      Tout d’abord, ainsi que le Tribunal l’a constaté dans l’affaire Lundbeck/Commission, sous peine de nier toute différence entre concurrence réelle et potentielle, il ne saurait être exigé que, pour démontrer l’existence d’une concurrence potentielle, il faille démontrer qu’un fabricant de génériques serait entré avec certitude sur le marché et qu’une telle entrée aurait immanquablement été couronnée de succès ; il doit au contraire suffire de démontrer que ce fabricant disposait de possibilités réelles et concrètes à cet effet(36).

67.      Or, l’existence d’une insécurité sur la validité des brevets protégeant un médicament princeps et sur le caractère contrefaisant d’un générique de ce médicament n’est pas de nature à démontrer que le marché du médicament princeps est muni de barrières infranchissables ou qu’un fabricant de génériques ne dispose pas de possibilités réelles et concrètes d’intégrer ce marché. Cette insécurité est au contraire une caractéristique fondamentale des rapports de concurrence dans le secteur pharmaceutique comme dans l’ensemble des secteurs dans lesquels existent des droits d’exclusivité sur des technologies(37). Cela vaut aussi bien avant que, dans certain cas, après l’entrée sur le marché de génériques d’un médicament princeps protégé par des brevets puisque, comme le souligne la Commission, pour obtenir une AMM pour un produit générique, le fabricant dudit produit n’est pas tenu de démontrer qu’il ne viole pas d’éventuels droits de brevet encore détenus par le laboratoire de princeps.

68.      Ainsi, il est certes vrai que, lorsqu’il est accordé par une autorité publique, un droit de propriété intellectuelle est normalement présumé valide et sa détention par une entreprise supposée être légitime(38), en sorte que les brevets sont présumés valides jusqu’à ce qu’ils soient expressément révoqués ou invalidés par une autorité ou une juridiction compétente à cet effet. Toutefois, une telle présomption de validité ne saurait, comme le Tribunal l’a constaté à juste titre dans les affaires Lundbeck/Commission et Servier e.a./Commission, équivaloir à une présomption d’illégalité des produits génériques valablement mis sur le marché dont le détenteur d’un brevet estime qu’ils violent celui-ci(39).

69.      En effet, ainsi que la Cour l’a précisé, l’objet d’un brevet est certes d’assurer au titulaire, afin de récompenser l’effort créateur de l’inventeur, le droit exclusif d’utiliser une invention en vue de la fabrication et de la première mise en circulation de produits, soit directement, soit par l’octroi de licences à des tiers, ainsi que le droit de s’opposer à toute contrefaçon(40). En revanche, l’objet d’un brevet ne saurait être interprété comme garantissant une protection également contre les actions visant à contester la validité dudit brevet, compte tenu de ce qu’il est de l’intérêt public d’éliminer tout obstacle à l’activité économique qui pourrait découler d’un brevet délivré à tort(41). Par conséquent, l’existence de brevets protégeant un certain médicament ne constitue pas une barrière juridique excluant toute concurrence telle que des droits exclusifs reconnus comme constituant de telles barrières dans des affaires antérieures(42).

70.      Il est au contraire constitutif du droit des brevets que, malgré la présomption de validité de ces derniers, il ne peut exister de certitude concernant cette validité ainsi que le caractère contrefaisant de produits concurrents qu’après un examen de ces questions par les autorités et juridictions nationales compétentes en la matière.

2)      Sur les litiges relatifs à la validité d’un brevet ou au caractère contrefaisant d’un produit générique comme éléments susceptibles de témoigner de l’existence d’une concurrence potentielle

71.      Partant, il est habituel que des actions visant à contester la validité d’un brevet ou à provoquer un examen de cette validité fassent partie des préparatifs d’une entrée sur le marché du générique d’un médicament princeps encore couvert par des droits de brevet. De telles actions peuvent consister non seulement en la contestation directe de ces droits via une action en nullité du brevet ou en une action en constatation de non-contrefaçon du produit générique, mais également en le lancement ou la préparation du lancement dit « à risque » d’un générique sur le marché(43), susceptible d’appeler une action en contrefaçon du titulaire des droits de brevet. Ceci est d’ailleurs parfaitement illustré par les faits constituant l’arrière-plan du litige au principal(44).

72.      Par ailleurs, une entrée sur le marché d’un fabricant de génériques dans un contexte d’insécurité concernant la validité de brevets protégeant encore le médicament princeps ou le caractère contrefaisant du produit générique est d’autant plus envisageable dans un contexte comme celui de l’affaire au principal, où les brevets litigieux sont non pas des brevets de molécule, protégeant l’IPA même du médicament princeps, en l’occurrence la paroxétine, mais des brevets de procédé protégeant certaines manières de fabriquer cette IPA. Par conséquent, contrairement à un brevet de molécule, ces brevets de procédé n’empêchent pas, indépendamment de la question de leur validité, les fabricants de génériques d’entrer sur le marché avec de la paroxétine fabriquée selon d’autres procédés(45).

73.      Il s’ensuit que la Commission a raison quand elle soutient, dans le cadre de la présente procédure, que l’existence d’un litige entre le titulaire d’un brevet et un fabricant de génériques portant sur la validité du brevet ou le caractère contrefaisant du produit générique en cause non seulement ne fait pas obstacle à la reconnaissance de l’existence d’une concurrence potentielle entre ces deux opérateurs, mais est au contraire un élément susceptible de démontrer l’existence d’une telle concurrence potentielle. Ceci vaut, ainsi que la Commission le souligne à juste titre, aussi bien pour le cas dans lequel un tel litige n’a pas encore donné lieu à une procédure judiciaire que pour le cas dans lequel une procédure judiciaire portant sur le litige en cause est déjà pendante entre les parties.

74.      Plus particulièrement, l’existence d’une procédure judiciaire relative à la validité d’un brevet ou au caractère contrefaisant d’un produit générique est même susceptible de révéler qu’un fabricant de génériques s’apprête à entrer sur le marché, puisque c’est cela qui provoque l’action judiciaire de sa part ou de la part du titulaire du brevet. En outre, comme le CAT le relève à juste titre par rapport aux injonctions provisoires(46), il serait erroné de considérer que l’existence de procédures juridictionnelles soit susceptible d’exclure l’existence d’une concurrence potentielle. En effet, s’il suffisait qu’une procédure juridictionnelle soit pendante à propos d’un litige en matière de brevets pour exclure l’existence d’une concurrence potentielle entre les opérateurs parties à ce litige, il serait loisible à ces derniers d’influer sur le constat de l’existence d’une concurrence potentielle entre elles de par leurs stratégies contentieuses.

75.      Dans ce contexte, la position des requérantes au principal et notamment de GSK, selon laquelle l’on ne peut conclure à l’existence d’un rapport de concurrence potentielle entre le titulaire d’un brevet sur un médicament et un fabricant voulant entrer sur le marché avec un générique de ce médicament aussi longtemps qu’il y a une insécurité sur la validité du brevet concerné ou le caractère contrefaisant du produit générique, ne saurait être retenue. En effet, cette position n’est pas seulement en contradiction avec la jurisprudence précitée de la Cour relative à la portée des droits d’exclusivité conférés par un brevet(47), mais son adoption reviendrait de surcroît à exclure toute existence de concurrence potentielle et par là même toute application du droit de la concurrence pendant la phase préparatoire de l’entrée sur le marché de médicaments génériques.

76.      Or, comme la Commission l’a souligné à juste titre dans le cadre de la présente procédure préjudicielle, la concurrence potentielle nécessite justement d’être protégée puisque, s’il était permis d’arrêter ou de retarder les préparatifs de futurs entrants sur le marché au moyen d’accords d’exclusion, cette concurrence potentielle ne pourrait jamais se concrétiser par une entrée sur le marché de telles opérateurs. Ceci est d’autant plus vrai dans le secteur pharmaceutique où une entrée nécessite des préparatifs longs et coûteux(48). Partant, comme la Cour l’a constaté, une concurrence potentielle entre des entreprises détentrices de brevets pour des médicaments princeps et des fabricants de génériques de ces mêmes médicaments peut s’exercer bien avant l’expiration d’un brevet protégeant la molécule du médicament princeps(49).

77.      La probabilité, pour le fabricant de génériques, d’obtenir gain de cause dans un litige avec le détenteur d’un brevet sur un médicament princeps ne peut donc pas constituer le critère déterminant pour l’examen du rapport concurrentiel entre ces opérateurs. Ceci est confirmé par le fait, relevé à juste titre par le CAT, qu’il n’est pas du ressort de l’autorité de concurrence ou de la juridiction examinant ce rapport de conduire un « mini-procès » de propriété intellectuelle pour apprécier la force du brevet en cause.

3)      Sur la portée de l’appréciation des droits de propriété intellectuelle en cause par l’autorité de concurrence

78.      À cet égard, il convient de rappeler le raisonnement tenu par la Cour dans son récent arrêt dans l’affaire F. Hoffmann-La Roche e.a.(50), qui concernait la pertinence, aux fins de l’application de l’article 101 TFUE, de la régularité de la mise sur le marché d’un certain médicament du point de vue de la réglementation pharmaceutique de l’Union.

79.      Dans cet arrêt, la Cour a constaté que la vérification de la conformité de la prescription et de la commercialisation d’un médicament à ladite réglementation pharmaceutique n’incombe pas aux autorités de la concurrence, mais ne peut être effectuée de manière exhaustive que par les autorités ayant compétence pour contrôler le respect de cette réglementation ou par les juridictions nationales(51). Or, si de telles autorités ou juridictions ne se sont pas encore prononcés à cet égard, l’état d’incertitude entourant la licéité des conditions de commercialisation et de prescription du médicament en cause ne s’oppose pas à ce qu’une autorité de concurrence, aux fins de l’application de l’article 101 TFUE, conclue que ce médicament relève d’un certain marché et se situe par conséquent dans un rapport de concurrence avec le ou les autres médicaments présents sur ce marché(52).

80.      De même, dans son arrêt dans l’affaire Slovenská sporiteľňa(53), évoqué par l’avocat général Saugmandsgaard Øe dans ses conclusions dans l’affaire Hoffmann-La Roche précitée(54), la Cour a déclaré, en substance, que la prétendue illégalité de la présence de certains produits ou services sur un marché déterminé n’implique pas l’absence d’un rapport de concurrence, susceptible d’être restreint, entre ces produits et les autres produits présents sur ce marché.

81.      Ces raisonnements sont transposables, mutatis mutandis, à la présente question de la pertinence, aux fins de l’application de l’article 101 TFUE, de la régularité de la mise sur le marché d’un médicament générique du point de vue du droit des brevets.

82.      En effet, ici aussi, la vérification de la conformité au droit des brevets de la mise sur le marché d’un tel médicament générique n’incombe pas aux autorités de concurrence, mais ne peut être effectuée de manière exhaustive que par les autorités ou juridictions nationales compétentes en matière de droit des brevets(55). Partant, si de telles autorités ou juridictions ne se sont pas encore prononcés à cet égard, l’état d’incertitude entourant la licéité de la mise sur le marché d’un médicament générique au regard du droit des brevets ne saurait s’opposer à ce qu’une autorité de concurrence, aux fins de l’application de l’article 101 TFUE, conclue que ce médicament se situe dans un rapport de concurrence avec le médicament princeps protégé par le brevet dont la violation est alléguée.

83.      Certes, cela ne signifie pas que l’autorité de concurrence concernée doive faire abstraction de toute question relative au droit des brevets, susceptible d’influer sur le constat de l’existence d’un tel rapport de concurrence(56). En effet, d’éventuels droits de brevet protégeant un médicament princeps font incontestablement partie du contexte économique et juridique caractérisant les rapports de concurrence entre les titulaires de tels droits et les fabricants de médicaments génériques. Toutefois, l’appréciation de tels droits de brevet par l’autorité de concurrence ne doit pas consister en un examen de la force du brevet ou de la probabilité avec laquelle un litige entre son détenteur et un fabricant de génériques pourrait se solder avec le constat que le brevet est valide et contrefait. Cette appréciation doit plutôt porter sur la question de savoir si, malgré l’existence des droits de brevet en cause, le fabricant de génériques dispose de possibilités réelles et concrètes d’intégrer le marché au moment pertinent.

84.      À cet égard, il faut tenir compte, notamment, des éléments généraux propres au droit des brevets et au secteur pharmaceutique qui viennent d’être mentionnés, à savoir des circonstances que l’insécurité sur la validité de brevets couvrant des médicaments est une caractéristique fondamentale du secteur pharmaceutique ; que la présomption de validité d’un brevet sur un médicament n’équivaut pas à une présomption d’illégalité d’un générique de ce médicament valablement mis sur le marché ; qu’un brevet ne garantit pas une protection contre les actions visant à en contester la validité ; que de telles actions et, notamment, le lancement dit « à risque » d’un générique, ainsi que des procédures judiciaires à cet égard, ont, partant, couramment lieu dans la phase avant ou juste après l’entrée sur le marché d’un tel médicament générique ; que, pour obtenir une autorisation de mise sur le marché d’un médicament générique, il n’est pas requis de démontrer que cette mise sur le marché ne viole pas d’éventuels droits de brevet du médicament princeps, et que, dans le secteur pharmaceutique, une concurrence potentielle peut s’exercer bien avant l’expiration d’un brevet protégeant la molécule d’un médicament princeps, puisque les fabricants de génériques veulent être prêts pour entrer sur le marché au moment de cette expiration.

85.      Au-delà de ce contexte général, il importe de prendre en compte les éléments propres à chaque cas d’espèce, comme, dans la présente affaire, le fait, déjà relevé(57), que les brevets litigieux sont non pas des brevets de molécule mais des brevets de procédé protégeant certaines manières de fabriquer l’IPA de la paroxétine. Partant, ces brevets de procédé n’empêchent pas, indépendamment de la question de leur validité, les fabricants de génériques d’entrer sur le marché avec de la paroxétine fabriquée selon d’autres procédés(58).

86.      De plus, comme la jurisprudence l’a reconnu(59), la perception, par le titulaire du brevet, de la pression concurrentielle exercée par les fabricants de génériques, tout comme la perception, par ces derniers, de leurs possibilités d’entrer avec succès sur le marché et leur intentions à cet égard, sont également des éléments pertinents aux fins d’apprécier l’existence d’une concurrence potentielle entre ces opérateurs.

87.      Ainsi, il peut être tenu compte du fait que le titulaire du brevet considère un fabricant de génériques comme un concurrent potentiel, ce qui peut se manifester, notamment, par la disposition du premier à opérer un transfert de valeur en faveur du second s’il est avéré, par ailleurs, que la (seule) contrepartie de ce transfert de valeur consiste en l’abstention du fabricant de génériques d’entrer sur le marché(60).

88.      De même, il peut être tenu compte, comme le CAT l’a fait dans son jugement(61) et dans sa demande préjudicielle, de l’état d’avancement des fabricants de génériques dans la préparation de leur entrée sur le marché en termes, notamment, d’investissements, de constitutions de stocks du médicament en question ou encore de démarches commerciales. Comme la CMA l’a d’ailleurs expliqué à juste titre, notamment, lors de l’audience dans la présente procédure, ce sont ces éléments plutôt qu’un « mini-procès » de propriété intellectuelle qui peuvent renseigner l’autorité de concurrence sur la perception, par les opérateurs impliqués, de la force du brevet ou du caractère contrefaisant des produits génériques concernés.

4)      Sur la présence d’injonctions ou d’engagements judiciaires provisoires

89.      Enfin, la présence d’injonctions provisoires ou d’engagements judiciaires tels que ceux ayant existé en l’espèce, interdisant temporairement aux fabricants de génériques d’entrer sur le marché en attente de l’issue de procédures judiciaires relatives à la validité du brevet ou au caractère contrefaisant du produit générique(62), n’est pas de nature à infirmer l’existence d’une concurrence potentielle entre le titulaire d’un brevet sur un médicament et un fabricant de génériques souhaitant entrer sur le marché avec une version générique dudit médicament.

90.      Ainsi, il est certes vrai que, comme l’a reconnu la jurisprudence, pour conclure à l’existence d’une concurrence potentielle, il importe que l’entrée potentielle d’un opérateur extérieur au marché puisse se faire suffisamment rapidement pour pouvoir peser sur les participants au marché(63). Toutefois, cela ne signifie pas que cette entrée doive être susceptible de se réaliser tout de suite ; il suffit qu’elle soit susceptible d’avoir lieu dans un délai raisonnable(64).

91.      Or, aussi bien l’injonction provisoire que l’engagement judiciaire de ne pas entrer sur le marché dont il est question au principal ne devaient durer que quelques mois jusqu’à l’issue des litiges respectifs. Partant, même si GUK et Alpharma étaient temporairement empêchées d’entrer sur le marché avec de la paroxétine générique pendant que ces mesures déployaient leur vigueur, cet état de fait n’est pas de nature à démontrer qu’il n’y avait alors plus de concurrence potentielle entre ces fabricants de génériques et GSK.

92.      Ceci est d’autant plus vrai que l’existence de telles mesures provisoires, même si elles devaient refléter une première appréciation du juge compétent relatif à la validité du brevet ou au caractère contrefaisant du produit générique, ne préjuge pas encore de l’issue définitive du litige pendant à cet égard. Or, ainsi qu’il a déjà été relevé(65), l’existence même de procédures judiciaires relatives à la validité d’un brevet ou au caractère contrefaisant d’un produit générique fait, dans le secteur pharmaceutique, partie des préparatifs pour l’entrée sur le marché d’un tel produit et témoigne donc de l’existence d’une concurrence potentielle entre les opérateurs impliqués. De même, les cross-undertakings in damages tels que ceux offerts par GSK à GUK et Alpharma, c’est-à-dire l’engagement de GSK de dédommager ces opérateurs s’il devait s’avérer ultérieurement que les injonctions les ont empêchés à tort d’entrer sur le marché, partent du principe de l’existence d’un rapport de concurrence potentielle. Enfin, comme il a également déjà été noté(66), la présence de procédures judiciaires et d’injonctions provisoires dépend de choix des opérateurs impliqués et ne saurait donc être assimilée à l’existence de barrières objectives, d’ordre factuel ou juridique, qui ferment l’entrée à un certain marché indépendamment de la volonté des opérateurs économiques concernés(67).

93.      Enfin, ainsi que l’a relevé, en substance, le CAT dans son jugement(68), à supposer établi le caractère restrictif de concurrence des accords conclus entre GSK et les fabricants de génériques, et donc sous réserve de l’affirmation de ce caractère restrictif, la conclusion de ces accords au cours de la période même de vigueur des mesures provisoires en cause(69) est un fort indice de nature à démontrer que ces mesures n’ont pas éliminé la concurrence potentielle entre ces opérateurs(70).

5)      Conclusion

94.      Il résulte de ce qui précède que l’insécurité sur la validité d’un brevet sur un médicament ou sur le caractère contrefaisant d’un générique de ce médicament n’empêche pas de considérer le titulaire du brevet et le fabricant du générique comme des concurrents potentiels. L’existence d’un litige de bonne foi sur la validité d’un brevet ou le caractère contrefaisant d’un produit générique, qu’il ait ou non déjà donné lieu à une procédure juridictionnelle et des injonctions ou engagements judiciaires provisoires, est au contraire un élément susceptible de démontrer qu’il existe une concurrence potentielle entre le titulaire du brevet et le fabricant de génériques. De même, la perception du titulaire du brevet et le fait que celui-ci considère le fabricant de génériques comme un concurrent potentiel sont des éléments susceptibles de témoigner de l’existence d’une concurrence potentielle entre ces deux opérateurs.

b)      Sur la notion de restriction de la concurrence par objet (troisième à cinquième questions préjudicielles)

95.      Le CAT pose à la Cour trois questions sur la notion de restriction de concurrence par objet. Il est indiqué de se pencher d’abord sur les troisième et quatrième questions, qui concernent les conditions dans lesquelles des accords tels que ceux en cause en l’espèce peuvent constituer des restrictions de concurrence par objet. Ensuite, il convient de traiter la cinquième question, qui porte sur le point de savoir si un tel accord peut constituer une telle restriction malgré le fait qu’il apporte certains avantages limités aux consommateurs.

1)      Sur les troisième et quatrième questions préjudicielles

96.      Par ses troisième et quatrième questions, qui peuvent être traitées ensemble, le CAT interroge la Cour sur les conditions dans lesquelles un accord amiable, conclu pour mettre fin à une procédure juridictionnelle pendante relative à la validité d’un brevet sur un médicament et au caractère contrefaisant d’un générique de ce médicament, est susceptible de constituer une restriction de la concurrence par objet au sens de l’article 101 TFUE, dans une situation dans laquelle il est impossible de déterminer la partie qui serait susceptible d’obtenir gain de cause dans cette procédure.

97.      Le CAT demande notamment si un tel accord constitue une restriction de la concurrence par objet lorsque le fabricant de génériques accepte de ne pas entrer sur le marché avec son produit et de ne pas poursuivre sa contestation du brevet pendant la durée de l’accord, qui n’excède pas la durée de validité restante du brevet, et lorsque le titulaire du brevet s’engage à transférer au fabricant de génériques des sommes qui excèdent nettement les frais de contentieux évités et qui ne constituent pas le paiement de biens ou prestations fournis.

98.      De plus, le CAT souhaite savoir si la réponse à cette question est susceptible de varier lorsque la portée de la restriction imposée au fabricant de génériques n’excède pas celle du brevet litigieux ou lorsque le montant transféré à ce fabricant est inférieur au bénéfice escompté par ce dernier en cas de succès dans la procédure relative au brevet et d’entrée indépendante sur le marché.

99.      Pour trouver une réponse à ces questions, il convient de commencer par rappeler que l’article 101 TFUE interdit tous accords entre entreprises qui ont pour objet ou pour effet d’empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence à l’intérieur du marché intérieur, et que l’objet et l’effet anticoncurrentiel sont des conditions non pas cumulatives, mais alternatives pour apprécier si un accord relève de l’interdiction énoncée à cette disposition(71).

100. Autrement dit, les accords sont interdits, indépendamment de leur effet, dès lors que leur objet est contraire à la concurrence(72). La raison en est que certains types de coordination, comme par exemple la fixation horizontale des prix par des cartels, peuvent être considérées, par leur nature même, comme nuisibles au bon fonctionnement du jeu normal de la concurrence, et donc comme révélant un degré suffisant de nocivité à l’égard de la concurrence pour qu’il puisse être considéré que l’examen de leurs effets n’est pas nécessaire(73).

