Language of document : ECLI:EU:C:2020:598

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. GIOVANNI PITRUZZELLA

présentées le 16 juillet 2020(1)

Affaire C372/19

Belgische Vereniging van Auteurs, Componisten en Uitgevers CVBA (SABAM)

contre

Weareone.World BVBA,

Wecandance NV

[demande de décision préjudicielle formée par l’ondernemingsrechtbank Antwerpen (tribunal de l’entreprise d’Anvers, Belgique)]

« Renvoi préjudiciel – Concurrence – Article 102 TFUE – Abus de position dominante – Notion de “prix non équitable” – Redevances perçues par un organisme de gestion collective des droits d’auteur pour la communication au public d’œuvres musicales protégées par le droit d’auteur lors de festivals – Méthode de calcul »






1.        Par le renvoi préjudiciel examiné dans les présentes conclusions, l’ondernemingsrechtbank Antwerpen (tribunal de l’entreprise d’Anvers, Belgique) pose à la Cour une question préjudicielle portant sur l’interprétation de l’article 102 TFUE. Cette question est apparue dans le cadre de deux litiges, le premier entre la Belgische Vereniging van Auteurs, Componisten en Uitgevers CVBA (société belge des auteurs, compositeurs et auditeurs, SCRL, ci‑après la « SABAM ») et la société Weareone.World BVBA (ci‑après « W.W »), le second entre la SABAM et la société Wecandance NV (ci‑après « WCD »), ayant pour objet les redevances perçues par la SABAM pour l’utilisation d’œuvres musicales appartenant à son répertoire lors de festivals organisés par W.W et WCD.

I.      Le cadre juridique

A.      Le droit de l’Union

2.        Au sens de l’article 102, premier alinéa, TFUE, « [e]st incompatible avec le marché intérieur et interdit, dans la mesure où le commerce entre États membres est susceptible d’en être affecté, le fait pour une ou plusieurs entreprises d’exploiter de façon abusive une position dominante sur le marché intérieur ou dans une partie substantielle de celui‑ci ». En vertu du second alinéa, sous a), de cet article, ces pratiques abusives peuvent notamment consister à « imposer de façon directe ou indirecte des prix d’achat ou de vente ou d’autres conditions de transaction non équitables ».

3.        La directive 2014/26/UE (2), adoptée sur le fondement de l’article 50, paragraphe 1, de l’article 53, paragraphe 1, et de l’article 62 TFUE, et entrée en vigueur le 9 avril 2014, se fixe pour objectifs principaux de renforcer la capacité des membres des organismes de gestion collective à exercer un contrôle sur leurs activités , de garantir un niveau de transparence suffisant des organismes de gestion collective et d’améliorer l’octroi de licences multiterritoriales de droits d’auteur sur des œuvres musicales en vue de leur utilisation en ligne (3). À cette fin, elle définit en particulier les exigences nécessaires pour assurer le bon fonctionnement de la gestion du droit d’auteur et des droits voisins par les organismes de gestion collective (4). L’article 16 de cette directive, intitulé « Octroi de licences », qui fait partie du chapitre 4 consacré aux « Relations avec les utilisateurs », dispose, à son paragraphe 2 :

« Les conditions d’octroi de licences reposent sur des critères objectifs et non discriminatoires [...]

Les titulaires de droits perçoivent une rémunération appropriée pour l’utilisation de leurs droits. Les tarifs appliqués pour les droits exclusifs et les droits à rémunération sont raisonnables, au regard, entre autres, de la valeur économique de l’utilisation des droits négociés, compte tenu de la nature et de l’ampleur de l’utilisation des œuvres et autres objets, ainsi qu’au regard de la valeur économique du service fourni par l’organisme de gestion collective. Les organismes de gestion collective informent l’utilisateur concerné des critères utilisés pour fixer ces tarifs. »

B.      Le droit belge

4.        L’article IV.2 du Wetboek van economisch recht (code de droit économique) contient les mêmes dispositions que l’article 102 TFUE.

5.        La directive 2014/26 a été transposée en droit belge par la Wet tot omzetting in Belgisch recht van de richtlijn 2014/26 (loi transposant en droit belge la directive 2014/26, du 8 juin 2017) (5), entrée en vigueur le 1er janvier 2018. L’article 63 de cette loi a modifié l’article XI.262 du code de droit économique, lequel prévoit, à son paragraphe 1, que « [l]es conditions d’octroi de licences reposent sur des critères objectifs et non discriminatoires. [...] Les ayants droit perçoivent une rémunération appropriée pour l’utilisation de leurs droits. Les tarifs appliqués pour les droits exclusifs et les droits à rémunération sont raisonnables, au regard, entre autres, de la valeur économique de l’utilisation des droits négociés, compte tenu de la nature et de l’ampleur de l’utilisation des œuvres et prestations, ainsi qu’au regard de la valeur économique du service fourni par la société de gestion. Les sociétés de gestion informent l’utilisateur concerné des critères utilisés pour fixer ces tarifs ».

6.        En vertu de l’article XI.248 du code de droit économique, dans la version applicable aux faits de la procédure au principal, « [l]es sociétés de gestion gèrent les droits dans l’intérêt des ayants droit. Cette gestion doit être effectuée de manière équitable, diligente, efficace et non discriminatoire  ».

7.        Conformément à l’article XI.279 du code de droit économique, un service de contrôle des sociétés de gestion des droits d’auteur et droits voisins, qui fait partie de la direction générale de l’inspection économique du service public fédéral Économie (SPF Économie), contrôle en particulier les règles de perception, de tarification et de répartition adoptées par ces sociétés.

II.    Les procédures au principal et la question préjudicielle

8.        La SABAM, demanderesse au principal, est un organisme de gestion des droits d’auteur au sens de la législation belge. Les sociétés défenderesses, W.W et WCD, sont les organisatrices, respectivement, des festivals de musique Tomorrowland et Wecandance.

9.        La rémunération pour l’utilisation du répertoire de la SABAM lors de festivals de musique (6) est déterminée sur la base du tarif dit « 211 » qui, à l’époque des faits des procédures au principal, comportait deux critères de tarification différents. Le premier prévoyait l’application d’un tarif minimal calculé sur la base de la superficie sonorisée ou sur la base du nombre de places assises disponibles. Le second, applicable pour un montant de redevances plus élevé, consistait en un tarif dégressif par tranches calculées, en fonction du montant le plus élevé, sur le budget artistique (7) ou sur les recettes brutes de la vente de billets, y compris ceux offerts aux sponsors. Il ressort du dossier que les taux appliqués variaient de 6 % à 2,50 % (3,25 % pour l’année 2017) et s’appliquaient à huit (neuf à partir de l’année 2017) tranches de recettes allant de 0,01 euro à plus de 3 200 000 euros. Les différentes versions du tarif 211 prévoyaient que certains frais pouvaient être déduits du montant de base, en particulier les frais de réservation, la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) et les taxes communales (8). Des réductions étaient appliquées à ce tarif, sur la base de la règle « 1/3‑2/3 », à savoir : i) si moins d’un tiers des œuvres musicales exécutées lors du festival proviennent de son répertoire, la SABAM ne facture qu’un tiers du tarif, ii) si plus d’un tiers et moins de deux tiers des œuvres musicales exécutées lors du festival proviennent de son répertoire, la SABAM ne facture que deux tiers du tarif, iii) dans les autres cas, la SABAM facture le plein tarif. Pour obtenir ces réductions, l’organisateur de l’événement devait produire la liste des œuvres musicales jouées. Cette liste devait être produite au plus tard dix jours avant l’événement ou, à partir de l’année 2017 et pour les œuvres exécutées en live par des DJ, jusqu’à trente jours après l’événement, à condition que l’organisateur fasse appel à une entreprise de contrôle agréée par la SABAM.

10.      Par plusieurs citations (9), la SABAM réclame aux parties défenderesses le paiement des droits pour l’utilisation de son répertoire musical lors des éditions 2014, 2015 et 2016 du festival Tomorrowland (10) et lors des éditions 2013 à 2016 en ce qui concerne le festival Wecandance (11).

11.      Devant le juge de renvoi, W.W et WCD ont contesté la validité du tarif 211 qu’elles estiment inéquitable car il ne correspond pas à la valeur économique de la prestation fournie par la SABAM. D’une part, celles‑ci font valoir que la règle 1/3‑2/3, qui sert de base aux réductions appliquées, n’est pas suffisamment précise et qu’il existe des technologies qui permettent d’identifier plus précisément les œuvres du répertoire de la SABAM exécutées et leur durée (12). D’autre part, elles contestent le fait que le tarif soit calculé sur la base du budget artistique ou des recettes brutes sans déduction préalable des dépenses qui ne sont pas directement liées à la musique. Compte tenu de ces éléments, le système de tarification adopté par la SABAM pour les événements tels que ceux organisés par les parties défenderesses au principal constituerait un abus de position dominante prohibé en vertu de l’article 102 TFUE.

12.      Il est constant que la SABAM jouit en Belgique d’un monopole de fait sur le marché de la perception et de la répartition des droits d’auteur sur la reproduction et la communication au public d’œuvres musicales.

13.      Le juge de renvoi relève qu’il est impossible de calculer avec précision la valeur économique des droits d’auteur liés à l’exécution d’œuvres musicales dans le cadre d’événements tels que ceux en cause dans les procédures au principal, puisqu’un tel calcul nécessiterait de tenir compte de l’attractivité et de la popularité de chaque morceau exécuté. La détermination de la rémunération due à l’organisme de gestion des droits d’auteur serait donc nécessairement le fruit d’une approximation. Néanmoins, le juge de renvoi s’interroge sur le niveau de précision requis afin que cette rémunération ne soit pas considérée comme inéquitable et sur la compatibilité du système de tarification adopté par la SABAM, compte tenu des éléments contestés par les défenderesses, avec l’article 102 TFUE.

14.      C’est dans ce contexte que l’ondernemingsrechtbank Antwerpen (tribunal de l’entreprise d’Anvers) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante :

« L’article 102 TFUE, [lu] en combinaison ou non avec l’article 16 de la directive [2014/26/UE] concernant la gestion collective du droit d’auteur et des droits voisins et l’octroi de licences multiterritoriales de droits sur des œuvres musicales en vue de leur utilisation en ligne dans le marché intérieur, doit-il être interprété en ce sens qu’il y a abus de position dominante lorsqu’une société de gestion de droits d’auteur qui a un monopole de fait dans un État membre applique aux organisateurs d’événements musicaux, pour le droit de communication au public d’œuvres musicales, une structure de rémunération, fondée notamment sur le chiffre d’affaires,

1.      qui utilise un tarif forfaitaire par tranches plutôt qu’un tarif calculé sur la part précise (à l’aide des outils techniques en pleine évolution) que le répertoire protégé par la société de gestion occupe dans la musique exécutée lors de l’événement, et

2.      qui lie également les rémunérations de la licence à des éléments externes, tels que le prix de l’entrée, le prix des consommations, le budget artistique pour les interprètes ou exécutants ainsi que le budget pour d’autres postes, tels que le décor ? »

III. La procédure devant la Cour

15.      Des observations écrites au sens de l’article 23 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne ont été présentées par la SABAM, W.W, WCD, les gouvernements belge et français ainsi que par la Commission européenne. Ces parties et intéressés, à l’exception du gouvernement français, ont également été entendus en leurs plaidoiries lors de l’audience du 27 mai 2020.

