Language of document : ECLI:EU:C:2021:35

ARRÊT DE LA COUR (première chambre)

20 janvier 2021 (*)

« Renvoi préjudiciel – Environnement – Convention d’Aarhus – Directive 2003/4/CE – Accès du public à l’information en matière d’environnement – Projet de construction d’infrastructures “Stuttgart 21” – Rejet d’une demande d’information environnementale – Article 4, paragraphe 1 – Motifs de refus – Notion de “communications internes” – Portée – Limitation dans le temps de la protection de telles communications »

Dans l’affaire C‑619/19,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Bundesverwaltungsgericht (Cour administrative fédérale, Allemagne), par décision du 8 mai 2019, parvenue à la Cour le 19 août 2019, dans la procédure

Land Baden-Württemberg

contre

D.R.,

en présence de :

Deutsche Bahn AG,

Vertreter des Bundesinteresses beim Bundesverwaltungsgericht,

LA COUR (première chambre),

composée de M. J.‑C. Bonichot (rapporteur), président de chambre, M. L. Bay Larsen, Mme C. Toader, MM. M. Safjan et N. Jääskinen, juges,

avocat général : M. G. Hogan,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

considérant les observations présentées :

–        pour le Land Baden-Württemberg, par Me G. Torsten, Rechtsanwalt,

–        pour D.R., par Me F.‑U. Mann, Rechtsanwalt,

–        pour Deutsche Bahn AG, par Me T. Krappel, Rechtsanwalt,

–        pour le gouvernement allemand, par M. J. Möller et Mme S. Eisenberg, en qualité d’agents,

–        pour l’Irlande, par Mmes M. Browne et J. Quaney ainsi que par M. A. Joyce, en qualité d’agents,

–        pour le gouvernement du Royaume-Uni, par M. S. Brandon, en qualité d’agent, assisté de M. C. Knight, barrister,

–        pour la Commission européenne, par MM. G. Gattinara et M. Noll-Ehlers, en qualité d’agents,

–        pour le gouvernement norvégien, par Mme L.-M. Moen Jünge et M. K. Isaksen, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 16 juillet 2020,

rend le présent

Arrêt

1        La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 4, paragraphe 1, premier alinéa, sous e), de la directive 2003/4/CE du Parlement européen et du Conseil, du 28 janvier 2003, concernant l’accès du public à l’information en matière d’environnement et abrogeant la directive 90/313/CEE du Conseil (JO 2003, L 41, p. 26).

2        Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant le Land Baden-Württemberg (Land du Bade-Wurtemberg, Allemagne) à D.R., au sujet d’une demande d’information environnementale visant à obtenir l’accès à certains documents du Staatsministerium Baden-Württemberg (ministère d’État du Land du Bade-Wurtemberg) relatifs au projet de construction d’infrastructures de transport et d’aménagement urbain, dit « Stuttgart 21 », dans le Stuttgarter Schlossgarten (parc du château de Stuttgart, Allemagne).

 Le cadre juridique

 Le droit international

3        La convention sur l’accès à l’information, la participation du public au processus décisionnel et l’accès à la justice en matière d’environnement, signée à Aarhus le 25 juin 1998 et approuvée au nom de la Communauté européenne par la décision 2005/370/CE du Conseil, du 17 février 2005 (JO 2005, L 124, p. 1, ci-après la « convention d’Aarhus »), dispose, à son article 4, paragraphe 3 :

« Une demande d’informations sur l’environnement peut être refusée si :

[...]

c)      la demande porte sur des documents qui sont en cours d’élaboration ou concerne des communications internes des autorités publiques à condition que cette exception soit prévue par le droit interne ou la coutume, compte tenu de l’intérêt que la divulgation des informations demandées présenterait pour le public.

[...] »

 Le droit de l’Union

 Le règlement (CE) no 1049/2001

4        Le règlement (CE) no 1049/2001 du Parlement européen et du Conseil, du 30 mai 2001, relatif à l’accès du public aux documents du Parlement européen, du Conseil et de la Commission (JO 2001, L 145, p. 43), prévoit, à son article 4, paragraphe 3 :

« L’accès à un document établi par une institution pour son usage interne ou reçu par une institution et qui a trait à une question sur laquelle celle-ci n’a pas encore pris de décision est refusé dans le cas où sa divulgation porterait gravement atteinte au processus décisionnel de cette institution, à moins qu’un intérêt public supérieur ne justifie la divulgation du document visé.

L’accès à un document contenant des avis destinés à l’utilisation interne dans le cadre de délibérations et de consultations préliminaires au sein de l’institution concernée est refusé même après que la décision a été prise, dans le cas où la divulgation du document porterait gravement atteinte au processus décisionnel de l’institution, à moins qu’un intérêt public supérieur ne justifie la divulgation du document visé. »

 Le règlement (CE) no 1367/2006

5        L’article 3 du règlement (CE) no 1367/2006 du Parlement européen et du Conseil, du 6 septembre 2006, concernant l’application aux institutions et organes de la Communauté européenne des dispositions de la convention d’Aarhus sur l’accès à l’information, la participation du public au processus décisionnel et l’accès à la justice en matière d’environnement (JO 2006, L 264, p. 13), prévoit :

« Le règlement [no 1049/2001] s’applique à toute demande d’accès à des informations environnementales détenues par des institutions ou organes [de l’Union], sans discrimination fondée sur la citoyenneté, la nationalité ou le domicile et, dans le cas d’une personne morale, sans discrimination concernant le lieu où elle a son siège officiel ou un véritable centre d’activités.

