Language of document : ECLI:EU:T:2020:33

ARRÊT DU TRIBUNAL (huitième chambre)

5 février 2020 (*)

« Marque de l’Union européenne – Demande de marque de l’Union européenne figurative représentant une tête de lion encerclée par des anneaux formant une chaîne – Motif absolu de refus – Absence de caractère distinctif – Article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement (UE) 2017/1001 »

Dans l’affaire T‑331/19,

Pierre Balmain, établie à Paris (France), représentée par Mes J. M. Iglesias Monravá et S. Mainar Roger, avocats,

partie requérante,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par M. V. Ruzek, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la cinquième chambre de recours de l’EUIPO du 21 mars 2019 (affaire R 1223/2018‑5), concernant une demande d’enregistrement d’un signe figuratif représentant une tête de lion encerclée par des anneaux formant une chaîne comme marque de l’Union européenne,

LE TRIBUNAL (huitième chambre),

composé de MM. J. Svenningsen, président, R. Barents (rapporteur) et Mme T. Pynnä, juges,

greffier : Mme M. Marescaux, administratrice,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 3 juin 2019,

vu le mémoire en réponse déposé au greffe du Tribunal le 27 août 2019,

à la suite de l’audience du 3 décembre 2019,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 23 novembre 2017, la requérante, Pierre Balmain, a présenté une demande d’enregistrement de marque de l’Union européenne à l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), en vertu du règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p. 1).

2        La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe figuratif suivant :

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3        Les produits pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent, après modification en date du 14 mars 2018, des classes 9, 14, 18, 25 et 26 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent, pour chacune de ces classes, à la description suivante :

–        classe 9 : « Appareils et instruments scientifiques, nautiques, géodésiques, photographiques, cinématographiques, optiques (à savoir lunettes, lunettes optiques, lunettes de soleil, montures de lunettes, étuis à lunettes), appareils de pesage, de mesurage, de signalisation, de contrôle (inspection), de secours (sauvetage) et d’enseignement ; appareils pour l’enregistrement, la transmission, la reproduction du son ou des images ; supports d’enregistrements magnétiques, disques acoustiques ; mécanismes pour appareils à prépaiement ; caisses enregistreuses, machines à calculer et équipement pour le traitement de l’information ; extincteurs ; aimants, dispositifs d’aimantation et démagnétiseurs ; tablettes et ordinateurs ; étuis à tablettes, à téléphones mobiles et à ordinateurs portables ; casques de protection » ;

–        classe 14 : « Boîtes à boutons de manchettes ; boutons de manchettes ; boutons de manchettes en plaqué argent ; boutons de manchettes en or ; boutons de manchettes en métaux précieux ; boutons de manchettes en métaux précieux incrustés de pierres précieuses ; boutons de manchettes en métaux précieux incrustés de pierres semi-précieuses ; boutons de manchettes en imitation or ; boutons de manchettes en porcelaine ; boutons de manchettes et pinces à cravates ; boutons de manchettes plaqués de métaux précieux ; épingles de boutonnière (bijouterie) ; étuis pour boutons de manchette décoratifs ; insignes de boutonnières en métaux précieux ; métaux précieux et leurs alliages (autres qu’à usage dentaire) et produits en ces matières ou en plaqué non compris dans d’autres classes, à savoir bagues, boucles d’oreilles, bracelets, breloques, broches, chaînes, colliers, épingles, parures, épingles de pâtures, anneaux, boucles en métaux précieux, ornements de chapeaux ; épingles à cravates ; joaillerie ; bijouterie ; pierres précieuses ; pierres fines ; perles ; coffrets à bijoux » ;

–        classe 18 : « Cuir et imitations du cuir, produits en ces matières non compris dans d’autres classes, à savoir boîtes en cuir, boîtes en carton-cuir, garnitures de cuir pour meubles, sachets (enveloppes, pochettes) pour l’emballage en cuir ; sacs, à savoir sacs à main, sacs de voyage, sacs à dos, sacs de plage, sacs à roulettes, cartables, serviettes et sacs d’écoliers, sacs à porter à la ceinture, sacs-housse pour vêtements, trousses de voyage, sangles de cuir, mallettes pour documents, porte-documents ; bourses, coffrets destinés à contenir des articles de toilette et de cosmétique dit vanity-cases ; serviettes (maroquinerie) ; porte-documents (maroquinerie) ; étuis pour clés (maroquinerie) ; sets de voyage (maroquinerie) ; trousses de voyage (maroquinerie) ; étiquettes à bagages (maroquinerie) ; portefeuilles porte-cartes (maroquinerie) ; porte-documents à savoir serviettes (maroquinerie) ; petite maroquinerie, à savoir portefeuilles, porte-monnaie non en métaux précieux, porte-carte, étuis pour les clefs ; peaux d’animaux ; malles et valises ; parapluies, parasols et cannes ; fouets et sellerie ; vêtements pour animaux » ;