IV.    Analyse

1.      Observations liminaires

16.      La question des critères permettant de déterminer la rémunération due pour l’utilisation des œuvres musicales faisant partie du répertoire de la SABAM lors de festivals de musique est depuis longtemps au cœur d’une série de litiges entre la société de gestion et les organisateurs de tels événements. L’un des chapitres les plus récents de cette saga est issu de la décision du 12 avril 2018 du Voorzitter van de Nederlandstalige rechtbank van koophandel Brussel (président du tribunal de commerce néerlandophone de Bruxelles, Belgique) par laquelle celui‑ci a constaté, dans le cadre d’une procédure introduite par plusieurs sociétés organisatrices de festivals (qui n’incluaient pas les défenderesses au principal) et par la fédération qui les représente, que la SABAM avait violé l’article 102 TFUE, au vu notamment des éléments du tarif appliqué aux festivals que contestent W.W et WCD dans les procédures au principal (13). À la suite de cette décision, comme l’a exposé le juge de renvoi, la SABAM a modifié, de façon uniquement temporaire semble-t-il, le système de remises variables en fonction de la quantité d’œuvres de son répertoire exécutées lors du festival, et remplacé la règle 1/3‑2/3 par un système de subdivision par tranches de 10 %. Il est également prévu de déduire des recettes brutes jusqu’à 50 % du total des frais facturés pour des services de sécurité professionnels et d’aide publique. Il ressort en outre du dossier que la SABAM a introduit un recours contre cette décision devant le hof van beroep Brussel (cour d’appel de Bruxelles, Belgique) qui s’est prononcée par un arrêt du 10 avril 2019 sollicitant l’avis de la Commission sur l’application de l’article 102 TFUE à la structure tarifaire de la SABAM et des autres sociétés de gestion qui poursuivent des objectifs analogues et détiennent un monopole dans d’autres États membres de l’Union. Le juge d’appel demande en outre à la Commission de l’informer de l’existence de procédures, en cours dans d’autres États membres, qui seraient similaires à celle dont il est saisi ou de toute mesure éventuellement examinée au niveau européen. La Commission a rendu son avis le 8 mai 2020. Cet avis a été versé au dossier de la présente procédure en vertu d’une mesure d’organisation prise en application de l’article 62 du règlement de procédure de la Cour.

17.      Étant donné que l’objet de la question préjudicielle posée par le juge de renvoi est de savoir si l’application d’une certaine méthode de calcul d’un prix – à savoir, en l’espèce, les redevances dues à un organisme de gestion collective des droits d’auteur pour la communication au public d’œuvres musicales appartenant à son répertoire – est abusive, la première disposition à prendre en compte est l’article 102, second alinéa, sous a), TFUE qui, comme nous l’avons vu, interdit à une entreprise dominante d’imposer « des prix d’achat ou de vente ou d’autres conditions de transaction non équitables ».

18.      Dans les présentes conclusions, j’analyserai pour commencer la jurisprudence de la Cour sur les prix inéquitables, en particulier en ce qui concerne les tarifs des sociétés de gestion des droits d’auteur. J’examinerai ensuite, de façon séparée et à la lumière des principes dégagés, les éléments de la structure tarifaire de la SABAM indiqués dans la question préjudicielle sur lesquels le juge de renvoi sollicite les éclaircissements de la Cour. Je commencerai par la méthode de détermination du montant de base auquel est appliqué le taux permettant de déterminer le montant des redevances dues à la SABAM, qui représente l’élément mentionné dans la seconde partie de la question préjudicielle. Ensuite, j’examinerai le système de réduction forfaitaire évoqué par le juge de renvoi dans la première partie de sa question préjudicielle.

19.      Dans ses observations écrites, la Commission a également abordé la question de l’éventuel caractère discriminatoire, au sens de l’article 102, second alinéa, sous c), TFUE, de la structure tarifaire adoptée par la SABAM. Certains des arguments avancés lors de l’audience par W.W ont également évoqué, de façon indirecte, l’hypothèse de prix discriminatoires. Je n’aborderai cependant pas cette question, puisqu’il ne ressort pas de sa décision de renvoi que l’àndernemingsrechtbank Antwerpen (tribunal de l’entreprise d’Anvers) ait entendu interroger la Cour également sur ce point.

20.      Enfin, si la question préjudicielle porte également sur l’article 16 de la directive 2014/26, l’ondernemingsrechtbank Antwerpen (tribunal de l’entreprise d’Anvers) demande des éclaircissements à la Cour uniquement sur l’interprétation de la notion d’« abus de position dominante », une notion qui ne figure pas, en tout cas de façon expresse, dans la directive 2014/26. Je cantonnerai donc mon analyse à l’examen de l’article 102 TFUE et, en particulier, au cas de figure prévu au second alinéa, sous a), de cet article.

2.      La jurisprudence sur l’abus de position dominante consistant à imposer des prix excessifs et application de cette jurisprudence aux organismes de gestion collective des droits d’auteur

a)      La constatation de l’existence de prix non équitables

21.      Contrairement aux solutions retenues dans d’autres systèmes juridiques, tels que celui des États‑Unis d’Amérique, le droit européen de la concurrence mentionne, comme nous l’avons vu, parmi les infractions aux règles de concurrence, l’hypothèse d’un abus de position dominante consistant à « imposer de façon directe ou indirecte des prix d’achat ou de vente ou d’autres conditions de transaction non équitables ». Ce type d’infraction aux règles de concurrence n’a longtemps connu, dans la pratique de la Commission et des autorités nationales de concurrence, qu’une application très limitée. Néanmoins, ces dernières années ont été marquées par une résurgence du recours à la notion de « prix non équitables », comme en atteste l’augmentation des affaires traitées par les autorités nationales de concurrence et par la Commission, et de celles portées devant la Cour. Ces affaires ont concerné essentiellement les prix pratiqués par les pharmacies et les tarifs appliqués par les organismes de gestion collective des droits d’auteur (14).

22.      Pour expliquer cette situation (recours réticent à la notion de « prix non équitables » puis développement de son utilisation, toutefois limitée à certains secteurs économiques), il faut tout d’abord relever qu’il est très difficile de déterminer si un prix est injuste et donc contraire au droit de la concurrence, le risque étant la constatation de « faux positifs » (lorsqu’un prix est erronément considéré comme supérieur au prix concurrentiel) ou, pire encore, la dénaturation du droit de la concurrence, prenant la forme d’un dirigisme économique substituant à la dynamique des marchés une structuration des rapports économiques reflétant les préférences subjectives des autorités de régulation. En outre, la réduction des marges bénéficiaires peut avoir un effet dissuasif sur l’amélioration de la qualité du produit ou du service, l’innovation ou l’entrée de nouveaux concurrents, et donc entraîner, en définitive, une atteinte au bien-être du consommateur, qui constitue l’objectif principal (voire unique selon certains) du droit de la concurrence.

23.      Sur un marché concurrentiel, les prix élevés sont normalement corrigés du fait même de leur niveau élevé, qui attire de nouveaux opérateurs, ce qui se traduit par une augmentation de l’offre et la diminution du prix en conséquence. Le marché se corrige ainsi de lui‑même. Telle est l’approche suivie par tous les courants de pensée économique qui soulignent la capacité des marchés à s’autocorriger, soutenue par l’école de Chicago, qui a fortement influencé la pratique nord-américaine en matière de lutte contre les ententes et abus de position dominante.

24.      Cependant, l’autocorrection du marché n’est pas toujours possible. Elle ne l’est pas, tout d’abord, dans tous les cas où des barrières juridiques font obstacle à l’entrée d’autres opérateurs, comme c’est le cas lorsqu’il existe un monopole légal. Il faut également évoquer le monopole de fait, sur des marchés où de multiples facteurs – tels que les habitudes de consommation, l’impossibilité de substituer au produit ou service fourni par le monopoliste d’autres produits ou services analogues, le phénomène d’enfermement propriétaire, les « effets de réseau » sur les marchés multifaces, les économies d’échelle dont profite le monopoliste – peuvent rendre l’entrée de nouveaux compétiteurs extrêmement difficile.

25.      En outre, pour certains produits, il n’existe pas véritablement de limite de prix au-delà de laquelle le consommateur ne serait pas disposé à payer, si bien que, dans de tels cas de figure, il n’y a pas d’obstacles à l’application de prix excessifs. Si l’on songe par exemple aux médicaments vitaux, la seule limite à l’achat est celle de la capacité financière de son acheteur (qu’il s’agisse du patient ou des services nationaux de santé). Même lorsque les valeurs en jeu sont moins fondamentales que la vie humaine, des facteurs culturels ou comportementaux peuvent cependant amener les prix que le consommateur est prêt à payer à un niveau très élevé. Le prix à payer pour assister au concert d’une rock star de renommée mondiale, idole de millions de jeunes, n’a parfois d’autre limite que celle des ressources financières dont peut disposer un fan.

26.      Dans les cas de figure qui viennent d’être décrits aux deux points précédents, la non‑intervention du droit de la concurrence donne lieu à des « faux négatifs », dans la mesure où, sur la base du principe de l’autocorrection du marché, un prix serait considéré, à tort, comme n’étant pas supérieur au prix concurrentiel. Il n’est pas seulement question, dans de tels cas, d’une distorsion de concurrence, d’autres considérations entrent en jeu. Il peut s’agir, en effet, d’une attaque contre certaines valeurs fondamentales de notre société, comme l’égalité des citoyens, qui veut que les différences dans la jouissance de certains biens considérés comme essentiels ne peuvent dépendre de la capacité financière, au-delà d’une certaine limite, sauf à saper la cohésion sociale. La protection de la santé, et donc la disponibilité de médicaments considérés comme essentiels, ou bien l’accès à certains biens culturels sont, dans nos sociétés, des traits constitutifs de l’appartenance à la communauté des citoyens. Dans ces domaines, par conséquent, la question du « prix injuste » devient plus prégnante, surtout dans les périodes de crise économique ou de plus grande sensibilité de la société aux inégalités. La notion de « prix excessifs » caractérise le droit européen de la concurrence précisément parce que celui‑ci s’inscrit dans un système juridique et se nourrit d’une culture économique qui renvoie à « l’économie sociale de marché » (article 3, paragraphe 3, TUE).

27.      Il découle des considérations qui précèdent que la Commission, les autorités nationales de concurrence et les juridictions nationales se retrouvent, lorsqu’elles font application de la notion de « prix excessifs », sur une sorte de lit de Procuste, avec, d’un côté, le risque de surapplication des règles de concurrence, alimenté par les faux positifs, préjudiciables à l’efficacité et au bien-être du consommateur et, de l’autre, le risque d’une sous-application, à cause des faux négatifs, qui peuvent non seulement être préjudiciables au bien-être du consommateur, mais également avoir, comme cela a été évoqué au point précédent des présentes conclusions, des conséquences négatives de plus grande ampleur.

28.      Pour manœuvrer dans un espace aussi contraint, la Cour a défini des méthodes qui ont été précisées au fil de l’évolution de sa jurisprudence. L’examen de cette jurisprudence permet de reconstituer un cadre assez précis des méthodes et critères à utiliser pour qu’un prix puisse être considéré comme inéquitable et contraire à l’article 102, second alinéa, sous a), TFUE. L’avocat général Wahl s’y est abondamment employé dans ses conclusions dans l’affaire Autortiesību un komunicēšanās konsultāciju aģentūra -Latvijas Autoru apvienība (15), que je partage et auxquelles je renvoie, en y ajoutant certaines considérations principalement liées aux caractéristiques de l’affaire examinée dans les présentes conclusions.

29.      L’arrêt de principe prononcé par la Cour en matière de prix non équitables est le fameux arrêt du 14 février 1978, United Brands et United Brands Continentaal/Commission (16) (ci‑après l’« arrêt United Brands ») (17), dans lequel la Cour, dans la lignée de son arrêt antérieur du 13 novembre 1975, General Motors Continental/Commission (18), définit comme « excessif » le prix « sans rapport raisonnable avec la valeur économique de la prestation fournie » (19). Tout prix élevé appliqué par une entreprise en position dominante sur un marché ne sera donc pas nécessairement excessif et contraire à l’article 102 TFUE, seuls le seront les prix « disproportionnés » ou « exorbitants ».