[...] »

6        L’article 6 du règlement no 1367/2006, intitulé « Application des exceptions relatives aux demandes d’accès à des informations environnementales », dispose, à son paragraphe 1 :

« En ce qui concerne les dispositions de l’article 4, paragraphe 2, premier et troisième tirets, du règlement [no 1049/2001], à l’exception des enquêtes [...], la divulgation est réputée présenter un intérêt public supérieur lorsque les informations demandées ont trait à des émissions dans l’environnement. Pour ce qui est des autres exceptions prévues à l’article 4 du règlement [no 1049/2001], les motifs de refus doivent être interprétés de manière stricte, compte tenu de l’intérêt public que présente la divulgation et du fait de savoir si les informations demandées ont trait à des émissions dans l’environnement. »

 La directive 2003/4

7        Les considérants 1, 5 et 16 de la directive 2003/4 sont libellés ainsi :

« (1)      L’accès accru du public à l’information en matière d’environnement ainsi que la diffusion de cette information favorisent une plus grande sensibilisation aux questions d’environnement, le libre échange d’idées, une participation plus efficace du public à la prise de décision en matière d’environnement et, en définitive, l’amélioration de l’environnement.

[...]

(5)      La Communauté européenne a signé le 25 juin 1998 la [convention d’Aarhus]. Les dispositions du droit communautaire doivent être compatibles avec cette convention pour que celle-ci puisse être conclue par la Communauté européenne.

[...]

(16)      Le droit aux informations signifie que la divulgation des informations devrait être la règle générale et que les autorités publiques devraient être autorisées à opposer un refus à une demande d’informations environnementales dans quelques cas particuliers clairement définis. Les motifs de refus devraient être interprétés de façon restrictive, de manière à mettre en balance l’intérêt public servi par la divulgation et l’intérêt servi par le refus de divulguer. Les motifs de refus devraient être communiqués au demandeur dans le délai fixé par la présente directive. »

8        Aux termes de l’article 1er de cette directive :

« La présente directive a pour objectifs :

a)      de garantir le droit d’accès aux informations environnementales détenues par les autorités publiques ou pour leur compte et de fixer les conditions de base et les modalités pratiques de son exercice, et

b)      de veiller à ce que les informations environnementales soient d’office rendues progressivement disponibles et diffusées auprès du public afin de parvenir à une mise à disposition et une diffusion systématiques aussi larges que possible des informations environnementales auprès du public. [...] »

9        L’article 2 de cette directive, intitulé « Définitions », prévoit :

« Aux fins de la présente directive, on entend par :

1)      “information environnementale” : toute information disponible sous forme écrite, visuelle, sonore, électronique ou toute autre forme matérielle, concernant :

a)      l’état des éléments de l’environnement, tels que l’air et l’atmosphère, l’eau, le sol, les terres, les paysages et les sites naturels, y compris les biotopes humides, les zones côtières et marines, la diversité biologique et ses composantes, y compris les organismes génétiquement modifiés, ainsi que l’interaction entre ces éléments ;

[...]

c)      les mesures (y compris les mesures administratives), telles que les politiques, les dispositions législatives, les plans, les programmes, les accords environnementaux et les activités ayant ou susceptibles d’avoir des incidences sur les éléments et les facteurs visés aux points a) et b), ainsi que les mesures ou activités destinées à protéger ces éléments ;

[...]

f)      l’état de la santé humaine, la sécurité, y compris, le cas échéant, la contamination de la chaîne alimentaire, et les conditions de vie des personnes, les sites culturels et les constructions, pour autant qu’ils soient ou puissent être altérés par l’état des éléments de l’environnement visés au point a), ou, par l’intermédiaire de ces éléments, par l’un des facteurs, mesures ou activités visés aux points b) et c) ;

2)       “autorité publique” :

a)      le gouvernement ou toute autre administration publique, y compris les organes consultatifs publics, au niveau national, régional ou local ;

[...]

3)      “information détenue par une autorité publique” : l’information environnementale qui est en la possession de cette autorité et qui a été reçue ou établie par elle ;

[...]

5)      “demandeur” : toute personne physique ou morale qui demande des informations environnementales ;

[...] »

10      L’article 3 de ladite directive, intitulé « Accès sur demande aux informations environnementales », dispose, à son paragraphe 1 :

« Les États membres veillent à ce que les autorités publiques soient tenues, conformément à la présente directive, de mettre à la disposition de tout demandeur, et sans que celui-ci soit obligé de faire valoir un intérêt, les informations environnementales qu’elles détiennent ou qui sont détenues pour leur compte. »

11      Aux termes de l’article 4 de la même directive, intitulé « Dérogations » :

« 1.      Les États membres peuvent prévoir qu’une demande d’information environnementale peut être rejetée dans les cas où :

[...]

d)      la demande concerne des documents en cours d’élaboration ou des documents et données inachevés ;

e)      la demande concerne des communications internes, en tenant compte de l’intérêt que la divulgation des informations demandées présenterait pour le public.

Si une demande est rejetée au motif qu’elle concerne des documents en cours d’élaboration, l’autorité publique désigne l’autorité qui élabore les documents en question et indique le délai jugé nécessaire pour les finaliser.

2.      Les États membres peuvent prévoir qu’une demande d’informations environnementales peut être rejetée lorsque la divulgation des informations porterait atteinte :

a)      à la confidentialité des délibérations des autorités publiques, lorsque cette confidentialité est prévue en droit ;

[...]