–        classe 25 : « Vêtements (habillement) pour femmes, hommes et enfants, à savoir robes ; jupes ; jupons ; jupes culottes ; costumes ; tailleurs ; smokings ; pantalons ; shorts ; bermudas ; caleçons ; chemises ; chemisiers ; corsages ; blouses ; tee-shirts ; sweat-shirts ; gilets ; vestes ; cardigans ; pull-overs ; chandails ; pèlerines ; parkas ; anoraks ; manteaux ; gabardines ; imperméables ; fourrures ; étoles ; écharpes ; châles ; foulards ; gants ; cravates ; ceintures (habillement) ; chaussettes ; bas ; collants ; lingerie ; sous-vêtements ; pyjamas ; robes de chambre ; maillots de bain ; peignoirs de bain ; bretelles ; chaussures (à l’exception des chaussures orthopédiques), à savoir souliers ; sandales ; escarpins ; mocassins ; bottes ; bottines ; chaussons ; pantoufles ; chapellerie, à savoir chapeaux ; bérets ; casquettes ; articles de lingerie ; masques pour dormir » ;

–        classe 26 : « Boutons ; boutons à pression pour couettes (attaches) ; boutons à pression pour chaussures (attaches) ; boutons à rivet ; boutons de blazer en métaux précieux ; boutons de chemise ; boutons de col ; boutons de fantaisie (badges) pour vêtements ; boutons décoratifs fantaisie ; boutons fantaisie d’ornement en métaux précieux ; boutons pour vêtements ; boutons pression ; boutons pression pour vêtements ; dentelles et broderies ; rubans et lacets ; boutons ; boutons à pression ; crochets et œillets ; épingles et aiguilles ; perruques ; toupets ; postiches ; postiches naturels ; postiches synthétiques ; rubans élastiqués pour les cheveux ; rubans pour les cheveux ; serre-tête ; tresses de cheveux ; fleurs artificielles ; accessoires pour vêtements ; articles de couture et articles textiles décoratifs ; articles décoratifs pour la chevelure ; bandeaux élastiqués pour les cheveux ; bandeaux pour les cheveux ; bandelettes plastiques pour la coloration des cheveux ; bandelettes plastiques pour la décoloration des cheveux ; barbes postiches ; barrettes (pinces à cheveux) ; bigoudis ; bonnets à mèches ; cheveux artificiels ; cheveux naturels ; cheveux postiches ; cheveux synthétiques ; clips pour- les cheveux ; épingles à cheveux ; épingles à onduler les cheveux ; extensions capillaires ; filets pour les cheveux ; moustaches postiches ; nattes (tresses) de cheveux ; papillotes (bigoudis) ; pinces à cheveux (barrettes) ».

4        Par communication du 19 janvier 2018, l’examinateur a informé la requérante que la marque demandée lui semblait ne pas pouvoir être enregistrée, en vertu de l’article 7, paragraphe 1, sous b), et paragraphe 2, du règlement 2017/1001, à l’égard de certains produits visés par la demande d’enregistrement, à savoir les produits correspondant à la description suivante :

–        classe 14 : « Boîtes à boutons de manchettes ; boutons de manchettes ; boutons de manchettes en plaqué argent ; boutons de manchettes en or ; boutons de manchettes en métaux précieux ; boutons de manchettes en métaux précieux incrustés de pierres précieuses ; boutons de manchettes en métaux précieux incrustés de pierres semi-précieuses ; boutons de manchettes en imitation or ; boutons de manchettes en porcelaine ; boutons de manchettes et pinces à cravates ; boutons de manchettes plaqués de métaux précieux ; étuis pour boutons de manchette décoratifs ; insignes de boutonnières en métaux précieux ; métaux précieux et leurs alliages (autres qu’à usage dentaire) et produits en ces matières ou en plaqué non compris dans d’autres classes, à savoir bagues, boucles d’oreilles, bracelets, breloques, broches, ornements de chapeaux ; joaillerie ; bijouterie ; coffrets à bijoux » ;

–        classe 26 : « Boutons ; boutons à pression pour couettes (attaches) ; boutons à pression pour chaussures (attaches) ; boutons à rivet ; boutons de blazer en métaux précieux ; boutons de chemise ; boutons de col ; boutons de fantaisie (badges) pour vêtements ; boutons décoratifs fantaisie ; boutons fantaisie d’ornement en métaux précieux ; boutons pour vêtements ; boutons pression ; boutons pression pour vêtements ; boutons ; boutons à pression ; accessoires pour vêtements ».