101. Pour déterminer si un accord a un tel objet anticoncurrentiel, il convient de s’attacher à la teneur de ses dispositions, aux objectifs qu’il vise à atteindre ainsi qu’au contexte économique et juridique dans lequel il s’insère. Dans le cadre de l’appréciation dudit contexte, il y a lieu également de prendre en considération la nature des biens ou des services affectés ainsi que les conditions réelles du fonctionnement et de la structure du ou des marchés en question. En outre, bien que l’intention des parties ne constitue pas un élément nécessaire pour déterminer le caractère restrictif d’un accord entre entreprises, rien n’interdit aux autorités de la concurrence ou aux juridictions nationales et de l’Union d’en tenir compte(74).

102. Dans la mesure où la notion de restriction de concurrence « par objet » doit néanmoins être interprétée de manière restrictive, un accord doit, pour pouvoir être considéré comme constitutif d’une telle restriction, révéler de façon manifeste un degré de nocivité suffisant à l’égard de la concurrence(75).

103. Dans l’hypothèse où l’analyse d’un type de coordination entre entreprises ne présenterait pas un degré suffisant de nocivité à l’égard de la concurrence, il conviendrait, en revanche, d’en examiner les effets et, pour l’interdire, d’exiger la réunion des éléments établissant que le jeu de la concurrence a été, en fait, soit empêché, soit restreint, soit faussé de façon sensible(76).

104. En l’espèce, la Commission et la CMA considèrent que les accords GUK et Alpharma constituent, à l’instar de ceux en cause dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Beef Industry Development Society et Barry Brothers(77), des accords d’exclusion du marché. Ainsi, GSK aurait, en vertu de ces accords, effectué des paiements importants en faveur des fabricants de génériques, qui n’auraient eu d’autre contrepartie que l’engagement de ces derniers à ne pas entrer de manière indépendante sur le marché avec leur propre paroxétine générique pendant la durée convenue. Les accords concernés auraient donc clairement eu un objet anticoncurrentiel et par conséquent constitué des restrictions de la concurrence par objet.

105. GSK et les fabricants de génériques soutiennent au contraire devant le CAT comme devant la Cour que les accords GUK et Alpharma ne sauraient en aucun cas être considérés comme révélant, ainsi que l’exige la jurisprudence(78), de façon manifeste un degré suffisant de nocivité à l’égard de la concurrence pour constituer des restrictions de la concurrence par objet au sens de l’article 101 TFUE. Ces accords auraient plutôt été des montages complexes reflétant un compromis dans le contexte spécifique d’un règlement amiable en matière de brevets, qui ne s’apparenteraient pas à de simples accords d’exclusion du marché.

106. Ainsi qu’il a déjà été noté plus haut(79), selon le CAT, à qui il appartient, comme il a également déjà été indiqué, d’apprécier les faits de la cause dans le cadre de la présente procédure préjudicielle(80), les accords GUK et Alpharma(81) visaient à assurer à GSK, pendant les périodes convenues, une protection contre le risque d’entrée sur le marché de ces concurrents génériques, en échange de transferts substantiels de valeur qui dépassaient de loin les frais de contentieux évités. Le CAT se demande néanmoins si, devant l’arrière-plan en matière de brevets pertinent dans la présente affaire, de telles caractéristiques permettent de qualifier ces accords de restrictifs de la concurrence par objet.

107. Partant, il convient, ci-après, d’examiner les arguments avancés par GSK et les fabricants de génériques qui ont provoqué cette interrogation de la juridiction de renvoi, afin de déterminer si ces arguments sont de nature à démontrer que les accords en cause au principal ne présentent pas de manière assez manifeste un degré de nocivité suffisant pour la concurrence pour relever de la qualification de restrictions de la concurrence par objet.

i)      Sur le « potentiel restrictif » d’un accord imposant une restriction qui n’excède pas la portée et la durée de validité restante d’un brevet

108. Par une première série d’arguments, GSK et les fabricants de génériques soutiennent que, dans la mesure où la portée et la durée des restrictions imposées par les accords n’auraient pas dépassé la portée et la durée de validité restante du brevet en cause, ces accords n’auraient pas eu un potentiel de restriction de la concurrence plus important que la portée légale dudit brevet. Les restrictions imposées par les accords auraient donc tout simplement mis en œuvre le droit du titulaire de ce brevet, c’est-à-dire GSK, de prévenir des violations de ses droits de brevet, présumés valides, en empêchant des produits contrefaisants d’entrer sur le marché. De même, GUK et Alpharma se seraient engagés, en vertu des accords, à rien d’autre qu’au respect des droits de brevet, présumés valides, de GSK.

109. Il est toutefois erroné de considérer que, à supposer que les restrictions imposées ne dépassent pas la portée et la durée de validité restante d’un brevet(82), la conclusion d’un accord par lequel le titulaire d’un tel brevet rémunère un concurrent pour que celui-ci n’entre pas sur le marché correspond à la mise en œuvre du droit du titulaire de s’opposer à toute contrefaçon, ainsi qu’à l’engagement de ses concurrents à respecter ses droits de brevet présumés valides(83).

110. Tout d’abord, contrairement à ce que soutient, notamment, Alpharma, il ne ressort pas de la jurisprudence invoquée par cette dernière que la Cour aurait rejeté, de manière générale, l’idée que des accords puissent restreindre la concurrence lorsqu’ils restent dans le domaine de la propriété intellectuelle(84).

111. Il ressort, au contraire, de la jurisprudence que, si un droit de propriété industrielle ou commerciale, en tant que statut légal, échappe en soi aux éléments contractuels ou de concertation envisagés par l’article 101 TFUE, son exercice peut toutefois tomber sous les prohibitions de celui-ci s’il apparaît comme étant l’objet, le moyen ou la conséquence d’une entente(85). En d’autres termes, il s’agit, comme le Tribunal l’a résumé dans l’affaire Servier e.a./Commission, de sanctionner non pas l’exercice légitime des droits de propriété intellectuelle, mais leur usage abusif(86).

112. Ceci est par ailleurs en accord avec les objectifs du droit international et de l’Union en matière de propriété intellectuelle, qui souhaite concilier la protection des intérêts des titulaires des droits de propriété intellectuelle, d’une part, et la préservation du commerce légitime contre tout obstacle injustifié, d’autre part(87). Ainsi, la directive 2004/48/CE du Parlement européen et du Conseil, du 29 avril 2004, relative au respect des droits de propriété intellectuelle(88), précise notamment qu’elle ne devrait pas avoir d’incidence sur l’application des règles de concurrence, et que les mesures qu’elle prévoit ne devraient pas être utilisées pour restreindre indûment la concurrence d’une manière qui soit contraire au traité(89).

113. À cet égard, si, selon la jurisprudence déjà citée plus haut(90), l’objet d’un brevet consiste certes à assurer au titulaire le droit de s’opposer à toute contrefaçon, cet objet ne saurait toutefois être interprété comme garantissant une protection également contre les actions visant à contester la validité du brevet. Le contraire irait en effet à l’encontre de l’intérêt public à l’élimination de tout obstacle à l’activité économique qui pourrait découler d’un brevet délivré à tort. De même, comme l’a reconnu à juste titre le Tribunal, la présomption de validité d’un brevet ne saurait équivaloir à une présomption d’illégalité des produits génériques valablement mis sur le marché dont le détenteur d’un brevet estime qu’ils violent celui-ci(91).

114. Or, la conclusion d’un accord aux termes duquel un concurrent du titulaire d’un brevet s’engage à ne pas entrer sur le marché et à cesser sa contestation du brevet contre le paiement d’une somme importante qui n’a d’autre contrepartie que ledit engagement, revient justement à assurer au titulaire une protection contre les actions visant à contester la validité de son brevet et à consacrer une présomption d’illégalité des produits susceptibles d’être mis sur le marché par son concurrent. Partant, il ne saurait être soutenu que la conclusion d’un tel accord relève de la mise en œuvre, par le titulaire du brevet, de ses prérogatives découlant de l’objet de ce dernier. Il en va d’autant plus ainsi que, comme l’a précisé la jurisprudence, il revient aux autorités publiques et non à des entreprises privées d’assurer le respect des prescriptions légales(92).

115. De même, il ne saurait être affirmé que la conclusion d’un tel accord correspond, du côté des fabricants de génériques, uniquement à la reconnaissance par ces derniers des droits de brevet, présumés valides, du titulaire de celui-ci. En effet, si ce dernier effectue, en leur faveur, un important transfert de valeur qui n’a d’autre contrepartie que leur engagement à ne pas entrer sur le marché et à ne plus contester le brevet, ceci indique, en l’absence d’autre explication plausible, que ce n’est pas leur perception de la force du brevet, mais la perspective de ce transfert de valeur qui les a incités à renoncer à une entrée sur le marché et une contestation du brevet. Ceci est par ailleurs confirmé par les faits au principal, relevés par le CAT, qui montrent que les accords en cause ont été les fruits de négociations au cours desquelles GSK a graduellement augmenté les montants de ses offres jusqu’à arriver à un niveau suffisant pour convaincre les fabricants de génériques de signer(93).

116. Partant, il est erroné de soutenir que les accords GUK et Alpharma n’avaient pas un potentiel de restriction de la concurrence plus important que la portée légale du brevet en cause. En effet, le potentiel de restriction de concurrence découlant de la portée légale dudit brevet se résumait à la possibilité de s’opposer à toute contestation de sa validité ainsi qu’à toute contrefaçon présumée par les moyens légaux du droit des brevets, ce qui constitue le jeu normal de la concurrence dans les secteurs dans lesquels existent des droits d’exclusivité sur des technologies(94). En revanche, le potentiel de restriction d’un accord au moyen duquel le titulaire d’un brevet « achète » l’engagement d’un concurrent de s’abstenir d’entrer sur le marché et de contester le brevet consiste à éliminer tout risque de contestation et, par là même, à anéantir le jeu de la concurrence relatif à son produit breveté.

117. Ainsi, dans le domaine d’application des brevets pharmaceutiques comme ailleurs, la conception inhérente aux dispositions du TFUE relatives à la concurrence exige que tout opérateur économique détermine de manière autonome la politique qu’il entend suivre sur le marché(95) et interdit à ces opérateurs de substituer sciemment une coopération pratique entre eux aux risques de la concurrence(96). Or, la conclusion d’un accord aux termes duquel le titulaire d’un brevet rémunère un fabricant de génériques pour que ce dernier s’abstienne d’entrer sur le marché et de contester le brevet signifie justement que ces opérateurs ne déterminent plus de manière autonome leur conduite à tenir par rapport aux implications de ce brevet, mais conviennent au contraire d’une position concertée à cet égard.

118. De la même manière, la conclusion d’un tel accord revient, pour les parties impliquées, à substituer sciemment une coopération pratique entre elles aux risques de la concurrence. En effet, en l’espèce, en continuant le contentieux relatif à la validité du brevet ou au caractère contrefaisant des produits génériques, GSK conservait à la fois ses chances de garder la totalité de ses profits découlant de l’absence de génériques de la paroxétine et ses risques de perdre ces profits suite à une entrée sur le marché de tels génériques. De même, les fabricants de génériques conservaient à la fois leurs chances de réaliser d’importants gains en entrant sur le marché de manière indépendante et leurs risques de ne pas réaliser de gains du tout en cas de constatation de la validité du brevet litigieux et du caractère contrefaisant de leurs produits.

119. Si, dans une telle situation, des concurrents concluent des accords tels que ceux en cause au principal, ceci signifie qu’ils considèrent qu’il est plus avantageux pour eux de remplacer ces chances de gains et risques de pertes par la certitude d’une rentrée d’argent assurée consistant en le partage des gains réalisés par le titulaire du brevet grâce à l’abstention concertée des fabricants de génériques d’entrer sur le marché(97). Qu’un tel partage des gains du titulaire peut rester avantageux pour l’ensemble des parties s’explique, notamment, par l’importance de la différence des prix des médicaments avant et après l’entrée sur le marché de génériques(98). Cela explique également pourquoi il peut s’avérer avantageux pour le titulaire d’un brevet sur un médicament princeps de différer l’entrée de versions génériques de ce médicament même ne serait-ce que de quelques mois.

120. Dans ces conditions, le fait que le montant de la somme transférée par le titulaire du brevet au fabricant de génériques est inférieur au bénéfice que ce dernier était susceptible de réaliser en cas d’entrée indépendante sur le marché, ne signifie pas qu’un accord aux termes duquel la seule contrepartie du paiement de cette somme est l’abstention d’entrer sur le marché ne constitue pas une restriction de concurrence par objet. En effet, si le montant reste néanmoins assez important pour demeurer incitatif(99), il peut rester avantageux pour le fabricant de génériques de conclure un tel accord même en étant payé moins que son bénéfice escompté en cas d’entrée indépendante sur le marché. La raison en est que, ce faisant, il remplace les risques et aléas inévitablement liés à une telle entrée sur le marché, ainsi que le besoin de fournir les efforts économiques et commerciaux nécessaires à cet effet, par la certitude d’obtenir, sans autres efforts, une partie importante de la rente de monopole du titulaire du brevet.

ii)    Sur le « scénario contrefactuel » pertinent

121. Il découle de ce qui précède que la deuxième série d’arguments invoquée par GSK et les fabricants de génériques n’est pas non plus susceptible de démontrer que des accords tels que ceux en cause en l’espèce n’ont pas un potentiel nocif suffisant pour constituer des restrictions de concurrence par objet.

122. Par cette deuxième série d’arguments, GSK et les fabricants de génériques soutiennent que, dans la mesure où, en l’espèce, de l’aveu même du CAT, le statut du brevet aurait été complètement incertain et l’issue du litige à cet égard impossible à prédire, il serait tout aussi impossible de conclure que les accords auraient été susceptibles de restreindre la concurrence. En effet, il serait impossible de déterminer si le scénario contrefactuel, qui aurait eu lieu en l’absence des accords, aurait été plus « concurrentiel » que la situation créée par ces derniers, puisqu’il est impossible de savoir si ce scénario se serait soldé par une victoire en justice des fabricants de génériques et une entrée indépendante de ceux-ci sur le marché. De même, il serait erroné de favoriser comme plus concurrentiel que celui mis en place par les accords un scénario dans lequel les fabricants de génériques auraient intégré le marché en violation des droits de brevet de GSK, alors que le système des brevets aurait justement pour objet de protéger la concurrence par les mérites et de protéger l’innovation.

123. C’est ainsi que, notamment, Merck soutient que, comme l’évaluation des accords soulève des doutes sur le fait qu’ils ont eu une incidence quelconque sur la concurrence, ces doutes doivent être levés par une analyse complète des effets de ces accords.

124. Or, il est erroné d’affirmer que, puisque le statut du brevet et le caractère contrefaisant des produits génériques sont, dans l’affaire au principal, incertains, il serait impossible de déterminer si les accords en cause étaient susceptibles de restreindre la concurrence.

125. En effet, pour déterminer si tel était le cas, il n’est pas nécessaire de chercher à savoir si, en l’absence des accords, les fabricants de génériques seraient certainement, ou avec une très grande probabilité, entrés sur le marché suite à une victoire dans les litiges de brevet. Comme l’a résumé, en substance, le Tribunal dans l’affaire Lundbeck/Commission(100), appliquer un tel critère reviendrait à confondre concurrence réelle et potentielle et omettre le fait que l’article 101 TFUE protège justement aussi cette dernière.

126. Pour savoir si les accords en cause étaient susceptibles de restreindre la concurrence, il convient donc plutôt de chercher si, au moyen de ces accords, les parties ont substitué une coopération pratique entre elles aux risques du jeu normal de la concurrence, au cours duquel chaque partie détermine de manière autonome sa conduite sur le marché. Si tel est le cas, la situation créée par les accords se caractérise par le fait qu’elle n’est pas le résultat de ce jeu normal de la concurrence, mais le résultat d’une concertation par laquelle les parties ont éliminé les risques de la concurrence.

127. Il s’ensuit que, sans préjudice du point de savoir si une autorité de concurrence doit établir un « scénario contrefactuel » pour déterminer si un accord a un objet anticoncurrentiel, la situation avec laquelle il faut comparer la situation mise en place par les accords n’est en tout état de cause pas le scénario de la victoire de l’une ou l’autre des parties dans les litiges en matière de brevet et de l’entrée ou de l’abstention d’entrée des génériques sur le marché. Le scénario avec lequel il faut comparer la situation créée par les accords est au contraire tout simplement une situation dans laquelle les parties auraient continué à gérer leurs litiges en matière de brevet de manière autonome et sur la base de leur propre appréciation de leurs risques et chances d’entrée ou d’abstention d’entrée sur le marché. Ce qui importe n’est, en effet, pas de dépeindre la situation en matière de brevet qui aurait eu lieu en l’absence des accords, mais la situation en matière de concurrence.

128. Ceci est par ailleurs cohérent avec le fait que, ainsi que l’affirment à juste titre les parties, une situation dans laquelle GSK aurait obtenu gain de cause au terme des litiges et empêché ainsi les fabricants de génériques d’entrer de manière indépendante sur le marché n’aurait pas été moins favorable en termes de concurrence qu’une situation d’entrée indépendante des génériques suite à une victoire de ces derniers. Ce qui est décisif n’est en effet pas l’entrée ou l’abstention d’entrée indépendante des génériques sur le marché, mais le point de savoir si cette abstention résulte du jeu normal de la concurrence ou d’une concertation anticoncurrentielle.

129. Une telle conclusion est, en outre, en accord avec les principes, déjà rappelés plus haut, du droit des brevets et de son interaction avec le droit de la concurrence : d’une part, le droit des brevets ne garantit pas une protection contre la contestation des brevets ; l’insécurité sur le statut des brevets et des actions visant à les contester font donc partie du jeu normal de la concurrence dans les secteurs concernés(101) ; d’autre part, il n’appartient pas aux autorités de concurrence d’évaluer la force des brevets et de se livrer à des pronostics sur l’issue de litiges en cette matière, mais cela n’est pas non plus nécessaire pour évaluer les accords en matière de brevets en termes de droit de la concurrence(102).

iii) Sur le caractère des accords en tant que règlements amiables de litiges réels

130. Enfin, la troisième série d’arguments avancée par les requérantes au principal n’est pas non plus susceptible de démontrer que des accords aux termes desquels un fabricant de génériques s’engage à ne pas entrer sur le marché et à abandonner la contestation d’un brevet contre un important paiement du titulaire du brevet, qui n’a d’autre contrepartie que cet engagement, ne sauraient constituer des restrictions de concurrence par objet.

131. Cette troisième série d’arguments consiste à faire valoir que, en tant qu’accords de règlement amiable de procédures juridictionnelles pendantes, les accords GUK et Alpharma auraient poursuivi un objectif légitime d’emblée incompatible avec la qualification d’un accord comme restrictif de la concurrence de par son objet, étant donné que de tels règlements amiables auraient un intérêt social et seraient encouragés par les autorités publiques. Partant, qualifier un tel accord de règlement amiable de restriction de la concurrence par objet serait possible, tout au plus, dans des cas dans lesquels le brevet est de toute évidence invalide ou frauduleux, et où la volonté avérée des parties consiste à mettre fin de manière anticoncurrentielle à un litige purement fictif sur un tel brevet.

132. En revanche, dans le cadre d’un litige réel sur un brevet régulier, dont l’issue serait impossible à prédire, les paiements convenus dans les accords ne reflèteraient qu’un compromis trouvé entre les parties au vu du risque des pertes susceptibles d’être subies par GSK en cas d’entrée illégale des fabricants de génériques sur le marché, d’une part, et des pertes susceptibles d’être subies par ces derniers en cas d’abstention injustifiée d’entrer sur le marché, d’autre part. Qualifier un tel accord de restriction de la concurrence par objet priverait les opérateurs pharmaceutiques de toute possibilité de régler à l’amiable un litige de brevet et ne leur laisserait d’autre choix, face à un tel litige, que de capituler ou alors de poursuivre jusqu’au bout les procédures judiciaires engagées.

133. Or, tout d’abord, ainsi que la Cour l’a déjà précisé, l’article 101 TFUE ne fait aucune distinction entre les accords qui ont pour objet de mettre fin à un litige et ceux qui poursuivent d’autres buts, en sorte qu’une transaction judiciaire peut être frappée de nullité pour avoir violé le droit de la concurrence de l’Union(103). L’objectif d’encourager les accords de règlement amiable ne saurait en effet mettre de tels accords à l’abri de l’application du droit de la concurrence, dont les règles font partie de l’ordre public(104).

134. Ensuite, comme la Commission le relève à juste titre, même dans le cas d’un litige réel sur un brevet régulier à l’issue incertaine, il importe, pour apprécier si un accord de règlement amiable d’un tel litige a un objet anticoncurrentiel, de chercher si cet accord a réellement réglé le litige en cause et si ces termes reflètent un compromis entre les parties à cet égard. En d’autres termes, il s’agit de déterminer si l’accord est un réel compromis trouvé sur la base d’une appréciation autonome par les parties de leur situation en matière de brevet, ou si l’accord consiste plutôt à mettre fin au litige au moyen d’un paiement d’une des parties en faveur de l’autre, pour que celle-ci ne conteste plus le brevet et ne livre plus concurrence.

135. Or, contrairement à ce que les parties affirment en l’espèce, il ressort des constatations factuelles du CAT que les accords en cause au principal ne semblent pas avoir réglé les litiges des parties en matière de brevet, mais avoir seulement déféré la résolution du désaccord à cet égard à la période après l’expiration des accords. Plutôt que d’avoir été réglées, les disputes entre les parties semblent alors seulement avoir été mises entre parenthèses pour la durée de validité des accords.

136. En effet, d’après les constatations du CAT(105), les accords GUK et Alpharma prévoyaient seulement l’engagement de ces fabricants de génériques à retirer leur contestation du brevet de GSK et à s’abstenir d’entrer sur le marché avec leurs produits pendant la durée convenue. En revanche, il n’était aucunement prévu que, après cette période, ces fabricants pourraient entrer sur le marché sans faire à nouveau face à des contestations de la part de GSK.

137. De même, il n’apparait pas que l’engagement à retirer la contestation du brevet de GSK et à ne pas entrer sur le marché d’une part, et le montant des paiements d’autre part, aient été liés de quelque façon que ce soit aux risques de pertes susceptibles d’être subies soit par GSK dans le cas d’une entrée illégale des génériques sur le marché, soit par les fabricants de génériques dans le cas d’une abstention d’entrer sur le marché qui s’avérerait injustifiée par la suite en raison de l’invalidité du brevet ou du caractère non-contrefaisant des produits génériques.

138. Or, l’on ne saurait prétendre que, sous prétexte qu’il est conclu en tant que règlement amiable d’un litige de brevet réel, un accord pourrait échapper à la qualification de restriction de concurrence par objet s’il n’a en réalité pas pour objet de régler à l’amiable le litige de brevet en cours, mais seulement de déférer ce litige dans le temps au moyen d’un paiement incitant le concurrent du titulaire du brevet à ne plus livrer concurrence pendant le temps de l’accord.