Les motifs de refus visés aux paragraphes 1 et 2 sont interprétés de manière restrictive, en tenant compte dans le cas d’espèce de l’intérêt que présenterait pour le public la divulgation de l’information. Dans chaque cas particulier, l’intérêt public servi par la divulgation est mis en balance avec l’intérêt servi par le refus de divulguer. Les États membres ne peuvent, en vertu du paragraphe 2, [sous] a), d), f), g) et h), prévoir qu’une demande soit rejetée lorsque elle concerne des informations relatives à des émissions dans l’environnement.

[...]

4.      Les informations environnementales détenues par des autorités publiques ou pour leur compte et ayant fait l’objet d’une demande sont mises partiellement à la disposition du demandeur lorsqu’il est possible de dissocier les informations relevant du champ d’application du paragraphe 1, [sous] d) et e), ou du paragraphe 2, des autres informations demandées.

5.      Le refus de mettre à disposition tout ou partie des informations demandées est notifié au demandeur [...] La notification indique les motifs du refus et donne des renseignements sur la procédure de recours prévue en application de l’article 6. »

 Le droit allemand

12      L’article 28, paragraphe 2, point 2, de l’Umweltverwaltungsgesetz Baden-Württemberg (loi du Land du Bade-Wurtemberg relative à l’administration en matière d’environnement), du 25 novembre 2014 (GBl. 2014, 592), tel que modifié par l’article 1er de la loi du 28 novembre 2018 (GBl. 2018, 439), prévoit :

« Il convient de rejeter une demande si elle vise des communications internes des autorités tenues de mettre des informations à disposition, au sens de l’article 23, paragraphe 1, sauf si l’intérêt que présenterait la divulgation de l’information pour le public est plus fort. »

 Le litige au principal et les questions préjudicielles

13      Le litige au principal porte sur la demande qu’une personne physique, à savoir D.R., a adressée au ministère d’État du Land du Bade-Wurtemberg, visant à obtenir des documents relatifs à l’abattage d’arbres dans le parc du château de Stuttgart, au mois d’octobre 2010, qui a eu lieu dans le cadre de la réalisation du projet de construction d’infrastructures et d’aménagement urbain « Stuttgart 21 ».

14      Ces documents contiennent, d’une part, une information transmise à la direction du ministère d’État du Land du Bade-Wurtemberg, relative au déroulement des travaux de la commission d’enquête concernée, au sujet de l’intervention de la police, le 30 septembre 2010, dans le parc du château de Stuttgart et, d’autre part, des notes de ce ministère, relatives à la mise en œuvre d’une procédure de conciliation, les 10 et 23 novembre 2010, dans le cadre du projet « Stuttgart 21 ».

15      Le recours contentieux, que D.R. avait introduit contre la décision de refus d’accès qui lui avait été opposée, a été rejeté en première instance, mais accueilli par le Verwaltungsgerichtshof Baden-Württemberg (tribunal administratif supérieur du Bade-Wurtemberg, Allemagne). Ce dernier, après avoir constaté que la demande faisant l’objet du litige au principal visait des informations environnementales, a jugé qu’aucun motif de refus d’accès ne s’appliquait aux documents demandés par D.R. S’agissant, en particulier, du motif de refus prévu pour les « communications internes » des autorités publiques, celui-ci ne pourrait plus être invoqué après l’achèvement du processus décisionnel de l’autorité à qui la communication a été demandée.

16      Ce jugement a été contesté par le Land Baden-Württemberg dans le cadre d’un recours en Revision qu’il a introduit devant le Bundesverwaltungsgericht (Cour administrative fédérale, Allemagne).

17      Cette juridiction part de la prémisse que D.R. demandait accès à des informations environnementales, telles que définies à l’article 2, point 1, sous c), de la directive 2003/4, qui sont détenues par une autorité publique. Par ses questions, elle cherche à déterminer s’il y a lieu de qualifier ces informations de « communications internes » qui relèveraient dès lors du motif de refus prévu à l’article 4, paragraphe 1, premier alinéa, sous e), de la directive 2003/4 et, le cas échéant, si l’applicabilité de ce motif de refus est limitée dans le temps.

18      En ce qui concerne la première question posée, le Bundesverwaltungsgericht relève que la directive 2003/4 ne définit pas la notion de « communications internes », mais exige, conformément à son article 4, paragraphe 2, deuxième alinéa, première phrase, que les motifs de refus énumérés à cet article soient interprétés de manière restrictive.

19      Eu égard à cette règle d’interprétation, le Bundesverwaltungsgericht estime que le terme « interne » est susceptible de couvrir les informations qui n’ont pas quitté la sphère interne d’une autorité, à l’exception de celles qui sont destinées à être divulguées. S’agissant du terme « communication », la question se poserait de savoir si celui-ci désigne des informations d’une certaine qualité et, en particulier, s’il exige qu’elles soient adressées à un destinataire.

20      Par ailleurs, il découlerait du document publié par la Commission économique pour l’Europe de l’Organisation des Nations unies, intitulé « La convention d’Aarhus, guide d’application » (Deuxième édition, 2014) (ci-après le « guide d’application de la convention d’Aarhus »), que, dans certains pays, la dérogation prévue pour les « communications internes » a pour but de protéger les opinions personnelles des fonctionnaires, mais ne vise pas des documents factuels.