5        Par lettre du 14 mars 2018, la requérante a contesté la position de l’examinateur et a répondu, en substance, que la marque demandée était revêtue d’un caractère distinctif pour l’ensemble des produits visés au point 3 ci-dessus.

6        Par décision du 2 mai 2018, l’examinateur a confirmé sa communication et a rejeté la demande d’enregistrement à l’égard des produits visés au point 4 ci-dessus, au motif que la marque demandée se heurtait au motif de refus énoncé à l’article 7, paragraphe 1, sous b), et paragraphe 2, du règlement 2017/1001.

7        Le 28 juin 2018, la requérante a formé un recours contre la décision de l’examinateur auprès de l’EUIPO, au titre des articles 66 à 71 du règlement 2017/1001.

8        Par décision du 21 mars 2019 (ci-après la « décision attaquée »), la cinquième chambre de recours de l’EUIPO a rejeté le recours. Elle a relevé, au point 20 de la décision attaquée, que la marque demandée était strictement figurative et dépourvue de tout élément verbal, dès lors qu’elle correspondait à la représentation d’une tête de lion encerclée par des anneaux formant une chaîne, sans aucune couleur, et que le public pertinent était celui de l’Union européenne. S’agissant dudit public, elle a considéré, aux points 21 et 22 de la décision attaquée, d’une part, que les produits relevant de la classe 14 s’adressaient au grand public, lequel ferait preuve d’une attention particulière pour certains des produits concernés, et, d’autre part, que les produits relevant de la classe 26 s’adressaient au grand public, à l’exception des « boutons à pression pour chaussures (attaches) », qui s’adressaient à un public de professionnels qui ferait donc preuve d’une attention particulière afin de choisir un style particulier de produits.

9        S’agissant du caractère distinctif de la marque demandée, la chambre de recours a relevé, au point 29 de la décision attaquée, que l’image d’une tête de lion ne présentait pas de caractéristiques facilement et immédiatement mémorisables par le public pertinent, qui lui permettraient d’être appréhendée immédiatement comme une indication de l’origine commerciale des produits en cause. Ainsi, selon la chambre de recours, le signe concerné ne divergerait pas des normes et usages du secteur tant des boutons que de la bijouterie. Par ailleurs, la chambre de recours a considéré, au point 30 de la décision attaquée, qu’il existait une certaine tradition consistant à utiliser des images d’animaux, en particulier des lions, pour des boutons.

10      Après avoir donné des exemples de boutons, de boutons de manchettes et de bijoux comportant des représentations de lions, la chambre de recours a conclu, au point 35 de la décision attaquée, que la marque demandée ne s’écartait pas de façon significative des décorations habituelles des produits concernés, en sorte qu’elle ne pouvait pas remplir la fonction essentielle de la marque, à savoir celle d’identifier l’origine du produit.

11      S’agissant d’enregistrements antérieurs analogues dont la requérante se prévalait au soutien de sa demande d’enregistrement, la chambre de recours a indiqué, aux points 37 et 38 de la décision attaquée, que les marques mentionnées présentaient des caractéristiques différentes et que, en tout état de cause, la pratique décisionnelle antérieure de l’EUIPO n’était pas pertinente.

 Conclusions des parties

12      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        accorder l’enregistrement de la marque demandée ;

–        condamner l’EUIPO aux dépens.

13      L’EUIPO conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

14      Lors de l’audience, la requérante a, en réponse à une question du Tribunal, expressément renoncé à son deuxième chef de conclusions, ce dont il a été pris acte dans le procès-verbal d’audience.

 En droit

15      À l’appui de son recours, la requérante soulève un moyen unique, tiré de la violation de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001.

16      Aux termes de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, sont refusées à l’enregistrement les « marques qui sont dépourvues de caractère distinctif ». En outre, l’article 7, paragraphe 2, du règlement 2017/1001 précise que « le paragraphe 1 est applicable même si les motifs de refus n’existent que dans une partie de l’Union ».