139. Il s’ensuit que les requérantes au principal ne sauraient pas non plus arguer que l’interdiction de ce type d’accords priverait les parties aux litiges en matière de brevet de toute possibilité de règlement à l’amiable. En effet, de tels règlements restent possibles s’ils ont réellement pour objet de régler les litiges en cause et reflètent un compromis entre les parties obtenu suite à une évaluation autonome de la situation concurrentielle par celles-ci. Ceci est par ailleurs confirmé par une étude empirique américaine citée par le CAT(106), qui a révélé que, après l’initiation de poursuites contre les accords tels que ceux en cause en l’espèce par les autorités de concurrence, le nombre d’accords de ce type s’est réduit de manière dramatique, alors que le nombre total de règlements amiables en matière de brevets n’a pas décliné.

140. Enfin, il résulte de tout cela que l’argument d’Alpharma, selon lequel les restrictions imposées par les accords en cause devraient s’analyser comme des restrictions accessoires au règlement amiable des litiges de brevet, ne saurait pas non plus prospérer. Ainsi, il ressort certes de la jurisprudence qu’échappe à l’interdiction prévue par l’article 101 TFUE une restriction de concurrence nécessaire à la mise en œuvre d’une opération qui ne relève elle-même pas de ladite interdiction(107). Toutefois, en l’espèce, il n’apparaît pas qu’elle serait l’opération légitime pour la mise en œuvre de laquelle les restrictions convenues auraient été nécessaires, puisque ces restrictions constituaient précisément elles-mêmes l’objet des accords en cause.

iv)    Conclusion

141. Il découle des considérations qui précèdent qu’un accord de règlement amiable d’une procédure juridictionnelle, à l’issue incertaine, sur un litige réel relatif à la validité d’un brevet ou au caractère contrefaisant d’un produit générique, aux termes duquel le titulaire du brevet s’engage, en faveur d’un fabricant de génériques, à un transfert de valeur suffisamment élevé pour inciter ce dernier à abandonner ses efforts pour entrer sur le marché de manière indépendante, constitue une restriction de concurrence par objet s’il est avéré que ce transfert de valeur n’a d’autre contrepartie que l’abstention du fabricant de génériques d’entrer sur le marché avec son produit et de poursuivre la contestation du brevet pendant la durée convenue, ce qu’il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier. Ceci vaut également lorsque les restrictions imposées par un tel accord ne dépassent pas la portée et la durée de validité restante du brevet et lorsque le montant transféré au fabricant de génériques est inférieur au bénéfice escompté de ce dernier en cas d’entrée indépendante sur le marché.

2)      Sur la cinquième question préjudicielle

142. La cinquième question préjudicielle du CAT concerne l’appréhension, sous l’angle de l’article 101 TFUE, des avantages apportés aux consommateurs par les accords GUK et Alpharma.

143. En l’occurrence, selon le CAT, ces accords ont procuré certains avantages aux consommateurs en raison du fait qu’ils prévoyaient la livraison par GSK de quantités importantes mais limitées de paroxétine générique autorisée aux fabricants de génériques, que ces derniers ont distribué à un prix moindre que celui pratiqué par GSK pour le Seroxat, ce qui a entraîné une légère diminution du prix moyen de la paroxétine(108).

144. De plus, selon le CAT, le remplacement des importations parallèles de paroxétine par la paroxétine générique autorisée d’IVAX, de GUK et d’Alpharma(109) a amené des avantages limités aux consommateurs en termes de qualité, puisque les importations parallèles avaient été victimes d’un surétiquetage en langue étrangère, peu attirant pour les patients(110). En revanche, ainsi que l’a précisé le CAT, le reclassement de la paroxétine dans la grille de remboursement du NHS et la diminution correspondante des coûts supportés par celui-ci étaient uniquement dus à l’accord IVAX(111).

145. Sur fond de cet arrière-plan, le CAT demande à la Cour, avec sa cinquième question préjudicielle, s’il y a une restriction de concurrence par objet

–        lorsqu’un accord présentant les caractéristiques décrites aux troisième et quatrième questions prévoit en plus que le titulaire du brevet livre au fabricant de génériques, pour commercialisation par ce dernier, des quantités importantes mais limitées d’un produit générique autorisé ;

–        et lorsque cela ne donne pas lieu à une restriction concurrentielle significative sur les prix du titulaire mais procure aux consommateurs des avantages qu’ils n’auraient pas eus si les fabricants de génériques n’étaient pas du tout entrés sur le marché ;

–        et lorsque ces avantages étaient cependant nettement inférieurs à ceux susceptibles de résulter d’une entrée indépendante de ces fabricants sur le marché.

146. De plus, le CAT souhaite savoir si ce point est pertinent pour la réponse à la question de savoir si un accord constitue une restriction de concurrence par objet au sens de l’article 101, paragraphe 1, TFUE, ou s’il ne peut au contraire être apprécié qu’au titre de l’article 101, paragraphe 3, TFUE.

147. À ce dernier égard, il faut noter qu’il est certes vrai que, dès lors qu’il est établi qu’un accord relève de l’interdiction instituée par l’article 101, paragraphe 1, TFUE parce qu’il constitue une restriction de concurrence au sens de cette disposition, d’éventuels avantages de cet accord ne peuvent plus être appréciés qu’au titre de l’article 101, paragraphe 3, TFUE(112).

148. Ainsi que l’a reconnu la jurisprudence, s’il en allait autrement, l’article 101, paragraphe 3, TFUE perdrait en grande partie son effet utile. Partant, le droit de l’Union ne reconnaît pas de « règle de raison », qui impliquerait une mise en balance des aspects pro- et anticoncurrentiels d’un accord aux fins de l’application de l’article 101, paragraphe 1, TFUE(113).

149. Toutefois, lors de l’examen de la question de savoir si un accord constitue une restriction de concurrence interdite par l’article 101, paragraphe 1, TFUE, l’appréciation d’avantages prétendument induits par cet accord peut être pertinente, notamment, à deux égards : d’une part, l’existence de tels avantages peut, dans des circonstances exceptionnelles, remettre en cause le constat même de l’existence d’une restriction de concurrence interdite par l’article 101, paragraphe 1, TFUE ; d’autre part, l’existence de tels avantages peut, sous certaines conditions, remettre en cause le constat de l’existence d’une restriction de concurrence par objet, rendant alors nécessaire l’examen des effets de l’accord en question.

i)      Sur la pertinence d’avantages résultant d’un accord pour le constat de l’existence d’une restriction de concurrence au titre de l’article 101, paragraphe 1, TFUE tout court

150. Tout d’abord, il résulte de la jurisprudence que les aspects positifs pour la concurrence d’une coordination entre entreprises peuvent être pris en compte dès le stade de l’examen de l’applicabilité de l’article 101, paragraphe 1, TFUE si ces aspects sont de nature à remettre en cause le constat même de l’existence d’une restriction de concurrence interdite par cette dernière disposition.

151. Ainsi, la Cour a, par exemple, constaté que les systèmes de distribution sélective, quoiqu’influençant nécessairement la concurrence dans le marché commun, peuvent, sous certaines conditions, être conformes à l’article 101, paragraphe 1, TFUE, puisqu’ils poursuivent un objectif légitime(114).

152. De même, la Cour a admis qu’une coordination qui est susceptible de restreindre le jeu de la concurrence dans le marché intérieur parce qu’elle restreint la liberté d’action des parties peut ne pas tomber sous le coup de l’interdiction édictée à l’article 101, paragraphe 1, TFUE si, au vu de son contexte global et de ses objectifs, les effets restrictifs de la concurrence qui en découlent sont inhérents à la poursuite desdits objectifs. Pour admettre que tel est le cas, il faut néanmoins que les restrictions imposées par la coordination en cause soient strictement limitées à ce qui est nécessaire afin d’assurer la mise en œuvre d’objectifs légitimes(115).

153. La Cour a, par exemple, reconnu que ces conditions pouvaient être réunies dans les cas de l’interdiction imposée aux membres d’une association d’achat dans le domaine agricole de faire partie de coopérations concurrentes(116), de l’interdiction d’une collaboration intégrée entre avocats et experts-comptables(117) ou encore d’une réglementation de contrôle du dopage dans le domaine du sport(118). Partant, ceci est valable dans des cas dans lesquels une coopération entre entreprises constitue un tout indivisible(119) poursuivant un ou plusieurs objectifs légitimes, qui ne peuvent être atteints que moyennant l’imposition de certaines restrictions de concurrence indispensables à leur mise en œuvre.

154. Sur la base des constatations factuelles de la juridiction de renvoi, il paraît cependant douteux que les conditions pour l’application de cette jurisprudence soient réunies dans les circonstances en cause au principal.

155. Ainsi n’est-il, dans l’affaire au principal, même pas allégué que les avantages aux consommateurs apportés par les accords GUK et Alpharma, à savoir la baisse du prix moyen de la paroxétine ainsi que l’amélioration de l’étiquetage des boîtes de médicaments(120), auraient constitué l’objectif principal des accords respectifs. De même, personne ne se prévaut de ce que les restrictions imposées à GUK et Alpharma par ces accords, à savoir l’interdiction de fabriquer, importer ou fournir de paroxétine autre que celle fournie par GSK par le biais d’IVAX(121), auraient été indispensables à la mise en œuvre de ces avantages.

156. Les requérantes au principal se bornent plutôt à affirmer que, en raison desdits avantages, les accords GUK et Alpharma auraient présenté une ambivalence en termes de concurrence, de sorte qu’il serait impossible de conclure que ces accords révélaient de façon manifeste un degré de nocivité suffisant à l’égard de la concurrence pour être considérés comme des restrictions de concurrence par objet.

ii)    Sur la pertinence d’avantages résultant d’un accord pour le constat de l’existence d’une restriction de concurrence par objet au titre de l’article 101, paragraphe 1, TFUE

157. À ce dernier égard, l’autre volet de la cinquième question préjudicielle du CAT porte justement sur le point de savoir si un accord qui induit, comme les accords GUK et Alpharma, certains avantages pour les consommateurs, peut constituer une restriction de concurrence par objet au sens de l’article 101, paragraphe 1, TFUE.

158. Comme il ressort de la jurisprudence citée plus haut sur la manière de déterminer si un accord a un objet anticoncurrentiel, l’examen à opérer à cet effet comporte nécessairement l’analyse d’éléments contextuels de l’accord en question(122). En effet, ainsi qu’il a été affirmé à maintes reprises, l’objet d’un accord doit être évalué non pas dans l’abstrait, mais concrètement, en tenant compte de tout élément pertinent(123). Or, d’éventuels avantages ou effets positifs allégués d’un accord sont indéniablement des éléments contextuels qui doivent être appréciés lors de l’examen du point de savoir si ledit accord a pour objet de restreindre la concurrence.

159. La qualification d’un accord de restrictif de concurrence de par son objet a pour conséquence, d’un point de vue procédural, de dispenser l’autorité de concurrence concernée d’un examen complet de ses effets, plus consommateur en ressources(124). La raison d’être de cette dispense réside dans le fait que l’expérience montre qu’un accord tendant par son objet à restreindre la concurrence, par exemple par l’alignement des prix ou la répartition des marchés entre concurrents, est susceptible de produire des effets négatifs sur la concurrence, en sorte qu’il n’est pas nécessaire d’examiner si et dans quelle mesure un tel effet se produit réellement(125).

160. Partant, ainsi que l’a récemment noté l’avocat général Bobek, l’examen du contexte d’un accord sert aussi à confirmer que la nocivité d’un accord qui est susceptible, au vu de son contenu et de ses objectifs, de constituer une restriction de concurrence par objet, n’est pas remise en cause par des éléments contextuels pertinents. Il s’agit, en d’autres termes, « de vérifier, compte tenu des éléments du dossier, que des circonstances particulières ne sont pas susceptibles de faire naître un doute sur la nocivité présumée de l’accord concerné »(126).

161. Or, à partir de quand est-on dans une situation dans laquelle naissent des doutes sur la nocivité présumée et, partant, sur l’objet anticoncurrentiel d’un certain accord ?

162. Ainsi que la Cour l’a indiqué, pour avoir un objet anticoncurrentiel, une coordination entre entreprises doit être susceptible de produire des effets négatifs sur la concurrence, ce qui signifie qu’elle doit être concrètement apte, en tenant compte du contexte juridique et économique dans lequel elle s’inscrit, à empêcher, restreindre ou fausser le jeu de la concurrence au sein du marché commun. En revanche, la question de savoir si et dans quelle mesure un tel effet se produit réellement n’est pas déterminante(127). Cela signifie que l’interdiction des « infractions par objet » ne saurait en aucun cas être interprétée en ce sens que la présence d’un objet anticoncurrentiel n’établirait qu’une sorte de présomption d’illégalité, susceptible d’être réfutée par l’absence, dans le cas concret, d’effets négatifs sur le fonctionnement du marché(128).

163. Partant, comme l’a encore précisé la jurisprudence, pour conclure qu’un accord présente, en lui-même, un degré suffisant de nocivité à l’égard de la concurrence pour qu’il n’y ait pas besoin d’en rechercher les effets afin de déterminer s’il est susceptible de restreindre la concurrence, l’aptitude de nuisance à la concurrence doit ressortir de façon assez manifeste de l’accord et de son contexte(129).

164. Il découle de cela que, pour pouvoir conclure à l’objet anticoncurrentiel d’un accord, il doit être possible de déterminer qu’il est apte à restreindre la concurrence sans avoir à en examiner les effets. Partant, l’analyse de l’objet anticoncurrentiel d’un accord doit basculer vers une analyse des effets anticoncurrentiels dudit accord lorsqu’il s’avère qu’il est impossible de déterminer, malgré une analyse de l’ensemble des éléments intrinsèques et contextuels pertinents, que cet accord est apte à restreindre la concurrence(130).

165. Il s’ensuit qu’un accord qui induit certains avantages pour les consommateurs ne saurait plus être qualifié de restrictif de la concurrence par son objet si la présence de ces avantages fait qu’il n’est plus possible, sans en analyser les effets, de savoir s’il est, dans son ensemble, apte à restreindre la concurrence. En d’autres termes, la question est de savoir si, tout en tenant compte des avantages induits par l’accord, il est toujours possible de conclure qu’il a néanmoins un objet anticoncurrentiel. Si ce n’est pas le cas parce que ces avantages font naître un doute quant à l’objet anticoncurrentiel de l’accord ou parce qu’il n’est pas clair si un accord apportant de tels avantages peut avoir un objet anticoncurrentiel, il n’est alors plus possible de conclure à l’existence d’une restriction de concurrence par objet et il faut passer à l’analyse des effets.

166. En revanche, contrairement à ce que soutient, notamment, Merck dans le cadre de la présente procédure, on ne bascule pas automatiquement vers l’obligation d’opérer une analyse des effets d’un accord dès qu’il est établi que cet accord a induit certains avantages ou effets positifs dont il faut tenir compte aux fins de l’examen du point de savoir si l’accord constitue une restriction de concurrence de par son objet. En effet, ce n’est pas le fait d’apprécier certains effets positifs annexes d’un accord qui fait basculer l’analyse de l’objet d’un accord vers l’analyse de ses effets, mais uniquement le fait que, le cas échéant, ces effets font douter de l’objet anticoncurrentiel de l’accord.

167. En l’espèce, il ressort des développements déjà effectués plus haut que, sous réserve de la vérification par la juridiction de renvoi que le transfert de valeur effectué par GSK en faveur de GUK et Alpharma n’avait d’autre contrepartie que l’abstention de ces opérateurs d’entrer sur le marché avec leurs produits et de poursuivre la contestation du brevet pendant la durée convenue, les accords GUK et Alpharma avaient pour objet d’éliminer le risque d’une entrée indépendante des génériques sur le marché(131).

168. Or, si tel est le cas, les avantages apportés par les accords en cause aux consommateurs, à savoir la baisse du prix moyen de la paroxétine de 4 % ainsi que l’amélioration de l’étiquetage des boîtes de médicaments(132), ne sont pas de nature à remettre en question le fait que ces accords constituaient des restrictions de concurrence de par leur objet. En effet, ces effets positifs ne sont, sur fond de l’arrière-plan juridique et économique desdits accords, pas de nature à faire naître un doute quant au point de savoir si ces accords présentaient manifestement un degré de nocivité suffisant pour la concurrence pour être considérés comme des restrictions de concurrence par objet.

169. Ainsi, le CAT indique certes que la légère réduction des prix de la paroxétine induite par les accords n’était pas complètement dépourvue d’importance. Toutefois, d’après les constatations du CAT, la fourniture de paroxétine par GSK aux fabricants de génériques prévue par les accords ne donnait pas lieu à une pression concurrentielle significative sur GSK puisque, en raison des quantités limitées fournis, dont le plafonnement ne correspondait à aucune contrainte technique, les fabricants de génériques n’avaient pas d’intérêt à pratiquer une concurrence par les prix.

170. Dans ces conditions, le CAT a raison quand il conclut que la modification de la structure du marché induite par les accords n’était pas due à l’introduction d’une concurrence, mais à une réorganisation contrôlée du marché de la paroxétine organisée par GSK, et que la fourniture de paroxétine ainsi que la cession de parts de marché par GSK aux fabricants de génériques doivent être appréhendées comme des transferts de valeur non monétaires(133).

171. L’analyse des termes des accords en cause, telle qu’opérée par le CAT, ne fait donc pas apparaître un ensemble complexe avec des composantes pro- et anticoncurrentielles, dont il serait impossible de déterminer s’il a, au global, un objet anticoncurrentiel(134). Il apparaît plutôt que les accords avaient clairement pour objet d’éliminer, au moyen d’un transfert de valeur, le risque d’une entrée indépendante des fabricants de génériques concernés sur le marché, et que la mise en place de l’entrée contrôlée de ces derniers avec de la paroxétine autorisée fournie par GSK faisait partie des incitations qui leur étaient offertes à cette fin.

172. À cet égard, la mise en place de cette entrée contrôlée au moyen de la fourniture de paroxétine à des prix préférentiels et avec la possibilité de réaliser une marge de profit, même garantie par les termes des accords(135), apparaît non seulement comme un moyen de masquer le transfert de valeur réalisé, mais aussi comme apportant une plus-value aux fabricants de génériques par rapport à un simple transfert monétaire. Cette plus-value consistait en effet en la possibilité de distribuer la paroxétine autorisée fournie par GSK sous leur propre marque et de se forger ainsi une clientèle et des réseaux de distribution. Cela peut aussi correspondre à une concession que GSK était obligée de faire, mais qui lui apportait en même temps également des avantages en termes de maintien de sa propre production(136).

173. Mais même à supposer que les parties aient eu délibérément l’intention d’apporter certains avantages aux consommateurs grâce à la mise en place de l’entrée contrôlée sur le marché de GUK et d’Alpharma, ceci ne serait pas pour autant de nature à créer un doute quant à la nocivité des accords en cause en termes de concurrence.

174. En effet, comme l’a précisé la jurisprudence, l’article 101 TFUE vise, à l’instar des autres règles de concurrence énoncées dans le traité, à protéger non pas uniquement les intérêts directs des concurrents ou des consommateurs, mais la structure du marché et, ce faisant, la concurrence en tant que telle. La constatation de l’existence de l’objet anticoncurrentiel d’une coordination entre entreprises ne saurait donc être subordonnée à celle d’un lien direct de celle-ci avec les prix à la consommation(137).

175. Cela doit signifier, à l’inverse, que le fait d’apporter quelques avantages minimes aux consommateurs grâce à une légère baisse des prix ne saurait remettre en cause l’objet anticoncurrentiel d’un accord qui a par ailleurs pour but d’annihiler le jeu de la concurrence par rapport à un certain produit ou sur un certain marché. Or, en l’espèce, il a été constaté que ceci était précisément l’objectif des accords en cause, puisqu’ils avaient pour but d’inciter les fabricants de génériques à abandonner leurs efforts aux fins d’une entrée indépendante sur le marché(138).

176. Dans ce contexte, il a d’ailleurs également été constaté que le scénario « concurrentiel » auquel il faut comparer la situation concertée mise en place par les accords n’est pas celui d’une entrée indépendante certaine des fabricants de génériques sur le marché, mais celui d’une poursuite de leurs efforts à cette fin en fonction de leur appréciation autonome des risques et chances à cet égard(139).

177. Partant, il y a lieu de rejeter l’argumentation de GSK et des fabricants de génériques selon laquelle les accords étaient bénéfiques puisqu’ils ont permis une entrée contrôlée des fabricants de génériques sur le marché alors qu’il était incertain, en raison de l’impossibilité de prédire l’issue des litiges de brevet pendants, que ces fabricants auraient pu entrer de manière indépendante sur le marché en l’absence des accords. Il en va de même de l’argument selon lequel, au moins en ce qui concerne la période pendant laquelle l’injonction provisoire et l’engagement judiciaire interdisant à GUK et Alpharma d’entrer sur le marché ont été en vigueur(140), les accords auraient permis une entrée sur le marché de ces fabricants dont il est certain qu’elle aurait été impossible en leur absence.

178. En effet, ainsi que cela a été exposé(141), ce qui compte n’est pas l’entrée à tout prix des génériques sur le marché, mais le fait que cette entrée se réalise ou ne se réalise pas en raison du libre jeu de la concurrence et non en raison d’une concertation des parties substituée à celui-ci.

179. De plus, ainsi que le fait remarquer le CAT, si les avantages pour les consommateurs induits par les accords étaient certains et non potentiels, ils étaient cependant dérisoires comparés aux avantages amenés par l’entrée indépendante ultérieure des génériques sur le marché de la paroxétine(142). Or, les accords ont justement éliminé la possibilité qu’une telle entrée se réalise pendant le temps convenu.

iii) Conclusion

180. Il découle des considérations qui précèdent que l’appréciation des avantages apportés aux consommateurs par un accord entre concurrents est pertinente au titre de l’article 101, paragraphe 1, TFUE afin d’examiner si la présence de ces avantages est de nature à créer un doute quant à l’existence d’une restriction de concurrence en général et d’une restriction de concurrence par objet en particulier. Le fait qu’un accord de règlement amiable d’un litige entre le titulaire d’un brevet et un fabricant de génériques prévoit une entrée contrôlée de ce fabricant sur le marché, qui ne donne pas lieu à une pression concurrentielle significative sur le titulaire du brevet mais procure aux consommateurs des avantages limités qu’ils n’auraient pas eus si le titulaire du brevet avait obtenu gain de cause dans le litige, n’est cependant pas de nature à créer un tel doute, si l’accord en cause a par ailleurs pour objet d’inciter le fabricant de génériques à abandonner ses efforts pour entrer sur le marché de manière indépendante au moyen d’un transfert de valeur qui n’a d’autre contrepartie que ledit abandon, ce qu’il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier.

c)      Sur la notion de restriction de la concurrence par effet (sixième question préjudicielle)

181. La sixième question préjudicielle du CAT porte sur les effets anticoncurrentiels des accords GUK et Alpharma.

182. Avant de répondre à cette question, il faut rappeler, à titre liminaire, que, ainsi qu’il a déjà été noté plus haut, l’objet anticoncurrentiel et l’effet anticoncurrentiel sont des conditions non pas cumulatives, mais alternatives pour appliquer l’interdiction énoncée à l’article 101, paragraphe 1, TFUE. Autrement dit, un accord est interdit, indépendamment de ses effets, dès lors que son objet est contraire à la concurrence. La prise en considération des effets d’un accord est donc superflue quand il est établi qu’il a pour objet d’empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence à l’intérieur du marché commun(143).