21      Quant aux deuxième et troisième questions posées, relatives au champ d’application ratione temporis de l’article 4, paragraphe 1, premier alinéa, sous e), de la directive 2003/4, la juridiction de renvoi considère que le libellé de cette disposition s’oppose à une limitation stricte de son application dans le temps. Rien d’autre ne découlerait de la disposition correspondante de la convention d’Aarhus ainsi que de son guide d’application. Il en irait autrement du motif de refus d’accès prévu à l’article 4, paragraphe 1, premier alinéa, sous d), de cette directive concernant les documents en cours d’élaboration ainsi que les documents et données inachevés, dont le libellé même limiterait son application dans le temps.

22      S’agissant des documents internes détenus par le Parlement européen, par le Conseil de l’Union européenne ainsi que par la Commission européenne, l’article 4, paragraphe 3, du règlement no 1049/2001 permettrait d’ailleurs leur protection après l’achèvement du processus décisionnel. Le règlement no 1367/2006, adopté spécifiquement afin d’appliquer la convention d’Aarhus aux institutions de l’Union, n’aurait pas modifié cette règle.

23      Le motif de refus prévu pour les « communications internes » devrait en outre être comparé à celui consacré à l’article 4, paragraphe 2, premier alinéa, sous a), de la directive 2003/4 qui vise à protéger la confidentialité des délibérations des autorités publiques. En effet, ce dernier motif s’appliquerait également après l’achèvement des processus décisionnels, ce qui découlerait de l’arrêt de la Cour du 14 février 2012, Flachglas Torgau (C‑204/09, EU:C:2012:71, point 57). Une interprétation large du motif de refus prévu pour les « communications internes » risquerait ainsi de vider de son sens celui relatif à la confidentialité des délibérations.

24      Par ailleurs, au vu de l’exigence d’interprétation restrictive des motifs de refus, le Bundesverwaltungsgericht estime que la mise en balance des intérêts servis par la divulgation et par le refus de divulguer, exigée à l’article 4, paragraphe 1, premier alinéa sous e), et paragraphe 2, deuxième alinéa, deuxième phrase, de la directive 2003/4, pourrait limiter l’invocabilité du motif de refus prévu pour les « communications internes », notamment dès lors que, avec le temps, l’intérêt au maintien de la confidentialité des informations diminuerait.

25      Enfin, si le champ d’application de l’article 4, paragraphe 1, premier alinéa, sous e), de la directive 2003/4 devait être limité dans le temps, afin de déterminer son étendue, la durée des processus décisionnels ne serait pas toujours un critère adapté. En effet, dans le cadre d’un processus administratif, tout examen d’informations environnementales n’aboutirait pas à une prise de décision.

26      Dans ces conditions, le Bundesverwaltungsgericht (Cour administrative fédérale) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1)      Convient-il d’interpréter l’article 4, paragraphe 1, premier alinéa, sous e), de la directive [2003/4] en ce sens que la notion de “communications internes” inclut toutes les communications qui ne quittent pas le domaine interne d’une autorité tenue de mettre des informations à disposition ?

2)      La protection des “communications internes”, au sens de l’article 4, paragraphe 1, premier alinéa, sous e), de la directive 2003/4, est-elle illimitée dans le temps ?

3)      En cas de réponse négative à la deuxième question : la protection des “communications internes”, au sens de l’article 4, paragraphe 1, premier alinéa, sous e), de la directive 2003/4, ne s’applique-t-elle que jusqu’à l’adoption d’une décision par l’autorité tenue de mettre des informations à disposition ou jusqu’à l’achèvement d’un autre processus administratif ? »

 Sur les questions préjudicielles

 Sur la première question

27      Par sa première question, la juridiction de renvoi demande si l’article 4, paragraphe 1, premier alinéa, sous e), de la directive 2003/4 doit être interprété en ce sens que la notion de « communications internes » inclut toutes les informations qui ne quittent pas la sphère interne d’une autorité publique.

28      À titre préliminaire, il convient de rappeler que, en adoptant la directive 2003/4, le législateur de l’Union a entendu assurer la compatibilité du droit de l’Union avec la convention d’Aarhus en prévoyant un régime général tendant à garantir que tout demandeur, au sens de l’article 2, point 5, de cette directive, ait un droit d’accès aux informations environnementales détenues par les autorités publiques ou pour le compte de celles-ci sans qu’il soit obligé de faire valoir un intérêt (voir, en ce sens, arrêt du 14 février 2012, Flachglas Torgau, C‑204/09, EU:C:2012:71, point 31).

29      Il y a également lieu de souligner que le droit d’accès garanti par la directive 2003/4 ne joue que pour autant que les informations demandées relèvent des prescriptions relatives à l’accès du public qu’elle prévoit, ce qui suppose notamment qu’elles constituent des « informations environnementales », au sens de l’article 2, point 1, de cette directive, ce qu’il incombe à la juridiction de renvoi de vérifier pour ce qui concerne le litige au principal (voir, en ce sens, arrêt du 14 février 2012, Flachglas Torgau, C‑204/09, EU:C:2012:71, point 32).

30      S’agissant des finalités de la directive 2003/4, son article 1er précise en particulier qu’elle vise à garantir le droit d’accès aux informations environnementales détenues par les autorités publiques et à ce que ces informations soient d’office rendues progressivement disponibles et diffusées auprès du public (arrêt du 14 février 2012, Flachglas Torgau, C‑204/09, EU:C:2012:71, point 39).

31      Toutefois, le législateur de l’Union a prévu, à l’article 4 de la directive 2003/4, que les États membres peuvent instaurer des dérogations au droit d’accès aux informations environnementales. Dans la mesure où de telles dérogations ont été effectivement transposées dans le droit national, il est loisible aux autorités publiques de les invoquer afin de s’opposer aux demandes d’information qui leur parviennent.