30.      Comment déterminer si le prix est sans rapport raisonnable avec la valeur économique de la prestation fournie ? La Cour a élaboré à cet effet, dans l’arrêt United Brands, un test en deux étapes, la première consistant à déterminer s’il existe un écart significatif, en d’autres termes une disproportion, entre le prix effectivement pratiqué sur le marché pertinent par l’entreprise dominante et le prix que l’entreprise aurait hypothétiquement pratiqué en cas de concurrence effective sur ce marché (prix de référence). La Cour précise que cette disproportion peut être évaluée objectivement en prenant en considération l’intégralité de la marge bénéficiaire de l’entreprise dominante, qui résulte du rapport entre le coût de production supporté par cette entreprise et le prix imposé par celle‑ci. En cas de réponse affirmative, la seconde étape du test vise à « examiner s’il y a imposition d’un prix inéquitable soit au niveau absolu, soit par comparaison avec les produits concurrents » (20) (ci‑après le « test United Brands »).

31.      Sur la base de ce test, la seule constatation d’une disproportion entre le prix et les coûts de production et d’une marge bénéficiaire excessive n’implique donc pas automatiquement que le prix soit inéquitable, c’est‑à‑dire sans rapport raisonnable avec la valeur économique de la prestation fournie. Pour parvenir à cette conclusion, il est nécessaire de passer à la seconde étape de l’analyse, qui requiert d’apprécier si la différence constatée entre le prix et les coûts de production est en soi révélatrice d’un prix inéquitable ou si ce caractère inéquitable ressort d’une comparaison avec les prix pratiqués par des entreprises concurrentes (21). Tandis que l’appréciation effectuée dans le cadre de la première partie du test et celle du caractère intrinsèquement inéquitable du prix, qui a lieu dans la seconde partie, se focalisent en substance sur la marge bénéficiaire de l’entreprise dominante, la comparaison avec les prix de produits concurrents introduit une évaluation fondée sur un point de comparaison.

32.      L’analyse prix/coûts de production prévue par le test United Brands ainsi que les autres méthodes de détermination de la marge bénéficiaire nécessitent dans la majeure partie des cas des enquêtes complexes et aboutissent à des résultats qui ne sont souvent qu’approximatifs.

33.      Pour cette raison, la jurisprudence et la pratique de la Commission ont également reconnu une importance propre à d’autres méthodes d’analyse (22), fondées, comme le prévoit la seconde étape du test United Brands, sur une comparaison entre le prix considéré inéquitable et différents indices de référence, dont certains ressortent du marché pertinent lui‑même et d’autres non. Ces indices sont : i) les prix pratiqués dans le passé par l’entreprise dominante pour les mêmes produits sur le même marché pertinent (23); ii) les prix pratiqués par l’entreprise dominante pour des produits différents (24) ou liés (25), ou similaires (26), ou à l’égard de différentes catégories de clients (27) ; iii) les prix pratiqués par l’entreprise dominante pour le même produit dans différentes régions du même marché pertinent (28) ou dans d’autres marchés géographiques (29) ; iv) les prix pratiqués par des entreprises concurrentes non dominantes sur le même marché pertinent (30) ; v) les prix pratiqués par d’autres entreprises pour le même produit ou pour des produits comparables sur d’autres marchés (31). La légitimité du recours à des méthodes autres que la comparaison entre prix et coûts de production, fondées en particulier sur la comparaison entre les prix appliqués dans l’État membre concerné et ceux appliqués dans d’autres États membres, a été récemment confirmée par la Cour dans son arrêt AKKA/LAA, précisément sur la question des tarifs des organismes de gestion des droits d’auteur (32).

34.      Le choix de la méthode d’analyse la plus appropriée, de même que, plus généralement, l’appréciation de l’existence de prix inéquitables (33), doit, selon la Cour, tenir compte de toutes les circonstances qui caractérisent le cas d’espèce (34). Ce choix dépend, en particulier, du produit ou de la prestation dont il est question, des caractéristiques du marché, de la disponibilité des données pertinentes, et de la catégorie dont relèvent les cocontractants de l’entreprise dominante. Ainsi, pour citer un exemple, dans l’arrêt United Brands, la Cour a relevé que l’analyse prix/coûts de production, compte tenu du produit en cause et de la possibilité d’avoir accès aux données relatives à la structure des coûts d’UBS, était un critère plus fiable que celui utilisé par la Commission, fondé sur la comparaison entre les prix pratiqués par UBS sur les marchés nationaux concernés par l’enquête et sur un marché national de référence, choisi, selon la Cour, sur le fondement d’appréciations erronées (35). Dans d’autres cas, en revanche, par exemple dans le cas de biens immatériels, une analyse fondée sur la comparaison prix/coûts de production pourrait se révéler complexe, outre qu’elle serait impropre à rendre compte de la réalité économique sous‑jacente.

35.      En d’autres termes, comme la Cour l’a reconnu expressément dans son arrêt AKKA/LAA, il n’existe pas de système unique adéquat permettant d’effectuer une comparaison entre un prix considéré comme inéquitable et un prix de référence ou permettant de définir le cadre de cette comparaison (36). La Cour semble plutôt privilégier une approche fondée sur le recours conjoint à plusieurs critères de comparaison, chacun d’entre eux étant en mesure de fournir des indices de l’existence d’un prix non équitable ou de conforter ou d’infirmer les données résultant de l’application d’un ou plusieurs autres critères (37).

36.      Cette approche, défendue par l’avocat général Wahl dans ses conclusions dans l’affaire AKKA/LAA, mérite à mon sens d’être partagée. Toutes les méthodes d’analyse précédemment décrites présentent en effet des limites intrinsèques et, afin d’éviter d’aboutir à des faux positifs ou à des faux négatifs, requièrent une vérification ou une correction au moyen de l’utilisation d’autres critères qui, sur la base des circonstances de chaque cas d’espèce, se révèlent pertinents (38).

37.      De même qu’il n’existe pas de méthode unique de comparaison entre un prix considéré comme inéquitable et un prix de référence, il n’y a pas de réponse univoque à la question, fondamentale, de savoir au-delà de quel seuil la disproportion entre ces prix est susceptible de donner lieu à l’exploitation abusive d’une position dominante sur le marché et de nécessiter l’intervention de l’autorité de la concurrence. La réponse à cette question implique, en effet, de déterminer la valeur économique du bien ou de la prestation fournis et de fixer une marge bénéficiaire raisonnable de l’entreprise dominante, une opération qui ne peut logiquement être effectuée de façon abstraite. La Cour a affirmé à cet égard, dans son arrêt AKKA/LAA, s’agissant de la comparaison entre les tarifs pratiqués par l’entreprise dominante dans un État membre et ceux pratiqués dans les autres États membres, qu’il n’existe pas de « seuil minimal à partir duquel un tarif doit être qualifié de “sensiblement plus élevé”, étant donné que les circonstances propres à chaque espèce sont déterminantes à cet égard » et que, par conséquent, un écart entre des redevances pourra être qualifié de « sensible » s’il est significatif et persistant, c’est‑à‑dire s’il n’est pas temporaire et occasionnel (39).

38.      Dans l’hypothèse où les indices rassemblés grâce aux différentes méthodologies qui viennent d’être décrites tendent à confirmer l’existence de prix inéquitables, l’entreprise dominante a la possibilité de justifier sa structure de prix et la différence de niveau entre ces derniers et le prix de référence en se fondant notamment sur la différence entre la situation du marché sur lequel elle opère et celle des marchés géographiques de référence (40), sur la structure de ses coûts de production, ou encore sur la nécessité de rémunérer le capital (41) ou de récupérer des coût supplémentaires, tels que les dépenses de recherche et de développement (42), ou des coûts découlant de l’application de règlementations nationales (43). La Cour a néanmoins exclu que d’éventuelles inefficacités de l’entreprise dominante puissent justifier l’imposition de prix inéquitables (44).

b)      La jurisprudence relative aux tarifs des organismes de gestion collective des droits d’auteur

39.      Le monopole traditionnel (45) dont jouissent les organismes de gestion collective des droits d’auteur a donné lieu à de nombreuses interventions des autorités de concurrence tant au niveau national qu’européen concernant, entre autres, la politique tarifaire de ces organismes.

40.      Dans l’arrêt du 9 avril 1987, Basset (46) (ci‑après l’« arrêt Basset »), dans lequel il était question de la perception, de la part de l’organisme français de gestion des droits d’auteur, la Société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique (SACEM), d’un droit complémentaire de reproduction mécanique qui s’ajoutait au droit de représentation publique, dans les discothèques, d’œuvres musicales enregistrées, la Cour a, en substance, affirmé que les redevances perçues au titre de la rémunération du droit d’auteur pour une telle représentation, dont le montant est calculé sur la base du chiffre d’affaires de la discothèque, doivent être considérées comme l’exploitation normale d’un droit d’auteur et que leur perception ne constitue pas, en elle‑même, un abus de position dominante (47). La Cour a néanmoins précisé que le niveau de la redevance ou des redevances cumulées fixées par l’organisme de gestion collective jouissant d’une position dominante sur le marché peut être de nature à constituer une pratique abusive s’il a pour conséquence l’imposition de conditions inéquitables (48).

41.      Les affaires ayant donné lieu aux arrêts du 13 juillet 1989, Tournier (49) (ci‑après l’« arrêt Tournier ») et Lucazeau e.a. (50) (ci‑après l’« arrêt Lucazeau »), portaient sur le niveau des redevances versées par les discothèques à la SACEM, lesquelles étaient contestées en raison de leur niveau notablement plus élevé que celui des autres États membres et en raison de l’absence de rapport avec les tarifs pratiqués à l’égard des autres grands utilisateurs de musique enregistrée, comme la télévision et la radio (51). La Cour a précisé que, lorsqu’une entreprise en position dominante impose des tarifs pour les services qu’elle fournit, qui sont sensiblement plus élevés que ceux pratiqués dans les autres États membres et que la comparaison des niveaux des tarifs a été effectuée sur une base homogène, cette différence devrait être considérée comme étant l’indice d’un abus de position dominante. Il appartient, dans ce cas, à l’entreprise en question de justifier la différence en se fondant sur des divergences objectives entre la situation de l’État membre concerné et celle prévalant dans tous les autres États membres. La Cour a en outre affirmé que la circonstance selon laquelle la proportion du produit des redevances affectées aux frais de perception, d’administration et de répartition, plutôt qu’aux titulaires des droits d’auteur, est considérablement plus élevée que celle des sociétés de gestion établies dans les autres États membres et ne constitue pas une justification valable, puisqu’il n’est pas exclu que cette différence soit la conséquence d’un manque d’efficacité dû à l’absence de concurrence sur le marché (52). Enfin, dans l’arrêt Tournier, la Cour a précisé que la nature globale ou forfaitaire de la redevance perçue ne peut être mise en cause au regard de l’interdiction des pratiques de prix inéquitables « que dans la mesure où d’autres méthodes seraient susceptibles de réaliser le même but légitime qui est la protection des intérêts des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique, sans pour autant entraîner une augmentation des frais encourus en vue de la gestion des contrats et de la surveillance de l’utilisation des œuvres musicales protégées » (53).

42.      Dans l’affaire ayant donné lieu à arrêt du 11 décembre 2008, Kanal 5 et TV 4 (54) (ci‑après l’« arrêt Kanal 5 »), dans laquelle les redevances pour la diffusion télévisée d’œuvres musicales protégées par le droit d’auteur appliquées par l’organisme suédois de gestion des droits d’auteur (STIM) étaient contestées en raison de leur caractère inéquitable, la Cour reprend le principe déjà posé dans l’arrêt Tournier, en précisant que les tarifs calculés en fonction des recettes des sociétés de télédiffusion et du volume de musique télédiffusé (55), qui sont en soi légitimes, peuvent néanmoins avoir un caractère abusif lorsqu’« il existe une autre méthode permettant d’identifier et de quantifier de manière plus précise l’utilisation de ces œuvres ainsi que l’audience et que cette méthode est susceptible de réaliser le même but légitime, qui est la protection des intérêts des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique, sans pour autant entraîner une augmentation disproportionnée des frais encourus en vue de la gestion des contrats et de la surveillance de l’utilisation des œuvres musicales protégées par le droit d’auteur » (56).