183. Partant, en l’espèce, le CAT pourrait, à tout le moins du point de vue du droit de l’Union, ne pas se pencher sur la question des effets anticoncurrentiels des accords GUK et Alpharma s’il constatait, sur la base des réponses que lui fournira la Cour à ses troisième à cinquième questions préjudicielles, que ces accords constituaient des restrictions de concurrence de par leur objet. Dans la mesure où le CAT devra encore effectuer cet examen à la suite de l’arrêt de la Cour dans la présente procédure, sa question portant sur les effets anticoncurrentiels des accords GUK et Alpharma demeure néanmoins pertinente.

184. De plus et en tout état de cause, ainsi que l’a expliqué tout récemment l’avocat général Bobek dans ses conclusions dans l’affaire Budapest Bank e.a., le fait qu’une autorité de concurrence ou une juridiction compétente ne doit pas examiner les effets d’un accord si elle a constaté que cet accord a un objet anticoncurrentiel, ne signifie pas qu’une telle autorité ou juridiction ne peut pas à la fois examiner si un accord a un objet et des effets anticoncurrentiels. De même, elle peut aussi seulement examiner si un accord a des effets anticoncurrentiels si cela lui paraît nécessaire et approprié en raison des circonstances de l’espèce. Comme l’a encore noté l’avocat général Bobek, il incombe néanmoins à une telle autorité ou juridiction de rassembler les preuves nécessaires et d’opérer la qualification juridique de ces preuves pour chaque type d’infraction concerné(144).

185. Cela étant dit, par sa sixième question préjudicielle, le CAT demande à la Cour si, dans des circonstances telles que celles exposées aux troisième à cinquième questions, il existe une restriction de concurrence par effet au sens de l’article 101, paragraphe 1, TFUE. Plus particulièrement, il veut savoir si, pour conclure à l’existence d’une telle restriction, il doit déterminer qu’en l’absence de l’accord en cause, le fabricant de génériques aurait probablement (c’est-à-dire avec une probabilité de plus de 50 %) eu gain de cause dans la procédure judiciaire relative au brevet ou les parties auraient probablement (c’est‑à‑dire avec une probabilité de plus de 50 %) conclu un accord de règlement amiable moins restrictif.

186. Afin de répondre à cette question, il convient d’abord de se demander si les critères ainsi envisagés par la juridiction de renvoi sont pertinents pour apprécier les effets restrictifs des accords concernés en l’espèce. Ensuite, il importe d’examiner ce que signifie, en l’espèce, l’exigence selon laquelle, pour frapper d’interdiction un accord en raison de ses effets, il faut que ces effets sur le jeu de la concurrence soient sensibles.

1)      Sur les critères pour apprécier les effets sur la concurrence d’accords de règlement amiable de litiges de brevet en matière pharmaceutique

187. D’après la jurisprudence, au cas où l’analyse de la teneur d’un accord ne révèle pas un degré suffisant de nocivité à l’égard de la concurrence pour conclure à l’existence d’une restriction de concurrence par objet, il convient alors d’en examiner les effets et, pour le frapper d’interdiction, d’exiger la réunion des éléments établissant que le jeu de la concurrence a été, en fait, soit empêché, soit restreint, soit faussé de façon sensible(145).

188. Pour apprécier si un accord doit être considéré comme interdit en raison des altérations du jeu de la concurrence qui en sont l’effet, il faut examiner le jeu de la concurrence dans le cadre réel où il se produirait à défaut de l’accord litigieux(146). De plus, l’appréciation des effets d’un accord implique la nécessité de prendre en considération le cadre concret dans lequel il s’insère, notamment le contexte économique et juridique dans lequel opèrent les entreprises concernées, la nature des biens ou services affectés, ainsi que les conditions réelles du fonctionnement et de la structure du marché ou des marchés en question(147).

189. En vertu de cette jurisprudence, il faut, certes, en l’espèce, pour examiner si les accords GUK et Alpharma ont constitué des restrictions de concurrence par effet, prendre en compte le contexte de ces accords en matière de brevet, puisque celui-ci fait partie du cadre concret dans lequel ils se sont insérés.

190. Toutefois, cela ne saurait signifier que, pour examiner le jeu de la concurrence dans le cadre réel où il se serait produit à défaut de ces accords, il faille évaluer les probabilités respectives avec lesquelles les parties auraient eu gain de cause dans les procédures relatives aux litiges de brevet qui les opposaient ou conclu un accord de règlement amiable moins restrictif en termes de concurrence.

191. Ainsi, il est certes vrai que, d’après la Cour, le scénario envisagé à partir de l’hypothèse de l’absence de l’accord en cause doit être réaliste et, dans cette optique, il est loisible, le cas échéant, de tenir compte des développements probables qui se produiraient sur le marché en l’absence de cet accord(148).

192. Pourtant, cet élément de probabilité ne saurait signifier, dans un contexte comme celui en cause au principal, que l’autorité de concurrence concernée doive évaluer les probabilités d’invalidation du brevet ou de constatation du caractère contrefaisant des produits génériques concernés afin d’examiner les effets restrictifs de concurrence des accords en cause.

193. En effet, ainsi qu’il a été démontré plus haut, il n’appartient pas aux autorités de concurrence de procéder à la vérification de la conformité de la mise sur le marché d’un médicament générique au droit des brevets(149). Partant, il ne saurait pas non plus être exigé d’une telle autorité qu’elle se livre à des prédictions concernant les issues probables de litiges en matière de brevet.

194. Toutefois, comme il a également été indiqué plus haut, de telles prédictions concernant les issues probables des litiges de brevet en cours ne sont pas non plus nécessaires pour permettre aux autorités de concurrence d’évaluer l’impact d’accords tels que ceux en cause au principal en termes de concurrence(150).

195. En effet, ainsi qu’il a été noté, la probabilité, pour un fabricant de génériques, d’obtenir gain de cause dans un litige avec le détenteur d’un brevet sur un médicament, ne constitue pas le critère déterminant pour l’examen du rapport concurrentiel entre ces opérateurs(151). Au contraire, comme il a été démontré, dans le contexte du droit des brevets en matière pharmaceutique, l’insécurité sur la validité des brevets des médicaments princeps et sur le caractère contrefaisant des produits génériques est justement constitutive des rapports de concurrence, à tout le moins avant et, le cas échéant, juste après l’entrée sur le marché de ces derniers(152). Des litiges à cet égard sont donc l’expression de l’existence d’une concurrence potentielle entre titulaires de brevets et fabricants de génériques(153).

196. Partant, pour examiner si le titulaire d’un brevet sur un médicament et le fabricant d’un générique de ce même médicament, entre lesquels un litige est pendant, se trouvent dans un rapport de concurrence potentielle, l’autorité de concurrence ne doit pas démontrer que le second aurait certainement ou très probablement eu gain de cause dans le litige et serait entré sur le marché avec son médicament(154). Il suffit au contraire que cette autorité établisse que, malgré les droits de brevet en cause, le fabricant de génériques disposait de possibilités réelles et concrètes d’intégrer le marché au moment pertinent, sur la base des éléments exposés ci-dessus(155).

197. Si tel est le cas, l’autorité concernée devra ensuite, pour démontrer qu’un accord tel que ceux en cause a eu des effets restrictifs de concurrence, examiner si cet accord a eu pour effet d’éliminer le jeu de la concurrence entre ces deux opérateurs et, partant, les possibilités réelles et concrètes du fabricant de génériques d’intégrer le marché. Dans l’affirmative, l’autorité pourra alors conclure que l’accord a eu des effets restrictifs de concurrence, puisqu’il aura éliminé un concurrent potentiel et, ce faisant, la possibilité que celui-ci devienne un concurrent réel en entrant sur le marché.

198. En effet, ainsi que la Cour l’a clarifié, l’appréciation des effets d’un accord ne se limite pas aux seuls effets actuels, mais doit également tenir compte des effets potentiels(156). Ceci n’est d’ailleurs que cohérent dans la mesure où, ainsi qu’il a déjà été relevé, l’article 101 TFUE ne protège pas seulement la concurrence actuelle, mais également la concurrence potentielle sans laquelle l’entrée de nouveaux entrants sur le marché ne pourrait jamais se concrétiser(157).

199. En l’espèce, il ressort des développements déjà effectués que, sous réserve de la vérification par la juridiction de renvoi que le transfert de valeur effectué par GSK en faveur de GUK et Alpharma n’avait d’autre contrepartie que l’abstention de ces opérateurs à entrer sur le marché avec leurs produits et à poursuivre la contestation du brevet, les accords GUK et Alpharma ont incité ces fabricants de génériques à cesser leurs efforts pour entrer sur le marché avec leurs produits et à renoncer à la poursuite de leur contestation du brevet pendant la durée convenue(158). Il s’ensuit que ces accords ont eu pour effet d’éliminer, pour cette durée, le jeu de la concurrence entre GSK et ces opérateurs.

200. Or, ainsi qu’il a également déjà été exposé, dans ces conditions, le scénario contrefactuel à envisager à partir de l’hypothèse de l’absence de l’accord n’est pas une situation dans laquelle GUK et Alpharma seraient certainement ou très probablement entrés sur le marché avec leurs produits, mais une situation dans laquelle ils auraient, sur la base d’une appréciation autonome de leurs chances de succès, continué leurs efforts à cette fin. De même n’est-il pas nécessaire d’envisager une situation dans laquelle un accord moins restrictif aurait certainement ou très probablement été conclu, mais il suffit d’envisager une situation dans laquelle un accord aurait été conclu non pas sur la base d’une concertation entre les parties qui remplace le jeu de la concurrence, mais sur la base des appréciations autonomes des parties au regard de leurs chances de succès dans le litige qui les opposait. En effet, ainsi qu’il a été dit, la situation qui se produirait en l’absence des accords en cause ne doit pas être examinée en termes de droit des brevets, mais en termes de droit de la concurrence(159).

201. De surcroît, exiger d’une autorité de concurrence des prédictions sur les chances de l’une ou l’autre des parties à un accord de gagner un litige de brevet reviendrait justement à ne pas tenir compte du cadre réel dans lequel cet accord s’insère. En effet, il ne correspond pas à la réalité du droit des brevets dans le secteur pharmaceutique qu’une autorité de concurrence puisse prédire avec certitude ou une grande probabilité l’issue de litiges relatifs à la validité de brevets et au caractère contrefaisant de produits génériques(160).

202. Il s’ensuit que, sous réserve des confirmations factuelles à effectuer par la juridiction de renvoi, en éliminant le jeu de la concurrence entre GSK et, respectivement, GUK et Alpharma, les accords conclus par GSK avec ces opérateurs ont eu des effets restrictifs de concurrence.

2)      Sur l’exigence d’effets sensibles sur le jeu de la concurrence

203. D’après la jurisprudence citée plus haut, il faut, pour frapper un accord d’interdiction en raison de ses effets, examiner si, en raison de cet accord, le jeu de la concurrence a été, en fait, soit empêché, soit restreint, soit faussé de façon sensible(161). Cette exigence s’explique par le fait que les accords échappent à la prohibition de l’article 101, paragraphe 1, TFUE, lorsqu’ils n’affectent le marché que d’une manière insignifiante(162).

204. Afin de déterminer si un accord affecte le jeu de la concurrence de façon sensible en raison de ses effets, il faut, au titre du contexte de cet accord, tenir compte, notamment, de la nature des produits en faisant l’objet et de la position et de l’importance des parties sur le marché des produits concernés, ainsi que des conditions réelles du fonctionnement et de la structure du marché ou des marchés en question(163). De plus, peuvent être pris en compte le caractère isolé de l’accord litigieux ou, au contraire, la place de celui-ci dans un ensemble d’accords. À cet égard, l’existence de contrats similaires, sans nécessairement être déterminante, est une circonstance qui, avec d’autres, peut constituer un contexte économique et juridique dans lequel l’accord doit être apprécié(164).

205. La nécessité de prendre en considération ces éléments afin de déterminer si les effets d’un accord sur la concurrence sont sensibles se fait tout particulièrement ressentir dans le cas d’accords tels que ceux concernés en l’espèce, entre un opérateur en place sur un certain marché et un entrant potentiel, qui incitent le second à cesser ses efforts pour entrer sur le marché et dont les effets consistent, partant, en l’élimination du jeu de la concurrence entre les deux.

206. Ainsi, si un opérateur en place éliminait, par un tel accord, un seul concurrent potentiel insignifiant parmi d’autres, les effets sur le jeu de la concurrence pourraient ne pas être sensibles, puisque ce jeu continuerait à s’exercer entre l’opérateur en place et les autres concurrents potentiels. En revanche, si l’opérateur en place élimine, par un ou plusieurs accords de ce type, son seul ou ses quelques seuls concurrents potentiels significatifs, les effets de ces accords consistent à affecter très sensiblement, voire à annihiler, du moins pour un certain temps avant l’émergence de nouveaux concurrents potentiels, le jeu de la concurrence sur le marché concerné.

207. La structure du marché sur lequel prennent place ces accords, la position des parties sur ce marché ainsi que, le cas échéant, l’existence de plusieurs accords du même type, sont donc des éléments essentiels pour mesurer la sensibilité des effets de tels accords.

208. En ce qui concerne le secteur pharmaceutique, celui-ci se caractérise généralement, du point de vue de sa structure, par le fait que, avant l’expiration du brevet de molécule et de l’exclusivité des données pour l’IPA d’un certain médicament, le produit du titulaire du brevet est en principe le seul sur le marché. En revanche, après ou à l’approche de l’expiration de ces droits d’exclusivité, des fabricants de génériques tentent d’entrer sur le marché avec des copies génériques du médicament princeps, ce qui entraîne des fortes chutes du prix de ce dernier(165).

209. Dans une telle situation, des accords conclus par le titulaire du brevet sur l’IPA du médicament princeps avec un ou plusieurs entrants génériques potentiels sont susceptibles d’avoir des effets très sensibles sur la concurrence. En effet, en fonction de la position et du nombre de ces concurrents génériques, de tels accords peuvent avoir pour effet d’éliminer en grande partie voire entièrement la concurrence potentielle relative au produit concerné. Or, cela est non seulement susceptible de retarder l’ouverture du marché aux produits génériques et donc la chute des prix y afférente, mais également de réduire les incitations de l’opérateur en place, qui conserve sa rente de monopole, en termes d’innovation pour le développement de nouveaux produits.

210. En l’espèce, la paroxétine produite par GSK était visiblement la seule paroxétine présente sur le marché britannique jusqu’à l’expiration du brevet de molécule et de l’exclusivité des données pour l’IPA de ce médicament, alors que, à ce moment-là, plusieurs fabricants de génériques envisageaient d’entrer sur le marché avec de la paroxétine générique. D’après les indications du CAT, il s’agissait-là justement mais, du moins dans un premier temps, aussi uniquement, d’IVAX, de GUK et d’Alpharma, dont notamment les deux premiers étaient des fournisseurs de premier plan de produits génériques au Royaume-Uni(166).

211. Il appartient à la juridiction de renvoi de déterminer, sur la base des critères établis par la jurisprudence, si, dans ces conditions, les accords GUK et Alpharma n’ont pas seulement eu des effets, mais également des effets sensibles sur le jeu de la concurrence. À cette fin, le CAT pourra tenir compte non seulement de chaque accord isolément, mais également de leurs effets cumulatifs sur la situation de l’ensemble du marché. De même, le CAT pourra tenir compte de l’accord IVAX, qui, quoique non sanctionné en tant que restriction de concurrence par objet ou par effet(167), est indéniablement un élément pertinent du contexte économique et juridique dans lequel se sont insérés les accords GUK et Alpharma.

3)      Conclusion

212. Il découle des considérations qui précèdent qu’un accord de règlement amiable d’un litige entre le titulaire d’un brevet sur un médicament et le fabricant d’un produit générique de ce médicament constitue une restriction de concurrence par effet prohibée par l’article 101, paragraphe 1, TFUE si cet accord a pour effet d’éliminer le jeu de la concurrence entre ces opérateurs et si cet effet est sensible en raison du contexte de l’accord qui comprend, notamment, la structure du marché, la position des parties sur celui-ci ainsi que, le cas échéant, l’existence d’autres accords du même type. En revanche, la conclusion qu’un tel accord a de tels effets restrictifs de concurrence ne suppose pas de constater qu’en l’absence dudit accord, le fabricant de génériques aurait probablement eu gain de cause dans le litige de brevet ou les parties auraient probablement conclu un accord de règlement amiable moins restrictif.

2.      Sur l’article 102 TFUE

213. Les questions du CAT concernant l’article 102 TFUE portent, d’une part, sur le point de savoir si les versions génériques de la paroxétine pouvaient être prises en compte aux fins de la définition du marché pertinent sur lequel opérait GSK, et, d’autre part, sur la question de savoir si la conclusion des accords IVAX, GUK et Alpharma par GSK est susceptible d’être qualifiée d’abus de position dominante au sens de l’article 102 TFUE.

a)      Sur la définition du marché pertinent (septième question préjudicielle)

214. Avant de répondre à la question du CAT concernant la définition du marché pertinent aux fins de l’application de l’article 102 TFUE, il convient de délimiter plus précisément les contours de cette question.

1)      Sur la portée de la septième question préjudicielle

215. Avec sa septième question préjudicielle, le CAT souhaite savoir si, lorsqu’un produit pharmaceutique breveté peut être substitué sur le plan thérapeutique à une série d’autres produits d’une classe et que l’abus allégué au sens de l’article 102 TFUE consiste dans le fait, pour le titulaire du brevet, d’exclure du marché les versions génériques de ce produit, il convient de prendre en considération, aux fins de la définition du marché de produits concerné, ces produits génériques, alors que l’on ne sait pas s’ils pouvaient entrer sur le marché avant l’expiration du brevet en cause sans violer celui-ci.

216. Dans l’affaire au principal, les parties s’accordent sur le fait que le marché géographique pertinent aux fins de l’application de l’article 102 TFUE était le Royaume-Uni. En revanche, elles s’opposent sur la question de savoir si le marché de produits pertinent était composé de la seule paroxétine, comme le soutient la CMA(168), ou s’il comprenait au contraire tous les médicaments antidépresseurs du groupe des ISRS dont celle-ci fait partie(169), comme l’affirme GSK. Cette question est cruciale dans la mesure où GSK admet que, si l’on définissait le marché de produits pertinent comme étant la seule paroxétine, elle avait alors une position dominante au moment des accords, tandis que la CMA admet que, si l’on définissait ce marché comme englobant tous les ISRS, GSK n’y détenait alors pas une telle position.

217. Dans son jugement(170) comme dans sa demande de décision préjudicielle, le CAT a indiqué que l’approche de la CMA, selon laquelle le marché de produits pertinent était celui de la seule paroxétine et non celui de l’ensemble des ISRS, avait sa préférence. Toutefois, il note qu’il aurait besoin d’une réponse à la question, controversée entre les parties, de savoir s’il convient d’inclure les versions génériques de la paroxétine aux fins de la définition du marché de produits au moment des accords alors que, à ce moment-là, ces produits génériques ne se trouvaient pas encore sur le marché et que l’on ne sait pas, en raison de l’insécurité quant à l’issue des litiges entre GSK et les fabricants de génériques, s’ils pouvaient y entrer sans violer les droits de brevet de GSK.

218. Il ressort des considérations exposées dans le jugement du CAT(171) que celui-ci considère la réponse à cette question comme décisive parce que, selon lui, le marché de produits pertinent dans lequel a évolué la paroxétine a changé avec l’arrivée de la menace d’entrée sur le marché des génériques de ce médicament. Ainsi, alors qu’avant l’arrivée de cette menace, la paroxétine pouvait être considérée comme incluse dans le marché plus large de l’ensemble des ISRS, avec l’arrivée de la menace d’entrée des génériques de la paroxétine s’est formé un marché de produits propre à cette seule molécule. Cette approche est pertinente, selon le CAT, notamment, parce que la définition du marché en cause aux fins de l’article 102 TFUE revêt un caractère dynamique et doit être opérée en tenant compte du comportement abusif sous examen. Or, afin de confirmer une telle approche, le CAT a besoin de savoir s’il peut inclure les génériques de la paroxétine, quoique non encore présents sur le marché au moment des accords, dans son analyse du marché pertinent sur lequel le comportement de GSK s’est déroulé.

219. Il importe de rappeler que la position dominante visée à l’article 102 TFUE concerne une situation de puissance économique détenue par une entreprise qui lui donne le pouvoir de faire obstacle au maintien d’une concurrence effective sur le marché en cause en lui fournissant la possibilité de comportements indépendants dans une mesure appréciable vis-à-vis de ses concurrents, de ses clients et, finalement, des consommateurs(172).

220. La définition du marché en cause est donc, dans le cadre de l’application de l’article 102 TFUE, opérée en vue de définir le périmètre à l’intérieur duquel doit être apprécié la question de savoir si une entreprise est à même de se comporter, dans une mesure appréciable, indépendamment de ses concurrents, de ses clients et des consommateurs. La notion de marché pertinent implique ainsi qu’une concurrence effective puisse exister entre les produits ou les services qui en font partie, ce qui suppose un degré suffisant d’interchangeabilité en vue du même usage entre tous les produits ou les services faisant partie d’un même marché(173). Les possibilités de concurrence doivent donc être appréciées dans le cadre du marché regroupant l’ensemble des produits qui, en fonction de leurs caractéristiques, sont particulièrement aptes à satisfaire des besoins constants et peu interchangeables avec d’autres produits. Dans ce contexte, l’on ne saurait se limiter à l’examen des seules caractéristiques objectives des produits en cause, mais il faut également prendre en considération les conditions de concurrence et la structure de la demande et de l’offre sur le marché(174).

221. Comme la Commission l’a résumé au point 2 de sa communication sur la définition du marché en cause aux fins du droit communautaire de la concurrence(175), cette définition sert donc à identifier le périmètre à l’intérieur duquel s’exerce la concurrence entre les entreprises. Partant, son objet principal est d’identifier de manière systématique les contraintes que la concurrence fait peser sur les entreprises en cause et de déterminer s’il existe des concurrents réels, capables de peser sur le comportement de ces entreprises ou de les empêcher d’agir indépendamment des pressions qu’exerce une concurrence effective. En d’autres termes, il s’agit, selon la Cour, d’examiner s’il y a des produits concurrents qui exercent des contraintes concurrentielles significatives sur les entreprises en cause(176).