17      Selon la jurisprudence, il y a lieu d’interpréter un motif absolu de refus à la lumière de l’intérêt général qui le sous-tend. S’agissant de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, la notion d’intérêt général se confond, à l’évidence, avec la fonction essentielle de la marque, qui est de garantir au consommateur l’identité d’origine du produit ou du service désigné par la marque, en lui permettant de distinguer sans confusion possible ce produit ou ce service de ceux qui ont une autre provenance (voir arrêt du 8 mai 2008, Eurohypo/OHMI, C‑304/06 P, EU:C:2008:261, points 55 et 56 et jurisprudence citée).

18      Le caractère distinctif d’une marque, au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, signifie que cette marque permet d’identifier le produit ou le service pour lequel l’enregistrement a été demandé comme provenant d’une entreprise déterminée et donc de distinguer ce produit ou ce service de ceux issus d’autres entreprises (arrêts du 29 avril 2004, Henkel/OHMI, C‑456/01 P et C‑457/01 P, EU:C:2004:258, point 34 ; du 12 juillet 2012, Smart Technologies/OHMI, C‑311/11 P, EU:C:2012:460, point 23, et du 13 septembre 2018, Birkenstock Sales/EUIPO, C‑26/17 P, EU:C:2018:714, point 31).

19      À cet égard, il convient de rappeler que les signes dépourvus de caractère distinctif visés à l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001 sont réputés incapables d’exercer la fonction essentielle de la marque, à savoir celle d’identifier l’origine du produit ou du service, afin de permettre ainsi au consommateur qui acquiert le produit ou le service que la marque désigne de faire, lors d’une acquisition ultérieure, le même choix si l’expérience s’avère positive ou de faire un autre choix si elle s’avère négative [arrêt du 27 février 2002, REWE-Zentral/OHMI (LITE), T‑79/00, EU:T:2002:42, point 26]. Tel est le cas, notamment, des signes qui sont communément utilisés pour la commercialisation des produits ou des services concernés [arrêts du 3 juillet 2003, Best Buy Concepts/OHMI (BEST BUY), T‑122/01, EU:T:2003:183, point 20, et du 30 juin 2004, Norma Lebensmittelfilialbetrieb/OHMI (Mehr für Ihr Geld), T‑281/02, EU:T:2004:198, point 24].

20      Ce caractère distinctif d’une marque doit être apprécié, d’une part, par rapport aux produits ou aux services pour lesquels l’enregistrement a été demandé et, d’autre part, par rapport à la perception qu’en a le public pertinent, qui est constitué par le consommateur moyen desdits produits ou services, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé. Le niveau d’attention du consommateur moyen, censé être normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, est susceptible de varier en fonction de la catégorie de produits ou de services visés [voir arrêt du 21 avril 2015, Louis Vuitton Malletier/OHMI – Nanu-Nana (Représentation d’un motif à damier marron et beige), T‑359/12, EU:T:2015:215, point 19 et jurisprudence citée].

21      Selon une jurisprudence constante, les critères d’appréciation du caractère distinctif des marques tridimensionnelles constituées par l’apparence du produit lui-même ne sont pas différents de ceux applicables aux autres catégories de marques (voir arrêts du 22 juin 2006, Storck/OHMI, C‑25/05 P, EU:C:2006:422, point 26 et jurisprudence citée, et du 21 avril 2015, Représentation d’un motif à damier marron et beige, T‑359/12, EU:T:2015:215, point 20 et jurisprudence citée).

22      Toutefois, il convient de tenir compte, dans le cadre de l’application de ces critères, du fait que la perception du consommateur moyen n’est pas nécessairement la même dans le cas d’une marque tridimensionnelle, constituée par l’apparence du produit lui-même, que dans le cas d’une marque verbale ou figurative, qui consiste en un signe indépendant de l’apparence des produits qu’elle désigne (arrêts du 22 juin 2006 Storck/OHMI, C‑25/05 P, EU:C:2006:422, point 27, et du 21 avril 2015, Représentation d’un motif à damier marron et beige, T‑359/12, EU:T:2015:215, point 21).

23      En effet, les consommateurs moyens n’ont pas pour habitude de présumer l’origine des produits en se fondant sur leur forme ou celle de leur emballage, en l’absence de tout élément graphique ou textuel, et il pourrait s’avérer plus difficile d’établir le caractère distinctif s’agissant d’une telle marque tridimensionnelle que s’agissant d’une marque verbale ou figurative (voir arrêts du 22 juin 2006 Storck/OHMI, C‑25/05 P, EU:C:2006:422, point 27 et jurisprudence citée, et du 21 avril 2015, Représentation d’un motif à damier marron et beige, T‑359/12, EU:T:2015:215, point 22 et jurisprudence citée).