43.      Dans l’arrêt du 27 février 2014, OSA (57) (ci‑après l’« arrêt OSA »), la Cour reprend et applique simultanément les deux approches suivies dans les arrêts Tournier et Kanal 5. Ainsi, la Cour affirme, d’une part, que le fait pour un organisme de gestion collective des droits d’auteur d’imposer, pour les services qu’elle fournit, des tarifs qui sont sensiblement plus élevés que ceux pratiqués dans les autres États membres constitue, lorsque la comparaison des niveaux des tarifs a été effectuée sur une base homogène, l’indice d’un abus de position dominante au sens de l’article 102 TFUE et, d’autre part, qu’un tel abus pourrait consister dans la pratique d’un prix excessif sans rapport raisonnable avec la valeur économique de la prestation fournie (58).

44.      Enfin, dans le récent arrêt AKKA/LAA, rappelé à plusieurs reprises dans les présentes conclusions, la Cour a confirmé que la méthode permettant de déterminer le caractère éventuellement excessif des tarifs d’un organisme de gestion utilisée dans les arrêts Tournier et Lucazeau et fondée sur la comparaison avec les tarifs appliqués dans d’autres États membres, c’est‑à‑dire, dans cette affaire, certains États limitrophes, sélectionnés selon des critères objectifs, adéquats et vérifiables, constitue, lorsque cette comparaison est effectuée sur une base homogène et compte tenu, si nécessaire, de l’indice de la parité du pouvoir d’achat (PPA), une alternative valable au test United Brands (59).

45.      On peut se demander, en lisant l’arrêt AKKA/LAA, si la Cour a définitivement entendu désigner la comparaison avec les tarifs appliqués dans les États membres de référence comme méthode exclusive d’analyse applicable dans tous les cas où il s’agit d’examiner le caractère excessif des tarifs d’un organisme de gestion collective des droits d’auteur sur des œuvres musicales. Même si la teneur du dispositif de cet arrêt et la circonstance que la Cour se soit abstenue de citer l’arrêt Kanal 5 sembleraient aller en ce sens, cette conclusion n’est cependant pas corroborée par les motifs de l’arrêt, dont il ressort que la Cour a mis particulièrement l’accent sur cette méthodologie d’analyse en raison des circonstances de la procédure au principal et de la formulation des questions préjudicielles plutôt que d’un choix délibéré exprimant sa préférence pour celle‑ci.

46.      Je ne crois pas du reste qu’un tel choix serait opportun. En effet, en premier lieu, j’ai déjà eu l’occasion d’observer que chaque méthode d’analyse a ses inconvénients. En particulier, comme l’a déjà relevé l’avocat général Jacobs dans ses conclusions dans l’affaire Tournier (60), la difficulté de la comparaison avec les tarifs fixés dans d’autres États membres réside dans le fait qu’il est nécessaire de trouver un mode de comparaison objectif, ce qui n’est pas une opération facile eu égard aux différences entre les législations nationales et entre les méthodes de calcul et de perception des redevances qui sont utilisées par les différentes sociétés de gestion des droits d’auteur. Plus généralement, comme l’a souligné l’avocat général Wahl dans ses conclusions dans l’affaire AKKA/LAA, « en ce qui concerne les comparaisons géographiques, des éléments tels que, à titre non exhaustif, la fiscalité nationale, les caractéristiques du marché national du travail et les préférences des consommateurs locaux peuvent affecter de manière significative le prix final des produits ou services concernés ». En second lieu, il resterait à préciser la procédure à suivre s’il se révèle impossible de procéder à une comparaison sur une base homogène, lorsque, par exemple, il n’existe aucune méthode de calcul des tarifs analogue dans les États membres de référence, ou encore lorsque, comme cela semble ressortir, dans la présente affaire, des données fournies par le gouvernement belge dans ses observations écrites, il résulte de cette comparaison que les tarifs pratiqués par l’organisme de gestion sont inférieurs à ceux appliqués dans les États membres de référence. Enfin, il n’est pas exclu que le fait d’attribuer à la comparaison entre les tarifs appliqués dans divers États membres une importance exclusive, ou décisive, dans l’appréciation du caractère éventuellement excessif des tarifs des organismes de gestion puisse faciliter des comportements collusoires entre ces organismes visant à coordonner les prix.

47.      Pour ces raisons, il est à mon avis préférable de procéder à l’examen de l’éventuel caractère inéquitable des tarifs pratiqués par les organismes de gestion collective des droits d’auteur pour des œuvres musicales en sélectionnant au cas par cas la ou les méthodes les plus pertinentes, déterminées en fonction des circonstances de chaque cas concret.

48.      C’est à la lumière des principes qui viennent d’être exposés et des considérations précédemment développées qu’il convient d’analyser la question préjudicielle dans ses deux parties.

3.      Sur la seconde partie de la question préjudicielle

49.      Par la seconde partie de sa question préjudicielle, qu’il convient d’examiner en premier lieu, le juge de renvoi demande en substance à la Cour si l’on peut considérer comme un abus de position dominante le fait, pour un organisme de gestion collective des droits d’auteur qui jouit d’un monopole de fait dans un État membre, d’appliquer aux organisateurs d’événements musicaux, pour le droit de communication au public d’œuvres musicales, une structure de rémunération fondée sur le chiffre d’affaires « qui lie également les rémunérations de la licence à des éléments externes, tels que le prix de l’entrée, le prix des consommations, le budget artistique pour les interprètes ou exécutants ainsi que le budget pour d’autres postes, tels que le décor ».

50.      Il est nécessaire, à titre liminaire, de préciser trois points.

51.      En premier lieu, si le juge de renvoi se réfère, dans la formulation de sa question préjudicielle, à une structure tarifaire « fondée sur le chiffre d’affaires », il ressort de la décision de renvoi et du dossier de l’affaire, ce qui a également été confirmé lors de l’audience, que le pourcentage dégressif prévu par le tarif 211, dans l’hypothèse où il n’est pas fait application du tarif de base, s’applique, alternativement, au budget artistique, c’est‑à‑dire au poste de dépense correspondant au montant mis à disposition des artistes, ou à une partie des recettes, qui n’est pas égale à l’intégralité du chiffre d’affaires de l’événement mais uniquement au montant correspondant aux recettes de la vente des billets (y compris ceux offerts aux sponsors (61)).

52.      En deuxième lieu, bien que la formulation de la seconde partie de la question préjudicielle ne soit pas claire à cet égard, il ressort des motifs de la décision de renvoi que les éclaircissement demandés concernent l’élément du tarif de la SABAM ayant consisté à retenir comme base de calcul une partie des recettes brutes générées par la vente des billets, sans tenir compte de la partie de ces recettes qui ne dépend pas de la prestation de l’organisme de gestion et sans permettre la déduction des dépenses qui ne sont pas spécialement liées à la musique.

53.      En troisième lieu, le juge de renvoi ne cherche pas à savoir si cet aspect de la méthode de calcul employée par la SABAM est abusif dans la mesure où il entraîne l’imposition d’une rémunération excessive, mais où il n’établit pas un lien suffisant entre la prestation fournie par la SABAM et la rémunération demandée par celle‑ci. Ce n’est donc pas le niveau des redevances perçues en lui‑même qui est mis en cause, en tout cas de façon directe, mais, plus généralement, la méthode de calcul de ces redevances, c’est‑à‑dire la structure même du tarif 211 et le rapport que cette structure permet d’établir avec la prestation réellement fournie par la SABAM.

54.      À cet égard, il convient de préciser d’ores et déjà qu’une entreprise, même en position dominante, doit pouvoir poursuivre ses propres intérêts et que, à cette fin, elle est en principe libre de choisir la méthode de calcul qu’elle estime la plus appropriée pour déterminer la rémunération réclamée en contrepartie des produits ou services qu’elle offre. Il n’appartient donc pas à la Cour, ni aux juges ou aux autorités nationales de la concurrence, de définir la méthode de calcul devant être adoptée, mais uniquement de vérifier si la méthode concrètement appliquée ne viole pas les interdictions énoncées à l’article 102 TFUE, et, en particulier, si elle n’entraîne pas l’imposition de prix inéquitables.

55.      W.W fait valoir que le tarif 211 a été créé pour les festivals de musique traditionnels, dont l’offre et l’attractivité résident dans le fait que la musique est jouée en direct. Des événements comme Tomorrowland offriraient en revanche aux spectateurs une expérience « unique et globale », en particulier par l’attention portée aux décors, qui transforme non seulement la scène, mais tout le domaine où se déroule l’événement en un « monde imaginaire », les déguisements portés par le personnel, les éléments visuels, tels que des jeux de lumière féeriques, des effets d’optique et des feux d’artifice, la gastronomie et toute une série de services offerts, pendant le séjour, mais également avant et après. WCD souligne également la nature particulière de l’événement qu’elle organise et, comme W.W, fait valoir que les recettes brutes issues de la vente des billets sont générées principalement par des éléments externes au répertoire musical utilisé. Il s’ensuit, selon W.W, que, pour des événements de ce type, le fait d’utiliser les recettes comme base de calcul de la rémunération de l’organisme de gestion collective constitue en soi un abus de position dominante. WCD juge au contraire abusif le fait de ne pas permettre de déduire des recettes brutes les dépenses qui ne sont pas liées à la musique, dont certaines, telles que celles correspondant au respect des réglementations en matière d’environnement ou de sécurité, seraient en constante augmentation. Selon W.W et WCD, le budget artistique ne constitue pas non plus une base adéquate pour ce calcul.

56.      En vertu de la jurisprudence rappelée précédemment (62), un prix ne peut être considéré comme inéquitable, au sens de l’article 102, second alinéa, sous a), TFUE, s’il présente un rapport raisonnable avec la valeur économique de la prestation fournie par l’entreprise en position dominante. Dans la présente affaire, cette prestation consiste à mettre à disposition des utilisateurs des œuvres musicales protégées par le droit d’auteur aux fins de la communication au public au cours d’événements festivaliers.

57.      Comme cela a été exposé précédemment, le test United Brands suggère, à tout le moins de façon implicite, de déterminer la valeur du produit ou du service fourni par l’entreprise dominante à partir de ses coûts de production. Or, s’il est possible de quantifier les coûts inhérents à la gestion collective, il est extrêmement difficile, voire impossible, de déterminer les coûts de la création d’une œuvre de l’esprit, telle qu’une œuvre musicale. Le critère tiré du test United Brands est donc inadéquat pour déterminer la valeur économique de la prestation fournie aux utilisateurs d’un organisme de gestion collective dans son ensemble.

58.      La valeur économique de cette prestation et, en l’espèce, de la prestation fournie par la SABAM aux organisateurs de festivals, doit par conséquent être évaluée en tenant compte des caractéristiques de la gestion collective, d’une part, et du droit d’auteur, d’autre part (63).

59.      S’agissant du premier aspect, une partie importante de cette valeur tient au fait que les organisateurs de festivals ne sont pas obligés de s’adresser individuellement aux titulaires du droit d’auteur sur les œuvres qu’ils ont l’intention d’exécuter afin de négocier avec chacun d’eux une licence pour la communication au public, mais ont pour seul interlocuteur l’organisme de gestion. Les contrats de réciprocité conclus par la SABAM avec d’autres organismes de gestion permettent en outre, au moyen d’une licence unique, d’avoir également accès au répertoire d’organismes étrangers. L’existence d’un système de gestion collective des droits non seulement représente une économie de temps et de ressources évidente, mais est une condition nécessaire à la possibilité même de réaliser des événements tels que ceux organisés par des sociétés comme W.W et WCD.

60.      S’agissant du second aspect, la valeur économique des œuvres musicales mises à disposition des organisateurs d’un festival dépend des bénéfices qu’elles permettent (ou devraient permettre) de réaliser. Comme l’a souligné l’avocate générale Trstenjak dans ses conclusions dans l’affaire Kanal 5 (64), il est tout à fait habituel que l’attribution d’une licence pour des droits d’auteur soit subordonnée au versement d’une redevance représentant une fraction du chiffre d’affaires réalisé avec le produit pour l’élaboration duquel le droit d’auteur a été utilisé. L’idée sous‑jacente est qu’un auteur a droit à une part raisonnable du chiffre d’affaires réalisé en recourant à son œuvre.