222. Un tel examen des contraintes concurrentielles pesant sur une certaine entreprise, basé sur les conditions de concurrence et sur la structure de la demande et de l’offre sur un certain marché, présente naturellement un caractère dynamique. Il paraît donc tout à fait concevable que l’arrivée d’une nouvelle offre de produits modifie la structure du marché pertinent de façon à en exclure d’autres produits qui en faisaient auparavant partie. Ainsi, en l’occurrence, il ne saurait être exclu que le marché pertinent sur lequel évoluait la paroxétine était, comme semble le considérer le CAT, composé de l’ensemble des ISRS au début du cycle de vie de ce principe actif, alors que ce marché s’est modifié de façon à comprendre uniquement la paroxétine lors de l’arrivée de la menace d’entrée sur le marché des génériques de cette molécule.

223. Il convient toutefois de noter que, dans le cadre de la procédure de renvoi préjudiciel instaurée par l’article 267 TFUE, toute appréciation des faits de la cause relève de la compétence de la juridiction de renvoi(177). Partant, en l’espèce, c’est au CAT qu’il incombe d’apprécier les contraintes concurrentielles pesant sur le Seroxat et de définir ce faisant le marché pertinent sur lequel évoluait celui-ci. Il appartient donc au seul CAT d’examiner la pression concurrentielle exercée sur le Seroxat aussi bien par les autres ISRS que, le cas échéant, par les génériques de la paroxétine, et de déterminer en conséquence si et, le cas échéant, pendant quelle période, ces médicaments faisaient partie du même marché pertinent ou de marchés pertinents distincts.

224. Il s’ensuit que l’office de la Cour se limite, dans le cadre de la présente question préjudicielle, à éclairer le CAT sur la question de savoir si, lors de l’appréciation des contraintes concurrentielles auxquelles était exposé le Seroxat au moment des accords en cause, il peut tenir compte des génériques de la paroxétine alors que ceux-ci n’étaient pas encore entrés sur le marché à ce moment-là et qu’il était incertain s’ils pouvaient entrer sur le marché sans violer les droits de brevet de GSK.

2)      Sur l’inclusion des génériques de la paroxétine aux fins de la détermination du marché pertinent

225. Il ressort de la formulation de la septième question préjudicielle du CAT que l’interrogation de celui-ci sur le point de savoir s’il peut tenir compte des génériques de la paroxétine lors de la définition du marché de produits pertinent au moment des accords provient tout d’abord du fait qu’il est incertain si ces génériques pouvaient entrer sur le marché sans violer les droits de brevet de GSK avant l’expiration de ceux-ci.

226. À cet égard, il découle toutefois déjà des développements effectués plus haut qu’une incertitude sur la validité du brevet d’un médicament et sur le caractère contrefaisant d’un produit générique n’empêche aucunement l’existence d’un rapport concurrentiel entre les opérateurs concernés. En effet, ainsi qu’il a été démontré, une telle insécurité est au contraire constitutive des rapports de concurrence potentielle entre titulaires de brevets et fabricants de médicaments génériques dans le secteur pharmaceutique(178).

227. De même n’appartient-il pas aux autorités de concurrence de se livrer à des examens et des prédictions concernant la licéité en termes de droits des brevets de l’entrée sur le marché d’un générique d’un médicament breveté(179). Partant, l’état d’incertitude entourant la licéité de la mise sur le marché d’un médicament générique au regard du droit des brevets ne saurait s’opposer à ce qu’une autorité de concurrence, aux fins de l’application du droit de la concurrence, conclue que ce médicament se situe dans un rapport de concurrence avec le médicament princeps protégé par le brevet dont la violation est alléguée et relève par conséquent du même marché de produits que celui-ci(180).

228. Il s’ensuit que ce n’est pas l’insécurité quant au point de savoir si les fabricants de génériques pouvaient entrer sur le marché avant l’expiration des droits de brevet de GSK sans porter atteinte à ces droits qui pourra empêcher le CAT de tenir compte des génériques de la paroxétine aux fins de la définition du marché de produits pertinent dans le cadre de la présente affaire.

229. Toutefois, il ressort des explications du CAT que ses doutes à cet égard proviennent non seulement du fait que l’on ne sait pas si les génériques de la paroxétine pouvaient entrer sur le marché sans violer les droits de brevet de GSK au moment pertinent, mais également du fait que, à ce moment-là, ces génériques ne se trouvaient pas encore sur le marché et n’étaient donc pas encore des concurrents actuels de GSK.

230. À cet égard, cette dernière soutient qu’une éventuelle pression concurrentielle exercée sur un produit par des produits fournis par des concurrents potentiels est sans pertinence pour définir le marché pertinent aux fins de l’application de l’article 102 TFUE. L’analyse de la substituabilité entre produits devrait au contraire être effectuée uniquement par référence à des produits qui sont effectivement disponibles sur le marché au moment considéré. Ce point de vue serait confirmé par le point 24 de la communication de la Commission sur la définition du marché en cause aux fins du droit communautaire de la concurrence(181), qui indique que la concurrence potentielle n’est pas prise en considération pour la définition des marchés.

231. Il ressort toutefois de la jurisprudence que le critère pour apprécier si un produit peut être pris en considération aux fins de la définition du marché de produits pertinent dans le cadre de l’application de l’article 102 TFUE n’est pas nécessairement celui de savoir si le producteur de ce produit est un concurrent potentiel, mais plutôt celui de savoir s’il est en mesure de se présenter sur le marché avec suffisamment de rapidité et de force pour exercer une contrainte concurrentielle significative sur l’entreprise en place sur le marché considéré.

232. En effet, ainsi qu’il a déjà été indiqué, la définition du marché en cause est, dans le cadre de l’application de l’article 102 TFUE, opérée en vue de définir le périmètre à l’intérieur duquel doit être appréciée la question de savoir si une entreprise est à même de se comporter, dans une mesure appréciable, indépendamment de ses concurrents, de ses clients et des consommateurs et de faire ainsi obstacle au maintien d’une concurrence effective. La définition du marché en cause sert donc à identifier les contraintes concurrentielles significatives que la concurrence fait peser sur les entreprises en cause(182).

233. Or, lors de l’identification de telles contraintes concurrentielles sur un certain marché, il peut être tenu compte non seulement de la substituabilité du côté de la demande, mais également de la substituabilité du côté de l’offre lorsque celle-ci a des effets équivalents à ceux de la substituabilité du côté de la demande en termes d’immédiateté et d’efficacité. Dans ce contexte, le critère de la substituabilité du côté de l’offre implique que les producteurs puissent, par une simple adaptation, se présenter sur ce marché avec une force suffisante pour constituer un contrepoids sérieux aux producteurs déjà présents sur le marché(183).

234. Si, comme l’a déjà analysé le Tribunal, les questions de la concurrence potentielle et de la substituabilité du côté de l’offre se chevauchent certes en partie, elles se distinguent donc néanmoins par le caractère immédiat ou non de l’entrée possible du concurrent concerné sur le marché(184). La substituabilité nécessaire aux fins de la définition du marché en cause doit ainsi se matérialiser à court terme(185).

235. En l’espèce, la question de savoir si les versions génériques de la paroxétine peuvent être prises en considération aux fins de la définition du marché de produits sur lequel évoluait GSK au moment des accords est une question de la substituabilité du côté de l’offre, puisqu’il s’agit de savoir si les producteurs de ces versions génériques pouvaient entrer sur le marché avec suffisamment de rapidité et de force pour exercer une contrainte concurrentielle significative sur GSK avant même leur entrée sur le marché.

236. Aux fins d’examiner cette question, la juridiction de renvoi devra donc analyser si, malgré l’incertitude quant à l’issue des litiges de brevet en cours entre GSK d’une part, et IVAX(186), GUK et Alpharma d’autre part, ces dernières exerçaient une contrainte concurrentielle significative sur GSK au moment des accords, parce qu’elles étaient à même d’entrer sur le marché avec suffisamment de rapidité et de force pour constituer un contrepoids sérieux à GSK.

237. Comme il a été indiqué, lors de cette analyse, il importe de tenir compte des conditions de concurrence et de la structure de la demande et de l’offre sur le marché considéré(187). Partant, en l’occurrence, le CAT pourra notamment tenir compte du fait que, dans le secteur pharmaceutique, il est courant que, après l’expiration des droits de brevet sur l’IPA d’un médicament princeps, des fabricants de génériques exercent une forte pression concurrentielle sur le laboratoire de princeps, et ce même en dépit de l’existence d’éventuels brevets de procédé qui n’empêchent pas, indépendamment de la question de leur validité, les fabricants de génériques d’entrer sur le marché avec l’IPA en question fabriquée selon d’autres procédés(188).

238. De même, le CAT devra prendre en considération l’état d’avancement de chacun des fabricants de génériques concernés dans leurs préparatifs d’entrée sur le marché, en termes, notamment, d’investissements, de constitutions de stocks du médicament en question ou encore de démarches commerciales et de demande et d’obtention d’AMM pour leurs produits.

239. Enfin, des éléments témoignant de la perception, par GSK, de l’immédiateté de la menace d’entrée sur le marché d’IVAX, de GUK et d’Alpharma pourront également être pris en compte pour évaluer le caractère significatif des contraintes concurrentielles exercées par ces fabricants sur GSK au moment considéré. À cet égard, il s’avère notamment pertinent que GSK était disposé à opérer d’importants transferts de valeur en faveur de ces fabricants afin de les inciter à abandonner leurs efforts pour entrer sur le marché de manière indépendante, transferts de valeur qui ne feraient pas de sens en l’absence de pression concurrentielle exercé par les fabricants de génériques sur GSK.

3)      Conclusion

240. Il résulte de ce qui précède que les versions génériques d’un médicament breveté, qui ne se trouvent pas encore sur le marché au moment considéré, peuvent être prises en considération aux fins de la définition du marché de produits pertinent au sens de l’article 102 TFUE si leurs fabricants sont en mesure de se présenter sur le marché avec suffisamment de rapidité et de force pour constituer un contrepoids sérieux au médicament breveté et exercer ainsi une pression concurrentielle significative sur le titulaire du brevet, ce qu’il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier. Dans ce contexte, le fait qu’il existe, au moment considéré, une insécurité quant au point de savoir si lesdites versions génériques peuvent entrer sur le marché avant l’expiration des droits de brevet du titulaire sans porter atteinte à ces droits, ne signifie pas qu’il n’existe pas de rapport concurrentiel entre le titulaire du brevet et les fabricants de génériques en cause et n’empêche donc pas de tenir compte des produits génériques concernés aux fins de la définition du marché de produits pertinent.

b)      Sur l’abus de position dominante (huitième à dixième questions préjudicielles)

241. Les questions préjudicielles du CAT concernant l’abus de position dominante s’articulent autour de deux points centraux. La première série de questions concerne le point de savoir si la conclusion d’accords tels que les accords IVAX, GUK et Alpharma, pris isolément ou dans leur ensemble, par un titulaire de brevet qui se trouve dans une position dominante, constitue un abus de position dominante au sens de l’article 102 TFUE. La deuxième série de questions tourne autour de l’appréhension, à cet égard, des avantages apportés par les accords en question.

242. Ainsi, d’une part, par sa huitième question, le CAT souhaite savoir, tout d’abord, si le fait, pour un titulaire de brevet qui se trouve dans une position dominante, de conclure un accord dans les circonstances décrites aux troisième à cinquième questions, constitue un abus de position dominante au sens de l’article 102 TFUE. Ensuite, par sa neuvième question, il demande si la réponse à cette question est différente lorsque l’accord en cause n’a pas été conclu en tant que règlement amiable d’une procédure juridictionnelle en cours, mais pour éviter l’introduction d’une telle procédure, comme cela a été le cas pour l’accord IVAX. Enfin, par sa dixième question, sous a), le CAT veut savoir si la réponse à ces questions est différente lorsque le titulaire du brevet a pour stratégie de conclure plusieurs accords de ce type pour éliminer le risque d’une entrée indépendante d’un produit générique sur le marché.

243. D’autre part, par sa dixième question, sous b) et c), le CAT interroge la Cour sur l’appréhension, au titre de l’article 102 TFUE, des avantages apportés par l’accord IVAX. Il est indiqué d’aborder, lors du traitement de cette question, également les avantages apportés par les accords GUK et Alpharma. En effet, le CAT se réfère à ces avantages dans sa huitième question, par son renvoi aux circonstances décrites dans les troisième à cinquième questions. Comme il ressort des développements effectués ci-dessus, les circonstances évoquées dans les troisième et quatrième questions se rapportent à la situation en matière de brevets et aux engagements respectifs des parties lors des accords GUK et Alpharma, alors que les circonstances indiquées à la cinquième question concernent les avantages apportés par ces accords(189). Il est dès lors indiqué de traiter ces dernières circonstances ensemble avec l’examen des avantages apportés par l’accord IVAX, au titre de la dixième question, sous b) et c).

1)      Sur la qualification de la conclusion d’un ou de plusieurs accords de règlement amiable de litiges de brevet d’abus de position dominante [huitième et neuvième questions préjudicielles ainsi que dixième question préjudicielle, sous a)]

244. Ainsi qu’il vient d’être indiqué, par ses huitième et neuvième questions préjudicielles ainsi que par sa dixième question préjudicielle, sous a), le CAT demande à la Cour si la conclusion d’accords tels que les accords IVAX, GUK et Alpharma, pris isolément ou dans leur ensemble, par un titulaire de brevet qui se trouve dans une position dominante, constitue un abus de position dominante au sens de l’article 102 TFUE. Ces questions concernent donc notamment l’articulation de l’application des articles 101 et 102 TFUE.

i)      Sur l’articulation de l’application des articles 101 et 102 TFUE

245. À cet égard, la Cour a déjà clarifié qu’il ressort des termes mêmes des articles 101 et 102 TFUE qu’une même pratique peut donner lieu à une infraction à ces deux dispositions, qui peuvent donc être appliquées de manière concomitante(190). En effet, comme l’article 102 TFUE vise de façon expresse des situations qui trouvent manifestement leur origine dans des liens contractuels, il est, dans ces cas, loisible aux autorités de concurrence, compte tenu notamment de la nature des engagements réciproquement assumés et de la position concurrentielle des divers contractants sur le marché ou les marchés auxquels ils appartiennent, de poursuivre la procédure sur la base de l’article 101 ou sur celle de l’article 102 TFUE(191).

246. Tout en tendant au même objet, à savoir au maintien d’une concurrence effective dans le marché intérieur, les articles 101 et 102 TFUE se distinguent cependant en ce que l’article 101 TFUE vise les accords entre entreprises, décisions d’associations d’entreprises et pratiques concertées, alors que l’article 102 TFUE vise l’action unilatérale d’une ou de plusieurs entreprises(192).

247. De plus, l’article 101 TFUE s’applique aux accords, décisions et pratiques concertées, susceptibles d’affecter le commerce entre États membres de manière sensible, sans tenir compte de la position sur le marché des entreprises concernées. En revanche, l’article 102 TFUE vise le comportement d’un ou plusieurs opérateurs économiques, lequel consiste dans le fait d’exploiter de façon abusive une situation de puissance économique qui permet à l’opérateur concerné de faire obstacle au maintien d’une concurrence effective sur le marché en cause en lui fournissant la possibilité de comportements indépendants dans une mesure appréciable vis-à-vis de ses concurrents, de ses clients et, finalement, des consommateurs(193).

248. Certes, la constatation de l’existence d’une position dominante n’implique par elle-même aucun reproche à l’égard de l’entreprise concernée(194), puisque l’article 102 TFUE n’a aucunement pour but d’empêcher une entreprise de conquérir, par ses propres mérites, la position dominante sur un marché(195).

249. Toutefois, la constatation qu’une entreprise détient une position dominante sur un certain marché signifie qu’il incombe à cette entreprise, indépendamment des causes d’une telle position, une responsabilité particulière de ne pas porter atteinte par son comportement à une concurrence effective et non faussée dans le marché intérieur(196). Le champ d’application matériel de cette responsabilité particulière pesant sur une entreprise dominante doit être apprécié au regard des circonstances spécifiques de chaque espèce, démontrant un affaiblissement de la concurrence(197).

250. Quant à la notion d’exploitation abusive, celle-ci est une notion objective qui vise les comportements d’une entreprise en position dominante qui sont de nature à influencer la structure d’un marché où, à la suite précisément de la présence de l’entreprise en question, le degré de concurrence est déjà affaibli et qui ont pour effet de faire obstacle, par le recours à des moyens différents de ceux qui gouvernent une compétition normale des produits ou services sur la base des prestations des opérateurs économiques, au maintien du degré de concurrence existant encore sur le marché ou au développement de cette concurrence(198). Il s’ensuit que l’article 102 TFUE interdit à une entreprise dominante d’éliminer un concurrent et de renforcer ainsi sa position en recourant à des moyens autres que ceux qui relèvent d’une concurrence par les mérites(199).

251. Si la conclusion d’un accord interdit par l’article 101 TFUE est à priori toujours susceptible de constituer un moyen autre que ceux qui relèvent d’une concurrence par les mérites, la conclusion d’un tel accord par une entreprise en position dominante est donc, notamment, susceptible de tomber en plus sous l’interdiction de l’article 102 TFUE si elle est de nature à influencer la structure du marché concerné de façon à entraver voire à éliminer la concurrence restante sur celui-ci(200).

ii)    Sur la conclusion des accords concernés au principal comme emploi d’un moyen autre qu’une concurrence par les mérites par GSK

252. En l’espèce, il ressort des explications du CAT que celui-ci considère que la réponse à ses questions préjudicielles concernant l’article 102 TFUE dépend, dans une large mesure, de la réponse à ses questions concernant le point de savoir si les accords conclus par GSK étaient susceptibles de constituer des restrictions de concurrence par objet au sens de l’article 101 TFUE, en sorte que leur conclusion était également susceptible de constituer un moyen autre qu’une concurrence par les mérites employé par GSK pour renforcer sa position sur le marché au sens de l’article 102 TFUE. Or, il ressort des développements déjà effectués plus haut que, sous réserve des vérifications qu’il incombe à la juridiction de renvoi d’effectuer, cela est le cas en ce qui concerne les accords GUK et Alpharma(201).

253. Sous réserve également des vérifications factuelles qu’il incombe au CAT d’effectuer, la conclusion ne saurait être autre en ce qui concerne l’accord IVAX, qui n’a pas été sanctionné au titre de l’interdiction des accords anticoncurrentiels par la CMA et qui n’a pas été spécifiquement examiné ci-dessus au titre des questions sur l’article 101 TFUE(202). Ainsi, d’après les indications du CAT, la seule différence notable entre l’accord IVAX et les accords GUK et Alpharma résidait dans le fait qu’il n’y avait pas de procédure juridictionnelle pendante entre les parties au moment de la conclusion de l’accord IVAX. Toutefois, selon le CAT, à défaut de la conclusion de cet accord, IVAX aurait voulu entrer sur le marché de manière indépendante et GSK aurait engagé une procédure en contrefaçon du brevet à l’encontre d’IVAX. De plus, même si, contrairement aux accords GUK et Alpharma, il n’y avait, dans l’accord IVAX, aucune restriction contractuelle explicite à l’entrée indépendante d’IVAX sur le marché(203), selon le CAT, telle était néanmoins l’intention des parties et c’est de cette façon qu’elles comprenaient l’accord.

254. Il s’ensuit que, sans préjudice de la question de savoir si l’accord IVAX constituait alors également une restriction de la concurrence par objet au sens de l’article 101 TFUE et si son exemption de l’interdiction prévue par cette dernière disposition au titre du droit britannique était conforme au droit de l’Union, ce qu’il n’appartient pas à la Cour de trancher dans le cadre de la présente procédure, force est de constater que les considérations développées plus haut concernant les accords GUK et Alpharma s’appliquent également pleinement au regard de l’accord IVAX. Ainsi, si celui-ci n’avait, ce qu’il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier, d’autre objet que d’inciter IVAX à s’abstenir d’entrer sur le marché de manière indépendante au moyen d’un transfert de valeur de la part de GSK qui n’avait d’autre contrepartie que cette abstention, sa conclusion s’apparentait, de la part de GSK, à l’emploi d’un moyen autre qu’une concurrence par les mérites et est, partant, susceptible de constituer un abus de position dominante au sens de l’article 102 TFUE. Le fait que l’accord IVAX n’a pas été conclu en tant que règlement amiable d’une procédure juridictionnelle en cours, mais pour éviter l’introduction d’une telle procédure, ne saurait en effet rien changer à ce constat.

iii) Sur la conclusion des accords concernés au principal par GSK comme moyen de nature à influencer la structure du marché concerné de façon à entraver voire à éliminer la concurrence restante sur celui-ci

255. Concernant l’appréhension des accords en cause au principal sous l’angle de l’article 102 TFUE, il convient, à titre liminaire, d’indiquer que, ainsi que l’a précisé la jurisprudence, si l’existence d’une position dominante ne saurait certes priver une entreprise se trouvant dans une telle position du droit de préserver ses propres intérêts commerciaux, lorsque ceux-ci sont attaqués, une telle défense ne saurait être admise si elle se manifeste dans un comportement constitutif d’un abus de position dominante(204). De même, si l’exercice d’une prérogative du titulaire d’un droit de propriété intellectuelle, même lorsqu’il s’agit d’une entreprise en position dominante, ne saurait constituer en lui-même un abus de celle-ci, l’exercice du droit exclusif du titulaire peut, dans des circonstances exceptionnelles, donner lieu à un comportement abusif(205).

256. Ensuite, ainsi qu’il a été indiqué ci-dessus, la conclusion, par une entreprise en position dominante, d’un accord interdit par l’article 101 TFUE, qui constitue l’emploi d’un moyen autre qu’une concurrence par les mérites, est, notamment, susceptible de tomber en plus sous l’interdiction de l’article 102 TFUE si elle est de nature à influencer la structure du marché concerné de façon à entraver voire à éliminer la concurrence restante sur celui-ci(206). Le constat que la conclusion d’un accord constitue en plus une pratique interdite par l’article 102 TFUE dépend donc notamment de la structure concurrentielle du marché concerné et de la position des parties à l’accord sur celui-ci(207).

257. En l’occurrence, s’il est avéré qu’un accord entre le titulaire d’un brevet sur un médicament, qui se trouve en position dominante sur le marché concerné, et un fabricant d’un générique de ce médicament, vise à inciter le second à abandonner ses efforts pour entrer sur le marché de manière indépendante au moyen d’un transfert de valeur qui n’a d’autre contrepartie que ledit abandon, la conclusion d’un tel accord par le titulaire du brevet est susceptible de relever de l’interdiction de l’article 102 TFUE si elle a pour effet d’influencer la structure de la concurrence sur le marché concerné de manière à entraver le développement de cette concurrence voire à l’éliminer.