24      Par ailleurs, conformément à la jurisprudence, plus la forme dont l’enregistrement a été demandé en tant que marque se rapproche de la forme la plus probable que prendra le produit en cause, plus il est vraisemblable que ladite forme est dépourvue de caractère distinctif au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001. Dans ces conditions, seule une marque qui, de manière significative, diverge de la norme ou des habitudes du secteur et, de ce fait, est susceptible de remplir sa fonction essentielle d’indication d’origine n’est pas dépourvue de caractère distinctif au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001 (arrêts du 29 avril 2004, Henkel/OHMI, C‑456/01 P et C‑457/01 P, EU:C:2004:258, point 39 ; du 15 mai 2014, Louis Vuitton Malletier/OHMI, C‑97/12 P, non publié, EU:C:2014:324, point 52, et du 21 avril 2015, Représentation d’un motif à damier marron et beige, T‑359/12, EU:T:2015:215, point 23).

25      Cette jurisprudence, développée au sujet des marques tridimensionnelles constituées par l’apparence du produit lui-même, vaut également lorsque la marque contestée est une marque figurative constituée par la représentation bidimensionnelle dudit produit. En effet, en pareil cas, la marque ne consiste pas non plus en un signe indépendant de l’aspect des produits qu’elle désigne (arrêt du 22 juin 2006, Storck/OHMI, C‑25/05 P, EU:C:2006:422, point 29 ; ordonnance du 13 septembre 2011, Wilfer/OHMI, C‑546/10 P, non publiée, EU:C:2011:574, point 59, et arrêt du 21 avril 2015, Représentation d’un motif à damier marron et beige, T‑359/12, EU:T:2015:215, point 24).

26      C’est à la lumière de ces considérations qu’il convient d’examiner les arguments de la requérante à l’encontre de la légalité de la décision attaquée.

27      En premier lieu, la chambre de recours a constaté, au point 20 de la décision attaquée, que la marque demandée, qui correspondait à la représentation d’une tête de lion encerclée par des anneaux formant une chaîne, sans aucune couleur, était strictement figurative et dépourvue de tout élément verbal. La chambre de recours en a conclu que c’était le public de l’ensemble de l’Union qui était pertinent.

28      Par ailleurs, la chambre de recours a considéré, respectivement aux points 21 et 22 de la décision attaquée, d’une part, que, s’agissant des produits relevant de la classe 14, ils s’adressaient au public en général, bien qu’il soit possible que, pour certains des produits compris dans ladite classe, il soit fait preuve d’une attention particulière, et, d’autre part, que, s’agissant des produits relevant de la classe 26 , le public pertinent était le grand public, sauf en ce qui concerne les « boutons à pression pour chaussures (attaches) », pour lesquels le public pertinent était celui du secteur de la mode, à savoir un public professionnel qui ferait preuve, lors de l’achat de ces produits, d’une attention particulière.

29      Même si la requérante fait valoir que tous les boutons ainsi que les « accessoires pour vêtements » relevant de la classe 26 sont achetés par un public professionnel ou un « public spécial », elle n’indique, toutefois, pas en quoi le fait que l’ensemble des boutons s’adresseraient à un public professionnel ou à un tel « public spécial » aurait une incidence sur la légalité de la décision attaquée.

30      À cet égard, il convient de rappeler que, s’agissant du niveau d’attention du public, selon une jurisprudence constante, une marque doit permettre au public pertinent, sans procéder à une analyse ou à une comparaison et sans faire preuve d’une attention particulière, de distinguer le produit concerné de ceux d’autres entreprises [arrêt du 10 janvier 2019, achtung !/EUIPO (achtung !), T‑832/17, non publié, sous pourvoi, EU:T:2019:2, point 26 ; voir également, par analogie, arrêts du 12 février 2004, Henkel, C‑218/01, EU:C:2004:88, point 53, et du 7 mai 2015, Voss of Norway/OHMI, C‑445/13 P, EU:C:2015:303, point 92].