61.      Cette idée se retrouve dans la jurisprudence constante de la Cour déjà rappelée précédemment, selon laquelle la perception, par un organisme de gestion des droits d’auteur, d’une rémunération pour la représentation d’œuvres musicales protégées, dont le montant est calculé sur la base du chiffre d’affaires de l’utilisateur, doit être considérée comme une exploitation normale du droit d’auteur (65). Les redevances calculées sur la base du chiffre d’affaires de l’utilisateur présentent donc, en principe, un rapport raisonnable avec la valeur économique de la prestation fournie (66).

62.      Il est vrai que le chiffre d’affaires d’un événement tel qu’un festival musical (67) dépend, dans une mesure plus ou moins grande, de facteurs autres que la communication au public des œuvres protégées par le droit d’auteur, tels que notamment la qualité et la renommée des exécutants, le lieu de la manifestation, les décors, les lumières, les services offerts en même temps que l’événement ou sa popularité, autant de facteurs qui dépendent, en grande partie (même si non exclusivement), des efforts des organisateurs et qui donnent lieu à des dépenses autres que les coûts liés aux redevances dues à l’organisme de gestion collective et, de manière plus ou moins manifeste, n’ont pas de lien direct avec la prestation fournie par ce dernier.

63.      Néanmoins, sans minimiser nullement l’importance de ces facteurs, il me semble en premier lieu indéniable, bien qu’il incombe en dernier ressort au juge de renvoi de se prononcer définitivement sur cette question, que la musique constitue l’élément principal du « produit » offert par les défenderesses au principal, ainsi que le premier facteur de rassemblement du public attiré par l’événement. En deuxième lieu, je relève qu’un système de rémunération fondé sur le chiffre d’affaires est usuel dans le domaine des droits d’auteur et, plus généralement, dans le domaine des droits de propriété intellectuelle, y compris lorsque le droit couvert par la licence n’est pas l’objet principal du produit final qu’il permet de réaliser (68). En troisième lieu, comme cela a été exposé, dans l’arrêt Kanal 5, la Cour a approuvé un tel système de rémunération également pour des utilisateurs, tels que les chaînes de télévision, dont le chiffre d’affaires peut, même dans une large mesure, dépendre d’éléments étrangers à l’utilisation d’œuvres musicales protégées (69). En quatrième lieu, il me semble que les arguments avancés par les défenderesses au principal peuvent concerner, de façon générale, divers types d’utilisateurs de musique, également intensifs, tels que les discothèques, dont le succès dépend en grande partie aussi de facteurs que l’on pourrait considérer comme étrangers à la musique, comme les décors, les lumières, la situation, la qualité des consommations, le type de clientèle, la notoriété des DJ, etc. Enfin, et surtout, comme l’a observé à juste titre la SABAM, le seul fait que d’autres facteurs que la musique interviennent dans la décision d’achat du billet pour des événements tels que ceux organisés par W.W et WCD n’a pas en soi pour effet de priver de tout rapport raisonnable avec la valeur économique de la mise à disposition d’œuvres musicales protégées par le droit d’auteur une structure tarifaire dont la base de calcul des redevances est constituée par les recettes de la vente des billets.

64.      Je relève par ailleurs que divers éléments du tarif 211 – qui, comme l’observe à juste titre la SABAM, doit être apprécié dans son ensemble – sont destinés à atténuer les effets de l’utilisation du chiffre d’affaires comme base de calcul des redevances et permettent, en quelque sorte, de tenir compte de la circonstance que le volume des recettes ne dépend pas exclusivement, ou en tout cas ne dépend pas nécessairement d’une manière directement proportionnelle, de la valeur de la musique.

65.      En premier lieu, comme je l’ai déjà précisé précédemment, les recettes de la vente des billets ne constituent qu’une partie et non la totalité du chiffre d’affaires réalisé par les événements organisés par les défenderesses au principal. À cet égard, je relève que, sans être contredite par ces dernières, la SABAM a précisé, lors de l’audience, que la partie du chiffre d’affaires prise en compte aux fins du calcul des redevances qui lui sont dues représente environ 35 % et environ 50 % du chiffre d’affaires global réalisé respectivement par Tomorrowland et Wecandance. En deuxième lieu, les montants de base, qui correspondent aux recettes de la vente des billets ou au budget artistique sont divisés en 8 (ou 9) tranches auxquelles s’applique un taux dégressif de 6 à 2,5 %. Ainsi, la fraction du montant de base correspondant aux redevances dues à la SABAM diminue avec l’augmentation de ce montant. En troisième lieu, un système de réduction est appliqué aux redevances calculées ainsi, qui permet de tenir compte, même si ce n’est que de façon forfaitaire, du volume du répertoire de la SABAM effectivement exécuté lors de l’événement. Enfin, la SABAM a fait valoir lors de l’audience et n’a pas non plus été contredite sur ce point par les défenderesses au principal que, précisément pour tenir compte de la spécificité des festivals, le taux dégressif appliqué à ces événements part d’un seuil maximal (6 %) inférieur à celui prévu pour des événements similaires comme les concerts (8 %) (70).

66.      De même que les redevances calculées sur le chiffre d’affaires de l’événement, celles qui sont calculées à partir du budget artistique présentent en principe également, selon moi, contrairement à ce qu’affirment les défenderesses au principal, un rapport raisonnable avec la valeur économique de la prestation fournie par la SABAM, dans la mesure où ce poste de dépense permet de donner une indication directe de l’importance, dans l’organisation de l’événement, de la composante liée à la communication des œuvres musicales protégées.

67.      À la lumière des considérations précédentes, le seul fait que le système tarifaire adopté par la SABAM prenne, comme base de calcul des redevances dues pour la communication au public d’œuvres musicales appartenant à son répertoire, une fraction du chiffre d’affaires ou d’une partie du chiffre d’affaires réalisé par l’événement au cours duquel cette communication a eu lieu, ou, alternativement, le budget artistique, ne constitue pas, en soi, un indice de l’existence de prix inéquitables, ni, a fortiori, et contrairement à ce que semblent soutenir les défenderesses au principal, ne permet de constater l’existence d’un tel abus.

68.      Il en va selon moi de même, en principe, en ce qui concerne l’impossibilité de déduire les dépenses « non directement liées à la musique » des montants de base calculés sur la partie du chiffre d’affaires réalisé avec la vente des billets ou sur le budget artistique. Indépendamment du fait qu’il se révèle extrêmement difficile de déterminer quelles dépenses peuvent être considérées comme non directement liées à la musique, compte tenu de la nature des événements dont il s’agit (peut-on considérer, par exemple, comme directement liées à la musique les dépenses qui permettent d’assurer la qualité du son, mais non celles relatives aux lumières ?), l’incidence de ces dépenses sur la partie du chiffre d’affaires pris comme base de calcul (dans ce cas, les recettes générées par la vente des billets) dépend de l’affectation décidée par les organisateurs de l’événement et donc d’éléments qui échappent totalement à la sphère de contrôle de la SABAM. Je relève en outre que, dans les arrêts Basset et Tournier, la Cour s’est prononcée en faveur de la validité de systèmes de rémunération fondés sur le chiffre d’affaires brut. De même, dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Kanal 5, STIM calculait ses redevances à partir des recettes générées par la diffusion d’émissions destinées au grand public ou, subsidiairement, par la publicité et/ou les abonnements, en déduisant uniquement certaines dépenses (71).

69.      Il appartient en tout état de cause au juge de renvoi d’apprécier, à la lumière de l’ensemble des circonstances pertinentes, si l’application du tarif 211, dans la mesure où il adopte comme base de calcul des redevances les recettes générées par la vente des billets ou, alternativement, le budget artistique, en autorisant de déduire uniquement certains coûts de ces montants, est susceptible d’entraîner l’imposition de prix inéquitables.

70.      Toutefois, pour que ce juge puisse réussir à établir l’existence de prix excessifs, il lui incombera, ainsi que je l’ai exposé aux points 29 à 38 des présentes conclusions, de comparer le niveau des redevances perçues par la SABAM en application du tarif 211 à un prix de référence, à déterminer en utilisant les méthodes d’analyse à sa disposition qui se révèlent les plus pertinentes au regard de l’ensemble des circonstances qui caractérisent l’affaire soumise à son examen. Le caractère excessif de ces redevances serait établi s’il ressortait de cette comparaison qu’il existe un écart significatif et persistant entre ces redevances et le prix de référence pris en considération, sans que cet écart soit objectivement justifié.

71.      Renoncer à cette partie de l’analyse reviendrait en substance à reconnaître qu’une certaine méthode de calcul de la rémunération demandée par une entreprise dominante pour les produits ou services qu’elle offre aboutit en elle‑même à l’imposition de prix excessifs, indépendamment du niveau effectif de ces prix. Or, à l’exception de certains cas exceptionnels, cette façon de procéder me semble incorrecte sur le plan de la méthode et pourrait avoir concrètement pour conséquence paradoxale de priver une entreprise de la liberté d’adopter une méthode de calcul déterminée, même lorsque son application aboutit à des prix qui restent dans les limites du niveau concurrentiel.

72.      Parmi les méthodes d’analyse que le juge de renvoi pourrait prendre en considération, en excluant, pour les raisons déjà exposées, l’analyse prix/coûts de production prévue par le test United Brands et la comparaison avec les prix pratiqués par la concurrence, compte tenu de la position de monopole de fait de la SABAM, j’évoquerai tout d’abord la comparaison géographique, qu’il convient d’effectuer en suivant les critères fixés par la Cour dans l’arrêt AKKA/LAA. En outre, bien qu’il soit apparu lors de l’audience que la SABAM n’a pas modifié de façon substantielle le niveau des redevances demandées pour la mise à disposition des œuvres musicales de son répertoire aux organisateurs de festivals (72), il pourrait se révéler pertinent de procéder à une analyse historique permettant d’adopter une vision dynamique de l’évolution du niveau des redevances concrètement payées par les défenderesses au principal. Sous cet angle, je n’exclus pas que le fait de ne tenir aucun compte de l’augmentation, si elle est avérée, de certaines dépenses – en particulier celles qui découlent de l’application de prescriptions légales, par exemple les coûts relatifs à l’adoption de mesures de sécurité ou de protection de l’environnement – et de l’incidence de ces dépenses, lorsqu’elle est établie, sur les montants pris comme base de calcul des tarifs de l’organisme de gestion puisse constituer un indice de l’existence de prix inéquitables, dans la mesure où elle se traduit par une augmentation significative du niveau des redevances sans contrepartie pour les utilisateurs et sans être justifiée par une augmentation des dépenses de la SABAM. Enfin, il pourrait également se révéler pertinent de procéder à une comparaison avec les redevances perçues par la SABAM pour des prestations similaires qu’il conviendrait d’identifier, si possible, sur la base de critères objectifs dans le cadre d’une évaluation qu’il incombe au juge de renvoi d’effectuer.

4.      Sur la première partie de la question préjudicielle

73.      Dans la première partie de sa question préjudicielle, le juge de renvoi demande en substance à la Cour s’il y a lieu de considérer comme un abus de position dominante le fait, pour un organisme de gestion collective des droits d’auteur qui jouit d’un monopole de fait dans un État membre, d’appliquer aux organisateurs d’événements musicaux, pour le droit de communication au public d’œuvres musicales, une structure de rémunération qui utilise un tarif forfaitaire par tranches plutôt qu’un tarif calculé sur la part précise que le répertoire de cet organisme occupe dans la musique exécutée lors de l’événement.

74.      Même dans ce cas de figure, l’aspect contesté dans les procédures au principal n’est pas, directement, le niveau des redevances, mais l’application d’une méthode particulière de calcul qui serait en elle‑même abusive, car sans lien raisonnable avec la prestation fournie par l’organisme de gestion.