258. Or, ceci est une conséquence d’autant plus envisageable dans la mesure où, ainsi qu’il a déjà été indiqué, en raison des caractéristiques inhérentes au secteur pharmaceutique, un tel accord conclu entre le titulaire d’un brevet et un fabricant de génériques peut, en fonction du moment où il est conclu et de la position et du nombre de concurrents génériques potentiels, avoir pour effet d’éliminer en grande partie voire entièrement la concurrence potentielle relative au produit concerné(208), renforçant ainsi la position du titulaire du brevet par le recours à un moyen autre qu’une concurrence par les mérites.

259. Toutefois, il ressort des faits sous-jacents au litige au principal que GSK n’a pas été sanctionné au titre de la disposition interne équivalente à l’article 102 TFUE pour la conclusion d’un seul accord anticoncurrentiel, mais pour la conclusion des accords IVAX, GUK et Alpharma dans leur ensemble(209).

260. Partant, la question qui se pose en l’espèce n’est pas celle de savoir si la conclusion d’un seul de ces accords est susceptible de constituer un abus de position dominante au sens de l’article 102 TFUE de la part de GSK, mais si la conclusion de l’ensemble de ces accords est susceptible de relever d’une telle qualification.

261. Dans ces conditions, il appartiendra à la juridiction de renvoi d’examiner si la conclusion, par GSK, des accords IVAX, GUK et Alpharma, était de nature à entraver voire à éliminer la concurrence sur le marché concerné et à renforcer ainsi la position dominante de GSK par des moyens autres qu’une concurrence par les mérites. Dans le cadre de cet examen, le CAT pourra tenir compte, notamment, de la position et de l’importance respectives des fabricants de génériques concernés en termes de pression concurrentielle exercée sur GSK, ainsi que de l’existence ou de l’absence d’autres sources de contraintes concurrentielles au moment considéré(210). De même, le CAT pourra prendre en considération l’existence d’une éventuelle intention anticoncurrentielle ainsi que d’une stratégie d’ensemble de la part de GSK visant à éliminer ses concurrents, qui constituent des éléments factuels susceptibles d’être pris en compte aux fins de la détermination de l’existence d’un abus de position dominante(211).

iv)    Conclusion

262. Il ressort des considérations qui précèdent que la conclusion de plusieurs accords de règlement amiable de litiges de brevets, que ceux‑ci aient déjà donné lieu à l’introduction de procédures juridictionnelles ou non, par le titulaire d’un brevet qui occupe une position dominante sur le marché concerné, avec plusieurs fabricants de génériques, constitue un abus de position dominante si ces accords visent à inciter lesdits fabricants à abandonner leurs efforts pour entrer sur le marché de manière indépendante au moyen d’un transfert de valeur qui n’a d’autre contrepartie que ledit abandon, et si leur conclusion est de nature à influencer la structure du marché concerné de façon à entraver voire à éliminer la concurrence restante sur celui-ci et à renforcer ainsi la position dominante du titulaire du brevet par des moyens autres qu’une concurrence par les mérites, ce qu’il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier.

2)      Sur les avantages apportés par les accords concernés au principal [dixième question préjudicielle, sous b) et c)]

263. Par sa dixième question préjudicielle, sous b) et c), lue en combinaison avec sa huitième question, le CAT demande si la réponse à ses questions précédentes sur l’abus de position dominante est différente si les accords concernés ont apporté certains avantages au système national de santé et aux consommateurs, qui étaient néanmoins nettement inférieurs aux avantages qui auraient été apportés par une entrée indépendante des génériques sur le marché(212). De plus, le CAT souhaite savoir quel est le rôle joué à cet égard par le fait que les parties n’avaient pas l’intention de réaliser ces avantages lorsqu’elles ont conclu les accords en cause.

264. D’un point de vue factuel, le CAT se réfère ici, d’une part, en ce qui concerne les accords GUK et Alpharma, aux avantages limités, déjà abordés plus haut, apportés par ceux-ci aux consommateurs en termes de coûts et de qualité(213). D’autre part, en ce qui concerne l’accord IVAX, le CAT se réfère au fait que celui-ci a impliqué une diminution du niveau de remboursement de la paroxétine en raison de la structure du système national de remboursement des pharmacies par les autorités de la santé publique, ce qui a procuré à ces dernières des économies substantielles(214).

i)      Sur l’obligation de prendre en considération les avantages allégués

265. Tout d’abord, il importe de clarifier que le point de savoir si ces avantages apportés aux consommateurs et à la caisse nationale de santé aient ou non été dans l’intention des parties au moment de la conclusion des accords n’est pas décisif pour la prise en compte desdits avantages par le CAT lors de son examen de l’existence d’un abus de position dominante de la part de GSK.

266. En effet, ainsi qu’il a été indiqué ci-dessus, la notion d’exploitation abusive d’une position dominante est une notion objective(215). En outre, si d’éventuelles intentions ou stratégies anticoncurrentielles de la part de l’entreprise dominante sont susceptibles d’être prises en considération aux fins de la constatation de l’existence d’un abus de position dominante, la présence de telles intentions ou stratégies n’est nullement indispensable pour parvenir à une telle constatation(216). Or, ceci doit signifier à l’inverse que d’éventuels avantages apportés par une pratique susceptible de tomber sous le coup de l’interdiction de l’article 102 TFUE devront également être appréciés de manière objective et sans exigence d’une intention des parties en ce sens.

267. De surcroît, ainsi que la Cour l’a constaté dans son arrêt dans l’affaire Intel/Commission, les autorités et juridictions chargées d’appliquer le droit de la concurrence sont tenues d’examiner l’ensemble des arguments et éléments apportés par l’entreprise concernée visant à mettre en cause le bien-fondé des constatations quant à l’existence d’un abus de position dominante dans son chef. Dans ce cadre, les autorités et juridictions en cause sont notamment tenues d’examiner des éléments apportés par l’entreprise susceptibles de démontrer que les effets désavantageux pour la concurrence d’une certaine pratique peuvent être contrebalancés voire surpassés par des avantages en termes d’efficacité qui profitent aussi au consommateur(217).

ii)    Sur la possibilité de justifier des agissements susceptibles de tomber sous le coup de l’interdiction énoncée à l’article 102 TFUE

268. Ensuite, quant à l’impact de la prise en considération de tels éléments sur la constatation d’un abus de position dominante, il convient de noter que, d’après la jurisprudence, une entreprise occupant une position dominante peut justifier des agissements susceptibles de tomber sous le coup de l’interdiction énoncée à l’article 102 TFUE. En particulier, une telle entreprise peut démontrer, à cet effet, soit que son comportement est objectivement nécessaire, soit que l’effet d’éviction qu’il entraîne peut être contrebalancé, voire surpassé, par des avantages en termes d’efficacité qui profitent également aux consommateurs (218).

269. À ce dernier égard, la Cour a précisé qu’il appartient à l’entreprise occupant une position dominante de démontrer que les gains d’efficacité susceptibles de résulter du comportement considéré neutralisent les effets préjudiciables probables sur le jeu de la concurrence et les intérêts des consommateurs sur les marchés affectés, que ces gains d’efficacité ont été ou sont susceptibles d’être réalisés grâce audit comportement, que ce dernier est indispensable à la réalisation de ceux-ci et qu’il n’élimine pas une concurrence effective en supprimant la totalité ou la plupart des sources existantes de concurrence actuelle ou potentielle(219).

270. Or, en l’occurrence, sous réserve des constatations factuelles qu’il appartient au CAT d’effectuer, il n’apparaît pas, sur la base des indications fournies par celui-ci, que les avantages apportés par les accords IVAX, GUK et Alpharma soient de nature à remplir les conditions ainsi posées par la Cour pour justifier un comportement susceptible de tomber sous le coup de l’article 102 TFUE et échapper de cette manière à l’interdiction énoncée à cette disposition.

271. Ainsi, pour ce qui est des avantages apportés aux consommateurs par les accords GUK et Alpharma, il a déjà été constaté plus haut que la fourniture de quantités limitées de paroxétine par GSK à ces fabricants de génériques ne donnait lieu à aucune pression concurrentielle significative sur GSK, mais correspondait seulement à une réorganisation contrôlée du marché de la paroxétine par GSK ainsi qu’à la mise en place de transferts de valeur non monétaires(220). Or, rien n’indique qu’il en aurait été autrement en ce qui concerne la fourniture de quantités limitées de paroxétine par GSK à IVAX. Le fait que cet accord a, en plus, eu pour effet d’entraîner une baisse des prix de remboursement du système national de santé et de faire ainsi réaliser des économies à celui-ci ne saurait en effet rien changer sur le fond.

272. En effet, l’article 102 TFUE vise non seulement les pratiques qui causent un préjudice immédiat aux consommateurs, mais également celles qui leur causent un préjudice en portant atteinte au jeu de la concurrence(221). Partant, des avantages limités apportés aux consommateurs ne sauraient contrebalancer un préjudice causé par l’élimination de tout jeu de la concurrence sur le marché pertinent.

273. Or, ainsi qu’il ressort également des développements déjà effectués, les accords IVAX, GUK et Alpharma avaient précisément pour effet d’éliminer la concurrence effective au regard de la paroxétine en supprimant la totalité des sources existantes de concurrence potentielle au moment de leur conclusion, puisqu’ils ont incité ces fabricants de génériques à abandonner leurs efforts aux fins de réaliser une entrée indépendante sur le marché pour le temps convenu en échange d’un transfert de valeur. Partant, les avantages limités apportés par ces accords n’étaient aucunement de nature à en neutraliser voire même seulement à en contrebalancer les effets négatifs sur le jeu de la concurrence.

274. Ceci est d’autant plus vrai que, ainsi qu’il a également été indiqué, même si l’on ne sait pas si les fabricants de génériques auraient pu entrer sur le marché de manière indépendante en l’absence des accords puisque l’issue des litiges de brevet entre GSK et les fabricants de génériques est incertaine, ce qui compte n’est pas l’entrée à tout prix des fabricants de génériques sur le marché mais le fait que cette entrée se réalise ou ne se réalise pas en raison du libre jeu de la concurrence et non en raison d’un comportement abusif de la part de GSK tendant par ailleurs à éliminer toute concurrence sur le marché pertinent(222). Il n’appartient en effet pas à l’entreprise en position dominante de déterminer la manière dont ses concurrents sont autorisés à entrer sur le marché et de remplacer ainsi le libre jeu de la concurrence par une réorganisation du marché effectuée sous son contrôle(223).

iii) Conclusion

275. Il découle de ces considérations que, lors de l’examen de l’existence d’un abus de position dominante, une autorité de concurrence ou une juridiction compétente doit tenir compte d’éventuels avantages induits par la pratique concernée, que la réalisation de ceux-ci ait été dans l’intention des opérateurs impliqués ou non. De tels avantages ne peuvent toutefois justifier des agissements susceptibles de tomber sous le coup de l’interdiction énoncée à l’article 102 TFUE que si l’entreprise occupant une position dominante démontre qu’ils neutralisent les effets préjudiciables de la pratique sur le jeu de la concurrence sur les marchés affectés. Le fait que plusieurs accords de règlement amiable conclus par le titulaire d’un brevet avec des fabricants de génériques prévoient une entrée contrôlée de ces fabricants sur le marché qui procure aux consommateurs des avantages limités n’est cependant pas de nature à remplir ces conditions, si ces accords ont par ailleurs pour effet d’éliminer une concurrence effective en supprimant la totalité ou la plupart des sources existantes de concurrence potentielle, ce qu’il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier.

VI.    Conclusion

276. À la lumière des considérations qui précèdent, nous proposons à la Cour de répondre comme suit aux questions préjudicielles du Competition Appeal Tribunal (tribunal de la concurrence, Royaume-Uni) :

1)      L’insécurité sur la validité d’un brevet sur un médicament ou sur le caractère contrefaisant d’un générique de ce médicament n’empêche pas de considérer le titulaire du brevet et le fabricant du générique comme des concurrents potentiels. L’existence d’un litige de bonne foi sur la validité d’un brevet ou le caractère contrefaisant d’un produit générique, qu’il ait ou non déjà donné lieu à une procédure juridictionnelle et des injonctions ou engagements judiciaires provisoires, est au contraire un élément susceptible de démontrer qu’il existe une concurrence potentielle entre le titulaire du brevet et le fabricant de génériques. De même, la perception du titulaire du brevet et le fait que celui-ci considère le fabricant de génériques comme un concurrent potentiel sont des éléments susceptibles de témoigner de l’existence d’une concurrence potentielle entre ces deux opérateurs.

2)      Un accord de règlement amiable d’une procédure juridictionnelle, à l’issue incertaine, sur un litige réel relatif à la validité d’un brevet ou au caractère contrefaisant d’un produit générique, aux termes duquel le titulaire du brevet s’engage, en faveur d’un fabricant de génériques, à un transfert de valeur suffisamment élevé pour inciter ce dernier à abandonner ses efforts pour entrer sur le marché de manière indépendante, constitue une restriction de concurrence par objet s’il est avéré que ce transfert de valeur n’a d’autre contrepartie que l’abstention du fabricant de génériques d’entrer sur le marché avec son produit et de poursuivre la contestation du brevet pendant la durée convenue, ce qu’il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier. Ceci vaut également lorsque les restrictions imposées par un tel accord ne dépassent pas la portée et la durée de validité restante du brevet et lorsque le montant transféré au fabricant de génériques est inférieur au bénéfice escompté de ce dernier en cas d’entrée indépendante sur le marché.

3)      L’appréciation des avantages apportés aux consommateurs par un accord entre concurrents est pertinente au titre de l’article 101, paragraphe 1, TFUE afin d’examiner si la présence de ces avantages est de nature à créer un doute quant à l’existence d’une restriction de concurrence en général et d’une restriction de concurrence par objet en particulier. Le fait qu’un accord de règlement amiable d’un litige entre le titulaire d’un brevet et un fabricant de génériques prévoit une entrée contrôlée de ce fabricant sur le marché, qui ne donne pas lieu à une pression concurrentielle significative sur le titulaire du brevet mais procure aux consommateurs des avantages limités qu’ils n’auraient pas eus si le titulaire du brevet avait obtenu gain de cause dans le litige, n’est cependant pas de nature à créer un tel doute, si l’accord en cause a par ailleurs pour objet d’inciter le fabricant de génériques à abandonner ses efforts pour entrer sur le marché de manière indépendante au moyen d’un transfert de valeur qui n’a d’autre contrepartie que ledit abandon, ce qu’il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier.

4)      Un accord de règlement amiable d’un litige entre le titulaire d’un brevet sur un médicament et le fabricant d’un produit générique de ce médicament constitue une restriction de concurrence par effet prohibée par l’article 101, paragraphe 1, TFUE si cet accord a pour effet d’éliminer le jeu de la concurrence entre ces opérateurs et si cet effet est sensible en raison du contexte de l’accord qui comprend, notamment, la structure du marché, la position des parties sur celui-ci ainsi que, le cas échéant, l’existence d’autres accords du même type. En revanche, la conclusion qu’un tel accord a de tels effets restrictifs de concurrence ne suppose pas de constater qu’en l’absence dudit accord, le fabricant de génériques aurait probablement eu gain de cause dans le litige de brevet ou les parties auraient probablement conclu un accord de règlement amiable moins restrictif.

5)      Les versions génériques d’un médicament breveté, qui ne se trouvent pas encore sur le marché au moment considéré, peuvent être prises en considération aux fins de la définition du marché de produits pertinent au sens de l’article 102 TFUE si leurs fabricants sont en mesure de se présenter sur le marché avec suffisamment de rapidité et de force pour constituer un contrepoids sérieux au médicament breveté et exercer ainsi une pression concurrentielle significative sur le titulaire du brevet, ce qu’il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier. Dans ce contexte, le fait qu’il existe, au moment considéré, une insécurité quant au point de savoir si lesdites versions génériques peuvent entrer sur le marché avant l’expiration des droits de brevet du titulaire sans porter atteinte à ces droits, ne signifie pas qu’il n’existe pas de rapport concurrentiel entre le titulaire du brevet et les fabricants de génériques en cause et n’empêche donc pas de tenir compte des produits génériques concernés aux fins de la définition du marché de produits pertinent.

6)      La conclusion de plusieurs accords de règlement amiable de litiges de brevets, que ceux-ci aient déjà donné lieu à l’introduction de procédures juridictionnelles ou non, par le titulaire d’un brevet qui occupe une position dominante sur le marché concerné, avec plusieurs fabricants de génériques, constitue un abus de position dominante si ces accords visent à inciter lesdits fabricants à abandonner leurs efforts pour entrer sur le marché de manière indépendante au moyen d’un transfert de valeur qui n’a d’autre contrepartie que ledit abandon, et si leur conclusion est de nature à influencer la structure du marché concerné de façon à entraver voire à éliminer la concurrence restante sur celui-ci et à renforcer ainsi la position dominante du titulaire du brevet par des moyens autres qu’une concurrence par les mérites, ce qu’il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier.

7)      Lors de l’examen de l’existence d’un abus de position dominante, une autorité de concurrence ou une juridiction compétente doit tenir compte d’éventuels avantages induits par la pratique concernée, que la réalisation de ceux-ci ait été dans l’intention des opérateurs impliqués ou non. De tels avantages ne peuvent toutefois justifier des agissements susceptibles de tomber sous le coup de l’interdiction énoncée à l’article 102 TFUE que si l’entreprise occupant une position dominante démontre qu’ils neutralisent les effets préjudiciables de la pratique sur le jeu de la concurrence sur les marchés affectés. Le fait que plusieurs accords de règlement amiable conclus par le titulaire d’un brevet avec des fabricants de génériques prévoient une entrée contrôlée de ces fabricants sur le marché qui procure aux consommateurs des avantages limités n’est cependant pas de nature à remplir ces conditions, si ces accords ont par ailleurs pour effet d’éliminer une concurrence effective en supprimant la totalité ou la plupart des sources existantes de concurrence potentielle, ce qu’il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier.


1      Langue originale : le français.


2      À savoir GlaxoSmithKline plc, Xellia Pharmaceuticals ApS, Alpharma LLC, Actavis UK Ltd et Merck KGaA.


3      Voir décision de la Commission C (2013) 3803 final, du 19 juin 2013, relative à une procédure d’application de l’article 101 TFUE et de l’article 53 de l’accord EEE (affaire AT.39226 – Lundbeck) ; cette décision a donné lieu aux arrêts du Tribunal du 8 septembre 2016, actuellement sous pourvoi, dans les affaires Sun Pharmaceutical Industries et Ranbaxy (UK)/Commission (T‑460/13, non publié, EU:T:2016:453 ; affaire C‑586/16 P, pendante) ; Arrow Group et Arrow Generics/Commission (T‑467/13, non publié, EU:T:2016:450 ; affaire C‑601/16 P, pendante) ; Generics (UK)/Commission (T-469/13, non publié, EU:T:2016:454 ; affaire C‑588/16 P, pendante) ; Merck/Commission (T-470/13, non publié, EU:T:2016:452 ; affaire C‑614/16 P, pendante) ; Xellia Pharmaceuticals et Alpharma/Commission (T-471/13, non publié, EU:T:2016:460 ; affaire C‑611/16 P, pendante), ainsi que Lundbeck/Commission (T-472/13, EU:T:2016:449 ; affaire C‑591/16 P, pendante).


4      Voir décision de la Commission C (2014) 4955 final, du 9 juillet 2014, relative à une procédure d’application des articles 101 et 102 TFUE [affaire AT.39612 – Périndopril (Servier)] ; cette décision a donné lieu aux arrêts du Tribunal du 12 décembre 2018, actuellement sous pourvoi, dans les affaires Biogaran/Commission (T‑677/14, EU:T:2018:910 ; affaire C‑207/19 P, pendante) ; Teva UK e.a./Commission (T-679/14, non publié, EU:T:2018:919 ; affaire C‑198/19 P, pendante) ; Lupin/Commission (T-680/14, non publié, EU:T:2018:908 ; affaire C‑144/19 P, pendante) ; Mylan Laboratories et Mylan/Commission (T‑682/14, non publié, EU:T:2018:907 ; affaire C‑197/19 P, pendante) ; Krka/Commission (T-684/14, non publié, EU:T:2018:918 ; affaire C‑151/19 P, pendante) ; Servier e.a./Commission (T-691/14, EU:T:2018:922 ; affaires C‑176/19 P et C‑201/19 P, pendantes) ; Niche Generics/Commission (T‑701/14, non publié, EU:T:2018:921 ; affaire C‑164/19 P, pendante), ainsi que Unichem Laboratories/Commission (T-705/14, non publié, EU:T:2018:915 ; affaire C‑166/19 P pendante).


5      Voir, sur le cadre juridique à ce dernier égard, arrêt du 28 juin 2017, Novartis Europharm/Commission (C‑629/15 P et C‑630/15 P, EU:C:2017:498, points 2 et suiv.).


6      À savoir l’engagement de respecter toute ordonnance de la chambre des brevets si celle-ci décidait ultérieurement que l’injonction a causé un préjudice à GUK qui devrait être dédommagée.


7      Voir ci-dessus, points 15 et 16 des présentes conclusions.


8      De plus, la validité des revendications de procédé du brevet sur l’anhydre jugées valides dans la procédure BASF (point 24 des présentes conclusions) a de nouveau été confirmée en appel (mais pas en première instance) dans cette procédure Apotex (voir points 47 à 49 et note en bas de page 14 du jugement du CAT, et points 3.135 et 3.136 de la décision de la CMA).


9      Référence : CE-9531/11.


10      The Competition Act 1998 (Land and Vertical Agreements Exclusion) Order 2000, SI 2000/310.


11      Voir ci-dessus, note en bas de page 3 des présentes conclusions.


12      Voir ci-dessus, note en bas de page 4 des présentes conclusions.


13      Référence : [2018] CAT 4, affaires nos 1251-1255/1/12/16.


14      Voir ci-dessus, point 28 des présentes conclusions.


15      Comme l’indique la juridiction de renvoi, à partir du 1er mai 2004, la CMA était tenue par l’article 3 du règlement (CE) n° 1/2003 du Conseil, du 16 décembre 2002, relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux articles 81 et 82 du traité (JO 2003, L 001, p. 1), d’appliquer les règles de concurrence de l’Union en même temps que les règles de concurrence nationales à un accord susceptible d’affecter le commerce entre États membres. La CMA a conclu que tel était le cas de l’accord GUK aux points 10.19 à 10.27 de la décision de la CMA.