31      Il s’ensuit que ni le niveau d’attention du public pertinent ni le fait que le public pertinent soit spécialisé ne constituent des facteurs déterminants aux fins de l’appréciation du caractère distinctif d’un signe. En effet, s’il est certes vrai que le degré d’attention du public spécialisé est, par définition, plus élevé que celui du grand public, il ne s’ensuit pas nécessairement qu’un caractère distinctif plus faible du signe soit suffisant lorsque le public pertinent est spécialisé [voir arrêt du 12 juillet 2012, Smart Technologies/OHMI, C‑311/11 P, EU:C:2012:460, points 48 à 50 et jurisprudence citée ; arrêts du 10 janvier 2019, achtung !, T‑832/17, non publié, sous pourvoi, EU:T:2019:2, point 27, et du 24 septembre 2019, Fränkischer Weinbauverband/EUIPO (Forme d’une bouteille ellipsoïdale), T‑68/18, non publié, EU:T:2019:677, point 25].

32      Par conséquent, il y a lieu d’écarter comme inopérants les arguments de la requérante en ce qui concerne le niveau d’attention du public pertinent (voir, en ce sens, arrêt du 24 septembre 2019, Forme d’une bouteille ellipsoïdale, T‑68/18, non publié, EU:T:2019:677, point 26).

33      En tout état de cause, force est de constater que, en l’occurrence, ainsi que le souligne à juste titre l’EUIPO, seuls les « boutons à pression pour chaussures » peuvent être considérés comme s’adressant à un public de professionnels. En revanche, c’est sans commettre d’erreur que la chambre de recours a estimé que les simples boutons étaient également destinés au grand public, dès lors qu’il est constant qu’ils peuvent être facilement cousus ou placés sur des vêtements.

34      En deuxième lieu, s’agissant du caractère distinctif de la marque demandée, la chambre de recours a considéré que cette dernière en était dépourvue. À cet égard, la requérante fait plus particulièrement grief à la chambre de recours d’avoir considéré que l’image d’une tête de lion ne présentait pas de caractéristique facilement et immédiatement mémorisable et que la marque demandée ne dérogeait pas aux normes et aux usages du secteur des boutons et de la joaillerie. La requérante fait, au contraire, valoir que la marque demandée est composée d’une représentation graphique fantaisiste et originale d’une tête de lion. Elle ajoute que le graphique ne désigne pas les produits qu’il protège, en sorte qu’il est susceptible d’avoir un caractère distinctif.

35      Premièrement, s’agissant du fait que l’image d’une tête de lion présenterait, selon la requérante, une caractéristique facilement et immédiatement mémorisable, il convient de relever que la chambre de recours a, aux points 30 à 34 de la décision attaquée, considéré qu’il était notoire que, pour les produits concernés, il existait une tradition quant à l’utilisation de têtes d’animaux, et plus particulièrement de lions. Dans cette perspective, elle a même fourni, au soutien de ce fait notoire, outre la représentation d’un grand nombre de boutons, de boutons de manchettes et de bijoux comportant des têtes de lions, des liens vers des recherches sur l’internet mettant en exergue le fait que les boutons ou les boutons de manchette étaient souvent revêtus de têtes de lions.

36      Il est constant qu’il existe un grand nombre de boutons, de boutons de manchettes et de bijoux ainsi revêtus de têtes de lions sur le marché et le motif tout comme la disposition de ce dernier entouré d’une chaîne ne sont pas suffisamment éloignés des motifs fréquemment utilisés pour la réalisation de boutons, de boutons de manchettes et de bijoux, en sorte que la marque demandée vient naturellement à l’esprit comme une forme de réalisation typique de ces produits.

37      La requérante n’a pas été en mesure de faire échec à la constatation selon laquelle une tête de lion est souvent associée à toutes sortes de boutons, ce qui seule aurait pu permettre à la chambre de recours d’en déduire que la marque demandée ne divergeait pas, de manière significative, de la norme ou des habitudes du secteur.

38      Il résulte de l’ensemble de ce qui précède que la marque demandée ne diverge pas de manière significative de la norme ou des habitudes du secteur des boutons relevant des classes 14 et 26 (voir, en ce sens, arrêt du 22 juin 2006, Storck/OHMI, C‑25/05 P, EU:C:2006:422, point 33).

39      Deuxièmement, la requérante fait valoir que la marque demandée est composée d’une représentation graphique fantaisiste et originale d’une tête de lion résultant d’une création artistique, en sorte qu’elle serait pourvue d’un caractère distinctif.