75.      Selon W.W et WCD, il ressort des arrêts Kanal 5 et OSA qu’il y a lieu de tenir compte, pour déterminer la redevance des organismes de gestion, de l’utilisation effective des œuvres faisant partie du répertoire de ces organismes. Ces sociétés font valoir, en particulier, qu’il existe diverses techniques qui permettent d’identifier avec précision et sans possibilité d’erreur les œuvres musicales réellement exécutées et donc la part du répertoire de l’organisme de gestion effectivement utilisée. Elles se réfèrent en particulier au programme élaboré par la société néerlandaise DJ Monitor. L’utilisation de ces techniques n’impliquerait aucun coût supplémentaire pour la SABAM, ou en tout cas aucun coût excessif, puisque celle‑ci serait de toute façon dans l’obligation d’analyser la liste des œuvres exécutées pour effectuer une répartition des redevances entre les ayants droit. La SABAM conteste la portée générale que W.W et WCD attribuent à l’arrêt Kanal 5. Cet arrêt concernerait uniquement les chaînes de télévision, c’est‑à‑dire les opérateurs actifs dans un secteur où l’intensité de l’utilisation des œuvres musicales est variable, et non des opérateurs comme W.W et WCD, dont les événements sont axés sur la musique. S’il est opportun, selon la SABAM, de calculer les redevances dues par les premières en appliquant une quote-part variable en fonction des œuvres musicales exécutées, dans le cas d’événements musicaux tels que ceux en cause au principal, la rémunération pourrait toujours être exprimée par un pourcentage fixe du chiffre d’affaires ou variable de façon forfaitaire.

76.      À la lumière des observations des parties au principal, il convient tout d’abord de préciser la portée de l’arrêt Kanal 5, dont ces parties font une interprétation divergente. Je rappelle que, dans cet arrêt, la Cour a précisé que des tarifs calculés en fonction des recettes des sociétés de télédiffusion et du volume de musique télédiffusée peuvent avoir un caractère abusif lorsqu’« il existe une autre méthode permettant d’identifier et de quantifier de manière plus précise l’utilisation de ces œuvres ainsi que l’audience et que cette méthode est susceptible de réaliser le même but légitime, qui est la protection des intérêts des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique, sans pour autant entraîner une augmentation disproportionnée des frais encourus en vue de la gestion des contrats et de la surveillance de l’utilisation des œuvres musicales protégées par le droit d’auteur » (73).

77.      J’ai déjà eu l’occasion d’observer que la Cour a confirmé à plusieurs reprises la légalité d’un système de rémunération pour la mise à disposition d’œuvres musicales protégées dont le montant est calculé sur la base du chiffre d’affaires de l’utilisateur, et ce pour les utilisateurs dont l’activité dépend de l’exploitation d’œuvres musicales, comme les discothèques, dans les arrêts Basset et Tournier, de même que pour les utilisateurs qui font une exploitation d’œuvres musicales dont l’intensité peut varier en fonction d’autres facteurs, comme les chaînes de télévision dans l’arrêt Kanal 5.

78.      Cela étant précisé, je relève que dès l’arrêt Tournier, s’agissant précisément d’utilisateurs intensifs de musique comme les discothèques, et dans un contexte questionnant la légalité du blankett licensing, qui consiste à prévoir une rémunération fixe pour l’accès à l’ensemble du répertoire de l’organisme de gestion, indépendamment de l’utilisation effective des œuvres musicales protégées, la Cour a précisé que, si la nature globale ou forfaitaire de la redevance perçue n’implique pas en soi une violation de l’interdiction des prix inéquitables, une pratique abusive peut néanmoins être constatée s’il existe d’autres méthodes qui offrent la même protection aux intérêts des titulaires des droits d’auteur sans entraîner de coûts supplémentaires (74). La Cour a par ailleurs affirmé à plusieurs reprises que, dans le cas d’œuvres protégées mises à disposition du public, le titulaire du droit d’auteur et ses ayants droit ont un intérêt légitime à calculer les redevances dues pour l’autorisation de représenter l’œuvre en fonction du nombre réel ou probable des représentations (75). Enfin, je relève que, dans l’arrêt Kanal 5, bien que l’avocate générale Trstenjak ait clairement distingué la situation des chaînes de télévision de celle des utilisateurs intensifs de musique, en écartant la légalité d’une méthode de calcul de la redevance fondée sur un pourcentage fixe uniquement dans le premier cas de figure, la Cour a justifié la nécessité de calculer la redevance sur la base du volume de la musique réellement utilisée non pas en raison de la nature des chaînes de télévision, mais, plus généralement, en raison de la nécessité de garantir le lien nécessaire entre la rémunération et la valeur de la prestation, et de protéger les intérêts des titulaires des droits (76).

79.      Sur la base des considérations qui précèdent, j’estime donc, à l’instar de la Commission, qu’il existe un principe désormais acquis, dans la jurisprudence de la Cour, selon lequel si un organisme de gestion collective des droits d’auteur qui jouit d’une position dominante dans un État membre est libre de calculer le montant des redevances qui lui sont dues pour la représentation d’œuvres musicales sur la base du chiffre d’affaires réalisé par l’utilisateur et de prévoir qu’elles correspondent à un pourcentage de ce chiffre d’affaires variable en fonction du volume de la musique utilisée, mais calculée de façon forfaitaire, une telle méthode de calcul peut néanmoins constituer un abus de position dominante s’il existe d’autres méthodes qui permettent de calculer avec précision les œuvres musicales utilisées de même que l’audience. Ces méthodes doivent assurer le même niveau de protection des intérêts des auteurs, compositeurs et éditeurs musicaux et ne pas entraîner, pour l’organisme de gestion collective, une augmentation excessive de ses propres frais. Le principe précédemment exposé s’applique aussi bien dans le cas d’utilisateurs dont l’activité dépend totalement ou pour la majeure partie de l’exploitation de la musique, que dans le cas d’utilisateurs pour lesquels la part de cette exploitation est à la fois moindre et variable.

80.      Il est constant que le tarif 211, tant dans sa version applicable aux faits de la procédure au principal, fondée sur la règle 1/3‑2/3, que dans sa version modifiée en 2018, fondée sur des tranches de 10 %, opère, avec plus ou moins d’approximation, une détermination forfaitaire de la part du répertoire de la SABAM effectivement exécutée au cours des événements concernés. Sur la base de la première des deux versions, la réduction du plein tarif était applicable à condition que au moins un tiers des œuvres indiquées dans la liste fournie par les organisateurs de l’événement n’appartienne pas au répertoire de la SABAM. Aucune réduction n’était en revanche prévue en deçà de ce seuil. Puisque aucune redevance n’était due uniquement lorsque aucune œuvre du répertoire de la SABAM ne figurait sur cette liste, en principe, l’exécution ne serait-ce que d’une seule des œuvres protégées par la SABAM aurait pu justifier l’application d’un tiers du tarif plein. En outre, si les œuvres musicales du répertoire de la SABAM correspondaient précisément à un tiers ou aux deux tiers de celles que les organisateurs de l’événement prévoyaient d’exécuter, la SABAM facturait, respectivement, les deux tiers du tarif ou le tarif plein. Sur la base de la seconde version du tarif, les trois tranches de 33 % ont été remplacées par dix tranches de 10 %, avec par conséquent une réduction des écarts par rapport à la part d’œuvres musicales du répertoire de la SABAM réellement exécutée, même si cette part reste déterminée de façon forfaitaire.

81.      Sur la base de la jurisprudence Tournier et Kanal 5 précédemment rappelée, il appartient au juge de renvoi d’apprécier, au vu de l’ensemble des circonstances du cas d’espèce : i) s’il existe des méthodes qui permettent d’identifier avec une plus grande précision les œuvres musicales protégées par la SABAM exécutées durant l’événement (puisque les redevances de la SABAM sont perçues en fonction des recettes générées par la vente des billets, la question de l’identification de l’audience ne se pose pas) ; ii) si ces méthodes assurent la même protection des intérêts des titulaires du droit d’auteur sur ces œuvres, et iii) si l’application de ces méthodes n’augmente pas de façon excessive les dépenses de la SABAM, en particulier en ce qui concerne la gestion des contrats et la surveillance de l’utilisation des œuvres musicales protégées.

82.      Parmi les circonstances pertinentes dont le juge de renvoi devra tenir compte aux fins de l’appréciation de la première de ces questions, figurent, à mon avis : i) l’accessibilité des données relatives aux œuvres musicales réellement utilisées et aux technologies employées (77) ; ii) la fiabilité de ces données et technologies (78), et iii) la durée nécessaire à l’obtention des données (79). En ce qui concerne la fiabilité des technologies numériques mentionnées par W.W et WCD, je relève, sous réserve de vérification par le juge de renvoi, que la SABAM a indiqué dans ses observations écrites que le programme utilisé durant les éditions 2015 et 2016 des événements en cause au principal n’a pas reconnu environ 8 % des morceaux exécutés, que ces technologies reconnaissent difficilement les œuvres mixées et que, en tout état de cause, elles ne peuvent être utilisées pour la musique live.

83.      Pour vérifier la deuxième question indiquée au point 81 des présentes conclusions, le juge de renvoi devra évaluer les avantages et les inconvénients de la méthode de calcul des redevances utilisée par la SABAM en tenant compte du contexte dans lequel ces redevances sont facturées. À cet égard, les trois facteurs suivants me semblent plus particulièrement pertinents. En premier lieu, il conviendrait d’examiner quelle est la proportion d’œuvres musicales appartenant au répertoire de la SABAM normalement exécutées durant les événements en cause dans la procédure au principal par rapport à la totalité de la musique utilisée. En effet, il n’est pas exclu que le recours à une méthode forfaitaire soit malgré tout préférable, compte tenu des intérêts concurrents en jeu, dans l’hypothèse où la quasi-totalité des œuvres exécutées lors de ce type d’événements appartient au répertoire de l’organisme de gestion. J’observe à cet égard, toujours sous réserve de vérification par le juge de renvoi, que, dans ses observations écrites, la SABAM, sans être contredite par W.W et WCD, a affirmé qu’environ 80 à 90 % de la musique exécutée durant les festivals organisés par ces sociétés vient de son répertoire. En deuxième lieu, il faudra évaluer l’incidence de l’usage d’autres méthodes sur la rapidité de la perception des redevances. Il est en effet possible, comme le relève la SABAM, que des erreurs dans la reconnaissance des œuvres exécutées soient à l’origine de litiges, entre l’organisme de gestion et l’organisateur de l’événement, susceptibles de retarder les délais de perception des redevances au détriment des titulaires de ces droits (80). En troisième lieu, il y aura lieu d’évaluer l’éventuelle incidence, sur les intérêts des titulaires, de l’abandon de la méthode par tranches forfaitaires (dans ses deux versions) adoptée par la SABAM, à la lumière du système de répartition des droits utilisé par cet organisme et de la structure des coûts de la SABAM.

84.      S’agissant de la dernière question mentionnée au point 81 des présentes conclusions, qui concerne les coûts, je relève que, à la différence de la formulation utilisée dans l’arrêt Tournier, qui semblait exclure une quelconque augmentation des dépenses de gestion ou de surveillance de l’organisme, l’arrêt Kanal 5 a précisé que l’usage d’une méthode de calcul permettant l’identification précise des œuvres musicales exécutées ne doit pas entraîner une augmentation « disproportionnée » de ces dépenses (81). Il s’ensuit que, si le passage à un tel système est susceptible d’aboutir à une augmentation des dépenses de la SABAM, cette augmentation doit être contenue et doit pouvoir être compensée par les avantages qu’elle apporte aux organisateurs d’événements musicaux. Une augmentation excessive est en effet susceptible de se répercuter sur le niveau des droits perçus par les auteurs et leurs ayants droit en les abaissant. Dans les procédures au principal, W.W et WCD affirment qu’elles assumeraient les coûts relatifs à l’utilisation des techniques numériques de reconnaissance des œuvres musicales, lesquels sont importants, selon la SABAM, de sorte qu’il n’y aurait pas de coûts supplémentaires pour celle‑ci. Si cet élément est confirmé (82), il resterait à vérifier l’importance des coûts induits par les erreurs éventuelles ou les litiges relatifs à l’identification du répertoire de la SABAM, que celle‑ci a évoqués dans ses observations écrites. L’argument avancé par la SABAM, selon lequel les coûts liés à l’utilisation des nouvelles techniques numériques pourraient être pris en charge par certains organisateurs d’événements musicaux mais lui incomberaient dans les autres cas, ne me semble en revanche pas décisif, puisque rien n’interdit à la SABAM d’adopter des méthodes de calcul différentes pour des catégories différentes de clients, si cette différenciation est justifiée et non discriminatoire.