16      Voir ci-dessus, point 18 des présentes conclusions.


17      Points 1.17 et 4.127 de la décision de la CMA ; point 377 du jugement du CAT.


18      Voir, pour cette date, ci-dessus, point 15 des présentes conclusions.


19      Arrêts du 18 octobre 1990, Dzodzi (C‑297/88 et C‑197/89, EU:C:1990:360, points 36, 37 et 41) ; du 14 mars 2013, Allianz Hungária Biztosító e.a. (C‑32/11, EU:C:2013:160, point 20), ainsi que du 15 novembre 2016, Ullens de Schooten (C‑268/15, EU:C:2016:874, point 53).


20      Voir ci-dessus, points 14, 16 et 19 des présentes conclusions. Spécifiquement sur l’accord IVAX, voir également, ci-après, point 253 des présentes conclusions.


21      Voir ci-dessus, points 22 et 27 des présentes conclusions.


22      Voir ci-dessus, points 10 et 11 des présentes conclusions.


23      Voir, notamment, points 205, 321 et 333 du jugement du CAT. Sans préjudice de la question de savoir quand il faut se placer dans le temps pour apprécier ce point, il convient d’indiquer, à titre purement informatif sur le plan factuel, que les revendications de procédé dans le brevet sur l’anhydre ont (après la conclusion des accords IVAX et GUK) été jugées valides une première fois dans la procédure BASF, et (après la conclusion des accords IVAX, GUK et Alpharma) une seconde fois dans la procédure Apotex (voir ci-dessus, points 24 et 25 et note en bas de page 8 des présentes conclusions) ; il n’est toutefois pas possible de déterminer si cela a réglé définitivement la question de la validité de ces revendications. En tout état de cause, la juridiction de renvoi, compétente pour l’appréciation des faits, part de l’hypothèse qu’il était incertain au moment de la conclusion des accords en cause si les revendications de brevets litigieuses étaient valides, et il est dans tous les cas incertain si les produits d’IVAX, de GUK et d’Alpharma auraient été trouvés contrefaisants.


24      Voir, notamment, points162, 242 à 244 et 320 à 326 du jugement du CAT.


25      Voir ci-dessus, points 28 et 29 des présentes conclusions.


26      Voir arrêts du 1er juillet 2008, MOTOE (C‑49/07, EU:C:2008:376, point 30), et du 14 mars 2013, Allianz Hungária Biztosító e.a. (C‑32/11, EU:C:2013:160, point 29).


27      Voir arrêts du Tribunal du 29 juin 2012, E.ON Ruhrgas et E.ON/Commission (T‑360/09, EU:T:2012:332, point 84), et du 8 septembre 2016, Lundbeck/Commission (T‑472/13, EU:T:2016:449, point 98).


28      Arrêts du Tribunal du 15 septembre 1998, European Night Services e.a./Commission (T‑374/94, T‑375/94, T‑384/94 et T‑388/94, EU:T:1998:198, point 137) ; du 14 avril 2011, Visa Europe et Visa International Service/Commission (T‑461/07, EU:T:2011:181, point 68) ; du 29 juin 2012, E.ON Ruhrgas et E.ON/Commission (T‑360/09, EU:T:2012:332, point 85), ainsi que du 8 septembre 2016, Lundbeck/Commission (T‑472/13, EU:T:2016:449, point 99).


29      Arrêt du 20 janvier 2016, Toshiba Corporation/Commission (C‑373/14 P, EU:C:2016:26, points 31, 32 et 34) ; voir également arrêts du Tribunal du 28 juin 2016, Portugal Telecom/Commission (T‑208/13, EU:T:2016:368, point 181), et Telefónica/Commission (T‑216/13, EU:T:2016:369, point 221).


30      Voir, en ce sens, arrêt du 28 février 1991, Delimitis (C‑234/89, EU:C:1991:91, point 21) ; s’agissant des conditions pour la qualification d’une entreprise en tant que concurrent potentiel par la Commission, voir arrêts du Tribunal du 15 septembre 1998, European Night Services e.a./Commission (T‑374/94, T‑375/94, T‑384/94 et T‑388/94, EU:T:1998:198, point 137) ; du 14 avril 2011, Visa Europe et Visa International Service/Commission (T‑461/07, EU:T:2011:181, points 68, 166 et 167) ; du 29 juin 2012, E.ON Ruhrgas et E.ON/Commission (T‑360/09, EU:T:2012:332, points 85 et 86), ainsi que du 8 septembre 2016, Lundbeck/Commission (T‑472/13, EU:T:2016:449, points 99 et 100) ; voir, également, point 10 des lignes directrices de la Commission sur l’applicabilité de l’article 101 TFUE aux accords de coopération horizontale (JO 2011, C 11, p. 1).


31      Voir, en ce sens, arrêts du Tribunal du 14 avril 2011, Visa Europe et Visa International Service/Commission (T‑461/07, EU:T:2011:181, point 168) ; du 29 juin 2012, E.ON Ruhrgas et E.ON/Commission (T‑360/09, EU:T:2012:332, point 87), ainsi que du 8 septembre 2016, Lundbeck/Commission (T‑472/13, EU:T:2016:449, point 101).


32      Arrêt du 20 janvier 2016, Toshiba Corporation/Commission (C‑373/14 P, EU:C:2016:26, points 33 et 34) ; voir, également, arrêts du Tribunal du 28 juin 2016, Portugal Telecom/Commission (T‑208/13, EU:T:2016:368, point 180), et Telefónica/Commission (T‑216/13, EU:T:2016:369, points 218 et 227), ainsi que du 8 septembre 2016, Lundbeck/Commission (T‑472/13, EU:T:2016:449, point 144).


33      Arrêt du Tribunal du 14 avril 2011, Visa Europe et Visa International Service/Commission (T‑461/07, EU:T:2011:181, point 169) ; voir, également, arrêts du Tribunal du 8 septembre 2016, Lundbeck/Commission (T‑472/13, EU:T:2016:449, point 144), et du 12 décembre 2018, Servier e.a./Commission (T‑691/14, EU:T:2018:922, points 342 et suiv.).


34      Voir ci-dessus, points 15, 16, 18 et 19 des présentes conclusions.


35      Voir, à cet égard, ci-dessus, points 40 et 41 des présentes conclusions.


36      Arrêt du Tribunal du 8 septembre 2016, Lundbeck/Commission (T‑472/13, EU:T:2016:449, point 159).


37      Voir, à cet égard, point 29 des lignes directrices de la Commission concernant l’application de l’article 101 TFUE à des catégories d’accords de transfert de technologie (JO 2014, C 89, p. 3).


38      Arrêt du Tribunal du 1er juillet 2010, AstraZeneca/Commission (T‑321/05, EU:T:2010:266, point 362).


39      Arrêts du Tribunal du 8 septembre 2016, Lundbeck/Commission (T‑472/13, EU:T:2016:449, point 121), et du 12 décembre 2018, Servier e.a./Commission (T‑691/14, EU:T:2018:922, point 359).


40      Arrêts du 31 octobre 1974, Centrafarm et de Peijper (15/74, EU:C:1974:114, point 9) ; du 18 février 1992, Commission/Italie (C‑235/89, EU:C:1992:73, point 17) ; du 27 octobre 1992, Generics et Harris Pharmaceuticals (C‑191/90, EU:C:1992:407, point 23), ainsi que du 5 décembre 1996, Merck et Beecham (C‑267/95 et C‑268/95, EU:C:1996:468, points 30 et 31) ; voir également arrêt du Tribunal du 8 septembre 2016, Lundbeck/Commission (T‑472/13, EU:T:2016:449, point 117).


41      Arrêt du 25 février 1986, Windsurfing International/Commission (193/83, EU:C:1986:75, points 89 et 92), et arrêt du Tribunal du 8 septembre 2016, Lundbeck/Commission (T‑472/13, EU:T:2016:449, point 119).


42      Voir, notamment, arrêt du Tribunal du 29 juin 2012, E.ON Ruhrgas et E.ON/Commission (T‑360/09, EU:T:2012:332, point 89).


43      Le lancement « à risque » d’un médicament générique désigne le fait d’entrer sur le marché avec un tel médicament malgré le fait que le fabricant du médicament princeps soutient que des droits de brevet couvrant encore ce dernier s’y opposent.


44      Voir ci-dessus, points 15, 18, 24 et 25 des présentes conclusions. Voir également, à titre d’illustration, l’arrêt du 12 septembre 2019, Bayer Pharma (C‑688/17, EU:C:2019:722), ainsi que les conclusions de l’avocat général Pitruzzella dans l’affaire Bayer Pharma (C‑688/17, EU:C:2019:324).


45      Voir ci-dessus, points 10, 11, 24, 40, 41 et 42 des présentes conclusions.


46      Voir point 140 du jugement du CAT.


47      Voir ci-dessus, point 69 des présentes conclusions.


48      Voir, sur ce point également, arrêt du Tribunal du 8 septembre 2016, Lundbeck/Commission (T‑472/13, EU:T:2016:449, point 171).


49      Voir, en ce sens, arrêt du 6 décembre 2012, AstraZeneca/Commission (C‑457/10 P, EU:C:2012:770, point 108) ; voir, également, arrêt du Tribunal du 8 septembre 2016, Lundbeck/Commission (T‑472/13, EU:T:2016:449, point 163).


50      Arrêt du 23 janvier 2018, F. Hoffmann-La Roche e.a. (C‑179/16, EU:C:2018:25, points 48 et suiv.) ; voir, également, conclusions de l’avocat général Saugmandsgaard Øe dans l’affaire F. Hoffmann-La Roche e.a. (C‑179/16, EU:C:2017:714, points 82 et suiv.).


51      Arrêt du 23 janvier 2018, F. Hoffmann-La Roche e.a. (C‑179/16, EU:C:2018:25, point 60) ; voir, également, conclusions de l’avocat général Saugmandsgaard Øe dans l’affaire F. Hoffmann-La Roche e.a. (C‑179/16, EU:C:2017:714, point 88).


52      Voir, en ce sens, arrêt du 23 janvier 2018, F. Hoffmann-La Roche e.a. (C‑179/16, EU:C:2018:25, point 64) ; voir, également, conclusions de l’avocat général Saugmandsgaard Øe dans l’affaire F. Hoffmann-La Roche e.a. (C‑179/16, EU:C:2017:714, points 85 à 87 et 90).


53      Arrêt du 7 février 2013, Slovenská sporiteľňa (C‑68/12, EU:C:2013:71, points 14 et 19 à 21).


54      Conclusions de l’avocat général Saugmandsgaard Øe dans l’affaire F. Hoffmann-La Roche e.a. (C‑179/16, EU:C:2017:714, point 89 et note en bas de page 47).


55      Voir, en ce sens, également arrêt du Tribunal du 12 décembre 2018, Servier e.a./Commission (T‑691/14, EU:T:2018:922, point 244).


56      Voir, en ce sens, également arrêt du Tribunal du 12 décembre 2018, Servier e.a./Commission (T‑691/14, EU:T:2018:922, point 244).


57      Voir ci-dessus, point 72 des présentes conclusions.


58      Voir ci-dessus, points 10, 11, 24, 40, 41 et 42 des présentes conclusions.


59      Voir ci-dessus, points 59 et 60 des présentes conclusions.


60      Voir, en ce sens, arrêt du 20 janvier 2016, Toshiba Corporation/Commission (C‑373/14 P, EU:C:2016:26, points 33 et 34).


61      Voir points 96 et suiv. du jugement du CAT.


62      Voir ci-dessus, points 15 et 18 des présentes conclusions.


63      Voir arrêts du Tribunal du 14 avril 2011, Visa Europe et Visa International Service/Commission (T‑461/07, EU:T:2011:181, points 171 et 189), et du 12 décembre 2018, Servier e.a./Commission (T‑691/14, EU:T:2018:922, point 386) ; voir, également, note en bas de page 9 des lignes directrices de la Commission sur l’applicabilité de l’article 81 du traité CE aux accords de coopération horizontale (JO 2001, C 3, p. 2), point 10 et note en bas de page 6 des lignes directrices de la Commission sur l’applicabilité de l’article 101 TFUE aux accords de coopération horizontale (JO 2011, C 11, p. 1), ainsi que point 34 des lignes directrices de la Commission concernant l’application de l’article 101 TFUE à des catégories d’accords de transfert de technologie (JO 2014, C 89, p. 3).


64      Voir arrêt du Tribunal du 8 septembre 2016, Lundbeck/Commission (T‑472/13, EU:T:2016:449, point 163).


65      Voir ci-dessus, points 71 à 74 des présentes conclusions.


66      Voir ci-dessus, point 74 des présentes conclusions.


67      Voir, pour la reconnaissance de telles barrières, par exemple, arrêt du Tribunal du 29 juin 2012, E.ON Ruhrgas et E.ON/Commission (T‑360/09, EU:T:2012:332, points 89 et 94 à 103).


68      Voir point 143 du jugement du CAT.


69      Voir ci-dessus, points 15, 16, 18 et 19 des présentes conclusions.


70      Voir, en ce sens, arrêt du 20 janvier 2016, Toshiba Corporation/Commission (C‑373/14 P, EU:C:2016:26, points 33 et 34).


71      Arrêts du 30 juin 1966, LTM (56/65, EU:C:1966:38, Rec. p. 359) ; du 4 juin 2009, T‑Mobile Netherlands e.a. (C‑8/08, EU:C:2009:343, point 28), ainsi que du 16 juillet 2015, ING Pensii (C‑172/14, EU:C:2015:484, points 29 et 30) ; voir également mes conclusions dans l’affaire T‑Mobile Netherlands e.a. (C‑8/08, EU:C:2009:110, point 42).


72      Voir sur ce point mes conclusions dans l’affaire T‑Mobile Netherlands e.a. (C‑8/08, EU:C:2009:110, point 42 et jurisprudence citée).


73      Voir arrêt du 11 septembre 2014, CB/Commission (C‑67/13 P, EU:C:2014:2204, points 49 à 51 et jurisprudence citée).


74      Voir arrêt du 11 septembre 2014, CB/Commission (C‑67/13 P, EU:C:2014:2204, points 53 et 54 et jurisprudence citée) ; voir également mes conclusions dans l’affaire T-Mobile Netherlands e.a. (C‑8/08, EU:C:2009:110, points 38 et suiv. et jurisprudence citée), ainsi que les conclusions de l’avocat général Wahl dans l’affaire CB/Commission (C‑67/13 P, EU:C:2014:1958, points 40 et suiv. et jurisprudence citée).


75      Voir arrêt du 26 novembre 2015, Maxima Latvija (C‑345/14, EU:C:2015:784, points 18 à 23) ; voir également, en ce sens, conclusions de l’avocat général Bobek dans l’affaire Budapest Bank e.a. (C‑228/18, EU:C:2019:678, points 40 et suiv.).


76      Voir arrêt du 11 septembre 2014, CB/Commission (C‑67/13 P, EU:C:2014:2204, point 52 et jurisprudence citée).


77      Arrêt du 20 novembre 2008, Beef Industry Development Society et Barry Brothers (C‑209/07, EU:C:2008:643).


78      Voir ci-dessus, point 102 des présentes conclusions.


79      Voir ci-dessus, points 47 et 48 des présentes conclusions.


80      Voir ci-dessus, points 51 et 52 des présentes conclusions.


81      Voir, sur ces accords, respectivement, ci-dessus, points 15 et suiv. et 18 et suiv. des présentes conclusions.


82      S’il ressort, en l’espèce, du dossier que la durée prévue des accords (points 15 et 18 ci-dessus) ne dépassait en effet pas la durée de validité restante du brevet en cause (point 11 ci-dessus), il semble moins clair si la portée des restrictions imposées par les accords ne dépassait réellement pas celle du brevet litigieux : ainsi, comme le CAT l’indique, en substance, au point 245 de son jugement, la portée du brevet ne protège que contre les produits contrefaisants alors que, en l’espèce, il n’a justement pas été déterminé si les produits des fabricants de génériques contrefaisaient le brevet sur l’anhydre de GSK. De plus, il n’apparaît pas de manière évidente à la lecture des termes des accords que ceux-ci n’interdisaient que la commercialisation de paroxétine fabriquée au moyen des procédés encore protégés par ce brevet, puisqu’il semblerait plutôt que ces accords interdisaient toute commercialisation de paroxétine (autre que celle fabriquée par GSK) tout court (voir points 16 et 19 ci-dessus). Il est néanmoins possible (sous réserve de constatations de la juridiction de renvoi en ce sens) qu’il ressorte du contexte et de la durée des accords que ceux-ci ne concernaient que la paroxétine fabriquée selon les procédés litigieux avec laquelle GUK et Alpharma s’apprêtaient à entrer sur le marché (notamment parce que la durée des accords n’aurait pas permis à ces fabricants de trouver un autre procédé de fabrication de l’IPA concerné ou un autre fournisseur qui fabriquait cet IPA avec un procédé autre que ceux utilisés par eux).


83      Voir, en ce sens, arrêts du 13 juillet 1966, Consten et Grundig/Commission (56/64 et 58/64, EU:C:1966:41, Rec. p. 500), et du 25 février 1986, Windsurfing International/Commission (193/83, EU:C:1986:75, point 46).


84      Ainsi, dans les arrêts du 6 octobre 1982, Coditel e.a. (262/81, EU:C:1982:334, point 15) et du 4 octobre 2011, Football Association Premier League e.a. (C‑403/08 et C‑429/08, EU:C:2011:631, point 137), la Cour a seulement noté que, en matière de contrats de licence de propriété intellectuelle, la seule circonstance que le titulaire de droits a concédé à un licencié unique le droit exclusif de radiodiffuser un objet protégé à partir d’un État membre, et donc d’en interdire la diffusion par d’autres, pendant une période déterminée, ne suffit pas pour pouvoir constater qu’un tel accord a un objet anticoncurrentiel. De même, dans l’arrêt du 19 avril 1988, Erauw-Jacquery (27/87, EU:C:1988:183, point 10), la Cour s’est bornée à indiquer que, en matière de droits d’obtention végétale, un opérateur qui a mis au point des variétés de semences de base pouvant faire l’objet de tels droits doit pouvoir se protéger contre toute manipulation défectueuse de ces variétés en interdisant, notamment, à un preneur de licence de vendre et d’exporter des semences de base, en sorte qu’une clause à cet effet échappe à l’interdiction des accords anticoncurrentiels. Enfin, dans l’arrêt du 30 janvier 1985, BAT Cigaretten-Fabriken/Commission (35/83, EU:C:1985:32, point 33), la Cour a uniquement affirmé que, si elle reconnaît la légalité et l’utilité des accords servant à délimiter les sphères d’utilisation respectives de différentes marques, ces accords n’échappent pas pour autant à l’application de l’article [101 TFUE] s’ils visent également à réaliser des partages de marché ou d’autres restrictions à la concurrence.


85      Arrêts du 18 février 1971, Sirena (40/70, EU:C:1971:18, point 9), et du 8 juin 1982, Nungesser et Eisele/Commission (258/78, EU:C:1982:211, point 28).


86      Arrêt du Tribunal du 12 décembre 2018, Servier e.a./Commission (T‑691/14, EU:T:2018:922, point 241).


87      Voir, sur ces objectifs, conclusions de l’avocat général Pitruzzella dans l’affaire Bayer Pharma (C‑688/17, EU:C:2019:324, points 31 et 55).


88      JO 2004, L 157, p. 45.


89      Voir considérant 12 de la directive 2004/48 ; voir, sur ce point également, arrêt du Tribunal du 12 décembre 2018, Servier e.a./Commission (T‑691/14, EU:T:2018:922, point 240).


90      Voir ci-dessus, point 69 des présentes conclusions.


91      Voir ci-dessus, point 68 des présentes conclusions.


92      Arrêt du 7 février 2013, Slovenská sporiteľňa (C‑68/12, EU:C:2013:71, point 20).


93      Voir points 229 à 242 du jugement du CAT.


94      Voir, à cet égard, ci-dessus, point 67 des présentes conclusions.


95      Arrêts du 16 décembre 1975, Suiker Unie e.a./Commission (40/73 à 48/73, 50/73, 54/73 à 56/73, 111/73, 113/73 et 114/73, EU:C:1975:174, points 173 et 174) ; du 8 juillet 1999, Commission/Anic Partecipazioni (C‑49/92 P, EU:C:1999:356, points 116 et 117) et Hüls/Commission (C‑199/92 P, EU:C:1999:358, point 159), ainsi que du 4 juin 2009, T-Mobile Netherlands e.a. (C‑8/08, EU:C:2009:343, point 32).


96      Voir, en ce sens, arrêts du 16 décembre 1975, Suiker Unie e.a./Commission (40/73 à 48/73, 50/73, 54/73 à 56/73, 111/73, 113/73 et 114/73, EU:C:1975:174, point 26) ; du 31 mars 1993, Ahlström Osakeyhtiö e.a./Commission (C‑89/85, C‑104/85, C‑114/85, C‑116/85, C‑117/85 et C‑125/85 à C‑129/85, EU:C:1993:120, point 63), ainsi que du 4 juin 2009, T-Mobile Netherlands e.a. (C‑8/08, EU:C:2009:343, point 26).


97      Voir en ce sens, également, point 242 du jugement du CAT.


98      Voir, à cet égard, ci-dessus, point 27 des présentes conclusions.


99      Afin de calculer le montant transféré, il importe que la juridiction de renvoi tienne compte de l’ensemble des transferts de valeur opérés entre les parties, qu’ils aient été monétaires ou non, et donc également, notamment, de la plus-value à réaliser par GUK et Alpharma lors de la vente de la paroxétine fournie par GSK ou encore du renoncement, par ces fabricants, aux cross-undertakings in damages auparavant assurés par GSK.


100      Voir ci-dessus, point 66 des présentes conclusions.


101      Voir ci-dessus, points 66 et suiv. ainsi que 110 et suiv. des présentes conclusions.


102      Voir ci-dessus, points 77 et suiv. des présentes conclusions.


103      Arrêt du 27 septembre 1988, Bayer et Maschinenfabrik Hennecke (65/86, EU:C:1988:448, points 14 à 16).


104      Voir, à cet égard, arrêt du 1er juin 1999, Eco Swiss (C‑126/97, EU:C:1999:269, points 37 à 39).


105      Voir ci-dessus, points 47 et 48 des présentes conclusions.


106      Voir point 324 du jugement du CAT.


107      Arrêts du 11 juillet 1985, Remia e.a./Commission (42/84, EU:C:1985:327, points 19 et 20) ; du 12 décembre 1995, Oude Luttikhuis e.a. (C‑399/93, EU:C:1995:434, points 12 à 15), ainsi que du 11 septembre 2014, MasterCard e.a./Commission (C‑382/12 P, EU:C:2014:2201, point 89).