32      En l’occurrence, il ressort de la décision de renvoi que l’article 28, paragraphe 2, point 2, de la loi du Land du Bade-Wurtemberg relative à l’administration en matière d’environnement a transposé la dérogation prévue à l’article 4, paragraphe 1, premier alinéa, sous e), de la directive 2003/4, en vertu de laquelle une demande d’information environnementale peut être rejetée dans les cas où la demande concerne des communications internes, en tenant compte de l’intérêt que la divulgation des informations demandées présenterait pour le public.

33      Ainsi qu’il ressort de l’économie de la directive 2003/4 et, notamment, de son article 4, paragraphe 2, deuxième alinéa, ainsi que de son considérant 16, le droit aux informations signifie que la divulgation des informations devrait être la règle générale et que les autorités publiques ne devraient être autorisées à opposer un refus à une demande d’informations environnementales que dans quelques cas particuliers clairement définis. Les dérogations au droit d’accès devraient, par conséquent, être interprétés de façon restrictive, de manière à mettre en balance l’intérêt public servi par la divulgation et l’intérêt servi par le refus de divulguer (arrêt du 28 juillet 2011, Office of Communications, C‑71/10, EU:C:2011:525, point 22).

34      Par ailleurs, selon une jurisprudence constante, il découle tant des exigences de l’application uniforme du droit de l’Union que du principe d’égalité que les termes d’une disposition du droit de l’Union qui ne comporte aucun renvoi exprès au droit des États membres pour déterminer son sens et sa portée doivent normalement trouver, dans toute l’Union européenne, une interprétation autonome et uniforme qui doit être recherchée en tenant compte du contexte de cette disposition et de l’objectif poursuivi par la réglementation en cause (arrêt du 14 février 2012, Flachglas Torgau, C‑204/09, EU:C:2012:71, point 37).

35      C’est à l’aune de ces considérations qu’il convient d’interpréter la dérogation au droit d’accès prévue à l’article 4, paragraphe 1, premier alinéa, sous e), de la directive 2003/4, pour les communications internes.

36      S’agissant de la notion de « communications internes », il y a lieu de relever que la directive 2003/4 ne la définit pas et ne comporte pas de renvoi au droit des États membres à cet égard. Il y a, dès lors, lieu d’en fournir une interprétation autonome, conformément à la jurisprudence mentionnée au point 34 du présent arrêt.

37      S’agissant, en premier lieu, du terme « communication », employé à l’article 4, paragraphe 1, premier alinéa, sous e), de la directive 2003/4, il convient de considérer que, ainsi que M. l’avocat général l’a relevé aux points 20 et 21 de ses conclusions, ce terme vise une information adressée par un auteur à un destinataire, étant entendu que ce destinataire peut être tant une entité abstraite, telle que les « membres » d’une administration ou le « conseil d’administration » d’une personne morale, qu’une personne spécifique appartenant à une telle entité, tel un agent ou un fonctionnaire.

38      Cette interprétation de la notion de « communication » est corroborée par le contexte dans lequel l’article 4, paragraphe 1, premier alinéa, sous e), de la directive 2003/4 s’insère.

39      En effet, l’article 4, paragraphe 3, sous c), de la convention d’Aarhus prévoit une dérogation au droit d’accès aux informations environnementales au cas où une demande porte sur des documents qui sont en cours d’élaboration ou concerne des communications internes des autorités publiques. Cette disposition distingue ainsi la notion de « document » de celle de « communication ».

40      Ainsi que M. l’avocat général l’a relevé aux points 23 et 24 de ses conclusions, la même distinction a été reprise par le législateur de l’Union qui a transposé l’article 4, paragraphe 3, sous c), de la convention d’Aarhus par deux dispositions distinctes. D’une part, l’article 4, paragraphe 1, premier alinéa, sous d), de la directive 2003/4 comporte une dérogation visant les documents en cours d’élaboration ou des documents et données inachevés et, d’autre part, l’article 4, paragraphe 1, premier alinéa, sous e), de cette directive prévoit la dérogation relative aux communications internes. Il s’ensuit qu’il y a lieu d’attribuer un sens distinct aux notions de « communication » et de « document ». En particulier, contrairement à la première notion, la seconde ne vise pas nécessairement une information qui est adressée à quelqu’un.

41      S’agissant, en second lieu, du terme « interne », il ressort de l’article 3, paragraphe 1, de la directive 2003/4 que les informations environnementales auxquelles cette directive cherche à donner accès sont détenues par les autorités publiques. Conformément à l’article 2, point 3, de ladite directive, tel est le cas des informations qui sont en la possession d’une autorité et qui ont été reçues ou établies par elle. En d’autres termes, les autorités publiques qui détiennent une information environnementale peuvent en disposer, la traiter et l’analyser en interne ainsi que décider de sa divulgation.

42      Il s’ensuit que toute information environnementale détenue par une autorité publique n’est pas nécessairement « interne ». Tel est seulement le cas d’une information qui ne quitte pas la sphère interne d’une autorité publique, en particulier lorsqu’elle n’a pas été divulguée à un tiers ou n’a pas été mise à la disposition du public.

43      Dans l’hypothèse où une autorité publique détient une information environnementale qu’elle a reçue d’une source extérieure, cette information peut également être « interne » si elle n’a pas été ou n’aurait pas dû être mise à la disposition du public avant sa réception par ladite autorité et si elle ne quitte pas la sphère interne de cette autorité après sa réception par celle-ci.