85.      Si l’issue de l’examen des questions énumérées au point 81 des présentes conclusions est positive, cela signifie que la structure tarifaire de la SABAM est susceptible de violer l’interdiction de l’imposition de prix et des conditions non équitables au sens de l’article 102, second alinéa, sous a), TFUE. En effet, une structure tarifaire basée sur des tranches forfaitaires qui ne tiennent pas compte de l’utilisation réelle des œuvres musicales protégées implique, lorsqu’il existe une possibilité de déterminer de façon précise (ou plus précise) le volume de cette utilisation (et de l’audience), qu’une partie, plus ou moins importante, des redevances perçues par cette société ne correspond pas à une prestation réellement fournie (83).

86.      Néanmoins, je ne crois pas que la Cour ait entendu, dans les arrêts Tournier et Kanal 5, établir une forme d’automatisme selon lequel l’adoption d’une telle structure tarifaire conduirait, dans les circonstances spécifiées dans ces arrêts et en l’absence de justifications avancées par l’organisme de gestion, nécessairement à la constatation de l’existence de prix inéquitables.

87.      Comme je l’ai déjà observé précédemment aux points 70 et 71 des présentes conclusions, l’adoption d’une certaine méthode de calcul de la rémunération pour les produits ou services offerts par une entreprise en position dominante ne suffit pas en soi pour présumer l’existence de prix excessifs, mais doit être corroborée par une analyse comparative du niveau de ces prix avec un prix de référence.

88.      C’est uniquement s’il apparaît que l’application d’une telle méthode de calcul conduit concrètement à exclure tout rapport raisonnable entre le prix et la valeur économique de la prestation offerte que cette analyse comparative n’est pas nécessaire.

89.      Il appartient au juge de renvoi d’effectuer cette vérification. Pour ce qui est des méthodes comparatives auxquelles ce juge peut avoir recours dans les circonstances des procédures au principal, je renvoie au point 72 des présentes conclusions.

V.      Conclusion

90.      Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, je propose à la Cour de répondre comme suit à la question préjudicielle posée par l’ondernemingsrechtbank Antwerpen (tribunal de l’entreprise d’Anvers, Belgique) :

L’article 102, second alinéa, sous a), TFUE doit être interprété en ce sens qu’un organisme de gestion collective des droits d’auteur qui jouit d’un monopole de fait dans un État membre n’abuse pas de sa position dominante en imposant des prix non équitables au seul motif qu’il adopte une structure tarifaire en vertu de laquelle les redevances perçues pour la mise à disposition d’œuvres musicales protégées appartenant à son répertoire, à des fins de communication au public lors de festivals, sont calculées au moyen d’un taux dégressif appliqué aux recettes générées par la vente des billets ou au budget artistique, sans possibilité de déduire les dépenses non directement liées à la prestation fournie par cet organisme, et prévoyant un système de réductions fondé sur l’utilisation de tranches forfaitaires afin de tenir compte de la part d’œuvres musicales effectivement exécutées lors du festival. Toutefois, il n’est pas exclu que l’application d’une telle structure tarifaire puisse conduire à l’imposition de redevances non équitables, notamment lorsqu’il existe une autre méthode permettant d’identifier et de quantifier de manière plus précise les œuvres musicales réellement exécutées et que cette méthode est susceptible de réaliser le même but légitime que constitue la protection des intérêts des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique, sans pour autant entraîner une augmentation disproportionnée des frais encourus en vue de la gestion des contrats et de la surveillance de l’utilisation des œuvres musicales protégées par le droit d’auteur. Il appartient au juge de renvoi d’apprécier, à la lumière de l’ensemble des circonstances qui caractérisent l’affaire soumise à son examen, si ces conditions sont remplies et, dans l’affirmative, si le caractère inéquitable des redevances imposées est corroboré par d’autres indices déduits, en particulier, de la comparaison avec les tarifs applicables dans d’autres États membres, corrigés au moyen de l’indice de la parité du pouvoir d’achat, de la comparaison avec les redevances appliquées dans le passé par ce même organisme de gestion ou de la comparaison avec les redevances fixées par ledit organisme pour des prestations similaires.


1      Langue originale : l’italien.


2      Directive du Parlement européen et du Conseil du 26 février 2014 concernant la gestion collective du droit d’auteur et des droits voisins et l’octroi de licences multiterritoriales de droits sur des œuvres musicales en vue de leur utilisation en ligne dans le marché intérieur (JO 2014, L 84, p. 72).


3      Voir notamment considérants 7, 8, 9 et 55 de la directive 2014/26.


4      Voir article 1er, première phrase, de la directive 2014/26.


5      Belgisch Staatsblad, 26 juin 2017 et Moniteur belge du 26 juin 2017.


6      Il ressort du dossier que, bien que la définition de la notion de « festival » ait varié dans les différentes éditions du tarif 211, cette notion a toujours renvoyé à l’organisation d’une série de concerts d’au moins cinq groupes ou artistes par jour, chacun avec son propre programme. Dans certains cas, une thématique commune et une fréquence annuelle étaient exigées.


7      Il ressort du dossier que, dans les versions 2014 et 2016 du tarif 211, la notion de « budget artistique » était définie comme le montant mis à disposition des artistes pour l’exécution de leur programme. Dans la version de 2017, y ont également été ajoutées les dépenses techniques de son et lumière remboursées aux artistes.


8      Dans la version de 2017, les frais de transports publics y ont été ajoutés.


9      Le juge de renvoi indique que les affaires introduites par la SABAM contre W.W et WCD n’ont pas été jointes, mais qu’elles feront l’objet d’un seul jugement.


10      Le juge de renvoi relève que, depuis les premières éditions du festival Tomorrowland, SABAM et W.W sont en désaccord sur le niveau de rémunération due à la première. Après une transaction en 2008, et un nouveau litige survenu lors des éditions 2011 et 2014, au cours de l’année 2015, le tribunal d’Anvers a déclaré fondée la demande de paiement de la SABAM pour les éditions de Tomorrowland de2011 et 2013. Après ce jugement, le 30 juillet 2015, la SABAM et W.W ont conclu une nouvelle transaction sur les redevances dues non seulement pour les éditions 2011 et 2013 du festival, mais également pour l’édition 2014. Il avait été convenu en particulier que les deux tiers du montant pour l’année 2014 seraient versés directement à la SABAM et qu’un tiers serait bloqué sur un compte bancaire dans l’attente de la résolution du litige apparu entre-temps sur le pourcentage du répertoire de la SABAM utilisé lors de cette édition. En ce qui concerne les années 2015 et 2016, si, dans un premier temps, W.W a accepté le tarif appliqué par la SABAM, elle a ensuite contesté la facture émise par cette dernière. La SABAM réclame la somme de 194 925,29 euros pour l’édition du festival Tomorrowland de 2014, de 259 072,42 euros pour l’édition de 2015 et de 283 726,99 euros pour l’édition de 2016, sommes majorées des intérêts. La SABAM demande également à W.W de lui communiquer le nombre de billets VIP vendus pour l’édition 2016 ainsi que leur prix. W.W a présenté une demande reconventionnelle afin de faire constater, à titre principal, qu’aucun montant n’est dû à la SABAM pour les éditions du festival Tomorrowland de2014 à 2016 et d’obtenir la libération des fonds cantonnés pour l’édition 2014 ainsi que le remboursement de 16 236,00 euros pour l’édition 2016. À titre subsidiaire, W.W demande la désignation d’un expert afin de déterminer la part des œuvres du répertoire de la SABAM qui ont été exécutées au cours des éditions 2014, 2015 et 2016.


11      Le juge de renvoi précise que, pour l’édition 2013, la SABAM a appliqué le tarif 105 et, à partir de la deuxième édition, le tarif 211. WCD a procédé au versement des sommes demandées, en les contestant néanmoins par la suite. Pour les éditions2015 et 2016, WCD a utilisé le répertoire de la SABAM sans autorisation. Les montants relatifs à ces éditions, bien que contestés par WCD, ont pourtant été fixés par la SABAM sur la base de ses propres constatations. La SABAM demande que WCD soit condamnée à payer les sommes de 27 359,04 euros et 38 550,45 euros, majorées des intérêts. WCD a présenté une demande reconventionnelle afin de faire condamner la SABAM à lui rembourser 7 897,00 euros et 13 349,78 euros, plus les intérêts.


12      W.W et WCD font en particulier référence au programme « DJ Monitor ».


13      La décision du président du tribunal de commerce de Bruxelles reprochait également à la SABAM une augmentation du tarif appliqué aux festivals d’environ 37 % ainsi que l’application d’un tarif minimal excessivement élevé. La SABAM aurait également été condamnée au versement d’une astreinte journalière de 5 000 euros, jusqu’à un maximum de 1 000 000 euros, en cas de non‑respect de la décision (voir https://www.rtbf.be/pure/article/detail_dans-leur-conflit-avec-la-sabam-les-festivals-obtiennent-gain-de-cause ?id=9894749).


14      Dans le secteur pharmaceutique, plusieurs autorités nationales de la concurrence ont constaté des pratiques de prix déloyales et abusives, en particulier en Italie (affaire Aspen, décision de l’Autorità Garante della Concorrenza e del Mercato – l’autorité italienne garante de la concurrence et du marché – du 29 septembre 2016), au Royaume‑Uni (affaire Pfizer/Flynn, décision de la Competition and Markets Authority – l’autorité de la concurrence et des marchés du Royaume‑Uni – du 7 décembre 2016), et au Danemark (affaire CD Pharma, décision du Konkurrence- og Forbrugerstyrelsen – l’autorité danoise de la concurrence et des consommateurs – du 31 janvier 2018) ; au niveau européen, au mois de mai 2017, la Commission a ouvert une procédure d’enquête formelle concernant l’application, par Aspen Pharma, de prix non équitables pour des médicaments contre le cancer dans l’Espace économique européen (EEE) (à l’exception de l’Italie) ; voir également rapport de la Commission au Conseil et au Parlement européen, « Application du droit de la concurrence dans le secteur pharmaceutique » (2009‑2017), du 28 janvier 2019, COM(2019) 17 final, point 4.2. En ce qui concerne le secteur de la gestion collective des droits d’auteur, pour un aperçu des décisions des autorités de concurrence nationales, voir dossier accessible à l’adresse suivante : https://www.concurrences.com/fr/bulletin/special-issues/collecting-societies/collecting-societies-and-competition-law-an-overview-of-eu-and-national-case ; au niveau européen, voir jurisprudence citée aux points 39 à 44 des présentes conclusions.


15      C‑177/16, EU:C:2017:286 (ci‑après les « conclusions de l’avocat général Wahl dans l’affaire AKKA/LAA »).


16      27/76, EU:C:1978:22.


17      L’affaire ayant donné lieu à cet arrêt avait pour objet le recours introduit par le groupe qui était à l’époque le plus important au monde sur le marché de la banane, la United Brands Company (ci‑après « UBC »), contre une décision de la Commission ayant notamment conclu au caractère excessif des prix pratiqués par la filiale européenne du groupe à l’égard de certains de ses clients. La Commission était parvenue à cette conclusion après avoir procédé à une comparaison entre les prix pratiqués par UBC sur les marchés belge, danois, allemand, luxembourgeois et néerlandais, et avec ceux pratiqués sur le marché irlandais, dont il ressortait que les premiers étaient nettement supérieurs aux seconds.


18      26/75, EU:C:1975:150, point 12.