40      À cet égard, il suffit de rappeler que le caractère distinctif d’un signe ne saurait se déduire de sa prétendue fantaisie ou originalité (voir, en ce sens, arrêts du 21 octobre 2004, OHMI/Erpo Möbelwerk, C‑64/02 P, EU:C:2004:645, points 31 et 32, et du 21 janvier 2010, Audi/OHMI, C‑398/08 P, EU:C:2010:29, point 39).

41      En l’occurrence, l’absence de caractère distinctif résulte du fait que la marque demandée ne diverge pas de la norme ou des habitudes du secteur, en sorte qu’elle n’est pas susceptible de remplir sa fonction essentielle d’indication d’origine.

42      Troisièmement, en ce qu’elle considère que le graphique ne désigne pas les produits qu’il protège, en sorte que la marque demandée serait susceptible d’avoir un caractère distinctif, force est de constater que la requérante semble confondre le caractère descriptif de la marque demandée et l’absence de caractère distinctif de cette dernière, qui sont deux critères différents. En effet, ce n’est pas parce que la marque demandée n’est pas descriptive, au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement 2017/1001, qu’elle est pourvue d’un caractère distinctif, au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), dudit règlement.

43      Or, la chambre de recours ayant fondé son analyse sur l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, et non sur l’article 7, paragraphe 1, sous c), dudit règlement, il ne lui appartenait pas d’établir un lien direct et concret entre la marque demandée et les produits en cause, mais de vérifier si la marque demandée était revêtue d’un minimum de caractère distinctif pour pouvoir être enregistrée.

44      À supposer même que, par cet argument, la requérante fasse grief à la chambre de recours de s’être fondée sur la jurisprudence relative aux marques tridimensionnelles alors même que la marque demandée est une marque figurative dont le motif ne se confondrait pas avec le produit sur lequel ce motif serait appliqué, en sorte qu’il ne le désignerait pas, il suffit de constater qu’il ne saurait être exclu que la marque demandée puisse, en l’une de ses utilisations, être appliquée sur des boutons, en sorte que c’est sans commettre d’erreur que la chambre de recours a appliqué la jurisprudence relative aux marques tridimensionnelles.

45      En effet, la simple possibilité qu’une marque constitue tout ou partie de la forme des produits pour lesquels la protection est revendiquée suffit pour appliquer la jurisprudence relative aux signes se confondant avec l’apparence des produits [voir, en ce sens, arrêts du 13 septembre 2018, Birkenstock Sales/EUIPO, C‑26/17 P, EU:C:2018:714, point 40, et du 19 septembre 2012, Fraas/OHMI (Motif à carreaux gris clair, gris foncé, beige, rouge foncé et brun), T‑326/10, non publié, EU:T:2012:436, points 52 à 57].

46      Quatrièmement, la requérante fait valoir que le consommateur serait déjà habitué à des signes distinctifs composés uniquement d’éléments graphiques, et ce dans tous les secteurs, dont ceux relevant des classes 14 et 26.

47      À cet égard, force est de constater que l’argument de la requérante procède d’une lecture manifestement erronée de la décision attaquée, dans la mesure où la chambre de recours n’a pas contesté in abstracto la capacité des signes figuratifs à être pourvus d’un caractère distinctif, puisque la marque demandée a été enregistrée pour certains produits, mais a refusé l’enregistrement de ladite marque uniquement en ce qui concerne les produits relevant des classes 14 et 26 dont l’apparence se confondait avec la marque demandée.

48      Cinquièmement, la requérante fait valoir que les boutons identifiés avec la marque demandée sont utilisés sur tout type de vêtements de la marque Balmain. Ainsi, les consommateurs identifieraient ces boutons à la marque Balmain.

49      Il convient de relever que, par un tel argument, la requérante fait, en substance, valoir que la marque demandée aurait acquis un caractère distinctif, au sens de l’article 7, paragraphe 3, du règlement 2017/1001, et que ce caractère distinctif acquis dans le domaine des vêtements s’étendrait à celui des boutons.

50      Or, la requérante n’a nullement invoqué par ailleurs de moyen tiré de ce que, nonobstant l’absence ab initio de caractère distinctif, au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, de la marque demandée, cette dernière aurait acquis un caractère distinctif par l’usage qu’elle aurait fait de ladite marque, au sens de l’article 7, paragraphe 3, du règlement 2017/1001, dans le domaine des vêtements. Il s’ensuit que l’argumentation tirée, en substance, d’une violation de l’article 7, paragraphe 3, du règlement 2017/1001 doit, en tout état de cause, être rejetée.