44      Cette interprétation du terme « interne » est corroborée par l’objectif poursuivi par la dérogation au droit d’accès aux informations environnementales prévue pour les communications internes. À cet égard, il ressort des explications relatives à l’article 4 de la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil concernant l’accès du public à l’information environnementale présentée par la Commission le 29 juin 2000 [COM(2000) 402 final – COD 2000/0169, JO 2000, C 337 E, p. 156] que, à l’instar de la dérogation concernant les documents en cours d’élaboration ou inachevés, celle permettant de refuser l’accès aux communications internes vise à répondre au besoin des autorités publiques de disposer d’un espace protégé afin de poursuivre des réflexions et de mener des débats internes.

45      Un tel besoin a été également reconnu en ce qui concerne les informations environnementales détenues par les institutions de l’Union visées par le règlement no 1049/2001.

46      Ce règlement s’applique à toutes les demandes d’accès aux informations environnementales. En vertu de son article 4, paragraphe 3, les institutions de l’Union ont la possibilité de refuser l’accès aux documents à usage interne ou contenant des avis destinés à l’utilisation interne. Cette disposition vise ainsi à garantir que ces institutions puissent bénéficier d’un espace de réflexion afin de pouvoir décider des choix politiques à opérer et des propositions à éventuellement présenter (voir, en ce sens, arrêt du 4 septembre 2018, ClientEarth/Commission, C‑57/16 P, EU:C:2018:660, points 99 et 109).

47      Au vu des considérations exposées aux points 37 à 46 du présent arrêt, la dérogation au droit d’accès aux informations environnementales, prévue à l’article 4, paragraphe 1, premier alinéa, sous e), de la directive 2003/4 pour les communications internes, doit être comprise comme visant les informations qui circulent au sein d’une autorité publique et qui, à la date de la demande d’accès, n’ont pas quitté la sphère interne de celle-ci, le cas échéant après leur réception par cette autorité, notamment du fait de leur divulgation à un tiers ou de leur mise à la disposition du public.

48      Certes, ainsi qu’il a été rappelé au point 33 du présent arrêt, les dérogations au droit d’accès devraient être interprétées de façon restrictive, de manière à mettre en balance l’intérêt public servi par la divulgation et l’intérêt servi par le refus de divulguer. Toutefois, cette règle d’interprétation ne saurait limiter la portée de l’article 4, paragraphe 1, premier alinéa, sous e), de la directive 2003/4 en méconnaissance de son libellé.

49      Il en découle que la circonstance qu’une information environnementale soit susceptible de quitter la sphère interne d’une autorité publique à un moment donné, notamment lorsqu’elle est destinée à être publiée à l’avenir, ne saurait faire perdre immédiatement à la communication qui la contient son caractère interne.

50      En outre, le libellé de l’article 4, paragraphe 1, premier alinéa, sous e), de la directive 2003/4 n’indique en aucune manière que la notion de « communications internes » devrait être interprétée en ce sens qu’elle ne couvre que les opinions personnelles des agents d’une autorité publique et les documents essentiels ou encore qu’elle ne comprend pas les informations de nature factuelle. De telles limitations seraient, de surcroît, incompatible avec l’objectif de cette disposition, à savoir la création, en faveur des autorités publiques, d’un espace protégé afin de poursuivre des réflexions et de mener des débats internes.

51      La prise en compte de la convention d’Aarhus ainsi que de son guide d’application ne peut non plus aboutir à une limitation de la portée de la notion de « communications internes » telle qu’elle a été évoquée aux points 20, 49 et 50 du présent arrêt. D’une part, ainsi que M. l’avocat général l’a relevé au point 27 de ses conclusions, l’article 4, paragraphe 3, sous c), de la convention d’Aarhus lui-même ne restreint pas la portée des « communications internes » en fonction de leur contenu ou de leur importance. D’autre part, dans son arrêt du 16 février 2012, Solvay e.a. (C‑182/10, EU:C:2012:82, point 27), la Cour a jugé que, si le guide d’application de la convention d’Aarhus peut être considéré comme un document explicatif, susceptible, le cas échéant, d’être pris en considération, parmi d’autres éléments pertinents, aux fins de l’interpréter, les analyses qu’il contient n’ont aucune force obligatoire et ne sont pas revêtues de la portée normative qui s’attache aux stipulations de la convention.

52      En l’occurrence, selon les informations figurant dans la décision de renvoi, les documents visés par la demande d’accès en cause au principal contiennent, d’une part, une information transmise à la direction du ministère d’État du Land du Bade-Wurtemberg et, d’autre part, des notes de ce ministère, relatives à la mise en œuvre d’une procédure de conciliation. Il ne ressort pas du dossier dont dispose la Cour qu’il s’agissait d’informations ayant une origine extérieure audit ministère. Sous réserve des vérifications qui incombent à la juridiction de renvoi, il semble que ces documents aient été rédigés afin de relayer des informations à l’intérieur du ministère d’État du Land du Bade-Wurtemberg et qu’ils n’aient pas quitté la sphère interne de cette administration. Il s’ensuit que ces documents pourraient être qualifiés de « communications internes », au sens de l’article 4, paragraphe 1, premier alinéa, sous e), de la directive 2003/4.