19      Voir point 250 de l’arrêt United Brands. Cette définition a été reprise dans de nombreux arrêts ultérieurs, voir, notamment, arrêts du 11 novembre 1986, British Leyland/Commission (226/84, EU:C:1986:421, points 27 et 28) ; du 17 juillet 1997, GT-Link (C‑242/95, EU:C:1997:376, point 39) ; du 17 mai 2001, TNT Traco (C‑340/99, EU:C:2001:281, point 46) ; du 27 février 2014, OSA (C‑351/12, EU:C:2014:110, point 88) ; du 11 décembre 2008, Kanal 5 et TV 4 (C‑52/07, EU:C:2008:703, point 28), ainsi que, en dernier lieu, du 14 septembre 2017, Autortiesību un komunicēšanās konsultāciju aģentūra -Latvijas Autoru apvienība (C‑177/16, EU:C:2017:689, point 35, ci‑après l’« arrêt AKKA/LAA »).


20      Voir point 252 de l’arrêt United Brands ainsi que arrêt AKKA/LAA, point 36.


21      Ces appréciations ne doivent pas être effectuées de façon cumulative : voir ordonnance du 25 mars 2009, Scippacercola et Terezakis/Commission (C‑159/08 P, non publiée, EU:C:2009:188, point 47).


22      Dès l’arrêt United Brands, la Cour, tout en censurant la Commission, en substance, pour ne pas avoir examiné la structure des coûts d’UBC, a néanmoins admis expressément que « d’autres méthodes [...] pour dégager les critères du prix inéquitable d’un produit » sont concevables (voir point 253 de l’arrêt United Brands).


23      Voir arrêt du 11 novembre 1986, British Leyland/Commission (226/84, EU:C:1986:421, points 28 et 29), dans lequel une augmentation des prix de 600 % sans augmentation apparente des coûts avait rendu superflue l’analyse de ces derniers et focalisé l’attention sur la différence entre le nouveau prix et l’ancien prix.


24      Voir arrêt du 11 novembre 1986, British Leyland/Commission (226/84, EU:C:1986:421, points 28 et 29).


25      Voir décision de la Commission du 25 juillet 2001 relative à une procédure d’application de l’article 82 du traité CE (affaire COMP/C‑1/36.915 – Deutsche Post AG – Interception de courrier transfrontière, considérant 160).


26      Voir, implicitement, arrêt du 13 juillet 1989, Tournier (395/87, EU:C:1989:319, point 44).


27      Voir arrêt du 11 novembre 1986, British Leyland/Commission (226/84, EU:C:1986:421, points 28 et 29).


28      Voir, implicitement, arrêt United Brands, dans lequel la comparaison effectuée par la Commission entre les prix d’UBC sur différents marchés des États membres n’a été censurée que parce que le marché national de référence avait été choisi sur la base d’appréciations inexactes.


29      Voir arrêt du 8 juin 1971, Deutsche Grammophon Gesellschaft (78/70, EU:C:1971:59, point 19).


30      Voir, également, arrêts du 29 février 1968, Parke, Davis and Co. (24/67, EU:C:1968:11, p. 81), ainsi que du 5 octobre 1988, CICRA et Maxicar (53/87, EU:C:1988:472), même si, dans les deux cas, la Cour a exclu que le fait que le prix pratiqué par l’entreprise dominante soit supérieur à celui des concurrents suffise à définir un abus, étant donné que les produits de la première étaient protégés par un brevet.


31      Voir arrêts du 4 mai 1988, Bodson (30/87, EU:C:1988:225, point 31), et AKKA/LAA, point 38.


32      Voir arrêt AKKA/LAA, points 37 et 38.


33      Voir arrêt du 13 novembre 1975, General Motors Continental/Commission (26/75, EU:C:1975:150, point 15).


34      De même, une fois que la méthode d’analyse est déterminée, les indices de référence pertinents sont également choisis en tenant compte de l’ensemble des circonstances qui caractérisent le cas d’espèce. Voir, notamment, arrêt AKKA/LAA, points 41 et 42, selon lequel le choix des marchés de référence aux fins de la comparaison dépend des circonstances propres à l’espèce ; voir également arrêt du 28 mars 1985, CICCE/Commission (298/83, EU:C:1985:150, points 24 et 25).


35      Voir arrêt United Brands, points 254 à 261.


36      Voir arrêt AKKA/LAA, point 49. Voir, également, conclusions de l’avocat général Wahl dans l’affaire AKKA/LAA, point 36.


37      La Cour s’est exprimée récemment en ce sens, dans l’arrêt AKKA/LAA, points 38 et 43, sur la comparaison entre les tarifs jugés inéquitables appliqués par l’organisme de gestion des droits d’auteur dans un État membre et ceux pratiqués par les organismes analogues dans les seuls États membres limitrophes ou dans un échantillon plus large d’autres États membres. Voir, également, arrêt du 27 février 2014, OSA (C‑351/12, EU:C:2014:110, points 87 à 92).


38      Je renvoie sur ce point à l’analyse qui ressort des conclusions de l’avocat général Wahl dans l’affaire AKKA/LAA, points 43 à 45.


39      Voir arrêt AKKA/LAA, points 55 et 56 ; voir, dans le même sens, conclusions de l’avocat général Wahl dans l’affaire AKKA/LAA, point 107.


40      En ce sens, voir en dernier lieu arrêt AKKA/LAA, point 57.


41      Voir décision de la Commission du 23 juillet 2004, affaire COMP/A.36.568/D3 – Scandlines Sverige AB c. Port of Helsingborg.


42      Voir arrêt du 29 février 1968, Parke, Davis and Co. (24/67, EU:C:1968:11, p. 100) dans lequel la Cour a affirmé que le fait que le prix d’un produit breveté soit supérieur à celui d’un produit non breveté ne constitue pas nécessairement un abus ; voir, également, arrêt du 5 octobre 1988, CICRA et Maxicar (53/87, EU:C:1988:472, point 17).


43      Voir, notamment, arrêt AKKA/LAA, point 59.


44      Voir arrêt AKKA/LAA.


45      Le monopole des organismes de gestion, lequel est souvent d’origine légale, est dû essentiellement à la difficulté, pour les utilisateurs et les titulaires des droits, de négocier individuellement les licences relatives à l’utilisation des œuvres musicales. L’émergence des nouvelles technologies numériques semble néanmoins remettre en question, au moins en partie, le caractère inévitable de tels monopoles, voir Lenard, T. M., et White, L. J., Moving Music Licensing Into the Digital Era : More Competition and Less Regulation, sur https://techpolicyinstitute.org/wp-content/uploads/2015/12/moving-music-licensing-digital-era.pdf. La directive 2014/26 elle‑même met en place un cadre juridique plus favorable à une plus grande ouverture à la concurrence du marché de la gestion des droits d’auteur.


46      402/85, EU:C:1987:197, point 19.


47      Voir arrêt Basset, points 15, 16, 18 et 21.


48      La Cour n’avait toutefois pas été invitée à se prononcer sur le niveau des redevances.


49      395/87, EU:C:1989:319.


50      110/88, 241/88 et 242/88, EU:C:1989:326.


51      La SACEM percevait un pourcentage fixe de 8,25 % sur le chiffre d’affaires brut de la discothèque.


52      Voir arrêts Tournier, points 38 et 42, et Lucazeau, points 25 et 29.


53      Voir arrêt Tournier, point 45. Dans cette affaire, la SACEM refusait de mettre à disposition des discothèques uniquement la partie de son répertoire que celles‑ci utilisaient effectivement.


54      C‑52/07, EU:C:2008:703.


55      Tel était le cas, selon la Cour, du tarif appliqué par STIM à Kanal 5 et TV 4. Ce tarif consistait en un pourcentage variable des recettes réalisées par ces chaînes de télévision grâce à la vente d’espaces publicitaires et, subsidiairement, à la vente d’espaces publicitaires et aux abonnements. Le pourcentage augmentait en même temps que la part annuelle de musique de la chaîne de télévision (c’est‑à‑dire la durée d’utilisation, dans les différentes émissions, d’une œuvre musicale protégée, calculée sur un an), bien que d’une façon qui n’était pas strictement proportionnelle. STIM accordait la déduction des frais de commercialisation et des redevances dues à l’État suédois pour pouvoir émettre sur le réseau câblé ; voir conclusions de l’avocate générale Trstenjak dans l’affaire Kanal 5 et TV 4 (C‑52/07, EU:C:2008:491, point 9).


56      Voir arrêt Kanal 5, point 40.


57      C‑351/12, EU:C:2014:110.


58      Voir arrêt OSA, points 87 et 88.


59      Voir arrêt AKKA/LAA, points 36 à 38 et 41.


60      395/87, non publiées, EU:C:1989:215, point 60.


61      Il ressort du dossier que les billets liés au sponsoring sont calculés sur leur valeur nominale ou, lorsque cette valeur ne peut être déterminée, sur la base du prix d’entrée moyen.


62      Voir en particulier point 29 des présentes conclusions.


63      Voir, en ce sens, arrêt Kanal 5, points 30 et 31.


64      C‑52/07, EU:C:2008:491, point 60.


65      Voir arrêt Basset, points 15, 16, 18 et 21.


66      Voir, en ce sens, arrêts Tournier, point 45, et Kanal 5, point 37.


67      W.W en particulier conteste que Tomorrowland puisse être défini comme un « festival ».


68      Voir conclusions de l’avocate générale Trstenjak dans l’affaire Kanal 5C‑52/07, EU:C:2008:491, point 62).


69      Voir point 42 des présentes conclusions.


70      Il est clair que l’incidence d’un tel élément serait évaluée en comparant la structure des deux tarifs dans leur ensemble, tâche qui incombe néanmoins au juge de renvoi.


71      Voir conclusions de l’avocate générale Trstenjak dans l’affaire Kanal 5 (C-52/07, EU:C:2008:491, point 9 et note 4).


72      Comme je l’ai déjà relevé précédemment (voir note 13 des présentes conclusions), il apparaît toutefois que la procédure pendante devant la cour d’appel de Bruxelles concerne notamment une augmentation récente des tarifs appliqués par la SABAM aux festivals.


73      Voir arrêt Kanal 5, point 40.


74      Voir arrêt Tournier, point 45.


75      Voir arrêts du 18 mars 1980, Coditel e a. (62/79, EU:C:1980:84), Tournier, point 12 ; et Kanal 5, point 38.


76      Voir arrêt Kanal 5, points 36 à 38.


77      W.W et WCD font valoir qu’une liste des œuvres qui seront exécutées est en règle générale fournie à la SABAM. Puisque la présentation de cette liste constitue une condition pour obtenir la réduction du tarif, la SABAM n’a pas à prendre de mesures particulières pour obtenir ces données. Le recours aux technologies numérisées pourrait en revanche se révéler plus complexe.


78      La présentation, par les organisateurs, de la liste des œuvres qui seront exécutées requiert une surveillance pendant le déroulement du festival. L’usage de technologies numériques ne souffre pas, en principe, de cet inconvénient, mais il faut tenir compte du risque de problèmes techniques au cours de l’événement.


79      La liste des œuvres qui seront exécutées durant le festival est mise à la disposition de la SABAM avant leur utilisation. L’usage de techniques numériques ne permet, en revanche, un accès à ces données qu’après que l’événement a eu lieu.


80      La SABAM fait observer qu’elle dispose d’un délai légal de neuf mois à partir de la fin de l’exercice au cours duquel les revenus provenant des droits ont été perçus pour procéder à leur répartition entre titulaires.


81      Voir arrêts Tournier, point 45, et Kanal 5, point 40.


82      Dans ses observations écrites, la SABAM affirme que, dans la procédure au principal, WCD a soutenu que ces dépenses devraient être déduites des revenus utilisés comme base pour la détermination de la redevance de la SABAM.


83      Voir, en ce sens, arrêts du 10 décembre 1991, Merci convenzionali Porto di Genova (C‑179/90, EU:C:1991:464, point 19), et du 16 juillet 2009, Der Grüne Punkt – Duales System Deutschland/Commission (C‑385/07 P, EU:C:2009:456, points 141 à 147).