51      Sixièmement, la requérante fait valoir qu’il existe un grand nombre de marques de l’Union européenne enregistrées pour les mêmes produits relevant des classes 14 et 26 composées uniquement de la représentation graphique d’un lion ou de la tête d’un lion.

52      À cet égard, il convient de rappeler qu’il a certes été jugé que l’EUIPO devait, dans le cadre de l’instruction d’une demande d’enregistrement de marque de l’Union européenne, prendre en considération les décisions déjà prises sur des demandes similaires et s’interroger avec une attention particulière sur le point de savoir s’il y a lieu ou non de décider dans le même sens [arrêts du 10 mars 2011, Agencja Wydawnicza Technopol/OHMI, C‑51/10 P, EU:C:2011:139, point 74, et du 24 novembre 2015, Intervog/OHMI (meet me), T‑190/15, non publié, EU:T:2015:874, point 39].

53      Toutefois, ces principes doivent se concilier avec le respect de la légalité. Par conséquent, la personne qui demande l’enregistrement d’un signe en tant que marque ne saurait invoquer à son profit une illégalité éventuelle commise en faveur d’autrui afin d’obtenir une décision identique (voir, en ce sens, arrêts du 10 mars 2011, Agencja Wydawnicza Technopol/OHMI, C‑51/10 P, EU:C:2011:139, points 75 et 76, et du 24 novembre 2015, meet me, T‑190/15, non publié, EU:T:2015:874, point 40).

54      De plus, pour des raisons de sécurité juridique et de bonne administration, l’examen de toute demande d’enregistrement doit être strict et complet afin d’éviter que des marques ne soient enregistrées de manière indue. Cet examen doit avoir lieu dans chaque cas concret. En effet, l’enregistrement d’un signe en tant que marque dépend de critères spécifiques, applicables dans le cadre des circonstances factuelles du cas d’espèce, destinés à vérifier si le signe en cause ne relève pas d’un motif de refus (arrêts du 10 mars 2011, Agencja Wydawnicza Technopol/OHMI, C‑51/10 P, EU:C:2011:139, point 77, et du 24 novembre 2015, meet me, T‑190/15, non publié, EU:T:2015:874, point 41).

55      Enfin, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, les décisions concernant l’enregistrement d’un signe en tant que marque de l’Union européenne que les chambres de recours sont amenées à prendre, en vertu du règlement 2017/1001, relèvent d’une compétence liée et non d’un pouvoir discrétionnaire. Dès lors, le caractère enregistrable d’un signe en tant que marque de l’Union européenne ne doit être apprécié que sur la base de ce règlement, tel qu’interprété par le juge de l’Union, et non sur la base d’une pratique antérieure des chambres de recours (arrêts du 15 septembre 2005, BioID/OHMI, C‑37/03 P, EU:C:2005:547, point 47, et du 24 novembre 2015, meet me, T‑190/15, non publié, EU:T:2015:874, point 42).

56      En l’espèce, il ressort de la décision attaquée que la chambre de recours a procédé à un examen complet et concret de la marque demandée pour refuser son enregistrement. De plus, il résulte de l’examen des autres griefs invoqués par la requérante que cet examen a conduit la chambre de recours à retenir à juste titre le motif absolu de refus d’enregistrement visé à l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001 pour s’opposer à l’enregistrement de la marque demandée. L’examen de la marque en cause au regard de cette disposition n’ayant pu aboutir, à lui seul, à un résultat différent, les allégations de la requérante relatives à l’absence de prise en considération de l’enregistrement d’autres marques ne sauraient prospérer. La requérante ne peut donc utilement invoquer des décisions antérieures de l’EUIPO aux fins d’infirmer la conclusion selon laquelle l’enregistrement de la marque demandée est incompatible avec le règlement 2017/1001.

57      Au demeurant, il résulte des points 36 et 37 de la décision attaquée que la chambre de recours a examiné les précédents invoqués par la requérante et a indiqué à juste titre les raisons pour lesquelles la marque demandée se distinguait des marques précédemment enregistrées.

58      Il s’ensuit que la chambre de recours n’a commis aucune erreur en concluant que ladite marque était dépourvue de caractère distinctif, en sorte qu’il y a lieu de rejeter le premier moyen ainsi que le recours dans son ensemble.

 Sur les dépens

59      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’EUIPO.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (huitième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Pierre Balmain est condamnée aux dépens.

Svenningsen

Barents

Pynnä

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 5 février 2020.

Le greffier

 

Le président

E. Coulon

 

       J. Svenningsen


*      Langue de procédure : le français.