108      Voir ci-dessus, point 22 des présentes conclusions.


109      Voir ci-dessus, points 21 et 22 des présentes conclusions.


110      Voir points 283, 292 et 325 du jugement du CAT.


111      Voir ci-dessus, point 23 des présentes conclusions.


112      Voir, en ce sens, arrêts du 13 juillet 1966, Consten et Grundig/Commission (56/64 et 58/64, EU:C:1966:41, Rec. p. 497 et 498) ; du 28 janvier 1986, Pronuptia de Paris (161/84, EU:C:1986:41, point 24) ; du 20 novembre 2008, Beef Industry Development Society et Barry Brothers (C‑209/07, EU:C:2008:643, point 21), ainsi que du 11 septembre 2014, MasterCard e.a./Commission (C‑382/12 P, EU:C:2014:2201, points 93 et 180) ; voir également arrêt du 13 juillet 1966, Italie/Conseil et Commission (32/65, EU:C:1966:42, Rec. p. 590) (« l’octroi du bénéfice de l’article [101, paragraphe 3], à un accord déterminé suppose la reconnaissance préalable que cet accord tombe sous l’interdiction instituée par l’article [101, paragraphe 1, TFUE] »).


113      Voir, en ce sens, arrêt du 8 juillet 1999, Montecatini/Commission (C‑235/92 P, EU:C:1999:362, point 133), ainsi qu’arrêts du Tribunal du 18 septembre 2001, M6 e.a./Commission (T‑112/99, EU:T:2001:215, points 72 à 74) ; du 23 octobre 2003, Van den Bergh Foods/Commission (T‑65/98, EU:T:2003:281, point 107) ; du 30 juin 2016, CB/Commission (T‑491/07 RENV, non publié, EU:T:2016:379, points 67 et suiv.), ainsi que du 24 septembre 2019, HSBC Holdings e.a./Commission (T‑105/17, EU:T:2019:675, point 154).


114      Voir arrêt du 13 octobre 2011, Pierre Fabre Dermo-Cosmétique (C‑439/09, EU:C:2011:649, points 39 et suiv., ainsi que jurisprudence citée).


115      Voir arrêts du 19 février 2002, Wouters e.a. (C‑309/99, EU:C:2002:98, points 97 et suiv.) ; du 18 juillet 2006, Meca-Medina et Majcen/Commission (C‑519/04 P, EU:C:2006:492, points 42 et suiv.) ; du 18 juillet 2013, Consiglio Nazionale dei Geologi (C‑136/12, EU:C:2013:489, points 53 et suiv.), ainsi que du 4 septembre 2014, API e.a. (C‑184/13 à C‑187/13, C‑194/13, C‑195/13 et C‑208/13, EU:C:2014:2147, points 46 et suiv.) ; voir également, déjà, arrêts du 15 décembre 1994, DLG (C‑250/92, EU:C:1994:413, points 33 et suiv.), et du 21 septembre 1999, Albany (C‑67/96, EU:C:1999:430, points 59 et suiv.).


116      Arrêt du 15 décembre 1994, DLG (C‑250/92, EU:C:1994:413, points 33 et suiv.).


117      Arrêt du 19 février 2002, Wouters e.a. (C‑309/99, EU:C:2002:98, points 97 et suiv.).


118      Arrêt du 18 juillet 2006, Meca-Medina et Majcen/Commission (C‑519/04 P, EU:C:2006:492, points 42 et suiv.).


119      C’est sur ce point que la situation envisagée par le courant jurisprudentiel en cause se distingue de celle pouvant donner lieu à la reconnaissance qu’une restriction de concurrence est accessoire d’une opération ne constituant pas elle-même une restriction de concurrence ; voir, à cet égard, ci-dessus, point 140 des présentes conclusions.


120      Voir ci-dessus, points 143 et 144 des présentes conclusions.


121      Voir ci-dessus, points 16 et 19 des présentes conclusions.


122      Voir ci-dessus, point 101 des présentes conclusions.


123      Voir, notamment, nos conclusions dans l’affaire T-Mobile Netherlands e.a. (C‑8/08, EU:C:2009:110, point 48) ; les conclusions de l’avocat général Wahl dans l’affaire CB/Commission (C‑67/13 P, EU:C:2014:1958, point 41), ou encore les conclusions de l’avocat général Bobek dans l’affaire Budapest Bank e.a. (C‑228/18, EU:C:2019:678, point 46).


124      Voir nos conclusions dans l’affaire T-Mobile Netherlands e.a. (C‑8/08, EU:C:2009:110, point 43), ainsi que les conclusions de l’avocat général Bobek dans l’affaire Budapest Bank e.a. (C‑228/18, EU:C:2019:678, point 27).


125      Arrêt du 11 septembre 2014, CB/Commission (C‑67/13 P, EU:C:2014:2204, points 49 à 51).


126      Voir conclusions de l’avocat général Bobek dans l’affaire Budapest Bank e.a. (C‑228/18, EU:C:2019:678, points 41 à 49, spécifiquement point 48) (soulignements dans l’original).


127      Voir, en ce sens, arrêts du 4 juin 2009, T-Mobile Netherlands e.a. (C‑8/08, EU:C:2009:343, point 31), et du 14 mars 2013, Allianz Hungária Biztosító e.a. (C‑32/11, EU:C:2013:160, point 38).


128      Voir nos conclusions dans l’affaire T-Mobile Netherlands e.a. (C‑8/08, EU:C:2009:110, point 45).


129      Voir, en ce sens, la jurisprudence citée ci-dessus, au point 102 des présentes conclusions.


130      Voir, en ce sens, arrêts du 11 septembre 2014, CB/Commission (C‑67/13 P, EU:C:2014:2204, points 74 et suiv.), et du 26 novembre 2015, Maxima Latvija (C‑345/14, EU:C:2015:784, points 22 à 24) ; voir également, en ce sens, conclusions de l’avocat général Bobek dans l’affaire Budapest Bank e.a. (C‑228/18, EU:C:2019:678, points 50, ainsi que 78 et suiv.).


131      Voir ci-dessus, points 47, 48, 106 et 141 des présentes conclusions.


132      Voir ci-dessus, points 143 et 144 des présentes conclusions. Les constatations effectuées dans le présent point valent d’ailleurs sans préjudice de la question de savoir quand on se place dans le temps pour apprécier ces effets et s’il est possible de prendre en compte des effets réels constatés après la conclusion des accords ou seulement des effets prévisibles au moment de la conclusion de ceux-ci. En tout cas en l’espèce, les effets positifs dont il s’agit étaient dans tous les cas prévisibles au moment de la conclusion des accords en raison des termes de ceux-ci.


133      Voir ci-dessus, points 47 et 48 des présentes conclusions, et les points du jugement du CAT qui y sont cités.


134      Voir, pour des exemples de coopérations entre entreprises présentant de telles caractéristiques, la jurisprudence citée au point 164 des présentes conclusions.


135      Voir ci-dessus, points 17 et 20 des présentes conclusions.


136      Voir, en ce sens, point 213 du jugement du CAT.


137      Arrêts du 4 juin 2009, T-Mobile Netherlands e.a. (C‑8/08, EU:C:2009:343, points 38 et 39) ; du 6 octobre 2009, GlaxoSmithKline Services e.a./Commission e.a. (C‑501/06 P, C‑513/06 P, C‑515/06 P et C‑519/06 P, EU:C:2009:610, point 63), ainsi que du 19 mars 2015, Dole Food et Dole Fresh Fruit Europe/Commission (C‑286/13 P, EU:C:2015:184, point 125) ; voir également nos conclusions dans l’affaire T-Mobile Netherlands e.a. (C‑8/08, EU:C:2009:110, points 58 à 60).


138      Voir ci-dessus, points 116 à 118 des présentes conclusions.


139      Voir ci-dessus, points 124 à 128 des présentes conclusions.


140      Voir ci-dessus, points 15, 16, 18 et 19 des présentes conclusions.


141      Voir ci-dessus, point 128 des présentes conclusions.


142      Voir ci-dessus, points 22 et 27 des présentes conclusions.


143      Voir ci-dessus, points 99 et 100 des présentes conclusions ainsi que la jurisprudence qui y est citée.


144      Voir les développements de l’avocat général Bobek dans ses conclusions dans l’affaire Budapest Bank e.a. (C‑228/18, EU:C:2019:678, points 18 et suiv., spécialement point 29).


145      Arrêts du 30 juin 1966, LTM (56/65, EU:C:1966:38, Rec. p. 359 et 360) ; du 20 novembre 2008, Beef Industry Development Society et Barry Brothers (C‑209/07, EU:C:2008:643, point 15), ainsi que du 14 mars 2013, Allianz Hungária Biztosító e.a. (C‑32/11, EU:C:2013:160, point 34).


146      Arrêts du 30 juin 1966, LTM (56/65, EU:C:1966:38, Rec. p. 360) ; du 6 avril 2006, General Motors/Commission (C‑551/03 P, EU:C:2006:229, point 72), ainsi que du 11 septembre 2014, MasterCard e.a./Commission (C‑382/12 P, EU:C:2014:2201, point 161).


147      Arrêts du 11 décembre 1980, L’Oréal (31/80, EU:C:1980:289, point 19) ; du 23 novembre 2006, Asnef-Equifax et Administración del Estado (C‑238/05, EU:C:2006:734, point 49), ainsi que du 11 septembre 2014, MasterCard e.a./Commission (C‑382/12 P, EU:C:2014:2201, point 165) ; voir également, en ce sens, arrêt du 28 février 1991, Delimitis (C‑234/89, EU:C:1991:91, points 19 à 22).


148      Arrêt du 11 septembre 2014, MasterCard e.a./Commission (C‑382/12 P, EU:C:2014:2201, point 166) (soulignement par nos soins).


149      Voir ci-dessus, points 77 à 82 des présentes conclusions.


150      Voir ci-dessus, points 83 à 88 des présentes conclusions.


151      Voir ci-dessus, point 77 des présentes conclusions.


152      Voir ci-dessus, points 67 à 71 des présentes conclusions.


153      Voir ci-dessus, points 73 à 75 des présentes conclusions.


154      Voir ci-dessus, point 75 à 77 des présentes conclusions.


155      Voir ci-dessus, points 83 à 88 des présentes conclusions.


156      Voir arrêts du 17 novembre 1987, British American Tobacco et Reynolds Industries/Commission (142/84 et 156/84, EU:C:1987:490, point 54) ; du 28 mai 1998, Deere/Commission (C‑7/95 P, EU:C:1998:256, point 77), ainsi que du 23 novembre 2006, Asnef-Equifax et Administración del Estado (C‑238/05, EU:C:2006:734, point 50).


157      Voir ci-dessus, point 76 des présentes conclusions.


158      Voir ci-dessus, points 47, 48, 106 et 141 des présentes conclusions.


159      Voir ci-dessus, points 122 à 127 des présentes conclusions.


160      Voir ci-dessus, points 67 à 70 et 77 à 82 des présentes conclusions.


161      Voir ci-dessus, point 187 des présentes conclusions.


162      Arrêts du 9 juillet 1969, Völk (5/69, EU:C:1969:35, point 7) ; du 21 janvier 1999, Bagnasco e.a. (C‑215/96 et C‑216/96, EU:C:1999:12, point 34), ainsi que du 13 décembre 2012, Expedia (C‑226/11, EU:C:2012:795, point 16).


163      Voir ci-dessus, point 188 des présentes conclusions.


164      Voir arrêts du 12 décembre 1967, Brasserie de Haecht (23/67, EU:C:1967:54, Rec. p. 537) ; du 11 décembre 1980, L’Oréal (31/80, EU:C:1980:289, point 19) ; du 28 février 1991, Delimitis (C‑234/89, EU:C:1991:91, point 14), ainsi que ordonnance du 28 septembre 2006, Unilever Bestfoods/Commission (C‑552/03 P, EU:C:2006:607, point 53).


165      Voir, sur ce point, ci-dessus, points 27, 40, 41, 72, 76 et 85 des présentes conclusions.


166      Voir ci-dessus, points 10 à 12 des présentes conclusions.


167      Voir ci-dessus, points 28 et 29 des présentes conclusions.


168      Point 4.97 de la décision de la CMA.


169      Voir ci-dessus, point 9 des présentes conclusions.


170      Voir points 395, 402, 407 et 409 du jugement du CAT.


171      Voir points 395 à 409 du jugement du CAT.


172      Arrêts du 14 février 1978, United Brands et United Brands Continentaal/Commission (27/76, EU:C:1978:22, point 65), et du 13 février 1979, Hoffmann-La Roche/Commission (85/76, EU:C:1979:36, point 38).


173      Arrêts du 13 février 1979, Hoffmann-La Roche/Commission (85/76, EU:C:1979:36, point 28), et du 23 janvier 2018, F. Hoffmann-La Roche e.a. (C‑179/16, EU:C:2018:25, point 51).


174      Voir arrêts du 9 novembre 1983, Nederlandsche Banden-Industrie-Michelin/Commission (322/81, EU:C:1983:313, point 37) ; du 1er juillet 2008, MOTOE (C‑49/07, EU:C:2008:376, point 32), et du 23 janvier 2018, F. Hoffmann-La Roche e.a. (C‑179/16, EU:C:2018:25, point 51), ainsi qu’arrêts du Tribunal du 1er juillet 2010, AstraZeneca/Commission (T‑321/05, EU:T:2010:266, point 30), et du 29 mars 2012, Telefónica et Telefónica de España/Commission (T‑336/07, EU:T:2012:172, point 111). Voir également, en ce sens, arrêts du 21 février 1973, Europemballage et Continental Can/Commission (6/72, EU:C:1973:22, point 32), et du 14 novembre 1996, Tetra Pak/Commission (C‑333/94 P, EU:C:1996:436, point 13).


175      JO 1997, C 372, p. 5.


176      Voir, en ce sens, arrêt du 6 décembre 2012, AstraZeneca/Commission (C‑457/10 P, EU:C:2012:770, points 38 et suiv.).


177      Voir arrêts du 1er juillet 2008, MOTOE (C‑49/07, EU:C:2008:376, point 30), et du 14 mars 2013, Allianz Hungária Biztosító e.a. (C‑32/11, EU:C:2013:160, point 29).


178      Voir ci-dessus, points 67 à 70, 77 et 94 des présentes conclusions.


179      Voir ci-dessus, points 77 à 82 des présentes conclusions.


180      Voir, en ce sens, arrêts du 7 février 2013, Slovenská sporiteľňa (C‑68/12, EU:C:2013:71, points 14 et 19 à 21), ainsi que du 23 janvier 2018, F. Hoffmann-La Roche e.a. (C‑179/16, EU:C:2018:25, points 48 et suiv.) ; voir également conclusions de l’avocat général Saugmandsgaard Øe dans l’affaire F. Hoffmann-La Roche e.a. (C‑179/16, EU:C:2017:714, points 85 et suiv.).


181      JO 1997, C 372, p. 5.


182      Voir ci-dessus, points 219 à 221 des présentes conclusions.


183      Voir arrêt du 21 février 1973, Europemballage et Continental Can/Commission (6/72, EU:C:1973:22, point 33), ainsi qu’arrêts du Tribunal du 7 juillet 1999, British Steel/Commission (T‑89/96, EU:T:1999:136, point 84), du 28 avril 2010, Amann & Söhne et Cousin Filterie/Commission (T‑446/05, EU:T:2010:165, point 57), et du 29 mars 2012, Telefónica et Telefónica de España/Commission (T‑336/07, EU:T:2012:172, point 113) ; voir également points 20 et suiv. de la Communication de la Commission sur la définition du marché en cause aux fins du droit communautaire de la concurrence (JO 1997, C 372, p. 5).


184      Arrêt du Tribunal du 30 septembre 2003, Atlantic Container Line e.a./Commission (T‑191/98 et T‑212/98 à T‑214/98, EU:T:2003:245, point 834).


185      Arrêt du Tribunal du 29 mars 2012, Telefónica et Telefónica de España/Commission (T‑336/07, EU:T:2012:172, point 123).


186      Sur l’inclusion d’IVAX aux fins de l’application de l’interdiction de l’abus de position dominante, voir, ci-dessus, points 28, 29 et 49 des présentes conclusions.


187      Voir ci-dessus, point 220 des présentes conclusions.


188      Voir ci-dessus, points 10, 11, 27, 40, 41, 42, 72, 85 et 119 des présentes conclusions.


189      Voir ci-dessus, points 95, 96 et 142 des présentes conclusions.


190      Arrêt du 16 mars 2000, Compagnie maritime belge transports e.a./Commission (C‑395/96 P et C‑396/96 P, EU:C:2000:132, point 33) ; voir aussi arrêts du 13 février 1979, Hoffmann-La Roche/Commission (85/76, EU:C:1979:36, point 116) et du 11 avril 1989, Saeed Flugreisen et Silver Line Reisebüro (66/86, EU:C:1989:140, point 37), ainsi qu’arrêt du Tribunal du 10 juillet 1990, Tetra Pak/Commission (T‑51/89, EU:T:1990:41, points 21, 25 et 30).


191      Arrêt du 13 février 1979, Hoffmann-La Roche/Commission (85/76, EU:C:1979:36, point 116).


192      Arrêt du 21 février 1973, Europemballage et Continental Can/Commission (6/72, EU:C:1973:22, point 25).


193      Arrêt du 16 mars 2000, Compagnie maritime belge transports e.a./Commission (C‑395/96 P et C‑396/96 P, EU:C:2000:132, point 34).


194      Arrêts du 9 novembre 1983, Nederlandsche Banden-Industrie-Michelin/Commission (322/81, EU:C:1983:313, point 57) ; du 16 mars 2000, Compagnie maritime belge transports e.a./Commission (C‑395/96 P et C‑396/96 P, EU:C:2000:132, point 37), ainsi que du 27 mars 2012, Post Danmark (C‑209/10, EU:C:2012:172, point 21).


195      Arrêts du 17 février 2011, TeliaSonera Sverige (C‑52/09, EU:C:2011:83, point 24), et du 27 mars 2012, Post Danmark (C‑209/10, EU:C:2012:172, point 21).


196      Arrêts du 9 novembre 1983, Nederlandsche Banden-Industrie-Michelin/Commission (322/81, EU:C:1983:313, point 57) ; du 16 mars 2000, Compagnie maritime belge transports e.a./Commission (C‑395/96 P et C‑396/96 P, EU:C:2000:132, point 37), ainsi que du 27 mars 2012, Post Danmark (C‑209/10, EU:C:2012:172, point 23).


197      Arrêt du 14 novembre 1996, Tetra Pak/Commission (C‑333/94 P, EU:C:1996:436, point 24).


198      Arrêts du 13 février 1979, Hoffmann-La Roche/Commission (85/76, EU:C:1979:36, point 91) ; du 3 juillet 1991, AKZO/Commission (C‑62/86, EU:C:1991:286, point 69), ainsi que du 6 décembre 2012, AstraZeneca/Commission (C‑457/10 P, EU:C:2012:770, point 74).


199      Arrêts du 3 juillet 1991, AKZO/Commission (C‑62/86, EU:C:1991:286, point 70) ; du 6 décembre 2012, AstraZeneca/Commission (C‑457/10 P, EU:C:2012:770, point 75), ainsi que du 6 septembre 2017, Intel/Commission (C‑413/14 P, EU:C:2017:632, point 136).


200      Voir, en ce sens, arrêts du 21 février 1973, Europemballage et Continental Can/Commission (6/72, EU:C:1973:22, points 24 à 26 et 29), et du 13 février 1979, Hoffmann-La Roche/Commission (85/76, EU:C:1979:36, points 120 et 125), ainsi qu’arrêts du Tribunal du 10 juillet 1990, Tetra Pak/Commission (T-51/89, EU:T:1990:41, point 24), et du 23 octobre 2003, Van den Bergh Foods/Commission (T‑65/98, EU:T:2003:281, points 159 et 160).


201      Voir ci-dessus, point 141 des présentes conclusions.


202      Voir points 28, 29 et 49 et suiv. des présentes conclusions.


203      Voir ci-dessus, point 14 des présentes conclusions.


204      Voir arrêt du 14 février 1978, United Brands et United Brands Continentaal/Commission (27/76, EU:C:1978:22, point 189).


205      Arrêts du 5 octobre 1988, Volvo (238/87, EU:C:1988:477, points 8 et 9) ; du 29 avril 2004, IMS Health (C‑418/01, EU:C:2004:257, points 34 et 35), ainsi que du 16 juillet 2015, Huawei Technologies (C‑170/13, EU:C:2015:477, points 46 et 47).


206      Voir ci-dessus, point 251 des présentes conclusions.


207      Voir en ce sens, également, la jurisprudence citée ci-dessus, aux points 245 et 249 des présentes conclusions.


208      Voir ci-dessus, points 208 et 209 des présentes conclusions.


209      Voir ci-dessus, points 28 et 49 des présentes conclusions.


210      Voir, sur de tels éléments, déjà, ci-dessus, points 207 à 210 des présentes conclusions.


211      Voir, en ce sens, arrêts du 19 avril 2012, Tomra Systems e.a./Commission (C‑549/10 P, EU:C:2012:221, points 19 et 20), et du 6 septembre 2017, Intel/Commission (C‑413/14 P, EU:C:2017:632, points 50 à 57).


212      Voir ci-dessus, point 243 des présentes conclusions.


213      Voir ci-dessus, points 143 et 144 des présentes conclusions.


214      Voir ci-dessus, point 23 des présentes conclusions.


215      Voir ci-dessus, point 250 des présentes conclusions.


216      Voir, en ce sens, arrêt du 19 avril 2012, Tomra Systems e.a./Commission (C‑549/10 P, EU:C:2012:221, points 19 à 21).


217      Voir arrêt du 6 septembre 2017, Intel/Commission (C‑413/14 P, EU:C:2017:632, points 138 à 141).


218      Arrêt du 27 mars 2012, Post Danmark (C‑209/10, EU:C:2012:172, points 40 et 41, ainsi que jurisprudence citée) ; voir également arrêt du 6 septembre 2017, Intel/Commission (C‑413/14 P, EU:C:2017:632, point 140).


219      Arrêt du 27 mars 2012, Post Danmark (C‑209/10, EU:C:2012:172, point 42) ; voir aussi points 28 et suiv. de la Communication de la Commission – Orientations sur les priorités retenues par la Commission pour l’application de l’article 82 du traité CE aux pratiques d’éviction abusives des entreprises dominantes (JO 2009, C 45, p. 7).


220      Voir ci-dessus, points 169 et 170 des présentes conclusions.


221      Arrêts du 21 février 1973, Europemballage et Continental Can/Commission (6/72, EU:C:1973:22, point 26) ; du 17 février 2011, TeliaSonera Sverige (C‑52/09, EU:C:2011:83, point 24), ainsi que du 27 mars 2012, Post Danmark (C‑209/10, EU:C:2012:172, point 20).


222      Voir ci-dessus, points 177 et 178 des présentes conclusions.


223      Voir, en ce sens, arrêt du 19 avril 2012, Tomra Systems e.a./Commission (C‑549/10 P, EU:C:2012:221, point 42).