53      Eu égard à ce qui précède, il convient de répondre à la première question posée que l’article 4, paragraphe 1, premier alinéa, sous e), de la directive 2003/4 doit être interprété en ce sens que la notion de « communications internes » inclut toutes les informations qui circulent au sein d’une autorité publique et qui, à la date de la demande d’accès, n’ont pas quitté la sphère interne de cette autorité, le cas échéant après leur réception par ladite autorité et pour autant qu’elles n’aient pas été ou n’auraient pas dû être mises à la disposition du public avant cette réception.

 Sur la deuxième question

54      Par sa deuxième question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 4, paragraphe 1, premier alinéa, sous e), de la directive 2003/4 doit être interprété en ce sens que l’applicabilité de la dérogation au droit d’accès aux informations environnementales qu’il prévoit pour les communications internes d’une autorité publique est limitée dans le temps.

55      Il convient de relever que, à l’instar de l’article 4, paragraphe 3, sous c), de la convention d’Aarhus, transposé dans le droit de l’Union par l’article 4, paragraphe 1, premier alinéa, sous e), de la directive 2003/4, cette dernière disposition ne contient aucun élément militant en faveur de la limitation de son application dans le temps. Le guide d’application de la convention d’Aarhus ne fournit pas non plus d’indications à cet égard.

56      En particulier, contrairement à la dérogation au droit d’accès aux informations environnementales qui figure à l’article 4, paragraphe 1, premier alinéa, sous d), de la directive 2003/4 et qui concerne les documents en cours d’élaboration ainsi que les documents et données inachevés, celle prévue pour les communication internes n’est pas liée à l’élaboration ou à la rédaction de documents. Elle ne dépend pas non plus du degré d’avancement d’un quelconque processus administratif. La fin d’un tel processus ou d’une étape de celui-ci, marquée par l’adoption d’une décision par une autorité publique ou par l’achèvement d’un document, ne saurait, par conséquent, être déterminante pour l’applicabilité de l’article 4, paragraphe 1, premier alinéa, sous e), de la directive 2003/4.

57      L’absence de limitation ratione temporis du champ d’application de cette disposition correspond à son objectif, exposé aux points 44 et 50 du présent arrêt, à savoir la création, en faveur des autorités publiques, d’un espace protégé afin de poursuivre des réflexions et de mener des débats internes. En effet, ainsi que M. l’avocat général l’a relevé, en substance, aux points 44 et 50 de ses conclusions, afin de déterminer si le besoin de protéger la liberté de pensée de l’auteur de la communication en question et la faculté de procéder librement à des échanges de vues persiste, il convient de tenir compte de l’ensemble des circonstances de fait et de droit de l’affaire à la date à laquelle les autorités compétentes sont amenées à se prononcer sur la demande dont elles sont saisies, dès lors que, ainsi qu’il ressort du point 34 de l’arrêt du 16 décembre 2010, Stichting Natuur en Milieu e.a. (C‑266/09, EU:C:2010:779), le droit d’accès à des informations environnementales se concrétise à cette date.

58      Si, certes, la dérogation prévue à l’article 4, paragraphe 1, premier alinéa, sous e), de la directive 2003/4 n’est pas limitée dans le temps, il ressort, toutefois, de cette disposition elle-même ainsi que de l’article 4, paragraphe 2, deuxième alinéa, de cette directive que le refus d’accès à une information environnementale au motif qu’elle figure dans une communication interne doit toujours être fondé sur une mise en balance des intérêts en présence.

59      À cet égard, il ressort de la jurisprudence de la Cour que cette mise en balance doit procéder d’un examen effectif particulier de chaque situation soumise aux autorités compétentes dans le cadre d’une demande d’accès à une information environnementale présentée sur le fondement de la directive 2003/4, sans qu’il soit exclu que le législateur national détermine par une disposition à caractère général des critères permettant de faciliter cette appréciation comparée des intérêts en présence (voir, en ce sens, arrêts du 16 décembre 2010, Stichting Natuur en Milieu e.a., C‑266/09, EU:C:2010:779, point 58, ainsi que du 28 juillet 2011, Office of Communications, C‑71/10, EU:C:2011:525, point 29).

60      S’agissant de l’article 4, paragraphe 1, premier alinéa, sous e), de la directive 2003/4, cet examen revêt une importance accrue, dès lors que le champ d’application matériel de la dérogation au droit d’accès aux informations environnementales prévue par cette disposition pour les documents internes est particulièrement large. Ainsi, afin de ne pas vider la directive 2003/4 de sa substance, la mise en balance des intérêts en présence exigée à l’article 4, paragraphe 1, premier alinéa, sous e), et paragraphe 2, deuxième alinéa, de cette directive doit être encadrée strictement.

61      Dès lors que, ainsi qu’il a été rappelé au point 28 du présent arrêt, la directive 2003/4 cherche à garantir que tout demandeur, au sens de l’article 2, point 5, de cette directive, ait un droit d’accès aux informations environnementales détenues par les autorités publiques ou pour le compte de celles-ci sans qu’il soit obligé de faire valoir un intérêt, l’autorité saisie d’une demande d’accès ne peut exiger que ce demandeur lui expose un intérêt particulier justifiant la divulgation de l’information environnementale requise.

62      Il ressort du considérant 1 de la directive 2003/4 que, parmi les raisons qui peuvent plaider en faveur de la divulgation et dont une autorité doit, en tout état de cause, tenir compte lors la mise en balance des intérêts en présence figurent « une plus grande sensibilisation aux questions d’environnement, le libre échange d’idées, une participation plus efficace du public à la prise de décision en matière d’environnement et […] l’amélioration de l’environnement » (voir, en ce sens, arrêt du 28 juillet 2011, Office of Communications, C‑71/10, EU:C:2011:525, points 25 et 26).

63      Dès lors que, ainsi qu’il a été rappelé au point 59 du présent arrêt, l’examen d’une demande d’accès doit tenir compte des intérêts spécifiques en présence dans chaque cas particulier, l’autorité publique est également tenue d’examiner les indications éventuellement fournies par le demandeur quant aux motifs pouvant justifier la divulgation des informations requises.

64      En outre, les autorités publiques saisies d’une demande d’accès aux informations environnementales figurant dans une communication interne doivent prendre en compte le temps qui s’est écoulé depuis l’établissement de cette communication et des informations que cette dernière contient. En effet, la dérogation au droit d’accès aux informations environnementales visée à l’article 4, paragraphe 1, premier alinéa, sous e), de la directive 2003/4 ne saurait s’appliquer qu’au cours de la période durant laquelle la protection est justifiée eu égard au contenu d’une telle communication (voir, par analogie, arrêt du 26 janvier 2010, Internationaler Hilfsfonds/Commission, C‑362/08 P, EU:C:2010:40, point 56).

65      En particulier, si, au vu de l’objectif de créer, en faveur des autorités publiques, un espace protégé afin de poursuivre des réflexions et de mener des débats internes, des informations figurant dans une communication interne pouvaient valablement ne pas être divulguées à la date de la demande d’accès, une autorité publique peut être, en revanche, amenée à considérer que, en raison de leur ancienneté depuis leur établissement, elles sont devenues historiques et qu’elles ont perdu, de ce fait, le caractère sensible qui y était attaché, dès lors qu’un certain temps s’est écoulé depuis leur établissement (voir, par analogie, arrêt du 19 juin 2018, Baumeister, C‑15/16, EU:C:2018:464, point 54).

66      Par ailleurs, dans le cadre de l’examen d’une demande d’accès à des informations environnementales, l’autorité publique saisie doit vérifier, conformément à l’article 4, paragraphe 4, de la directive 2003/4, si certaines des informations requises peuvent être dissociées de celles couvertes par la dérogation au droit d’accès applicable, de telle sorte qu’elle peut procéder à une divulgation partielle.

67      Le respect de l’ensemble des obligations qui, ainsi qu’il ressort des points 58 à 66 du présent arrêt, incombent aux autorités publiques lors de l’examen d’une demande d’accès aux informations environnementales, dont, en particulier, la mise en balance des intérêts en présence, doit être vérifiable pour l’intéressé et pouvoir faire l’objet d’un contrôle dans le cadre des procédures de recours administratifs et juridictionnels prévues au niveau national, conformément à l’article 6 de la directive 2003/4.

68      Afin de satisfaire à cette exigence, l’article 4, paragraphe 5, de la directive 2003/4 prévoit qu’une décision de refus d’accès est notifiée au demandeur et comporte les motifs du refus sur lesquels elle est fondée.

69      Ainsi que M. l’avocat général l’a relevé au point 34 de ses conclusions, cette obligation de motivation n’est pas remplie lorsqu’une autorité publique se borne à faire référence formellement à l’une des dérogations prévues à l’article 4, paragraphe 1, de la directive 2003/4. Au contraire, l’autorité publique qui adopte une décision de refus d’accès à des informations environnementales doit exposer les raisons pour lesquelles elle considère que la divulgation de ces informations pourrait porter concrètement et effectivement atteinte à l’intérêt protégé par les dérogations invoquées. Le risque d’une telle atteinte doit être raisonnablement prévisible et non purement hypothétique (voir, par analogie, arrêt du 21 juillet 2011, Suède/MyTravel et Commission, C‑506/08 P, EU:C:2011:496, point 76).

70      Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il convient de répondre à la deuxième question posée que l’article 4, paragraphe 1, premier alinéa, sous e), de la directive 2003/4 doit être interprété en ce sens que l’applicabilité de la dérogation au droit d’accès aux informations environnementales qu’il prévoit pour les communications internes d’une autorité publique n’est pas limitée dans le temps. Toutefois, cette dérogation ne saurait s’appliquer qu’au cours de la période durant laquelle la protection de l’information requise est justifiée.

 Sur la troisième question

71      Eu égard à la réponse donnée à la deuxième question posée, il n’y plus lieu de répondre à la troisième question posée.

 Sur les dépens

72      La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (première chambre) dit pour droit :

1)      L’article 4, paragraphe 1, premier alinéa, sous e), de la directive 2003/4/CE du Parlement européen et du Conseil, du 28 janvier 2003, concernant l’accès du public à l’information en matière d’environnement et abrogeant la directive 90/313/CEE du Conseil, doit être interprété en ce sens que la notion de « communications internes » inclut toutes les informations qui circulent au sein d’une autorité publique et qui, à la date de la demande d’accès, n’ont pas quitté la sphère interne de cette autorité, le cas échéant après leur réception par ladite autorité et pour autant qu’elles n’aient pas été ou n’auraient pas dû être mises à la disposition du public avant cette réception.

2)      L’article 4, paragraphe 1, premier alinéa, sous e), de la directive 2003/4 doit être interprété en ce sens que l’applicabilité de la dérogation au droit d’accès aux informations environnementales qu’il prévoit pour les communications internes d’une autorité publique n’est pas limitée dans le temps. Toutefois, cette dérogation ne saurait s’appliquer qu’au cours de la période durant laquelle la protection de l’information requise est justifiée.

Signatures


*      Langue de procédure : l’allemand.